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La république absolue

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Odile Rudelle

Première partie. L'établissement de la IIIe République. 1870-1884

Avant-propos

Volltext

1On l’a souvent dit : né d’une défaite, l’établissement de la IIIe République fut le triomphe de l’esprit de compromis. « Une et indivisible » selon la tradition française, la nouvelle République n’acceptait d’autres assises que le suffrage universel. Pour mesurer l’originalité et l’audace de cette expérience, il suffit de rappeler qu’à cette date les seules Républiques fondées sur le suffrage universel étaient les États-Unis et la Suisse, deux Républiques fédérales dont la tradition était encore de se refuser à avoir une politique extérieure. Ou encore qu’en Grande-Bretagne, la réforme électorale installant un suffrage quasi-universel ne date que de 1885, c’est-à-dire qu’elle arrive près de deux siècles après l’introduction du régime parlementaire.

2On comprend mieux alors, pourquoi près de quinze années seront nécessaires pour donner à la IIIe République sa forme définitive : cinq pour élaborer, avec l’aide conjointe de Thiers, Gambetta, et du duc de Broglie, les trois grandes et fameuses lois sur « l’organisation des pouvoirs publics » ; quatre pour dégager une sorte de jurisprudence constitutionnelle qui devra beaucoup aux qualités de légiste de Jules Grévy ; cinq autres enfin pour traduire en lois les grandes lignes du programme républicain, œuvre à laquelle reste attaché le nom de Jules Ferry.

3Mais la nécessité de compter avec des adversaires demeurés puissants dans le pays va conduire le régime à procéder de façon oblique et à instituer une pratique politique finalement fort différente de la lettre des textes qui le régissent.

4Plus politiste que juriste, nous nous attacherons moins à la description formelle des pouvoirs qu’au déroulement des événements qui ont modifié les structures et articulations réciproques, puisque c’est justement de leurs déficiences en ces domaines que sont nés les projets de révision constitutionnelle. Par exemple, si la lecture juridique ou historique classique fait de l’année 1875 l’année charnière et de l’année 1879 le point terminal de la naissance de la « République des républicains », le point de vue fonctionnaliste qui sera le nôtre attache autant d’importance aux années postérieures. En faisant aboutir avec Jules Ferry, la « révision républicaine », ce sont elles qui donnent enfin le sceau du définitif à un régime installé dans le provisoire depuis quinze ans. Réciproquement, le profil d’équilibre atteint alors par le régime, permet d’une part de mesurer ses insuffisances et, d’autre part, de dessiner la silhouette de tous ceux qui, n’ayant aucune chance d’accéder au pouvoir selon les règles établies, chercheront à modifier les procédures qui conduisent à ce pouvoir.

5Maintes fois raconté, le bref rappel des années qui ont vu d’abord le vote de la République par une assemblée monarchiste, puis le patient investissement de la République par les républicains est néanmoins nécessaire à la suite du propos. Sans cette évocation, le « problème constitutionnel » français serait d’autant moins compréhensible à nos contemporains que, pour le moment au moins, la querelle institutionnelle a disparu de la vie publique française.

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