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La république absolue

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Odile Rudelle

Note liminaire

Texte intégral

1Ce livre est l’adaptation d’une thèse d’État dirigée par François Goguel et soutenue à l’institut d’Études Politiques de Paris en 1979. C’est dire que pensé et écrit dans les années soixante-dix, il paraît au début des années quatre-vingt. Et ce décalage dans le temps renverse la perspective, ou plutôt renvoie définitivement dans le champ historique ce qui à l’origine avait été conçu comme un travail de Science Politique.

2Comment cela ? Traitant des premières années de la IIIe République, cette étude avait pour origine une interrogation sur la Ve République qui vivait alors ses débuts. Interrogation sur ses origines : pourquoi la France nourrissait-elle toujours en son sein un courant favorable au révisionnisme constitutionnel ? Interrogation sur son avenir : la République numéro cinq aurait-elle un avenir plus durable que les précédentes ? En particulier saurait-elle surmonter les crises et les échecs c’est-à-dire trouver une légitimité qui soit plus profonde que celle du prestige de son fondateur ?

3D’où cette remontée dans le temps, cette ambition d’étudier la succession des révisionnismes constitutionnels afin de chercher dans le passé des éléments d’explication pour un avenir toujours vécu comme précaire. Mais bien vite l’ambition d’étudier la succession des révisionnismes s’est révélée non seulement trop vaste mais aussi quelque peu vaine. Révisionnismes de droite, révisionnismes de gauche, tous relevaient finalement de la même cause qui était l’incapacité pour certains groupes sociaux d’obtenir satisfaction par la voie électorale normale. Puisque les règles étaient insatisfaisantes, la tentation de les changer et de les changer même par la violence devenait compréhensible.

4Néanmoins, pour la IIIe République dont la gloire était d’avoir instauré la liberté politique et même, pendant l’entre-deux guerres, d’avoir donné l’exemple d’alternances électorales pacifiques, la constatation était brutale. Et si brutale qu’elle obligeait à abandonner le propos initial pour se resserrer sur l’étude des vingt premières années de façon à quitter le langage habituel et à adopter celui des chiffres qui seul permet de peser le poids des forces en présence : forces électorales lors des grandes consultations, forces parlementaires lors des scrutins décisifs.

5Et l’espoir était toujours le même : traquer les origines et peut-être l’explication de ce qui faisait de la France un cas exceptionnel parmi toutes les grandes démocraties occidentales : un pays qui avait exporté des constitutions dans le monde entier, mais un pays dont les propres institutions étaient toujours contestées par une importante partie de la population. En étudiant les premières années, en essayant de restituer avec leur marge d’incertitude la succession des événements ou des accidents qui, en se reproduisant, avait créé une coutume, peut-être serait-il possible sinon de comprendre le pourquoi mais au moins de suivre la naissance et la croissance de cette loi non écrite qui, chacun le sait, est finalement plus contraignante que toutes les lois écrites.

6Mais est-il besoin de le rappeler ? Depuis le 10 mai 1981 quelque chose de tout à fait nouveau s’est passé dans la France profonde du suffrage universel : pour la première fois depuis 1871, une élection nationale a permis à l’opposition d’investir la tête du pouvoir exécutif. Et de l’investir directement et de la façon la plus claire.

7Est-ce à dire que la France politique s’est banalisée et qu’elle est maintenant mûre pour un régime à l’anglaise fait d’alternances successives et pacifiques de forces opposées ? Ce n’est pas ici le lieu d’en discuter. La seule chose importante est de savoir que sous cette forme radicale l’alternance électorale n’avait jamais existé auparavant.

8Ce « changement » politique devait-il conduire à un remaniement en profondeur du travail ? Après réflexion, seules des modifications de détail ont été apportées : l’analyse électorale a été allégée, tandis que les origines de la rivalité entre Clemenceau et Ferry ont par exemple été développées à la suite des recherches menées à l’occasion du colloque organisé pour le cinquantenaire de la mort de Clemenceau. Pour le reste, le texte est pratiquement inchangé. Il conserve donc la même problématique, celle de la succession des victoires et des défaites qui fondent une coutume, celle de la succession des combats où se joue l’avenir d’un régime. Sans la précarité vécue de la Ve République, il eût été impossible de retrouver celle des débuts de la IIIe République, car en dernière analyse, on ne trouve jamais que les réponses aux questions que l’on s’est au préalable posé.

9Tel est aussi l’objet de cette note liminaire qui, délaissant les considérations méthodologiques habituelles, a simplement voulu expliquer comment une interrogation venue de la Science Politique contemporaine s’est, au fil du temps, transformée en une étude d’histoire politique menée sur une époque qui, après avoir été très commentée, est maintenant plutôt délaissée.

10C’est dire la reconnaissance que je dois aux Publications de la Sorbonne qui m’offrent leur hospitalité. Mais aussi les remerciements que j’exprime à François Goguel qui fut un directeur aussi exigeant que respectueux, à Georges Lavau et Alain Lancelot qui, directeurs du Centre d’Études de la Vie Politique Contemporaine, surent toujours se montrer encourageants et compréhensifs, à la Fondation Nationale des Sciences Politiques enfin, dont la Bibliothèque fut d’une richesse et d’une ressource immense et aux bibliothécaires de la ville de Saint-Dié qui furent d’une inlassable complaisance.

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