Introduction
p. 3-10
Texte intégral
1Pour comprendre la signification du « planisme » et de l’« anti-planisme », nous utiliserons dans les chapitres qui suivent, deux notions : celle du « modèle » et celle du programme.
2Le terme de « modèle » ne sera pas pris dans le sens qu’on lui donne aujourd’hui, quand on parle, par exemple, de « modèle soviétique », c’est-à-dire de l’image que l’on se fait d’une réalité, en l’occurence la révolution russe, – réalité qui fascine et que l’on veut imiter. Le « modèle » désignera ici la cité parfaite, la société idéale, jamais réalisée, comparable à la cité de Dieu pour le croyant, une société d’où l’injustice et l’inégalité seraient à jamais exclues. On parlera de « modèle », car cette cité parfaite forme toujours un ensemble que l’on croit cohérent. Son contenu précis importe cependant moins que l’aspiration au renouveau qu’il renferme : Comme l’Au-delà du croyant, le « modèle » s’intègre dans une perspective eschatologique impliquant une rupture totale – la révolution – dont on ne sait quand elle interviendra, mais dont on fonde la certitude sur les contradictions du présent.
3A la différence du « modèle » qui définit l’idéal, le programme appartient au réel. Il détermine l’action quotidienne que l’on accepte et que l’on propose d’entreprendre en attendant la venue du monde nouveau. Il est nécessaire d’en formuler un, ne serait-ce qu’en période électorale, mais l’ambition du programme reste limitée : De même que pour le religieux, les « œuvres » ne sauraient suffire pour gagner la vie éternelle, le programme ne saurait épuiser la force du « modèle ». Au programme les contingences immédiates, les perspectives électorales, les revendications matérielles ! Au « modèle » les perspectives lointaines et essentielles !
4Cette dualité du programme et du « modèle » a marqué profondément l’origine et les structures de pensée des mouvements ouvriers. Lorsque la C.G.T. et la S.F.I.O. se forment en 1895 et en 1904, elles possèdent chacune un « modèle ». Celui des socialistes s’inspirent d’un marxisme assez simplifié qui se résume à un trait dominant, la « collectivisation » générale de l’économie, d’où doit découler tout le bien du monde. Pour les anarcho-syndicalistes de la C.G.T. l’idéal est une société sans Etat d’où toutes les contraintes sociales auraient disparu. A côté de ces « modèles », les deux organisations disposent également d’un programme, – programme restreint que l’on qualifie de « minimum » pour bien le distinguer précisément du « modèle ».
5Cette coexistence d’un « modèle » révolutionnaire et d’un programme de réformes ne résultait pas tant d’un mélange d’aspirations révolutionnaires et d’aspirations réformistes, que d’un compromis, souvent difficile, entre les grandes tendances qui s’affrontaient au sein de chaque mouvement, – compromis que Jaurès, par exemple, était parvenu à établir dans le parti socialiste en proposant la théorie de « l’évolution révolutionnaire », selon laquelle les réformes devaient préparer, accélérer le moment de la révolution ; cette synthèse lui permettait de faire accepter un programme de réformes un peu plus important, tout en conservant le « modèle ».
6L’équilibre qui s’était établi dans les deux mouvements en fonction des forces en présence et de l’idéologie dominante penchait cependant très nettement en faveur du « modèle ». Le programe demeurait limité, essentiellement revendicatif car défini en deçà d’une discontinuité reconnue comme nécessaire par la très grande majorité des militants. On se battait pour des améliorations immédiates (les grandes journées d’action s’organisaient sur le thème de la journée des huit heures), non pour des « réformes de structure » susceptibles de faire évoluer progressivement le régime capitaliste. Même en réclamant « la mine aux mineurs », les anarcho syndicalistes de la C.G.T. poursuivaient un objectif purement corporatiste. Quant à la majorité « guesdiste » de la S.F.I.O., elle n’attendait des quelques nationalisations qui figuraient à son programme, que des améliorations matérielles de la condition ouvrière : le maintien du « modèle » socialiste, la perspective révolutionnaire d’une socialisation générale de l’économie, interdisait de reconnaître aux « socialisations » une valeur propre en régime capitaliste.
7L’usage du programme était tout aussi limité que son contenu. L’objectif n’était pas tant sa réalisation immédiate, le principe d’un exercice du pouvoir en régime capitaliste maintenu étant formellement écarté ; le programme devait être au service d’une propagande de lutte de classes qui devait accélérer le processus de la révolution, c’est-à-dire le bond vers le « modèle ».
8Mais dans l’entre-deux-guerres, le mouvement socialiste et le mouvement syndicaliste français allaient être confrontés à des réalités et à des problèmes qui remirent en question cette conception traditionnelle du programme. Problèmes économiques : le capitalisme se transforme, traverse des crises graves, mais ne meurt pas contrairement aux prédictions d’un certain marxisme. L’ampleur de ces crises, – celle de l’immédiate après guerre et la Grande Crise de 1929 –, impose en revanche une action d’envergure si l’on veut enrayer les conséquences sociales qu’elles entraînent. Problèmes politiques : dans les années vingt, le parti socialiste remporte des succès électoraux qui ne lui permettent plus d’écarter systématiquement la perspective d’un exercice du pouvoir ; dans les années trente, la montée du fascisme lui fait également découvrir la vulnérabilité des régimes démocratiques et pose d’une manière pressante les problèmes de sa responsabilité, responsabilité d’autant plus grande que sa puissance ne cesse de s’accroître.
9Mais ainsi, le problème du dépassement de la vieille dualité du programme et du « modèle » se trouvait renouvelé. Le socialiste belge Henri de Man écrivait alors : « Il faut supprimer la différence entre le programme minimum pratique et le programme maximum théorique, expression du décalage entre le but final et les moyens, entre l’idéal et la réalité »1. Telle est l’exigence fondamentale que formulèrent les planistes dans l’entre-deux-guerres, et que résume ici l’un des inspirateurs de ce mouvement. Les planistes se proposèrent, en effet, de dépasser l’ancienne dualité pour définir un programme adapté aux réalités nouvelles, un programme non plus limité par la perspective du « modèle » révolutionnaire et ne se contentant plus de revendications stimulantes mais un programme complet et cohérent définissant tous les moyens d’action possibles et nécessaires, tant dans le domaine économique (en prévoyant des « réformes de structure »), que dans le domaine politique et stratégique. Ce programme, ils l’appelèrent le « plan ».
10Par rapport à l’ancienne notion de programme, l’idée du plan impliquait donc une révision doctrinale très profonde : L’idéal socialiste cessait d’être distinct et « pénétrait » (pour reprendre un mot cher aux réformistes de cette époque) tout le dispositif du plan. Les « réformes de structure » répondaient certes à des préoccupations immédiates (la lutte contre la crise par une plus grande maîtrise de l’économie) mais elles étaient également reconnues comme un moyen de transformer le régime capitaliste, de le dépasser pour instaurer un régime meilleur, plus juste, plus conforme à l’intérêt général.
11L’histoire du plan s’apparente ainsi à l’histoire du révisionnisme socialiste, révisionnisme auquel le nom de Bernstein est attaché et auquel Léo Hamon, dans un livre consacré au socialisme et à ses pluralités, a restitué son sens et sa portée véritables2. Le plan était parvenu, dans l’entre-deux-guerres, à concilier les deux impératifs d’un réformisme conséquent : les nécessités de l’action immédiate et l’idéal conçu comme les finalités permanentes qui inspirent et orientent cette action.
12Mais, comme tout révisionnisme, le plan n’allait-il pas susciter des résistances ? Plan ou programme ? Révision doctrinale ou maintien de l’orthodoxie ? Tel est le débat qui divise dans l’entre-deux-guerres, le mouvement ouvrier français : La C.G.T. accepte la révision et se rallie au plan. La S.F.I.O. la refuse et renoue avec la vieille dualité du programme et du « modèle ». Choix différents qui impriment les voies divergentes qu’empruntent les deux organisations de gauche.
13 Dès le lendemain de la guerre, la C.G.T. s’engage dans la voie qui la conduit au plan. Au congrès de juillet 1918, son secrétaire général, Léon Jouhaux lance le mot d’ordre qui inspirera toute la démarche « planificatrice » du mouvement syndical : « Maximum de production, dans le minimum de temps, pour le maximum de salaires, avec l’augmentation générale de la consommation de tous, voilà, dit-il la formule qu’il faut réaliser, et pour la réaliser, il faut examiner les problèmes économiques »3. Désormais les programmes du mouvement syndical n’auront plus que de lointains rapports avec les anciens programmes « corporatistes » d’avant guerre : ils s’enrichissent de « réformes de structure », de projets d’organisation économique et de mesures destinées à instaurer ce que l’on appelle déjà une économie dirigée ou planifiée.
14Cependant, jusqu’à la crise des années trente, la C.G.T., sortie du syndicalisme révolutionnaire, hésite encore et ne trouve pas immédiatement un nouvel équilibre. Elle veut, au lendemain de la guerre, participer à l’effort national de reconstruction, mais elle se heurte à des résistances qu’elle n’avait pas prévues. L’hostilité des forces de droite jointe à la pression très vive d’une minorité révolutionnaire nouvelle qui se développe peu à peu en son sein, l’entraine dans un mouvement de grève qui l’écarte de l’orientation qu’elle s’était tracée. Renouant avec certaines tendances anarchistes, la C.G.T., dans le désordre économique de l’après guerre, nourrit le rêve utopique d’une « planification sans Etat ». C’est l’échec des grèves de 1920 et, bientôt, la scission du mouvement syndical, – une scission qui affaiblit la C.G.T. mais qui lève définitivement chez elle l’hypothèque révolutionnaire.
15Au cours des années vingt, la C.G.T. s’engage dans une expérience nouvelle, celle de la « politique de présence ». L’échec des grèves de 1920 lui a fait prendre conscience des contraintes qui pèsent sur son effort même. Comprenant qu’il n’est pas possible d’envisager une réforme profonde du régime en niant le rôle et la puissance de l’Etat, elle entreprend alors d’agir dans le cadre de l’Etat et de faire pression sur les pouvoirs publics pour obtenir des réformes. Lorsque, bientôt se développe le mouvement de « rationalisation » qui modifie profondément les conditions de production et de travail, c’est encore vers l’Etat qu’elle se tourne pour qu’il prenne en main et conduise cette évolution, car elle perçoit déjà le risque d’une surproduction. Mais ses efforts restent vains et la « politique de présence » se solde par un nouvel échec : La C.G.T. réclamait des réformes, elle n’en obtint qu’une seule, bientôt remise en question par la crise : les assurances sociales. La voie du syndicalisme apparaissait alors, selon l’expression de Georges Lefranc, comme « une voie sans issue », comme « un réformisme sans réformes »4. Avec la « politique de présence », l’idée de planification avait progressé chez les syndicalistes, mais le problème stratégique que posait la réalisation de leurs projets, demeurait posé.
16 Lorsque survint la Grande Crise et que se propagea dans les milieux syndicalistes et socialistes internationaux la formule du plan, la C.G.T. s’y rallia immédiatement. L’originalité du plan tenait, en effet, à deux idées neuves qui apparaissent aujourd’hui prophétiques et sur lesquelles se cristallisèrent alors les espoirs du syndicalisme : celle de l’économie dirigée et celle du rassemblement.
17– L’idée de l’économie dirigée, sous jacente dans les projets que la C.G.T. avait élaborés depuis la fin de la guerre, est formulée dans le plan de façon explicite et systématique. Face aux désordres engendrés par la crise, le plan ne se borne pas, comme le faisaient jusque-là les programmes de la gauche, à opposer aux politiques déflationnistes menées par les gouvernements successifs, une politique contraire de relance par l’augmentation du pouvoir d’achat. Considérant cette crise, non plus comme une crise « cyclique » mais comme une crise « structurelle », il propose pour y remédier non plus seulement des « réformes de répartition » mais aussi des « réformes de structure », piliers d’une nouvelle économie planifiée. La cohérence du plan tient à la précision avec laquelle ces mesures sont définies et s’imbriquent par rapport à l’objectif visé. Par là encore, le plan se distingue du programme : « Un programme, écrivait Henri de Man, est une simple énumération de revendications ; le plan est un ensemble de mesures conditionnées par leur cohésion »5.
18– La deuxième idée neuve qu’adopteront plus tard des hommes comme Pierre Mendès France et comme le général de Gaulle, est celle du rassemblement politique. Les planistes ont été les premiers à vouloir, dans le contexte difficile des années trente, déborder les frontières traditionnelles de la gauche et de la droite et élargir le champ d’influence du socialisme en rassemblant autour de leur plan, toutes les forces sociales victimes de la crise. Cette stratégie leur paraissait essentielle pour réaliser les mesures économiques qu’ils préconisaient et pour faire front à la menace grandissante du fascisme. Cependant, là aussi, il ne s’agissait pas d’un simple vœu : les planistes entendaient forger ce rassemblement et le plan devait constituer le pôle d’attraction et le ciment nécessaire. Son attrait était attendu de sa cohérence, des « idées-force » qu’il renfermait et de l’engagement précis qu’il comportait : « Nous allons faire telle chose à échéance fixe », écrivait encore Henri de Man. A la différence du programme qui « esquissait des désirs », le plan « précisait une volonté » ; il prenait l’engagement de résoudre la crise dans un délai déterminé.
19Le plan proposait ainsi une réponse claire et cohérente aux problèmes de la crise. Avec lui, la C.G.T. trouvait enfin l’instrument qu’elle attendait dans sa recherche d’un réformisme équilibré et conséquent.
20 L’évolution de la S.F.I.O. fut toute autre. Au lendemain de la guerre, la majorité du parti entendait préserver l’originalité de son « modèle » et contenir un développement excessif de son programme. Elle refuse donc dans les années vingt de s’engager dans la voie de la planification, comme l’y invite la C.G.T. Son programme, cependant, se transforme. La présence dans les Assemblées parlementaires contraint, en effet, les socialistes à formuler des propositions précises face aux mesures gouvernementales. En abordant des domaines nouveaux, financiers et fiscaux notamment, le programme socialiste s’enrichit et cesse d’être purement revendicatif. Tout en voulant servir avant tout le « modèle », la majorité de la S.F.I.O. reconnaissait, en fait, que l’on pouvait faire des choses importantes sans révolution préalable. N’était-ce pas d’ailleurs ce qui, depuis 1920, distinguait le courant socialiste du courant communiste ?
21Cependant, le programme socialiste ne parvenait pas à pénétrer, comme celui de la C.G.T., au cœur des problèmes économiques. La dualité du programme et du « modèle » fixait une limite aux « réformes de structure » ou plus exactement à ce que pouvait représenter un ensemble cohérent de « réformes de structure » : Le maintien de l’idéal révolutionnaire – l’appropriation collective des moyens de production – empéchait de concevoir la possibilité de maîtriser l’évolution du capitalisme et, à fortiori, de résoudre ses crises grâce à un ensemble de « réformes de structure » qui auraient permis d’instaurer une économie dirigée et de dépasser le régime actuel en le transformant de l’intérieur. La reconnaissance de ces réformes et de leur efficacité appelait une révision doctrinale que la majorité du parti refusait.
22Les succès électoraux remportés par les socialistes soulevèrent bientôt un autre problème : celui de l’exercice du pouvoir. Ce problème allait dominer toute l’évolution du parti et être à l’origine de la grande controverse qui opposa l’aile droite « participationniste » et la majorité de gauche. La première souhaitait répondre aux offres de participation adressées par le parti radical en acceptant un programme d’alliance ; la seconde était hostile par principe à toute expérience politique en régime capitaliste. Ce ne fut que très tardivement que le parti se rallia à la solution qui sera celle du Front populaire et qui consistait à résoudre le problème de l’exercice du pouvoir par la définition d’un programme commun aux différents partis alliés. L’idée semble admise en 1932 mais on voit alors s’affronter les deux ailes du parti : la droite, de plus en plus pressante, minimise les conditions d’acceptation de la participation prévues dans ce qu’on appelle alors « les Cahiers de Huyghens », tandis que la majorité cherche à « maximiser » ces conditions pour les rendre inacceptables. La majorité restait ainsi fidèle à la vieille dualité qui limitait l’usage du programme en en faisant un simple instrument d’une propagande de classes subordonné au « modèle ». Mais cette dualité répondait-elle aux problèmes posés ? Alors que la crise s’aggravait, n’entravait-elle pas la clairvoyance des socialistes à l’égard des problèmes économiques ? N’engendrait-elle pas l’immobilisme sur le plan politique ? Et, à l’intérieur même du parti, n’avait-elle pas cessé de jouer le rôle de synthèse unitaire qu’elle avait exercé à l’époque de Jaurès ?
23Loin de rapprocher les deux ailes du parti, le plan devint, dans les années trente, le nouvel enjeu de leur conflit : l’aile droite adhéra au planisme en opposant l’ambition du plan à la timidité du programme tandis que la majorité de gauche, fidèle à son « modèle », opposa la perspective de la « socialisation générale » de l’économie contenue dans ce « modèle » à celle d’une « socialisation partielle »– d’un « régime intermédiaire »– que les planistes néo-socialistes prétendaient réaliser grâce au plan. La plupart des socialistes furent mobilisés par cette querelle interne et par un débat doctrinal dans lequel les véritables problèmes de la crise – l’accroissement du chômage et la montée du fascisme –, étaient totalement occultés.
24Pourquoi la majorité de la S.F.I.O. refusa-t-elle le plan ? La résistance que Léon Blum lui oppose apparaît, en effet, étonnante : Alors qu’il proclame que seuls les socialistes au pouvoir sont capables de mettre fin à la crise et peuvent réduire la menace du fascisme qui se précise après le 6 février 1934, pourquoi refuse-t-il le plan et s’en tient-il à un programme qui n’atteint ni l’ampleur ni la cohérence du plan ?
25Poser cette question revient à s’interroger sur la fonction du « modèle », mais elle implique également d’évoquer le contexte extérieur, les conditions de l’environnement qui commandent la stratégie socialiste. Jusqu’en 1936, la S.F.I.O. applique une stratégie de classe qui vise à l’union des forces de gauche brisée depuis 1920. Léon Blum nourrit même pendant longtemps l’espoir d’une réunification avec les communistes. Or, s’il est à gauche un parti plus que réticent à l’égard du plan, c’est d’abord le parti communiste, au début, peut-être, parce qu’il y voit un rabaissement de l’exigence révolutionnaire, mais par la suite, surtout un obstacle au grand rassemblement des classes moyennes qu’il juge nécessaire pour lutter contre le fascisme. Faut-il rappeler que les communistes seront les plus réticents à l’inscription de « réformes de structure » dans le programme du Front populaire ?
26Réticence de l’allié communiste, mais réticence également dans la psychologie des socialistes qui maintiennent la dualité du programme et du « modèle ». Croyant pouvoir réaliser « l’unité organique », c’est-à-dire la fusion du parti socialiste et du parti communiste Léon Blum et la majorité de la S.F.I.O. insistent sur la communauté des buts doctrinaux. Les « réformes de structure », utilisées comme thèmes de propagande, sont alors présentées comme des « socialisations », comme l’implication du « modèle » socialiste, – une conception qui en excluait une autre et qui empéchait l’approfondissement du programme dans le sens du plan. Finalement, ce n’est que très tardivement, en juin 1937, après une expérience qui aura souffert de l’absence d’une économie dirigée, que Léon Blum se ralliera au plan. Mais l’heure du plan n’avait-elle pas déjà sonné ? On en reparlera plus tard, en d’autres circonstances, au moment de la Libération...
27 Le planisme de la C.G.T. et l’antiplanisme de la S.F.I.O. apparaissent ainsi comme l’expression de deux réformismes totalement différents. Ce qui conduit la C.G.T. au plan, c’est la recherche d’un réformisme qui se veut conséquent, un réformisme qui s’est affranchi de l’idée de la révolution et qui se veut « complet ». L’antiplanisme de la S.F.I. O, est, au contraire, l’expression d’un réformisme limité, d’un réformisme qui n’ose dire son nom et qui ne renonce pas au langage révolutionnaire. Pluralité du réformisme qui demeure permanente et dont il serait aisé de retrouver la trace dans les diverses tendances qui animent aujourd’hui le parti socialiste, même si les termes du débat ont évolué depuis lors.
28Mais si, dans l’entre-deux-guerres, la C.G.T. et la S.F.I.O. suivent des voies tellement différentes, c’est que leur situation n’est pas la même : l’une est unie sur l’essentiel, l’autre est divisée entre deux ailes farouchement antagonistes. L’étude de l’idée du plan permettra de confronter l’évolution de ces deux réformismes, de comprendre ce que furent les contraintes de chacun et de suivre leur logique à travers les différents épisodes de l’entre-deux-guerres.
*
* *
Notes de bas de page
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Métro, dépôts, réseaux
Territoires et personnels des transports parisiens au XXe siècle
Noëlle Gérôme et Michel Margairaz (dir.)
2002
Policiers dans la ville
La construction d’un ordre public à Paris (1854-1914)
Quentin Deluermoz
2012
Maurice Agulhon
Aux carrefours de l’histoire vagabonde
Christophe Charle et Jacqueline Lalouette (dir.)
2017
Autonomie, autonomies
René Rémond et la politique universitaire en France aux lendemains de Mai 68
Charles Mercier
2015