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Le retour des prisonniers de guerre français

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Christophe Lewin

Chapitre I. Les origines de la fédération nationale des prisonniers de guerre

Texte intégral

1L’histoire de la Fédération Nationale des Prisonniers de Guerre est inséparable de celle des institutions qui furent chargées, pendant la guerre, de veiller au sort des P.G. et de leurs familles. En effet, la Fédération est le produit direct de la fusion de certaines de ces organisations.

2Le Commissariat Général aux Prisonniers de Guerre a, dans ce cadre, une place de choix. Il procura à la F.N.P.G. la majorité de ses premiers cadres ; il fonda, contrôla, coordonna et dirigea l’orientation de ses associations et leurs activités à partir de l’automne 1941. D’autre part, l’action de diverses associations en faveur des Prisonniers, de leurs familles et des rapatriés, instaura des modes d’organisation, des procédures, des traditions et des moyens d’action dont hérita la Fédération. Celle-ci intégra en même temps des milliers d’hommes formés par leurs activités précédentes, devenus « spécialistes » de problèmes causés par la captivité et rompus au traitement des rapatriés et de leurs familles.

3Il est donc nécessaire de commencer toute recherche consacrée à la Fédération par l’historique de ces associations, dès leur création jusqu’à leur fusion finale au sein de la F.N.P.G.

4Toutefois, on ne peut négliger dans ce cadre de souligner l’importance de la Résistance P.G. Bien que minoritaire dans le milieu des rapatriés, comme d’ailleurs dans la société, elle eut une influence sans proportion avec ses dimensions sur l’esprit, la mentalité et l’image des prisonniers. En effet, la lutte rendit aux vaincus de 1940 leur honneur. Elle prouva incontestablement que les prisonniers qui reçurent une deuxième chance surent faire preuve d’autant de patriotisme que n’importe quel autre groupe social. Et, une fois la victoire acquise, elle plaça les rapatriés dans le camp des vainqueurs, leur permit de parler haut et fort, apportant un argument de choix à leur plaidoyer pour l’obtention du titre de « Combattant ».

5La Fédération est le fruit de la fusion des Centres d’Entraide – la grande association sociale s’occupant des prisonniers et de leurs familles – et du Mouvement National des Prisonniers de Guerre et des Déportés – l’organisation unitaire de la Résistance Prisonniers. Comme nous le verrons, il ne s’agissait pas, dans ce cas, de choses totalement distinctes.

1. LES INSTITUTIONS S’OCCUPANT EN FRANCE DES PRISONNIERS ET DE LEURS FAMILLES

  • 1 M.T. Chabord : « Les Services des P.G. à Vichy », in : Revue d’Histoire de la IIe Guerre Mondiale, (...)

6Les premières institutions, chargées de parer aux souffrances et à la détresse causées en été 1940 par la captivité de la majorité de l’armée française, surgissent immédiatement après la défaite. A l’origine, il s’agit surtout de rassurer les familles, les renseignant sur le sort de leurs proches. A cette fin, le préfet de la Seine crée, dès le 6 juillet 1940, le « Centre National d’informations sur les Prisonniers de Guerre », chargé de centraliser les renseignements sur les P.G. afin d’en informer les familles1.

  • 2 La quantification des P.G. français, tombés aux mains des Allemands pendant la Campagne de France, (...)

7Bientôt, la détention par les Allemands d’un million huit cent mille captifs et l’envoi d’un million et demi d’entre eux dans les « Stalags » et « Oflags » d’Allemagne posent des problèmes si graves qu’il faut organiser, au plus vite, toutes les bonnes volontés individuelles et faire appel à l’Etat pour parer au plus urgent2.

8Au Ministère de la Défense Nationale, la Direction du Service des Prisonniers de Guerre (D.S.P.G.) prend, à la fin du mois de juillet 1940, la suite du Service des P.G. constitué dès 1939. Ses tâches sont : l’accueil des rapatriés (jusqu’en juin 1941), l’envoi de colis collectifs dans les camps, le règlement de soldes, les délégations, la transmission de documents administratifs ou juridiques et la constitution d’un fichier central.

  • 3 Association Dossier P.G.-Rapatriés : Dossier P.G.-Rapatriés 1940-1945, Asnières, J. Védrine Editeur (...)

9En novembre 1940, le Gouvernement Français décide d’assurer lui-même la fonction de la « Puissance Protectrice » de ses prisonniers. A cette fin, est créé, le 16.11.1940, le « Service Diplomatique des Prisonniers de Guerre » (S.D.P.G.) (Mission Scapini) ayant comme but d’assurer l’application de la Convention de Genève sur le sort des P.G. et de mener avec le Gouvernement Allemand les négociations touchant aux P.G. et à leur libération3.

  • 4 Ibid. Chapitre 4.

10Des services spécialisés dans le traitement des problèmes des Prisonniers de Guerre s’établissent au sein de nombreuses administrations. Dès août 1940, il y a un « Service des P.G. » au Ministère de l’Education Nationale ainsi qu’au Ministère de l’Agriculture et du Ravitaillement. Un Bureau des Affaires Franco-Allemandes et des Prisonniers voit le jour au Secrétariat d’Etat à la Production Industrielle et un « Service du Reclassement Professionnel » procède à partir de janvier 1941 au recensement professionnel des P.G. dans le cadre du Secrétariat d’Etat au Travail4.

11Mais l’administration n’est pas capable de se mesurer seule aux conséquences d’un problème aussi grave, touchant des couches si larges de la population. Il faut donc que des associations privées et des organisations semi-officielles tentent de parer aux détresses matérielles et aux souffrances individuelles.

  • 5 Ibid. Chapitre 19.

12La Croix-Rouge Française (C.R.), constituée en juillet 1940, peut avoir, grâce à ses affiliations internationales, une action particulièrement efficace. Financée par des subventions publiques et des sources propres, elle participe à la collecte de renseignements sur la situation des P.G. Elle importe des vivres mises à la disposition des familles et des œuvres pour la constitution des colis destinés aux camps et s’occupe de leur acheminement. La C.R. se charge aussi du parrainage des P.G. sans famille, assure les liaisons entre les camps et les organisations compétentes, participe à l’accueil des rapatriés et met à leur disposition des centres médico-sociaux5.

  • 6 Ibid. Chapitre 15.

13Le « Délégué Général du Gouvernement Français dans les Territoires Occupés » crée à la fin de juillet 1940 à Paris le Comité Central d’Assistance aux P.G. (C.C.A.P.G.) destiné à coordonner et à compléter l’action des organisations s’intéressant aux Prisonniers de Guerre. Cette organisation s’applique à la coordination de toutes les initiatives en faveur des prisonniers et de leur famille, la distribution collective de livres, de vêtements et de vivres dans les « Front Stalags », ainsi qu’à la collecte et à l’expédition dans les camps de 800 000 colis individuels par mois. A partir du 11 septembre 1940, le C.C.A.P.G. sera rattaché à la D.S.P.G. (Ministère de la Défense)6.

  • 7 Ibid. Chapitre 23.

14La « Famille du Prisonnier » est une ramification du « Secours National ». Créée en avril 1941, elle a l’avantage de disposer d’un personnel administratif et social permanent dans tous les départements et les grands centres urbains. Ceci lui permet d’effectuer des visites sociales à domicile, de mener des enquêtes, de prodiguer des secours divers aux foyers des P.G., veillant à la situation de leurs enfants, et d’assister les prisonniers rapatriés nécessiteux7.

  • 8 Ibid. Chapitre 24.

15Parallèlement à l’action de l’Administration et des organisations de bienfaisance, s’organise l’entraide de diverses catégories sociales créées par la captivité. La première de ces organisations réunissant des femmes de prisonniers se constitue à Roanne, à la fin de 1940. Des associations similaires voient bientôt le jour à Lyon, Grenoble, Marseille, Valence, Bourg, Montluçon, Toulouse, etc. Le besoin de coordonner leur action les amène à constituer en août 1941 une Fédération des Associations de Femmes de Prisonniers qui étend dès l’hiver 1941-42 son action à la zone occupée sous le nom de « Service de Femmes de Prisonniers ». Les activités fort variées de ce groupe consistent à créer des permanences, à organiser des réunions générales, à effectuer des visites, à entreprendre des démarches, à organiser des colonies de vacances et, inévitablement, à constituer des centres de confection de colis. L’organisation agit, en fin de compte, comme un syndicat représentatif de cette catégorie. Deux chiffres indiquent l’importance numérique de l’organisation : en 1943, leur Fédération publie un journal tiré à 130 000 exemplaires ; en avril, elle compte 72 associations départementales auxquelles adhèrent 200 000 adhérentes8.

  • 9 Ibid. Chapitre 8.

16« Les Aumôneries de Prisonniers de Guerre » dont l’action commence déjà en automne 1940 veilleront à faciliter la vie religieuse dans les camps et à prodiguer aux P.G. le secours spirituel, tout en assistant matériellement et moralement leurs familles9.

  • 10 Ibid. Chapitre 10.

17Les étudiants P.G. seront assistés par un « Centre d’Entraide aux Etudiants Mobilisés et Prisonniers » qui tâchera de leur permettre de continuer leurs études en envoyant aux camps des centaines de milliers de livres d’études, des textes de cours, de conférences, des lettres, des périodiques, des revues et des recueils d’informations universitaires10.

  • 11 Interview de Verrier, 24.3.1982.
  • 12 Dossier, op. cit., Vol. II, M. Pinot, pp. 22-25 et J. Cornuau, pp. 13-15.

18Le regroupement et l’organisation des prisonniers rapatriés commencent, à une petite échelle, dès les premiers retours11. Les rapatriés cherchent à rétablir des liaisons régulières avec les camps, tout en établissant le contact avec les familles de leurs amis restés en captivité. Toutefois, cette tendance est freinée en zone occupée par l’interdiction des réunions, et, en zone libre, par le contrôle strict de la police et la rivalité de la « Légion ». Le regroupement des P.G. rapatriés dans des « Centres d’Entraide » et « Centres d’Entraides de Camps » ne recevra une impulsion rapide qu’avec la constitution du Commissariat au reclassement de P.G. rapatriés et à l’afflux, en 1941, de prisonniers libérés ou évadés12.

19Des groupements politiques de l’époque essaieront de récupérer les familles des P.G. ainsi que les rapatriés, représentant à leurs yeux une clientèle potentielle alléchante.

20« L’Association des Prisonniers de Guerre 1939-40 » (A.P.G. 1939-40) est fondée à Paris en janvier 1942 par les partis collaborationnistes sur instigation allemande. Elle se fixe deux objectifs principaux :

  1. pousser les P.G. et leur famille à soutenir la politique de collaboration franco-allemande,

    • 13 Ibid., Vol. I, Chapitre 7.

    obtenir la libération de la masse des prisonniers en échange de ce soutien13.

  • 14 Ibid., Chapitre 26.

21« La Légion Française des Combattants », créée en août 1940, s’efforce de regrouper tous les Anciens Combattants afin d’assurer leur collaboration à l’œuvre des pouvoirs publics et faire connaître et appliquer la doctrine et les directives du Maréchal. Possédant un monopole sur le milieu d’« Anciens Combattants », elle essaiera d’intégrer les organisations autonomes des Prisonniers de Guerre, créant en son sein un service social pour les P.G. et leurs familles14.

  • 15 Ibid., Chapitre 28.

22« Le Mouvement Prisonniers » a pour but d’engager les P.G. rapatriés et leurs familles dans une action de soutien au régime. Constitué en août 1943 par André Masson, deuxième Commissaire Général aux P.G., il intègre les militants de l’« A.P.G. 39-40 ». Cette organisation, de tendance collaboratrice, se dissout en effet au début de 1943, en appelant ses membres à rejoindre le mouvement de Masson. Celui-ci tentera aussi de transformer les équipes civiques du « Mouvement Prisonniers » en « Service d’Ordre Prisonnier » – sorte de milice destinée à intervenir contre le marché noir, les attentats, les manifestations15.

23Toutefois, les résultats de l’action de ces organisations seront très limités, sinon dérisoires. La masse des rapatriés se trouvant, comme nous le verrons, ailleurs.

24La première année de la captivité vit donc la création d’un grand nombre d’administrations et d’organisations s’occupant de P.G. Toutes ensemble disposaient d’un potentiel matériel et humain considérable et l’aide dispensée aux familles, ainsi qu’aux milliers de rapatriés, était importante. Toutefois la dispersion des efforts, le manque de coordination, les rivalités, les problèmes de compréhension et le besoin de se mesurer à des problèmes inédits limitaient l’efficacité de cette aide.

2. LE COMMISSARIAT GÉNÉRAL AU RECLASSEMENT DES PRISONNIERS DE GUERRE RAPATRIÉS ET AUX FAMILLES DE PRISONNIERS

  • 16 Plus de 80 % des P.G. étaient âgés de 20 à 35 ans. Près de 60 % d’entre eux étaient mariés et plus (...)
  • 17 L’ampleur du problème se comprend si l’on se souvient que le volume total de la population active f (...)

25La prolongation de la captivité de près d’un million et demi d’hommes, bien au-delà des limites paraissant logiques lors de la conclusion du traité d’armistice, et l’impossibilité de prévoir la fin de cette situation dramatique obligèrent le gouvernement à considérer le problème sous un aspect tout différent. La détention d’une telle masse d’hommes jeunes et actifs, chargés très souvent du soutien matériel de leur famille, posait des problèmes sociaux et matériels fort importants16. D’autre part, le changement de structures économiques en France et les bouleversements que connut la société pendant l’occupation ainsi que la rupture prolongée des liens qui attachaient les prisonniers à leurs emplois obligèrent bientôt les autorités à envisager la réintégration sociale des P.G. libérés et leur reclassement professionnel. Le problème devint brûlant en 1941 avec le rapatriement et l’évasion de 239 000 hommes de leurs camps17.

  • 18 Dossier, op. cit., Vol. II, M. Pinot, p. 5 et Interview de J. Védrine, 13.3.1981.

26Le gouvernement envisagea donc, à l’automne 1941, de créer un « Commissariat au Reclassement des P.G. Rapatriés ». Pour diriger la nouvelle administration, on fit appel à Maurice Pinot, jeune officier de réserve, libéré à cette fin de son « Oflag ». Issu d’une famille de la grande bourgeoisie, fils du fondateur du Comité des Forges, journaliste économique, puis attaché au Cabinet de CJ. Gignoux, le Président de la Confédération Générale du Patronat Français, ayant de nombreuses relations politiques, l’homme semblait posséder toutes les qualités et les garanties nécessaires18.

  • 19 Loi S7T7. J.O. du 14.10.1941. Article 2, In : Dossier, op. cit., Vol. 1, Chapitre 16, p. 4.

27Le Commissariat créé par la Loi publiée au Journal Officiel le 14.10.1941, avait au départ un but limité : Le reclassement professionnel et la réintégration sociale des P.G. rentrants. Mais la loi lui conférait dans ce domaine le droit « d’animer, de coordonner et de suivre l’action des divers services publics ainsi que du « Secours National », qui représentait lui-même, en vertu de la loi du 4.10.1940, les organismes privés contribuant à l’assistance matérielle, intellectuelle et morale des Anciens Prisonniers »19. Le Commissariat « coiffait » donc de fait l’ensemble des institutions publiques et privées s’occupant des P.G. et de leurs familles et cette situation augmenta considérablement son champ d’action potentiel.

28Le Commissaire entreprit immédiatement d’organiser son Commissariat, nommant à tous les postes des prisonniers récemment libérés. Pierre Join-Lambert, Maître de requêtes au Conseil d’Etat, prisonnier dans le même Oflag que M. Pinot et rapatrié avec lui, devint Secrétaire Général du Commissariat. Un autre ami de l’Oflag, Henri Guérin, ingénieur, parlant parfaitement l’allemand, fut nommé Directeur du Commissariat pour la zone occupée. La direction de la zone libre fut confiée successivement à H. Guitton, B. Ariès, R. Ruiller et G. Baud, tous libérés d’Oflags – les deux premiers : compagnons de captivité du Commissaire. La quasi-totalité des autres postes de responsabilité fut remise aux mains de P.G. rapatriés.

  • 20 Dossier, op. cit., Vol. II, M. Pinot, pp. 16-17, J. Védrine, p. 13 ; F. Mitterrand, p. 2.

29Pour rendre l’équipe du Commissariat représentative de ses administrés, le Commissaire et ses principaux adjoints s’efforcèrent de recruter les libérés des Stalags, issus de couches sociales différentes, qui s’étaient distingués comme organisateurs et comme meneurs d’hommes dans les camps et y avaient souvent exercé des fonctions représentatives (hommes de confiance). F. Mitterrand, J. Védrine et bien d’autres y furent reçus à bras ouverts après leur évasion ou leur rapatriement20.

  • 21 Ibid., Ph. Amaré, p. 1, J. Cornuau, pp. 9-10, M. Bernard, pp. 1-2.

30Le Commissaire, ayant eu l’occasion d’apprécier le dévouement et l’efficacité des syndicalistes lors de son passage à la C.G.P.F., tenta d’embaucher dans son administration des anciens cadres de la C.G.T. Sa rencontre avec Jean Cornuau, fondeur typographe à l’imprimerie Nationale, qui fut avant la guerre membre du Comité Intersyndical du Livre (C.G.T.) amena au Commissariat l’adhésion de toute une équipe de ce syndicat qui développa très vite une activité intense sur le terrain en y organisant des « Maisons du Prisonnier » et des « Centres d’Entraide »21.

  • 22 F. Mitterrand écrivait déjà le 15.12.1941, dans l’Ephémère, journal du Stalag IX A : « Ah ! Certes, (...)

31L’origine des cadres du Commissariat et l’esprit et la mentalité particulière qu’ils ramenèrent de captivité transformèrent cette administration en syndicat voué au sort de la catégorie qu’elle gérait. Leur appartenance intégrale au milieu leur permit d’exploiter à fond l’esprit animant les rapatriés. En effet, la majorité des P.G. « rentrés dans leur foyer » n’étaient guère disposés à « tirer leur épingle du jeu ». L’impression d’avoir été abandonnés, oubliés, d’être considérés « comme morts » par leurs compatriotes, qu’ils eurent pendant les longs mois passés dans les camps, ne se dissipa guère avec le retour au pays22.

32Retrouvant leur ville ou rentrant au village, ils s’apercevaient soudain que la vie y était presque normale, que la population considérait la guerre comme finie et accordait toute son attention aux questions d’ordre matériel.

  • 23 Dossier, op. cit., Vol. II, M. Pinot, p. 10.
  • 24 Ibid., p. 33.

33« La captivité pour le reste des Français faisait aussi partie de cet ensemble de malheurs inévitables auxquels il valait mieux ne pas trop penser... (Les prisonniers) avaient raison de se croire oubliés. Ils l’étaient effectivement sauf pour leurs proches23. » Les rentrants étaient très souvent considérés comme malchanceux ou malhabiles et accueillis comme intrus ou gêneurs. Leurs souffrances et privations dans les camps paraissaient, vues de France, comme des « vacances »24.

  • 25 Ibid., Vol. II, V. Ponchel, p. 1 ; P. Verrier, pp.1, 4 ; Ph. Amaré, p. 2.

34Face à l’incompréhension, les rapatriés ressentirent le besoin de resserrer les rangs. La solidarité et l’entraide, apprises dans les camps, aidant, les cadres du Commissariat encouragèrent les tentatives de regroupement des ex-prisonniers. Face à l’indifférence d’une partie du public, outrés par le paternalisme dont faisaient preuve les diverses associations s’occupant des P.G. et exaspérés par leur caractère de « bienfaisance », ils adoptèrent une politique qui tendait à charger les rapatriés de veiller eux-mêmes au sort de leurs camarades restés en Allemagne, ainsi qu’à celui de leurs familles25.

  • 26 Ibid., M. Pinot, pp. 13-14.

35Le nouveau Commissaire décida d’installer ses services dans la capitale. En effet, sa connaissance de la centralisation administrative le poussait à croire qu’une telle mesure accroîtrait l’efficacité de son administration. Son séjour à Vichy lui fit découvrir une atmosphère qui provoqua en lui un « certain malaise ». Dans la capitale occupée, la situation semblait beaucoup plus nette et l’éloignement des ministères ainsi que l’étanchéité de la ligne de démarcation procuraient au Commissariat une marge d’autonomie fort appréciée26.

36Devant tenir compte de la situation, le Commissariat s’organisa autour du « Secrétariat Général » qui lui servit de noyau central – et de deux directions de services : une pour la zone occupée et une pour la zone libre. L’exécution des décisions venant de Paris appartenait à des Inspecteurs Régionaux recrutés par les Directeurs de Services des deux zones.

A. Les Maisons du Prisonnier

  • 27 Pour comprendre la problématique de la réintégration, il faut se souvenir du fait que parmi les 239 (...)

37L’afflux en 1941 de plus de 200 000 rapatriés força le Commissaire à accorder la priorité à leur accueil et leur réintégration. Les problèmes qui assaillaient ces hommes, une fois rentrés, étaient en effet nombreux. Les démarches longues et compliquées de la démobilisation n’étaient que le début d’une « Via Dolorosa » qui passait souvent par le besoin de trouver un emploi, l’obligation de faire face aux problèmes familiaux, aux difficultés financières, au besoin de se refaire une santé, de trouver des aides matérielles permettant de tenir les premiers mois27. La découverte par les rentrants d’une réalité inconnue de pénurie, de difficultés d’approvisionnement, de tickets de rationnement à laquelle ils n’étaient pas préparés ne facilitait guère les choses.

38Il était donc essentiel de préparer aux rapatriés un accueil aussi efficace et chaleureux que possible, limitant le nombre de démarches nécessaires, tout en leur épargnant les courses irritantes entre les services et les bureaux réglementant leur situation et leur procurant l’aide nécessaire.

  • 28 Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre 27, pp. 2-4. L’entretien des fonctionnaires détachés échut aux (...)

39La solution adoptée fut radicale. Le Commissariat décida de créer dans chaque département un lieu central d’accueil pour les rapatriés. Il s’agissait de réunir dans un seul local les représentants de tous les services administratifs et des organisations privées s’occupant des rentrants. Le rapprochement physique de fonctionnaires et délégués abrégeait et simplifiait considérablement les démarches, tout en améliorant la coopération entre les services. Un Directeur de la « Maison du Prisonnier », nommé par le Commissariat et dépendant de lui, était chargé d’animer et de coordonner le travail de l’équipe. C’était aussi un des rares employés recevant leur traitement du Commissariat28.

40Du point de vue administratif, les Maisons du Prisonnier étaient, selon l’expression de M. Pinot lui-même, des « monstres » que le pouvoir public n’aurait jamais pu tolérer en temps normal.

  • 29 Ibid., Vol. II, M. Pinot, p. 30.

« Elles n’étaient ni des établissements publics, ni des organismes privés agréés, n’avaient pas de statut, pas même d’existence légale. Des fonctionnaires d’Etat étaient placés sous les ordres d’agents d’un organisme semi-public et recevaient des instructions du Commissariat avec lequel ils n’avaient pas de liens hiérarchiques29. »

41Hélas, on était bien loin du temps normal et le Commissaire sut profiter du désordre propre à l’époque pour primer l’efficacité de l’institution aux dépens du respect des formes.

  • 30 Ibid., Vol. I, Chapitre 27, p. 3.

42La première « Maison du Prisonnier » devant servir de modèle aux suivantes fut ouverte à Paris le 15.12.1941. Jean Cornuau – ex militant C.G.T. – lui-même rapatrié d’un Stalag, en devint directeur. Conformément à la conception du Commissariat, tous les responsables de services étaient d’anciens P.G. et le personnel féminin composé de femmes de prisonniers30.

43Le P.G. rapatrié pouvait trouver dans sa « maison » un représentant du Secrétariat du Libéré (C.C.A.P.G.) s’occupant d’aide matérielle telle que loyers, impôts, fonds de commerce, licences, prêts, attributions de matières premières, dommages de guerre, assistance juridique et aide professionnelle ; un Service de Reclassement Professionnel (Ministère du Travail) chargé de la réintégration professionnelle du rentrant ou de recherches de solutions compensatoires de placement des rapatriés et de femmes de P.G. ; un Service Social (Famille du Prisonnier – Secours National) fournissant dons et prêts aux rapatriés et aux familles de P.G. et leur procurant des secours en nature, vêtements, linge, dépannages divers ; un Service Médical (C.R.) chargé de toutes les questions médicales pour les familles de P.G. et les rapatriés, ainsi que de la recherche des disparus ; un Service de Renseignements Militaires (Ministère de la Défense) s’occupait des relations avec les prisonniers, des colis, des envois de fonds, des renseignements sur la solde, du remboursement des marks, des pensions, des décorations ; un Service de Renseignements Agricoles (Ministère de l’Agriculture) fournissait aux rapatriés des renseignements sur la législation et la règlementation agricole et sur les mesures prévues en faveur des P.G. ruraux ; un Secrétariat des Centres d’Entraide et une représentation des Amicales de Camps dont les activités seront décrites plus loin.

  • 31 Pour la création et l’organisation des Maisons de Prisonniers, se référer au Dossier, op. cit., Vol (...)

44En plus de ces services, la Maison du Prisonnier procurait souvent l’hospitalité à un Bureau de Renseignements du S.D.P.G. (Mission Scapini) pour les relations avec les camps, à une délégation de l’Office du Combattant et du Mutilé, à un Bureau d’informations de « Toute la France » (sic !), à une permanence des Aumôneries et à un Bureau Scolaire et Universitaire (C.E.A. des étudiants P.G.)31.

45La Maison du Prisonnier de Paris, ouverte officiellement le 22.1.1942, s’étant avérée un succès incontestable, d’autres institutions de ce genre furent inaugurées les unes après les autres et, en avril 1942, il existait déjà une quarantaine de « Maisons » en zone occupée.

  • 32 Ibid., Vol. I, Chapitre 27, pp. 6-7.

46La première Maison du Prisonnier en zone non occupée ne fut ouverte qu’en juin 1942. En octobre de la même année, 122 « Maisons » et leurs annexes fonctionnaient déjà dans presque tous les départements. Leur nombre était de 151 à la Libération. L’institution ayant fait preuve de son efficacité, elle fut adoptée par le Ministère Frenay et devint la pierre angulaire du dispositif de réintégration des P.G. après la Libération. 230 Maisons et annexes fonctionnèrent à l’apogée du « Grand Retour » en été 194532.

B. Les Centres d’Entraide (C.E.A.)

47Les Centres d’Entraide, deuxième réalisation du Commissariat, devaient poser par la suite les bases de la future F.N.P.G.

  • 33 .. « seule l’entraide semblait compter... Nous devions songer à ceux qui étaient encore en Allemagn (...)

48Les rapatriés de certaines régions tentèrent, dès le début, de se regrouper afin de mener une action commune en faveur de leurs camarades restés en captivité et de leurs familles. Les longs mois passés dans les camps avaient créé une mentalité qui les poussait à la rencontre de leurs « pairs ». Le dépaysement ressenti lors du retour et les déceptions qui les avaient attendus leur conféraient une identité bien définie qui encourageait la création de liens et une volonté d’action commune33.

  • 34 Ibid., E. Ader, pp. 1-2.
  • 35 Ceci est vrai surtout pour la période 1941-1944. Après la Libération, les Amicales connurent une ce (...)

49Les premières organisations réunissant des P.G. furent, tout naturellement, les « Amicales de Camps » touchant les rapatriés d’un même « Stalag »34. Mais la conception même de leur organisation par camp d’origine limitait leur poids et leur influence. Le nombre des rapatriés d’un seul et même camp était minime dans la plupart des régions et les « Amicales » ne purent avoir une réalité qu’à Paris et dans quelques grands centres urbains35.

50Le Commissariat, désirant encadrer la quasi-totalité des rapatriés dans une action pour l’entraide et la solidarité envers les P.G. restés dans les camps, obligé de contourner officiellement l’interdiction de tout rassemblement non agréé, allait opter pour une structure toute différente. Le mode d’organisation le mieux adapté à la volonté de regroupement de rapatriés devait se baser sur le principe d’action commune, sans aucune distinction entre les ressortissants de camps différents et les diverses catégories de P.G.

  • 36 Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre II.
    Voir aussi Vol. II, Pinot, pp. 22-25, et pour la région pari (...)

51La formule finalement adoptée fut celle du Centre d’Entraide Local, constitué dans chaque canton ; parfois, quand le nombre de rapatriés le permettait, dans chaque commune ou arrondissement. Comme pour les « Maisons du Prisonnier », on expérimenta d’abord le procédé dans la région parisienne. Philippe Amaré, ex-militant C.G.T. du Syndicat du Livre, organisa à partir de la « Maison du Prisonnier » de Paris un réseau des « Centres » qui s’étendit à toute l’Ile-de-France. Les responsables, permanents ou bénévoles, recensèrent très vite les rapatriés de leur secteur, entreprenant des nombreuses activités, variant d’un endroit à l’autre36.

  • 37 Ibid., Vol. II, J. Védrine et J. Cornuau.
    La volonté d’assurer l’indépendance des C.E.A. amena le Co (...)

52Les C.E.A. devinrent rapidement les antennes locales des « Maisons », leur permettant un contact direct et immédiat avec les rapatriés et les familles des P.G. Un « Comité Départemental » coordonnait l’action des C.E.A. locaux et ses représentants siégeaient à la « Maison » du Département. Malgré cela, leur autonomie était complète. Le Commissariat, fort soucieux d’empêcher toute mainmise politique sur cette organisation, s’efforça de lui donner une structure vague et cloisonnée. Toutefois, le besoin d’assurer aux C.E.A. une couverture légale, nécessaire à l’action devant l’opinion et aux contacts avec les autorités méfiantes, l’obligea à officialiser leur existence le 26.5.1942 pour la zone occupée et le 5.6.1942 pour la zone non occupée. George Baud puis Jean Cornuau furent nommés directeurs des C.E.A. de la zone Nord et Jean Védrine de celui de la zone Sud37.

53L’activité des Centres variait beaucoup selon les besoins, les moyens, les circonstances locales, les capacités et le dynamisme des dirigeants. Elle consistait généralement en :

  • recensement et regroupement des rapatriés,

  • détection des rapatriés et des foyers de P.G. nécessiteux,

  • visites à domicile,

  • dépannage matériel,

  • organisation de repas, de goûters, de spectacles, de colis,

  • octroi de bourses scolaires,

  • dépannage financier,

  • ouverture de livrets d’épargne pour les P.G.,

  • représentation des P.G. dans les commissions locales compétentes,

  • aide individuelle pour le reclassement professionnel et l’obtention de logements,

  • présence des permanences de renseignements dans les maisons de P.G.,

    • 38 Pour l’activité des C.E.A., lire les témoignages de :
      M. Bernard : C.E.A. du 13e arrondissement,
      J. V (...)

    prise en charge de démarches38.

  • 39 Ibid., Vol. I, Chapitre II, p. 5.

54Les Centres d’Entraide, présentant la meilleure réponse à un besoin certain, connurent une expansion rapide. A la fin de 1942, il existait déjà 2 230 C.E.A. en zone occupée et 437 en zone libre39.

55La constitution du Commissariat au Reclassement des Prisonniers de Guerre rapatriés, l’inauguration des « Maisons du Prisonnier » et le déploiement de l’activité des « Centres d’Entraide » constituent le premier pas dans la voie qui mène à la création de la Fédération Nationale des Prisonniers de Guerre.

  • 40 Pour la législation en faveur des P.G., voir Pinot. Ibid., Vol. II, pp. 25-28. Elle fut partielleme (...)

56Les rapatriés redécouvrirent « que l’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même ». Ils apprirent à apprécier l’efficacité de l’aide de l’Etat et s’instruisirent à l’utiliser intelligemment, coordonnant les efforts tout en s’appuyant sur une vaste entreprise législative en faveur de la catégorie40. Par la suite, ils expérimentèrent des outils précieux comme les « Maisons du Prisonnier ».

57Les C.E.A. permirent d’implanter le noyau d’une organisation de P.G. libérés dans chaque localité, de coordonner leur action au niveau départemental d’abord, à celui de la zone ensuite.

58L’activité intense des C.E.A. et des Maisons instaura un climat d’estime et de confiance entre les familles de P.G. restés en captivité, les rapatriés et les institutions qui s’engagèrent à veiller sur leur sort. Elle habitua le milieu au besoin de s’organiser et créa des habitudes de solidarité et d’entraide. Les deux institutions permirent aussi d’expérimenter l’efficacité des méthodes d’accueil et de réinsertion sociale et professionnelle qui prouvèrent leur valeur après la Libération.

59Mais avant tout, elles donnèrent à toute une couche de dirigeants l’occasion de se découvrir, se faire connaître et apprécier, apprendre à mener des hommes et accumuler une expérience hors pair dans la gestion des associations de P.G., dans le traitement et la solution de leurs problèmes et dans leur représentation face aux pouvoirs. Une génération de « professionnels des questions P.G. » s’y formait « sur le tas ».

C. Le Commissariat Général et Vichy

60Il serait impossible de décrire l’action du Commissariat, des Maisons de Prisonniers et des Centres d’Entraide sans s’intéresser à leur attitude face à Vichy, ou à leur orientation politique.

  • 41 J.-M. d’Hoop. Propagande et Attitudes Politiques. Le Cas des Oflags. Revue d’Histoire de la IIe Gue (...)
  • 42 Interviews de J. Védrine, 13.3.1981 et 11.6.1981.
    Interview de L. Devaux, 18.5.1981.
    Interview de L. (...)
  • 43 Interview de R. Paumier, 10.11.1981.
  • 44 Interview de L. Devaux, 18.5.1981.
    Voir aussi Durand, La Captivité, op. cit., pp. 343-345.

61Il est certain que la défaite aussi totale qu’inattendue des Armées Françaises au printemps 1940 fut considérée par les prisonniers comme preuve suprême de la faillite de l’ordre établi et comme la révélation même de la pourriture du régime et de l’incapacité de ses dirigeants. Pétain apparut donc à leurs yeux comme le sauveur providentiel auquel ils vouèrent un véritable culte et une piété quasi-religieuse41. La grande majorité des prisonniers, manquant de formation politique, fut ainsi vivement intéressée par le nouveau régime et ses réformes. Les réalités de la collaboration effective du gouvernement avec l’occupant furent longtemps ignorées dans les camps. Habitués à la nécessité d’une négociation avec les Allemands afin de faciliter leur vie de captifs, les P.G. concevaient fort bien que le régime en fasse de même pour tenter d’alléger le poids de l’occupation. Les déclarations publiques du Maréchal et des autres personnalités furent considérées comme des astuces et la thèse du « double jeu » y était largement acceptée42. Les « Cercles Pétain », constitués officiellement dans les camps afin d’y répandre la doctrine de la Révolution Nationale, contribuèrent aussi à rendre aux P.G. une image positive et patriotique de la France et même les cellules communistes, constituées dans les stalags, n’essayèrent pas de contrecarrer leur action43. Les cercles servirent d’ailleurs d’outil de choix dans le combat contre les groupes collaborationnistes, comme « Jeune Europe » ou « Collaboration », qui se formaient dans les camps sous l’égide allemande44.

62Même rentrés et devant faire face à la réalité, la majorité des rapatriés ne condamna pas clairement Vichy et Pétain. Obligés de constater les effets de la collaboration, ils préférèrent absoudre le Maréchal, tout en condamnant sévèrement l’action de Laval et de ses proches qui abusaient, à leurs yeux, du vénéré vieillard.

  • 45 Durand, La Captivité, op. cit., pp. 360-361.

63Toutefois, connaissant mieux que leurs compatriotes les Allemands et ayant pu constater sur place le caractère et le fonctionnement du régime nazi, l’énorme majorité des rapatriés adopta une attitude nettement plus claire quant à la collaboration avec l’occupant ; l’Allemand était et restait l’ennemi45.

  • 46 La première Maison du Prisonnier – celle de Paris – fut ouverte, de fait, le 15.12.1941. La premièr (...)
  • 47 Ibid., Vol. I, Chapitre II, p. 5.
  • 48 Voir les luttes de M. Pinot contre l’A.P.G. 1939-40.
    Ibid., Pinot, pp. 36-37.
    A noter aussi le passag (...)

64Il semble donc que l’ouverture de Maisons du Prisonnier en zone occupée, sept mois avant celle de la première Maison en zone libre, n’est pas accidentelle46. De même l’instauration des C.E.A. d’abord en Ile-de-France et en zone nord, et la disproportion à la fin de 1942 entre le nombre des C.E.A. de la zone occupée (plus de 3 000) et ceux du territoire dépendant de Vichy (± 500), n’est pas l’œuvre d’un hasard47. Bien sûr la proximité du siège du Commissariat et des autres administrations, la grande concentration des rapatriés dans la région de la capitale et les démêlés avec la « Légion » en zone sud expliquent partiellement le phénomène. Mais il semble aussi que le Commissariat ait tenté dans son action d’empêcher d’abord la mainmise de partis collaborationnistes sur les rapatriés, tentant de sauvegarder sa clientèle d’influences de ce bord48.

65L’appréciation du caractère politique de l’action du Commissariat dans la zone libre et de ses relations avec le Régime de Vichy est nettement plus difficile.

66M. Pinot – le Commissaire Général – a été considéré par les cadres qu’il recruta et dirigea pendant 16 mois comme le « Chef » et le « Mentor » du groupe. Son témoignage nous est donc essentiel afin d’apprécier leurs options.

  • 49 Interview de J. Védrine, 13.3.1981.

67L’homme est énigmatique ! Possédant l’étoffe d’un chef et les capacités d’un meneur d’hommes, ayant fait ses preuves comme Commissaire Général, il passa sa vie à tirer les ficelles, laissant le devant de la scène à d’autres. Ayant acquis au Commissariat la notoriété et possédant dans ce milieu un prestige personnel considérable et une influence importante, il contribua à l’orientation de la résistance P.G. et à la création de la Fédération Nationale des Prisonniers de Guerre, s’efforçant de minimiser l’importance de sa contribution personnelle49.

  • 50 Dossier, op. cit.. Vol. II, Pinot, pp. 42-46.
    Cette présentation des choses éveilla des critiques vé (...)

68Le premier Commissaire Général aux Prisonniers se présente dans son « témoignage » comme un spectateur intelligent et lucide de la scène politique française d’avant-guerre. Profondément républicain, l’homme revint de captivité avec des idées fort justes et originales, en ce temps, quant aux causes de la défaite. Mal à l’aise dans le climat ambigu de la zone libre, s’opposant à la Révolution Nationale, il se trouva en désaccord fondamental avec ce que représentait à ses yeux Vichy50.

  • 51 Il est incontestable que les fonctions exercées par Pinot dans le cadre du Gouvernement de Vichy mo (...)

69Toutefois, cette présentation cohérente et rationnelle éveille le scepticisme de l’historien par la date de sa rédaction. Sans se permettre de douter de la véracité du témoignage d’un homme réputé pour son intégrité et sa droiture, il est légitime de se demander dans quelle mesure la date de la composition de son mémoire (1980) a pu fausser la perspective d’un personnage hautement doué, handicapé sa vie durant par l’exercice de sa fonction dans le cadre du Gouvernement de Vichy51.

70Il ne nous reste donc qu’à juger selon les faits !

  • 52 Dossier, op. cit., Vol. II, Pinot, p. 44 et J. Védrine. Interview du 11.6.1981.

71Incontestablement, l’appartenance à l’administration dépendant du Gouvernement de Vichy ne posa aucun problème de conscience aux Cadres du Commissariat. D’abord, parce que le Vichy de Darlan n’était pas encore déconsidéré dans la mesure où il le fut au temps de Laval et les rapatriés n’étaient guère hostiles au régime ; ensuite, parce que seul l’Etat et ses moyens énormes pouvaient parer aux problèmes causés par les dimensions de la captivité. L’Etat étant à Vichy, les rapatriés, cadres du Commissariat, s’y retrouvèrent, persuadés d’y remplir un devoir envers leurs camarades et le pays52.

  • 53 Dossier, op. cit., Vol. II, Pinot, pp. 44-45 et 51.

72La conception de base de l’action du Commissariat était « Autonomie et Prudence ». On s’efforça donc de regrouper les rapatriés hors de toute ingérence politique. On combattit les prétentions de la « Légion Française des Combattants » au monopole sur toutes les activités d’Anciens Combattants des deux guerres et on limita l’influence de l’A.P.G. 39-40, que le Commissariat ne contrôlait pas, sur la communauté des rapatriés53.

  • 54 Ibid., Guérin, p. 15 ; Issartel, p. 7 ; Pinot, pp. 58-59.

73Ayant été tenté un instant par le principe de la « Relève », le Commissariat protesta contre son application, y voyant une duperie et exigea que ses conditions exactes soient publiquement précisées54.

  • 55 Ibid., Guérin, p. 35 ; Issartel, pp. 9-10 ; Pinot, pp. 66-67 ; Védrine, pp. 22-23.

74Le refus du Commissaire et de ses collaborateurs d’apporter la caution de leurs administrés à la politique de Laval provoqua finalement la révocation de Pinot le 13.1.1943 et son remplacement par André Masson, collaborateur notoire, récemment rapatrié55. Les cadres du Commissariat n’acceptèrent pas le changement. Liés à leur « patron » par des liens d’estime, de respect, parfois d’admiration, ils refusèrent de cautionner une mutation de direction annonçant avant tout un changement radical de la ligne politique. La grande majorité des cadres démissionna donc avec éclat et passa en quelques mois à la résistance active, entraînant à sa suite les éléments radicaux du groupe, s’appuyant dans son action sur les structures du Commissariat (Maisons de Prisonniers et C.E.A.).

  • 56 On retrouve dans les témoignages de nombreuses marques de sympathie et d’estime envers la personne (...)

75Le Commissariat s’étant donc trouvé en opposition à la politique de collaboration active du deuxième gouvernement Laval, se borna à remplir ses fonctions dans un esprit strictement « fonctionnaire » et attentiste. Il fit de son mieux pour limiter l’action des organismes orientés par ses services au social, éludant le politique. Un des principes de l’action était déjà : sauvegarder l’unité par le moyen de la neutralité. Le personnel ne dut jamais répondre à des questionnaires concernant ses activités politiques d’avant-guerre. Scapini y était respecté et l’on collaborait volontiers avec ses services mais, en même temps, on recrutait des cadres C.G.T., des évadés, des personnes partageant des opinions anti-allemandes, et on maintenait des contacts avec des résistants P.G.56.

  • 57 Voir par exemple ce passage particulièrement significatif dans le « Témoignage » de J. Cornuau (apr (...)
  • 58 Ibid., G. Thévenin, p. 2.
  • 59 Ibid., J. Védrine, pp. 24-26.

76Etait-on Pétainiste ? Au début, sans doute57. Mais les choses évoluèrent. Georges Thévenin, militant communiste et résistant, crut, une fois embauché en automne 1943 à la Maison de Prisonniers de Paris, que celle-ci était un « symbole de Vichysme ». Une connaissance plus ample de cette « Maison » et de son personnel l’amena à modifier sérieusement son opinion première58. La personnalité du Maréchal ne fut jamais totalement déconsidérée dans ce milieu, même quand on constata son incapacité personnelle à diriger les affaires de l’Etat59. Il y eut certes des activités clandestines et des débuts d’action de résistance à l’intérieur des structures du Commissariat avant la fin de 1942. Toutefois, la résistance massive, organisée et structurée des prisonniers de guerre, dirigée en grande partie par les cadres démissionnaires, ne commence – ce qui est significatif – qu’après la révocation de Pinot de son poste de Commissaire Général.

77Nous pouvons donc estimer que l’attitude des cadres du Commissariat était dès le début anti-allemande, donc anti-collaborationniste. Quant au régime de Vichy, ils lui apportèrent pour la plupart, à l’origine, leur soutien. Toutefois, l’ambiguïté de ses relations avec l’occupant et son glissement constant sur la pente de la collaboration augmentèrent leur méfiance et précipitèrent leur éloignement. Leur action fut avant tout civique et sociale, apolitique et attentiste. Ils essayèrent consciemment de « manger le gâteau tout en le laissant entier ». Appartenant à l’administration, s’appuyant sur l’Etat et ses moyens, ils menèrent une action exemplaire en faveur de la catégorie qu’ils représentaient, persuadés d’accomplir un devoir. Mais, en même temps, ils essayèrent jusqu’au bout de ne pas payer le prix politique tout en restant sur place et en se retranchant derrière une attitude de non-allégeance, impossible pour un organisme dont dépendait une clientèle si nombreuse et importante. Refusant de cautionner la politique de Laval, ils se retrouvèrent au début de 1943 dans l’opposition à Vichy et passèrent à la Résistance. Toutefois, à l’origine de cette traversée des lignes se trouve la révocation de Maurice Pinot par Laval, signifiant le refus de Vichy d’admettre plus longtemps l’attentisme de son équipe prêchant la prudence parmi ses administrés.

78Quoi qu’il en soit, nous avons dans notre cas un exemple unique d’une administration se voulant représentante fidèle des intérêts de ses administrés, débutant à Vichy, passant massivement à la Résistance et se retrouvant à la tête de la même catégorie sociale après la Libération. L’itinéraire personnel de François Mitterrand est de ce point de vue exemplaire : prisonnier évadé, cadre du Commissariat, animateur principal du R.N.P.G., chef du M.N.P.G.D., secrétaire général du Ministère des P.D.R. à la Libération, vice-Président de la Fédération Nationale des Prisonniers de Guerre en 1945, Ministre des Anciens Combattants en 1946. Idéalisme ? Opportunisme ? Fidélité ? Comme chez Pinot et beaucoup d’autres probablement un peu de tout cela à la fois.

3. LA RÉSISTANCE P.G.

  • 60 Les C.E.A. de la région parisienne menaient déjà au milieu de 1942 des activités de ce genre. Ibid. (...)
  • 61 Ibid., F. Lessage, p. 2, P. Garino, p. 2.

79Le besoin pressant d’assister les évadés força les associations s’occupant des P.G. à faire leurs premiers pas dans la voie de la clandestinité. Le problème de la légalité ne se posait même pas. Y avait-il chose plus naturelle pour un ex-P.G. que d’aider un camarade évadé même si le « dépannage » nécessitait la fourniture de faux papiers ou l’organisation de filières d’évasion ?60 Les C.E.A., établis près de la ligne de démarcation, organisèrent des passages d’évadés, aidant aussi des juifs et d’autres éléments fuyant la zone occupée61. La continuité et le prolongement de ces activités menèrent un certain nombre de cadres du Commissariat, de dirigeants des Maisons de Prisonniers et de membres de C.E.A. vers la résistance.

  • 62 Ibid., M. Pinot, p. 88.
  • 63 Henri Nogueres. Histoire de la Résistance en France, Paris. Robert Laffont, 1972. Vol. II, pp. 629- (...)

80« Un mouvement de résistance des Prisonniers de Guerre ? Et pourquoi pas celui des coiffeurs ? » aurait dit Charles de Gaulle à François Mitterrand lors de leur entrevue à Alger, à la fin de 194362. Mais les propos du Général ne prouvaient que le manque de compréhension qui devait caractériser par la suite ses rapports avec la société P.G. Le mouvement de résistance P.G. répondait à un besoin certain « d’union des hommes qui (avaient) le sentiment d’appartenir à une catégorie sociale particulière, en raison de l’expérience qu’ils ont vécue dans les camps et de la solidarité qui les (liait) à leurs camarades restés derrière les barbelés63. » De plus, le milieu des prisonniers rapatriés étant relativement clos, le recrutement pouvait s’y faire avec le minimum de risques. Le passé commun, récent, était propice à créer la confiance mutuelle et le sentiment de complicité nécessaires à toute action clandestine.

  • 64 Dossier, op. cit., Vol. II, Pinot, p. 81.

81La création d’un mouvement de résistance P.G. avait aussi un but politique précis. La possibilité de la défaite allemande et de la Libération apparaissant pour la première fois probable, il fallait que les prisonniers soient présents comme tels dans le camp des futurs vainqueurs. « Si la communauté P.G. n’était pas représentée dans cet ensemble, elle risquait, au moment de la libération d’être à la fois dévalorisée et diluée64. »

82La cristallisation, au printemps 1944, de toute la Résistance P.G. en un seul mouvement, le M.N.P.G.D., réunissant les diverses organisations clandestines des rapatriés, n’est que l’aboutissement d’un processus qui commence avec la constitution en 1942 de divers petits groupes s’occupant d’activités clandestines. Ces groupes n’ayant au début qu’une action locale au contenu mal défini, vers des buts voilés, se transformeront au courant de l’année 1943 en trois organisations de résistance de Prisonniers rapatriés d’obédience et de caractère différents :

  1. Le Rassemblement National des Prisonniers de Guerre (R.N.P.G.) constitué autour d’anciens cadres du Commissariat.

  2. Le Mouvement de Résistance des Prisonniers de Guerre et Déportés (M.R.P.G.D.) de tendance gaulliste.

  3. Le Comité National des Prisonniers de Guerre d’obédience communiste.

83Conformément à un ordre reçu d’Alger, les trois mouvements fusionneront en une seule organisation de résistance affiliée au C.N.R.

A. Le R.N.P.G. (Mouvement Pinot-Mitterrand)

  • 65 Notre description de la constitution du R.N.P.G. se base, entre autres, sur l’Historique de la Créa (...)

84Le R.N.P.G. dénommé souvent mouvement ou groupe « Pinot-Mitterrand » sera par son organisation, le nombre de ses adhérents et son influence sur le milieu P.G., de loin le plus important des mouvements de Résistance Prisonniers. Sa mise sur pied effective comme mouvement organisé se situe au début de 1943 et est le résultat de la fusion et de la coordination des activités de plusieurs groupes différents, constitués, pour la plupart, sur les marges du Commissariat au Reclassement des Prisonniers et aux Familles de Prisonniers de Guerre65.

  • 66 Pour le C.A.P., voir Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre 9.

85Le premier de ces groupes fut organisé par le capitaine de la Légion Etrangère, A. Mauduit, rapatrié en tant que « Colonial » en 1941. Il procura dès le début aux évadés, aux juifs et aux réfractaires de tout bord, un refuge dans l’exploitation agricole qu’il avait louée à Montmaur dans les Hautes-Alpes. Agissant d’abord de façon totalement indépendante, il prit bientôt le contact avec certains cléments liés à des activités du Commissariat, notamment des cadres du Centre d’Action Prisonnier (C.A.P.) de Lyon66.

86Mauduit abrita dans son refuge plusieurs réunions. Les premières d’entre elles réunirent en août et septembre 1942 des animateurs du C.A.P. Lyonnais, des cadres des C.E.A. de l’Allier et du Puy-de-Dôme et quelques fonctionnaires du Commissariat. Le résultat immédiat de ces rencontres fut une extension considérable de l’aide aux évadés et aux irréguliers de toutes origines que procurait déjà Montmaur. La troisième de ces rencontres se tint en février 1943 après l’occupation de la zone libre, la révocation de M. Pinot et la démission de la plupart des cadres du Commissariat. On peut donc la considérer comme réunion constitutive du R.N.P.G.

  • 67 Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre 29, pp. 7-8.
    Historique, op. cit., pp. 17-19.

87Les rencontres de Montmaur jetèrent les bases d’une action de Résistance organisée, et les participants devinrent par la suite les cadres du mouvement qui y avait été créé67.

88Le C.E.A. de l’Allier fondé au début de 1942 par Marcel Barrois, fonctionnaire au Secrétariat Général du Travail, assisté par François Mitterrand, Cadre du Commissariat Général aux P.G., constitue le deuxième noyau d’origine. Il se spécialisa dans l’organisation de filières d’évasion vers l’Espagne ainsi que dans la préparation de faux papiers. Son action clandestine le mit en contact avec le C.E.A. du Puy-de-Dôme exerçant des activités similaires, avec le C.A.P. de la zone sud ainsi qu’avec le groupe de Montmaur.

89Le troisième de ces noyaux est le Centre d’Action Prisonnier (C.A.P.). Il s’agit d’un organisme inspiré par M. Pinot, créé à Lyon au début de 1942, destiné à procurer aux rapatriés un centre de réflexion concernant l’avenir de la nation et la place des P.G. en son sein. Le C.A.P. constitua dans la zone sud plusieurs noyaux régionaux, s’orientant vers une réflexion politique et ses animateurs principaux (E. Gagnaire, M. Haedrich, J. de Montjoye) s’engagèrent progressivement dans la résistance. En novembre 1942, à la suite du débarquement allié en Afrique du Nord et de l’invasion de la zone sud, ces dirigeants décidèrent de saborder l’organisation, entraînant dans la résistance active la majorité de ses membres.

  • 68 Historique, op. cit., pp. 10-13.

90Le quatrième noyau, nettement plus hétéroclite, est composé d’une multitude de petits groupes en marge des structures du Commissariat qui s’orientèrent spontanément vers une action clandestine autonome. Ils s’occupent à l’origine d’organisation de filières d’évasion, de passage d’aviateurs alliés, d’hébergement d’irréguliers, de fabrication de faux papiers. Ces groupes voient le jour à la Maison du Prisonnier et au C.E.A. de Nice (Griaulet, Cappeletti, Merli) au sein des Maisons de Lons-le-Saunier, Bourg, Mâcon, à l’inspection Régionale du Nord-Pas de Calais (Ripert, Ponchel) à l’inspection Générale de Toulouse (Vivien) etc. Ils seront repérés dès les premiers mois du développement cohérent de l’action du R.N.P.G. et s’intégreront au mouvement, en lui procurant des structures régionales et départementales. L’intégration de ces éléments sera considérablement facilitée par le passage à la Résistance des principaux cadres du Commissariat ayant démissionné de leur poste à la suite de la révocation du Commissaire Général68.

  • 69 Dossier, op. cit., Vol. II, Chigot, pp. 2-3 ; Mitterrand, p. 5 ; Védrine, pp. 26-29.
  • 70 Historique, op. cit., pp. 13-17.

91Le 2 février 1943, s’étant concertés avec M. Pinot, les démissionnaires de la zone sud se réunirent à Bellegarde-en-Marche dans la Creuse. On y retrouve P. Chigot – chargé des Relations Extérieures du Commissariat, J. Védrine – Directeur des C.E.A. de la zone sud, A. Magne – Inspecteur Général du Commissariat, G. Van Batten – Directeur des Maisons du Prisonnier de la zone sud, F. Mitterrand – Chef du Service de l’information du Commissariat pour la zone sud. La réunion est consacrée à l’étude des moyens de continuer dans la clandestinité l’action sociale ainsi qu’à l’organisation de l’opposition à A. Masson et à la politique de Laval69. Quelques jours plus tard, se tient à Montmaur une autre réunion à laquelle participent les représentants de divers groupes déjà cités. Quelque temps après, la direction naissante acquiert deux recrues de choix : J. Benet et Pol Pilven – camarades de F. Mitterrand, ayant déjà des activités de résistance, qui sont attirés vers le mouvement par leur amitié envers Mitterrand et la rencontre de Pinot70.

  • 71 Ibid., pp. 20-23.
  • 72 Ibid., p. 24.

92Les bases du R.N.P.G. ayant ainsi été posées, son action initiale se développe d’abord en zone sud où existent des conditions propices et sont implantés les groupes déjà engagés dans l’action clandestine. Les fonds – condition sine qua non de toute action – seront versés dès mars 1943 par 1’0. R.A. à la suite de contacts entre M. Pinot et le Général Revers. Ces ressources permettront de structurer le mouvement autour de 4 permanents : F. Mitterrand, M. Barrois, J. Benet et Pol Pilven71. Le financement du R.N.P.G. par 1’0. R.A. sera assuré jusqu’à la fin de l’occupation, mais, dès septembre 1943, s’y ajoutent des fonds octroyés par le mouvement « Combat »72.

  • 73 Ibid., p. 25.

93La direction du R.N.P.G. a dès le début un aspect collégial. En plus de quatre permanents, déjà cités, on y retrouve A. Mauduit, J. de Montjoye et M. Pinot. Le P. C. du mouvement s’installe à Vichy qui lui procure la proximité du P. C. de l’O.R.A., le support logistique de l’officine de faux papiers du C.E.A. de l’ Allier et les commodités de liaison avec les deux zones73.

  • 74 Ibid., pp. 26-29.
    Le rôle des cadres du Commissariat y est prépondérant : le responsable département (...)

94En peu de temps, le R.N.P.G. crée, en s’appuyant sur les structures du Commissariat des directions départementales dans le Jura, l’Ain, la Haute-Savoie, l’Isère, l’Ardèche, les Hautes-Alpes, et installe un maquis à proximité de Montmaur74. L’implantation dans le Lyonnais, grâce aux noyaux du C.A.P., permet d’organiser dès juin 1943 la première région, dont la direction est confiée à E. Gagnaire, syndicaliste C.G.T. connu, ex-animateur du C.A.P. de Lyon.

  • 75 Historique, op. cit., pp. 34-36.
  • 76 Ibid., pp. 38-42.

95Le « Rassemblement » étend progressivement son action vers l’Auvergne et le Bourbonnais, Toulouse et les Pyrénées, la Provence et la Côte d’Azur, et établit des noyaux de résistants dans le Bas-Languedoc75. Fin printemps 1943, l’action s’étend vers la zone nord et on y trouve des groupes actifs dans les départements lorrains, en Bretagne et en Normandie76.

  • 77 Ibid., pp. 43-44.

96Le déploiement des activités à l’échelle nationale amène le mouvement à renforcer son organisation, à réorganiser les services centraux, à nommer des permanents pour la région lyonnaise et la Lorraine, à mettre sur pied un système de liaison permanent et à publier un bulletin77.

  • 78 Ibid., pp. 46-47. Voir aussi le témoignage de J. Mounier. Dossier, op. cit., Vol. II, pp. 3-11.
  • 79 Historique, op. cit., p. 48.

97A la même période, l’organisation ménage quelques centres d’accueil pour les jeunes fuyant le S.T.O. et pose ainsi les bases de futur maquis. Elle constitue aussi quelques « groupes d’action » organisés par Jean Munier – permanent du mouvement à partir de juin 194378. Dans ce cadre, elle envoie un représentant suivre un stage d’opération de commandos à Alger79.

  • 80 Ibid., pp. 50, 189.

98L’effort principal de l’action du R.N.P.G. est dirigé évidemment vers les masses de P.G. rapatriés. Les membres du mouvement détenant des postes dans les « Maisons » ou adhérant aux C.E.A. mènent à l’intérieur de ces structures une propagande intense afin de neutraliser l’activité collaborationniste du nouveau Commissaire (Masson). Les réunions organisées par celui-ci sont chahutées et des responsables du « Rassemblement » profitent des circonstances pour clamer devant les P.G. rassemblés « le refus des C.E.A. de se laisser enrôler comme équipes sociales du Mouvement Prisonnier », organisme collaborationniste créé par le deuxième Commissaire Général80.

  • 81 Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre 29, p. 11. Vol. II, J. Védrine, pp. 36-37 ; D. Salaud, pp. 3-4. (...)

99Le désir du R.N.P.G. de garder des liens étroits avec la masse des C.E.A. l’amène à y constituer un maillon d’attache et de coordination. Jean Védrine, ex-directeur des C.E.A. de la zone sud au Commissariat, s’occupe dès le printemps 1943 à organiser un réseau de contacts entre les Comités Départementaux des C.E.A. Il encourage leur lutte pour la sauvegarde de l’autonomie de l’organisation face aux éléments de Masson et, dès l’automne 1943, installe au sein des « Centres » une organisation clandestine : la « Fédération Autonome des Centres d’Entraide » (F.A.C.E.A.) ayant pour but de repérer dans les centres les éléments les plus décidés et de les aiguiller vers le R.N.P.G. Le « Rassemblement » encourage d’autre part l’expansion des C.E.A., la poursuite de leurs tâches sociales ainsi que la lutte pour leur autonomie afin d’avoir à sa disposition une réserve importante, structurée et organisée, disponible pour l’action future81.

  • 82 Dossier, op. cit., Vol. II, M. Pinot, p. 85.

100Le mouvement se préoccupe aussi de la masse des P.G. restés en captivité. Dès le printemps 1942, le Commissariat au Reclassement des Prisonniers de Guerre avait mené, par l’intermédiaire de délégués de la Mission Scapini, un recensement dans les camps repérant des éléments de qualité s’étant imposés à la base et se renseignant sur le comportement « patriotique » des P.G. en captivité82.

  • 83 Ibid., p. 85 et interview de L. Devaux, 18.5.1981.

101L’évolution de la guerre et l’adhésion des cadres du Commissariat à la Résistance octroient à ces activités un sens tout différent. D’une part, les P.G. détenus en Allemagne et employés dans son industrie de guerre peuvent fournir une masse d’informations stratégiques ponctuelles de grande valeur ; d’autre part, on songe déjà à l’encadrement des P.G. et à leur protection lors de l’invasion de l’Allemagne83.

  • 84 Dossier, op. cit., Vol. II, L. Devaux, pp. 2-3.

102Dès le printemps 1943, M. Pinot s’emploie à mettre en place une organisation permettant des liens permanents avec les camps. Il est assisté dans ses efforts par L. Devaux, P.D.G. de Cartier, officier rapatrié, ex-membre de la Mission Scapini84.

  • 85 Ibid., V. Ponchel, pp. 6-7.
    Historique, op. cit., p. 171.

103Afin de faciliter les contacts avec l’Allemagne, l’ex-Commissaire Général place son ex-secrétaire, Mmc Denise Billot, au bureau parisien de la Mission Scapini, s’assure la coopération de la propre secrétaire de Scapini et réussit à faire nommer en novembre 1943 V. Ponchel, ex-inspecteur du Commissariat pour la région du Pas-de-Calais et membre du R.N.P.G. à la tête du Service d’Archives de l’Ambassade Scapini85.

  • 86 Ibid., pp. 173-175.

104Le réseau ainsi créé est baptisé « Front Intérieur Allemand » (F. LA.) et M. Pinot se charge de sa liaison avec la direction du R.N.P.G. La prise de contact avec certains « doyens » et « hommes de confiance » des camps permet à la F. LA. de toucher la majorité des stalags et d’établir un réseau assez dense fournissant des renseignements de tout ordre. L’information ainsi collectée est acheminée vers Paris par certains membres de la Mission Scapini et par l’Aumônerie des P.G. en Allemagne, et y trouve son chemin vers les réseaux de renseignements de la Résistance86.

  • 87 Ibid., pp. 175-178 et Dossier, op. cit., Vol. II, V. Ponchel, pp. 8-12.

105La F. LA. ayant prouvé son importance continuera de fonctionner après la fusion des mouvements de Résistance des P.G. comme une structure du Mouvement National des Prisonniers de Guerre et Déportés (M.N.P.G.D.). Après la Libération, elle se transformera en service d’Etat : « Centre de Liaison et de Documentation » (C.L.D.). Placée sous la tutelle du Ministère des P.D.R. et du D.G.S.S., elle continuera à faire du renseignement, préparant aussi des équipes destinées à être parachutées à proximité de camps approchés par les Alliés, afin d’assurer la liaison entre eux et les P.G. et déclencher des opérations de protection. La débâcle allemande empêchera la réalisation de la plupart de ces projets87.

  • 88 Historique, op. cit., pp. 54-56, 58-83.

106Au courant de l’année 1943, le R.N.P.G. étendit son action à de nouvelles régions, se ramifiant au Pas-de-Calais, en Picardie, en Anjou, au Maine, au Centre et en Bourgogne, implantant un noyau dans la région de la capitale, renforçant et diversifiant ses relations avec d’autres mouvements de résistance88. Son développement rapide attira « l’attention » de l’occupant et, dès l’automne 1943, commença le sinistre cortège d’arrestations, de déportations et d’exécutions.

107La définition de l’orientation politique du R.N.P.G. n’est guère aisée. L’opposition active à la politique de Laval, la lutte contre l’action de Masson auprès des P.G. rapatriés et le combat contre l’occupant sont des points de repère trop vagues pour permettre une classification précise.

  • 89 Vers la fin de l’hiver 1943, F. Mitterrand se serait opposé à l’engagement des éléments R.N.P.G. da (...)
  • 90 Ibid., F. Mitterrand, p. 7.
    D’après Pinot, le R.N.P.G. était considéré par certains membres du C.F.L (...)

108Certaines sources indiquent l’existence initiale d’une influence giraudiste qui disparaît par la suite89. Ceci explique peut-être la méfiance d’Alger ainsi que le comportement de de Gaulle envers F. Mitterrand et sa volonté d’imposer son neveu (Cailliau) comme dirigeant de la Résistance P.G. unifiée90.

  • 91 Dossier, op. cit., Vol. II, M. Pinot, p. 88.

109Le Rassemblement était un mouvement libre de toute influence communiste et certains de ses dirigeants et de ses militants partageaient des opinions hostiles au P. C. La fusion avec l’organisation de résistance d’obédience communiste eut beaucoup d’adversaires et ne fut acceptée qu’avec réticence. Le mouvement ne soutint d’ailleurs jamais une ligne strictement gaulliste. Malgré le respect voué à la personne du Président du C.F.L.N., l’homme y fut toujours discuté91. Ses relations avec la société P.G. étant, dès le départ, difficiles.

110L’origine des cadres du R.N.P.G., le soutien financier initial de 1’0. R.A., ses contacts avec les « Compagnons de France » et des ex-dirigeants de l’Ecole des Cadres d’Uriage placent le R.N.P.G. parmi d’autres organisations de Résistance issues de groupes qui, ayant apporté leur adhésion initiale à Vichy, rompirent par la suite avec le régime tout en se cantonnant dans une résistance « apolitique ». Cette orientation fut d’ailleurs représentative des tendances centrales du milieu des P.G. rapatriés et favorisa l’expansion du R.N.P.G. comme le principal mouvement de la Résistance Prisonniers.

La mission de F. Mitterrand à Alger

  • 92 Ibid., p. 87 et F. Mitterrand, p. 6.
  • 93 Ibid., et Historique, op. cit., p. 191.

111A partir du printemps 1943, M. Pinot entreprend d’assurer à son mouvement la reconnaissance du Conseil National de la Résistance. La direction du R.N.P.G. rencontre par l’intermédiaire de B. de Chalvron plusieurs chefs d’organisations de la Résistance, notamment C. Bourdet, E. d’Astier de la Vigerie, J. Beaumel, P. Copeau et C. Petit. Elle s’y heurte à l’incompréhension de la volonté des P.G. de se regrouper au sein d’une organisation clandestine autonome et à un refus d’agir tant que le R.N.P.G. n’aura pas obtenu la caution du C.F.L.N.92. Cet état de choses impose l’envoi d’un représentant de l’organisation à Alger afin d’obtenir sa reconnaissance officielle par le Général de Gaulle, le C.F.L.N. et le C.N.R., et de s’assurer leur soutien politique et financier. Les informations affluant d’Alger rendent une telle mission de plus en plus urgente. De Gaulle ayant nettement supplanté Giraud, le R.N.P.G. doit se détaxer au plus vite de l’étiquette de « giraudisme » qui lui y est attribuée. De plus, il est essentiel de suivre de près la constitution et l’action du Commissariat aux P.G. qu’Alger met sur pied et d’y stopper la campagne de dénigrement tendant à discréditer le « Rassemblement »93.

112François Mitterrand qui se distingue à la direction du R.N.P.G. et qui est probablement le plus « politique » de ses permanents est chargé de cette mission. L’O.R.A. rend son voyage possible, mettant à sa disposition une place dans un « Lyssander » anglais partant le 15.11.43 pour Londres d’où il rejoint rapidement Alger.

  • 94 A. Lettre de Frenay à Pinot le 27.12.1943 conservée dans les archives personnelles de J. Védrine.
    B. (...)

113Les entretiens de Mitterrand à Alger sont de la plus haute importance. Ils provoqueront la fusion de la Résistance Prisonniers, événement d’une influence déterminante sur le caractère futur de leur Fédération Nationale. Or, ces discussions font l’objet d’une vive controverse. Les participants se contredisent. Le seul texte contemporain en faisant mention est ambigu et un autre document qui s’y rapporte est plus que problématique94.

  • 95 Interview de P. Verrier, 24.3.1982.
    Interview de J. Benet, 17.5.1982.

114La question vaut qu’on s’y attarde. D’une part, le séjour de Mitterrand à Alger est une étape fondamentale de son ascension à travers le Rassemblement puis le Mouvement de Résistance unifié et la Fédération vers la vie politique et son « destin »95. D’autre part, une fusion intégrant l’élément communiste aura une influence considérable sur la vie de la future fédération, son caractère, son orientation, ses combats et son rôle. Nous ne pouvons donc nous dispenser d’analyser les deux versions et les documents que nous possédons.

  • 96 H. Frenay mentionne dans son livre le passage de Mitterrand à Alger à la fin de 1943, mais ne dit m (...)
  • 97 La version de Mitterrand n’a, à notre connaissance, jamais été démentie, bien que les occasions n’y (...)

115D’après Mitterrand, une fois arrivé à Alger, il y est très bien accueilli par Henri Frenay et obtient, probablement par son intermédiaire, un entretien avec de Gaulle. Le Général et Frenay n’ayant pas décrit un tel entretien dans leurs mémoires, nous ne disposons à ce sujet que de la version de Mitterrand96. Nous sommes toutefois persuadés qu’une telle entrevue a eu lieu97.

  • 98 Ibid., Mitterrand, p. 7.
    Mitterrand souligne dans son témoignage que c’est bien De Gaulle qui lui av (...)

116L’entretien est difficile. Mitterrand se voit d’abord reprocher le fait d’être arrivé de France dans un avion britannique (sic !). Le Général promet toutefois au Mouvement de Résistance des Prisonniers un soutien politique, matériel et financier mais y met une condition : le fusionnement de trois groupes de rapatriés résistants sous la direction de Michel Cailliau (Charette), son neveu. Or Cailliau n’est qu’un des dirigeants du M.R.P.G.D. – organisation de Résistance P.G. de tendance gaulliste – nettement minoritaire et beaucoup moins influente que le R.N.P.G. (de Pinot-Mitterrand). Quant au troisième groupe, il s’agit du Comité National des Prisonniers de Guerre (C.N.P.G.), organisation de résistance d’obédience communiste dont la direction du R.N.P.G. ne connaissait pas encore l’existence. F. Mitterrand manifeste à de Gaulle sa réserve quant au rôle de Cailliau ; par contre, il s’engage à réaliser l’unité des P.G. résistants, à condition de « laisser à leurs représentants qualifiés le soin de choisir leurs responsables »98.

  • 99 Frenay, op. cit., p. 399.
  • 100 Ibid.

117Cette version est vivement contestée par H. Frenay. D’après lui, F. Mitterrand dénaturera après son retour en France l’accord sur la fusion de la résistance P.G. conclu entre eux deux à Alger. En effet, Mitterrand prétendra, une fois rentré, qu’il a reçu d’Alger l’ordre de faire entrer dans le mouvement unitaire « un groupe très réduit dont il (Frenay) ignorait jusqu’à l’existence et qui n’était qu’une émanation du P. C.F. Devant cette exigence, présentée comme venant du C.F.L.N., ses camarades s’inclineront »99. D’après Frenay, F. Mitterrand, mu par sa « froide ambition », emploiera toute son « habileté manœuvrière » et sa « vive intelligence » afin de contrecarrer les desseins du « patron de Combat » qui, s’étant trouvé placé dans une situation rendant possible la conjonction entre la Résistance et les prisonniers et déportés, aurait pu avoir après la Libération une action déterminante sur plusieurs millions d’hommes100.

118Frenay paiera personnellement, comme nous le verrons, le prix de l’influence des communistes sur la F.N.P.G. et leur mainmise sur l’Association Départementale de la Seine. Pourquoi donc s’étonner de son amertume envers ceux qui permirent l’intégration de ce mouvement, fort minoritaire au départ, dans la future grande organisation des Prisonniers, rendant possible l’action destinée à le discréditer personnellement et à briser sa carrière politique.

  • 101 Lettre du 27.12 (année non citée), signée « Frenay ». Archives personnelles de J. Védrine.
  • 102 Une telle discussion eut lieu par contre entre De Gaulle et Mitterrand. Dossier, op. cit., Vol. II, (...)
  • 103 Frenay, op. cit., pp. 282 et 399.

119Toutefois, nous disposons de l’ordre de fusion original rapporté par Mitterrand d’Alger, sous forme de lettre d’Henri Frenay à Maurice Pinot. On peut y lire notamment : « M. (Mitterrand) rapporte des consignes détaillées qu’il vous transmettra ainsi qu’un projet d’organisation qui doit recevoir, je l’espère, l’assentiment de tous et, en particulier, celui de C. (Cailliau ?) avec lequel vous avez eu jusqu’à ce jour bien des malentendus. Ce projet qui a en définitive une valeur d’ordre règle, me semble-t-il, au mieux vos relations d’une part avec C., d’autre part, avec le mouvement Résistance101. » Or, la version de Frenay sur ses pourparlers avec Mitterrand ne fait état d’aucune discussion tendant à déterminer le rôle personnel de Cailliau et ses responsabilités dans le cadre du futur mouvement unitaire102. Par contre, le Commissaire des P.D.R. traite le neveu du Général comme chef du M.R.P.G.D.103. Ceci semble indiquer que Frenay, mentionnant Cailliau, ne parlait pas de l’homme mais plutôt de son organisation. Mais, qui est le « mouvement Résistance » si distinctement séparé dans la lettre de la personne de Cailliau ? S’agissait-il du C.N.P.G.? Du M.R.P.G.D.? Du C.N.R.?

  • 104 Dossier, op. cit., Vol. II, Pinot. Partie rédigée par J. Védrine, p. 90 et l’Allocution de M. Schum (...)

120L’ambiguïté du texte ne nous permet pas d’aboutir à des conclusions définitives. Toutefois, J. Védrine et M. Pinot constatent fort logiquement que l’ordre de fusion tel que l’aurait émis de Gaulle correspondait en ce temps à la politique d’intégration des communistes, mise en œuvre à Alger. D’ailleurs, il suffit de relire l’allocution de Maurice Schumann, du 12 janvier 1944, à la B.B.C., pour se rendre compte de la satisfaction exprimée par le Gouvernement Provisoire à l’annonce de l’unification de la Résistance Prisonniers104.

  • 105 Le texte nous a été remis par R. Paumier lui-même qui a signalé la date tardive de sa rédaction. D’ (...)

121Le deuxième texte que nous possédons est bien plus problématique. Il s’agit d’une reconstitution du compte-rendu de la réunion constitutive du M.N.P.G.D. adressé le 15 mars 1944 par R. Paumier (Delarue) à R. Boulanger, un des responsables du Front National pour la région parisienne. La date de la rédaction de la version tardive que nous possédons n’est guère connue et il semble qu’elle ait été écrite de mémoire105.

  • 106 R. Paumier, Compte rendu reconstitué de la réunion constitutive du M.N.P.G.D.

122D’après ce texte, Mitterrand aurait attaqué, dès le début de la réunion, le représentant du mouvement communiste en prétendant que « son organisation n’était connue ni à Londres ni à Alger et qu’elle ne représentait pas grand-chose... De plus, il déclare qu’il est revenu de Londres et d’Alger avec la mission de faire fusionner le groupement Charette et le sien mais que jamais il n’a été question de Delarue »106.

123Cette version nous oblige, si nous croyons à son authenticité, à avancer plusieurs questions :

    • 107 Dossier, op. cit., Vol. II, Benet, p. 5 ; Védrine, pp. 89-91.

    nous savons que Mitterrand fit part, dès son retour, à ses collègues, de l’ordre reçu à Alger de faire fusionner les trois mouvements107. Comment pouvait-il se contredire si ouvertement, en présence d’autres membres de son organisation, sans se discréditer et perdre le prestige que lui octroyait sa mission à Alger ?

  1. Si Mitterrand et ses collègues s’opposaient à la fusion avec le C.N.P.G., niaient sa réalité et n’avaient guère reçu d’Alger l’ordre de fusionner avec ce mouvement, pourquoi participaient-ils donc à une réunion constitutive dont ils ne voulaient pas...? A moins que l’attaque contre Delarue n’ait été que d’ordre tactique tendant à minimiser l’importance de son mouvement afin de restreindre son influence et sa représentation au sein de la future organisation unitaire.

124Quoi qu’il en soit, F. Mitterrand, revenu fin février 1944, via Londres, avait informé l’ensemble de l’échelon national du R.N.P.G. des directives du Général. Malgré les réticences, le mouvement s’engagea dans la voie des négociations menées sous l’arbitrage d’Antoine Avinin – représentant le C.N.R. Le 12 mars 1944, les trois organisations de la résistance P.G. signaient un accord de fusion.

B. Le Mouvement de Résistance des Prisonniers de Guerre et Déportés (M.R.P.G.D.)

  • 108 Ibid., Vol. I, Chapitre 29, p. 15 ; Vol. II, Dechartre, pp. 1-2.

125Le noyau de la deuxième organisation de Résistance P.G. fut constitué par un groupe de prisonniers du Stalag X1 B qui se découvrirent des opinions similaires : opposition totale aux Allemands et aux collaborateurs, aux attentistes et à Vichy. Leurs conceptions politiques républicaines et jacobines tranchaient à l’époque (fin de 1940-1941) avec l’attitude de la majorité des prisonniers. Le groupe s’organise autour d’Ulmann et de Lemoign, rejoints par la suite par le Dr Mongenot, l’Abbé Chesnay, Husson et d’autres. Il acquiert une certaine notoriété à la suite de l’adhésion de Michel Cailliau, neveu du Général de Gaulle. Ses membres entreprennent au Stalag une action dirigée surtout à relever le moral des prisonniers, à encourager les évasions, à aider matériellement ceux qui sont prêts à les entreprendre et à collecter des renseignements d’intérêt militaire ou stratégique108.

  • 109 Ibid., Vol. I, Chapitre 29, pp. 15-16.

126Michel Cailliau est l’un des premiers du groupe à retourner en France, en mars 1942, bénéficiant d’un rapatriement catégoriel. Il y constitue un réseau appelé par son pseudonyme « Charette » qui liera contact avec Londres et disposera d’un budget109.

  • 110 Ibid., Vol. II, Dechartre, p. 2 ; Bonnet, p. 2.

127Les autres membres du groupe étant rentrés en France au printemps 1943 et ayant repris le contact, leur réseau se structure en mouvement de résistance. Parallèlement au F. LA., il entreprend la collecte des informations sur les camps, transmet à Londres des renseignements sur la France, confectionne des faux papiers, organise des groupes « d’action » et publie un bulletin110.

128L’expansion du mouvement suit des lignes parallèles à celles du R.N.P.G. Il étend son action à des nouveaux secteurs, se ramifie, et perfectionne ses structures. Il prend contact avec les autres organisations de la Résistance. En juin 1943, Michel Cailliau part à Londres afin d’y exposer les objectifs, les projets et les besoins du groupe. Comme nous l’avons vu, de Gaulle envisagea, à la suite de cette visite, d’imposer son neveu comme chef du futur mouvement de résistance P.G. unifié.

  • 111 Ibid., Vol. I, Chapitre 29, pp. 16-17.

129L’activité du M.R.P.G.D. sera rapidement repérée par les Allemands et, à partir de l’été 1943, plusieurs de ses militants et de ses dirigeants connaissent l’arrestation, les interrogatoires et la déportation111.

130Les membres du M.R.P.G.D. s’engageront dans la résistance avant la majorité des adhérents du R.N.P.G. Toutefois, le premier mouvement ne pourra jamais se mesurer au second. Il attirera vers lui les « activistes » ayant souvent des conceptions politiques bien plus nettes. Cependant, coupé des structures des C.E.A. et des « Maisons », nettement moins connu dans ce milieu que les ex-cadres du Commissariat organisant le R.N.P.G., il ne peut jamais disposer de la même logistique, des mêmes facilités de recrutement, de la confiance du milieu et de l’omniprésence qui caractérise le mouvement « Pinot-Mitterrand ». C’est pourquoi, malgré son dynamisme, son influence sur la société P.G. est finalement marginale.

  • 112 Ibid.

131Les dirigeants des deux organisations font connaissance dès le début de leurs activités clandestines et suivent avec attention leur développement réciproque. M. Cailliau participe à la rencontre de Montmaur le 15.8.1942. Les dirigeants du M.R.P.G.D. ont des contacts avec des démissionnaires du Commissariat, dès le début de 1943. Au printemps 1943, Philippe Dechartre rencontre F. Mitterrand et, en octobre de la même année, les deux comités directeurs commencent des pourparlers afin de coordonner l’action commune. Ces pourparlers aboutiront, au début de 1944, à un accord de principe sur la fusion des deux mouvements, qui sera réalisée après le retour de « Morland » d’Alger112.

132Toutefois, la fusion ne peut masquer une certaine incompatibilité d’humeur et de caractère des militants originaires des deux mouvements – incompatibilité qui aura une influence sur l’impact et le destin de leurs dirigeants à l’intérieur de la future fédération.

  • 113 Interview de Ph. Dechartre, 24.11.1981.

133Les cadres du M.R.P.G.D. se considèrent comme des anti-pétainistes des premiers jours. Ils semblent avoir compris très tôt ce qui se passait en France, refusant la collaboration sous toutes les formes. Malgré le fait que les dirigeants du M.R.P.G.D. appartiennent très souvent au même milieu social que ceux du R.N.P.G., ils estiment que leurs conceptions et leur passé politique sont différents et dégagés de l’ambiguïté initiale qui caractérise leurs camarades. Bien sûr, personne parmi eux ne songe à contester l’intégrité des hommes issus de l’organisation « Pinot-Mitterrand », son refus de la collaboration et son caractère anti-allemand et hautement patriotique. Mais l’appartenance initiale des cadres du R.N.P.G. à l’administration de Vichy creusa entre les deux tendances un fossé profond. L’identité propre des deux mouvements ne s’estompa jamais et les ex-M.R.P.G.D. continuèrent de classer les résistants P.G. en deux catégories : les temporisateurs et les volontaristes, les révolutionnaires doctrinaires et les braves sociaux-chrétiens. Trente-cinq ans après ces événements, les « Membres Fondateurs » de la F.N.P.G., issus du M.R.P.G.D. et du C.N.P.G., s’opposent à l’attribution de ce titre honoraire à Pinot – titre qu’il mérite incontestablement de fait. Bien qu’ils le considèrent comme un « homme honorable et un homme d’honneur », ils ne purent voter cet hommage à un « ex-Commissaire Général de Vichy »113.

C. Le Comité National des Prisonniers de Guerre (C.N.P.G.)

134Le C.N.P.G. est la troisième composante des organisations de Résistance qui s’amalgamèrent en mars 1943 au sein du M.N.P.G.D. Contrairement aux deux autres mouvements qui s’organisèrent progressivement à partir de groupes passés spontanément à la résistance, le C.N.P.G. est une organisation qui vit le jour à la suite de la décision du Front National.

  • 114 Interview de R. Paumier, 10.11.1981.

135Le Parti, soucieux d’être représenté au sein de toutes les catégories sociales, s’étant aperçu de l’importance que pourrait avoir la masse des P.G. après leur libération, estima nécessaire d’étendre son action à ce milieu. Des militants communistes, enfermés dans les stalags, furent pressés par leur Parti de s’évader, de rentrer en France et de reprendre contact avec la Résistance114.

136Robert Paumier, cadre du Parti et militant dès 1929, évadé de son « kommando », arrive à Paris, via la Suisse, le 10 juin 1943. Il renoue les contacts, s’engage dans la Résistance et se charge, à la demande du P. C., de l’organisation du Comité National des Prisonniers de Guerre.

  • 115 Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre 29, p. 18.

137L’objectif est de regrouper dans cette organisation les rapatriés, les femmes ou les parents des P.G. et de développer une action parmi les captifs115. Le mouvement débute dès l’automne 1943. Il est rejoint par un groupe d’anciens P.G. faisant déjà de la propagande clandestine, organisés en Normandie par Tichit-Mineur.

  • 116 Ibid.

138La mission du C.N.P.G. tient surtout du domaine de la propagande et de l’organisation du milieu. Il diffuse des tracts et des journaux en France et dans les camps, récupère, imprime et diffuse des tickets d’alimentation, des formules de lettres, des certificats de démobilisation, etc.116. Parallèlement, l’organisation s’implante dans la région parisienne sous la direction de G. Thévenin.

  • 117 Interview de P. Bugeaud, 24.2.1981.

139Dès le début de 1944, P. Paumier (Delarue) est assisté par Pierre Bugeaud (Poirier), évadé à la fin de 1943 de Koenigsberg117. A cette période, le C.N.P.G. prend contact avec le M.R.P.G.D. d’abord et le R.N.P.G. ensuite. A la suite du retour de Mitterrand, le mouvement se joint aux pourparlers qui mèneront à son adhésion au mouvement unitaire.

  • 118 Frenay, op. cit., p. 279.

140Malgré l’activité de l’organisation, certains dirigeants du R.N.P.G. se posent jusqu’à ce jour des questions sur la réalité du C.N.P.G. Frenay s’aperçut déjà en 1943 qu’« avec un comité de quelques membres et une ronéo, il est facile dans la clandestinité de donner pour une réalité ce qui n’est qu’un rêve... ou une supercherie »118.

  • 119 Historique, op. cit., G. Thévenin, pp. 2-3.
  • 120 Historique, op. cit., pp. 64, 113-115.

141Les représentants des deux autres mouvements n’eurent somme toute, même après la fusion, des contacts qu’avec un nombre très restreint d’interlocuteurs du C.N.P.G. Il se peut que la situation ait été différente dans la région parisienne où les effectifs du C.N.P.G. furent peut-être plus étoffés. Jacques Benet précise dans son mémoire : « Elle (l’organisation parisienne du R.N.P.G.) n’a cependant pas – comme d’ailleurs l’organisation régionale du M.R.P.G.D. – la puissance en effectifs de l’organisation parisienne du C.N.P.G.119... » Toutefois, un fait trouble sa constatation : bien que la responsabilité de cette région cruciale ait été confiée à Georges Thévenin, dirigeant parisien du C.N.P.G., son mouvement ne prit pas le commandement de l’organisation spécifiquement militaire, créée dès avril 1944 pour cette même région. « La Direction Nationale du M.N.P.G.D., à la recherche d’un homme d’expérience, de courage et d’envergure » pour constituer les unités armées du mouvement qui prirent par la suite part aux combats de libération dans la capitale, jeta son choix sur R. Pelat dit « Colonel Patrice », responsable militaire R.N.P.G. du département de l’Isère120.

  • 121 Interview de J. Védrine, 16.6.1981.
  • 122 R. Paumier, Compte rendu de la réunion constitutive, op. cit.. Malgré la problématique de ce docume (...)

142Aucun des trois mouvements fusionnant le 12.3.1944 au sein du M.N.P.G.D. n’était capable de contrôler les effectifs de ses partenaires121. Un tel examen n’aurait guère plus de sens aujourd’hui. Et pourtant, nous disposons de quelques indices : lors de la réunion constitutive, Mitterrand prétendit que le « Comité National des Prisonniers de Guerre ne représentait pas grand-chose. » Dans sa réponse R. Paumier insista sur le tirage des journaux de son mouvement, le nombre d’adresses contrôlées par le mouvement, l’effort de propagande et l’action sociale de l’organisation122. En aucun cas ne fut mentionnée une activité autre que l’organisation ou la propagande – domaine où – l’avenir allait le prouver – le C.N.P.G. excellait mais qui pouvait être effectuée par un nombre restreint d’adhérents.

143Le seul autre critère qui peut illustrer l’intensité de l’activité et l’envergure d’un mouvement clandestin est celui des pertes subies. L’annexe de l’« Historique de la Création et des Activités du R.N.P.G. » rédigée par J. Benet comporte une liste de 73 noms de membres de cette organisation arrêtés, déportés, assassinés, ou morts au combat. J. Védrine publie dans le tome II du « Dossier P.G.-rapatriés » un tableau partiel d’anciens P.G. résistants du mouvement unitaire (M.N.P.G.D.) déportés ou morts au combat et en déportation. 6 des 68 noms qui y sont inscrits sont ceux de militants du M.R.P.G.D. 62 appartenaient au R.N.P.G.

  • 123 Dossier, op. cit., Vol. II, « Avant-propos », p. 6. Historique, Annexe 1.
  • 124 J. Védrine s’adressa en effet à ses amis, cadres de la F.N.C.P.G.-C.A.T.M., issus du C.N.P.G., en v (...)

144Aucun nom de membre du C.N.P.G. n’est mentionné sur ces listes123. Les anciens dirigeants de cette organisation ne fournirent jamais la liste de leurs pertes bien qu’elle leur fut demandée à plusieurs reprises124.

145R. Paumier et P. Bugeaud, interrogés à ce sujet, donnèrent les explications suivantes :

  1. « Si les autres mouvements eurent des pertes nombreuses, c’est qu’ils travaillaient dans des conditions déplorables. L’organisation “Pinot-Mitterrand” ne respectait guère les règles de l’action clandestine. Ses membres prenaient des rendez-vous par téléphone et se rencontraient dans des cafés. Leur manque de précautions et de sécurité et la négligence du cloisonnement hermétique de leurs structures expliquent leurs pertes. C’est pour cela que le C.N.P. G, se méfiant des méthodes de ses partenaires, exigea que les relations entre les mouvements n’aient lieu qu’au “sommet”. Pouvait-on lui demander de mettre en danger ses hommes ? »

    • 125 Interview de R. Paumier et discussion à ce sujet avec P. Bugeaud, 10.11.1981.

    Le système de cloisonnement et d’anonymat pratiqué par les organisations clandestines issues du C.N.P.G. était tel que même s’ils eurent des pertes, il leur est difficile de dire qui appartenait à qui, et qui faisait quoi125.

  • 126 Jean-Pierre Rioux. La France de la IVe République, Paris, Seuil, 1980. Vol. I, p. 86.

146Nous sommes portés à accepter le premier argument des dirigeants du C.N.P.G. Les organisations issues du Parti surent en général faire un travail clandestin dans des meilleures conditions d’organisation, de cloisonnement et du respect des règles de ce « jeu » que des amateurs du genre R.N.P.G. Par contre, on ne peut que réfuter le deuxième point de cette thèse. Les organisations de Résistance émanant du Parti firent après la Libération une preuve incontestable de leur capacité de compter leurs « fusillés »126. Il nous est difficile de croire que le C.N.P.G. ait eu des membres arrêtés, déportés ou fusillés sans que ses cadres l’aient su à cause du cloisonnement de l’organisation.

  • 127 H. Nogueres, op. cit., Vol. IV, pp. 514-515.

147Il est aussi intéressant de constater que la note du S.C.D. du 19.3.1944 à toutes les régions, suite à la fusion, précisait : « Par suite de la fusion et dans un délai relativement bref, il ne peut donc plus exister dans votre région de groupes autonomes “Charette” (M.R.P.G.D.) ou Morland (R.N.P.G.), ni de responsables d’un de ces deux mouvements127. » Pourquoi ne parle-t-on pas du groupe « Delarue » (C.N.P.G.) ?

148Nous sommes donc portés à croire que malgré le dynamisme et l’activité du C.N.P.G. il ne fut qu’une façade d’organisateurs et de dirigeants efficaces chargés par le Parti d’occuper le terrain et faire accepter leurs représentants dans les organisations de la société P.G. afin d’encadrer les masses des rapatriés après la Libération.

D. Le Mouvement National des Prisonniers de Guerre et Déportés (M.N.P.G.D.)

  • 128 Ibid., Vol. III, p. 530.

149La fusion entre le R.N.P.G. et le M.R.P.G.D. ne posait pas trop de difficultés. Les cadres de ces organisations appartenaient à la même couche sociale, se connaissaient personnellement et maintenaient des contacts depuis le début de leur action clandestine. La pratique de la résistance et la volonté de se faire reconnaître par le C.F.L.N. et le C.N.R. avaient atténué les différences idéologiques. Les deux groupes coopéraient sur le terrain et des fusions de fait y avaient déjà eu lieu au niveau régional128.

  • 129 Historique, op. cit., pp. 192, 199-201.

150Des pourparlers destinés à unifier les deux mouvements commencèrent donc dès fin novembre 1943. M. Barrois, J. Benet, J. Bertin et M. Pinot du Comité Directeur du R.N.P.G. négocièrent avec leurs homologues du M.R.P.G.D.P. Burnoud, Ch. Moulin, Ph. Dechartre. Les conceptions concernant la réalisation de l’unité différaient toutefois sensiblement. Cailliau espérait qu’elle se réaliserait dans le cadre de son M.R.P.G.D. sans tenir compte des différences ou de la disproportion des deux mouvements129.

  • 130 Dossier, op. cit., Vol. II. Témoignage de M. Pinot. Partie rédigée par J. Védrine, p. 91.

151Pinot considérait par contre que « la notion même d’une fusion relevait d’une pratique politicienne dépassée. De plus, elle risquait d’entretenir des divisions et ne correspondait pas du tout à la réalité »130.

  • 131 Historique, op. cit., p. 201.
    Les communistes, par contre, souhaitaient réaliser l’union sur la base (...)
  • 132 Ibid., p. 192.
  • 133 Ibid., p. 202.

152Il souhaitait accomplir l’unification par la dissolution des groupes existants et la création d’un nouveau mouvement se constituant immédiatement par des adhésions individuelles131. Cette conception, tendant à marginaliser de fait le M.R.P.G.D., le diluant dans la masse des militants du R.N.P.G., n’enthousiasma guère ses représentants. Malgré ces différends, le principe de fusion fut acquis de part et d’autre en tenant compte d’une certaine complémentarité des organisations régionales sans chercher à doser systématiquement la fusion des deux directions nationales132. On ne passa toutefois aux actes qu’après le retour de F. Mitterrand, une fois connue la position du C.F.L.N. vis-à-vis de la Résistance P.G.133.

  • 134 Dossier, op. cit., Vol. II, Pinot. Partie rédigée par J. Védrine, p. 92.

153Le 26 février 1944, une vedette débarquait « Morland » quelque part en Bretagne et les préparations de la fusion s’accélérèrent. Mitterrand, ayant fait son rapport sur sa rencontre avec de Gaulle, la direction nationale du R.N.P.G. convoqua un « Grand Conseil National ». Malgré l’opposition aux modalités de l’unification et à l’incorporation du C.N.P.G., la Direction Nationale reçut finalement mandat d’aboutir à la fusion134.

154Les dirigeants du M.R.P.G.D. que l’idéologie et le caractère du mouvement plaçaient tout naturellement entre l’organisation « Pinot-Mitterrand » et le C.N.P.G., et qui avaient déjà eu quelques entretiens avec les dirigeants communistes, firent le lien entre ces deux mouvements.

  • 135 Le compte rendu de M. Paumier mentionne une vive empoignade entre Mitterrand et lui-même. Nogueres (...)
  • 136 Historique, op. cit., pp. 203-204. Dossier, op. cit., Vol. II, Dcchartre, p. 4. Mitterrand, p. 9.

155Les pourparlers aboutirent très vite et le 12 mars 1944 les représentants des trois mouvements se rencontraient dans un appartement parisien. Antoine Avinin, représentant officiellement le C.N.R. présida la réunion dont le début semble avoir été orageux135. L’accord de fusion conclu, le mouvement unitaire fut baptisé « Mouvement National des Prisonniers de Guerre et Déportés » (M.N.P.G.D.). Un Comité Directeur National de quatre membres fut désigné. Il comprenait deux représentants du R.N.P.G. : Mitterrand (Morland) et Benet (Turgis), un représentant du C.N.P.G. : Paumier (Delarue), et un représentant du M.R.P.G.D. : Duprat-Geneau (Dechartre). P. Lemoign du M.R.P.G.D. en devint Secrétaire Général et P. Philippe du R.N.P.G. – Secrétaire Général Adjoint136.

  • 137 Historique, op. cit., p. 204. Interview de Ph. Dechartre, 24.11.1981.

156Michel Cailliau (Charette), qui avait eu jusque-là un rôle prééminent au M.R.P.G.D., fut évincé de la direction, les responsables de son mouvement considérant ses opinions nationalistes et réactionnaires incompatibles avec l’orientation du mouvement unitaire137.

  • 138 Historique, op. cit., pp. 204-205.

157La répartition des commandements régionaux soulignait la disproportion entre les mouvements de Résistance P.G. Les responsables originaires du R.N.P.G. continuèrent à diriger 10 régions où les deux autres mouvements étaient absents ou peu représentés (Lyonnais, Auvergne, Bourbonnais, Nice-Provence, Nord, Picardie, Lorraine, Bretagne, Centre, Anjou-Maine, Lot-et-Garonne). La région de Toulouse reçut une direction mixte R.N.P.G.-M.R.P.G.D. La Champagne, le Languedoc et la Normandie échurent aux mains du M.R.P.G.D.G. Thévenin, du C.N.P.G. devint le responsable du mouvement pour la région parisienne. Toutefois, le commandement militaire de la capitale et de sa banlieue fut confié au « Colonel Pelât » du R.N.P.G.138.

  • 139 Communiqué n° 1 du Comité Directeur du M.N.P.G.D. reçu des mains de M. Paumier.

158Le communiqué n° 1 du mouvement unitaire prouve que l’on pensait déjà à l’après-guerre. Le texte annonçant la fusion aux militants proclamait qu’elle était exigée par tous. « Cette fusion des trois forces en une seule permet une action plus étendue et plus systématique par la mise en commun de tous les moyens d’agir. Elle exprime aussi le désir d’unité qui est le fondement de l’esprit prisonnier... Ainsi, plus que jamais, les prisonniers de guerre, tant en Allemagne que rapatriés, et les déportés sont défendus, leurs intérêts sauvegardés, leur réintégration dans la vie française préparée139. »

  • 140 Nogueres, op. cit., Vol. IV, p. 550.

159La reconnaissance du M.N.P.G.D. par le C.N.R. et le C.F.L.N. eut très rapidement des effets concrets. Deux semaines après la création du M.N.P.G.D., le mouvement adhérait aux F.F.I. et, le 4 avril 1944, l’E.M.N. envoyait une note demandant aux inspecteurs régionaux F.F.I. de veiller à l’établissement des contacts avec les responsables locaux de la Résistance Prisonniers et d’octroyer aux forces disponibles de ce mouvement « leur place dans les tâches de l’action immédiate et du jour J »140.

  • 141 Frenay, op. cit., pp. 458-459.
  • 142 Historique, op. cit., p. 205.

160En mai, F. Mitterrand, devenu après la fusion le personnage prééminent du Comité Directeur du M.N.P.G.D., fut nommé par Alger « Secrétaire Général Correspondant du Ministère des Prisonniers », chargé d’assurer l’intérim de cette administration entre la libération de la capitale et l’arrivée du Gouvernement Provisoire à Paris141. Le départ de P. Dechartre et de J. Benet en mission à Alger renforça encore sa position à la tête du M.N.P.G.D. dont il devint officiellement le Président après la Libération142.

  • 143 Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre 19, p. 21.

161Le Mouvement amplifia son action pendant les mois qui précédèrent le débarquement, commençant la publication clandestine de son journal « l’Homme Libre », intensifiant l’activité du F. LA. Deux membres du Comité Directeur National furent envoyés à Alger afin d’exiger des parachutages d’armes et s’intéresser de près aux activités, aux projets et aux plans du Commissariat aux Prisonniers Déportés et Rapatriés dirigé par Henri Frenay. Le rapatriement et la réintégration des prisonniers prenaient une place majeure dans les esprits au fur et à mesure qu’approchait la Libération. Le 19.5.1944, le C.D.N. du Mouvement adressait au C.F.L.N. une motion demandant la suppression du plan de rapatriement du Commissariat, exigeant le retour massif et immédiat des P.G. en France dès leur libération et s’opposant à toute utilisation militaire, politique ou économique des P.G. restés en Allemagne après la Libération. Le C.D.N. exigeait aussi la suspension de toute consultation politique dans l’hexagone jusqu’au retour des P.G.143.

  • 144 Ibid., pp. 22-23.
  • 145 Ibid., Vol. II, J. Mounier, pp. 11-13. A. Pernin, p. 89.

162Le jour J. venu, le M.N.P.G.D. appela tous les anciens P.G. à rejoindre les groupes de combat de la résistance P.G. Le mouvement participa aux opérations dans les régions où il possédait des unités armées, perdant quelques-uns des plus anciens de ses militants144. Il prit part aux combats pour la libération de Paris, ses militants s’emparant des bâtiments de l’Ambassade Scapini, du Commissariat d’Action Sociale pour les Travailleurs en Allemagne et de la Maison du Prisonnier145.

  • 146 Ibid., A. Pernin, p. 81.

163Le 19 août, un groupe armé du M.N.P.D.G. commandé par F. Mitterrand prit possession de l’immeuble de la rue Meyerbeer où étaient installés les bureaux du Commissariat aux Prisonniers. Moreau, le dernier Commissaire Général de Vichy, s’entendit ordonner : « Monsieur, il n’y a pas à discuter, c’est la révolution ! Vous devez céder la place146. »

164Le Secrétaire Général Provisoire aux P.D.R. entreprit immédiatement la préparation de la fusion entre les C.E.A. et son mouvement de résistance. Il convoqua une rencontre entre les représentants nationaux des deux organisations présents à Paris puis, usant de ses prérogatives, décida :

  1. les C.E.A. retrouvent leur autonomie d’association indépendante du Commissariat,

    • 147 Ibid., F. Mitterrand, p. 10.

    les C.E.A. se réuniront le plus tôt possible en congrès qui se prononcera sur la fusion C.E.A.-M.N.P.G.D.147 Cette décision balisait le chemin à suivre et les derniers mois de 1944 furent consacrés par les deux organisations à préparer la fusion.

  • 148 Journal Officiel. Débats Parlementaires. Assemblée Consultative, 1945, pp. 651-675.

165En septembre 1944, le M.N.P.G.D. obtint quatre sièges afin de représenter la Résistance P.G. à l’Assemblée Consultative. Ils furent distribués entre les cadres M.N.P.G.D. d’après le dosage habituel : deux pour les originaires du R.N.P.G.D. – Benet et Gagnaire, un pour Ph. Dechartre ex-M.R.P.G.D. et un pour P. Bugeaud, issu du C.N.P.G.F. Mitterrand préféra rester disponible, déclinant l’offre de Frenay de devenir Secrétaire Général du Ministère des P.D.R. ainsi que le siège à l’ Assemblée que lui proposaient ses camarades – se contentant du titre de Président du mouvement. Les représentants du M.N.P.G.D. à l’Assemblée firent preuve de beaucoup d’énergie. Elus tous à la « Commission des Prisonniers, Déportés et des Pensions » dont Ph. Dechartre devint le président, ils s’employèrent à contrôler l’activité du Ministère de Frenay et à dénoncer ses carences, illustrant les mauvaises relations s’instaurant entre le Ministre des P.D.R. et les associations de P.G.148.

  • 149 Frenay, op. cit., p. 497. Historique, op. cit., p. 175.
  • 150 Historique, op. cit., p. 177.

166Le F. LA. fut la branche du M.N.P.G.D. qui prit après la Libération l’essor le plus rapide. H. Frenay, prenant au sérieux les menaces de représailles allemandes contre les prisonniers et soucieux d’assurer leur sort lors des combats sur le sol allemand, transforma cet organisme en service d’état. Baptisé « Centre de Liaison et de Documentation » (C.L.D.), le service fut placé sous la double tutelle du Ministère des P.D.R. et de la D.G.S.S.149. Dirigé par les anciens responsables du F. LA., le C.L.D. continua sa collecte de renseignements, suivant avec la plus grande attention le déplacement des camps vers l’intérieur de l’Allemagne150. En prévision de la libération des captifs, le service entreprit d’organiser des groupes de commandos, ex-P.G. destinés à être parachutés à proximité des camps à l’approche des Alliés. Leur but devait être l’organisation des P.G. afin d’assurer leur protection et de maintenir les liaisons avec les éléments d’avant-garde alliés. Toutefois, la rapidité de la débâcle allemande, des frictions au sein du Ministère et des rivalités entre des dirigeants du M.N.P.G.D. empêchèrent la réalisation de ce plan. Seulement quatre des groupes entraînés à ce but en Angleterre furent largués en Allemagne. Les autres se joignirent aux éléments avancés des armées alliées afin de participer aux actions d’aide de regroupement et de rapatriement des P.G. français libérés.

167Il est certain que la Résistance P.G. ne représentait qu’une petite minorité du milieu dont elle était issue. Toutefois, il serait futile d’évaluer son importance, dénombrant ses militants, soupesant le poids militaire de l’organisation, mesurant les pertes causées à l’ennemi ou les difficultés qui lui furent créées. L’apport du M.N.P.G.D. et des organisations qui le précédèrent à la société P.G. se trouve ailleurs.

168Le passage à la Résistance marqua avant tout la rupture définitive avec ce que représentait Vichy, l’attentisme et la temporisation. La société P.G. étant relativement close et structurée, cette attitude d’une minorité active et influente eut un impact considérable sur le milieu. La traversée des lignes signifia aussi pour les perdants de 1940 le refus de la défaite et la reprise du combat, leur permettant de réévaluer leur image d’eux-mêmes et de restituer leur honneur. La participation des prisonniers à la résistance dans le cadre d’organisations distinctes prouva que ceux d’entre eux qui, libérés ou évadés, reçurent une seconde chance se comportèrent comme le reste des Français, une partie s’engageant dans la lutte clandestine.

169La contribution des mouvements de résistance à la société des prisonniers français est dissociée de son importance réelle et eut une influence considérable sur l’évolution future de ses organisations et leur poids. Elle permit d’atténuer sinon estomper le stigmate de vichysme qui collait au groupe, redora son blason et lui restitua sa place. Grâce à elle, la nouvelle fédération put se présenter sans le moindre complexe face au pouvoir et veiller aux intérêts de la catégorie qu’elle représentait. Ses membres siégeant grâce à leur appartenance au M.N.P.G.D. à l’Assemblée Consultative, la F.N.P.G. participa activement à l’accueil des P.G. rentrants, remplissant les fonctions d’organe semi-officiel suppléant dont l’action était rendue possible grâce aux fonds publics.

170La Résistance P.G. servit par la suite le groupe dans ses combats pour l’Honneur et l’octroi du titre de combattant. C’est en reprenant le combat que les vaincus purent réclamer plus tard leur part de la victoire.

4. LA FUSION C.E.A.-M.N.P.G.D.

171Conformément à la décision de F. Mitterrand, les Centres d’Entraide et le M.N.P.G.D. commencèrent de préparer leur fusion en un seul mouvement représentant tous les prisonniers. Les circonstances rendaient une telle union nécessaire et urgente. En effet, l’approche des armées alliées des frontières allemandes permettait d’entrevoir les dimensions, la complexité et la problématique du retour, de l’accueil et de la réintégration d’un million de prisonniers. Les cadres des deux organisations comprirent fort bien que les dimensions de cette tâche qui était leur raison d’être exigeait d’unir toutes les capacités disponibles. De plus, l’union dans l’esprit P.G. présentait une valeur « per se ».

  • 151 Dossier, op. cit., Vol. II, J. Benet, p. 8.
  • 152 Interview de P. Verrier, 23.3.1982.

172Chaque organisation avait aussi des raisons propres de désirer la fusion. La montée de l’influence communiste au sein du M.N.P.G.D. força plusieurs de ses cadres à rechercher des solutions permettant de rééquilibrer le mouvement de façon conforme « à la réalité de ses actions clandestines »151. En effet, les dirigeants du mouvement issus du C.N.P.G. commencèrent, dès la Libération, à noyauter les rangs, s’emparant de la plupart des postes d’importance dans les organisations P.G. de la région parisienne. Profitant du discrédit frappant tout ce qui avait été lié d’une façon ou d’une autre à Vichy, usant du crédit que leur octroyait le « label » de résistants et mettant à profit leur dynamisme et leur capacité d’organisateurs, ils comblèrent les vides créés à la Libération, mettant à profit les hésitations et le manque de structures de leurs partenaires152. Cette expansion était surtout spectaculaire dans la région de la capitale dirigée par G. Thévenin. Ailleurs, la faiblesse de leurs effectifs handicapa ces activités. Toutefois, l’importance de la capitale, la proximité des sièges des Ministères et des Comités Directeurs des organisations et la concentration des médias octroyant à toute action ou manifestation une audience nationale, ajoutaient à cette mainmise du poids et de l’influence et alarmaient les éléments non communistes.

  • 153 Dossier, op. cit., Vol. II, Benet, p. 8, Ader, p. 3.

173La fusion avec les C.E.A. parut donc aux hommes comme Pinot, Benet, Ripert et d’autres, le moyen idéal pour freiner la poussée communiste153. Personne ne pouvait réfuter son besoin ou sa légitimité. La plupart des membres du R.N.P.G. avaient été membres des C.E.A., y étaient connus, appréciés et avaient gardé avec eux des nombreux points d’attache, notamment par l’intermédiaire de la F.A.C.E.A.

  • 154 Ibid., Dechartre, p. 5 ; Pinot. Partie rédigée par J. Védrine, p. 106.

174Les communistes, voyant s’ouvrir par la fusion un nouveau champ d’activités, ne s’opposèrent guère à l’entreprise. Une conférence de dirigeants régionaux et nationaux du M.N.P.G.D. se tint entre le 6 et le 8 octobre à la Salle des Horticulteurs à Paris. La question de la fusion y fut longuement débattue. Finalement, l’assemblée décida de transformer le M.N.P.G.D. en organe de coordination des fédérations de P.G., de déportés et de déportés du travail qui étaient sur le point de se créer. Elle invita les C.E.A. à fusionner afin de former une Fédération Nationale des Prisonniers de Guerre154.

  • 155 Ibid., Issartel, Annexe 3, Document sur « La Position des C.E.A. vis-à-vis du M.N.P.G.D.. »

175Les Centres d’Entraide avaient aussi de bonnes raisons de souhaiter la fusion. Bien qu’étant une organisation apolitique de caractère purement social appartenant à l’« Establishment », ils avaient trop longtemps collaboré avec les pouvoirs locaux et étaient liés de trop près au commissariat pour ne pas porter l’étiquette de vichyssois. La fusion avec un mouvement issu de la clandestinité était capable d’estomper cette image, détaxant la nouvelle organisation du « label » de pétainiste, tout en lui prêtant l’auréole et le prestige qu’octroyait en ce temps l’appartenance à la Résistance. L’influence communiste au sein du M.N.P.G.D. préoccupait certes les dirigeants des C.E.A. mais, conscients de leur poids numérique (11 000 C.E.A. constitués alors dans toute la France) et sachant que la majorité des dirigeants du M.N.P.G.D. avait été des leurs, ils acceptèrent la fusion155.

  • 156 Ibid., Devaux, p. 3.
  • 157 Ibid., Mitterrand, p. 11.
  • 158 Ibid., Pinot, p. 106.

176Dès août 1944, le Comité National Provisoire des C.E.A. changea de Président, faisant appel pour ce poste à Louis Devaux, résistant, membre du M.N.P.G.D., dirigeant du F. LA.156. Maurice Pinot, François Mitterrand, Jean Cornuau, Germain Desbœuf devinrent Vice-Présidents et Jean Védrine Secrétaire Général157. Quatre des cinq étaient membres du M.N.P.G.D. et J. Cornuau, ancien cadre du Commissariat, leur était proche. Huit des neuf élus du Bureau National des C.E.A. avaient travaillé avec l’organisation Pinot-Mitterrand, ce qui prouvait incontestablement l’emprise du groupe sur le milieu158.

  • 159 Ibid., Cornuau, p. 26.

177En novembre 1944, les représentants des Centres d’Entraide de tous les départements, les premiers élus en France après la Libération, se réunirent à Paris et approuvèrent l’idée de la fusion. Une Commission Bipartite fut chargée de la préparer. L. Devaux, G. Desbœuf, Ph. Amaré, B. Ariès, Vincent et J. Cornuau y représentaient les C.E.A. Mitterrand, Bugeaud, Benet, Lemoign, Dechartre et Gagnaire : le M.N.P.G.D. ; J. Védrine et P. Ripert en étaient les Secrétaires159. Six de ces quatorze personnes appartenaient aux deux organisations à la fois. Deux autres, Amaré et Cornuau, anciens cadres du Commissariat, n’appartenaient pas au M.N.P.G.D. mais étaient liés de près au groupe Pinot-Mitterrand. Le neuvième, J. Benet, issu du R.N.P.G., était très proche des cadres du Commissariat et des C.E.A. Dans ces conditions, les pourparlers étaient condamnés à aboutir.

178La fusion entre les C.E.A. et le M.N.P.G.D. démontre de nouveau l’emprise des anciens du Commissariat sur la société des prisonniers rapatriés. Ayant organisé les P.G. libérés, créant des structures qui avaient prouvé leur capacité de survivre aux tourments de l’époque et leur efficacité, ils avaient entraîné leurs partisans vers la Résistance avant de pousser les deux organisations qu’ils avaient créées vers la fusion au sein de la Fédération Nationale des Prisonniers de Guerre.

  • 160 Ibid., Pinot. Partie rédigée par J. Védrine, p. 112.

179On ne peut qu’admirer la capacité d’adaptation et la clairvoyance politique qu’avait octroyées à ces hommes le sentiment d’être « les délégués syndicaux des P.G. ». Capables d’anticiper les problèmes du retour, ils surent créer et adapter dans la tourmente un mouvement à sa mission160.

Notes

1 M.T. Chabord : « Les Services des P.G. à Vichy », in : Revue d’Histoire de la IIe Guerre Mondiale, n° 37, 1960, p. 3.

2 La quantification des P.G. français, tombés aux mains des Allemands pendant la Campagne de France, varie légèrement selon les sources. On se réfère généralement aux statistiques du Ministère des P.D.R. et du Ministère des A.C.V.G. selon lesquelles 1 850 000 P.G. français auraient été détenus par la Wehrmacht à la fin des hostilités et 1 500 000 d’entre eux transférés en Allemagne. Statistiques fournies par M. Cochet, Directeur Adjoint de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre au Secrétaire Général de la F.N.C.P.G.-C.A.T.M. (lettre du 1.8.1976). A ce sujet, voir aussi : Yves Durand : La Captivité, Paris, F.N.C.P.G.-C.A.T.M. éditeur, 1980, pp. 20-21.

3 Association Dossier P.G.-Rapatriés : Dossier P.G.-Rapatriés 1940-1945, Asnières, J. Védrine Editeur, 1981. Recueil de notes et de témoignages. Deux volumes.
Vol. 1, Chapitre 30, pp. 1-2. Cité par suite comme « Dossier ».

4 Ibid. Chapitre 4.

5 Ibid. Chapitre 19.

6 Ibid. Chapitre 15.

7 Ibid. Chapitre 23.

8 Ibid. Chapitre 24.

9 Ibid. Chapitre 8.

10 Ibid. Chapitre 10.

11 Interview de Verrier, 24.3.1982.

12 Dossier, op. cit., Vol. II, M. Pinot, pp. 22-25 et J. Cornuau, pp. 13-15.

13 Ibid., Vol. I, Chapitre 7.

14 Ibid., Chapitre 26.

15 Ibid., Chapitre 28.

16 Plus de 80 % des P.G. étaient âgés de 20 à 35 ans. Près de 60 % d’entre eux étaient mariés et plus d’un tiers était père de famille. Il s’agissait très souvent d’hommes avancés déjà dans leur vie sociale et professionnelle. Y. Durand, La Captivité, op. cit., pp. 25-28.

17 L’ampleur du problème se comprend si l’on se souvient que le volume total de la population active française, sur base de 100 en 1937, monta à 105 en 1939, pour tomber à 85 en 1940. Cette régression à pic était due essentiellement à la captivité. Jean Fourastié : « La Population Active Française pendant la Seconde Guerre Mondiale », In : Revue d’Histoire de la IIe Guerre Mondiale, 1981, pp. 5-18. Conformément aux statistiques fournies par l’Office National des Anciens Combattants, 110 000 prisonniers furent libérés d’Allemagne et des Frontstalags en France au cours de l’année 1940. Pour l’année 1941, les chiffres sont : 193 000 rapatriés d’Allemagne, 30 000 libérés des Frontstalags, 16 000 évadés – au total : 239 000, Archives F.N.C.P.G.-C.A.T.M.

18 Dossier, op. cit., Vol. II, M. Pinot, p. 5 et Interview de J. Védrine, 13.3.1981.

19 Loi S7T7. J.O. du 14.10.1941. Article 2, In : Dossier, op. cit., Vol. 1, Chapitre 16, p. 4.

20 Dossier, op. cit., Vol. II, M. Pinot, pp. 16-17, J. Védrine, p. 13 ; F. Mitterrand, p. 2.

21 Ibid., Ph. Amaré, p. 1, J. Cornuau, pp. 9-10, M. Bernard, pp. 1-2.

22 F. Mitterrand écrivait déjà le 15.12.1941, dans l’Ephémère, journal du Stalag IX A : « Ah ! Certes, on s’occupe de nous ! Mais pour les lettres admirables d’une mère ou d’une femme ou d’un ami fidèle, pour les témoignages d’un camarade de travail ou de l’employeur... combien de tendresses perdues. »« Et je crains qu’on ne parle de prisonniers comme on parle de morts : en vantant leurs mérites, en tressant leurs louanges, mais en estimant que leur première qualité est surtout de ne plus gêner les vivants. »
F. Mitterrand : Politiques, Paris, Fayard, 1977, p. 11.

23 Dossier, op. cit., Vol. II, M. Pinot, p. 10.

24 Ibid., p. 33.

25 Ibid., Vol. II, V. Ponchel, p. 1 ; P. Verrier, pp.1, 4 ; Ph. Amaré, p. 2.

26 Ibid., M. Pinot, pp. 13-14.

27 Pour comprendre la problématique de la réintégration, il faut se souvenir du fait que parmi les 239 000 rapatriés et évadés de l’année 1941, 32 000 libérés étaient classés comme « malades et inaptes », 52 000 étaient « Anciens Combattants » et 3 000 définis comme « cas humanitaires ». Statistiques concernant la captivité, fournies à la F.N.C.P.G.-C.A.T.M. par l’Office National des Anciens Combattants. Archives F.N.C.P.G.-C.A.T.M.

28 Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre 27, pp. 2-4. L’entretien des fonctionnaires détachés échut aux administrations d’origine. Le personnel propre des « Maisons » était peu nombreux. Voir Vol. II, J. Cornuau, pp. 9-12.

29 Ibid., Vol. II, M. Pinot, p. 30.

30 Ibid., Vol. I, Chapitre 27, p. 3.

31 Pour la création et l’organisation des Maisons de Prisonniers, se référer au Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre 27, ainsi qu’aux témoignages de J. Cornuau, H. Guérin, R. Issartel et M. Pinot, Ibid., Vol. IL

32 Ibid., Vol. I, Chapitre 27, pp. 6-7.

33 .. « seule l’entraide semblait compter... Nous devions songer à ceux qui étaient encore en Allemagne et à leur famille... Devant la vague d’indifférence de la population, j’étais heureux de retrouver des camarades qui employaient encore le tutoiement des camps, quelle que soit leur position sociale ». Ibid., Vol. II, F. Gachet, p. 4.

34 Ibid., E. Ader, pp. 1-2.

35 Ceci est vrai surtout pour la période 1941-1944. Après la Libération, les Amicales connurent une certaine expansion et un développement. Toutefois, le nombre de leurs adhérents et leur influence n’égalèrent jamais, de loin s’en faut, la F.N.C.P.G.

36 Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre II.
Voir aussi Vol. II, Pinot, pp. 22-25, et pour la région parisienne : Ph. Amaré et M. Bernard.

37 Ibid., Vol. II, J. Védrine et J. Cornuau.
La volonté d’assurer l’indépendance des C.E.A. amena le Commissariat à leur élaborer un statut les contraignant à se consacrer uniquement à des activités sociales. Le même raisonnement limita l’organisation à l’échelon départemental. La constitution d’un Comité National fut jugée trop risquée. Ibid., Pinot, p. 49.

38 Pour l’activité des C.E.A., lire les témoignages de :
M. Bernard : C.E.A. du 13e arrondissement,
J. Verrier : C.E.A. d’Enghien,
P. Garino : C.E.A. de Lons-le-Saunier.
Ibid.

39 Ibid., Vol. I, Chapitre II, p. 5.

40 Pour la législation en faveur des P.G., voir Pinot. Ibid., Vol. II, pp. 25-28. Elle fut partiellement reprise par le Ministère de H. Frenay.

41 J.-M. d’Hoop. Propagande et Attitudes Politiques. Le Cas des Oflags. Revue d’Histoire de la IIe Guerre Mondiale, n° 122, 1981.
Voir aussi Durand, La Captivité, op. cit., pp. 310-311, 334-342.

42 Interviews de J. Védrine, 13.3.1981 et 11.6.1981.
Interview de L. Devaux, 18.5.1981.
Interview de L. Beaudoin, 27.5.1981.
Voir aussi le témoignage de H. Guérin. Dossier, op. cit., Vol. II, p. 1.

43 Interview de R. Paumier, 10.11.1981.

44 Interview de L. Devaux, 18.5.1981.
Voir aussi Durand, La Captivité, op. cit., pp. 343-345.

45 Durand, La Captivité, op. cit., pp. 360-361.

46 La première Maison du Prisonnier – celle de Paris – fut ouverte, de fait, le 15.12.1941. La première Maison de la zone libre ne fut inaugurée que le 18.6.1942. Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre 27, p. 6.

47 Ibid., Vol. I, Chapitre II, p. 5.

48 Voir les luttes de M. Pinot contre l’A.P.G. 1939-40.
Ibid., Pinot, pp. 36-37.
A noter aussi le passage sur le « neutralisme », pp. 39-40.

49 Interview de J. Védrine, 13.3.1981.

50 Dossier, op. cit.. Vol. II, Pinot, pp. 42-46.
Cette présentation des choses éveilla des critiques véhémentes d’un des animateurs de la résistance P.G.M. Haedrich : « Dans la foule des deux millions de Français prisonniers, la prise de relais entre Pinot et Mitterrand », Historia V, 1983.

51 Il est incontestable que les fonctions exercées par Pinot dans le cadre du Gouvernement de Vichy modifièrent son avenir. Dans quelle mesure souffrit-il d’avoir été marqué par cette appartenance ? Même J. Védrine, compagnon de route, ami personnel et collaborateur proche du Commissaire, ne peut répondre à cette question. (Lettre dej. Védrine, 21.12.1982.) Et pourtant, on ne peut ignorer le fait que les « Membres Fondateurs » de la Fédération ne purent se mettre d’accord pour octroyer à Pinot ce titre qu’il méritait pourtant entre tous, car l’unanimité ne put être entièrement réalisée, certaines oppositions demeurant du fait des fonctions exercées par l’intéressé à Vichy.

52 Dossier, op. cit., Vol. II, Pinot, p. 44 et J. Védrine. Interview du 11.6.1981.

53 Dossier, op. cit., Vol. II, Pinot, pp. 44-45 et 51.

54 Ibid., Guérin, p. 15 ; Issartel, p. 7 ; Pinot, pp. 58-59.

55 Ibid., Guérin, p. 35 ; Issartel, pp. 9-10 ; Pinot, pp. 66-67 ; Védrine, pp. 22-23.

56 On retrouve dans les témoignages de nombreuses marques de sympathie et d’estime envers la personne de Scapini et son entourage immédiat. Voir surtout Ibid. H. Guérin, pp. 9-9bis.

57 Voir par exemple ce passage particulièrement significatif dans le « Témoignage » de J. Cornuau (après le 11 novembre 1942 le Maréchal décide de rester en France) : « C’est une très grande déception pour nous, et en ce qui me concerne, je ne puis plus être Pétainiste » (en majuscules dans le texte). Ibid., Vol. II, Cornuau, p. 19.

58 Ibid., G. Thévenin, p. 2.

59 Ibid., J. Védrine, pp. 24-26.

60 Les C.E.A. de la région parisienne menaient déjà au milieu de 1942 des activités de ce genre. Ibid., Ph. Amaré, p. 4, V. Ponchel, p. 4. Pour les chaînes d’évasion, voir B. Ariès, pp. 2-3.

61 Ibid., F. Lessage, p. 2, P. Garino, p. 2.

62 Ibid., M. Pinot, p. 88.

63 Henri Nogueres. Histoire de la Résistance en France, Paris. Robert Laffont, 1972. Vol. II, pp. 629-630.

64 Dossier, op. cit., Vol. II, Pinot, p. 81.

65 Notre description de la constitution du R.N.P.G. se base, entre autres, sur l’Historique de la Création et des Activités du Rassemblement National des Prisonniers de Guerre, rédigé par Jacques Benet, membre de la Direction Nationale du R.N.P.G. afin de permettre l’homologation de l’organisation comme « Mouvement de Résistance » par le Ministère de la Défense Nationale. Document dactylographié et inédit. Paris, III. 1980. Cité par la suite comme « Historique ».

66 Pour le C.A.P., voir Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre 9.

67 Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre 29, pp. 7-8.
Historique, op. cit., pp. 17-19.

68 Historique, op. cit., pp. 10-13.

69 Dossier, op. cit., Vol. II, Chigot, pp. 2-3 ; Mitterrand, p. 5 ; Védrine, pp. 26-29.

70 Historique, op. cit., pp. 13-17.

71 Ibid., pp. 20-23.

72 Ibid., p. 24.

73 Ibid., p. 25.

74 Ibid., pp. 26-29.
Le rôle des cadres du Commissariat y est prépondérant : le responsable départemental du Mouvement en Saône-et-Loire est R. Polfliet – Directeur de la « Maison » de Mâcon. Dans le Jura, la Direction appartient à H. Marest, Directeur de la Maison de Lons-de-Saunier. Dans l’Ain, elle échoit à F. Lesage, Directeur de la Maison de Bourg-en-Bresse. La Haute-Savoie est aux mains du Dr Poirier, Directeur de la Maison d’Annecy. En Ardèche, le responsable est Jost du bureau du C.E.A. départemental. En Allier, la Résistance s’organise autour d’une équipe rattachée au C.E.A. La Direction du Puy-de-Dôme est assurée par le Dr G. Fric du C.E.A. départemental. La région de Toulouse est commandée par M. Vivien, ancien Inspecteur Régional du Commissariat. La Direction de la région Provence-Côte d’Azur est assurée par le Colonel Griaulet, Inspecteur du Commissariat et par Capeletti du C.E.A. des Alpes-Maritimes. A Nice, l’organisation est dirigée par P. Merli de la Maison du Prisonnier de Nice et à Cannes par Georges Foata du C.E.A. de cette ville.

75 Historique, op. cit., pp. 34-36.

76 Ibid., pp. 38-42.

77 Ibid., pp. 43-44.

78 Ibid., pp. 46-47. Voir aussi le témoignage de J. Mounier. Dossier, op. cit., Vol. II, pp. 3-11.

79 Historique, op. cit., p. 48.

80 Ibid., pp. 50, 189.

81 Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre 29, p. 11. Vol. II, J. Védrine, pp. 36-37 ; D. Salaud, pp. 3-4. Historique, op. cit., pp. 162-168.

82 Dossier, op. cit., Vol. II, M. Pinot, p. 85.

83 Ibid., p. 85 et interview de L. Devaux, 18.5.1981.

84 Dossier, op. cit., Vol. II, L. Devaux, pp. 2-3.

85 Ibid., V. Ponchel, pp. 6-7.
Historique, op. cit., p. 171.

86 Ibid., pp. 173-175.

87 Ibid., pp. 175-178 et Dossier, op. cit., Vol. II, V. Ponchel, pp. 8-12.

88 Historique, op. cit., pp. 54-56, 58-83.

89 Vers la fin de l’hiver 1943, F. Mitterrand se serait opposé à l’engagement des éléments R.N.P.G. dans l’A.S. car : « L’A.S. est de tendance gaulliste et reçoit ses instructions de Londres. Le R.N.P.G. doit rester indépendant et est plutôt d’obédience giraudiste. » Dossier, Vol. II, Jacques de Fayet de Montjoye, p. 3.

90 Ibid., F. Mitterrand, p. 7.
D’après Pinot, le R.N.P.G. était considéré par certains membres du C.F.L.N. comme mouvement giraudiste, « ce qui était explicable mais faux ». Ibid., p. 87.
D’ailleurs, des personnes telles que H. Frenay avaient tendance à classer les groupes s’appuyant dans leur action de résistance sur les cadres de l’armée et des groupements de jeunesse ayant été rattachés à Vichy comme giraudistes. Henri Frenay, La Nuit Finira, Paris, Robert Laffont, 1973, p. 389.

91 Dossier, op. cit., Vol. II, M. Pinot, p. 88.

92 Ibid., p. 87 et F. Mitterrand, p. 6.

93 Ibid., et Historique, op. cit., p. 191.

94 A. Lettre de Frenay à Pinot le 27.12.1943 conservée dans les archives personnelles de J. Védrine.
B. Compte rendu de la réunion constitutive du Mouvement National des Prisonniers de Guerre. Document non contemporain reconstitué de mémoire par R. Paumier (A. Delarue) à une date inconnue.

95 Interview de P. Verrier, 24.3.1982.
Interview de J. Benet, 17.5.1982.

96 H. Frenay mentionne dans son livre le passage de Mitterrand à Alger à la fin de 1943, mais ne dit mot d’une rencontre avec De Gaulle. (La Nuit Finira, op. cit., pp. 399-400). Par contre, J. Védrine qui a rédigé le témoignage de Mitterrand pour le « Dossier » y insère le compte rendu de cette entrevue. (Dossier, op. cit., Mitterrand, p. 6). Mitterrand, lui-même, a authentifié ce document « n’y ayant pas relevé d’erreur ». Il est certain que Mitterrand rendit compte de son entretien avec le Général, à l’échelon national du R.N.P.G., immédiatement après son retour. Historique, op. cit., p. 201.

97 La version de Mitterrand n’a, à notre connaissance, jamais été démentie, bien que les occasions n’y manquèrent pas. Elle parut, en effet, pour la première fois, dans François Mitterrand : Les Prisonniers de Guerre devant la Politique, Paris ; Editions du Rond-Point, 1945, p. 22. Les deux permanents du M.N.P.G.D. (Benet et Dechartre), envoyés après la fusion à Alger, rencontrèrent Frenay et De Gaulle. Personne ne semble s’être alors étonné de la composition de leur mouvement. Dossier, op. cit., Vol. II, Benet, p. 7, Dechartre, p. 4.

98 Ibid., Mitterrand, p. 7.
Mitterrand souligne dans son témoignage que c’est bien De Gaulle qui lui avait donné l’ordre de faire fusionner les trois mouvements, lui révélant, en cette occasion, l’existence d’une organisation de résistance P.G. d’obédience communiste. Il corrigea dans ce sens son témoignage rédigé par J. Védrine, à partir d’autres textes publiés précédemment, insistant sur ce fait. Archives personnelles de J. Védrine. On retrouve la même version des faits dans : Ma Part de Vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 26. Toutefois, le premier des textes se rapportant à ces faits, publié déjà en 1945, est plus ambigu : François Mitterrand : Les Prisonniers de Guerre devant la Politique, p. 22.

99 Frenay, op. cit., p. 399.

100 Ibid.

101 Lettre du 27.12 (année non citée), signée « Frenay ». Archives personnelles de J. Védrine.

102 Une telle discussion eut lieu par contre entre De Gaulle et Mitterrand. Dossier, op. cit., Vol. II, Mitterrand, p. 6.

103 Frenay, op. cit., pp. 282 et 399.

104 Dossier, op. cit., Vol. II, Pinot. Partie rédigée par J. Védrine, p. 90 et l’Allocution de M. Schuman à la B.B.C. In : Mitterrand, Les P.G. devant la Politique, op. cit., p. 44.

105 Le texte nous a été remis par R. Paumier lui-même qui a signalé la date tardive de sa rédaction. D’après lui, il s’agirait d’une reconstitution « plus ou moins conforme à l’original ».

106 R. Paumier, Compte rendu reconstitué de la réunion constitutive du M.N.P.G.D.

107 Dossier, op. cit., Vol. II, Benet, p. 5 ; Védrine, pp. 89-91.

108 Ibid., Vol. I, Chapitre 29, p. 15 ; Vol. II, Dechartre, pp. 1-2.

109 Ibid., Vol. I, Chapitre 29, pp. 15-16.

110 Ibid., Vol. II, Dechartre, p. 2 ; Bonnet, p. 2.

111 Ibid., Vol. I, Chapitre 29, pp. 16-17.

112 Ibid.

113 Interview de Ph. Dechartre, 24.11.1981.

114 Interview de R. Paumier, 10.11.1981.

115 Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre 29, p. 18.

116 Ibid.

117 Interview de P. Bugeaud, 24.2.1981.

118 Frenay, op. cit., p. 279.

119 Historique, op. cit., G. Thévenin, pp. 2-3.

120 Historique, op. cit., pp. 64, 113-115.

121 Interview de J. Védrine, 16.6.1981.

122 R. Paumier, Compte rendu de la réunion constitutive, op. cit.. Malgré la problématique de ce document qui n’est qu’une reconstitution, nous n’avons aucune raison de réfuter la description des activités et de l’importance du C.N.P.G. par son propre dirigeant. Elle ne pouvait être sous-estimée.

123 Dossier, op. cit., Vol. II, « Avant-propos », p. 6. Historique, Annexe 1.

124 J. Védrine s’adressa en effet à ses amis, cadres de la F.N.C.P.G.-C.A.T.M., issus du C.N.P.G., en vue de la préparation de sa liste. Sa demande ne reçut pas de suite. J. Védrine. Interview du 11.6.1981.
J. Benet entreprit la même démarche et « relança » ses amis plusieurs fois avec aussi peu de résultat.
Interview de J. Benet, 19.3.1982 et 19.5.1982.

125 Interview de R. Paumier et discussion à ce sujet avec P. Bugeaud, 10.11.1981.

126 Jean-Pierre Rioux. La France de la IVe République, Paris, Seuil, 1980. Vol. I, p. 86.

127 H. Nogueres, op. cit., Vol. IV, pp. 514-515.

128 Ibid., Vol. III, p. 530.

129 Historique, op. cit., pp. 192, 199-201.

130 Dossier, op. cit., Vol. II. Témoignage de M. Pinot. Partie rédigée par J. Védrine, p. 91.

131 Historique, op. cit., p. 201.
Les communistes, par contre, souhaitaient réaliser l’union sur la base d’un large programme commun. Un organe directeur de 3 membres (un par mouvement) devait diriger la réalisation de ce programme. Cette conception privilégiait, évidemment, la composante communiste. « Compte rendu de l’entretien entre « Delarue » (Paumier) et « Charette » (Cailliau), 10.2.1944. Document reçu des mains de M. Paumier.

132 Ibid., p. 192.

133 Ibid., p. 202.

134 Dossier, op. cit., Vol. II, Pinot. Partie rédigée par J. Védrine, p. 92.

135 Le compte rendu de M. Paumier mentionne une vive empoignade entre Mitterrand et lui-même. Nogueres mentionne, par contre, quelques heurts entre Michel Cailliau et François Mitterrand, op. cit., Vol. IV, p. 514.

136 Historique, op. cit., pp. 203-204. Dossier, op. cit., Vol. II, Dcchartre, p. 4. Mitterrand, p. 9.

137 Historique, op. cit., p. 204. Interview de Ph. Dechartre, 24.11.1981.

138 Historique, op. cit., pp. 204-205.

139 Communiqué n° 1 du Comité Directeur du M.N.P.G.D. reçu des mains de M. Paumier.

140 Nogueres, op. cit., Vol. IV, p. 550.

141 Frenay, op. cit., pp. 458-459.

142 Historique, op. cit., p. 205.

143 Dossier, op. cit., Vol. I, Chapitre 19, p. 21.

144 Ibid., pp. 22-23.

145 Ibid., Vol. II, J. Mounier, pp. 11-13. A. Pernin, p. 89.

146 Ibid., A. Pernin, p. 81.

147 Ibid., F. Mitterrand, p. 10.

148 Journal Officiel. Débats Parlementaires. Assemblée Consultative, 1945, pp. 651-675.

149 Frenay, op. cit., p. 497. Historique, op. cit., p. 175.

150 Historique, op. cit., p. 177.

151 Dossier, op. cit., Vol. II, J. Benet, p. 8.

152 Interview de P. Verrier, 23.3.1982.

153 Dossier, op. cit., Vol. II, Benet, p. 8, Ader, p. 3.

154 Ibid., Dechartre, p. 5 ; Pinot. Partie rédigée par J. Védrine, p. 106.

155 Ibid., Issartel, Annexe 3, Document sur « La Position des C.E.A. vis-à-vis du M.N.P.G.D.. »

156 Ibid., Devaux, p. 3.

157 Ibid., Mitterrand, p. 11.

158 Ibid., Pinot, p. 106.

159 Ibid., Cornuau, p. 26.

160 Ibid., Pinot. Partie rédigée par J. Védrine, p. 112.

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