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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral L’organisme central : le Commissariat général du plan Les hommes du Commissariat: Jean Monnet « Les hommes de Jean Monnet » ou « le club des optimistes » Les pouvoirs du Commissariat du Plan : les pouvoirs invisibles Les pouvoirs du Commissariat du plan : les pouvoirs réglementaires et législatifs L’organisme de représentation : le Conseil du Plan Les commissions de modernisation : les clés du succès ? Notes de bas de page

    Le plan Monnet

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre V. La création du commissariat général du plan

    p. 87-124

    Texte intégral L’organisme central : le Commissariat général du plan Les hommes du Commissariat: Jean Monnet « Les hommes de Jean Monnet » ou « le club des optimistes » Les pouvoirs du Commissariat du Plan : les pouvoirs invisibles Les pouvoirs du Commissariat du plan : les pouvoirs réglementaires et législatifs L’organisme de représentation : le Conseil du Plan Les commissions de modernisation : les clés du succès ? La constitution des commissions Chronologie et choix des commissions Chronologie des commissions de modernisation Le rôle des commissions Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Le Plan Monnet est élaboré sous l’impulsion de Jean Monnet et de son équipe de collaborateurs au Commissariat du plan, le schéma général puis le rapport définitif est adopté au Conseil du plan, les objectifs détaillés des différentes activités économiques sont l’objet d’une concertation au sein des commissions de modernisation. Nous abordons tour à tour ces trois instances, les hommes et les débats qui les animèrent. Toutefois, les commissions de modernisation ne sont présentées ici que sous l’angle de leurs rapports avec le Commissariat, leur vie interne fait l’objet de la troisième partie de l’ouvrage.

    L’organisme central : le Commissariat général du plan

    2La place de l’administration du plan dans l’organisation du gouvernement, le rôle politique de la planification a été l’objet de retouches successives.

    3Le 24 octobre 1945, le Ministère de l’économie nationale, alors dirigé par R. Pléven et G. Cusin est présenté par Jean Monnet comme le principal maître d’œuvre du plan pour l’année 1946. Il a réuni les principaux directeurs et chefs de service des ministères économiques :

    « Vous pouvez mesurer par là l’étendue de votre responsabilité et plus particulièrement celle du Ministère de l’économie nationale dont la tâche consiste à coordonner les programmes des différents ministères pour satisfaire au mieux l’intérêt général »1.

    4Pour lui-même, Jean Monnet ne propose alors que la direction d’un service de planning installé à Washington. Ce service serait confié au statisticien Silbermann qu’il présente comme le chef du planning de la production aéronautique au Ministère de la Guerre américain. Dans ses mémoires, Jean Monnet précise que Silbermann a été détaché du Massachusetts Institute of Technology pour initier les planificateurs français, particulièrement « les jeunes gens les plus capables » aux techniques statistiques américaines2. Cette première formule intermédiaire entre la programmation et la planification est abandonnée après la constitution du nouveau gouvernement. Le 21 novembre, François Billoux reçoit le Ministère de l’économie nationale. A l’issue de l’échange de lettres du 8 novembre, Jean Monnet est chargé le 29 novembre, par le Ministère des affaires étrangères de préparer une étude de la balance des paiements en vue de futures négociations sur « les crédits de modernisation ». Jean Monnet propose alors la création d’un Haut Commissariat au Plan dont il prendrait la direction. Cet organisme serait chargé d’un travail de longue haleine pour estimer les besoins français. Dans l’immédiat, il demande la mise en place d’un petit comité qui doit en trois mois préparer les négociations avec les États-Unis. Ce comité présidé par Jean Monnet devrait comprendre des représentants du Trésor (1 ou 2), un représentant des Affaires étrangères, un de l’Économie nationale. Il prévoit de confier la vice-présidence à Roger Auboin3. R. Auboin est depuis 1938 Directeur de la Banque des Réglements Internationaux. C’est un ancien collaborateur de Monnet ; il a été conseiller technique de la Banque nationale de Roumanie en 1929. Sa collaboration au Plan a été de courte durée4.

    5Ce comité n’a pas eu d’existence administrative, mais les quelques collaborateurs que J. Monnet réunit à l’hôtel Bristol en novembre en a tenu lieu (R. Auboin, Maijolin, Hirsch, Gaillard). Ils préparent les documents publiés dans une brochure de mars 1946 : « Données statistiques sur la situation de la France au début de 1946, rassemblées en vue des négociations de Washington ». « La première tâche a été de faire un bilan, et cela a pris jusqu’au mois de mars. C’est sur la base de ce bilan que Monnet a négocié avec Byrnes »5.

    6Simultanément, Jean Monnet prépare la note « au sujet du Plan de modernisation et d’équipement » qu’il remet au général De Gaulle le 4 décembre6. Ce document est adopté par le Conseil des ministres du 21 décembre 1945 et le Commissariat est constitué par décret le 3 janvier. L’avis du Conseil d’État rendu par F. Surleau le 27 décembre insiste sur la nécessaire diminution des prérogatives du Ministère de l’économie nationale du fait de la création du Commissariat. Il propose soit de supprimer, soit de laisser sans titulaire les organismes similaires du ministère7.

    7Les instructions du gouvernement au sujet du plan, datées du 10 janvier, reprennent – à quelques différences près – les propositions de J. Monnet au général du 4 décembre. Les propositions de décembre ne précisaient pas la situation du commissariat au sein du gouvernement. Les instructions de janvier stipulent qu’il est institué à la Présidence du gouvernement8. De plus le texte du 4 décembre emploie le terme de Haut Commissaire (celui utilisé le 29 novembre quand J. Monnet était chargé de mission par le Ministère des affaires étrangères) alors que celui du 3 janvier emploie le titre de Commissaire général9.

    8Entre le 4 décembre et le 3 janvier le plan a été placé sous l’autorité directe du Président du gouvernement. Gaston Palewski – chef du cabinet du général De Gaulle – a affirmé qu’il était à l’origine de cette solution afin de compenser l’attribution des ministères économiques au PCF10. Un document rédigé par François Billoux tend à confirmer ce témoignage.

    « Cette proposition [de J. Monnet] fut acceptée par le gouvernement français et le Commissariat général fut créé à la fin de l’année 1945, au moment où j’étais au Ministère de l’Économie Nationale. Le général De Gaulle imposa sa présidence à l’organisation du plan et la nomination de J. Monnet au Commissariat général du Plan »11.

    9Le dispositif administratif du Commissariat a pour vocation initiale de limiter partiellement les responsabilités économiques du PCF. Pourtant les communistes ne manifestent pas d’hostilité vis-à-vis de cette création et adoptent au contraire une attitude bienveillante. Le Commissariat est alors défini comme un organisme éphémère (6 mois) qui doit préparer les négociations avec les États-Unis. Or fin décembre, Monnet a proposé que la délégation française qui conduira ces négociations à Washington soit composée comme suit : Bidault (Affaires étrangères), Pléven (Finances), Billoux (Économie nationale), Paul (Production industrielle), Croizat (Travail), Dautry (Reconstruction)12. Avec trois ministres sur six les communistes ont là une garantie de ne pas être mis à l’écart de ces négociations. D’autre part, Monnet sait présenter son projet d’une façon qui rassure les communistes. Ils répugnent à une conception théorique de la planification dont l’abstraction serait à leurs yeux une forme d’attentisme. Monnet et le général De Gaulle insistent sur les aspects pratiques et immédiats du projet, ils multiplient les garanties.

    « Le Plan sera concret dans sa conception, dans son application, il relèvera en premier lieu du Ministère de l’économie nationale et des départements techniques » (...) « F. Billoux exprime sa satisfaction à propos de l’esprit dans lequel vont être entrepris les travaux du Commissariat, sur la base des plans élaborés par les services au contact quotidien de la réalité »13.

    10Fort de ce succès, J. Monnet entend agir rapidement. Pour lui il s’agit d’inscrire les négociations franco-américaines dans le prolongement des accords américano-britanniques de décembre. Le temps presse ainsi qu’il l’écrit à Gaston Palewski le lendemain de la démission du général De Gaulle. « Il faut faire vite, commettre des erreurs, mais élaguer largement. Pour cela, il faut donner tous les pouvoirs à une personne entourée d’un petit groupe de gens énergiques extérieurs à l’administration qui aura la responsabilité de terminer ce travail d’ici trois mois »14. Or la formation du gouvernement Gouin remet en cause les équilibres politiques et administratifs réalisés autour du Commissariat.

    11Le nouveau gouvernement n’est pas hostile à l’élaboration d’un plan. Le texte de l’accord entre les trois partis du 23 janvier (« La charte du tripartisme ») le prévoit explicitement.

    « Pour développer cette production, satisfaire aux besoins de la population et éviter toute crise, il conviendra d’assurer la coordination des nationalisations ainsi faites, et dont il faudra délimiter les structures. Il faudra également adapter la production aux besoins selon le plan économique et financier »15.

    12C’est André Philip qui reçoit le Ministère de l’économie nationale et des finances et il entend placer le Commissariat sous son autorité. Le 7 février Jean Monnet rédige une lettre de démission à l’issue d’une entrevue avec le président du Conseil16. Il en vient à préciser ses conceptions personnelles et il exprime alors une grande défiance vis-à-vis du personnel administratif et politique traditionnel17. Dans cette phase de conflit entre A. Philip et J. Monnet, le Commissariat s’appuit sur le programme gouvernemental. Il cherche en particulier à recevoir le soutien des communistes qui n’ont plus le Ministère de l’économie nationale. Début février, l’équipe de Monnet emploie le terme de « bataille de la production ». – « Pour l’immédiat – lancer le mot d’ordre « bataille de la production » par l’utilisation totale de nos ressources humaines et matérielles et leur maximum de rendement »18.

    13A. Philip ne cède pas facilement. Le 21 février il fait un long exposé au Comité économique où il présente ses conceptions du Plan19. L’élaboration du plan apparaît comme une entreprise de longue haleine, précédée par un vaste inventaire des moyens économiques du pays. Les structures administratives existantes ne lui conviennent pas. « L’action des organismes et des services qui interviennent dans l’élaboration du Plan est loin d’être actuellement aussi clairement définie ». L’exécution du plan devra être intégralement placée sous l’autorité du Ministère de l’économie nationale. Il n’aborde pas la question des moyens financiers ni celle des crédits américains. Les propositions ressemblent en partie à celles formulées par P. Mendès France.

    14Pourtant Jean Monnet reste Commissaire au Plan et le Commissariat est maintenu à la présidence du Conseil. La désignation de Léon Blum, le 30 janvier, pour conduire les négociations franco-américaines a-t-elle été une monnaie d’échange permettant à Jean Monnet de conserver son territoire « jusqu’à présent sans nom, ni maître » ? (Mémoires p. 285). Cette nomination a étonné, sinon déplu aux États-Unis20. Elle est contestée au sein du gouvernement. « C’est alors que le gouvernement Gouin fut constitué et qu’au lieu d’une délégation gouvernementale nombreuse ce fut Blum qui fut désigné. Bidault était contre la désignation de Blum, sachant que le travail était très avancé et ne désirait pas que Blum « retire les lauriers » de ce qui avait été fait précédemment »21.

    15Le Commissariat du Plan est à nouveau mis en cause lors de la constitution du Gouvernement Léon Blum en décembre 1946. Le Journal Officiel donne la liste du gouvernement en attribuant à Félix Gouin un Ministère du Plan. Cinq jours plus tard un rectificatif précise que F. Gouin est Ministre d’État22. J. Monnet a défendu sa cause auprès de L. Blum en prenant appui sur les premiers travaux du Plan – « Si nous avons pu coopérer avec la CGT, la CGA et les patrons, c’est parce que nous étions apolitiques et extra administratifs ». Il obtient gain de cause le 20 décembre23. De nouveau, lors de la formation du Ministère Ramadier, le 22 janvier 1947, Félix Gouin est Ministre d’État, président du Conseil du Plan. Le 24, un décret délègue à F. Gouin les attributions du président du Conseil à l’égard du plan. En fait, sans que cela soit dit officiellement, F. Gouin est redevenu Ministre du Plan.

    16Lorsque Vincent Auriol fait à P. Ramadier des propositions pour réorganiser le gouvernement, le 30 juin 1947, il suggère que F. Gouin soit à nouveau Ministre du Plan avec J. Monnet comme secrétaire d’État24. Cette proposition n’est pas mise en œuvre. Et le plan reste rattaché à la Présidence du Conseil jusqu’en 1954. A cette date, P. Mendès France confie le plan au Ministère des Finances, il y demeure jusqu’en 1962.

    17Le plan que J. Monnet voulait faire aurait pu être préparé sans que le Commissariat ne soit constitué. L’invention de cette institution relève d’une conjoncture politique. Il s’agit d’un découpage administratif comme la période en a connu d’autres, les ministères des armées et de l’armement par exemple. Le Commissariat du Plan est un intrus dans l’administration. Il se place d’emblée en situation concurrentielle avec les ministères économiques traditionnels. Cette concurrence est particulièrement vive à l’égard du Ministère de l’économie nationale. Une note de R. Marjolin suggère une réforme de ce ministère, il s’agit de lui prendre la Direction des programmes et d’en faire un Ministère du commerce25. F. Bloch Lainé parle de duplication entre la Direction des programmes et le Commissariat26.

    18L’idée de faire reposer l’autorité du plan sur celle du Chef de l’État n’est pas neuve, elle avait été avancée par la DGEN en 1941. La place du Commissariat dans le dispositif administratif n’est pas le résultat de la volonté de J. Monnet, mais de la situation politique marquée par la poussée électorale du Parti Communiste et les craintes que suscitait ce succès communiste dans l’entourage du général De Gaulle. C’est en percevant a posteriori les avantages de cette formule que Jean Monnet en devient le défenseur.

    19La position du Commissariat a été mise en cause à plusieurs reprises. Certains ministres socialistes de conviction planiste tentent de substituer au Commissariat une formule plus centralisée de la gestion immédiate de l’économie et des perspectives à moyen terme. Dans cette bataille, administrative par sa forme, politique quant au fond ; J. Monnet reçoit le soutien des communistes.

    20Ces débats sur la place administrative et de la fonction politique du Commissariat ont des effets contradictoires sur l’histoire de la planification. Certes ils menacent la stabilité de l’institution, mais ils suscitent aussi des justifications et des réflexions qui constituent progressivement l’ébauche d’une théorie de la planification à la française.

    Les hommes du Commissariat: Jean Monnet

    21Le rôle de J. Monnet est considérable. Sa personnalité est légendaire. L’action de J. Monnet repose sur un réseau de relations qui constitue un système occulte de communication. Il n’est guère possible d’en fournir une description détaillée. Dans ce domaine J. Monnet est bien «un homme de l’oral» comme le définit F. Bloch Lainé.

    22Il y a le réseau des relations américaines, celles constituées avant guerre et celles établies de 1940 à 1943 au sein de l’ Administration Roosevelt. L’histoire de certains des amis de J. Monnet présente des traits communs: Harry Hopkins, Harry Dexter White, Georges Ball, Robert Nathan. J. Monnet perd H. Hopkins très tôt, H. D. White, collaborateur de H. Morgenthau joue un rôle encore important au printemps de 1946, mais il se suicide ultérieurement, «soupçonné» de communisme. R. Nathan démissionne de l’Administration Truman, il participe aux travaux du Plan Monnet. De même G. Ball travaille avec J. Monnet en tant qu’avocat privé à l’automne de 194527. R. Nathan et G. Ball n’exercent à nouveau des fonctions officielles que dans les années 1960. C’est alors, écrit J. Monnet dans les Mémoires qu’il retrouve l’atmosphère de l’époque de Roosevelt (p. 545). Il y a eu en 1946 une rupture partielle du système de relations de Monnet: «Roosevelt mort depuis un an, le souffle qu’il animât et qu’il avait communiqué à une grande équipe, et à travers elle à toute la nation n’était plus perceptible. (...) Auprès de lui [Truman] nous trouvâmes une équipe nouvelle qui était appelée à jouer un rôle de transition» (pp. 297 et 298).

    23Les changements dans l’Administration américaine à l’automne 1945, préoccupent les négociateurs français28. Il apparaît que les amitiés américaines de J. Monnet étaient clairement démocrates et rooseveltiennes. Les hommes mis en place par Truman ne sont plus tout à fait les mêmes. Cette situation nouvelle et relativement imprévisible dessert la position du Commissaire du Plan lors des négociations franco-américaines du printemps 1946.

    24Les relations de J. Monnet dans la classe politique française se caractérisent par leur hétérogénéité politique et par leur relative stabilité. Elles concernent aussi bien des hommes comme R. Mayer et R. Pléven que P. Le Brun et F. Billoux29. Entre la génération de décideurs de l’avant-guerre et celle de l’après-guerre il y a une différence de «valeurs personnelles» (importance de la compétence de l’efficacité) et de style de vie (ascétisme et décontraction des relations de travail)30. J. Monnet a joué un rôle important dans cette mutation (la salle à manger de la rue de Martignac). Initié très tôt aux méthodes américaines de relations sociales il a eu un effet d’entraînement parmi les dirigeants français. Ce nouveau style était dans l’air du temps comme en témoignent le Centre d’études des problèmes humains de J. Coutrot ou les feux de camp de l’école des cadres d’Uriage. Sa généralisation a été stimulée par la Résistance. Le succès de J. Monnet dans ce domaine ne tient qu’en partie à la nouveauté de ces pratiques. J. Monnet n’est pas le seul a prôné ces méthodes mais il est celui qui les relie le plus explicitement au modèle américain. Un modèle qu’il a connu avant guerre et pendant la guerre et dont l’image se perpétue dans les mentalités collectives. « L’Amérique des années 1950, de la « guerre froide » et du « maccarthysme », reste, dans sa représentation sociale, l’Amérique du New Deal, du dirigisme économique et de la lutte antifasciste »31. Cet effet d’entraînement concerne en premier lieu ses collaborateurs au Commissariat.

    25J. Monnet entretient avec les États-Unis un rapport personnel particulier. La thèse de A. Kaspi le montre, il est convaincu très tôt que les États-Unis créeront les conditions d’une reconstruction de grande envergure en proposant des crédits importants. Le fait que les États-Unis tardent à mettre en œuvre cette politique, notamment à l’occasion des négociations Blum-Bymes, ne décourage nullement Monnet. Il conserve sa conviction et poursuit l’œuvre du plan.

    « Ce que j’étais venu chercher, et ce qui était acquis, était l’assurance que nous pouvions commencer le plan sans crainte de rupture. Une fois en route, sa propre dynamique créerait les conditions matérielles intérieures et extérieures de son accomplissement » (Mémoires p. 300).

    26Il fait preuve d’une remarquable opiniâtreté tout au long de l’année 1946 et au-delà. Cette certitude peut s’expliquer par deux hypothèses non contradictoires entre elles. J. Monnet qui connaît bien l’Amérique depuis la première guerre mondiale pense que les États-Unis ne peuvent laisser se recréer la situation monétaire de l’entre-deux guerres. A partir de là toute son action consiste à anticiper la politique qui sera celle du Plan Marshall et de l’OECE en donnant à la France une avance qui – croit-il – lui sera favorable.

    27Outre ce qui relève des convictions personnelles de J. Monnet, l’Administration de Roosevelt ne cache pas en 1944 qu’elle a une stratégie globale pour l’après-guerre, formulée dans la charte de l’Atlantique et précisée dans le cadre de Bretton Woods.

    « Nos travaux porteront sur le domaine des problèmes monétaires et d’investissements. Il doit être noté cependant qu’ils sont seulement une part d’un programme plus vaste, destiné à permettre l’expansion de la production, de l’emploi et des échanges, telle que l’envisage la Charte de l’Atlantique et l’Article VII des accords de Prêt-Bail que les États-Unis ont conclu avec de nombreuses actions »32.

    28Un rapport destiné au Ministère des Affaires Étrangères à Paris, daté du 22 décembre 1944 analyse un article de l’United States News où l’on apprend que Roosevelt prépare de très gros prêts pour la reconstruction des pays européens. Le chiffre de 5 millions de dollars par an est avancé33. H.D. White est présenté par J. Monnet comme un de ses intimes. Il est chargé par H. Morgenthau en décembre 1941 de la prévision pour l’après-guerre dans le domaine de la politique financière internationale.

    29Il y a suffisamment d’éléments pour penser que Monnet tire sa certitude à la fois de sa conviction personnelle et de conversations qu’il a pu avoir avec les décideurs américains entre 1941 et 1943. Toutefois il ne faut sans doute pas surestimer le degré de préparation de l’action de J. Monnet. Sur bien des points elle fait la place à l’improvisation. Il est frappant de constater à quel point la question européenne est peu présente dans les documents de J. Monnet en 1946, ils évoquent la place de la France dans le monde, mais pas celle de l’Europe.

    30La position originale que J. Monnet adopte à l’égard du Parti Communiste pendant la période montre la réalité et les limites de l’autonomie d’analyse de J. Monnet. Depuis Alger où il « découvre » les communistes, J. Monnet entretient à leur égard une attitude bienveillante, il prend appui sur la convergence de ses objectifs et des leurs en janvier-février 1946. Lorsque les ministres communistes sont évincés du gouvernement, il tente une démarche auprès du Président de la République. Il plaide pour un retournement complet de la situation. « Pour cela, à son avis tous les groupes politiques importants devraient participer au gouvernement, y compris le Parti communiste, mais ce retour des communistes ne doit pas être une victoire sur le gouvernement, il doit se faire sur un programme accepté par tous »34.

    31Début septembre il abandonne cette position. « Il me dit que, d’autre part, vu la situation, il a réfléchi à la question de la participation communiste au gouvernement. Ce serait évidemment motif d’apaisement, mais Monnet me dit que cela mettra en retrait les États-Unis pour le concours qu’ils peuvent nous accorder »35. Peut-être faut-il mettre en rapport ce tournant politique de Monnet avec le contenu d’une note rédigée par G. Guindey le 26 septembre 1947. « Mrs Snyder et Caffery sont gravement préoccupés par les propos que M. Monnet tient à un grand nombre de personnalités américaines pour leur expliquer que le retour des communistes au pouvoir est indispensable. M. Monnet est considéré aux USA comme la personnalité dirigeante française en matière économique et financière et comme ayant une grande influence sur la politique française »36.

    32Pour préserver le succès de ses projets Monnet a-t-il anticipé les réactions américaines en changeant d’avis où a-t-il fait l’objet de pressions ? Il reste qu’il a tenté de défendre la thèse du maintien des communistes au gouvernement.

    33Les conceptions sociales de J. Monnet présentent, elles aussi, une certaine originalité. Il est favorable à l’existence d’un syndicalisme ouvrier fortement organisé. Dans le Plan il accorde une place importante à la CGT. Selon P. Delouvrier J. Monnet n’était nullement favorable à la scission de Force Ouvrière et fut très peiné de cette division. Il est certain cependant que son attitude vis-à-vis de la CGT se modifie à la fin de 1947. Le journal de V. Auriol en témoigne. « Je ne crois pas qu’il faille leur dire (à la CGT) nettement vos idées ni les miennes en ce qui concerne par exemple les questions de compression monétaire car ils ne manqueraient pas de publier en gros caractères pour affoler le pays de cette imputation de monnaie »37.

    34Le comportement de J. Monnet vis-à-vis du mouvement syndical ouvrier peut relever tout aussi bien d’une volonté de l’intégrer en l’associant à la gestion, selon le modèle anglo-saxon ou d’une prise en compte du rapport des forces et des particularités du mouvement ouvrier français. Ne retenir qu’une de ces deux explications de son action en 1946 ferait courir un risque d’anachronisme. Il y a, en 1946, des nombreux points de convergence entre J. Monnet et la CGT. Ainsi le 26ème Congrès de la centrale, tenu en avril 1946 adopte à l’unanimité, sur proposition de sa fédération des employés, une motion visant à la dissolution du corps de l’inspection des Finances38. J. Monnet formule le même souhait. Vis-à-vis des hauts fonctionnaires d’une façon générale, il se montre très critique lors du conflit de février 1946 avec A. Philip.

    « Je pense en outre que le recrutement même des hauts fonctionnaires qui aujourd’hui dirigent la vie française – que ce soit diplomates, économistes – rend impossible la transformation fondamentale dont la vie de la France dépend. Pour la plupart, ils sont recrutés parmi ceux qui passent les écoles françaises (Polytechnique, etc.) et parmi les corps des Inspecteurs des Finances, des Ponts, des Mines, de la carrière. Pour la plupart, ils sont très cultivés, honnêtes, compétents techniquement, mais ils n’ont pour la plupart aucun esprit d’entreprise et d’action. Même si individuellement à l’origine de leur carrière, les études qu’ils ont faites leur avaient laissé certains vestiges de ces qualités, leur incorporation dans ces corps traditionalistes les leur enleveraient (...). Une des mesures essentielles est la dissolution des corps des Inspections des Finances, corps des Mines, etc. et le remplacement des directeurs principaux par des hommes nouveaux pris dans le pays et sélectionnés un à un d’après leurs expériences passées »39.

    35De son passé d’homme d’affaires, J. Monnet a conservé une certaine méfiance vis-à-vis des hommes politiques. Dans ses propositions à V. Auriol le 28 juin 1947, il affirme catégoriquement. « Le Ministre de l’économie nationale ne devrait pas être un homme politique, mais un grand homme d’affaires, celui de la Reconstruction, un grand chef d’entreprise »...40. Toutefois, il hésite à se lancer dans la carrière politique lors des élections de l’automne 1945.

    36Les conceptions économiques du Commissaire général reposent sur un certain volontarisme. La première tâche qu’il a assignée au Commissariat est d’établir un bilan statistique de l’état de la France. Il n’a pas pour autant de religion du chiffre. « Les études économiques et statistiques sont utiles parfois pour qu’on en déduise le contraire. Ce que nous retirons c’est une voie, un ordre de grandeur mais aussi certaines constatations fondamentales et simples dont nous retirons certaines actions simples »41.

    37J. Monnet est keynésien, vraisemblablement sans le savoir. Son optimisme industriel est celui qui devrait inciter les décideurs à avoir confiance dans l’avenir et à se lancer, qu’ils soient privés ou publics, dans une politique d’investissement.

    « Les hommes de Jean Monnet » ou « le club des optimistes »42

    38La liste des collaborateurs de J. Monnet et la chronologie de leur participation est difficile à établir car il s’agit de chargés de mission dont la contribution à parfois été brève ou intermittente43. Les Mémoires sont imprécises sur cette question et ignorent les difficultés qui ont pu survenir avec tel ou tel collaborateur. Réciproquement ceux-ci contribuent au mythe d’une unanimité autour du plan. Un exemple est fourni par le cas d’Alfred Sauvy. Jean Monnet explique : A. Sauvy, collabora au début du plan mais ne put rester rue de Martignac (Mémoires p. 287). A Sauvy écrit que J. Monnet lui a demandé de choisir entre l’Ined et le plan, refusant une formule à mi-temps. Mais dans une lettre du 20 janvier 1947, A. Sauvy fournit une autre explication de son départ du Plan.

    « Sans doute, lorsque vous avez commencé vos travaux, mon intention était de vous rendre des services plus actifs et plus suivis. Les événements en ont décidé autrement et je me suis vite trouvé dans une position d’isolement, qui rendait impossible un travail continu. Je ne formule ici aucun reproche contre personne et je dois m’accuser moi-même d’avoir éprouvé une confiance excessive dans la sûreté des travaux qui étaient entrepris. La déception est donc double car elle touche aussi mon amonr propre »44.

    39Par recoupement nous proposons une liste chronologique des hommes du Commissariat (sans doute incomplète et susceptible d’erreurs). Premier groupe, hiver 1945, R. Auboin, E. Hirsch, F. Gaillard, R. Marjolin. Deuxième étape (janvier 1946), Pierre Denis, J. Fourastié, L. Kaplan, A. Sauvy. En février, Fourastié, Kaplan et A. Sauvy ne collaborent plus au niveau du Commissariat (Sauvy et Kaplan participent aux commissions de modernisation). Troisième étape du printemps à l’automne 1946, M. Aicardi, L. Bou, J.P. Delcourt, P. Delouvrier, Michel Denis, R. Dumont, J. Dumontier, R. Froment, P. Gavanier, M. Guemier, M. Magron, S. Nora, J.R. Rabier, J. Vergeot. En 1947, F. Fontaine, J.F. Gravier, P. Uri et d’autres se joindront à eux.

    40Cette équipe a pour l’essentiel une double origine. D’une part des anciens collaborateurs de Monnet : Auboin, Pierre Denis, Marjolin, Hirsch, Kaplan. D’autre part des spécialistes des questions économiques ou financières proposés à J. Monnet par A. Sauvy (Vergeot, Dumontier, Froment, Dumont), F. Gaillard (Aicardi, Delouvrier) et même L. Blum (Fourastié).

    41Dans les limites de l’échantillon, les biographies fournissent une image globale des hommes du Commissariat45. Beaucoup sont jeunes (7 ont moins de 30 ans en 1946). Deux seulement proviennent de l’industrie privée. Il y a trois inspecteurs des Finances, dix juristes. Durant la guerre, 5 étaient étudiants, 7 étaient en poste dans la fonction publique, 5 se trouvaient à l’étranger (dont 2 dans les services de la France Libre), 2 ont tenu un rôle notoire dans la Résistance armée (F. Gaillard et P. Delouvrier). Dans la suite de leur carrière un seul a rejoint l’industrie privée peu de temps après son passage au plan, 4 ont fait l’essentiel de leur carrière au Commissariat, 4 dans divers organismes internationaux, 9 dans la haute fonction publique ou la vie politique.

    42Le profil des collaborateurs immédiats de J. Monnet est assez différent de celui des hommes qui animent les commissions de modernisation et le Conseil du Plan. Il ne correspond absolument pas aux conceptions personnelles de J. Monnet (réticence à l’égard des grands corps, préférence pour les industriels expérimentés). C’est dans le vivier de l’administration qu’il a dû puiser les promoteurs de la planification française.

    43En effet, le décret constitutif du 3 janvier 1946 prévoit (Art. 7) « Le Commissariat général comprend, sous l’autorité du commissaire général, des chargés de mission ». Mais il mentionne (Art. 3) que le Commissaire soumettra « des arrêtés instituant des comités de travail et de coordination composés de hauts fonctionnaires appartenant aux ministères représentés au Conseil du Plan ». Monnet ne prévoyait-il pas des chargés de mission issus de l’industrie et de réunir les hauts fonctionnaires dans ces « comités de travail et de coordination ». A notre connaissance ces comités n’ont pas été constitués, le Commissaire a dû accepter les hauts fonctionnaires représentants des ministères dans les commissions de modernisation. Ces hauts fonctionnaires ont constitué l’ossature du Commissariat. A l’exception de R. Maijolin aucun d’entre eux ne se rattache à la tradition planiste d’avant-guerre (L. Kaplan a fréquenté le groupe X. Crise lorsqu’il était à polytechnique). Ils n’ont pas participé aux expériences de plan au cours de la guerre et à la libération (J.F. Gravier qui ne vient au plan qu’en 1947 a participé à la Fondation Alexis Carrel). L’amalgame réalisé au sein du Commissariat du plan illustre la promotion d’une nouvelle génération de décideurs. Parmi eux R. Maijolin et F. Gaillard ont contribué aux contacts politiques du Commissariat, le premier grâce à ses liens avec le courant socialiste, le second, par ses relations dans la Résistance.

    44L’apparente facilité et du moins la rapidité avec laquelle J. Monnet a pu réunir ces hommes tend à prouver que le Commissaire du Plan n’est vraiment pas un homme seul dans son entreprise. Ces premiers planificateurs ont en commun le sens de l’État, leur carrière le montre, ils sont dans leur majorité restés à son service. C’est quelque chose que J. Monnet ne prévoyait pas. C’est la force de ce sens de l’État qui a contribué à donner à la planification française certains de ses traits originaux alors qu’elle s’inspirait chez J. Monnet de modèles anglo-saxons.

    Les pouvoirs du Commissariat du Plan : les pouvoirs invisibles

    45Il y a les pouvoirs personnels de Jean Monnet qui proviennent de son passé et de son ascendant. En 1940, il avait sous ses ordres René Pléven et René Mayer à Londres. Ce pouvoir est conforté par l’ambiguïté de son statut et la force de son audience auprès de l’administration américaine. La réaction de Jean de Kérisel lorsqu’il reçoit les propositions de Jean Monnet au sujet du Plan de modernisation et d’équipement mérite d’être citée longuement car elle fournit un témoignage exemplaire de ce pouvoir de Jean Monnet. J. de Kérisel est Directeur du plan et de la reconstruction au Ministère de la reconstruction et de l’urbanisme. Polytechnicien, résistant, il occupe cette fonction de 1944 à 1951. Le 14 décembre 1945, il rédige une note pour Raoul Dautry au sujet du texte où J. Monnet décrit le projet du Commissariat.

    « Je ne pense pas qu’il y ait un mot à retrancher ou à ajouter au Mémorandum présenté par Jean Monnet. Les idées développées sont celles d’un homme, self made man, qui a longuement observé l’économie des pays anglo-saxons et diagnostiqué les faiblesses de la nôtre (...). L’idée du plan n’est pas absolument nouvelle en France, mais les tentatives poursuivies par Vichy l’ont été à la diligence d’individus de second plan. Le succès d’un plan dépend au premier chef de l’homme qui l’anime. M. Jean Monnet, que vous connaissez d’ailleurs mieux que moi-même, me paraît être l’homme qui a le plus de chance d’aborder avec succès ce problème particulièrement difficile dans un pays aussi individualiste que le nôtre. Il jouit d’une réputation excellente aussi bien aux USA (les grands chefs de l’économie américaine l’appellent par son prénom, ce qui est un indice aux USA) qu’en Angleterre (où il a été knigté ainsi que me le rappelait le brigadier Lee). Il convient dans ses conditions de ne pas lui marchander les moyens »46.

    46De Kérisel accepte de participer aux travaux du Plan en des termes chaleureux. « Les quatre mois passés aux USA et en Angleterre m’avaient fait souhaiter ardemment qu’un jour vous consentiriez à venir apporter à l’économie française ce sang neuf qui lui fait défaut. Je me suis donc particulièrement réjoui de votre nomination à la tête du Haut Commissariat au Plan Économique »47. Le 11 mars 1946, J. de Kérisel est nommé vice-président de la commission de modernisation du bâtiment et des travaux publics. Cette réaction est d’autant plus significative que le Ministère de la reconstruction et de l’urbanisme avait protesté en 1945 contre les empiétements du Ministère de l’économie nationale. Les commentaires de R. Dautry approuvent la note de Kérisel, il ajoute même à propos du fait que le commissariat comprendra des non fonctionnaires « Très bien ». Indépendamment de ses objectifs précis et hors de toute référence aux négociations franco-américaines, les méthodes pour faire un plan et le maître d’œuvre de ce plan suscitent de nombreuses adhésions.

    47Au-delà des méthodes et de Jean Monnet, l’emploi du mot plan est à lui seul un élément du pouvoir invisible du Commissariat. Le mot est prestigieux, il réveille des échos de la tradition planiste et des espoirs de la Résistance. Il porte en lui la promesse d’un avenir maîtrisé. C’est un mot qui rassemble. La preuve en est fournie à contrario par Georges Boris qui porte un jugement nuancé sur les travaux du Commissariat.

    « Ce qui précède n’est pas en soi une critique de la méthode de travail du Commissariat. Peut-être ne pouvait-on pas faire autrement que de procéder à une sorte d’exploration préalable, tendant à démêler un ordre de priorités à donner des objectifs. Mais l’application du mot PLAN à ce travail semble imprudente. C’est donc à une mise en garde contre des espérances démesurées et contre des engagements imprudents, d’ordre politique, que visent les observations ci-dessus »48.

    48Associé au terme de Commissariat le mot plan renvoit par connotation à l’expérience soviétique. Ce clin d’œil est important au moment où l’Union soviétique bénéficie d’un grand prestige dans l’opinion française49. Les documents internes du Plan ne font pas référence à l’expérience soviétique de planification50. L’emploi des mots commissariat et plan relève plus de l’inconscient collectif de la période que d’une volonté d’ambiguïté. « Le Commissariat du plan ne porte ce nom que faute d’un moins mauvais. Son père, Jean Monnet, est avant tout empiriste, donc le contraire d’un planiste »51. Les Hollandais mettent en place en 1945 un organisme de type purement consultatif qu’ils baptisent « Comité Central du Plan ». L’emploi du mot plan est un élément du succès du Commissariat car il permet une interprétation multiple.

    Les pouvoirs du Commissariat du plan : les pouvoirs réglementaires et législatifs

    49Le rôle du Commissariat dans l’élaboration du plan a été décisif ; mais il n’a pas été précisé nettement à propos de l’exécution en 1946-1947.

    50Le document de décembre 1945 et le texte de janvier 1946 définissent le Commissariat comme un chef d’orchestre plus que comme un maître d’œuvre dans l’élaboration du Plan. Il ne doit en principe que rassembler et harmoniser les travaux existants ainsi que les résultats des commissions de modernisation. Dans les faits le Commissariat a joué un rôle plus important. J. Monnet a voulu s’appuyer sur les résultats des travaux des commissions au cours des négociations Blum-Byrnes.

    « Nos négociateurs ont pris pour base les données du Conseil du Plan en ce qui concerne l’énergie, la sidérurgie, les transports terrestres et maritimes et l’agriculture, ainsi que les objectifs généraux fixés pour 1950. M. Monnet a été amené à anticiper sur certaines décisions qui découleront nécessairement des objectifs déjà fixés par le Conseil du Plan, et dont le détail est actuellement en cours d’élaboration par les commissions de modernisation »52.

    51Pressé par le temps, le Commissaire réduit à un « détail » les travaux d’élaboration des commissions de modernisation. De plus les collaborateurs de J. Monnet ont été amenés à rédiger tout ou partie des rapports des commissions en cas de désaccord ou de lenteur des travaux. Le travail du Commissariat a consisté à faire le plan, puis à emboîter, autant que faire se peut, les propositions des commissions dans ce plan. Cela ne s’est pas toujours passé de façon harmonieuse. La commission de la machine-outil proteste unanimement contre la décision du Commissariat d’avoir rédigé une synthèse et de l’avoir fait imprimer sans qu’elle soit consultée53. Au sujet des travaux des commissions des Territoires d’Outre-Mer et des Transports intérieurs, R. Maijolin écrit : « Nous devons prendre la responsabilité de faire des propositions. Nous devons dès maintenant préparer le rapport final »54.

    52L’élaboration du plan s’est déroulée dans des conditions nettement différentes de celles définies par le projet initial. Le texte remis au général De Gaulle en décembre 1945 insistait sur la responsabilité des commissions. Les difficultés qui ont retardé les travaux du Commissariat, lors des négociations du printemps et pour la session de novembre du Conseil du plan ont eu pour conséquence de renforcer le rôle de la rue de Martignac.

    53Lorsque J. Monnet présente le fonctionnement du Commissariat à la commission des houillères le 8 février 1946, il définit le Commissariat général comme le serviteur des commissions55. Ce projet est faussé au cours de l’élaboration du Plan. Pourtant, et notamment dans ses mémoires, J. Monnet persiste à affirmer que le plan a été fait par les commissions et que le commissariat n’a fait que le coordonner. Pour l’essentiel cependant le plan a été beaucoup plus fait « par en haut » que « par en bas ». C’est le Commissariat général qui a fait le Plan. Ce qui ne signifie pas que les commissions de modernisation n’ait pas contribué au Plan, mais que leurs travaux se sont déroulés parallèlement et de façon relativement autonome à ceux du Commissariat.

    54Le Commissariat doit-il être chargé de l’exécution du plan ? Cette question recoupe le problème de la situation administrative et politique du Commissariat. Le décret du 3 janvier 1946 n’aborde pas les problèmes de l’exécution. Pendant la période d’élaboration du plan, les ministres compétents lui donnent leur concours (art. 4), et les services du Ministère de l’économie nationale « sont tenus d’appliquer toutes les directives et de réaliser les travaux qui leur seront fixés par le Commissaire général du Plan » (art. 6).

    55Lors de la première session du Conseil du Plan, les 16-19 mars, la fonction du Commissariat est ainsi définie : « Il (le Conseil du Plan) est aidé dans sa tâche par le Commissariat général du Plan à qui il incombe à la fois de préparer ses décisions et d’en assurer l’exécution »56.

    56La conception du Commissariat comme organe exécutif du Conseil du Plan, chargé d’assurer la réalisation du Plan n’a pas donné lieu à un texte réglementaire ou législatif. En avril-mai 1946 les collaborateurs de J. Monnet ont souhaité que le rôle du Commissariat soit plus important en matière d’exécution. Des propositions ont été faites telles que la transformation des commissions de modernisation en commission de production57. Elles n’ont pas été retenues par le gouvernement. Le décret du 16 janvier 1947 assigne au Commissaire la tâche de veiller à l’exécution du Plan et de signaler ce qui peut en compromettre la réalisation (art. 3).

    57« Veiller à l’exécution » plutôt qu’« assurer l’exécution », les pouvoirs du Commissariat sont diminués entre le printemps 1946 et janvier 1947. En fait, derrière ces formules juridiques, un certain flou se perpétue. L’article 25 de la Constitution du 27 octobre – qui reprend l’article 64 du projet du 19 avril – est totalement imprécis sur les responsabilités en matière d’élaboration et d’exécution du Plan. Les auteurs d’une étude sur ce texte concluent. « Un plan qui préparerait le retour à une certaine liberté économique (...) serait aussi conforme à l’exigence constitutionnelle qu’un plan de type stalinien »58.

    58En 1946, la question des pouvoirs et des responsabilités de la planification reste ouverte. De fait l’État disposait de moyens d’action très importants : attribution des matières premières, des licences d’importation ou d’exportation, de crédits. La seule limite apparente était la situation de pénurie. Comme le plan devait être une création conjoncturelle, le problème de sa mise en œuvre pouvait paraître comme allant de soi en 1946, d’autant que les parties concernées étaient associées à sa préparation. J. Monnet n’est pas un dirigiste. E. Hirsch témoigne des réticences du Commissariat : « Comme ancien industriel, j’avoue que l’idée d’imposer l’exécution est une idée qui me déplaisait »59. La question de l’exécution du plan est résolue de façon superficielle à l’automne 1946 et théorisée ensuite par la notion « d’économie concertée » dont E. Hirsch est l’auteur. Le Plan n’est impératif que pour le secteur nationalisé où il vaut ordre d’exécution. Là où l’entreprise privée fortement concentrée domine, il est question d’un engagement mutuel entre l’État et les intéressés (syndicats, groupements d’industrie, entreprises individuelles). Le plan a valeur d’engagement pour les entreprises, de son côté l’État fournit les moyens de le réaliser. Pour les petites entreprises, le plan est un ingénieur conseil.

    59Ces formules vont dans le sens d’un abandon des éléments d’économie dirigée plus ou moins actifs selon les secteurs qui étaient en vigueur depuis la Libération. L’obligation faite aux entreprises nationales est assez formelle. En effet, le plus souvent, le plan a intégré les programmes prévus par ces entreprises, il ne comporte guère d’obligations supplémentaires. L’engagement État-grandes entreprises ne comporte pas de moyens de pression explicites de l’État sur les entreprises. Ce marché offre a priori et sans contrepartie la garantie pour les entreprises qu’il ne sera pas procédé à de nouvelles nationalisations. J. Monnet se plaint, à l’automne 1947 des difficultés d’exécution du plan. Les accords contractuels que recommandait le plan n’ont pas été opérés pour les carburants, la sidérurgie, les industries cimentières. Il constate que l’EDF et la SNCF ont engagé leurs programmes d’investissement à 80 et 75 %, alors que les carburants et la sidérurgie ne l’ont fait qu’à 40 et 20 %60.

    60Le plan a parfois été présenté comme semi-libéral, semi-dirigiste ; il nous apparaît, dès son origine, essentiellement comme un plan indicatif. Le Commissaire et son équipe pousse dans le sens de libre entreprise en vue de rétablir la confiance qui est pour eux une condition de l’investissement. L’État n’a pas, en 1946, les moyens d’agir pour la contrainte. La mise en œuvre du plan reposera sur la force de conviction de ses auteurs, puis sur l’aide américaine.

    61Le Commissariat du Plan est une institution dont la mise en place a été continûment conflictuelle. Il a été inséré au carrefour de diverses compétences ministérielles : celle de l’Économie Nationale, de la Production Industrielle, des Affaires Étrangères (une note du 3 décembre 1945 émanant du Ministère des Affaires Étrangères proteste au sujet des empiètements de l’action de L. Kaplan à Washington)61. (Lors d’un entretien, L. Kaplan explique que c’est lui qui a signé le prêt de 650 millions de $ de l’hiver 45). Ses pouvoirs réglementaires ont été définis pour l’élaboration du plan, ils sont demeurés vagues quant à l’exécution. Cependant, du fait de la personnalité de J. Monnet et de ses collaborateurs, son pouvoir d’influence s’étend bien au-delà des limites officielles.

    L’organisme de représentation : le Conseil du Plan

    62Cet organisme doit à l’origine déterminer « les productions françaises qui devront faire l’objet d’études de modernisation ». (Propositions du 4 décembre 1945). Il s’inscrit par sa composition et son rôle dans le prolongement du Conseil de l’Économie Nationale recrée 1945. En fait, il le remplace. Le décret du 3 janvier 1946 indique que le Commissaire du Plan est membre du Conseil de l’économie nationale. Parallèlement le Conseil du Plan doit « proposer au Gouvernement le Plan et les moyens d’en assurer l’exécution » (art. 2). Le décret du 16 janvier 1947 n’évoque plus le Conseil de l’économie nationale et le Conseil du Plan doit proposer au gouvernement les programmes annuels de production, de répartition des matières essentielles, de reconstruction, d’investissements, d’importation et d’exportation (art. 2). Ces programmes lui sont présentés par le Commissaire Général. Le Conseil du Plan est réuni à trois reprises : du 16 au 19 mars 1946, le 23 novembre 1946 et le 7 janvier 1947.

    63La composition du Conseil du Plan a été de nombreuses fois modifiée. Une première version est présentée à Jean Monnet le 9 janvier 1946 par Louis Vallon, directeur adjoint du cabinet du général De Gaulle62. Cet ingénieur polytechnicien a eu un parcours théorique et politique qui a rencontré le courant planiste socialiste et technocratique. En 1934, il a participé à la rédaction du plan de la CGT avec Jean Duret, Pierre Le Brun, Georges Lefranc, François Delaisi, Christian Pineau, Robert Lacoste, Jules Moch. En 1938, il écrit une brochure « Salaires et niveau de vie », publiée par le Centre Confédéral CGT d’éducation ouvrière, où il commente les travaux de F. Simiand et de M. Halbwachs. Pendant la même période, il rédige une brochure intitulée « Socialisme expérimental » sous l’égide du Centre polytechnicien d’études économiques où il défend un point de vue planiste63. Sa contribution éphémère au plan témoigne de la présence de la tradition planiste d’avant-guerre dans l’entourage immédiat du général De Gaulle. Les propositions de Jean Monnet s’y enracinent de multiples façons. De la liste suggérée par Louis Vallon, huit personnalités sur dix-huit siégeront dans le Conseil du Plan de 1946 (Raty, Ricard, Jouhaux, Frachon, Martel, Bouchard, Boris, Longchambon), parmi les propositions non retenues on note la présence de François Perroux, Éric Labonne, Henri Lafond. Ce dernier qui était secrétaire général à l’énergie de 1940 à 1942, sera membre de la commission économique générale du CNPF.

    64La constitution officielle du Conseil du Plan est arrêtée le 8 mars. Il comprend 18 personnalités en sus des ministres. Pierre Le Brun est nommé le dernier par un arrêté particulier. Sa composition est dosée, 5 représentants des industriels, 5 des syndicats ouvriers, 4 des agriculteurs, 2 des territoires d’Outre-Mer. Joliot Curie pour la recherche scientifique et G. Boris comme expert. Parmi ceux-ci, Philippe Lamour de la Confédération générale agricole a joué un rôle important dans la réflexion planiste d’avant-guerre. Au début des années 20, il constitue un groupe avec A. Philip, Léon Lagrange, A. Parodi. En 1931, il est rédacteur en chef de la revue Plans 64.

    65La représentation des différents ministères a posé plus de problèmes. Jean Monnet a reçu des lettres de protestation du Ministère de l’Éducation Nationale, du Ministère des Armées, car il ne prévoyait pas leur représentation au Conseil du Plan65. Il ne s’agit pas d’oublis, Jean Monnet exclut les questions de la défense et de l’éducation nationale des préoccupations et des objectifs du Plan. Mais il se heurte à ces ministères et doit céder. Il accepte aussi la présence de représentants de l’Armée dans les commissions de modernisation.

    66Le Conseil du Plan est un organisme représentatif, plus destiné à atteindre et à mobiliser l’opinion publique qu’à contribuer effectivement à l’élaboration du plan. Ces trois réunions officielles lors du premier plan se sont déroulées dans une certaine précipitation et dans des contextes politiques relativement précaires.

    67La première session se tient du 16 au 19 mars 1946, alors que l’élaboration du Plan est à peine esquissée. J. Monnet a précipité l’organisation de cette réunion. « Il y a intérêt à ce que le Conseil ait donné son approbation au programme présenté par le Commissariat avant l’ouverture des négociations de Washington »66. Présidée par F. Gouin cette réunion a pour but de cautionner la délégation française aux négociations de Washington. Contre toute évidence J. Monnet tente d’accréditer la thèse selon laquelle le plan avait été préparé avant les négociations. « Avant de venir à Washington, j’avais pendant plusieurs mois travaillé avec les commissions de modernisation à l’élaboration de notre plan »67. Il n’est pas suivi dans cette présentation de l’histoire du plan par un autre quotidien qui affirme, plus proche de la réalité.

    « Au moment où M. Blum partait pour Washington, avec un retard de quelques semaines sur l’horaire prévu, le Conseil du Plan tenait sa première session et les « commissions de modernisation », dont plusieurs restaient d’ailleurs à créer, n’avaient pas eu le temps de rien élaborer (...). Ce plan qui aurait tellement plu aux Américains, ce plan n’existait pas (...). Le prétendu plan n’est qu’un schéma théorique, l’œuvre abstraite de quelques théoriciens et hommes d’affaires, et non, comme on l’a prétendu un projet pratique de mise en valeur des ressources nationales »68.

    68Lors de sa première session, le Conseil du Plan, réunit au grand complet a débattu des objectifs généraux qui servent de base aux travaux des commissions de modernisation ainsi qu’à ceux du Commissariat.

    69La deuxième session devait se tenir en juillet 1946, ainsi que l’a annoncé J. Monnet à la première. Elle est prévue pour le 23 novembre, puis repoussée au dernier moment au 27 novembre. Ce rebondissement est la conséquence directe de la crise politique créée par les résultats des élections législatives du 10 novembre. Le 28, G. Bidault qui présidait la deuxième session du Conseil du Plan tenue la veille, présente la démission de son gouvernement. Cette session s’est tenue devant un auditoire clairsemé, douze personnalités sont absentes (Tillon, Farge, Paul, Croizat, Schneiter, Billoux, Dubrulle (industriel), Frachon, Jouhaux, Waldeck-Rochet, Alphand, Général Juin)69. Cette réunion où le plan doit être adopté par le Conseil a toute chance de passer relativement inaperçue. Il n’est pas exclu que J. Monnet ait délibérément choisi cette date, soit qu’il voulait éviter ainsi les critiques que le plan aurait pu recevoir ; soit qu’il craignait que la constitution du gouvernement suivant ne crée un contexte politique plus défavorable.

    70La troisième session, tenue le 7 janvier sous la présidence de Léon Blum est une répétition de la seconde. C’est le même rapport qui est présenté mais cette fois tous les participants sont présents. J. Monnet n’a pas voulu repousser la date de cette réunion comme le CNPF lui demandait avec insistance (voir plus loin). Le plan est ainsi adopté officiellement par le Conseil des ministres le 14 janvier, soit une semaine avant la démission du gouvernement de L. Blum.

    Document n° 1 :

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    Les commissions de modernisation : les clés du succès ?

    La constitution des commissions

    71Le modèle britannique des working parties est souvent invoqué pour retracer l’origine des commissions de modernisation70. L’idée de réunir les représentants des industriels, des salariés et de l’administration pour débattre de l’avenir économique à court et moyen terme n’est pas nouvelle en France. Il y a de nombreuses réunions de ce genre dans la période qui précède le Plan Monnet. A l’automne 1945, Marcel Paul a créé des Comités consultatifs auprès des principales directions de son ministère. La composition de ces comités est différente de celle des commissions du Plan Monnet. Ainsi dans le cas de l’industrie des carburants.

    Comité consultatif auprès de la Direction des carburants (M.P. I. de M. Paul le 20/11/1945)Commission de modernisation des carburants (Plan Monnet avril 1946)
    Administration35 %35 %
    Patronat21 %45 %
    Syndicats44 %20 %
    100 %100 %

    72Les représentants patronaux contestent la composition de ce comité consultatif et la mettent en cause. De son côté la CGT est très attentive à ces problèmes de représentation71. Ainsi, lorsqu’il s’agit de constituer le comité consultatif de l’automobile, A. Costes secrétaire fédéral, donne son avis. « En ce qui concerne M. André Ruegger, PDG de la société Tubes-Auto, nous faisons toutes réserves. En effet, ce dernier a été, pendant l’occupation, conseiller municipal de Paris. Il a donc collaboré avec les organismes vichyssois »72. Les propositions de J. Monnet sont intervenues dans une conjoncture politique qui permettait de ne pas s’attarder sur les problèmes du dosage des représentations. Toutefois, les commissions n’ont pas été constituées conformément au projet initial de J. Monnet. Le texte du 4 décembre décrit la composition des commissions. « Des représentants de l’administration responsable du secteur, des représentants des syndicats patronaux et ouvriers et des cadres intéressés »73.

    73La reconstitution du mouvement patronal coïncide chronologiquement avec la création du Commissariat74. La représentation du CNPF a été l’objet d’un compromis. Il est officiellement présent au Conseil du Plan, mais dans les commissions de modernisation, les patrons sont nommés à titre individuel. E. Hirsch qui a été chargé d’établir les listes peut affirmer : « En ce qui concerne les activités économiques, nous avons agi avec une totale liberté »75. Le problème était relativement facile à résoudre. Le nombre des entrepreneurs concernés, la répartition par branche des commissions et la taille des entreprises offrent des critères de sélection implicite. Mais E. Hirsch a pu aussi faire des choix politiques. C’est ainsi qu’il a proposé Eugène Roy, patron résistant, et qu’il n’y a pas eu de représentation de la famille De Wendel dans la commission de la sidérurgie76. Les hommes du Commissariat sont plus favorables à une représentation es qualité qu’à une représentation individuelle. « Il faut mieux connaître les projets des entreprises privées. Pour cela, il faut travailler avec les syndicats patronaux »77. Au demeurant cette distinction est relativement formelle. En effet, le CNPF a organisé a postériori sa représentation dans le Plan.

    74Les représentants des salariés sont par contre désignés par leurs organisations syndicales. « On a en fait dû accepter leurs propositions parce que cela n’était pas possible de trouver quelqu’un d’autre que ceux qu’ils proposaient »78. Les représentants de la CGT et de la CFTC sont désignés par leurs organisations fédérales. J. Monnet intervient activement pour que la CGT soit fortement représentée dans le Plan. Ainsi dès le 13 janvier, il souhaite que Arrachard soit président de la commission des matériaux de construction79.

    75Les représentants de l’administration sont désignés par leurs autorités respectives. Les ministères de tutelle ont d’abord exigé que leurs représentants soient présidents des commissions. A la suite d’un compromis, ils se sont vus confier les postes de vice-présidents dans la plupart des commissions80.

    76Au total, la composition des commissions est un mélange complexe de représentations es qualité et de présences individuelles. Ce n’est pas dans l’une ou l’autre de ces formules que résident les clés du dialogue mais bien dans l’état d’esprit des participants et le contexte dans lequel il s’insère. Les contraintes rencontrées par les planificateurs pour constituer les commissions sont un des éléments qui ont contribué à façonner une forme spécifiquement française de la planification. Ce que J. Monnet a érigé ultérieurement en théorie de la planification française ne provient pas d’une volonté a priori, mais est le résultat des pressions contradictoires qui ont façonné le plan.

    Chronologie et choix des commissions

    77La constitution des commissions de modernisation s’est échelonnée en 1946 et 1947.

    Chronologie des commissions de modernisation

    78Groupe A : de la création du Commissariat à la première session du Conseil du plan et à l’ouverture des négociations Blum-Byrnes (février-mars 1946).

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    79Groupe B : de la première session à l’adoption du plan (mars 1946-janvier 1947).

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    80Groupe C : après l’adoption du plan (1947).

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    81Le plan de modernisation et d’équipement a donné lieu à la création de 24 commissions de modernisation dont 18 avant son adoption. De toute évidence ces commissions n’ont pas la même importance dans l’activité économique et dans les objectifs du plan. Le choix s’est fait en fonction de critères différents.

    82« Les secteurs qui déterminent les autres », (Mémoires p. 279), c’est ainsi que J. Monnet explique la création des commissions de l’énergie et de la sidérurgie. Il précise « nous ne pouvions guère nous tromper ». Pourtant certains choix de Monnet sont progressivement complétés. Dans le domaine de l’énergie il privilégie le charbon et l’électricité, la commission des carburants n’est créée que le 24 avril. Le Plan Monnet n’accorde aucune attention à l’énergie atomique. Lors de la troisième session du Conseil du Plan, F. Joliot-Curie réclame l’inscription de 12 milliards pour la période couverte par le plan qui seront consacrés au nucléaire.

    83Les commissions ont été rapidement constituées là où c’était possible de le faire. C’est-à-dire dans les branches où il n’y avait pas de difficulté pour réunir les participants, soit que l’habitude était ancienne ou que la bonne volonté était manifeste. La commission de l’électricité est aisément et rapidement constituée. Dans le prolongement des débats sur la nationalisation (commission Perrier) et des travaux du Ministère de la production industrielle, sa mise en place ne posait pas de problème81.

    84A l’inverse des difficultés pour faire accepter la participation ont retardé la mise en place de certaines commissions. Alors que l’importance primordiale de l’industrie de la machine-outil est largement reconnue, la commission est créée le 8 juin, c’est-à-dire la dernière de l’année 1946. De même la commission de la chimie n’est créée que le 1er avril 1947. Interrogé sur cette anomalie, E. Hirsch, lui-même ancien chimiste qui a désigné le président de la commission – un de ses anciens professeurs – répond : « Je suppose que nous avons rencontré des difficultés ».

    85Certaines commissions ont été constituées à la demande de personnalités extérieures au commissariat. Lors de la première session du Conseil du Plan, le 16 mars 1946, Benoît Frachon réclame la création rapide d’une commission de la main-d’œuvre, ainsi que celle d’une commission du pétrole « pour la prospection des ressources »82. Les deux commissions de la main-d’œuvre et des carburants, sont créées simultanément le 24 avril. On doit y voir une réponse à la demande de la CGT. Toutes les demandes adressées à J. Monnet ne sont pas également satisfaites. La commission de la machine-outil réclame avec insistance une « Commission Générale de modernisation de la Mécanique » dans son rapport préliminaire83. Il n’y en aura pas dans le cadre du premier plan.

    86La création de la commission du cinéma est directement liée au déroulement des négociations Blum-Byrnes.

    « La nécessité de prévoir des mesures propres à réaliser une baisse progressive des prix de revient des films français, ressort des entretiens actuels préliminaires à un accord franco-américain sur le cinéma. Nous serions très heureux que vous réfléchissiez à cette question avec M. Hirsch ainsi qu’à la création éventuelle d’une commission de modernisation du Cinéma »84.

    87Cette demande est exécutée en six jours. A contrario on peut s’étonner de l’absence d’une commission de modernisation des industries aéronautiques. Ceci d’autant plus que des représentants d’Air-France siègent à la commission des transports intérieurs et que les problèmes de l’aviation n’ont pas été abordés85.

    88Enfin la création de certaines commissions est la conséquence des problèmes rencontrés dans les premiers travaux. Il fallait approfondir d’une façon particulière certaines questions, c’est le cas des commissions de coke et du gaz ainsi que de la fonderie.

    89La liste définitive des commissions s’est constituée d’une façon hétérogène. L’ensemble ne constitue pas un reflet cohérent des activités et des difficultés de l’économie française.

    Le rôle des commissions

    90Ce rôle est défini par la note du 8 février 1946. Elles doivent faire des propositions sur la base des directives fixées par le commissariat. Pour J. Monnet les commissions étaient autant une source d’information pour le plan que les instruments d’une pédagogie à inculquer. (Mémoires p. 292). Cette fonction pédagogique a pris le pas sur la fonction d’information.

    « Le rôle des commissions, c’est quelque chose qui est assez ambigu, il ne faut pas se le dissimuler. Les propositions des commissions dans certains cas étaient valables, dans d’autres ne l’étaient pas du tout et il a fallu s’y substituer. Mais de toute façon cela avait une valeur de relation publique considérable. C’était extrêmement important de discuter avec les professionnels et les syndicats même s’ils n’apportaient pas de suggestions valables. C’est le rôle capital du plan »86.

    91Le fonctionnement des commissions a été une découverte pour le commissariat, un rapport montre la surprise de son auteur.

    « L’expérience faite par le commissariat général d’organismes constitués comme le Conseil du Plan et les commissions de modernisation a réussi au-delà de toute espérance. La réunion dans ces organismes de toutes les forces vives de la nation a permis d’aboutir rapidement à des programmes raisonnables de réformes et à des plans réalistes de production et d’investissement pour les différentes industries et grandes branches de l’activité nationale. L’avantage primordial est de tenir compte par avance des observations et des objections qu’ils ne manqueront pas de faire au moment de l’exécution et par-là même de les surmonter. Au lieu d’apparaître comme une création d’intellectuels en chambre, le Plan se présente comme l’expression des possibilités de l’économie nationale et de la volonté de ses agents actifs. Cette expérience nous amène à la conclusion qu’il est nécessaire de maintenir le Conseil du Plan et les commissions de modernisation et de leur donner un statut permanent »87.

    92L’auteur de cette note fait une série de propositions nouvelles. Elles ne seront pas retenues, mais elles méritent d’être citées comme exemple de l’enthousiasme que le travail des commissions a suscité en avril 1946. Les commissions dont le nombre sera augmenté, seront transformées en commissions de production. Ces commissions de production seront informées des projets des entreprises par les syndicats patronaux. Les entreprises qui feront preuve de bonne volonté recevront un insigne analogue à l’aigle bleu ; référence explicite au New Deal. Évoquant les moyens d’exécution du Plan, l’auteur insiste sur le rôle des comités d’entreprises.

    « Pour permettre de surmonter l’inertie qu’il faut s’attendre à rencontrer dans un certain nombre de branches de l’économie nationale, l’appui des syndicats ouvriers est absolument essentiel. L’action ouvrière pourra se manifester en particulier dans les comités d’entreprises, et imposer, là où ce sera nécessaire, l’exécution du plan » (Idem).

    93Ces propositions reflètent certains aspects de la situation politique du printemps 1946 ; elles dessinent les contours d’une planification qui s’enracine dans les entreprises et qui met en action les forces sociales. Cette idée suscite quelques espoirs décelables dans la presse.

    « On ne peut encore consulter le Plan, pour la bonne raison que c’est vous tous qui allez le faire. Au lieu d’être imposé de façon, pourrait-on dire extérieure par le pouvoir central, il surgira de la nation toute entière, l’intervention de l’État se bornant à donner à l’ensemble la cohésion nécessaire »88.

    94Ce que J. Monnet a contribué à introduire ce n’est pas le principe d’une réflexion tripartite, mais le thème des réflexions. Les débats sur les projets à moyen et long terme sont moins conflictuels que ceux qui portent sur la politique conjoncturelle. J. Monnet a accordé une large place à la CGT et E. Hirsch a réussi avec souplesse à obtenir la représentation patronale. L’atmosphère de travail dans les commissions de modernisation est fréquemment présentée comme un succès majeur du Plan. L’étude des travaux de quelques commissions permettra d’en souligner les limites. Mais dès 1946, le Commissariat prend appui sur ces premiers contacts pour constituer une image durable du premier plan.

    « Ces commissions répondent à une nécessité de notre époque. C’est l’organisme qui convient au régime que les temps imposent aux démocraties, le dirigisme économique et la liberté politique (...). Le Plan n’est pas une administration, mais une méthode de travail »89.

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    Document n° 2 : Les commissions de modernisation

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    Document n° 2 : Les commissions de modernisation

    95DOCUMENT n° 3

    96Propositions au sujet du Plan de modernisation et d’équipement adressées au général De Gaulle, le 4 décembre 1945

    97La reconstitution de la France n ’implique pas seulement la réparation des destructions de guerre mais aussi la modernisation de son outillage et de ses méthodes de production.

    98La France, pour vivre, a besoin de reconstruire ce qui a été détruit pendant la guerre. Mais, pour retrouver sa place dans un monde où les techniques ont rapidement évolué, elle doit transformer les conditions de sa production. Sans cette modernisation il ne pourrait être possible d’élever le niveau de vie des Français, celui-ci étant dans le monde contemporain essentiellement fonction de la productivité de l’individu. Cette productivité dépend elle-même de l’instrument mécanique dont dispose le travailleur et de l’organisation de la production.

    99Malgré ses grandes qualités professionnelles, le travailleur français, dès avant la guerre, ne pouvait atteindre les rendements obtenus dans la plupart des autres grands pays industriels, parce qu’il n’avait pas à sa disposition le même outillage et les mêmes méthodes d’organisation agricoles et industrielles. Depuis la guerre, la différence des rendements français et étrangers s’est encore accrue, car, cependant que notre outillage s’épuisait faute d’entretien, l’effort de production fourni pour la guerre par les autres belligérants provoquait une véritable révolution technique qui a déjà conduit, dans certaines parties du monde, à une expansion de la production et de la consommation.

    100En fait, modernisation et reconstruction doivent être poursuivies simultanément.

    101La reconstruction porte sur les villes, les routes et les ponts, les voies de chemin de fer et les ports, la flotte marchande, etc. Il faut remédier également à l’épuisement des stocks (ceux de l’industrie et ceux des particuliers), à l’usure de l’outillage, à l’épuisement du sol insuffisamment nourri d’engrais, au délabrement de nos hôtels, de nos maisons, etc.

    102Il faudra un certain temps pour réparer ces destructions tant visibles qu’invisibles, mais elles seront réparées parce que la nécessité s’en impose avec évidence. Par contre, il faudra une volonté ferme des pouvoirs publics et un effort considérable d’information pour faire comprendre à la nation que le mal essentiel dont souffre l’économie française est le caractère archaïque d’une grande partie de notre équipement et de nos méthodes de production.

    103Pour aboutir à une amélioration des conditions d’existence de la population française, il est essentiel, si l’on veut faire œuvre durable et rompre le circuit de la hausse des salaires et des prix, de s’attaquer à la racine même du mal et d’entreprendre la modernisation de l’économie française. Ces remarques s’appliquent tant à l’industrie qu’à l’agriculture, au système de distribution et aux activités des services publics. Cette modernisation devra s’inspirer de l’intérêt général de façon à ménager l’avenir du pays, notamment dans le domaine démographique.

    104La modernisation doit s’accompagner d’une expansion de la production

    105La modernisation doit s’accompagner d’une expansion de la production française, tant pour permettre d’accroître la consommation intérieure que pour nous mettre en mesure de payer par l’exportation nos importations de matières premières, de charbon, de pétrole, et les biens d’équipement. Cet effort ne pourra donner de résultat que si, dans un grand nombre de branches, les coûts de production français sont égaux ou inférieurs aux coûts de production des pays concurrents.

    106Enfin, la modernisation et l’équipement de l’économie française permettront d’alléger immédiatement les conditions de travail et ultérieurement, lorsque la reconstruction du pays sera achevée, de réduire progressivement la durée du travail.

    107La modernisation doit être effectuée rapidement

    108Il est possible d’atteindre cet objectif, parce que la France et ses territoires d’outre-mer ont une situation géographique exceptionnelle et parce qu’ils disposent d’un ensemble de ressources minières, agricoles, hydrauliques et touristiques favorables, d’une main-d’œuvre intelligente et adaptable, etc.

    109Il est nécessaire d’aller vite. Sinon, nous risquons de voir l’économie française se cristalliser à un niveau de médiocrité contraire à l’intérêt de l’ensemble de la nation. En effet, très rapidement, nous allons voir en France un emploi total de la main-d’œuvre et de toutes les ressources industrielles disponibles. Les besoins sont tels qu’il n’y aura aucune difficulté d’écoulement de la production. A ce moment, les intérêts de toute nature demanderont, non pas qu’on transforme l’instrument de production dont ils se servent, mais qu’on le protège, ce qui rendrait impossible tout progrès et toute augmentation du niveau de vie et réduirait la France au rang de puissance de deuxième ordre.

    110Une des conclusions immédiates du programme de modernisation qui va être tracé sera l’achat au-dehors de matériel d’équipement et d’outillage. Si les crédits sont obtenus à l’étranger à des conditions satisfaisantes pour permettre l’importation rapide des équipements, la modernisation pourra s’effectuer à une cadence accélérée. Si, au contraire, nous nous heurtons à des difficultés pour obtenir ces crédits, la nécessité de modernisation demeurera, mais les conditions de réalisation changeront. La période sur laquelle la modernisation pourra s’effectuer sera nécessairement alors plus longue ; des sacrifices plus grands de consommation intérieure devront être demandés à la population.

    111Interdépendance des plans dans les différents secteurs

    112Pour un certain nombre d’industries, les plans d’équipement ont été établis ; aucun bilan d’ensemble n’a encore été dressé.

    113S’il est parfaitement normal que les techniciens s’attachent principalement ou exclusivement à l’effort à accomplir dans le secteur où ils opèrent, il est indispensable à un certain stade qu’un effort soit fait pour rapprocher et comparer les plans partiels, en établir la synthèse et procéder aux arbitrages qui s’imposent.

    114Ces différents plans partiels ne peuvent être considérés isolément. Ils sont concurrents : ils font tous appel à des ressources en énergie, main-d’œuvre, transports, devises étrangères, etc. qui n’existent qu’en quantités limitées. Ils sont complémentaires : il serait absurde, par exemple, de développer la capacité de production industrielle sans faire en même temps l’effort nécessaire pour rendre possible le transport des quantités produites ; d’une façon générale, il faut que les industries de consommation, de demi-produits, de matières premières, d’énergie, de transport, fassent l’objet de plans coordonnés, soigneusement ajustés les uns aux autres.

    115C’est sur le bilan d’ensemble qui va être dressé que le Gouvernement sera appelé à prononcer des arbitrages pour fixer les priorités qui détermineront les grandes lignes du Plan.

    116Toute la nation doit être associée à cet effort

    117Le pays n’acceptera les mesures prises que pour autant qu’il connaîtra et comprendra clairement la situation réelle. Que ce soit, par conséquent, pour permettre aux responsables de notre politique économique de choisir en toute connaissance de cause, ou que le Gouvernement obtienne l’acquiescement et la collaboration du pays à l’exécution des décisions qui seront prises, l’établissement et la large diffusion dans le public du bilan d’ensemble de notre situation économique, des plans de modernisation et de leurs répercussions sur les activités et la vie de chacun, paraissent indispensables. Le Plan n’est pas seulement utile à l’administration et aux pouvoirs publics : il intéresse tous les Français qui y trouveront les données générales sur notre situation et des directives pour les guider dans l’orientation de leurs initiatives individuelles.

    118Puisque l’exécution du Plan exigera la collaboration de tous, il est indispensable que tous les éléments vitaux de la nation participent à son élaboration. C’est pour cela que la méthode de travail proposée associe dans chaque secteur l’administration responsable, les experts les plus qualifiés, les représentants des syndicats professionnels (ouvriers, cadres et patrons).

    119Conclusion

    120Les travaux poursuivis devront aboutir dans le temps fixé à des propositions concrètes d’organisation et de modernisation pour les éléments essentiels de la production française et des territoires d’outre-mer.

    121Ces propositions constitueront le premier objet du Plan de modernisation et d’équipement, qui comprendra les grandes lignes d’un programme de production pour les prochaines années.

    122II MÉTHODES DE TRAVAIL

    123Les productions françaises qui devront faire l’objet d’études de modernisation seront déterminées par le Conseil du Plan.

    124Il sera constitué pour chaque groupe une Commission de modernisation comprenant des représentants de l’administration responsable du secteur, des experts, des représentants des syndicats patronaux et ouvriers et des cadres intéressés.

    125Les Commissions de modernisation pourront constituer des Sous-Commissions pour l’étude de questions particulières. Une Commission des territoires d’outre-mer établira les programmes d’équipement et de modernisation des activités extra-métropolitaines. Elle constituera, en tant que de besoin, des Sous-Commissions spécialisées par produit ou activité, ou par territoire. La composition de cette Commission sera nécessairement différente de celle des Commissions métropolitaines ; elle variera vraisemblablement selon les territoires. Les formes en seront précisées par le Conseil du Plan.

    126Un représentant du Haut-Commissaire siège au sein de chaque Commission de modernisation, comme président, rapporteur ou secrétaire, pour faciliter la coordination des travaux.

    127Le Haut-Commissaire et ses services établissent les directives générales pour les Commissions de modernisation, suivent constamment la progression de leurs études et veillent à ce que chaque Commission soit à même de tenir compte des incidences des besoins ou des limitations révélés dans les autres, ainsi que des conclusions de la Commission des territoires d’outre-mer. Ils sont responsables de la synthèse des travaux des diverses Commissions.

    128III. CALENDRIER DE TRAVAIL

    129Dans la mesure où il est possible de définir actuellement avec précision les étapes par lesquelles il faudra passer dans l’élaboration du Plan de modernisation et d’équipement, on peut dire que les principales d’entre elles seront les suivantes :

    1301) Le Haut-Commissaire rassemblera les plans déjà établis ainsi que les travaux préparatoires. Il s’en fera préciser la signification et la portée exacte par les services qui les auront établis et qui seront associés très étroitement à l’élaboration ultérieure du Plan.

    1312) Des Commissions et Sous-Commissions de travail seront constituées pour les différentes activités. Avant la constitution de ces dernières, le Haut-Commissariat aura procédé à la consultation la plus large de tous les intéressés, afin qu’y siègent les personnalités les plus progressives, représentatives de la branche considérée.

    1323) Parallèlement à la constitution des Commissions et des Sous-Commissions, le Haut-Commissaire rédigera pour chacune d’elles des instructions qui constitueront le cadre dans lequel elles seront invitées à faire leurs propositions. De nouvelles instructions seront rédigées en cours de travail pour que chaque Commission puisse bénéficier du travail des autres et pour orienter leur enquête vers la synthèse finale que représentera le Plan.

    133Les premières instructions porteront essentiellement sur les points suivants :

    134a) La notion essentielle sur laquelle les Commissions devront guider tout leur travail sera celle de la productivité du travail. Elles devront déterminer celle-ci d’une façon aussi précise que possible et la comparer à la productivité du travail, dans la même industrie à l’étranger, de façon à déterminer le retard à rattraper. Quand ce retard apparaîtra important, elles devront en rechercher les causes et proposer les moyens d’y mettre fin :

    formation technique de la main-d’œuvre,
    mécanisation,
    remplacement de l’outillage existant,
    amélioration de l’organisation,
    concentralisation technique et décentralisation géographique,
    développement des services de recherches.

    135b) Les Commissions seront invitées, en supposant que l’effort indiqué au paragraphe précédent soit accompli, à faire des propositions sur le volume de production qu’elles considèrent comme raisonnable, en tenant compte tant des besoins français à satisfaire que des exportations possibles. C’est ainsi que, dans certains cas, la capacité de production à atteindre pourra être fixée au niveau le plus élevé atteint avant la guerre (le plus souvent en 1929), soit à un niveau supérieur dans le cas d’une industrie en voie d’expansion mondiale, soit à un niveau inférieur pour une industrie en voie de contraction. Il sera demandé aux Comités de faire, dans la mesure du possible, des hypothèses alternatives suivant les ressources globales en main-d’œuvre, énergie, etc., qui seraient disponibles.

    1364) Les plans déjà établis ainsi que les travaux préparatoires faits par les différents Ministères et les résultats des travaux des Commissions de modernisation seront incorporés dans un bilan d’ensemble qui fera ressortir les quantités de main-d’œuvre, d’énergie, de moyens de transport, etc., nécessaires. Ce bilan d’ensemble, qui tiendra également compte des besoins de consommation, fera l’objet d’approximations successives au fur et à mesure de l’avancement des travaux. L’existence de ce bilan, même incomplet à l’origine, servira de guide aux différentes Commissions ainsi qu’aux Administrations publiques pour procéder à des rectifications en fonction des possibilités réelles.

    137Sous sa forme finale, il devrait permettre au Conseil du Plan de dégager des conclusions concrètes et d’établir les priorités nécessaires.

    1385) Le Haut-Commissaire tiendra le Conseil du Plan constamment au courant du travail des Commissions de modernisation et des synthèses d’ensemble expliquées ci-dessus. Il recevra du Conseil les directives nécessaires pour préciser les travaux, au fur et à mesure de leur avancement, sur les productions à développer, à maintenir ou à réduire.

    1396) Les travaux aboutiront ainsi à des propositions concrètes faites par le Conseil du Plan au Gouvernement sur les productions françaises essentielles et sur les buts à atteindre dans une période déterminée.

    140DOCUMENT n° 4

    141Décret n° 46-2 du 3 janvier 1946 portant création à la présidence du Gouvernement d’un Conseil du Plan de modernisation et d’équipement et fixant les attributions du commissaire général du Plan.

    142(J.O. du 4 janvier 1946)

    143Le président du Gouvernement provisoire de la République,

    144Vu la loi n° 45-1 du 24 novembre 1945 relative aux attributions des ministres du Gouvernement provisoire de la République et à l’organisation des ministères,

    145Vu l’ordonnance du 23 novembre 1944 réorganisant le comité économique et fixant les attributions du ministre de l’Économie nationale et l’organisation de ses services,

    146Vu le décret du 7 juillet 1945 portant création du comité interministérielle des Affaires allemandes et autrichiennes,

    147Vu la loi du 13 août 1936, article 5, alinéas 2 et 3, déterminant le statut des chargés de mission attachés à la présidence du Gouvernement,

    148Le Conseil d’État entendu,

    149Décrète :

    150Article Premier. – Dans un délai de six mois à dater de la publication du présent décret, il sera établi un premier Plan d’ensemble pour la modernisation et l’équipement économique de la métropole et des territoires d’outre-mer.

    151Ce Plan aura notamment pour objet :

    1. D’accroître la production de la métropole et des territoires d’outre-mer et leurs échanges avec le monde, en particulier dans les domaines où leur position est la plus favorable.
    2. De porter le rendement du travail au niveau de celui des pays où il est le plus élevé.
    3. D’assurer le plein emploi de la main-d’œuvre.
    4. D’élever le niveau de vie de la population et d’améliorer les conditions de l’habitat et de la vie collective.

    152Le Plan s’étend à la reconstitution des outillages et équipements publics et privés endommagés ou détruits du fait des événements de guerre.

    153Article 2. – Il est créé à la présidence du Gouvernement un Conseil du Plan qui propose au Gouvernement le Plan et les moyens d’en assurer l’exécution.

    Ce Conseil est composé comme suit :
    Le président du Gouvernement provisoire de la République, président. Le ministre de l’Économie nationale, vice-président.
    Le ministre des Affaires étrangères.
    Le ministre de l’Armement.
    Le ministre des Finances.
    Le ministre de l’Agriculture et du Ravitaillement.
    Le ministre de la Production industrielle.
    Le ministre des Travaux publics et des Transports.
    Le ministre du Travail.
    Le ministre des Colonies.
    Le ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme.
    Le Commissaire général aux Affaires allemandes et autrichiennes.
    Le Commissaire général du Plan.

    154Douze personnalités au moins et quatorze au plus choisies en raison de leur compétence et nommées par arrêté du président du Gouvernement après avis du ministre de l’Économie nationale.

    155Le règlement intérieur du Conseil du Plan est fixé par arrêté du président du Gouvernement.

    156Article 3. – Les services du Commissariat général institué à la présidence du Gouvernement relèvent d’un commissaire général nommé par décret.

    157Le commissaire général est chargé d’élaborer les propositions qui seront soumises à l’examen du Conseil du Plan. Il est le délégué permanent du président du Gouvernement auprès des départements ministériels pour tout ce qui concerne l’établissement du Plan. Le commissaire général du Plan est membre du comité économique, du comité interministériel aux affaires allemandes et autrichiennes, du conseil de l’économie nationale et du Conseil national du crédit.

    158Article 4. – Le commissaire général procède à toutes enquêtes jugées par lui utiles auprès des administrations publiques et avec leur collaboration auprès des organismes professionnels ouvriers et patronaux, des industriels et des exploitants et de tous autres organismes ou personnalités qu’il estime opportun de consulter.

    159Les administrations publiques et les organismes participant à la gestion d’un service public lui fournissent tous renseignements statistiques et autres éléments d’information demandés.

    160Les ministres compétents lui donnent leur concours pour l’accomplissement de sa mission, en particulier en vue de l’établissement d’un bilan d’ensemble et lui fournissent les programmes de production déjà établis pour les différentes activités de l’économie nationale.

    161A compter de la publication du présent décret, tous les programmes affectant l’activité économique du pays, relatifs notamment à la production, à la reconstruction, à l’armement, à l’équipement, au commerce extérieur et aux prélèvements de biens ennemis au titre des réparations préparés par les départements ministériels compétents seront communiqués au commissaire général. Le commissaire général sera tenu au courant des projets en cours d’élaboration.

    162Article 5. – Le commissaire général du Plan soumettra au président du Gouvernement des arrêtés instituant des comités de travail et de coordination composés de hauts fonctionnaires appartenant aux ministères représentés au Conseil du Plan ainsi que des commissions de modernisation comprenant des représentants de l’administration, des experts et des représentants des organismes syndicaux et professionnels.

    163Article 6. – Pendant la période d’élaboration du Plan, le ministère de l’Économie nationale met à la disposition du commissaire général l’institut de conjoncture, le service de l’équipement et le service des monographies du centre national de l’information économique. Ces organismes sont tenus d’appliquer toutes les directives et de réaliser les travaux qui leur seront fixés par le commissaire général du Plan. Toutefois, ils continuent à dépendre au point de vue administratif et financier du ministère de l’Économie nationale.

    164Article 7. – Le commissariat général comprend, sous l’autorité du commissaire général, des chargés de mission dont le statut est régi par les alinéas 2 et 3 de l’article 5 de la loi du 13 août 1936.

    165Article 8. – Sont abrogés toutes dispositions contraires à celles du présent décret.

    166Article 9. – Le ministre de l’Économie nationale, le ministre de l’Armement, le ministre des Finances, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de l’Agriculture et du Ravitaillement, le ministre de la Production industrielle, le ministre des Travaux publics et des Transports, le ministre du Travail, le ministre des Colonies et le ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal Officiel de la République française.

    167Fait à Paris, le 3 janvier 1946.

    168Par le président du Gouvernement provisoire de la République :

    C. De Gaulle

    169Le ministre de l’Économie nationale, François Billoux.

    170Le ministre d’État, ministre des Affaires étrangères par intérim, Francisque Gay.

    171DOCUMENT N° 5

    172Décret n° 47-119 du 16 janvier 1947 relatif aux modalités d’exécution du Plan de modernisation et d’équipement et fixant à cet égard les attributions du Conseil du Plan et du commissaire général du Plan.

    173Le président du Gouvernement provisoire de la République,

    174Sur le rapport du ministre d’État chargé par délégation du président du Gouvernement des fonctions de président du Conseil du Plan,

    175Vu la loi n° 45-1 du 24 novembre 1945 relative aux attributions des ministres du Gouvernement provisoire de la République et à l’organisation des ministères,

    176Vu l’ordonnance du 23 novembre 1944 modifiée réorganisant le comité économique et fixant les attributions du ministre de l’Économie nationale et l’organisation de ses services,

    177Vu le décret n° 46-2 du 3 janvier 1946 portant création à la présidence du Gouvernement d’un Conseil du Plan de modernisation et d’équipement et fixant les attributions du commissaire général du Plan,

    178Le Conseil d’État entendu,

    179Décrète :

    180Article Premier. – Les dispositions du décret du 3 janvier 1946 susvisé, portant création à la présidence du Gouvernement d’un Conseil du Plan de modernisation et d’équipement et fixant les attributions du commissaire général du Plan, sont complétées en vue de l’exécution du Plan par les dispositions ci-après :

    181Article 2. – Le Conseil du Plan propose au Gouvernement, pour l’ensemble de l’Union française, les programmes annuels de production, de répartition des matières essentielles, de reconstruction, d’investissement, d’importation et d’exportation.

    182Ces programmes sont présentés au Conseil du Plan par le commissaire général qui est chargé d’en coordonner la préparation et de les ajuster dans le cadre tracé par le Plan et dans la limite des ressources disponibles.

    183Article 3. – Le commissaire général est chargé de veiller à l’exécution du Plan. S’il juge que cette exécution peut être compromise pour une raison quelconque, il saisit de la question les ministres compétents et la porte éventuellement devant le président du Conseil des ministres et le comité économique interministériel.

    184Les décisions importantes intéressant l’exécution du Plan ou son adaptation en cours d’année, notamment les répartitions de matières essentielles, sont préparées par les administrations et organismes compétents en accord avec les services du Commissariat général du Plan.

    185Article 4. – Tous les six mois, le commissaire général présente au Conseil du Plan un rapport sur les résultats obtenus dans la réalisation du Plan ; ce rapport sera rendu public. Les modifications importantes qu’il y aurait lieu d’apporter aux programmes annuels sont soumises au Conseil à cette occasion.

    186Article 5. – La direction des programmes économiques du ministère de l’Économie nationale est mise à la disposition du commissaire général du Plan pour toutes les questions entrant dans les attributions de celui-ci. Cette direction est tenue d’accomplir les tâches qui lui sont assignées par le commissaire général du Plan agissant par délégation du président du Conseil des ministres. Elle continue à dépendre, du point de vue administratif et financier, du ministre de l’Économie nationale.

    187Article 6. – Dans l’exercice de ses attributions, le commissaire général est le délégué permanent du président du Conseil des ministres auprès des départements ministériels et organismes intéressés. Il est assisté d’un comité permanent du Conseil du Plan, dont les membres sont nommés par arrêté du président du Conseil des ministres. Il est également assisté des comités de travail et de coordination et des commissions de modernisation instituées par le décret du 3 janvier 1946 susvisé.

    188Article 7. – Sont abrogées toutes dispositions contraires au présent décret.

    189Article 8. – Le ministre des Affaires étrangères, le ministre de l’intérieur, le ministre de la Défense nationale, le ministre de l’Économie nationale et des Finances, le ministre de l’Agriculture, le ministre de la Production industrielle, le ministre de l’Éducation nationale, le ministre des Travaux publics, des Transports et de la Reconstruction, le ministre des Postes, Télégraphes et Téléphones, le ministre de la France d’Outre-mer, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale et le ministre de la Santé publique et de la Population sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel de la République française.

    190Fait à Paris, le 16 janvier 1947.

    191Par le président du Gouvernement provisoire de la République, ministre des Affaires étrangères :

    Léon Blum

    192Décret n° 47-119 relatif aux modalités d’exécution du Plan de modernisation et d’équipement et fixant à cet égard les attributions du Conseil du Plan et du commissaire général du Plan.

    193Rectificatif au Journal officiel du 17 janvier 1947, page 590, 3e colonne, parmi les contreseings.

    194Après :

    195Le ministre d’État, Guy Mollet,

    196Ajouter :

    197Le ministre d’État, Félix Gouin.

    Notes de bas de page

    1 AN F60 918, document cité.

    2 Silbermann ou J. Silberman ? S’il s’agit du même homme, il dirige au printemps 1948 une mission d’étude en France en tant que chef du Bureau de Technologie et de Productivité au Ministère du Travail. Cf. Rowley (Anthony) Les missions de productivité aux États-Unis, Actes du colloque « La France en voie de modernisation », FNSP, 1981. Cependant, il n’y a pas à ma connaissance de document concernant Silbermann dans les archives Monnet. Le service français de planning à Washington a-t-il été mis en place ?

    3 « Mémorandum », le 29 novembre 1945, AMF 3/5/43.

    4 Auboin (Roger) « The bank for international settlements 1930-1955 ». International Finance section, n° 22, may 1955, p. 14 et s., BDIC : 043040 22).

    5 Entretien avec E. Hirsch, le 31 décembre 1979.

    6 Texte dans De Gaulle, Mémoires, tome II, op. cit., pp. 634-639.

    7 AMF1.

    8 Pierre Bauchet, La planification française du premier au sixième plan, Paris, Seuil, 1970, p. 327 à 329.

    9 Curieusement lorsque Jean Monnet cite entre guillemets le texte du 4 décembre – Mémoires p. 283 – le mot Haut-commissaire est remplacé par Commissaire au plan. A-t-il voulu gommer cette étape ?

    10 Témoignage oral de G. Pawleski au colloque « la France en voie de modernisation », le 5 décembre 1981, FNSP.

    11 Note de F. Billoux sur l’accord franco-américain, été 1946. Archives de François Billoux, boîte 2, dossier C. Se rapporter à l’annexe IV, p. 278.

    12 Idem.

    13 Comité Économique du 14 décembre 1945, AN F60 901, dossier 90, document 208.

    14 Note à G. Pawleski, le 21 janvier 1946, AMF 1/6/2.

    15 Année politique 1946.

    16 AMF 1/3/1.

    17 AMF 1/3/4.

    18 Note Vergeot : mesures de première urgence le 12 février 1946, AMF 1/6/14.

    19 AN F60 902, dossier 5, document 229.

    20 Rapport Minerve « opinion d’une haute personnalité américaine sur l’emprunt français aux USA », le 8 février 1946,MAE carton 46, A194-5.

    21 Archives de François Billoux, note citée.

    22 J.O. des 17 et 21 décembre 1946, p. 10691 et 10794.

    23 AMF 1/5/1 et 1/6/1.

    24 Vincent Auriol, lournaldu septennat, op. cit., p. 689.

    25 Note pour M. Monnet, relative à un certain nombre de questions essentielles. R. Marjolin, le 6 juin 1946, AMF 5/2/36.

    26 Entretien publié par le Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, p. 31.

    27 La participation de R. Nathan au plan est étudiée plus loin. La présence de G.
    Ball à Paris est confirmée par les entretiens avec E. Hirsch et P. Weil, toutefois, je n’ai pas trouvé de document émanant de G. Ball dans les archives du plan.

    28 AMF 3/2/10, document cité.

    29 André Kaspi : « Les hommes politiques et les idées neuves », Relations internationales, n° 8, 1976, pp. 389-397.

    30 Luc Boltanski « America, America », Actes de la Recherche en sciences sociales, n° 38, mai 1981, p. 26 et s.

    31 Idem.

    32 Cité dans un mémorandum français du 3 septembre 1946, p. 4, MAE A196-7, déclaration de H. Morgenthau le 1er juillet 1944.

    33 MAE A196-2.

    34 Vincent Auriol, Journal du septennat, tome 1, p. 308, entretien avec Monnet le 28 juin 1947, op. cit.

    35 Ibid., p. 436, le 5 septembre 1947.

    36 G. Guindey, compte rendu de conversations avec Herter, Saxon et autres, le 26 septembre, AMF 12/2/1.

    37 P. 549, le 18 novembre 1947, Vincent Auriol, op. cit.

    38 24ème Congrès de la CGT, 8-12 avril 1946, compte rendu sténographié, p. 32.

    39 Note dactylographiée à F. Gouin, février 1946, une mention manuscrite précise « jamais envoyée » AMF 1/3/34, les Mémoires, p. 290 donne une version édulcorée de ce texte.

    40 Vincent Auriol, Journal du septennat, tome 1, p. 308.

    41 Notes pour préparer une intervention orale, le 11 mars 1946, AMF 2/1/7.

    42 La première appellation est attribuée au général De Gaulle, la seconde provient duMonde, le 28 novembre 1946.

    43 M. Aicardi, chargé des problèmes administratifs n’a pu me fournir d’indications.
    Dans une note « Historique du Plan » (sd. AMF 5/2/20), J. Dumontier donne le chiffre de 20 chargés de mission.

    44 Lettre d’A. Sauvy, le 20 janvier 1947, AMF 7/3/2. Les critiques qu’A. Sauvy formule sur le plan sont analysées plus loin.

    45 17 biographies : Auboin, Hirsch, Gaillard, Marjolin, M. Denis, Fourastié, Kaplan, Aicardi, Bou, Delcourt, Delouvrier, Dumontier, Froment, Guernier, Nora, Rabier, Vergeot.

    46 Organisation du Commissariat du Plan, note à Monsieur le Ministre, J. de Kérisel le 14 décembre 1945, MRU, BT 1284.

    47 Lettre de J. de Kérisel à J. Monnet, le 29 décembre 1945, MRU, BT 1284.

    48 G. Boris, observations sur le Plan Monnet, le 9 décembre 1946, AMF 7/3/1, les analyses de G. Boris sur le Plan sont évoquées plus loin.

    49 Jean-Jacques Becker, « Le modèle soviétique et l’opinion française », actes du colloque « La France en voie de modernisation », op. cit.

    50 Sur l’influence de W. Léontieff, voir François Fourquet, Les comptes de la puissance, op. cit., p. 22 et suiv.

    51 Bertrand R. « Promesses et aléas du Plan Monnet », Le Monde, 28/11/46.

    52 Télégramme de l’Ambassade à Washington, le 4 avril 1946, MAE 46.

    53 Procès-verbal de la commission de la machine-outil, le 5 novembre 1946. Archives du syndicat des constructeurs français de machines-outils.

    54 Note pour M. Monnet, R. Marjolin le 6 juin 1946, AMF 5/2/36.

    55 AMF 9/2/7a.

    56 Notes documentaires et études, n° 291, 27 avril 1946, « La première session du Conseil du Plan, Introduction ».

    57 AMF 5/2/1.

    58 Rivero (Jean) et Vedel (Georges), « Les principes économiques et sociaux de la Constitution », Collection Droit Social XXL

    59 Entretien avec E. Hirsch.

    60 Rapport sur les résultats obtenus dans la réalisation du Plan de modernisation et d’équipement au cours du premier semestre 1947, 31 octobre 1947, 198 p., pp. III-V.

    61 AMF 4/3/47.

    62 AMF 1/2/4.

    63 « Salaires et niveau de vie », BDIC Q 3291/31, « Socialisme expérimental » BDIC 0 10932 col.

    64 Biographie dans J. Loubet del Bayle, voir aussi ses mémoires, Le cadran solaire.

    65 Lettres du 10 avril 1946, des 20 et 23 juillet, AMF 1/1/13, 1/1/18 et 1/1 /19a.

    66 Note de J. Monnet le 16 mars 1946, AMF A194-5.

    67 Déclaration de J. Monnet au journal Combat, le 1er juin 1946.

    68 G. Laforêt, « Le plan Monnet existe-t-il ? » Action, le 12 juillet 1946.

    69 Liste des présents et des absents à la deuxième session, AMF 6/2/2a.

    70 Andrew Schonfield, Le capitalisme d’aujourd’hui, Paris Gallimard, 1967, et Mémoires de Jean Monnet, p. 281.

    71 Archives Desmarais AN 130 AQ33 et rapport de la commission de modernisation des carburants.

    72 Lettre de A. Costes, secrétaire de la fédération des métaux au directeur du Cabinet du ministre, le 1er mars 1946.

    73 F. Fourquet, Les comptes de la puissance, op. cit., fait cette remarque p. 56-57.

    74 La réunion constitutive du CNPF a lieu le 21 décembre 1945, Jeanneney (JN), « Hommes d’affaires au piquet. Le difficile intérim d’une représentation patronale ». Revue Historique, n° 533, 1980, p. 81-101.

    75 Entretien avec E. Hirsch.

    76 Idem, la famille De Wendel est l’objet d’une campagne de presse hostile en 1945, Cf. JN Jeanneney, De Wendel en République, Paris, Seuil, 1976, p. 609 et suiv.

    77 Note sur l’élaboration et l’exécution du plan ainsi que sur les organismes qui doivent y concourir, anonyme, 23 avril 1946, AMF 5/2/1.

    78 Entretien avec E. Hirsch.

    79 AMF 1,note pour Marjolin et Hirsch le 13 janvier.

    80 « Le premier Plan », P. Drouin, Le Monde, 4 janvier 1966.

    81 René Le Guen, Voyages avec des cadres, Paris, Éditions Sociales, 1977, p. 126.

    82 Compte rendu de la première session du Conseil du Plan, AMF 2/4/3.

    83 Projet de rapport préliminaire automne 1946, note citée.

    84 Télégramme de Monnet à Marjolin le 27 avril 1946, AMF 3/5/76.

    85 Entretien avec P. Weill.

    86 Entretien avec E. Hirsch.

    87 Note sur l’élaboration et l’exécution du plan, ainsi que sur les organismes qui doivent y concourir, le 23 avril 1946, AMF 5/2/1 anonyme.

    88 Ce soir, R. Lelu, le 31 décembre 1945.

    89 J. Dumontier, « Historique du Plan », sd. été 1946, AMF 5/2/20.

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    1 AN F60 918, document cité.

    2 Silbermann ou J. Silberman ? S’il s’agit du même homme, il dirige au printemps 1948 une mission d’étude en France en tant que chef du Bureau de Technologie et de Productivité au Ministère du Travail. Cf. Rowley (Anthony) Les missions de productivité aux États-Unis, Actes du colloque « La France en voie de modernisation », FNSP, 1981. Cependant, il n’y a pas à ma connaissance de document concernant Silbermann dans les archives Monnet. Le service français de planning à Washington a-t-il été mis en place ?

    3 « Mémorandum », le 29 novembre 1945, AMF 3/5/43.

    4 Auboin (Roger) « The bank for international settlements 1930-1955 ». International Finance section, n° 22, may 1955, p. 14 et s., BDIC : 043040 22).

    5 Entretien avec E. Hirsch, le 31 décembre 1979.

    6 Texte dans De Gaulle, Mémoires, tome II, op. cit., pp. 634-639.

    7 AMF1.

    8 Pierre Bauchet, La planification française du premier au sixième plan, Paris, Seuil, 1970, p. 327 à 329.

    9 Curieusement lorsque Jean Monnet cite entre guillemets le texte du 4 décembre – Mémoires p. 283 – le mot Haut-commissaire est remplacé par Commissaire au plan. A-t-il voulu gommer cette étape ?

    10 Témoignage oral de G. Pawleski au colloque « la France en voie de modernisation », le 5 décembre 1981, FNSP.

    11 Note de F. Billoux sur l’accord franco-américain, été 1946. Archives de François Billoux, boîte 2, dossier C. Se rapporter à l’annexe IV, p. 278.

    12 Idem.

    13 Comité Économique du 14 décembre 1945, AN F60 901, dossier 90, document 208.

    14 Note à G. Pawleski, le 21 janvier 1946, AMF 1/6/2.

    15 Année politique 1946.

    16 AMF 1/3/1.

    17 AMF 1/3/4.

    18 Note Vergeot : mesures de première urgence le 12 février 1946, AMF 1/6/14.

    19 AN F60 902, dossier 5, document 229.

    20 Rapport Minerve « opinion d’une haute personnalité américaine sur l’emprunt français aux USA », le 8 février 1946,MAE carton 46, A194-5.

    21 Archives de François Billoux, note citée.

    22 J.O. des 17 et 21 décembre 1946, p. 10691 et 10794.

    23 AMF 1/5/1 et 1/6/1.

    24 Vincent Auriol, lournaldu septennat, op. cit., p. 689.

    25 Note pour M. Monnet, relative à un certain nombre de questions essentielles. R. Marjolin, le 6 juin 1946, AMF 5/2/36.

    26 Entretien publié par le Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, p. 31.

    27 La participation de R. Nathan au plan est étudiée plus loin. La présence de G.
    Ball à Paris est confirmée par les entretiens avec E. Hirsch et P. Weil, toutefois, je n’ai pas trouvé de document émanant de G. Ball dans les archives du plan.

    28 AMF 3/2/10, document cité.

    29 André Kaspi : « Les hommes politiques et les idées neuves », Relations internationales, n° 8, 1976, pp. 389-397.

    30 Luc Boltanski « America, America », Actes de la Recherche en sciences sociales, n° 38, mai 1981, p. 26 et s.

    31 Idem.

    32 Cité dans un mémorandum français du 3 septembre 1946, p. 4, MAE A196-7, déclaration de H. Morgenthau le 1er juillet 1944.

    33 MAE A196-2.

    34 Vincent Auriol, Journal du septennat, tome 1, p. 308, entretien avec Monnet le 28 juin 1947, op. cit.

    35 Ibid., p. 436, le 5 septembre 1947.

    36 G. Guindey, compte rendu de conversations avec Herter, Saxon et autres, le 26 septembre, AMF 12/2/1.

    37 P. 549, le 18 novembre 1947, Vincent Auriol, op. cit.

    38 24ème Congrès de la CGT, 8-12 avril 1946, compte rendu sténographié, p. 32.

    39 Note dactylographiée à F. Gouin, février 1946, une mention manuscrite précise « jamais envoyée » AMF 1/3/34, les Mémoires, p. 290 donne une version édulcorée de ce texte.

    40 Vincent Auriol, Journal du septennat, tome 1, p. 308.

    41 Notes pour préparer une intervention orale, le 11 mars 1946, AMF 2/1/7.

    42 La première appellation est attribuée au général De Gaulle, la seconde provient duMonde, le 28 novembre 1946.

    43 M. Aicardi, chargé des problèmes administratifs n’a pu me fournir d’indications.
    Dans une note « Historique du Plan » (sd. AMF 5/2/20), J. Dumontier donne le chiffre de 20 chargés de mission.

    44 Lettre d’A. Sauvy, le 20 janvier 1947, AMF 7/3/2. Les critiques qu’A. Sauvy formule sur le plan sont analysées plus loin.

    45 17 biographies : Auboin, Hirsch, Gaillard, Marjolin, M. Denis, Fourastié, Kaplan, Aicardi, Bou, Delcourt, Delouvrier, Dumontier, Froment, Guernier, Nora, Rabier, Vergeot.

    46 Organisation du Commissariat du Plan, note à Monsieur le Ministre, J. de Kérisel le 14 décembre 1945, MRU, BT 1284.

    47 Lettre de J. de Kérisel à J. Monnet, le 29 décembre 1945, MRU, BT 1284.

    48 G. Boris, observations sur le Plan Monnet, le 9 décembre 1946, AMF 7/3/1, les analyses de G. Boris sur le Plan sont évoquées plus loin.

    49 Jean-Jacques Becker, « Le modèle soviétique et l’opinion française », actes du colloque « La France en voie de modernisation », op. cit.

    50 Sur l’influence de W. Léontieff, voir François Fourquet, Les comptes de la puissance, op. cit., p. 22 et suiv.

    51 Bertrand R. « Promesses et aléas du Plan Monnet », Le Monde, 28/11/46.

    52 Télégramme de l’Ambassade à Washington, le 4 avril 1946, MAE 46.

    53 Procès-verbal de la commission de la machine-outil, le 5 novembre 1946. Archives du syndicat des constructeurs français de machines-outils.

    54 Note pour M. Monnet, R. Marjolin le 6 juin 1946, AMF 5/2/36.

    55 AMF 9/2/7a.

    56 Notes documentaires et études, n° 291, 27 avril 1946, « La première session du Conseil du Plan, Introduction ».

    57 AMF 5/2/1.

    58 Rivero (Jean) et Vedel (Georges), « Les principes économiques et sociaux de la Constitution », Collection Droit Social XXL

    59 Entretien avec E. Hirsch.

    60 Rapport sur les résultats obtenus dans la réalisation du Plan de modernisation et d’équipement au cours du premier semestre 1947, 31 octobre 1947, 198 p., pp. III-V.

    61 AMF 4/3/47.

    62 AMF 1/2/4.

    63 « Salaires et niveau de vie », BDIC Q 3291/31, « Socialisme expérimental » BDIC 0 10932 col.

    64 Biographie dans J. Loubet del Bayle, voir aussi ses mémoires, Le cadran solaire.

    65 Lettres du 10 avril 1946, des 20 et 23 juillet, AMF 1/1/13, 1/1/18 et 1/1 /19a.

    66 Note de J. Monnet le 16 mars 1946, AMF A194-5.

    67 Déclaration de J. Monnet au journal Combat, le 1er juin 1946.

    68 G. Laforêt, « Le plan Monnet existe-t-il ? » Action, le 12 juillet 1946.

    69 Liste des présents et des absents à la deuxième session, AMF 6/2/2a.

    70 Andrew Schonfield, Le capitalisme d’aujourd’hui, Paris Gallimard, 1967, et Mémoires de Jean Monnet, p. 281.

    71 Archives Desmarais AN 130 AQ33 et rapport de la commission de modernisation des carburants.

    72 Lettre de A. Costes, secrétaire de la fédération des métaux au directeur du Cabinet du ministre, le 1er mars 1946.

    73 F. Fourquet, Les comptes de la puissance, op. cit., fait cette remarque p. 56-57.

    74 La réunion constitutive du CNPF a lieu le 21 décembre 1945, Jeanneney (JN), « Hommes d’affaires au piquet. Le difficile intérim d’une représentation patronale ». Revue Historique, n° 533, 1980, p. 81-101.

    75 Entretien avec E. Hirsch.

    76 Idem, la famille De Wendel est l’objet d’une campagne de presse hostile en 1945, Cf. JN Jeanneney, De Wendel en République, Paris, Seuil, 1976, p. 609 et suiv.

    77 Note sur l’élaboration et l’exécution du plan ainsi que sur les organismes qui doivent y concourir, anonyme, 23 avril 1946, AMF 5/2/1.

    78 Entretien avec E. Hirsch.

    79 AMF 1,note pour Marjolin et Hirsch le 13 janvier.

    80 « Le premier Plan », P. Drouin, Le Monde, 4 janvier 1966.

    81 René Le Guen, Voyages avec des cadres, Paris, Éditions Sociales, 1977, p. 126.

    82 Compte rendu de la première session du Conseil du Plan, AMF 2/4/3.

    83 Projet de rapport préliminaire automne 1946, note citée.

    84 Télégramme de Monnet à Marjolin le 27 avril 1946, AMF 3/5/76.

    85 Entretien avec P. Weill.

    86 Entretien avec E. Hirsch.

    87 Note sur l’élaboration et l’exécution du plan, ainsi que sur les organismes qui doivent y concourir, le 23 avril 1946, AMF 5/2/1 anonyme.

    88 Ce soir, R. Lelu, le 31 décembre 1945.

    89 J. Dumontier, « Historique du Plan », sd. été 1946, AMF 5/2/20.

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