Le capitaine de Vaisseau Rolland : un marin défenseur d’une place forte

1Marius Henri Rolland est né le 28 avril 1821 à Marseille. Issu d’une famille de marins, il fait des études quelconques avant d’entrer le 14 novembre 1836 à l’Ecole Navale de Brest. Les notations de ses professeurs nous le décrivent comme un élève « au travail irrégulier, doué pour les parties pratiques et ayant beaucoup de disposition pour la profession de la marine »1.

2 Le premier septembre 1839, il sort cinquantième de sa promotion, ce qui est médiocre et ne semble pas le prédisposer aux futurs hauts commandements de la marine française.

3Commence alors une longue série d’embarquements à bord de bâtiments de diverse importance, entrecoupés de rares opérations de guerre où le jeune officier marseillais se fait alors apprécier par son courage et son énergie. Lieutement de vaisseau depuis le 21 octobre 1850, il prend part au siège de Sébastopol, où il est chargé des fonctions d’Adjudant-Major du camp des marins et ne tarde pas à obtenir la rosette d’officier de la Légion d’Honneur (29 avril 1855), dont il était chevalier depuis le 31 décembre 1853.

4Cette brillante conduite lui vaut alors d’embarquer sur des vaisseaux de premier rang tels que « La Bretagne », « La Ville de Paris » alors vaisseau amiral et d’être promu capitaine de frégate le 26 août 1861. Il obtient à cette occasion le commandement du « Napoléon » bâtiment à vapeur prestigieux de 90 canons, le premier au monde à être doté d’une hélice lui permettant d’atteindre la vitesse étonnante pour l’époque de treize noeuds, conçu sur les plans d’un ingénieur de génie, Dupuy de Lome.

5 Deux ans plus tard, il prend part à la campagne du Mexique et commande parmi les navires stationnés dans le golfe, successivement « le Jura » et « La Drôme ». Il obtient à l’occasion de ce commandement, un témoignage de satisfaction du Ministre de la Guerre pour le rapatriement de soldats malades des fièvres qu’il évacue dans les meilleures conditions de rapidité sur les hôpitaux maritimes de la métropole.

6De 1866 à 1870, il occupe alors divers commandements dans les ports de Toulon et de Marseille. Ayant ainsi retrouvé sa Provence natale qu’il avait délaissée depuis vingt cinq ans, il pense alors à s’installer définitivement dans sa région, compte tenu d’un organisme fatigué par de nombreuses années de service en mer, ce qui l’oblige à suivre des cures à la station de Barèges.

7Capitaine de Vaisseau depuis le 7 mars 1868, il demande le 2 juin 1870 au Ministre de la Marine, l’autorisation de se marier avec Mademoiselle Marie Claire Agard, native d’Aix-en-Provence, de vingt ans sa cadette.

8L’autorisation lui est rapidement accordée compte tenu de la très importante fortune de la jeune femme, estimée alors à plus de 200.000 francs or de l’époque. Le contrat de mariage2 nous apprend en effet que la future possède un domaine de dix-sept hectares dans les environs d’Aix, ainsi qu’une quinzaine d’hectares à Martigues longeant l’étang de Berre, exploités à des fins de pêcherie. A ces biens vient s’ajouter un portefeuille d’actions diverses, notamment de la compagnie des Salins du Midi.

9La tentation de s’installer définitivement dans sa région natale est de courte durée puisque les premiers désastres de la campagne contre la Prusse lui imposent impérativement de servir activement son pays.

10A l’image de plusieurs de ses camarades d’arme, il demande alors au gouvernement de la Défense Nationale de combattre sur terre. Nommé le 15 octobre 1870 général de brigade au titre auxiliaire, chargé du commandement de la subdividion de la Haute-Saône, il est nommé par le général Le Flô, Ministre de la Guerre, le 30 novembre 1870, général de Division chargé du commandement de la 7e Division Militaire à Besançon, en remplacement du général de Prémonville, jugé incapable d’assurer avec succès la défense de la vieille citadelle.

11 Le nouveau général a en effet ramené sans perte dans le Doubs, sa brigade de mobilisés, après l’occupation de la Haute-Saöne par les Allemands. Il utilise ses troupes au mieux et commence sans retard à mettre en état de défense la place de Besançon mal préparée à un tel siège.

12En peu de temps, « le Père Rolland » transforme en soldats de forteresse ses gardes nationaux et ses corps francs, les fait travailler comme Denfert Rochereau à Belfort, aux ouvrages extérieurs rendus indispensables par les progrès de l’artillerie, arme les vieux remparts et ses fortins de pièces de marine apportées en toute hâte de Toulon et fait régner une discipline impeccable dans la nombreuse garnison qui compte sous ses ordres deux généraux de division et sept généraux de brigade.

13Peu après leur victoire de la Lisaine, les Prussiens, sous les ordres du redoutable Keller, se présentent en masse devant Besançon. La place va résister vaillamment sans connaître un seul moment de défaillance jsuqu’au 15 février 1871, date de la fin des hostilités.

14Exaspérés par une telle résistance, les Prussiens essaient de l’emporter sur le plan de la négociation en réclamant une zone d’occupation aussi grande que possible dans cette région hostile à l’envahisseur. Ayant offert dix kilomètres autour de Besançon comme zone libre de toute occupation, le général Keller voit le marin marseillais repousser ses propositions avec la même énergie qu’il a mise à défendre Besançon et lui opposer ses exigences aussi inattendues pour le Prussien que dictées sur un ton n’amenant aucune répartie.

15Devant une telle attitude, les occupants impressionnés concèdent alors le département du Doubs et la ville de Saint Claude dans le Jura, comme zone non occupée. Mais le gouvernement de Bordeaux, mal informé de la victoire ainsi remportée par ce général improvisé, cède aux pressions du généralissime de Moltke et accorde l’occupation demandée du département du Doubs dans son ensemble, excepté la ville de Besançon.

16Malgré cet échec qui vient ternir cette belle épopée, le capitaine de vaisseau Rolland sort en triomphateur de la vieille forterresse et parcourt sos les ovations de la foule la vile préservée du contact des envahisseurs. Chose peu courante dans cette époque troublée, les ouvriers bisontins vont jusqu’à dételer sa voiture afin de l’empêcher de partir. Un tel accord entre l’armée et le peuple et le fait que l’envahisseur n’ait pu entrer dans la ville, expliquent certainement le fait que la Commune ait été un phénomène inconnu en Franche-Comté. La cravate de commandeur de la légion d’honneur octroyée, le 7 juillet 1871, par un autre marseillais, Adolphe Thiers, chef du pouvoir exécutif, vient clore la page de gloire de l’honnête marin.

17Retiré depuis le 26 mars 1871 à Marseille, le capitaine de vaisseau Rolland entend alors consacrer auprès de sa jeune épouse tout le temps nécessaire pour restaurer une santé sérieusement ébranlée par les privations de la récente campagne. Il suit d’ailleurs de 1871 à 1875, régulièrement, plusieurs cures à Barèges qui lui apportent un certain soulagement.

18 Mis en disponibilité pour raison de santé, il a la joie de se voir octroyer le 3 mai 1872, par la municipalité bisontine, un superbe chronomètre en remerciement de sa conduite. Par ailleurs, cette même municipalité reconnaissance lui fait l’honneur de placer son portrait dans la grande salle de l’Hôtel de Ville. Quelques années plus tard, lors de la construction des nombreux forts décidées par le Ministre de la Guerre, le Général de Cissey, son nom est également donné à l’un des nouveaux forts de la citadelle bisontine.

19Ayant été mis à la retraite le 16 février 1876, le capitaine de vaisseau Rolland se présente à la députation dans la ville qui a vu ses vaillants efforts, lors du renouvellement de l’Assemblée Nationale. Battu par le candidat républicain, il se retire alors définitivement de la vie publique et s’éteint paisiblement à l’âge de 87 ans, le 30 mai 1908, dans sa ville natale. Il rejoint ainsi dans la légende, le général Marullaz qui, en 1814, avait réussi à préserver la ville de Besançon de l’envahisseur autrichien. La position exceptionnelle de la ville explique certainement cette attirance des troupes étrangères pour l’enlèvement d’une forteresse bénéficiant d’un grand prestige.

20La municipalité marseillaise, désireuse de rendre hommage à sa mémoire, a donné son nom, peu avant la première guerre mondiale, à un petit chemin qui prend son origine sur la corniche et qui portait autrefois le nom pittoresque de chemin du fada...