Un légitimiste de province : Hippolyte Maquan (1814-1888), Journaliste et Écrivain

1Toux ceux qui s’intéressent, historiens ou simples curieux, à la résistance varoise au coup d’Etat du 2 Décembre connaissent le nom d’Hippolyte Maquan : témoin direct des événements, il en écrivit le premier récit, dont s’inspira Zola dans La Fortune des Rougon. C’est sans doute à ce seul titre que Maquan doit d’avoir échappé au total oubli, mais peut-être d’autres aspects du personnage méritent-ils d’être rappelés.

2César-Antoine-Hippolyte Maquan est né le 22 avril 1814 (alors que Napoléon venait de partir pour l’île d’Elbe), à Nice où se trouvait son père, Plerre-Regali-François-César Maquan, adjudant du génie en chef. De ce dernier, nous ne savons pas grand chose, mais la personnalité de l’oncle d’Hippolyte, Louis-Guillaume Hippolyte Maquan (1767-1856), avoué et avocat à Brignoles, donne une idée du milieu social de la famille. Conseiller d’arrondissement du canton de Brignoles de 1804 à 1830 – et cette dernière date le classe politiquement, il est électeur censitaire à 498 francs en 1819 (nous négligeons les centimes), – et situé « à droite » par le préfet, à 523 francs à la fin de la Restauration, à 752 francs à la fin de la Monarchie de Juillet1. Issu de la bonne bourgeoisie de province, Hippolyte Maquant fait partie de la classe des notables.

3Maquan écrit lui-même2 qu’il eut trois soeurs et que su mère (née Letandart) « avait quitté sa famille et son pays, le nord de la France, pour venir habiter, à l’autre extrémité de l’empire, une petite ville assez triste ». L’enfance de Maquan se passa à Brignoles, petite sous-préfecture d’un arrondissement rural où dominait l’esprit royaliste, et toujours il devait se considérer comme Brignolais3. Après « l’exil du lycée », Maquan fait son droit à Aix, où il a comme condisciple Victor de Laprade, avec qui il noue une amitié durable. Tous deux fréquentent le petit cénacle littéraire que réunissait le patriote polonais Constantin Gaszinski, lequel, ayant dû quitter son pays à la suite de l’insurrection de 1830, s’était réfugié en France et fixé à Aix, où il devait diriger la rédaction du libéral Mémorial d’Aix. Avec eux, on remarque Emile Rigaud, futur premier président de la Cour d’appel, maire d’Aix et député gouvernemental sous l’Empire et Elzéar Pin, agronome et poète, plus tard représentant du peuple en 48, insurgé au 2 Décembre et député républicain au début de la Troisième République4.

4Son droit terminé, Maquan devient avocat : il est avocat à Lorgues (gros bourg agricole et légitimiste voisin de Draguignan) lorsqu’il épouse, le 22 octobre 1838, Marie-Joséphine-Stéphanie-Sophie Perreymond, fille d’un propriétaire aisé de cette localité5, qui devait lui donner six filles et deux garçons6. Ce mariage paraît avoir apporté à Maquan une certaine fortune : lorsqu’elle meurt prématurément le 30 janvier 1852, la succession de Mme Maquan comprend 16.100 francs en meubles, dont 15.000 de dot, et 55.000 francs d’immeubles, le domaine de Florièyes, 55 hectares entre Lorgues et Flayosc, où vivait le ménage, et où Maquan continua de résider7. Qualifié d’ex-notaire, Manquan apparaît en 1847 sur les listes électorales censitaires avec un taux de 419 francs, dont 363 de foncière8.

5Avocat ou notaire, Hippolyte Maquan ne paraît pas avoir exercé longtemps ces professions. Il avait d’autres ambitions et se tourna de bonne heure vers le journalisme et la littérature. Dès 1835 (il n’a que vingt et un ans), il publie dans la Gazette du Midi, l’organe légitimiste de Marseille (et de la Provence), des pièces de vers et articles qu’il signe de son nom, d’initiales (H.M., ou bien Hip. M., Hippolyte M.), ou encore d’un pseydonyme, « L’Ermite de Carami »– du nom de la rivière qui arrose Brignoles. Le 17 août 1835, le choléra qui frappe Marseille lui inspire un poème où il exalte le courage de l’évêque Mazenod et de la jeunesse marseillaise devant le fléau9. Le 5 novembre, ce sont des vers sur la Sainte-Baume et sainte Marie Madeleine. Le 10 mars 1837, il donne un article intitulé « Une maladie morale de la jeunesse actuelle »10. Maquan est reçu par Lamartine de passage à Marseille lorsqu’il s’embarque pour l’Orient, en juillet 1832.

6Vers 1843, Maquan se lie d’amitié avec le poète provençal Roumanille ; amitié durable, elle aussi, fondée sur une communauté d’idées et de sentiments entre « le Solitaire de Saint-Rémy » et « l’Ermite de Carami ». Au début de 1845, Maquan devient rédacteur d’un journal légitimiste qui commence à paraître en Avignon, la Gazette de Vaucluse ; il y publie des vers de Roumanille, notamment, le 19 mars 1846, le sonnet « A la Pologne », accompagné d’une traduction française de Maquan :

« Non, tu ne mourras pas, tu ne dois pas mourir !
Contre trois seule, on dit que tu n’es pas de taille...
Prends la croix, en avant ! et vole à la bataille,
Pologne, on est si fort quand on peut tant souffrir ! »11.

7Chateaubriand, le 22 juin 1845, passe par Avignon, de retour de Venise où il est allé saluer Henry V. Maquan est au premier rang parmi la foule qui l’acclame ; il lui adresse une harangue et compose une ode, « Les Deux Tombeaux », dont nous détachons ces vers :

« Par l’immortalité ces deux tombeaux sont frères :
Mais, étonnant la mort par des splendeurs contraires,
La gloire pour tous deux n’a pas les mêmes fleurs.
Et, dominant les bruits des cités et des ondes,
Deux noms seuls remplissaient les échos des deux mondes : Ici, Napoléon – et là, Chateaubriand ! »12.

8Le poème est couronné par la vieille Académie des Jeux Floraux de Toulouse, qui devait encore plusieurs fois distinguer Maquan13.

9En mai 1846, Maquan quitte Avignon – et la Gazelle de Vaucluse – pour Paris14, et nous avouons ne rien savoir sur ce séjour. C’est à cette époque qu’il écrit un roman, Edgard, qu’il ne publiera qu’en 185815. Il y réaffirme sa sympathie pour la Pologne – et pour l’Irlande et y dénonce l’atonie de la politique extérieure de la France, soumise aux intérêts de l’Angleterre.

10C’est sans regret, naturellement, que Maquan voit s’effrondrer la Monarchie de Juillet.

« Silence ! il est tombé. – Ce n’était pas un trône,
Mais un piège sur un écueil.
Ce chapeau d’insurgé n’était pas la couronne.
Cette chute n’est pas un deuil »16.

11Nous retrouvons Maquan en février 1849, à la tête d’un journal légitimiste qui paraît à Draguignan sous un titre significatif : le Conciliateur, journal du Var17. Le jeune Frédéric Mistral, alors ardent démocrate, commente ironiquement l’événement dans une lettre à Roumanille : « L’ami Maquan est un aristo dépité qui ne pouvant mettre au jour ses excentriques feuilletons et articles va exhaler dans le Var ses imprécations carlistes contre le nouvel ordre de choses »18.

12Haussmann, nommé quelques jours auparavant préfet du Var, avait besoin d’un journal pour contrecarrer la presse démocrate, à l’approche des élections législatives. Il procura à Maquan, sur lu recommandation de l’évêque de Fréjus – Mgr Wicart, un Flamand autoritaire, légitimiste et ultramontain, « un emploi passablement rétribué » dans son cabinet ; en contrepartie, Maquan mettait à sa disposition mille exemplaires d’un suplément hebdomadaire du Conciliateur, « rédigé partie en français, partie en provençal »19. En forme de dialogues, ces articles auraient donné à Roumanille l’idée d’écrire lui-même des dialogues provençaux20.

13Haussmann quitta le Var le 11 mari 1850 et, le 29, le Concilateur devient l’Union du Var. On ne peut manquer de faire la corrélation entre les deux faits.

14Le nouveau journal, carrément légitimiste, se veut indépendant à l’égard de la politique de l’Elysée. Vient le 2 Décembre... Maquan a dit lui-même comment au dernier moment, il jeta au panier un article « plein d’un beau feu contre les coups d’Etat »– en général, pour publier les proclamations du Prince-Président, suivies de quelques « réflexions pacifiques »... Il devait considérer le coup d’Etat de Louis-Napoléon comme « un vrai miracle social accompli par la Providence ». Constatons seulement qu’à Marseille la Gazette du Midi eut une autre attitude, et réprouva le coup de force21.

15Les insurgés varois prirent des otages parmi les notables conservateurs et Maquan fut du nombre. Libéré par la défaite de l’insurrection à Aups, le 10 décembre, il écrivit le récit de sa mésaventure, Trois Jours au pouvoir des Insurgés, première version de son histoire de l’insurrection, publiée en 185222. La couverture de la brochure porte cette annonce : « Pour paraître prochainement, ouvrage terminé, du même Auteur : La Croix sur les Ruines, poésies religieuses et familières ». Sous cette forme, le recueil ne parut pas ; mais, l’année suivante, Maquan remanie son histoire de l’insurrection : un nouveau volume donne un récit plus détaillé du soulèvement avec, à la suite, « Trois Jours au pouvoir des Insurgés » et, sous le titre « Pensées d’un Prisonnier », quarante et une pièces de vers détachées de La Croix sur les Ruines23.

16Maquan, on l’a vu plus haut, a perdu sa femme le mois suivant l’insurrection, et il attribue ce décès au choc provoqué par son enlèvement24. Il poursuit cependant son activité de journaliste et d’écrivain. L’Union du Var, sous l’Empire autoritaire, conserve sa relative indépendance, si bien qu’en 1853 le préfet Mercier-Lacombe suscite la publication d’un journal rival, le Var, qui devient l’organe officieux de la préfecture. La feuille légétimiste défendait les intérêts du Var intérieur, à propos notamment du tracé du chemin de fer de Toulon à Nice et du projet de transfèrement de la préfecture de Draguignan à Toulon, dont il fut question après le coup d’Etat et en 1860, lors du détachement de l’arrondissement de Grasse. Une polémique avec le préfet de Fleury, soupçonné d’y être favorable, provoqua la suppression du journal, par arrêt de la Cour d’appel, le 2 janvier 1862. Mais Maquan en juin 1859, s’était séparé de la direction du journal et avait cessé d’y écrire. Mieux, Eleury, préfet du Var du – juin 1860 au 14 mai 1862, le prit comme chef de cabinet, et le garda auprès de lui quand il quitta le Var pour le Lot... De là (en 1864), Maquan passe au cabinet d’Haussmann à la préfecture de la Seine (il y est chef de bureau), puis, au départ d’Haussmann, devient secrétaire en chef de la mairie du 8e arrondissement de Paris, plus tard du 20e25. Il écrit dans l’Echo du Var, journal non politique, et, à Paris, dans la France26 de La Guéronnière, organe impérialiste et libéral favorable à lu politique de napoléon III en Italie... Maquan publie en 1858 Edgard27, en 1859 un recueil de vers, Idylles religieuses et familières28, en 1861, Sous les Oliviers, Album de la Provence, livraisons mensuelles recueillies en deux volumes de vers et de prose29. Çà et là, des pièces de vers de circonstance30 et, en 1867, des Causeries parisiennes que nous n’avons pu retrouver31.

17Maquan termina sa carrière administrative comme conservateur du cimetière du Père-Lachaise. Le 2 avril 1878, il écrit à Roumanille ces lignes désabusées qui résument sa vie : « Journaliste provincial d’occasion, plus rêveur que poète, fruit sec de la littérature, jeté par aventure dans cette geôle qu’on nomme l’ad-mi-nis-tra-tion, je suis tombé de chute en chute dans une fosse, un caveau, un cimetière. C’est bien fait. Je n’ai que ce que je mérite »32.

18Hippolyte Maquan mourut dans son domaine de Florièyes, le 6 novembre 1888.

* * *

19On voit qu’au déclin de ses jours, Maquan ne se faisait point d’illusion sur sa valeur littéraire : il ne peut nous intéresser qu’à titre documentaire. Mais ne lui refusons pas tout mérite.

20Il a eu le sens du journalisme : cet homme tourné vers le passé savait saisir l’actualité. Du journaliste, il a connu jusqu’au dégoût du métier que les meilleurs, tel Prévost-Paradol33, ont éprouvé :

« Si tu n’as jamais su mentir,
Mon fils, ne sois pas journaliste »34.

21Il n’en croit pas moins à la mission du journaliste, et à la nécessaire liberté de la presse. Le 17 février 1858, alors que l’attentat d’Orsini a provoqué une aggravation de l’autoritarisme impérial, il raille la prudence de « Messieurs les grands journaux de Paris [...]. Pour nous, qui avons toujours pensé que l’on conspire d’autant moins que l’on parle, chante ou écrit davantage, ce n’est point dans les mesures prises par le gouvernement que nous serons tentés de trouver une recommandation de mutisme ». Les journaux de Paris se doivent de traiter les grandes questions politiques, ceux de province de défendre les intérêts locaux. « Ce rôle de la presse [...] nous semble parfaitement indépendant des mesures gouvernementales ».

22Informer et guider le lecteur, c’est la raison d’être de la presse. C’est en journaliste, autant qu’en historien, que Maquan a écrit ses récits de l’insurrection du Var : il a voulu saisir l’événement, en faire l’histoire immédiate, et c’est la presse locale qui a d’abord publié son témoignage. Celui-ci est partial : légitimistes et catholiques comme lui, ses amis de Lorgues qui n’ont pas été pris en otages ont organisé la chasse aux insurgés ; Maquan a souffert de l’insurrection. Mais il ne cherche pas à tromper ; il se corrige, d’une édition à l’autre ; sa rancune va aux meneurs, non au « pauvre peuple » abusé ; il laisse transparaître de la pitié pour l’infortuné Martin Bidouré. On lui a du reste reproché, sur le moment, sa trop grande « mansuétude », considérée comme une « trahison »35. Tel quel, son témoignage est essentiel.

23Dans la préface de ses Idylles religieuses et familières, Maquan espère que « les sentiments d’un chrétien et du père feront oublier l’insuffisance du poète ». On ne saurait mieux dire. La prose de Maquan est lourde, redondante : il tire souvent à la ligne, péché mignon du journaliste. Il écrit mieux en vers ; il n’est pourtant qu’un versificateur correct, voire adroit. Il pratique les formes classiques – ode, idylle, utilise volontiers le sonnet, retrouve des strophes de la Pléiade, imite les ïambes d’André Chénier... Il sait varier les rythmes. Il ne lui manque que d’être poète.

24Ses goûts littéraires sont le reflet de ses idées : dans tous les domaines, il est conservateur. Il apprécie Lamartine et Hugo à leurs débuts, mais, écrit-il le 30 juillet 1842 dans la Gazette du Midi, se peut-il « que l’auteur des Odes et Ballades soit l’auteur des Rayons et les Ombres ? Celui qui a soupiré les Méditations, a-t-il écrit aussi La Chute d’un Ange ? » Il est plus lucide à l’égard de Balzac, « observateur fin, parfois spirituel et profond, vrai pour le dessin, faux pour le coloris ; c’est un écrivain fabuleux [...], fouillant le coeur humain et le disséquant par fibrilles imperceptibles, minutieux dans ses descriptions jusqu’à la puérilité ; ses mises en scène sont de vrais inventaires » (30 octobre 1842).

25En 1837, il s’interroge « Sur une maladie morale de la jeunesse actuelle » (dont il fait partie) : « Tous les espoirs qui animaient la génération de 1830 s’effondrent, laissant partout malaise et déception ». Eclectisme, saint-simonisme, fouriérisme, « quelle immense cohue de faux messies, de faux prophètes, de faux apôtres ! » Il revient souvent à l’idée qu’après les convulsions de la période révolutionnaire, la nouvelle génération a jeté des feux brillants, mais s’est très tôt égarée dans la recherche de la popularité, la politique, le matérialisme. Maquan a le sentiment profond que le XIXe siècle, après 1830, est un temps de décadence morale, dont l’abandon de la foi est la cause principale. Il le dit en vers, dans une pièce intitulée « Les Ruines morales » :

« Lamennais, Lamartine, Hugo, tribuns, poètes,
Grandes voix, entraînant les foules inquiètes,
Ne vous souvient-il plus de votre jeune essor
Quand de vos coeurs la foi vous versait les trésors ? [...]
Infortunés vainqueurs, vous avez tout jeté
A l’idole du jour, la popularité [...]
Sans la foi qu’est la gloire ? – Un rêve de l’orgueil »36.
Chateaubriand seul émerge de ce naufrage.

26De Luther au socialisme, en passant par Voltaire et les philosophes du XVIIIe siècle, un mouvement continu s’est attaqué à la morale et à la religion. Et, comme Victor de Laprade, Maquan a la conviction que la révolution industrielle n’est pas un réel progrès37. L’Angleterre est comme la somme de tout ce qu’il déteste : protestantisme, matérialisme, industrialisme, toute-puissance de l’argent...

« Cet esprit de Luther, de Calvin, de Voltaire
A dit son dernier mot partout,
C’est le socialisme obscène et délétère
Que tu retires de l’égout »38.

27Le 26 août 1854, son éditorial de l’Union du Var – « Questions nationales » – dénonce la malfaisance des idées anglaises répandues en France, car « l’influence étrangère est le pire symptôme de décadence pour une nation », et il conclut : « Restons Français »...

28Pour enrayer ce déclin de notre civilisation, Maquan compte sur le catholicisme et, en politique, sur le principe d’autorité39. Il croit en la valeur des cultures régionales, et c’est pourquoi il aime les écrivains du terroir, Brizeux, Reboul – qu’il met au-dessus de Lamartine, Roumanille, Mistral – dont il salue Mirèio comme une victoire de la Provence sur Paris40. Dès 1835, pendant le choléra, il a senti que le Midi, sacrifié au Nord, se devait de réagir :

« Et toi, du beau Midi, magnanime jeunesse,
Ton noble dévouement a fait trembler la mort,
Tu sauras bien ravir un jour le droit d’aînesse
Aux générations du Nord »41.

29Il croit aux vertus de la décentralisation, et se dit d’accord sur ce point avec Louis Jourdan, du Siècle, qu’il contredit le plus souvent42. Il déplore l’exode rural, générateur de misère :

« Restez dans cet abri tranquille

Que vos pères ont habité,
Laissez, enfants, laissez la ville »43.

30Maquan redoute la ville, qui produit la misère, la violence, la révolution. Comme Hugo, il voit dans l’école une garantie de paix sociale. Il le dit en des vers indigents, en 1875 : les souvenirs de la Commune ne sont pas loin.

« Ces bras d’enfants, au seuil de nos splendides fêtes,
Ces bras, vers nous tendus en vain,
Pourraient bien, tôt ou tard, au milieu des tempêtes,
Reparaître la torche en main.
N’avons-nous donc pas vu la flamme du pétrole
Dévorer le toit des palais ?
Ouvrons la crèche, ouvrons l’asile, ouvrons l’école,
Vous, riches, agrandissez-les. [...]
Car dans les mêmes rangs, ces enfants et les nôtres
Défendront le pays un jour »...44.

31On le voit ici, et nous pourrions multiplier les citations45 : Maquan a bien compris la question sociale ; mais – faut-il le dire ? – il ne veut point de bouleversement des structures économiques et sociales : Proudhon est, avec Voltaire, sa cible priviligiée. Il compte sur la générosité des classes possédantes qui, il l’espère, tireront la leçon des tragédies du XIXe siècle en prenant conscience de leurs responsabilités.

* * *

32Emile Faguet se méfiait de ceux qui disaient préférer Lamartine à Victor Hugo : il les soupçonnait, au fond, d’aimer mieux encore Victor de Laprade. Hippolyte Maquan n’est même pas Victor de Laprade... Il reste néanmoins, pour notre curiosité, un témoin sincère de son temps. Cette impression de décadence familière aux esprits du dernier tiers du XIX siècle46, il l’a, avant eux, profondément ressentie. Il a été un écho sans éclat, mais fidèle, de la sensibilité catholique et conservatrice, de ses craintes, de ses espoirs, de ses nostalgies.