Chapitre I. Difficultés et combats 1932-1936
p. 275-315
Texte intégral
I – LA LÉGISLATURE 1932-1936
Nouveau groupe et nouvelle situation politique
1Les élections de 1932 marquent un certain recul pour le P.D.P. par rapport aux résultats de 1928, bien que Le Petit Démocrate constate que les dix sept députés sortants ont rassemblé plus de voix au premier tour qu’en 19281. Les Démocrates se retrouvent comme en 1924 dans la minorité. Cornilleau préconise d’abord face au nouveau Cartel et à la poussée à gauche une "abstention motivée" des modérés. Si la "concentration" reste toujours désirable, elle ne pourra se faire que sous certaines conditions2. Si Bidault affirme que les radicaux et le Centre ont à faire preuve de courage intellectuel et politique, Cornilleau déclare nettement que la place du Parti est au sein de l’opposition3. Dans la nouvelle Chambre, le groupe démocrate se trouve réduit à seize membres : Brom, Champetier de Ribes, Durand, Gallet, Lerolle, Martel, Meck, Peter, Pezet, Pinault, Reille-Soult, Rolland, Schuman, Seltz, Simon, Trémintin, l’Abbé Desgranges ayant fait une déclaration d’entente. Les Alsaciens3 et les Mosellans2 avec Robert Schuman qui a rejoint le groupe et Peter forment toujours une partie importante de celui-ci, avant les difficultés qui ne vont pas tarder à surgir pour les Alsaciens. Mais le groupe démocrate à côté de ses "vedettes" traditionnelles, compte désormais l’Abbé Desgranges comme apparenté et Robert Schuman. Le "Jeune Républicain" Louis Rolland finit également par le rejoindre. Grâce à ces renforts il atteint presque le niveau de 1928. Mais dans cette Chambre il y a aussi d’importantes transformations du côté des modérés devenus la minorité. Le groupe de l’U.R.D. disparaît au profit de celui de la "Fédération Républicaine" très affaibli (41 membres), pendant qu’un nouveau groupe de "dissidents" de la Fédération se constitue avec le groupe "républicain et social" auquel on donnera bientôt le nom de "groupe Pernot" du nom de son Président. On y trouve en particulier des représentants de l’aile "sociale" ou même "catholique sociale" de la "Fédération", certains étant en fait assez proches des Démocrates Populaires. Un petit groupe dit des "Républicains du Centre” se forme en 1932 derrière Michel Walter. Le "Centre Républicain" prend largement la suite de "l’Action Démocratique et Sociale" grâce à des apports de l’U.R.D., à côté des groupes du "Centre Gauche" : Républicains de Gauche, Gauche Radicale, Indépendants de Gauche, formant le Centre-Droit. L’émiettement est très net pour les modérés, chez qui il n’y a plus vraiment de "groupe dominant" comme autrefois l’U.R.D. Les Démocrates font figure cette fois davantage de groupe comme les autres et non mineur et considéré par beaucoup comme une annexe de la "Fédération". Un journal comme Rome regrette en tout cas ce qu’il appelle "la dispersion des élus catholiques" dans cette Chambre de 1932 depuis les "Indépendants de Gauche" jusqu’aux "Indépendants de Droite", en passant par les Démocrates Populaires...4.
2Edouard Herriot constitue son cabinet le 3 juin et se présente devant la Chambre le 7. La question de l’attitude à son égard est abordée au Conseil National du Parti le 5 juin et des divisions significatives apparaissent. Henri Boissard constate que Herriot a fait un effort de modération lors de la composition de son ministère et demande que le groupe accorde sa confiance. Il est soutenu par les interventions d’Edouard Morin, Reille-Soult, Flory, Tessier, Zamanski, Bidault, H. Teitgen. Mais dans l’autre sens, interviennent Bour, Desgrées du Lou, Berger, etc..., ce qui montre de véritables clivages politiques. Les uns insistent sur le fait que le Parti doit se démarquer de l’attitude adoptée dans la législature précédente. Un vote de confiance pourrait hâter la concentration et le reclassement des partis, l’autre tendance insistant sur les nécessaires solidarités politiques. Cornilleau se prononce pour l’abstention et Paul Simon déclare qu’il lui sera impossible d’accorder la confiance. La motion adoptée affirme seulement la volonté de favoriser le regroupement des républicains fidèles à la tradition démocratique, tandis que pour Champetier le Conseil ne peut prétendre imposer au groupe un mandat impératif5. En fin de compte le groupe démocrate s’abstient et Paul Simon explique qu’il n’est pas dans ses intentions d’adopter à l’égard du Gouvernement une attitude d’opposition systématique (confiance accordée par 384 voix contre 115)6.
3Du fait du retour des radicaux aux affaires, le problème de la "concentration" est posé, malgré le refus de la confiance à Herriot en des termes que l’on présentera de cette façon : "il fallait rompre avec la majorité cartelliste, c’est-à-dire la renverser complètement en obligeant les radicaux à reconnaître leur position de Centre en les amenant à se séparer des socialistes et à collaborer avec les modérés. Rompre le Cartel pour préparer un Gouvernement de concentration ou d’union nationale, telle a été sans relâche la préoccupation des Démocrates"7. En conséquence, on affirmera qu’alors que la plus grande partie de l’ancienne majorité retrouvait des habitudes d’opposition systématique, le groupe démocrate ne voulut pas bouder dans l’absolu une collaboration qu’il souhaitait objective8. Il souhaita, du moins en principe, ne pas refuser le vote de réformes nécessaires : il vote le 7 juillet un ordre du jour sur le chômage tandis que la Droite s’abstient. Le groupe s’abstient le 11 sur l’ensemble du projet de loi de redressement financier9, les -socialistes s’étant joints à une partie de la Droite. L.A. Pagès parle déjà d’une "cassure" entre radicaux et socialistes et G. Hourdin estime que l’on va bien "vers la concentration"10. Le Petit Démocrate rend hommage à "l’attitude courageuse" d’Herriot. Les élections sénatoriales d’octobre semblent prouver à Cornilleau que la France est au Centre-Gauche après la victoire d’un certain radicalisme qui ne permet pas pour autant de crier au triomphe de la concentration, après les défaites de Philippe de Las Cases en Lozère et de Antier en Haute-Loire11. Lors du débat de politique extérieure en octobre, Pezet intervient pour dire dans quel esprit le groupe votera l’ordre du jour présenté par le Gouvernement qui est adopté à une très large majorité (425 voix). Les Démocrates se désolidarisent d’une Droite qui s’était en majorité abstenue, et manifestent une volonté de "collaboration constructive"12 qu’ils démontrent aussi dans la discussion sur la politique agricole du Gouvernement et la création d’un Office du blé13.
4Le VIIe Congrès du Parti se réunit à Grenoble. En dehors d’une discussion sur la crise économique et les remèdes à lui apporter14 sur le plan politique le Congrès se prononce encore pour ce qu’il appelle "une comparaison sincère et loyale des programmes des divers partis républicains” qui peut conduire à un rapprochement et à une formation parlementaire et gouvernementale nouvelle, seule capable de surmonter les difficultés actuelles. C’est une forme de nouvel appel à la concentration15. Les jours du Ministère Herriot sont bien comptés, ce qu’un Pagès jugeait inévitable dès le début de novembre face aux difficultés intérieures et extérieures16. Mais Politique estime que l’heure n’est pas encore venue pour le Parti Radical d’échapper à la vigoureuse emprise des socialistes17. La chute d’Herriot se produit le 12 décembre, sur le problème des dettes de guerre aux États-Unis (402 voix contre 187). Le groupe démocrate est dans la majorité qui renverse le Gouvernement radical avec les socialistes et la Droite18. Champetier de Ribes explique quelles furent les hésitations de son groupe qui s’est décidé en suivant les avis de Pezet et Schuman19. Une division était apparue sur ce problème au groupe et dans le Parti20.
5Après cette première étape du second Cartel, Paul-Boncour forme un Ministère plus "cartelliste" face auquel Cornilleau ne cache pas sa déception alors que des espoirs avaient été placés dans cet homme venu du Socialisme21. On conserve à son égard la même attitude globale que face à Herriot. Le groupe se divise lors de la présentation de l’ordre du jour sur la politique générale, marquant bien les clivages internes du Parti22. Mais Il soutient ensuite le projet de "douzième provisoire" présenté par Chéron, et vote avec le Cartel pour le projet d’"emprunt autrichien", après une intervention de Schuman23. Néanmoins, à l’égard d’un homme que l’on déclare toujours estimer pour son libéralisme et ses préoccupations sociales, le regret est exprimé de n’avoir pas trouvé dans son attitude ce qu’on attendait, même s’il a parlé à nouveau de la "réforme de l’État"24. Hourdin réaffirme que face à Paul-Boncour, le Parti reste plus que jamais fidèle à sa politique de Centre25. Mais à la rentrée parlementaire de janvier, le groupe vote surtout du côté de l’opposition, sauf exceptions. Paul-Boncour est renversé le 28 janvier sur l’article 6 du projet de redressement financier (401 voix contre 171), les Démocrates se retrouvant avec la Droite et la S.F.I.O.26.
6Le Ministère Daladier se présente le 3 février devant la Chambre. Le groupe démocrate vote contre lui alors qu’il s’était abstenu à l’égard d’Herriot et divisé face à Paul-Boncour et manifeste ainsi une réserve accrue. On justifie cette attitude en montrant que le Gouvernement a déclaré vouloir s’appuyer sur la seule majorité du 8 mai27. Si l’on affirme toujours croire en la possibilité d’une collaboration avec "certains radicaux”, le groupe démocrate combat cette fois nettement les projets de redressement présentés par Daladier dont il estime qu’il agit en chef de parti. Cette attitude globale se manifeste pendant ce ministère où s’accumulent les difficultés de tous ordres. Hourdin refuse nettement dans Politique toute concentration qui serait un simple élargissement du Cartel28. Le Conseil National du 5 mars voit Paul Simon défendre l’attitude du groupe depuis le début de la législature : si le Gouvernement radical lève "l’hypothèque socialiste" il sera possible d’entrer dans la voie d’une "pré-concentration" selon l’expression d’Herriot29.
7L’étude du budget de 1933 commence à la Chambre en mars, tandis que Meck interpelle le Gouvernement en avril sur la législation sociale30. L’Abbé Desgranges intervient dans la discussion sur le budget de l’instruction publique et le groupe soutient dans ce domaine les amendements Du val-Arnould et Groussau de la Droite catholique31. Il finit par voter le budget le 31 mai avec la majorité (sauf Lerolle)32 et la confiance au Gouvernement sur la politique extérieure33. Mais il vote avec l’opposition dans la discussion sur le projets de prix du blé, et Reille-Soult explique les raisons de cette attitude34. C’est le moment où si l’on constate les dissensions à la S.F.I.O., on s’inquiète toujours de l’influence qu’exercent les socialistes sur le Parti Radical qui commence à être mal supportée par une minorité dont le nombre à la Chambre est estimé à une cinquantaine35.
8Au Conseil, P. Simon montre comment il s’agit toujours en fait de "libérer" le Parti Radical, et fait confiance au groupe pour interpréter la volonté de la "Démocratie Populaire" d’opposition aux deux blocs, les votes sur le budget et les affaires extérieures étant de nature à rapprocher l’heure des "collaborations nécessaires"36. L’attitude du groupe parlementaire commence toutefois à être au cœur d’une certaine "crise du Parti". Le Petit Démocrate lance dans l’été 1933 une sorte de campagne de propagande sous la forme d’une enquête dirigée par André Cochinal sur le thème "Pourquoi je suis Démocrate Populaire" et à laquelle les leaders du Parti apportent leur contribution. Robert Schuman dit ainsi comment il a fini par y adhérer pour sa volonté sociale et de collaboration internationale37. Le désir de créer un "Centre politique" dans un pays de classes moyennes qui le réclame est un des thèmes majeurs résultant de cette enquête, à côté de la reconnaissance d’une "famille d’esprit" et de ses origines.
De Sarraut à Chautemps
9La rentrée parlementaire d’octobre ne change pas les dispositions à l’égard du Gouvernement Daladier qui est renversé le 24. Les Démocrates se retrouvent avec la Droite, les communistes, les socialistes, une vingtaine de radicaux face à une éventuelle "majorité concentrationniste"38. Le "drame radical" du second Cartel se vérifie par l’accentuation de l’instabilité ministérielle, tandis qu’a lieu le schisme des "néos socialistes" dans la S.F.I.O. Le Ministère Sarraut est formé le 26 octobre. Cette fois c’est une tentative d’élargissement vers la Droite (Pietri aux colonies), manifestant une certaine volonté de concentration. Le groupe démocrate apporte dans sa majorité un soutien à Sarraut lors du vote du 3 novembre39. Cette attitude est justifiée par le fait que Sarraut voulait "s’affranchir de la tutelle socialiste" et collaborer avec l’ancienne majorité modérée40. Champetier déclare que les Démocrates Populaires attendent les projets de Sarraut avec objectivité et qu’ils se réjouissent déjà qu’il n’ait prononcé aucune exclusive41. Bidault marque l’importance du geste de Champetier pour la concentration42, mais Hourdin rappelle qu’il s’agit toujours de rompre le Cartel en aidant à s’établir un Ministère qui s’oriente vers la concentration43. Il voit un centre qui existe et qui dispose d’une centaine de voix à l’Assemblée : Démocrates Populaires, Républicains de Gauche, Gauche Radicale et..."Socialistes de France"44.
10Mais cette "tentative Sarraut" n’est que de courte durée. Si le groupe démocrate s’abstient lors du débat sur la politique extérieure, le projet de redressement budgétaire aboutit à la chute rapide de Sarraut le 23 novembre après un scrutin où les Démocrates se divisent à nouveau, 9 membres soutenant le Gouvernement45. Ce Ministère avait suscité certains espoirs au Parti, comme étant un exemple de la politique de détente toujours souhaitée, et la deuxième expérience de concentration réellement soutenue par lui, après celle de Briand-Caillaux en 192646. Mais on peut se demander si cette espérance fut partagée unanimement par tout le Parti.
11Le IXe Congrès du P.D.P. s’est réuni entre temps à Limoges du 17 au 19 novembre. La déclaration générale insiste sur le "désarroi des vieilles formations", les crises ministérielles à répétition en étant le symptôme évident. En conséquence, face à une situation dégradée, il réclame la définition claire et précise d’un programme de redressement. Sur le "problème de gouvernement”, il déclare vouloir la "restauration de l’autorité", de ses charges et responsabilités, dans le cadre de la Réforme de l’État et souhaiter que se réalise dans l’immédiat au Parlement un "reclassement des Partis". Les Démocrates sont prêts à collaborer avec tous ceux qui adhèreraient à une "politique française" face aux périls, quel que soit le nom que l’on donne à cette politique47.
12En tout cas on en revient à une nouvelle expérience cartelliste sous le Ministère Chautemps du 26 novembre après la chute de Sarraut. Le groupe démocrate dit sa préférence pour un Ministère de "conciliation républicaine". Face au nouveau Ministère il déclare toujours vouloir une "trêve des partis", mais Paul Simon considère très vite qu’il marque bien un retour en arrière48. Le groupe démocrate s’abstient lors de la présentation du cabinet le 2 décembre avec la majorité de l’opposition (395 voix contre 20 et 185 abstentions)49. Un nouveau projet de redressement financier est adopté le 12 décembre. 11 Démocrates s’abstiennent pendant que 4 votent contre50 : Brom, Lerolle, Meck et Seltz, manifestant un clivage permanent. En effet, dans les débats le groupe se divise, mais on le voit aussi souvent voter dans sa majeure partie pour le Gouvernement, s’il soutient certains amendements de Droite51. En fait, Lerolle et les Alsaciens commencent à s’isoler de plus en plus du reste du groupe, si l’on estime que par son attitude il a collaboré partiellement à l’union des républicains demandée par Chautemps52. La Commission Exécutive renouvelle d’ailleurs alors son appel à une "trêve des Partis" et le groupe parlementaire réaffirme son désir de collaboration. Pagès malgré tout durant cette période ne cache pas son scepticisme à l’égard du Cartel et même d’une concentration, la seule solution étant désormais celle d’une "Union Nationale" pour contrôler les radicaux53. Il reproche ainsi à L’Ouest Éclair de trop donner l’impression d’accepter le Gouvernement cartelliste. Mais on entre au début de 1934 dans une phase d’aggravation de la conjoncture politique qui conduit à février 1934 avec l’affaire Stavisky.
De l’agitation de droite au 6 février
13A côté de l’attitude générale du Parti à l’égard des Ligues et du mouvement antiparlementaire54, celui-ci doit prendre position face à l’évolution elle-même des événements. Le 12 janvier à la Chambre Pezet expose les raisons pour lesquelles les Démocrates Populaires sont partisans de la constitution d’une Commission parlementaire d’enquête. Ils soutiennent l’amendement Ybarnegaray déposé en ce sens (repoussé par 372 voix contre 209) et se prononcent contre l’ordre du jour de confiance au Gouvernement55. La position du P.D.P. est au début proche de celle de l’ensemble de la Droite, tout en ne partageant pas les outrances de l’Extrême-Droite. Pour Bidault, une seule chose doit compter, la vérité et éventuellement le châtiment, car la République a besoin de vertu56 et Cornilleau estime que la partie n’a jamais été aussi belle pour l’opposition57.
14D’une façon générale, si l’on reconnaît que "l’affaire" peut être utilisée comme une "machine de guerre" contre le régime, la nécessité d’une sévérité contre les responsables du scandale est constamment affirmée. A L’Ouest Éclair Paul Simon rejette tout escamotage de l’affaire, même s’il n’est pas question de faire rejaillir le scandale sur l’ensemble du Parti Radical58. Le ton est plus violent dans certains organes sympathisants du Parti comme au Mémorial de Saint Etienne (L.A. Pagès) qui retrouve un ton très proche de la Droite classique et les mêmes thèmes sont repris par Le Patriote des Pyrénées, Le Bien du Peuple de Dijon. Mais la Commission exécutive du Parti charge à ce moment Le Petit Démocrate de faire campagne en faveur de la "moralité publique". Pendant que l’agitation se répand dans la rue, le groupe démocrate vote avec la Droite contre le gouvernement le 23 janvier59. Celui-ci finit par démissionner le 27, son départ étant salué au Petit Démocrate avec un "sentiment de soulagement" à cause de son "attitude injustifiable"60. Daladier forme un cabinet le 30 janvier qui comporte deux "centristes", Fabry et Pietri considérés immédiatement comme des "otages" par l’organe du Parti.
15Le 6 février 1934, jour de la présentation du cabinet Daladier à la Chambre, les Démocrates refusent la confiance61 tandis que, dans la rue, face au Palais-Bourbon, se déroule la "nuit tragique". Le lendemain le groupe démocrate publie une motion qui affirme que les manifestations n’ont pas été provoquées par un complot qui n’a jamais existé, ni par un Fascisme de Droite impuissant, mais bien par l’écœurement du pays devant l’incapacité du Parlement et les luttes de Partis62. Le Petit Démocrate déclare que le Fascisme de Droite n’est qu’un épouvantail et que le vrai péril est le Fascisme de Gauche63. Deux attitudes et deux types de réactions face aux événements semblent avoir partagé le Parti : un "appel au pays" est publié dans son journal parlant cette fois de l’existence de "deux Fascismes" qui menacent la France qui ne veut ni de l’un ni de l’autre. Bidault critique les violences des chefs des organisations d’Extrême-Droite qui ont pu entraîner beaucoup de braves gens64. Mais à L’Ouest Éclair Paul Simon rend nettement responsables Daladier et son Gouvernement des désordres65. Pagès montre de son côté comment ceux-ci ont été organisés surtout par les communistes, la révolte de Paris n’ayant nullement été fasciste66. Un ton voisin peut être trouvé même dans un journal de Fédération comme L’Orne où Cornilleau évoque un "Cartel qui a glissé dans le sang"67. Le Bien du Peuple, Le Mémorial insistent sur le caractère non fasciste du mouvement qui ne visait en aucun cas à renverser la république68. On pourrait relever ainsi que le fit Cornilleau lui-même, que Georges Lebecq, conseiller municipal Démocrate de Paris fut à la tête du cortège de l’U.N.C.
16Une tendance du P.D.P. a été sympathisante à l’égard du mouvement de février 1934 et s’est laissée entraîner par des milieux modérés eux-mêmes poussés par l’Extrême-Droite. A côté d’hommes comme Pagès, Cochinal, la position d’Alfred Bour, conseiller municipal est également illustrative : il proteste le 5 février avec les élus municipaux de Paris contre le renvoi de Chiappe, signe un appel le 8 (aux côtés de Raymond-Laurent et Lerolle) réclamant la démission de Daladier, participe à la cérémonie des obsèques des victimes le 1069. Les clivages sont en tout cas nets depuis la réaction d’un Lerolle qui déclare ne pas comprendre qu’on mette sur le même plan les "Croix de Feu" et les communistes jusqu’à celle d’Edouard Morin qui affirme ne pouvoir que répudier en tant que Démocrate Populaire la "prétendue mystique" du 6 février70. La position du groupe parlementaire aux lendemains des événements est elle-même assez proche de celle de la Droite sur le caractère non fasciste et non anti-républicain de la manifestation et les responsabilités gouvernementales. Ce premier type de réactions a été assez répandu dans une "aile droite" d’un Parti où les clivages s’accentuent dans une gradation d’attitudes jusqu’à une autre tendance qui, sans rejoindre les thèmes de la Gauche sur le complot anti-républicain, parle néanmoins des "deux Fascismes" à combattre. Un certain "éclatement" des attitudes est apparu, révélant des différences de tempérament politique et les divisions du Parti depuis des sympathies modérées traditionnelles jusqu’à d’autres orientées au Centre-Gauche. Les thèmes autoritaires de l’Extrême-Droite ont cependant été très largement rejetés au P.D.P.
Soutien à Doumergue
17Dans son ensemble le Parti réalise son unité sur le thème de la trêve incarnée par Doumergue et son gouvernement d’Union Nationale formé le 12 février. Il se réjouit alors de voir ainsi souffler un esprit qui est le sien71. L’Ouest Éclair évoque une "réconciliation nationale" enfin possible et L’Aube un "effort de salut public" à soutenir72. Le groupe démocrate soutient avec la nouvelle Majorité le Gouvernement qui se présente devant la Chambre le 15, tandis que Champetier se rend auprès du Président Doumergue auquel l’Assemblée accorde les pleins pouvoirs en matière financière. Le Président du Parti intervient pour manifester à nouveau le désir de collaboration du P.D.P.73. Les Démocrates soutiennent la Majorité pour l’autorisation des décrets-lois à accorder au Gouvernement, sauf les trois Alsaciens Brom, Meck et Seltz dont il est cette fois regretté qu’ils aient rompu la discipline du groupe74. Cornilleau dit que le P.D.P. est bien placé pour réaliser ce qu’il appelle la "concentration du bon sens"75. Le Conseil National du 5 mars parle d’une rénovation totale à réaliser dans le cadre d’une économie organisée, d’une réforme des institutions et d’une réforme de l’État.
18Mais des clivages et des tendances continuent à se révéler. Une tendance de droite marque en fait l’influence de certains thèmes autoritaires et "plebiscitaires". Cochinal critique les défenseurs de ce qu’il appelle un "conservatisme républicain". Il est soutenu par la Fédération de Seine-et-Oise qui dépose une motion en faveur de la dissolution de l’Assemblée. Une tendance "de gauche" s’affirme par des déclarations d’inquiétude devant certaines formules, pendant qu’au "centre", Paul Simon demande que l’on garde son sang-froid face aux attaques des deux bords visant le groupe parlementaire76. Les clivages se manifestent également sur la réforme de l’État, son contenu et les moyens d’y parvenir.
19Le Gouvernement Doumergue s’attelle à ce problème. Une Commission parlementaire de 33 Députés est chargée de l’étudier, où l’on trouve les Démocrates Populaires Champetier de Ribes et Reille-Soult77. La "Réforme de l’État" était depuis longtemps un des éléments fondamentaux du programme et de la doctrine du P.D.P., celle-ci ayant eu comme un de ses éléments un "révisionnisme modéré" sur le plan de la réforme des institutions politiques. Le Conseil national de mars parle de son côté d’une "réforme politique" qui délimiterait les attributions du Parlement, accorderait au chef du Gouvernement l’autorité et l’indépendance nécessaires et garantirait la stabilité ministérielle par l’usage du droit de dissolution. Reille-Soult est nommé vice-président de la sous-commission pour la réforme économique et Champetier de Ribes président de la sous-commission pour un nouveau statut de la magistrature, qui accepte de prendre notamment comme point de départ une proposition de loi récemment déposée par le groupe démocrate sur un statut nouveau des magistrats78. Champetier déploie une certaine activité dans cette sous-commission qui aboutit à une proposition de résolution en juin présentée par le président du Parti Démocrate et portant organisation des tribunaux, des cours d’appel et de la cour de cassation79. A la sous-commission pour la réforme économique, Reille-Soult s’efforce d’orienter les travaux et les conclusions vers la conception de "l’économie organisée par la profession organisée" définie au Congrès de Grenoble en 1932.80 Champetier et Reille-Soult se prononcent dans la Commission en faveur du droit de dissolution. Cornilleau voit "nos idées en marche" dans la voie de la Réforme de l’État qui doit aller conformément aux idées de la "Démocratie Populaire" jusqu’à une véritable organisation de la Démocratie. Il faut à la fois au niveau politique renforcer l’autorité du pouvoir exécutif et faire participer les forces économiques et sociales à la vie de l’État81. Jean Lerolle fait partie de la Commission d’enquête sur les événements du 6 février, dont les travaux sont suivis de près. Lerolle avec les éléments de la Droite et du Centre proteste contre certaines conclusions des rapporteurs pouvant mettre en cause les conseillers municipaux, avant que la minorité ne donne sa démission82.
20Les premiers décrets-lois sont acceptés comme des sacrifices nécessaires dans le sens des "cruelles disciplines" de la déflation, si Politique en critique le manque d’imagination83. C’est un soutien qui est apporté à ces mesures, bien que l’on répète constamment qu’il faut passer de la trêve à l’action et aux réformes. L’issue du Congrès Radical de Clermont-Ferrand en mai où Herriot fait triompher ses thèses sur la poursuite de "l’Union Nationale" est bien accueillie84 dans une période qui est celle d’un relatif optimisme au Parti. A la Chambre Trémintin intervient le 18 mai sur les décrets-lois et demande que l’on examine de plus près les répercussions sur certaines catégories de travailleurs85. Le groupe se divise à plusieurs reprises (Alsaciens-Lorrains) et il se retrouve avec les socialistes à propos de la proposition Frossard rejetée qui demande la discussion immédiate de la réforme électorale86.
21Mais c’est alors qu’éclate pour le Parti la crise dans le groupe sur le maintien des députés alsaciens qui y restaient depuis 1932. En fait, des problèmes s’étaient posés dès 1924 pour la discipline de vote. Walter avait quitté le groupe et fondé en 1932 un petit groupe autonome. Les dissensions s’étaient accentuées depuis 1932 et s’étaient révélées à l’occasion de nombreux votes importants. Cette crise parlementaire reflétait une crise plus générale dans les relations avec l’U.P.R. Quoiqu’il en soit, la scission a lieu en juin 1934 par un départ des députés alsaciens du groupe démocrate. Le Petit Démocrate met en avant pour l’expliquer certains votes récents et une indiscipline qui a "ému les amis du Parti"87. Cette attitude avait été publiquement regrettée lors de la réunion du groupe parlementaire et les députés alsaciens avaient offert leur démission. Toutefois "en raison de tout ce qui nous a été et nous reste commun", Brom, Meck et Seltz se font inscrire comme "apparentés" afin de maintenir la répartition dans les Commissions jusqu’en 1934. Cette autonomie plus grande affaiblit encore le poids parlementaire du P.D.P. et distend ses liens avec l’U.P.R. alsacienne.
22Cela n’empêche pas le Conseil national du Parti du 17 juin de réaffirmer sa confiance et son appui au Gouvernement, en estimant toujours nécessaire un reclassement des forces politiques. On voit des convergences avec des mouvements aussi divers que les anciens combattants et les "Néo Socialistes" pour un plan de réformes. Mais les clivages se révèlent toujours et Reille-Soult affirme que le soutien à Doumergue ne doit pas être aveugle, ni être une caution à la politique économique du "laissez-faire". Le Conseil déclare du reste que la trêve n’a pas apporté toute la détente, ni tous les résultats souhaités88. Cependant, l’atténuation de la tension politique persiste et on établit malgré tout un bilan favorable de ces quelques mois, de nouveaux appels étant lancés aux radicaux pour qu’ils restent fidèles à la "collaboration républicaine"89. La Commission Exécutive envoie une motion de soutien à Doumergue après son allocution radio diffusée du 17 juillet et déclare encore compter sur les radicaux "raisonnables" à un moment où est posé le problème de la constitution d’un éventuel "Tiers Parti"90. Dans cette trêve relative, Le Petit Démocrate avec Cochinal lance une enquête sur le thème "que pensez-vous de la dissolution ?" auprès des leaders du Parti. Des divergences apparaissent entre deux tempéraments politiques, mais une majorité se révèle hostile à cette dissolution91.
23Les élections cantonales d’octobre marquent le réveil de la vie politique et un appel aux militants est lancé en vue des élections qui doivent être l’occasion de manifester la volonté du Parti de constituer une force politique entre les deux blocs92. Le P.D.P. revendique 57 élus, ayant présenté 120 candidats, et 30 sièges conquis. Le Petit Démocrate évoque le "succès démocratique populaire"93. Néanmoins, les statistiques officielles ne parlent que de 30 élus Démocrates, le P.D.P. s’étant attribué beaucoup d’élus simplement soutenus par lui. Cette action s’était vérifiée dans plus de 50 départements, dont 14 qui n’avaient pas présenté de candidats en 1931. Sur le plan politique la volonté d’"Union Nationale" et de "concentration" avec les radicaux ne s’était pas vraiment vérifiée. De nombreux duels avaient opposé des démocrates à des radicaux, et aussi des socialistes et des communistes, les heurts contre la Droite ayant été moins nombreux qu’en 1931. Après ces élections, le Congrès radical assiste à une nouvelle victoire de la tendance d’Herriot enregistrée favorablement par Cornilleau qui estime que la déclaration adoptée par les radicaux aurait pu l’être par le P.D.P. lui-même94. Mais la rentrée parlementaire conduit au départ de Doumergue, après la défection des ministres radicaux le 8 novembre. Cornilleau se demande quels griefs sérieux on peut invoquer contre lui95 et le groupe démocrate vote une motion qui constate ce qu’il appelle un "malentendu politique". Il demande à tous les républicains de placer au-dessus de leurs susceptibilités la volonté de maintenir la trêve des Partis. Politique estime que la raison essentielle de la chute d’Herriot est à chercher dans l’hostilité des radicaux aux projets de Réforme de l’État96.
Crise interne
24Le Ministère Flandin constitué le 8 novembre se veut également un Ministère de trêve, avec Herriot et Louis Marin Ministres d’État, Georges Pernot vice-président du Conseil et Ministre de la Justice. Il obtient une confiance très large le 13 novembre (423 voix contre 118 et 68 abstentions), et l’appui des Démocrates que Paul Simon explique comme un soutien à la politique d’union et de concentration pour aboutir à la Réforme de l’État. Si la trêve des partis est plus difficile, elle reste indispensable97. Au Xe Congrès du P.D.P. qui se réunit à Marseille du 16 au 18 novembre, Bidault dans son rapport politique rappelle que les projets de Doumergue recueillaient l’adhésion du Parti et fait état de réserves face au libéralisme économique de Flandin98. Les clivages et les divisions se révèlent accentués. La discussion commence à montrer au grand jour une "crise du Parti" déjà latente. E. Morin met en cause l’ensemble de sa ligne politique et un soutien à Doumergue qui ne s’est pas accompagné de réserves suffisantes. Maurice Guerin et Marcel Poimbœuf appuient cette critique "de gauche" et dénoncent certaines carences sociales de l’attitude du Parti. Paul Simon défend comme d’habitude le groupe parlementaire et Champetier rappelle le risque qu’il y aurait eu à renverser Doumergue. Le Congrès réaffirme malgré tout par sa déclaration que la trêve demeure une nécessité vitale dans les circonstances difficiles que connaît le pays, à la condition qu’elle aboutisse à une Réforme de l’État et à une réforme économique et sociale. Les insuffisances sociales de la trêve sont dénoncées à la Chambre par Meck qui présente les revendications des syndicats chrétiens face aux décrets-lois99. Cependant, malgré ces réserves et l’impatience d’une "gauche" du Parti, le soutien à Flandin reste assez large car avec lui "la trêve continue". On se réjouit de ses déclarations sur la "liberté organisée" pouvant être rapprochée de "l’économie organisée" chère aux Démocrates100, si Pagès ne cache pas un scepticisme sur l’issue de l’expérience Flandin qui risque d’être lâché par les radicaux101.
25Le P.D.P. fête en décembre 1934 l’élection de son premier sénateur, en la personne de son Président Champetier de Ribes dans les Basses-Pyrénées à une élection partielle où deux sièges sont à pourvoir102. Il est représenté au Sénat, mais à nouveau affaibli à la Chambre. L’attitude du groupe reste la même, comme lors de la discussion du budget des affaires étrangères103. Les Démocrates s’opposent au contre-projet socialiste sur l’assainissement du marché du blé, mais soutiennent en revanche l’ensemble du projet gouvernemental. Reille-Soult fait à cette occasion un nouvel exposé de la politique agricole du Parti104. Cependant, on voit toujours au début de 1935 le Ministère Flandin face aux mêmes problèmes non résolus : Réforme de l’État et réforme économique, s’il obtient un large succès lors du débat financier du 25 janvier. Mais le 7 février de nouvelles menaces apparaissent pour la stabilité de "l’Union Nationale". Flandin n’obtient qu’une faible majorité de 299 voix contre 254, 47 radicaux ayant voté contre. Bidault s’inquiète des "tumultes" qui peuvent aboutir à rompre la trêve105. Flandin retrouve une large majorité le 15 lors des interpellations sur le chômage106. Vient ensuite la discussion du projet de loi relatif aux ententes professionnelles ou Cochinal discerne l’amorce de "l’organisation de la profession". Lerolle défend le projet gouvernemental qui n’est pas "étatiste" contrairement à certaines critiques107. Mais le groupe démocrate se retrouve du côté de la minorité de droite sur l’amendement Duval-Arnould favorable au pluralisme syndical108. L’ensemble du projet est adopté le 5 mars avec le soutien des Démocrates.
26Au Conseil National du 3 mars, Reille-Soult montre un accord technique existant entre le Gouvernement et ces derniers. Si de nouvelles réserves sont exprimées sur les conséquences de la politique de déflation, Bidault expose que dans les circonstances actuelles, le sort du Gouvernement est celui même du régime109. Les Démocrates apportent à nouveau leur confiance au Gouvernement le 15 mars sur la priorité de l’ordre du jour socialiste qui est repoussée.110 En tout cas, ce que l’on appelle la "méthode Flandin" est approuvé largement, comme à Politique qui veut toujours y voir des jalons vers la Réforme de l’État, la politique de "juste milieu" et de concentration, les "pleins pouvoirs" à accorder au Gouvernement pouvant être un moyen de salut111. La préparation des élections municipales est au début du printemps 1935 l’affaire qui intéresse tous les partis et le P.D.P. Un appel est lancé aux militants pour qu’ils assurent le succès des listes d’"Union Républicaine". La Fédération des élus municipaux appuie cet effort vers une "affirmation d’une force de Centre" par une alliance des modérés et des radicaux réclamée également par l’Alliance Démocratique112. Après le premier tour on note surtout la confusion des résultats et la consigne est donnée aux "républicains raisonnables" : "faites un Centre ou faites les morts"113. Après le second qui voit de nombreux électeurs radicaux se tourner vers le "Front Commun", Cornilleau estime qu’on s’était fait beaucoup d’illusions dans certains milieux depuis quelques mois, et il met en cause les outrances de la Droite114. Pour le P.D.P. à côté de l’échec de Lebecq, président de l’U.N.C. devant Rivet dans le Ve arrondissement, Bour et Raymond-Laurent ont été réélus au premier tour à Paris, des résultats mitigés ont été obtenus dans les Bouches-du-Rhône, des succès dans l’Isère, l’Ille-et-Vilaine à Rennes (2 élus Démocrates). D’autres succès peuvent être notés : Berger à Orléans, Dumas à Tarbes, etc...
27Le Ministère Flandin tombe le 30 mai sur un projet de délégation de pouvoirs concernant l’assainissement financier. Neuf Démocrates soutiennent le Gouvernement, mais Bilger, Peter, Reille-Soult, Schuman et Seltz se sont abstenus115. Le soutien à Flandin est justifié par un refus permanent de la dévaluation116. La liberté de vote avait été laissée aux membres du groupe, en particulier à cause de l’attitude de Schuman qui avait exprimé des réserves au sujet de la nouvelle loi de pleins pouvoirs, Flandin n’était plus soutenu que par un "Centre" assez vague et c’est Bouisson qui tente de constituer un Ministère le 1er juin. Le Conseil National du P.D.P. constate que ce ministère réalise la "large concentration" toujours souhaitée mais la discussion fait à nouveau apparaître des critiques contre l’attitude générale du Parti. Morin met en cause une certaine mollesse face à la Droite. De nombreuses critiques visent le soutien accordé systématiquement à la politique de déflation (Reille-Soult justifie son abstention par l’impopularité de ces mesures). Les clivages dans le sens d’une "crise du Parti" s’accentuent donc117. Bouisson demande à son tour une délégation de pouvoirs qui lui est refusée par 264 voix contre 262118. Laval forme son ministère le 7 juin, dans la même coloration d’union nationale et de concentration, mais les radicaux commencent à s’éloigner de cette formule. Cette fois les Démocrates soutiennent le projet de pleins pouvoirs adopté par 324 voix contre 160. Pezet explique ce vote favorable à un Gouvernement seul possible dans l’immédiat, tout en faisant des réserves à propos de la politique de déflation119. Mais on ne se fait pas beaucoup d’illusions sur ce Ministère. Cornilleau voit en Laval "l’homme des transitions", et Politique doute qu’il soit le plus apte à se servir des pleins pouvoirs120. L’Aube espère qu’il sera soutenu par tous ceux qui ont conscience des nécessités121.
28La fin de la session parlementaire est marquée également par de nouvelles discussions sur la représentation proportionnelle. Les Démocrates votent la proposition Bracke le 27 juin, un inter-groupe de la réforme électorale ayant été constitué avec notamment Trémintin122. L’été est marqué par les nouveaux décrets-lois et la montée du "Rassemblement Populaire". La manifestation du 14 juillet est jugée importante, mais le P.D.P. rappelle à cette occasion sa position traditionnelle entre les deux blocs, et les deux "fronts" ennemis qui se constituent. On ne veut pas encore croire avec Pagès à une poussée inéluctable vers la Gauche123, à un moment où la position "centriste" du P.D.P. est partiellement vérifiée au Conseil municipal de Paris : Raymond-Laurent se trouve en face de Chiappe pour la présidence et aurait pu être élu grâce aux voix de la Gauche. Il se retire, son attitude étant jugée par l’organe du Parti comme "nous désolidarisant à la fois de la Droite et de la Gauche"124.
29Sur le terrain politique l’évolution est inverse de celle souhaitée d’un "refus des blocs", ce qui commence à créer une amertume et une certaine inquiétude : Bidault constate la désaffection dont sont apparemment frappées les doctrines de liberté et de progrès pacifique125. Le "Front Populaire" est jugé comme étant partiellement un nouvel essai de prise de pouvoir par le Cartel, si l’on reconnaît aussi son côté dynamique et attractif126. En face l’activité de la droite extrême est suivie sans aucune sympathie. Le Petit Démocrate lance une enquête sur le thème "qui ne sera pas dictateur ?" en passant en revue certains des "chefs" potentiels d’un régime "fort" réclamé par certains. Les élections sénatoriales d’octobre témoignent cependant d’une activité très mesurée du Parti, quoique Champetier soit réélu dans les Basses-Pyrénées et l’ancien député Démocrate Brom élu dans le Haut-Rhin. C’est le moment où les radicaux rallient à leur Congrès de Wagram le Front Populaire, même si Cornilleau estime que le pire a été évité puisqu’il n’y a pas eu d’offensive générale contre le Ministère127. Il pense malgré tout que la Droite n’a plus à se faire beaucoup d’illusions : les Gauches profitent des maladresses de leurs adversaires et s’identifient de plus en plus à la République128.
30Au XIe Congrès du Parti à Brest du 8 au 10 novembre, Bastianelli présente néanmoins le "Plan Démocrate Populaire" de restauration économique et de rénovation nationale qui synthétise les principales idées du Parti129. Une coordination est affirmée être indispensable entre le "Politique" et l’"Economique", les principaux éléments d’une "réforme politique" nécessaire étant indiqués : les carences des institutions rendent en effet précaire tout effort de redressement et il faut rétablir les fondements d’une "autorité démocratique", par le droit de dissolution et la représentation proportionnelle principalement. Le thème de la réforme des institutions est toujours repris, sans aller jusqu’aux thèmes de la Droite autoritaire. Par ailleurs, les divisions et les clivages se révèlent encore sur la question des décrets-lois. Des hommes comme Blanckaert, Guerin demandent qu’on ne les accepte pas les yeux fermés et rappellent leurs conséquences sociales, mais une autre tendance estime que le Parti doit courir le risque de l’impopularité130.
31A la rentrée parlementaire le Gouvernement est l’objet d’attaques visant sa politique financière et sa politique extérieure. Du côté du P.D.P., on ne cache pas une déception à l’égard de Laval, de ses décrets-lois parfois regrettables, du manque d’ampleur de ses réformes131. Le groupe démocrate vote la confiance le 28 novembre sur la politique financière "pour les mêmes raisons que le 7 juin"132. Lors du débat sur les Ligues, les Démocrates soutiennent d’abord l’ordre du jour pur et simple. Sur l’ensemble du projet de loi sur les milices privées, le groupe s’abstient dans sa majorité le 8 décembre (projet adopté par 397 voix contre 165), Schuman votant contre133. On justifie l’abstention par une approbation du principe du projet et une désapprobation des modalités. Le groupe accorde la confiance à Laval dans ce débat sur la politique extérieure et Pezet intervient ici dans la discussion sur la guerre d’Ethiopie où le Gouvernement est violemment attaqué. Mais les Démocrates font à nouveau confiance à Laval contre la priorité de l’ordre du jour Delbos. On marque bientôt au P.D.P. que au cours de ces journées le groupe démocrate avait tenu entre ses mains le sort de la France, et évité une crise ministérielle en dépit des réserves exprimées sur la politique éthiopienne du chef du Gouvernement134.
Le refus de participation au ministère Sarraut
32Laval doit faire face à de nouveaux assauts en janvier, s’il est toujours soutenu par le groupe démocrate. Mais les radicaux quittent le gouvernement le 21 janvier et il démissionne le 22. Le radical Albert Sarraut constitue un Ministère le 24 dans une tonalité "concentrationniste de gauche" avec des modérés qui en font partie comme Flandin. C’est à cette occasion que Sarraut propose un poste à Champetier de Ribes, puis à Ernest Pezet le 23 janvier. Champetier à qui avait d’abord été proposée la vice-présidence du Conseil avait dans un premier temps différé sa réponse, le rôle d’un Bastianelli ayant été ici important. Quant à Pezet, il était prêt à accorder un concours sous réserve de l’accord du groupe démocrate où une division apparaît nettement. Certains inclinent vers la participation comme Champetier et Trémintin, d’autres y sont hostiles (Simon et Lerolle). Mais la majorité s’oriente vers le refus et estime insuffisante la "couverture à droite". Des réserves sont exprimées aussi à l’égard de Jean Zay, le concurrent de Berger à Orléans. Il est décidé, étant donné les circonstances actuelles de ne pas prendre de responsabilités gouvernementales tout en ménageant l’avenir135. Champetier et Pezet expliquent dans Le Petit Démocrate les raisons de leur refus. Pour Champetier, tout comme en 1926, il ne s’est pas agi d’un refus de collaborer, mais d’une "fausse concentration", la véritable étant rendue impossible par l’adhésion du Parti Radical au Front Populaire136. Dans une fin d’interview non publiée, Pezet allait cependant déclarer qu’il n’était pas sûr d’avoir eu raison de refuser, le Parti risquant d’être rejeté encore davantage à droite137. Il essaie de démontrer dans une note pour le S.I.P.D.I.C. que cette attitude ayant pu paraître regrettable ne doit pas être interprétée comme associant le Parti au bloc des Droites138. L’Aube suit attentivement les développements de la tentative Sarraut, et estime avec Bidault qu’une fin de non-recevoir pure et simple n’était pas une solution satisfaisante au problème posé139. Par cette réaction de L’Aube, de nouvelles divergences et des clivages accentués se révèlent : en effet en face L’Ouest Éclair adopte une position très hostile au Ministère Sarraut.
33A nouveau une "aile droite" majoritaire plus ou moins appuyée par un "centre" du Parti avait fait prévaloir un refus d’une offre qu’une "aile gauche" était prête à accepter, la gradation des positions exprimées étant nette de L’Ouest Éclair à L’Aube. Cette affaire de 1936 est assez largement comparable à celle de 1926 (offre d’Herriot à Champetier) et peut être considérée comme une des "occasions manquées" pour le Parti de manifester dans les faits sa volonté de concentration. Néanmoins, Sarraut obtient la confiance le 31 janvier par 361 voix contre 165, le groupe démocrate votant contre. Il avait d’abord envisagé une abstention, mais devant l’orientation du ministère vers le Front Populaire, il se décide pour l’opposition140, Gaston Tessier dans L’Aube regrette ouvertement l’abstention ou même l’opposition des groupes centristes141. Mais selon le P.D.P. on se trouve face à un "Ministère de Cartel", Sarraut ayant été entraîné à gauche... Dès lors, s’engage la phase finale de la législature durant laquelle le groupe démocrate est souvent relégué dans la minorité de droite. Il se divise le 27 février sur la ratification du pacte franco-soviétique. Seuls trois Démocrates votent pour142 tandis qu’au Conseil National de mars les mêmes divisions désormais traditionnelles apparaissent toujours. Flory demande en particulier à Morin et à la "gauche" de considérer les conditions difficiles dans lesquelles se trouvent les parlementaires Démocrates et Raymond-Laurent rappelle à ce sujet la proximité des élections législatives143. Cependant un certain scepticisme se révèle de plus en plus, ainsi à Politique qui parle d’un "Centre qui n’existe pas" et qui décrit une France divisée à la fin d’une "législature stérile"144. La situation du Parti est reconnue difficile, si Cornilleau pense que les tendances qui s’y affrontent prouvent sa vitalité145. Mais on regrette à propos des débats sur la question électorale où intervient à nouveau Trémintin ce que l’on appelle "l’enterrement d’une réforme"146. Dès lors c’est la campagne électorale qui est la préoccupation dominante. Un nouvel "appel aux électeurs" est lancé le 5 avril en faveur d’une politique de Centre. On espère que les élections seront moins mauvaises qu’on ne pourrait le craindre par suite de la rupture de certains radicaux avec le Front ; Quelques "bavures" ont lieu comme l’incident provoqué par Alfred Bour qui avait accepté de figurer dans un "Comité d’entente et d’arbitrage électoral" des "Républicains Nationaux" de la région parisienne, aux côtés d’organisations dExtrême-Droite. Champetier intervient auprès de lui pour lui montrer que cela a pu apparaître comme un démenti à la position constante du parti d’opposition aux deux blocs et Bour se retire147. Mais c’est dans une situation d’affaiblissement et de division accentués, et face à une conjoncture politique défavorable que le P.D.P. va affronter les élections de 1936.
II – RELATIONS AVEC LES FORCES POLITIQUES 1932-1936
Attaques permanentes de l’extrême-droite
34Tout comme dans les périodes précédentes, le P.D.P. subit au cours des années 1930 les attaques d’une Extrême-Droite dont certains éléments semblent se spécialiser dans la dénonciation des "rouges chrétiens" comme en particulier et toujours, L’Intérêt Français d’Auguste Cavalier. Pour ces tendances, les élections de 1932 ont été perdues à cause de la "défection" de la Démocratie "rouge-chrétienne", première responsable de la défaite du "Cartel de l’ordre" : P.D.P., mais aussi Croix déchues, et L’Aube ayant fait cause commune avec les socialistes sous le signe du "briandisme"148. Par "rouges chrétiens", il est précisé que l’on entend à présent le P.D.P., la Jeune République, les "catholiques pacifistes", etc... Le "Centre de Résistance Nationale" est créé autour de L’Intérêt Français149, et il veut se situer pour cette action dans la prolongation de l’esprit de l’Action Libérale primitive, "celle de Droite". Le marquis De L’Estourbeillon, vice-président du Centre avait été en effet membre du Comité directeur de l’Action Libérale alors pratiquement dissoute, une partie de ce qui en restait s’orientant bien nettement à droite. Le "Centre" de Cavalier se veut l’héritier de celle-ci et de sa "droite" contre le P.D.P.150.
35Face aux "rouges chrétiens" de diverses nuances, il se réjouit bientôt des divisions qui apparaissent de ce côté et constate dès la fin de 1932 une certaine "prudence" de l’adversaire depuis qu’il se sent mieux surveillé151. C’est désormais l’attitude de L’Aube et de Francisque Gay qui est dénoncée comme un "scandale"152. L’action du P.D.P. est constamment critiquée sur le plan politique. Si l’I.F. distingue à partir de 1934 deux tendances chez les "rouges chrétiens", celle des "durs" autour de Gay, Pezet, Tessier, etc..., et celle des "mous" symbolisée par L’Ouest Éclair, il met en garde contre toute tentation de se rapprocher de celle-ci153. En effet, les démocrates chrétiens se sont infiltrés partout, grâce notamment à l’œuvre pernicieuse des "cellules rouges chrétiennes d’évêché"154. En tout cas aux élections municipales de 1935 de nombreux exemples de la "trahison pédée" au profit du Cartel sont dénoncés155. Si l’on parle d’autre part du "déclin" du P.D.P. et même de sa "liquéfaction" due à la disparition de son protecteur, Briand156, il n’en est pas moins affirmé qu’il reste un élément de trouble à combattre, les avances de certains radicaux pour les faire entrer dans le Front Populaire étant dénoncées dans ce sens157. De plus, les Démocrates Populaires restent liés par L’Aube à toutes les autres "fractions" rouges-chrétiennes. Leur attitude "pacifiste" est également constamment mise en cause en liaison avec le "défaitisme" de l’A.C.J.F., dans le cadre d’un "sabotage de la défense nationale" par les démocrates chrétiens158. Leur infiltration est montrée dans la presse, les Croix de province et La Croix de Paris, un nouvel organe Sept dont on incrimine la "frénésie démagogique"159. La campagne dirigée contre le P.D.P. est violente en vue des élections de 1936 et comporte des mises en garde comme en 1932 contre le sabotage des efforts des forces "catholiques et nationales", l’action du P.D.P. dans l’Orne étant montrée comme le point névralgique de la "dissidence rouge chrétienne"160. Le Parti est décrit comme étant lié au Front Populaire par l’intermédiaire de L’Aube et de la Jeune République161 et Cavalier demande des représailles de la part des "nationaux"162.
36Un numéro spécial est publié en avril 1936 afin de tenter de parer au péril "le plus grave" qui ait menacé l’église et la France, "le pédisme, tumeur maligne et cachée, poignard dans le dos des catholiques", et cela par une "union sacrée" des catholiques et des nationaux. Des représailles sont demandées à titre d’exemple contre Simon, Cornilleau, Pinault163. Cette fois Le Petit Démocrate qui s’était fait une règle de ne pas répondre à ces attaques riposte en dénonçant "un vilain monsieur, Auguste Cavalier", ses mensonges, ses contradictions et ses confusions volontaires164. Ces attaques d’une Extrême-Droite camouflée relayant celles, tout aussi permanentes de l’Action Française continuent de se retrouver dans des organes d’inspiration intégriste, à la Revue Internationale des Sociétés Secrètes, qui recherche toujours les "infiltrations maçonniques"165. Le groupe démocrate est lui-même mis en cause pour son attitude sur l’interpellation Dommange sur la Franc-Maçonnerie en 1935166. Les pamphlets Vérités mènent encore des campagnes contre l’Église et le Clergé, les "capitulations catholiques" devant la laïcité, etc...167. Rome avec Havard de la Montagne poursuit son action dirigée notamment contre la Démocratie Chrétienne et son rôle. De ce côté, les Démocrates Populaires et la Démocratie Chrétienne ont donc continué à subir des assauts constants tentant toujours de les compromettre auprès de la masse catholique, de la Hiérarchie, même si le P.D.P. n’est plus le seul visé et s’il a commencé à être décrit comme "l’aile droite du démocratisme rouge-chrétien".
Fédération républicaine
37Les relations étaient difficiles avant les élections avec la Fédération Républicaine et la tendance de Louis Marin. La "Fédération" est cependant très affaiblie et dispose d’un groupe réduit à 41 membres, à côté du "groupe Pernot" de 16 membres. La Nation met d’ailleurs directement en cause le rôle du P.D.P. pour les pertes de suffrages subies par les "troupes catholiques", les Démocrates ayant contribué à faire élire une Chambre violemment anticléricale168. Mais on affirme ici que c’est le "Centre" qui a subi le plus de pertes, et toute "concentration" est présentée face aux thèses démocrates populaires comme plus impossible que jamais169. La formation du groupe "Républicain et Social" de Pernot représente l’individualisation d’une tendance plus proche des Démocrates Populaires, dans des milieux essentiellement catholiques sociaux, plus ouverts dans le domaine social et international aux thèses défendues par le P.D.P. et sur le terrain politique à une éventuelle "concentration" plus à gauche que "l’Union Nationale". La "Fédération" est affaiblie, son noyau dur y jouant un rôle plus important. La Nation continue ses attaques contre "le lamentable Champetier de Ribes" et critique le soutien du P.D.P. au Cabinet Sarraut170. Mais les Démocrates parlent de Louis Marin comme d’un "égaré dans la politique", si en revanche ils se réjouissent des évolutions de Pernot, dont ils semblent espérer qu’elles seront suivies par d’autres171. Bidault demande que la Fédération se sépare sans réticences de ceux qui en son sein sont des adversaires camouflés des institutions républicaines, et Cornilleau n’exclut pas une entente avec les républicains du groupe Marin qui se désolidariseraient de l’agitation pré-fasciste172, en se rapprochant du groupe Pernot, du P.D.P....
38Mais un changement de ton apparaît en 1934-1935, Cornilleau se réjouit après le Congrès de la Fédération de 1935 que sa direction reste entre les mains du "républicain sincère et loyal qu’est Louis Marin". S’il y a eu des frictions entre les deux partis, elles sont dues surtout à la présence dans la Fédération d’éléments peu républicains173, tout se passant comme si la césure était placée désormais dans celle-ci à la droite de Louis Marin, alors qu’on avait tendance à l’exclure jusqu’ici. Au cours de cette période de la seconde Union Nationale, on affirme que les Démocrates seraient heureux de collaborer avec un Parti pouvant représenter l’aile droite d’une majorité de trêve et d’union, ce qui est réalisé dans les faits depuis Doumergue par la participation aux gouvernements soutenus par le P.D.P. de Marin lui-même. La poussée des Ligues et des mouvements autoritaires de Droite pouvait conduire à voir davantage dans la Fédération un mouvement "démocratique" par comparaison, à un moment où la poussée de la Gauche ne pouvait qu’inciter à la recherche des alliances électorales pour 1936. Le refus de plus en plus net de la "concentration à Gauche" est lié à l’évolution vers l’acceptation d’une "concentration à droite" sans guère de réserves jusqu’à englober la quasi totalité de la Fédération. Mais cette attitude générale commence à créer certains remous à l’intérieur même du Parti.
39Cornilleau parle toujours de ceux qu’il appelle les "Girondins" de "l’Alliance" qui demeurent des conservateurs sociaux, le Parti de la bourgeoisie républicaine174, mais il rend aussi hommage à des hommes comme Ratier ou Mamelet qui veulent en faire un "véritable parti de Centre Gauche"175. En tout cas est posé davantage avec "l’Alliance"que du côté de la "Fédération" le problème de la "concentration", et par ailleurs celui alors soulevé en relations avec les propositions de certains radicaux et modérés d’un "Tiers Parti". C’est également à ce moment dans certains milieux modérés que l’on évoque un "Parti central", pouvant s’articuler par exemple autour du "Centre Républicain" de Tardieu. Cette dernière idée est assez proche de celle d’une union des "Républicains Nationaux" et tout d’abord de la "Fédération" et de "l’Alliance", éventuellement élargie à certains radicaux. Le "Tiers Parti" en revanche excluait la "Fédération" généralement et posait le problème des relations entre le P.D.P. et les radicaux176. En fait l’Alliance reste divisée face au problème de la concentration. Flandin face à Reynaud continue à représenter une aile gauche favorable à celle-ci, ce qu’il manifeste en 1936 en entrant dans le Cabinet Sarraut, ce que refuse par contre le P.D.P. Mais l’Alliance demeure un conglomérat de tendances et cette diversité se vérifie par son émiettement parlementaire. C’est cependant sur ce plan la force politique la plus proche du P.D.P. et les contacts entre les deux partis restent marquées d’une certaine cordialité. Kerillis avait essayé depuis 1927 d’unifier les efforts de la Droite par son "Centre de Propagande des Républicains Nationaux". Mais, malgré une certaine sympathie réciproque avec les Démocrates, ceux-ci veulent rester relativement prudents et conserver leur indépendance face aux autres forces "modérées" à un moment où la Droite est marquée de plus par la montée des mouvements autoritaires.
Le P.D.P. et les Ligues
40Les Démocrates Populaires avaient déjà témoigné de leur hostilité avant 1932 à l’égard des débuts du mouvement des Ligues et du mouvement antiparlementaire. Celle-ci ne se dément pas dans cette période, même si elle est modulée par certaines sympathies individuelles. En 1933, Bidault décrit une offensive dirigée contre la Démocratie parlementaire, répétition d’assauts déjà dix fois repoussés et cette fois renforcée par le spectacle de certains exemples étrangers177. La méfiance persiste face à des mouvements soupçonnés d’accointances avec l’Action Française et le Monarchisme, et une hostilité prouvant l’attachement des Démocrates Populaires jamais démenti à la république démocratique. En février 1934, la compréhension à l’égard du mouvement n’a pas signifié une sympathie pour les Ligues, mais plutôt pour le "mouvement combattants" et l’U.N.C. Face aux Ligues en général, c’est un sentiment de rejet qui prédomine largement. Un Bucard, chef du "Francisme" est montré comme un "chef qui ne craint pas le ridicule"178 et les "apprentis dictateurs" comme Chiappe, Taittinger sont passés en revue sans complaisance. Face à ces mouvements posant le problème d’un "Fascisme français" et symbolisant la "montée des dictatures" en Europe, on se présente en défenseurs d’une Démocratie traditionnelle rénovée. De plus ces "Ligues" ressuscitent l’esprit des "Blocs" et des "Fronts" par le "Front National" créé un temps entre ces mouvements et que le P.D.P. combat très nettement : ce n’est pas "l’Union Nationale" et il a des relations avec l’Action Française. Le double refus du "Front National" et du "Front Populaire" parallèle au refus du "Fascisme de Gauche” et du "Fascisme de Droite" devient un thème permanent au P.D.P. en 1934-1936 qui parle constamment du "ridicule" de ces conservateurs qui parlent à présent de "révolution"179.
41Le problème des "Croix de Feu" et de la Ligue de La Rocque aurait pu être posé de façon spécifique, mais on constate que la méfiance est presque aussi grande à leur égard. En 1934, La Rocque publie son ouvrage "Service Public" où il développe une doctrine sociale dont pourtant certains thèmes sont assez proches de ceux du P.D.P., ainsi sur la "profession organisée", montrant une influence du Catholicisme Social180. Comme on a pu le dire, entre les "Croix de Feu" et le P.D.P., "les terrains d’entente auraient été aisément défrichés"181. Or cela n’a pas été le cas, malgré un ton plus mesuré à leur égard. Ici a joué la réticence fondamentale face aux mouvements de ce type. Le "révisionnisme modéré" du P.D.P. ne pouvait s’accorder aux thèmes autoritaires et plebiscitaires. Malgré des idées sociales souvent assez proches, il y avait deux tempéraments politiques différents. G. Hourdin par exemple voit dans le mouvement des "Croix de Feu", un complexe de mécontentement et d’antiparlementarisme que la Rocque a bien su incarner. Les ligueurs sont avant tout des "braves gens" qui se sont laissés entraîner, si l’on se réjouit en février 1934 de leur "sage attitude"182. Mais un autre type de réaction est apparu dans une fraction du Parti, illustrée par Pagès qui montre qu’il ne faut pas les confondre avec les ligues violentes, évoque leur programme constructif et intéressant sur de nombreux points183. En fait au delà d’une méfiance volontairement affirmée il se révèle une compréhension à l’égard d’un des soubassements de la Ligue des Croix de Feu, c’est-à-dire le "mouvement anciens combattants" du fait du rôle de certains Démocrates Populaires à l’U.N.C. en particulier, et des liens qui s’affirment dans les années 1930 de façon symbolique par la présidence de Lebecq, Président d’honneur de la section Démocrate Populaire du Ve arrondissement, à la tête de l’U.N.C. "L’esprit combattants" est toujours présenté au P.D.P. comme étant très proche de celui du Parti184. C’est surtout après 1934, sous la présidence Lebecq que se vérifie ce rapprochement.
Jeune République
42La Jeune République a poursuivi son destin autonome, malgré les liens entretenus par L’Aube. De ce côté, après le succès du second Cartel, on veut malgré tout espérer qu’il ne retombera pas dans les erreurs de 1924 en rouvrant l’ère des querelles religieuses185. A l’égard du P.D.P., Marc Sangnier tient cependant un langage mesuré. Il reconnaît qu’il appartient à la même famille spirituelle, et la mission qu’il s’est donnée d’entraîner vers la démocratie des éléments modérés. A côté de "troupes attardées", il comporte des hommes avec qui la J.R. pourrait collaborer186. Mais Sangnier démissionne en juin 1932 de la Jeune République afin de pouvoir se consacrer entièrement à l’action internationale ; celle-ci tente de préciser son programme, et parle en matière économique et sociale d’une "économie dirigée démocratique", par le concours du salariat, des professions organisées et de l’État187. Mais sur le terrain politique la Jeune République se sépare nettement du P.D.P. pour l’interprétation des événements de février 1934, en montrant une République qui doit conjurer le péril fasciste188. Avant de s’orienter vers le "Front Populaire" naissant, elle prend l’initiative en 1934 de contacts assez divers avec certains représentants des "Jeunes équipes", dans des réunions en juillet puis en décembre 1934 d’où sort la rédaction d’un questionnaire sur la Réforme de l’État189. La Jeune République participe également à l’élaboration du "plan du 9 juillet 1934", au "Comité du Plan" de Déat en qui elle voit un "entraîneur"190. Mais elle est aussi mêlée aux contacts suscités par l’idée lancée par Emile Roche d’un "Tiers Parti", où elle retrouve les Démocrates Populaires, mais dont elle dénonce assez vite les insuffisances sociales et politiques191. A partir de la fin de 1934 elle envisage surtout un "rassemblement démocratique", créé autour de petits groupes de gauche (groupe Radical Autonome, Parti Socialiste de France), tandis que G. Hoog et Maurice Lacroix entrent au Comité directeur du Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes. Le rapprochement est de plus en plus net avec le "Rassemblement populaire" et se concrétise au Congrès de Montrouge en novembre 1935. Cette adhésion de fait va bientôt créer des remous dans les milieux démocrates chrétiens et à L’Aube. Les deux rameaux de la Démocratie Chrétienne sont à la veille des élections de 1936 plus que jamais séparés par de profonds clivages politiques reflétant ceux des "Blocs".
43Toutefois, le problème de l’"Union des Démocrates" continue à être posé par Le Mouvement qui passe sous la direction de Guy de Ferron et davantage encore dans cette période par L’Âme Populaire qui souhaite maintenir un "esprit sillonniste" au-dessus de l’action politique192. En tout cas le "Sillon Catholique" dont elle est l’organe aspire à être le point de rassemblement de "tous les bons ouvriers de l’œuvre sociale et démocratique” : syndiqués chrétiens, Jeunes Républicains, Démocrates Populaires193 et à contribuer à éviter les affrontements entre Blocs à l’intérieur même de la Démocratie Chrétienne. Il affirme qu’il peut servir à rassembler malgré tout les catholiques démocrates actuellement divisés, surtout par les organisations de jeunes des deux Partis194. Un débat est organisé par la revue à la veille des élections où Jeunes Républicains et Démocrates Populaires confrontent leurs opinions divergentes sur le Front Populaire. Mais dans cette période, malgré les liens nouveaux entretenus par L’Aube, le fossé politique entre la J.R. et le P.D.P. s’est accentué sur la question du rassemblement populaire qui les place nettement des deux côtés de la frontière politique. Au Conseil National de juin 1935 le problème de la Jeune République est d’ailleurs posé par Maurice Berger qui demande que l’on fasse cesser certaines équivoques dans les relations, qu’il n’y ait aucun compromis avec un groupement qui prend des allures d’Extrême-Gauche. Il est largement soutenu et approuvé dans un débat qui devient un des éléments de la division et de la crise du Parti195.
Radicaux, concentration et "Tiers Parti"
44Face aux partis de gauche, il n’y a pas d’évolution très sensible durant cette législature : le thème est maintenu de la "Concentration" malgré ses équivoques entre la théorie et la pratique. Les radicaux revenus aux affaires connaissent l’évolution vers "la grande crise du Parti" en 1934196. Du côté modéré, certains estiment toujours qu’il faut les dissocier des socialistes (tendance Flandin par exemple), tandis que d’autres se raidissent dans l’opposition. Les Démocrates Populaires illustrent pour leur part assez bien ces contradictions. Mais dans l’ensemble le P.D.P. les combat de plus en plus durement. En février 1934, le Parti Radical affaibli par une crise interne toujours plus nette accepte cependant sous le poids de l’émeute de soutenir une nouvelle "Union Nationale" et il tente un effort de rénovation. C’est dans ce cadre qu’apparaît autour d’Emile Roche et de La République le thème du "Tiers Parti", lancé en juillet. Roche demande si l’on sera toujours contraint de choisir entre les deux blocs, ou bien si les modérés tenteront de former un rassemblement avec les radicaux, les démocrates sociaux, les néos-socialistes, etc...197. Mais il pose bientôt la question de l’inclusion des catholiques dans ce rassemblement, le monde catholique étant divisé entre une petite minorité de catholiques sociaux et les autres198. Le Petit Démocrate et Cornilleau saluent cet effort visant à se dégager des blocs, mais demandent que l’on précise les frontières et le programme199. En effet, il n’est pas question au début d’inclure les Démocrates Populaires qui continuent même pour Roche à être un cas douteux à cause de la "Question Religieuse". Il est prêt en revanche à accepter l’Alliance Démocratique... Le 8 septembre, envisageant de façon spécifique le problème des Démocrates, il reconnaît leur volonté d’aboutir sur un terrain d’entente loin des querelles confessionnelles et demande : "Pourquoi refuserions-nous l’alliance avec de tels hommes ?”200. Buré félicite Roche pour cette attitude qui prouve l’évolution des radicaux vers l’acceptation d’un "libéralisme religieux”201, tandis que Bidault demande si les modérés vont continuer à rejeter les radicaux dans les bras d’un Cartel ressuscité202. Cette formule politique devait exclure à gauche les socialistes et réunir essentiellement les "Républicains de gauche", les radicaux et finalement les Démocrates aux côtés d’éléments divers, néo-socialistes, syndicalistes. Cette proposition du "Tiers-Parti" est soutenue surtout dans la conjoncture de "l’Union Nationale" par une droite du Parti, une droite des "Jeunes Radicaux" qui cherchent une issue politique. Concrètement les contacts engagés s’enlisent assez vite sur le plan doctrinal et sur celui d’un programme concret à élaborer. Dans les faits, c’est alors aussi "l’Union Nationale" qui dépasse le "Tiers Parti" et le rend inutile. Le P.D.P. dénonce vite "l’attitude contradictoire du Parti Radical" qui reste dans "l’Union Nationale", tout en soutenant le Rassemblement Populaire naissant203, quoique l’on affiche malgré tout extérieurement une confiance relative dans les radicaux en 1935-1936. Politique déclare ne pas comprendre le trop vif mécontentement des modérés, même si la collaboration radicale au Front Populaire n’est pas satisfaisante204. Les limites de cette compréhension sont cependant marquées par le refus de participation au Cabinet Sarraut. Face aux radicaux, le P.D.P. a donc bien continué à montrer certaines équivoques révélées durant les phases précédentes. Doctrinalement, il s’est rapproché de l’idée d’une entente possible dans un "Tiers Parti", variante de la "Concentration", où certains radicaux ont fini par admettre un Parti jusqu’alors considéré comme un Parti clérical camouflé. Il a pensé ensuite après l’échec du "Tiers Parti" pouvoir maintenir le Parti Radical en 1935-1936 en dehors d’une entente stricte avec le Front Populaire. Mais, concrètement, en matière politique et parlementaire, il n’a pas osé employer les moyens de sa politique et l’épisode Sarraut en avait été l’illustration.
Socialistes et néos
45Face aux socialistes, le problème des relations ne pouvait être que doctrinal. Cependant, les divisions internes de la S.F.I.O. sont suivies attentivement, notamment la question des "Néos-socialistes". On y voit un courant intéressant, représentant un "Socialisme réformiste et national", si une méfiance apparaît face aux influences fascistes et autoritaires205. L’orientation de la S.F.I.O. vers "l’unité d’action" avec le Parti Communiste et la montée du "Front Populaire" créent au début une certaine surprise, mais c’est un événement politique important, voire déterminant, un "souffle irréversible" poussant à la formation d’un nouveau bloc206. Du côté socialiste, l’hostilité demeure malgré tout à l’égard du P.D.P. Le Bulletin Socialiste demande ce qu’il peut y avoir de commun entre les socialistes et les "vaillants soldats du Pape" que sont les Démocrates Populaires qui veulent renforcer l’État contre les travailleurs207. Marceau Pivert critique très ouvertement l’idée lancée par le P.D.P. du "Rassemblement pour le Front Républicain" qui n’est que le dernier atout d’une bourgeoisie aux abois pour succéder à l’"Union Nationale"208. Mais ici Cornilleau regrette le déclin de la pensée de Jaurès dans le Socialisme français, tandis que Pagès montre des milieux socialistes aussi sectaires qu’autrefois, l’esprit anti-religieux en déclin chez les radicaux s’étant réfugié chez les socialistes qui exercent sur ces derniers une dictature209. En fin de compte sur le plan doctrinal, c’est la tendance de certains des "Néos" qui suscite le plus d’intérêt, quoique Bidault avertisse Déat et Marquet que leur nationalisme autoritaire peut créer des inquiétudes210. Entre les blocs antagonistes, ils peuvent contribuer à poser la question d’une entente des "démocrates sincères" et des "socialistes"211.
46A La Vie Socialiste, Déat et Renaudel développent du reste des thèmes et des idées parfois favorables au Catholicisme Social qui peut être un des éléments d’un rassemblement idéologique à la recherche d’un "plan" pour sortir de la crise212. Déat en étudiant "les conditions d’un rassemblement efficace" et constructif le voit étendre normalement ses limites vers le Centre, la Jeune République et éventuellement certains Démocrates Populaires à qui on ne demanderait que des garanties formelles concernant les lois laïques, et qu’il serait absurde de rejeter a priori213. Il finit par parler d’une "révolution par le Centre" sur la base d’une convergence pratique qui respecterait la tradition laïque de l’État pour arriver à constituer une "majorité du Plan"214. Il propose aussi le thème de ce qu’il appelle une "Gauche Nouvelle" qui un temps accueille favorablement l’idée du "Tiers Parti” avant de la rejeter. Puis c’est l’idée d’un "rassemblement démocratique" qui est déclaré ouvert aux modérés acceptant le "planisme"215. Il y avait ainsi dans le programme des "Néos" d’entente avec les classes moyennes, d’appui sur le syndicalisme, de formation d’une force de centre, de défense d’une laïcité tolérante des éléments de convergence avec le programme même du P.D.P.
De nouvelles "Jeunes Équipes" ?
47Ces contacts, ainsi que d’autres établis notamment en 1934 permettent à Cornilleau de se demander si l’on n’assiste pas à une nouvelle fermentation idéologique comparable à celle de 1927 et des "Jeunes Equipes", la renouvelant et la continuant après son échec relatif216. Il décrit après le 6 février "des Jeunes Équipes qui se rappellent qu’elles existaient, qu’elles avaient leur mot à dire", et cela principalement dans le nouveau mouvement idéologique en faveur de la Réforme de l’État qui avait été avant 1932 un de leurs thèmes de rassemblement. Un plan comme celui du 9 juillet 1934 est aussi accueilli avec sympathie217. Par ailleurs, les contacts établis du côté des "jeunes radicaux” de la fin des années 1920, élément principal des contacts des "Jeunes Équipes" pour le P.D.P. n’ont pas eu leur correspondant dans cette période, le courant "Jeune Radical" ou "Jeune Turc" ayant été largement absorbé. Seul l’épisode du "Tiers Parti" en 1934 peut apparaître comme un résultat à moyen terme sur le terrain politique plus qu’idéologique des contacts entamés précédemment. Notre Temps continue une œuvre de recherche idéologique et propose en 1934 un plan de réforme de l’économie et de l’État des "Jeunes Radicaux"218. Mais l’orientation vers la Gauche de plus en plus nette du Parti Radical coupe court à de nouvelles relations virtuelles.
48Quant à Georges Valois qui avait été aussi un interlocuteur privilégié par ses Cahiers Bleus, il lance en 1932 les Chantiers coopératifs avec d’anciens représentants des "Jeunes Équipes" et des mouvements en faveur de la Réforme de l’État. Un "manifeste des Nouvelles Équipes" est publié. Les Démocrates Populaires n’y collaborent pas, mais Maurice Guérin estime fondés la plupart des reproches qui y sont faits à la société capitaliste, tout en critiquant le "matérialisme philosophique" qui en émane219. Certains Démocrates continuent une collaboration à la revue L’État Moderne et Pagès y développe ses thèmes de modernisation de l’État Républicain220. Le programme du P.D.P. y est de nouveau dépeint comme novateur et très proche de celui de la revue, l’intention de Pezet de former à la Chambre un "groupe de l’État Moderne" étant très approuvée221. Les thèmes d’une "économie dirigée" ou "organisée" proches de ceux du P.D.P. y sont fréquemment repris. Des contacts sont maintenus avec La Revue des Vivants, Notre Temps de Luchaire, où des Démocrates écrivent jusqu’en 1934-1935. Mais les idées relancées de la "Réforme de l’État" ne suffisent pas malgré tout pour resserrer vraiment les liens des "Jeunes Équipes"222.
III – PROBLÈMES RELIGIEUX, SCOLAIRES
Relations avec la Fédération Nationale Catholique
49Après les élections de 1932, la F.N.C. et La France Catholique mettent en garde contre toutes les tentations de "concentration", le laïcisime d’État demeurant la base de la doctrine des radicaux et des socialistes. Les appels sont renouvelés à l’union des catholiques, en particulier sur le problème de l’École face aux nouvelles menaces d’École Unique223. Cependant la crise interne de la F.N.C. tend à se vérifier. Castelnau exprime au Cardinal Verdier son désir d’abandonner la présidence, parce que peu satisfait d’une politique des catholiques démocrates "tendant à devenir celle des autorités religieuses à l’instigation du Nonce". Ses amis auraient insisté pour qu’il reste en lui montrant que son successeur pourrait être "imbu des idées des Démocrates Populaires". Les autorités ecclésiastiques avaient demandé le maintien du Général pour éviter une dislocation. Du côté Démocrate on aurait souhaité qu’il ne soit plus que le président honoraire de la Fédération, son action étant jugée négative contre eux dans les groupements catholiques, l’Épiscopat et jusqu’à Rome224
50Les conflits de tendance internes, les divergences sur la politique religieuse, soulignés par Pagès au moment des élections de 1928 se perpétuent assez largement, même si l’influence des Démocrates Populaires au sein de la F.N.C. tant au niveau local qu’au niveau national a été plus ou moins bloquée. Les oppositions demeurent au sujet de la stratégie parlementaire, de la tactique face aux menaces supposées. Des "militants catholiques" se plaignent au Général de voir des Parlementaires élus sur le programme de la F.N.C. s’en désintéresser à la Chambre et ne pas chercher véritablement à s’opposer aux projets sur l’École Unique225. La F.N.C. se déclare toujours étrangère à tout parti politique, et se propose essentiellement d’exercer une action civique dans l’intérêt de la religion, de la famille, de la société et de la patrie. En 1933 cette action s’exerce surtout sur le terrain scolaire, la situation étant décrite comme celle d’une "alerte sur tout le front" face aux menaces de destruction de la liberté de l’enseignement226. La F.N.C. en matière sociale s’oriente de plus en plus vers l’acceptation de thèmes corporatistes, avec un homme comme Georges Viance et le clivage demeure là aussi face aux Démocrates ; En vue des élections de 1936, la F.N.C. définit les mêmes conditions minima à exiger des candidats qu’en 1932, les comités diocésains gardant la plus large initiative pour agir au mieux des possibilités locales et aboutir si possible à une candidature catholique unique227. Tout comme en 1928 et en 1932, l’appui des Comités était indispensable aux candidats Démocrates.
Question scolaire, laïcité
51Le P.D.P. avait largement précisé sa position sur le problème scolaire et l’École Unique dans la période précédente. Les débuts du second Cartel sont marqués principalement par les circulaires De Monzie sur l’orientation et la sélection qui sont jugées arbitraires par Bastianelli228. Le Congrès de Grenoble du P.D.P. marque son opposition à la sélection telle que la conçoit De Monzie, déclaration accueillie avec intérêt par Ecole et Famille qui estime qu’elle peut favoriser un accord des catholiques. De ce côté, on préconise toujours un regroupement de ceux-ci dans des organes de défense, ce qui marque un durcissement catholique face à ce que certains appellent "la reprise de la lutte scolaire". Le débat sur le budget de l’Instruction Publique voit le groupe démocrate voter l’amendement Duval-Arnould défavorable à la gratuité dont il estime qu’elle doit être accompagnée d’une série de mesures d’ensemble, et soutenir l’amendement Groussau sur la caisse des écoles en faveur de l’enseignement privé. Philippe De Las Cases, dirigeant du P.D.P. continue à présider les "A.P.E.L." ou "Associations des parents d’élèves de l’enseignement libre" qui regroupent en 1933 40 000 adhérents. Un bulletin commence à paraître, École et Liberté qui se donne pour mission de défendre la liberté en matière d’éducation. Jean Guiraud essaie de mettre les choses au point en ce qui regarde les relations entre les "Associations Catholiques de chefs de famille" et les "A.P.E.L.". Il pense que rien ne permet de les opposer, leurs domaines d’action étant différents. Elles devraient au contraire entamer une cordiale collaboration. Las Cases demande de son côté à Guiraud d’examiner ensemble le problème des relations entre les deux organisations229. Mais les esprits restent différents, Guiraud continuant à critiquer les tendances qu’il subodore chez certains catholiques en particulier démocrates populaires.
52L’Abbé Desgranges de son côté assure que la Chambre de 1932 a, sur le plan scolaire, largement continué "l’œuvre inquiétante de ses prédécesseurs" et il proteste à plusieurs reprises à la Commission de l’enseignement dont il est un des membres influents contre certaines propositions qu’il juge dangereuses. Il rappelle en réunion publique comment pour les catholiques la laïcité a été établie avec des préoccupations trop unilatérales, mais également l’attachement à une "honnête neutralité" respectant la liberté des consciences. Il montre les points d’accord et de désaccord face aux conceptions "laïques"230. Les Démocrates Populaires et leur groupe parlementaire conservent de solides relations du côté des défenseurs de l’enseignement libre et notamment des A.P.E.L. qui parlent d’ailleurs souvent de leurs "Parlementaires amis" et de leurs interventions231. L’Abbé Desgranges et Robert Schuman surtout, collaborent à École et Liberté ; mais les A.P.E.L. se déclarent être dans un "esprit libéral, de collaboration et de progrès" rejetant toute surenchère232 parallèlement à un P.D.P. qui réaffirme ses positions sur la réforme de l’enseignement, la liberté de l’enseignement, l’École Unique, la gratuité qui doit être inséparable de la liberté233. D’une façon générale le "Second Ralliement" avait déjà développé ses conséquences au cours des périodes antérieures, dans le sens d’une "séparation cordiale" entre l’Église et l’État, le changement d’atmosphère intervenu étant bien illustré par la différence d’accueil fait au second Cartel en 1932 par rapport à 1924. Des deux côtés, malgré les difficultés et les extrémistes des deux bords, on cherche visiblement à ne pas faire resurgir la petite guerre religieuse de 1924. C’est ce que constate l’Abbé Desgranges dans La Croix après les élections : il voit des hommes de gauche qui, dans leur majorité veulent désormais éviter les conflits religieux et il loue "l’effort visible du Président Herriot pour ne dire aucun mot qui put blesser nos consciences"234. Cela ne signifie pas pour autant que surtout dans la période 1932-1934, aucun problème ne subsiste, le "second Cartel" étant marqué par une recrudescence de la "Question Scolaire". Des affaires mineures surgissent, comme celle de la suppression des causeries religieuses sur Radio-Paris au début de 1934 qui suscite une protestation officielle du Cardinal Verdier235. En novembre 1934 se produisent les "incidents de Landerneau" suscités par le Comité de défense laïque du Finistère. Un débat a lieu à la Chambre où interviennent l’Abbé Desgranges et Paul Simon qui souligne que de tels incidents peuvent mettre en danger la continuation de la trève236. Cependant la situation générale d’un statu-quo dans les rapports entre l’Église et l’État n’est pas remise en cause, ainsi sur la question des Congrégations où les catholiques n’obtiennent aucun avantage nouveau important. D’ailleurs, les motions du P.D.P. votées aux Congrès n’abordent plus un problème souvent évoqué dans les années 1920. La volonté est apparente de ne pas rouvrir le dossier et c’est le moment où les pamphlets Vérités de Luc-Verus dénoncent ce qu’ils appellent la "capitulation des catholiques devant la laïcité de l’État"237. Mais dans La Croix aussi Jean Guiraud critique ces catholiques qui n’ont plus le courage de leurs opinions et qui en arrivent à ne plus combattre la laïcité238.
53La Droite catholique et monarchiste accuse principalement les Démocrates Populaires d’être responsables de cet abandon progressif à l’idée des "lois fondamentales de la République" à respecter. C’est L’Express du Midi qui attaque Reille-Soult. Certains catholiques du diocèse d’Albi demandent alors à l’Union Catholique diocésaine de joindre ses protestations à celles de L’Express, ce qui est refusé par le président de l’Union. La Croix du Tarn estime de son côté qu’il s’agit d’une mauvaise querelle239. La Croix malgré la continuation de la présence de Jean Guiraud qui se consacre surtout aux questions scolaires et religieuses accentue ses évolutions. La "ligne Merklen" se renforce après les élections, dans un sens assez voisin, avec prudence, des idées du P.D.P., vers l’acceptation d’un compromis et d’une détente apportant des améliorations progressives, si un conflit de tendances apparaît sur la question de l’école entre Jean Guiraud et L’Abbé Desgranges, qui font état tous deux de soutiens dans l’Épiscopat et la Hiérarchie240. Mais les évolutions de La Croix ne suffisent toujours pas à en faire l’allié officiel du courant démocrate chrétien. Le Père Merklen veut en effet se situer avant tout sur le terrain religieux, La Croix n’ayant en aucun cas été une tribune pour les hommes du P.D.P. Celui-ci dans cette période est resté fidèle à sa doctrine et à sa tactique générale de prudence, et a continué à préférer une méthode de rapprochement avec les milieux républicains laïcs jusqu’aux radicaux. Cette stratégie générale a été maintenue après la disparition de Briand auquel certains la déclaraient liée. Elle n’a pas abouti à des résultats très spectaculaires, mais la pénétration des milieux républicains a continué dans le sens d’une transformation lente des états d’esprit.
Clergé, Épiscopat, Église
54En mai 1935, Aux Écoutes publie des informations selon lesquelles l’activité du Nonce Maglione serait sévèrement critiquée, certains milieux catholiques influents le rendant responsable de la division du Catholicisme en France, et cela aux côtés des "excès du mouvement démocrate chrétien" contre lesquels une réaction se dessinerait dans les milieux catholiques officiels241. Il est indéniable que la politique représentée par le P.D.P. avait profité, surtout depuis 1926 d’un "flux favorable" dans la politique vaticane elle-même et ses grandes orientations. Le courant démocrate chrétien au sens large avait également bénéficié du renouvellement progressif de l’Épiscopat qui commence à porter ses fruits au début des années 1930. Lorsque Mgr Maglione quitte la Nonciature en 1936 "il laissait un Épiscopat transformé et rajeuni, préoccupé d’Action Catholique"242. Mais la politique vaticane n’a jamais été pour autant en soi celle du P.D.P. et des démocrates chrétiens, et elle a surtout utilisé ces tendances en France dans la stratégie du "Second Ralliement”. D’ailleurs on commence à apercevoir un infléchissement d’ensemble de cette politique vers ce qu’on a pu appeler un "coup de barre à droite", qui, sans remettre en cause le Second Ralliement, se révélera moins favorable aux "tendances avancées" du Catholicisme Français. Les démocrates chrétiens perdent aussi un de leurs soutiens à Rome, Mgr Vanneufville. Dans l’Église de France, leur audience s’est sans doute au contraire accrue, grâce en particulier à des sympathisants plus nombreux dans l’Épiscopat. Le soutien parlementaire de l’Abbé Desgranges pouvait apparaître comme une caution supplémentaire et le P.D.P. commençait à avoir une apparence plus modérée pouvant rassurer certains milieux. Les prélats "bien disposés" à l’égard du Parti sont en 1936 potentiellement de plus en plus nombreux et la carte de l’Église de France devient plus favorable à "l’aile marchante" du Catholicisme Français, mais d’une façon toujours prudente. Malgré tout, ce nouvel état de choses, où les démocrates chrétiens ne sont plus traités en suspects est concomitant d’un certain déclin d’ensemble du Parti et les nouvelles sympathies ne s’étaient guère traduites sur le plan des résultats politiques et électoraux. Dans le clergé lui-même, en dehors de la Hiérarchie, le P.D.P. paraît avoir conservé des sympathies, mais en ne progressant plus guère. C’est le moment aussi où les principes d’une "Action Catholique" soigneusement distinguée de l’action politique tendent à être codifiés, conformément aux directives constantes de Pie XI qui affirment que l’Église ne doit exercer aucune activité politique, ni les organisations qui dépendent d’elle. Le Chanoine Belorgey rappelle dans L’Action Catholique dans ses rapports avec l’État que celle-ci doit se tenir en dehors et au-dessus des Partis, si les catholiques peuvent en toute liberté s’affilier à des "partis politiques honnêtes"243. Le P.D.P. tenu de plus en plus par sa doctrine de non-confessionnalité, n’a pu que maintenir des relations officieuses et parallèles, parfois plus ou moins camouflées au monde de la politique parlementaire avec le monde du clergé et de la Hiérarchie et l’action du Parti a continué à se dérouler toujours plus ou moins sur ces deux plans distincts, à la frontière mouvante du politique et du religieux.
IV – DIVISIONS ET CRISE
55Le Parti Démocrate Populaire est entré en 1932 dans une nouvelle phase de son histoire, durant laquelle certaines divisions se sont accentuées surtout à partir de 1934, jusqu’à le faire entrer dans les débuts de ce que l’on peut appeler sa "crise". Les élections de 1932 ont marqué d’une manière générale la fin d’une phase ascendante et favorable, et l’entrée dans une conjoncture d’ensemble plus difficile. Celle-ci va accentuer les clivages du Parti et réveiller les oppositions latentes plus ou moins camouflées jusqu’alors. Certes au niveau des effectifs, il semble qu’une progression ait continué en gros jusqu’en 1934-1935, mais ensuite a commencé un net recul qui a été un des meilleurs symptômes de cette crise générale d’un Parti pouvant commencer à apparaître affaibli et essoufflé, déjà vieilli et ayant du mal à trouver son "second souffle". Cependant, d’autres éléments doivent semble-t-il être mis en parallèle avec ces directions de crise et de déclin relatif. Des facteurs complexes ont pu jouer à la fois comme éléments de trouble et de division mais aussi de stimulation, par exemple les relations avec L’Aube où les Démocrates Populaires se sont retrouvés au contact des "Jeunes Républicains". Ces relations entraîneront des remous à l’intérieur du Parti, en accentuant ses divisions et sa crise interne, mais vont être aussi bientôt pour lui un facteur de rajeunissement. C’est également le moment où à côté d’un certain vieillissement des cadres a commencé à apparaître une nouvelle génération surtout grâce aux "Jeunesses Démocrates Populaires” organisées en Fédération depuis 1934 et dont l’action relativement autonome a pu encore accentuer les clivages internes.
Clivages et divisions latents
56La diversité des tendances était présente dès les débuts du Parti, liée à la diversité des origines, catholiques sociales, démocrates chrétiennes, sillonnistes modérées, catholiques libérales, etc... Cependant on peut constater que les reclassements internes des tendances ne correspondront pas toujours aux clivages des origines. La tendance la plus à gauche avait été éliminée assez rapidement, (groupe du Démocrate de Paris), mais cela n’avait pas supprimé toutes les divisions possibles ou latentes, quoique le P.D.P. ait été relativement uni en raison essentiellement de sa faible importance. Il cultivera pendant longtemps cette vision de lui-même comme d’une "grande famille", unissant une partie des "fils du même esprit", et étant avant tout fondé sur une "amitié". Mais le Parti n’a jamais oublié non plus qu’il a été créé à l’origine comme un "rassemblement" d’éléments dont au départ les préoccupations pouvaient apparaître hétérogènes, entre les "sociaux" et les "politiques". D’autre part, la volonté même de se situer "au Centre" est toujours en fin de compte pour une force politique la source de problèmes inévitables de cohésion, du fait même des attractions naturelles pouvant être exercées des deux côtés.
57Le P.D.P., malgré ses faibles dimensions, n’a pas échappé entièrement à cette loi des attirances contraires. Dès avant 1932, certains clivages étaient apparus et déjà dans les Congrès certains avaient critiqué une tendance trop accentuée sur le plan parlementaire notamment à soutenir les Gouvernements modérés et à combattre les Gouvernements de gauche. Les mêmes ou d’autres avaient mis en cause des lacunes en matière sociale et réclamé un programme plus offensif, tandis qu’une autre tendance avait commencé à s’effrayer de certaines audaces ou d’un certain langage. Les problèmes internationaux, bien qu’un peu moins nettement avaient encore créé quelques clivages qu’on avait vu également surgir sur les questions religieuses et politico-religieuses. Certains avaient critiqué principalement une orientation trop "cléricale" du Parti ou du journal, d’autres étant prêts à mettre davantage en avant les revendications catholiques. Ces clivages se combinant de façon complexe n’avaient toutefois pas jusqu’en 1932 gêné vraiment la vie et l’activité du Parti. Mais dès cette date il y avait des tendances plus à droite et d’autres plus à gauche, et une multitude de positions intermédiaires. De façon confuse, les grandes lignes de ces clivages et de ces oppositions avaient tendu à opposer déjà la tendance autour du groupe parlementaire ou tout au moins de sa majorité à une autre qui critiquait l’excès de prudence du groupe et ses liaisons trop marquées avec la Droite. Il s’agissait ici pour le groupe surtout de la tendance autour de son Président, Paul Simon. Mais celui-ci avait commencé à subir lui-même les effets de certaines divisions entre une droite et une gauche que certains voyaient représentée par des hommes comme Pezet, Reille-Soult, Trémintin244. La tendance "modérée" y était malgré tout dominante et sa force relative s’y était accentuée autour d’hommes comme Durand, Gallet, Antier, Pinault et aussi Martel, Goussu, Saudubray.
58Une affaire comme celle de la candidature Briand à la Présidence de la République en 1931 avait montré la profondeur de ces clivages internes, Trémintin n’ayant pas craint de parler alors de "dissidents"245. De fait, le Parti avait connu sur le plan parlementaire une certaine "dérive" au Centre-Droit, illustrant bien un rapprochement politique et idéologique général avec des tendances se rattachant à un simple "Catholicisme Libéral", les "Libéraux" en général, un rapprochement d’une branche de "l’Intransigeantisme" avec le "libéralisme". D’autre part, on ne saurait négliger le poids des tendances "catholiques sociales" à l’intérieur du Parti. Une "Droite" s’était de plus en plus affirmée, appuyée sur la majorité du groupe parlementaire, et en dehors de celui-ci sur des hommes comme Alfred Bour, à côté même d’une "Extrême Droite" autour d’un Cochinal. En face les autres tendances se cherchaient avant 1932 et n’avaient guère osé se mettre franchement en avant pour ne pas briser l’unité du Parti. Par ailleurs une sorte de "Centre" tentait de maintenir plus ou moins cette unité, appuyée par Le Petit Démocrate et le Président Champetier de Ribes.
59A partir de 1932 d’autres éléments généraux tendent à accentuer les clivages latents : aggravation de la conjoncture intérieure, politique, économique, sociale et aussi extérieure, les événements et la situation contraignant désormais à des prises de position plus fermes. Mais va jouer dès lors encore le rôle de L’Aube, à côté de l’évolution de L’Ouest Éclair vers des positions plus modérées. Le P.D.P. désormais est comme tiraillé symboliquement entre les tendances divergentes de ces deux quotidiens. Le jeu des tendances devient important à l’intérieur du Parti, non sans conséquences pour son avenir et d’abord sur sa "crise". Ces oppositions commencent à se révéler dès le Conseil National de juin 1932 sur la question du soutien au Ministère Herriot puisque des hommes aussi divers que Boissard, Flory, Zamanski pour les "catholiques sociaux", Bidault, Teitgen, Reille Soult, Edouard Morin pour les "politiques démocrates chrétiens" demandent un soutien à Herriot face à une tendance hostile où se retrouvent Alfred Bour, Desgrées du Lou, Lerolle, Berger, Paul Simon, Robert Cornilleau246. L’étape suivante de la manifestation de ces clivages est celle de février 1934. C’est ici le départ de véritables craquements internes. La Fédération du Rhône qui va déclencher au début de 1936 une offensive contre la ligne générale du Parti datera de cette période le début de "la succession des fautes, des erreurs et des défaillances semblant résulter d’une aberration persistante". Elle parlera d’un Petit Démocrate qui, avec la "nuance parisienne" ne s’est pas alors suffisamment désolidarisée de la vague réactionnaire"247. Des divergences apparaissent nettement lors du Conseil National de mars 1934 sur ces événements248.
60Les oppositions tendent également à surgir en 1934-1935 sur un autre terrain qui est celui des relations avec L’Aube, une droite mettant en cause ces relations et celles établies du côté de la Jeune République. Alfred Bour se met en contact avec Saudubray, Goussu, Durand pour leur déclarer que parmi les membres du Conseil National, un certain nombre estiment que l’équivoque qui a trop longtemps subsisté par L’Aube dans les relations entre le P.D.P. et la J.R. ne peut plus continuer. Bour prépare une motion qui rappelle que le P.D.P. n’a rien de commun avec un Parti qui a présenté des candidats aux élections municipales sur des listes d’Union de la Gauche. Il met en garde contre ce qu’il appelle la "gauchite" qui atteint certains de ses amis, le P.D.P. devant rester un Parti de Centre249. Des inquiétudes sont exprimées à Champetier au sujet de la situation présente du Parti, et l’on montre une "famille spirituelle" coupée en deux. Le P.D.P. ayant été manœuvré en particulier par les contacts avec L’Aube, il faudrait envisager une "opération chirurgicale" pour mettre fin à ce "schisme". Champetier essaie de montrer à ces tendances que le malaise créé par L’Aube et les éléments proches de la Jeune République est limité à quelques régions, mais il ne nie pas que l’attitude de L’Aube pose quelques problèmes250.
61Des deux côtés ont tendance à se cristalliser en 1934-1936 des griefs réciproques. Les deux ailes jugent excessives des évolutions vers l’autre sens et un certain nombre d’affaires dans cette période contribuent à accentuer ces oppositions. Sur le terrain extérieur, l’attitude de Pezet lors du débat sur la politique extérieure de Laval en décembre 1935 suscite des critiques de Maurice Deslandres251, de même que la ratification du pacte avec l’U.R.S.S., au Conseil National de mars 1936252. Pezet doit se justifier devant la Fédération du Morbihan pour son vote253. A partir de 1935 les questions internationales commencent à créer aussi d’importants clivages au sein du P.D.P. Sur le plan intérieur, c’est sur le refus de participation au Ministère Sarraut qu’une forte tendance manifeste un regret devant une attitude démarquant à nouveau le Parti à droite. Elle s’exprime par Bidault dans L’Aube, et Morin au Conseil National qui fait état de la déception d’un certain nombre de Fédérations. Surtout la Fédération des "Jeunesses Démocrates” avec Lecourt, Monmarché, Louis Bour estime dans une "lettre ouverte" adressée à Champetier que le Parti se trouve désormais aux yeux de l’opinion définitivement intégré dans le Bloc de Droite. Elle déclare ne pas comprendre l’attitude du groupe parlementaire et craindre que ce vote n’hypothèque lourdement l’avenir du Parti254. Cette intervention des "Jeunesses Démocrates Populaires" au début de 1936 est assez révélatrice du mécontentement de certaines tendances dans le Parti ou ses organes parallèles.
62L’affaire de l’adhésion d’Alfred Bour au Comité d’entente et d’arbitrage des Républicains Nationaux de la région parisienne est également une occasion d’activation de ces clivages. Demagny dit à Bour que les conséquences de l’incident peuvent être graves pour l’action et le recrutement du Parti255. Une tendance "de gauche" autour de la Fédération du Rhône surtout, et d’E. Morin de la Fédération de Saône-et-Loire intervient plus directement par une lettre adressée à "certains membres du Parti" en février 1936 qui rappelle les incidents récents auxquels il a été mêlé afin de montrer qu’une inquiétude et un malaise existent chez beaucoup de militants qui aspirent à plus de netteté dans le respect de la doctrine, à plus de personnalité dans les rapports avec les partis voisins. La Fédération du Rhône se propose de cristalliser ces tendances éparses en vue d’une "œuvre de redressement" et de préparer une réunion avant le Conseil National de mars256. Morin dans un "examen de conscience" met en cause l’attitude générale du Parti depuis le 6 février, qui n’aborde pas au fond à son sens le problème du "Fascisme français" et des Ligues. Les attitudes parlementaires sont également incriminées, ainsi que celles sur le plan extérieur jusqu’à l’intervention trop tardive de Pezet. L’orientation générale du Petit Démocrate depuis 1934 est critiquée, et il est demandé qu’un débat sérieux et loyal ait lieu sur ces questions et ces orientations257. Cette prise de position est une des plus illustratives de la montée d’une "opposition de gauche" face à une ligne politique moyenne du Parti jugée trop compromise avec la droite, tandis qu’une "opposition de droite" juge alors excessives les compromissions avec L’Aube et la Jeune République ; des deux côtés, est réclamé un "redressement" parallèle contre des déviations supposées et une dérive à Droite ou à Gauche. On peut bien parler déjà d’une "crise” du Parti Démocrate Populaire en 1935-1936, à la veille du Front Populaire. Elle se combine à un début de déclin sensible des effectifs, pouvant faire penser à la limite à un début d’éclatement du Parti entre des tendances de plus en plus nettement opposées et se dénonçant réciproquement. Alphonse Juge verra également par la suite une crise du P.D.P. qui aurait révélé véritablement ses symptômes aux lendemains du 6 février 1934. Ces divisions profondes apparues auraient contraint selon lui le Parti pour maintenir une unité apparente à la stagnation et à l’immobilisme qui en aurait éloigné les éléments jeunes258.
Renouveau et trouble : Jeunesses Démocrates Populaires, "Aube"
63Dès la période 1932-1936, ces facteurs de renouveau pouvant agir aussi comme facteurs de turbulence ont commencé à se vérifier, tant par les "Jeunesses Démocrates" que par les relations avec L’Aube. Les groupes de jeunes étaient apparus progressivement dans le Parti et la question était posée depuis le Congrès de Grenoble en 1932 d’une organisation plus structurée, ce qui avait conduit à la création officielle de la Fédération des Jeunesses Démocrates Populaires en 1934, autour de l’organe lancé en mai 1935 La Route des Jeunes259. En 1934-1935 peut se constituer une force relativement autonome, les J.D.P. qui tendent à développer une doctrine et à prendre des positions qui ne sont pas toujours exactement celles du Parti, et parfois à les déborder sur la gauche. La nouvelle Fédération tente en 1934 de se poser nettement en matière de revendications sociales en présentant "le programme des J.D.P. face à la crise", où est critiquée violemment une économie libérale qui subordonne tout au profit260. A son Congrès de Brest de 1935, elle s’élève fermement contre toute dictature et refuse énergiquement toute adhésion à l’un des fronts en présence261. Une campagne de propagande active est lancée en 1935-1936, en direction des "jeunes travailleurs", sur le thème : "Jeune, il faut choisir, révolution socialiste, dictature fasciste ou... démocratie populaire". Les J.D.P. adressent une "lettre à un jeune communiste" et mettent en avant leur volonté de réformes sociales profondes et réelles262. Ils demandent des décisions concrètes, comme en faveur du salaire minimum vital, et déclarent vouloir rejeter à la fois le socialisme et le capitalisme. Mais si la droite et les mouvements autoritaires sont constamment critiqués, et si des sympathies sont témoignées pour certaines des aspirations du Front Populaire, il est aussi montré qu’il pèse sur lui trop d’équivoques pour pouvoir y adhérer263. Des contacts sont établis avec des organisations de jeunesse proches du Rassemblement Populaire, et des appels sont lancés aux J.D.P. d’ailleurs de ce côté. Robert Lecourt doit préciser en février 1936 qu’il leur est impossible de participer à un rassemblement qui cacherait une adhésion déguisée à l’un des Fronts264. Mais le Président des J.D.P. intervient devant les tentations de certains groupes, et des contacts pouvant aller jusqu’à certaines confusions. L’annonce avait était faite par exemple de la participation des J.D.P. à des manifestations des organisations du Front. Des sympathies ont existé à l’égard de celui-ci et de certaines de ses inspirations, mais on a abouti très vite à une clarification des rapports. Par ailleurs, si la "lettre ouverte" à Champetier a témoigné d’une certaine opposition à la ligne générale du Parti, il semble que ce soit ici en particulier la personnalité de Robert Lecourt qui ait permis d’éviter un heurt plus accentué265.
64L’autre élément possible de renouvellement du Parti dans la période 1932-1936 est celui des relations avec le nouveau journal L’Aube de Francisque Gay, lancé au début de 1932. Celui-ci avait posé le problème de la naissance d’un quotidien en dehors du Parti qui avait longtemps caressé ce projet, et aussi des contacts avec d’autres tendances de la Démocratie Chrétienne266. Dès lors l’histoire des relations du P.D.P. et de L’Aube sera continuellement complexe, mais non sans importance sur le destin du Parti lui-même. Au moment de la réapparition quotidienne de L’Aube en novembre 1932 Le Petit Démocrate met assez clairement les choses au point et réaffirme comment L’Aube, entendant rester indépendante de tout parti politique ne saurait d’aucune façon engager la responsabilité du P.D.P.267. Après les élections, Gay d’un côté regrette l’échec de Marc Sangnier et de l’autre souhaite que les Démocrates Populaires puissent être les "hardis pionniers" à la Chambre d’une grande politique de concorde nationale et d’apaisement268. Mais L’Aube étant voulue par Gay comme la première étape de ce "rassemblement des forces démocratiques d’inspiration chrétienne” n’allait pas tarder à se trouver confrontée à des problèmes et à des remous intéressant également le P.D.P.269. Une "droite" du Parti va ainsi protester contre les liaisons opérées, tandis qu’à L’Aube la tendance P.D.P. va apparaître de plus en plus comme une sorte de "droite’".
65Mais c’est André Cochinal, classé à la droite du Parti qui devient un temps rédacteur en chef du journal jusqu’au début de 1933 où Gaston Tessier lui succède. Un désaccord structurel commence à se révéler, à la fois sur le terrain de certaines positions politiques et au sujet du rôle même du journal, et qui se traduit par le fait que du côté démocrate populaire notamment la propagande en faveur de L’Aube est assez faible. On met en cause une jalousie et une incompréhension du P.D.P. qui aurait voulu avoir son propre quotidien270. Cependant, il faut constater que la tendance "P.D.P." si l’on y adjoint des représentants de la revue Politique considérée par Gay lui-même comme une inspiratrice intellectuelle de L’Aube est très bien représentée dans l’équipe rédactionnelle, par des hommes comme Adéodat et Henri Boissard, Charles Blondel, Georges Bidault et Gaston Tessier, Paul Archambault, Jean Lacroix etc... On relève encore les signatures d’hommes comme Ernest Pezet, L.A. Pagès, Fr. Reille-Soult, J. Zamanski, G. Hourdin, M. Poimbœuf, Jean Lerolle, Emmanuel de Las Cases, Jean Des Cognets. D’autre part, s’il y a eu à L’Aube des représentants de la Jeune République, on y retrouve des éléments d’autres tendances considérées comme étant plus à droite que le P.D.P., proches du "groupe Pernot" ou d’un Catholicisme Social modéré.
66L’Aube essaie à plusieurs reprises de préciser sa position générale à l’égard des diverses forces de la "Démocratie Chrétienne" et du P.D.P. Elle rappelle comment elle est l’organe d’une famille spirituelle, étant le seul quotidien rendant compte des réunions de la J.R. et du P.D.P., mais aussi des interventions du "groupe Pernot" par exemple271. Louis Terrenoire affirme que L’Aube, journal de tous doit rendre service à tous en se fixant une tâche d’union et d’information272. Un effort constant est fait visant à mettre en parallèle les efforts de la Jeune République et du P.D.P. et à ne pas privilégier l’un par rapport à l’autre. Les principaux dirigeants des différentes tendances (Champetier, Edmond Bloud, Georges Hoog, J. Zimheld, J. Zamanski, A. Boissard), publient un appel en janvier 1935 sous le titre "L’Aube mérite notre pleine confiance"273. Les "Amis de L’Aube" essaient parallèlement de favoriser ce regroupement, pendant que Pezet s’adressant dans le journal "aux fils du même esprit" affirme que les divergences sont moins graves qu’un manque d’allant pour la conquête dont il s’inquiète274. C’est aussi en faveur d’une liaison plus accentuée entre les forces diverses que Fr. Gay se prononce dans son mémoire de 1935 "pour un rassemblement des forces démocratiques d’inspiration chrétienne", envoyé au début à 300 personnes275. Son champ d’action va, dit-il, "du groupe Pernot à la Jeune République, des syndiqués chrétiens à la C.F.P., des Semaines Sociales aux Amis de Bierville" et comprend tout ce que leurs adversaires regroupent sous les appellations de "catholiques sociaux", "démocrates chrétiens” ou "rouges chrétiens". Selon lui également, les divergences sont moins grandes qu’on ne le croit et c’est l’éparpillement des efforts et la rivalité des personnes qui aboutissent à l’impuissance d’ensemble que l’on constate. Il incrimine surtout la dispersion des efforts tant sur le plan parlementaire que journalistique, et aussi l’attitude de L’Ouest Éclair à l’égard du P.D.P., préoccupé selon lui de ne pas compromettre son existence en s’associant ouvertement aux destinées d’un Parti sans grand rayonnement. Pour remédier aux dangers de cette dispersion, il faudrait un chef et un État-Major disciplinés. Il estime malgré tout que l’expérience de L’Aube peut servir d’exemple, par les "Amis de l’Aube" venus de groupes différents. C’est donc une invitation très nette à une coordination plus grande mais dont on peut se demander de quelle façon elle fut accueillie au P.D.P.
V – LES ÉLECTIONS DE 1936
Les résultats généraux
67Les élections de 1936 marquent un nouveau repli relatif pour le Parti Démocrate Populaire, malgré une stabilisation voire un progrès en voix, et une manifestation de la crise, du déclin, voire de l’échec du Parti lors d’un scrutin caractérisé par la poussée d’ensemble de la Gauche et la victoire du "Front Populaire". Le P.D.P. avait voulu se présenter à ces élections avec un programme de "Centre" face aux deux blocs rivaux et rejetant la guerre civile et Cornilleau avait espéré jusqu’en avril une rupture entre certains radicaux et le Front Populaire. Les résultats globaux sont les suivants : 6 députés sortants et 3 apparentés sont revendiqués comme réélus au premier tour, Lerolle et Rolland en particulier ne se représentant pas : Simon, Trémintin, Pezet, Desgranges, Schuman, Reille-Soult, Martel (plus des élus de l’U.P.R. qui cette fois, n’iront pas au groupe démocrate). 6 sont élus au second tour, dont les deux députés sortants, Pinault et Simon, et quatre nouveaux : Léon Vaur dans la Manche, Alfred Duault dans les Côtes-du-Nord, Paul Goussu et François Saudubray dans la Sarthe. Mais un certain nombre d’échecs sensibles sont enregistrés, ceux des députés sortants Durand et Gallet en Vendée, ou de nouveaux candidats comme Georges Bidault et Robert Cornilleau dans l’Orne, Bastianelli dans l’Ille-et-Vilaine, Teitgen à Nancy, etc. Après ces élections en tout cas le groupe démocrate populaire se retrouve à nouveau à 13 membres (grâce à l’appoint de Delaunay, élu du Calvados). On ne peut en 1936 revendiquer comme élus Démocrates certains élus U.P.R. comme dans les scrutins précédents, si Alfred Michelin se réjouit des succès électoraux du Parti Alsacien et souhaite encore une collaboration plus étroite entre l’U.P.R. et le P.D.P.276.
68L’effort électoral a été assez différent au niveau géographique de celui de 1932. Le P.D.P. a été absent de 29 circonscriptions où il avait livré bataille en 1932, mais présent dans 23 circonscriptions déjà travaillées en 1932 et 39 nouvelles, des candidatures ayant été présentées au total dans 33 départements. Le Parti revendique en 1936 293 000 voix au premier tour, et rappelle que pour les 29 circonscriptions de 1932 où il n’a pas présenté de candidats en 1936, il avait obtenu 103 000 voix. Le résultat global n’est pas jugé désastreux et Cornilleau estime que le Parti a tout de même tiré le bénéfice moral de sa situation de Centre courageusement affirmée277. C’est de tous les partis qui représentent la politique centriste, celui qui a le mieux résisté aux vagues extrêmes dans un scrutin d’où effectivement les modérés du Centre-Droit sont sortis affaiblis (Alliance Démocratique) alors que la Droite traditionnelle (Fédération Républicaine) a eu tendance à renforcer ses positions (gain de 17 sièges)278. La statistique officielle du Ministère de l’Intérieur gratifie les Démocrates Populaires de 23 élus (en comptant certains alsaciens de l’U.P.R. et d’autres sans doute), et au total de 374 000 voix, soit 65 000 de plus qu’en 1932.
69Les candidats Démocrates dans leurs proclamations électorales ont affirmé leur volonté politique du refus des blocs, indépendamment des accords électoraux passés avec les Partis modérés ou de Droite : Simon et Trémintin dans le Finistère dénoncent ainsi les "quelques agitateurs qui veulent profiter des malheurs de la nation" et lancent un appel à l’union et à l’esprit de concorde. Etienne Pinault et Léon Vaur demandent qu’il se dégage de la Chambre une majorité de concentration loyale des républicains de gouvernement. L’Abbé Desgranges et Ernest Pezet réclament que l’on fasse la paix entre les Français contre la politique des blocs. Goussu et Saudubray sont plus violents contre les dangers du Front Populaire qualifié de "tragique aventure". Mais ils parlent aussi de l’union nécessaire des bonnes volontés279. Les candidats Démocrates se prononcent généralement pour le maintien et l’amélioration des lois sociales et en faveur des solutions inspirées de "l’organisation professionnelle”. Le programme rural est toujours une dimension essentielle, l’action dans ce domaine devant comporter une revalorisation des produits du sol. Sur les questions extérieures, deux tendances se mêlent, l’une encore favorable à l’organisation de la paix et à la sécurité collective. L’autre exprime l’inquiétude devant les menaces nouvelles sur le plan international280. Le programme des Démocrates est donc resté assez nettement "Centre Droit", mais il a présenté un ensemble de réformes sociales positives et se caractérisant par une certaine modération dans le ton et les attaques contre le Front Populaire.
70Comme pour les consultations précédentes, le rôle électoral du P.D.P. s’est inscrit encore dans un contexte politico-religieux. Le Parti Démocrate Populaire avait accepté les "revendications minimum" du programme de la F.N.C., tout en ne les mettant pas toujours directement en avant. Du côté de l’Episcopat, on a assisté tout comme en 1928 et en 1932 à un certain nombre de mises en garde contre les divisions éventuelles entre catholiques. Mgr Duparc, évêque de Quimper déclare nettement que l’heure n’est pas aux divisions, mais à l’union entre tous les hommes qui veulent sauver l’ordre social et le pays281. Le Cardinal Maurin admet le libre choix pour les catholiques entre les "bons candidats", mais rappelle que le communisme et le socialisme ont été condamnés par l’Église282. On réaffirme souvent ce que doit être un "bon candidat” qui doit être prêt à défendre la famille, la propriété et l’autorité283 ou même que les catholiques doivent voter, mais "bien voter" pour avoir de "bonnes élections" face à la "coalition des forces ennemies"284. On a constaté aussi une diversification sur le plan géographique de l’effort par rapport à 1932 qui a témoigné à côté de l’existence de certaines circonscriptions devenues des forteresses électorales, d’un éparpillement des initiatives et aussi de la faiblesse de l’implantation moyenne du P.D.P.
Signification générale
71En ce qui concerne les élus tout d’abord, les députés Démocrates l’ont été en général en 1936 contre la Gauche Radicale ou Socialiste : Pinault à Rennes, Desgranges à Vannes-1, Duault à Saint-Brieuc, Vaur à Cherbourg, Saudubray et Goussu au Mans 1 et 2, Reille-Soult à Castres-2, Martel à Saint Julien-en-Genevois, auxquels il faudrait ajouter le cas de Schuman à Thionville. Pezet a été élu à Vannes-2 face à un "républicain de gauche", et Simon et Trémintin dans le Finistère face à des concurrents "conservateurs". Mais l’aspect d’élection "anti Front Populaire" a été fondamental, tout comme l’aspect "anti-cartelliste" en 1932. Les candidats Démocrates de plus ne pouvaient être généralement élus qu’avec le concours et l’appui de toute la Droite. Certaines élections caractéristiques ont été très marquées à droite pour le P.D.P. comme celles de Pinault, Duault, Goussu, Saudubray, Vaur, Martel. Cependant on peut faire remarquer que Reille-Soult a rencontré en 1936 un concurrent conservateur et que les deux élus de 1928 et 1932, Durand et Gallet ont été battus par des concurrents de ce type.
72En effet, au niveau global des candidatures, l’aspect "anti Front Populaire" a été moins net qu’au niveau des élus, du fait notamment comme dans les élections précédentes de cas assez nombreux d’opposition à la Droite ou de concurrence avec d’autres modérés revêtant un aspect de "troisième force" ou de candidature centriste. Pour plus d’un cas sur deux, les candidats Démocrates ont rencontré à côté d’eux des concurrents de droite ou modérés ou se sont opposés à eux, dans des "primaires" à droite souvent aussi. Ils ont tout d’abord affronté la Droite seule dans un certain nombre de circonscriptions où la Gauche était pratiquement absente : Bastianelli à Vitré, Durand et Gallet en Vendée, Bidault à Domfront, Cornilleau à Alençon, essentiellement dans l’Ouest. Il y a eu également des cas nombreux où les Démocrates se sont trouvés opposés à la fois à la Droite et à la Gauche, en tentant de réaliser leur idéal centriste : ce fut le cas à Quimper- 2, à Rouen-1. Mais dans la plupart de ces cas, les Démocrates, réduits à leurs seules forces, et sans autre appui à droite n’ont obtenu que des résultats faibles ou moyens en étant généralement absents du second tour. Fréquemment encore, les candidats du P.D.P. ont affronté la Gauche et les candidats du Front Populaire seuls, dans des conditions difficiles, des départements comme l’Isère, le Tarn, le Pas-de-Calais ayant été assez illustratifs de ce cas de figure. En tout cas la signification politique de ces candidatures a été plus complexe dans le détail qu’une simple opposition à la Gauche et au "Front Populaire", si la volonté de réaliser une certaine forme de "concentration" ne s’est pas traduite autant que l’a affirmé le P.D.P., partagé entre cette volonté et celle de combattre le Front.
73C’était surtout avec les radicaux que pouvait s’opérer dans certains cas un jeu complexe, au niveau des désistements et des reports au second tour (Tarn). Mais la stratégie électorale des Démocrates en 1936 pouvait être plus que jamais de détourner un certain nombre de voix radicales du Front, en se présentant en candidats de concentration républicaine et anti-collectiviste et en soutenant à la limite certains radicaux contre les socialistes et les communistes. On a constaté effectivement quelques cas de reports partiels de voix radicales sur des candidats Démocrates, et inversement à quelques reports partiels de voix Démocrates sur des candidats radicaux. Mais ces cas limités ont été bien sûr beaucoup moins nombreux que ceux, accompagnés ou non de désistements officiels sur des candidats "anti Front Populaire" au second tour. Les candidats Démocrates et leur électorat ont très généralement suivi la discipline "anti Rassemblement Populaire". En ce qui concerne les relations avec les autres forces politiques modérées en 1936, celles-ci ont été dans l’ensemble moins tendues qu’en 1932 avec la Fédération Républicaine, ce qui n’a pas empêché l’existence, même face au "Front Populaire" d’un certain nombre de points de tension, des "primaires” au sein de la Droite et la concurrence de la F.R. et du P.D.P. Dans 24 circonscriptions, les Démocrates Populaires se sont trouvés au premier tour à côté ou en face de concurrents "conservateurs" ou de la Fédération Républicaine : la Vendée, le Tarn pour Reille-Soult, le Finistère ont vu des candidats de droite s’opposer aux Démocrates, les limites étant souvent imprécises entre les candidats de la Fédération Républicaine et les "conservateurs" monarchistes plus ou moins camouflés et "agrariens" soutenus par l’Action Française. Le P.D.P. a assez souvent continué ses combats des scrutins précédents, avec le fait nouveau de l’opposition aux "Agraires". De plus une Extrême-Droite a eu tendance à reprendre un combat vigoureux contre le P.D.P., et parfois couronné de succès. C’est dans l’Ouest à nouveau, que ces affrontements face à la Droite classique ont eu lieu, mais aussi dans d’autres régions où l’affrontement permanent des tendances du "Catholicisme politique" s’est une nouvelle fois illustré (Nancy, Rouen, Hazebrouck) : jusqu’au bout cette rivalité s’est manifestée par des conflits électoraux, souvent regrettés d’ailleurs par les autorités ecclésiastiques.
74Avec l’Alliance Démocratique les relations meilleures sur le plan politique n’ont pas empêché à nouveau un certain nombre de conflits électoraux et de cas de concurrence (une dizaine environ), si là encore la discipline a généralement joué au second tour. En 1936, malgré la lutte contre le "Front Commun", le P.D.P. a continué à manifester certaines des originalités de sa position politique, quoique les conditions étaient peu propices à la "concentration républicaine". Là aussi, il avait été sans doute gêné par le mode de scrutin, la nécessité de certaines alliances dans les cadres locaux et plus encore par la conjoncture de l’affrontement bi-polaire de 1936, ses élus l’ayant été en grande majorité par la Droite. Le Parti a généralement respecté la "discipline" au second tour face à la Gauche. Par ailleurs, s’il avait réussi globalement à maintenir et peut être même à améliorer légèrement sa position électorale en chiffres absolus, il n’en avait pas moins subi un nouveau tassement au niveau des élus et il était plus loin que jamais de ses objectifs d’une trentaine d’élus qui lui auraient permis de devenir un groupe-charnière indispensable.
Notes de bas de page
1 Petit Démocrate, 22 mai 1932
2 ibid., 22-29 mai 1932.
3 ibid., 29 mai 1932.
4 Rome, 1er juillet 1932.
5 Petit Démocrate, 12 juin 1932.
6 J.O. Débats Parlementaires, scrutin n° 1, 7 juin 1932. Petit Démocrate, 12 juin 1932.
7 Bulletin du Militant, n° 5.
8 ibid., n° 5.
9 ibid., scrutin n° 19, 11 juillet 1932.
10 Petit Démocrate, 17 juillet 1932.
11 ibid., 23 octobre 1932.
12 J.O. Débats Parlementaires, scrutin n° 32. Intervention PEZET, p. 2393.
13 ibid., scrutin n° 36, 17 novembre 1932.
14 Voir plus bas, p. 367.
15 Petit Démocrate, 27 novembre 1932.
16 Archives L. A. PAGÈS – Circulaire n° 46, 10 décembre 1932.
17 Politique, décembre 1932.
18 J.O. Débats Parlementaires, scrutin n° 39, 12 décembre 1932.
19 Petit Démocrate, 18 décembre 1932.
20 Archives L. A. PAGÈS – Circulaire n° 46, 10 décembre 1932.
21 Petit Démocrate, 25 décembre 1932.
22 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 61, 22 décembre 1932.
23 ibid., scrutin n° 71, 29 décembre 1932.
24 Petit Démocrate, 1er janvier 1933.
25 ibid., 8 janvier 1933.
26 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 92, 25 janvier 1933.
27 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 100, 3 février 1933. Petit Démocrate, 5 février 1933.
28 Politique, mars 1933.
29 Petit Démocrate, 12 mars 1933.
30 J.O. Débats – Chambre, 7 avril 1933, p. 2004.
31 ibid., 1 avril, 11 avril 1933.
32 ibid., scrutin n° 296, 31 mai 1933.
33 ibid., scrutin n° 299, 9 juin 1933, p. 2840.
34 ibid., scrutin n° 305, 23 juin 1933.
35 Archives L. A. PAGÈS, circulaire n° 47, 20 avril 1933.
36 ibid., 18 juin 1933.
37 ibid., 13 août 1933.
38 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 274, 23 octobre 1933.
39 ibid., scrutin n° 375, 3 novembre 1933.
40 Bulletin du Militant, n° 3.
41 J.O. Débats – Chambre, 3 novembre 1933.
42 Petit Démocrate, 12 novembre 1933.
43 ibid., 12 novembre 1933 – Politique, novembre 1933.
44 Politique, décembre 1933.
45 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 395, 23 novembre 1933.
46 Petit Démocrate, 19 novembre 1933.
47 ibid., 26 novembre, 3 décembre 1933.
48 ibid., 3 décembre 1933.
49 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 396, 2 décembre 1933.
50 ibid., scrutin n° 396, 2 décembre 1933.
51 Réunions du Groupe 2, 7, 8, 9 décembre 1933.
52 Petit Démocrate, 17 décembre 1933.
53 Archives L. A. PAGÈS – Dossier "Lettres" 1932-1933.
54 A ce sujet, voir plus bas, p. 295.
55 J.O. Débats – Chambre, scrutins n° 483-484, 12 janvier 1934.
56 Petit Démocrate, 14 janvier 1934.
57 ibid., 21-28 janvier 1934.
58 Ouest Éclair, 7, 14, 27 janvier 1934.
59 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 463, 23 janvier 1934.
60 Petit Démocrate, 4 février 1934.
61 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 497, 6 février 1934.
62 Petit Démocrate, 18 février 1934.
63 Petit Démocrate, 11 février 1934.
64 ibid.
65 Ouest Éclair, 8 février 1934.
66 Archives L. A. PAGÈS – Circulaire n° 50, 10 février 1934.
67 L’Orne, 18 février 1934.
68 Bien du Peuple, 11 mars 1934 – Le Mémorial, 15 février 1934.
69 Archives ALFRED BOUR – Dossier "Journée du 6 février 1934”.
70 Petit Démocrate, 1er juillet 1934.
71 ibid., 18 février 1934.
72 Ouest Éclair, 10-11 février 1934 – L’Aube, 11 février 1934.
73 J.O. Débats – Chambre, 20 février 1934.
74 ibid., 22 février 1934.
75 Petit Démocrate, 4 mars 1934.
76 ibid., 11 mars 1934.
77 A ce sujet Jean GICQUEL et Lucien SFEZ, Problèmes de la réforme de l’État en France depuis 1934, Paris, P.U.F., 1965.
78 J.O. Documents – Chambre, Proposition n° 2919, 29 janvier 1934.
79 Archives CHAMPETIER DE RIBES – Dosser "réforme de l’État".
80 Petit Démocrate, 6-13 mai 1934.
81 Petit Démocrate, 29 avril 1934.
82 Le Temps, 6 juillet 1934 – Archives Alfred BOUR – Dossier "février 1934".
83 Politique, avril 1934.
84 Petit Démocrate, 20 mai 1934.
85 J.O. Débats – Chambre, 18 mai 1934, p. 1187.
86 J.O. Débats – Chambre, 31 mai 1934. Petit Démocrate, 10 juin 1934.
87 Petit Démocrate, 19 juin 1934.
88 Petit Démocrate, 24 juin 1934.
89 ibid., 24 juin 1934 – Ouest Éclair, 26 juillet 1934.
90 Voir plus bas, p. 298.
91 Petit Démocrate, 12 août – 2, 16 septembre 1934.
92 ibid., 5 août 1934.
93 Petit Démocrate, 14-21 octobre 1934.
94 ibid., 4 novembre 1934.
95 ibid., 11 novembre 1934.
96 Politique, novembre 1934.
97 J.O. Débats – Chambre, 13 novembre 1934, p. 2313.
98 Petit Démocrate, 25 novembre, 2 décembre 1934.
99 J.O. Débats – Chambre, 23-27 novembre 1934, p. 2590, p. 2718.
100 Petit Démocrate, 9 décembre 1934.
101 Archives L. A. PAGÈS – Circulaire n° 53, 30 novembre 1934.
102 Archives CHAMPETIER DE RIBES – Dossier E. Sous dossier élection 1934.
103 J.O. Débats – Chambre, 1er décembre 1934.
104 ibid., 13 décembre 1934, p. 3129.
105 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 669, 7 février 1935. Petit Démocrate, 15 février 1935.
106 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 670, 15 février 1935.
107 Petit Démocrate, 24 février 1935 – J.O. Débats – Chambre, 19 février 1935.
108 ibid., scrutins n° 673, 677.
109 Petit Démocrate, 10 mars 1935.
110 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 706, 15 mars 1935.
111 Politique, février, mars, avril 1935.
112 Petit Démocrate, 5 mai 1935.
113 ibid., 12 mai 1935.
114 ibid., 19 mai 1935.
115 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 745, 30 mai 1935.
116 Petit Démocrate, 2 juin 1935.
117 ibid., 9 juin 1935 voir plus bas, p. 308.
118 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 747, 4 juin 1935.
119 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 749, 7 juin 1935, p. 1813.
120 Petit Démocrate, 16 juin 1935 – Politique, juin 1935.
121 L’Aube, 1er, 5, 7 juin 1935.
122 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 758, 27 juin 1935.
123 Archives L. A. PAGÈS – Circulaire n° 61. 6 juillet 1935.
124 Petit Démocrate, 18 août 1935.
125 Petit Démocrate, 19 août 1935.
126 Politique, novembre 1935.
127 ibid., 3 novembre 1935.
128 ibid., 10 novembre 1935.
129 Voir plus bas, p. 365.
130 Petit Démocrate, 17 novembre 1935.
131 ibid., 1er décembre 1935.
132 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 770, 28 novembre 1935. Bulletin du Militant, n° 8.
133 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 789, 8 décembre 1935
134 J.O. Débats – Chambre, 28 décembre 1935, p. 2845. Petit Démocrate, 5 janvier 1936 et voir plus bas, p. 397 et suivantes.
135 Archives Ernest PEZET. Dossier "Formation du Cabinet SARRAUT".
136 Petit Démocrate, 2 février 1936.
137 Archives Ernest PEZET – Dossier "Formation du Cabinet SARRAUT".
138 Archives Ernest PEZET – Dossier S.I.P.D.I.C. note, 25 janvier 1936.
139 L’Aube, 31 janvier 1936.
140 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 808, 31 janvier 1936. Petit Démocrate, 9 février 1936.
141 L’Aube, 2-3 février 1936.
142 J.O. Débats – Chambre, scrutin n° 823, 23 février 1936
143 Petit Démocrate, 15 mars 1936.
144 Politique, février-mars 1936.
145 Petit Démocrate, 23 février 1936.
146 J.O. Débats – Chambre, 5 mars 1936 – Petit Démocrate, 8 mars 1936.
147 Petit Démocrate, 16 février 1936.
148 Intérêt Français, 11, 18 mais 1932.
149 ibid., 1er juin 1932.
150 Intérêt Français, 5 janvier, 28 avril, 26 mai 1934.
151 ibid., 3 décembre 1932.
152 ibid., 11 mars 1933.
153 ibid., 27 janvier 1934.
154 ibid., 10 février 1934.
155 ibid., 18, 25 ami, 1er juin 1935.
156 ibid., 27 juillet 1935.
157 Intérêt Français, 16, 23 novembre 1935.
158 ibid., 3, 10, 24, 31 décembre 1932.
159 ibid., 24 novembre 1934.
160 ibid., 11 janvier, 8 février 1936.
161 ibid., 8, 22 février 1936.
162 ibid., 14 mars 1936.
163 Intérêt Français, 4 avril 1936.
164 Petit Démocrate, 26 avril 1936.
165 R.I.S.S., 1933, pp. 488, 630, 714.
166 R.I.S.S., 1936, p. 35. J.O. Débats, scrutin n° 795, 29 décembre 1935.
167 Vérités, XXXH, XXXV, XXXVII, XLV.
168 La Nation, 7, 14 mai 1932.
169 ibid., 11 juin 1932.
170 ibid., 11 novembre 1933.
171 Petit Démocrate, 28 août, 4 septembre 1933.
172 Petit Démocrate, 4 juin 1933 – 1er juillet 1934.
173 ibid., 21 août 1935.
174 Petit Démocrate, 5 novembre 1933.
175 ibid., 19 août, 11 novembre 1934.
176 Voir plus bas, p. 298.
177 Politique, février 1933.
178 Petit Démocrate, 29 août 1933.
179 Petit Démocrate, 30 juin 1935.
180 Colonel DE LA ROCQUE, Service Public, Paris, Grasset, 1934, 272 p.
181 Philippe RUDAUX, Les Croix de Feu et le P.S.F., Paris, France-Empire, 1967, p. 232.
182 Politique, avril 1934 – décembre 1935.
183 Archives L. A. PAGÈS – dossier "Lettres", 11 juillet 1935.
184 Petit Démocrate, 24 décembre 1933.
185 La Démocratie, juin 1932.
186 Jeune République, 27 mai 1932.
187 La Démocratie, septembre, octobre, novembre, décembre 1932.
188 Jeune République, 11 février 1934.
189 ibid., 5 juin 1938.
190 ibid., 22 juillet 1934.
191 ibid., 12 août 1934.
192 Âme Populaire, février 1935.
193 ibid., juin 1935.
194 ibid., novembre 1935 – février, avril 1936.
195 Petit Démocrate, 9 juin 1935 et voir plus bas, p. 306.
196 S. BERSTEIN, op. cit., pp. 881 et 924.
197 La République, 30 juillet 1934.
198 ibid., 1er août 1934.
199 Petit Démocrate, 12 août 1934.
200 La République, 8 septembre 1934.
201 L’Ordre, 16 septembre 1934.
202 Petit Démocrate, 16 septembre 1934.
203 Petit Démocrate, 7 mai – 3 novembre 1935.
204 Politique, février 1936.
205 Politique, avril-juillet-août 1933.
206 Politique, novembre 1935 – Petit Démocrate, 23 juin 1935.
207 ibid., 11 juin 1934.
208 ibid., 27 août 1936.
209 Archives L. A. PAGÈS, Circulaire, n° 47, 20 avril 1933.
210 Petit Démocrate, 30 juillet, 3 septembre 1933.
211 ibid., 23 juillet 1935.
212 Vie Socialiste, 28 avril 1934.
213 ibid., 27 juillet 1934.
214 ibid., 3, 24 novembre 1934, 9 février, 15 juin 1935.
215 La Concorde, 1934-1935.
216 Petit Démocrate, 18 novembre 1934.
217 Plan du 9 juillet – Réforme de la France – Paris, Gallimard, 1934, 62 p.
218 Notre Temps, 30 janvier 1934.
219 Petit Démocrate, 10 juillet 1932.
220 État Moderne, janvier 1933.
221 ibid., juin 1932.
222 A ce sujet aussi J. TOUCHARD – L’esprit des années 1930 in "Tendances politiques dans la vie française", Paris, Hachette, 1960. J. L. LOUBET DEL BAYLE – Les non-conformistes des années 1930, Paris, Seuil, 1969, 496 p.
223 France Catholique, 14 mai, 24 décembre 1932.
224 Archives Préfecture de Police – Dossiers F.N.C. – 25 juillet, 23 novembre 1932 – 22 mars, 31 décembre 1933.
225 Archives Préfecture de Police. F.N.C. – 14 septembre 1932.
226 France Catholique, 4 février 1933.
227 Archives F.N.C. – Carton n° 3 – Circulaire n° 175 – 20 décembre 1935.
228 Politique, novembre 1932 – Petit Démocrate, 11 décembre 1932.
229 Familles de France, août septembre 1933 – Archives J. GUIRAUD – Lettre Ph. de LAS CASES, 11 mai 1934.
230 Abbé DESGRANGES, La Paix autour de l’École, Paris, De Gigord, 1934, p. 7.
231 École et Liberté, 15 décembre 1933.
232 ibid., 15 mai 1934.
233 Petit Démocrate, 9 septembre 1934.
234 La Croix, 11 juin 1932.
235 Documentation Catholique, 3 février 1934 – Petit Démocrate, 14 janvier 1934.
236 J.O. Débats – Chambre, 30 novembre 1934, p. 2898.
237 Vérités XXXII, 1933.
238 La Croix, 17 juin 1932.
239 Archives Jean GUIRAUD – A.N. – Dossier "L’Express du Midi", 1934.
240 A. METZGER, op. cit., p. 122.
241 Aux Écoutes, 18, 25 mai 1935.
242 M. MINIER, op. cit., p. 150.
243 Chanoine BELORGEY, L’Action Catholique dans ses rapports avec l’État, 1936, 44 p. et aussi : Chanoine LALLEMENT, Principes Catholiques d’Action Civique.
244 Aux Écoutes, 23 janvier 1932.
245 Voir plus haut, p. 201.
246 Voir plus haut, p. 277 – Petit Démocrate, 12 juin 1932.
247 Archives Pierre FREDEFON – P.D.P. Fédération du Rhône, 28 février 1936 – "examen de conscience".
248 Voir plus haut p. 284 – Petit Démocrate, 11 mars 1934.
249 Archives Alfred BOUR – Lettres 28 mai 1935 – 28 février 1936.
250 Archives Alfred BOUR – Lettres 13-14 avril 1936.
251 Archives Ernest PEZET – Lettre Maurice DESLANDRES – 21 janvier 1936.
252 Petit Démocrate, 15 mars 1936.
253 Le Morbihan, 23 février 1936.
254 Démocrate des Côtes-du-Nord, 1 er mars 1936.
255 Archives Alfred BOUR – Lettre DEMAGNY, 7 février 1936.
256 Archives Pierre FRÉDEFON – Bordeaux – P.D.P. Fédération du Rhône, 28 février 1936.
257 Archives Pierre FRÉDEFON – Bordeaux – "L’examen de conscience".
258 Alphonse JUGE, Mémoire inédit – du P.D.P. au M.R.P., p. 26.
259 Voir plus haut, p. 262 : sur le développement général de la Fédération.
260 Route des Jeunes, 18 novembre 1934.
261 ibid., novembre 1935.
262 Tracts P.D.P. – Bibliothèque Nationale – 1935.
263 Route des Jeunes, juillet-avril 1935.
264 ibid., avril 1936.
265 Témoignage Louis BOUR.
266 Petit Démocrate, 20 novembre 1932.
267 L’Aube, 2 mai 1932.
268 A ce sujet, Fr. MAYEUR, L’Aube, op. cit.
269 Fr. MAYEUR, op. cit., p. 163.
270 Fr. MAYEUR, op. cit., p. 164.
271 L’Aube, 11 mai 1933.
272 ibid., 28-29 janvier 1934.
273 L’Aube, 20-21 janvier 1935.
274 ibid., 14 septembre 1935.
275 Fr. GAY, Pour un rassemblement des Forces Démocratiques d’Inspiration Chrétienne, Éditions de l’Aube, 1935, 126 p.
276 Petit Démocrate, 17 mai 1936.
277 ibid., 17 mai 1936.
278 G. DUPEUX, Le Front Populaire et les élections de 1936, Paris, Colin, 1959, p. 139.
279 BARODET, Proclamations électorales, 1936.
280 ibid.
281 Semaine Religieuse – Quimper – 3 avril 1936.
282 Semaine Religieuse du diocèse de Lyon, 3 avril 1936.
283 Bulletin du Diocèse de Reims, 4 juin 1936.
284 Y. L. ORZEC, Les Catholiques et le devoir électoral. Brochure, 1935.
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