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Centrisme et démocratie chrétienne en France

 | 
Jean-Claude Delbreil

Deuxième partie. L’affirmation 1924-1932

Chapitre III. Problèmes sociaux et internationaux 1924-1932

Texte intégral

I – PROBLÈMES SOCIAUX ET D’ORGANISATION DE LA SOCIÉTÉ

  • 1 G. HOURDIN, Année Politique, décembre 1932.
  • 2 R. CORNILLEAU, Vers la Justice sociale... mais par quelle route ? SPES, Action Populaire, 30 p.

1Le P.D.P. a également dans cette première grande période de son existence de 1924 à 1932 affirmé ses positions sur les problèmes sociaux, et tenté d’approfondir sa doctrine en face de certains aspects précis de législation sociale. Cette réflexion et ces prises de position se sont précisées à partir du programme social initial, et de plus en constante liaison avec les principales organisations du Catholicisme Social. L’influence de celui-ci dans ce domaine est restée importante sur le Parti et sa philosophie sociale, par la rencontre avec l’aile "modérée" des démocrates chrétiens. Le programme de 1924 sur le plan social était du reste illustratif de la volonté réformiste et centriste du nouveau Parti. On y retrouvait également les conceptions "syndicalistes" de la Démocratie Chrétienne et les thèmes un peu vagues d’une "part croissante à la gestion" des travailleurs. C’était largement le résultat d’un compromis, certaines tendances de gauche proches de la J.R. y ayant vite dénoncé l’influence d’un Catholicisme Social trop timide. C’est cependant cette ligne qui va largement dominer pendant toute l’histoire du Parti. Une fusion s’était aussi réalisée entre "l’esprit" des catholiques sociaux qui, selon un G. Hourdin par exemple prennent parti pour la société contre l’individu"1, et celui des démocrates chrétiens insistant davantage sur les notions de justice à réaliser dans la société, de droits individuels irréductibles et qui aboutit à une doctrine de base qui sera désormais celle de la Démocratie Chrétienne modérée : diversité des classes admise, mais rejet de la notion de "classe dirigeante" chère aux catholiques sociaux traditionnels, toutes les classes ayant les mêmes droits, et vivant leur destin autonome dans une collaboration possible et nécessaire. R. Cornilleau pose en 1925 la question : "ou bien la route de la révolution, toute arrosée de sang et semée de tombes. Ou bien la route de la paix sociale par l’organisation de la justice, la compréhension des droits, des légitimes revendications des travailleurs"2. En fait il fait surtout appel au "devoir de la bourgeoisie" pour donner un juste salaire, établir les assurances sociales, cet appel au sens social de la bourgeoisie catholique restant central dans la doctrine du P.D.P.

  • 3 Petit Démocrate, 27 novembre 1927.

2Ces conceptions doctrinales en matière sociale sont précisées autour de Politique et de M. Prelot dans la synthèse aboutissant à la théorie de la "Réforme de l’État". Celle-ci définit en effet une organisation de la société qui doit en être le soubassement. G. Hourdin rappelle pour sa part comment les Démocrates Populaires partent d’une "conception réaliste" de la société qui est l’ensemble de ses "groupements naturels". Cette théorie des "corps intermédiaires" est elle-même un des éléments de la théorie générale de l’état nouveau à établir et elle sous-tend les positions du P.D.P. Au Congrès d’Orléans en 1927, il tente de préciser les principales directions de son programme social en relation avec sa doctrine sociale. Il rappelle les positions traditionnelles du Catholicisme Social et des Encycliques. Mais s’il affirme la nécessité de compléter les conquêtes de la législation protectrice du travail, il déclare aussi qu’il ne faut pas se borner à des réformes partielles, le problème devant être vu dans le cadre plus large de l’organisation meilleure de la société3.

Problèmes Sociaux et "Mouvement Social"

  • 4 ibid., 30 août 1925, 12 septembre, 31 octobre 1926.
  • 5 Petit Démocrate, 24 mars 1929.
  • 6 ibid., 13 septembre 1925, 20 juin 1926.
  • 7 ibid., 21 juin, 1er novembre 1925.
  • 8 ibid., 23 août 1925, 10 juin 1928.
  • 9 Politique, 15 juin 1929.

3C’est donc sur le double plan doctrinal et pratique que l’on suit les développements de ce qui est appelé "le mouvement social" (titre d’une rubrique du Petit Démocrate). Le programme de 1924 demandait principalement que la législation existante soit vraiment appliquée et d’autre part complétée par les assurances sociales. C’est surtout sur le problème général des relations dans l’entreprise, de la situation du salariat, des conditions de travail qu’un effort de réflexion est engagé ; Max Turmann joue ici un rôle important au Petit Démocrate. Ce professeur au collège Libre des Sciences Sociales et à l’Université de Fribourg avait collaboré à divers groupes à la fois du Catholicisme Social et de la Démocratie Chrétienne, et avait développé des thèmes comme l’actionnariat du travail et l’actionnariat syndical. Le P.D.P. combat d’abord sur le terrain de la limitation de la journée de travail et G. Tessier dénonce dans Le Petit Démocrate en 1926 une offensive contre la journée de 8 heures4. Pour les congés payés c’est en 1926 que la C.F.T.C. avait élaboré ses premières demandes. En 1928 cette revendication figure dans le Manuel Politique et en 1929 le P.D.P. réclame officiellement "une loi accordant aux travailleurs un congé annuel payé", après étude par la Commission des questions sociales qui examine les différents textes proposés "d’un point de vue réaliste"5. Il réclame par ailleurs l’instauration de la conciliation et de l’arbitrage obligatoires, le développement des conventions collectives, la loi de 1919 étant déclarée insuffisante en 19296. La question de "l’actionnariat syndical" intéresse toujours aussi. Une "journée d’études" y est consacrée en 1925 par les milieux catholiques sociaux, sous la présidence de L. Duval-Arnould. Le système est envisagé avec faveur car "il permet aux travailleurs de s’adresser à la fois au capital et à la direction"7 et Pagès y montre un instrument important de paix sociale. On regrette de voir dans la "participation aux bénéfices” une institution sociale qui progresse trop lentement8, de même que d’autre part tout ce qui relève des "Commissions mixtes" et "Conseils paritaires". Des divergences peuvent cependant apparaître : si M. Eblé consacre dans Politique en 1929 une étude à la question de "l’actionnariat du travail" où il voit une étape vers la "démocratie sociale" pour associer le travail au capital, il se déclare partisan pour sa part de l’actionnariat individuel9.

  • 10 Petit Démocrate, 23-30 janvier 1927.
  • 11 Petit Démocrate, 27 novembre 1927.
  • 12 Politique, 15 juillet 1927.
  • 13 Petit Démocrate, 16 janvier – 6, 20 février 1927.
  • 14 Politique, 15 octobre 1927.
  • 15 Semaines Sociales de France. 21e session – 1929.
  • 16 Politique, 15 août 1929.
  • 17 Petit Démocrate, 26 janvier – 2, 3 février 1930.
  • 18 ibid., 18 mai 1930.
  • 19 Voir plus bas, p. 246.

4Les progrès sociaux à réaliser sont souvent replacés dans le cadre de ce que Ch. Flory appelle "la reconstitution du capital national"10. Des thèmes sont également favorablement envisagés comme ceux de la "rationalisation du travail" et des "méthodes américaines", à la fois pour l’organisation économique et l’organisation sociale. En 1927 le Congrès du P.D.P. parle de la nécessité d’"adapter les méthodes de rationalisation au caractère et à la situation économique du pays", d’une évolution vers une "concentration industrielle" qu’il estime être bienfaisante si elle permet l’augmentation des salaires et l’accroissement du bien-être11. Durant les années 1927-1929, et notamment à Politique se manifeste un intérêt devant les "méthodes américaines” et leurs résultats : méthodes et organisation scientifique du travail selon les principes de Taylor12. Le Petit Démocrate consacre aussi des études au "pays des hauts salaires" et là encore c’est "l’organisation du travail" qui est retenue, de même que des adaptations comme le "Fayolisme" en France13. Une influence "américaine" et "moderniste" a donc joué dans ces années sur une partie du Catholicisme Social, au cours de cette période de "prospérité" à côté des thèmes d’un "néo-capitalisme" moderniste et social. C’est l’époque où Lucien Romier expose dans Politique ses thèses sur le "déprolétarisation des masses" et les possibilités offertes par le "capitalisme de la richesse circulante", même s’il en perçoit les limites14. A ce moment les Semaines Sociales à Besançon en 1929 étudient "les nouvelles conditions de la vie industrielle", et la question centrale de la "rationalisation du travail". Eugène Duthoit s’y demande en particulier si elle est un progrès15. Une position moyenne, à la fois favorable et critique est adoptée qui influence directement le P.D.P. par Politique. Mais des disparates se révèlent. P. Vignaux dans la même revue place sur le même plan la "rationalisation" et le marxisme, mêmes produits d’une commune civilisation industrielle symbolisée par le travail à la chaîne16. D’une façon générale c’est toujours le "corpus" des idées du Catholicisme Social qui continue à inspirer ces positions, tel qu’il a été précisé par le Code Social de Malines et "l’Union Internationale d’Études Sociales" en 1927. Reille-Soult à la tribune de la Chambre en 1929 expose les grandes lignes de la doctrine sociale des Démocrates Populaires entre les doctrines libérales et socialistes. Il est affirmé constamment que l’on n’est ni des libéraux, ni des collectivistes. Une sorte de "troisième voie" est recherchée, qui prend parfois les apparences d’un "capitalisme populaire", appuyé sur ce que J. Lerolle appelle en 1930 "la réforme du salariat"17, la participation des travailleurs, l’actionnariat syndical, vers une "démocratisation du capital" (Max Turmann)18. Le syndicalisme est toujours aussi considéré dans cet ensemble comme un des facteurs essentiels de l’organisation de la société et de l’état19.

  • 20 Petit Démocrate, 12 avril, 25 octobre 1931.
  • 21 ibid., 23, 30 août 1931.
  • 22 ibid., 6 septembre 1931.
  • 23 ibid., 22 novembre 1931.
  • 24 ibid., 13 septembre, 1er novembre 1931.
  • 25 ibid., 22 novembre 1931
  • 26 Semaines Sociales de France – 23e session – 1931 – Mulhouse.
  • 27 Voir plus bas, p. 370.

5En 1931-1932, la crise économique commence à créer des interrogations dans les milieux démocrates populaires et catholiques sociaux, l’année de l’encyclique Quadragesimo Anno. Très vite on estime que les perturbations économiques et sociales sont plus graves que les statistiques ne le laissent paraître20, et l’on diagnostique une crise organique, totale, non seulement politique, sociale et culturelle, mais aussi morale21. L’explication de la crise par la "surproduction" ne tient pas non plus, le cœur du problème étant avant tout moral22. Bientôt Fr. de Menthon se demande quelle politique pratique adopter : une réduction des salaires serait difficile et injuste, et il propose plutôt une politique de grands travaux23. La question de l’amélioration des secours aux chômeurs est posée24. Le Congrès du Parti de 1931 à Lille précise sa position devant une crise dont il constate que les conséquences portent avec une particulière rigueur sur les classes qui ont le moins profité de la prospérité. La France, un temps épargnée est aujourd’hui touchée, quoiqu’elle le soit moins que d’autre pays, le problème central sur le plan social étant celui du chômage. Le Parti insiste sur l’extrême insuffisance actuelle des secours, mais sans parler d’assurance-chômage, et il dénonce ceux qui voudraient profiter de la crise pour remettre en question la législation sociale25. A partir du début de 1932, le thème est développé des raisons de la crise dans le suréquipement économique, résultat du machinisme et de la rationalisation qui commence à être critiquée, car elle n’a pas servi vraiment à libérer le travailleur. La crise cependant pour le P.D.P., loin de décourager les "ouvriers du progrès social" doit être au contraire une incitation à améliorer l’œuvre entreprise. Cette réflexion sur la crise et ses conséquences sociales peut être alimentée par la session des Semaines Sociales à Mulhouse en 1931 sur "la morale chrétienne et les affaires". Adéodat Boissard y affirme la légitimité de l’action corrective et supplétive de l’État en pareilles circonstances, tout en montrant les limites de cette intervention26. "L’Institution" est à l’honneur de cette "semaine" avec l’Abbé Bruno de Solages et le Père Villain qui parle de "l’institution corporative"27.

Action Sociale Pratique : Les Assurances Sociales

  • 28 Petit Démocrate, 8 février 1931.
  • 29 Politique, 11 février, 15 avril 1928.
  • 30 Petit Démocrate, 25 novembre 1928.

6Avant l’introduction de la crise, les Démocrates Populaires avaient pu jusqu’en 1931 développer une action sociale pratique au niveau de la législation sociale et de son application par des initiatives précises souvent en relation avec les organismes du Catholicisme Social, mais parfois de façon plus autonome. C’est d’ailleurs un domaine d’action fondamental à côté de l’action proprement politique qui est recommandé aux membres et aux sections comme étant aussi un moyen de propagande. Ph. de Las Cases proclame : "l’une des originalités de notre Parti, c’est qu’il se flatte de n’être pas seulement un mouvement d’idées politiques, mais aussi de réalisations sociales"28. Un des exemples de cette "action sociale pratique" est le "crédit populaire". Une "commission du crédit" est créée dans le Parti pour stimuler cette action. Sur la question des Assurances Sociales, le P.D.P. suit dès les débuts le destin du projet de loi dont le principe était inscrit dans son programme de 1924. On en arrive à l’élaboration de la loi du 5 avril 1928, après le vote du projet à la Chambre le 15 mars. R. Schuman dans Politique y voit "une étape importante de l’évolution sociale de la France", et G. Renard salue surtout l’acte de confiance dans la collaboration des intéressés29. Le Congrès de 1928 rappelle cependant clairement les critiques faites à la loi qui se sont exprimées au sein du Parti, venant d’une part du "corps médical" avec le docteur Mordret, porte-parole des "médecins démocrates" et d’autre part des agriculteurs : le Parti déclare que la loi doit tenir compte du cadre naturel de la vie rurale. Une grande souplesse est recommandée pour l’application30. Dans les milieux catholiques, la F.N.C. se préoccupe activement de la mise en place des "caisses primaires" la loi se heurtant toutefois à de multiples oppositions.

  • 31 ibid., 21, 28 avril 1928.
  • 32 Petit Démocrate, 21 juillet 1929.
  • 33 Archives Évêché de Lille – Dossier 5. Assurances Sociales.
  • 34 Archives Évêché de Lille – Correspondance Edouard Leriche.
  • 35 Petit Démocrate, 18 juin 1929.
  • 36 ibid., 30 juin, 18 août, 27 octobre 1929.
  • 37 ibid., 17-24 novembre 1929.
  • 38 ibid., 9 février 1930.
  • 39 Politique, 15 février 1930.

7Un clivage se produit ici sur les revendications des agriculteurs. G. Sangnier de la "Commission rurale" s’oppose à Ph. de Las Cases qui estime que les concessions faites aux agriculteurs pourraient constituer un danger31. Une majorité se dégage néanmoins au P.D.P., mais aussi dans les milieux catholiques sociaux et syndicalistes chrétiens pour dénoncer ce que Ph. de Las Cases appelle "une étrange manœuvre contre la loi", la "loi folle" comme disent ses adversaires. Le Petit Démocrate reproduit l’affiche "les Assurances Sociales sont en péril" contre tout ajournement de la loi, signée par la C.F.T.C., la C.F.P., l’U.F.C.S., l’Union des Secrétariats Sociaux, la Commission générale des Semaines Sociales32. Certains milieux de la Hiérarchie semblent être inquiétés alors de voir l’opinion catholique désorientée par ces campagnes33. Il faut absolument éviter que les catholiques participent à un acte de régression sociale. Un "comité d’étude et de propagande pour les Assurances Sociales" est constitué en janvier 1929 à l’Évêché de Lille sous la présidence de Mgr Lienart. Mais deux conceptions se révèlent, l’une autour de la F.N.C., l’autre autour des "mutuelles familiales" (Edouart Leriche), plus proche du P.D.P....34. Au Conseil National de juin si les réserves des médecins et des agriculteurs sont toujours exprimées, on déclare que si la loi prête à des critiques, les deux catégories concernées ne doivent pas servir de paravent à ceux qui cherchent à détruire une loi sociale35. J. Lerolle pense de même que la majorité du Parti que la solution proposée par les syndicats médicaux est inadmissible36. Au Congrès de décembre, une journée d’étude de l’Association des Médecins Démocrates aboutit à demander que l’on tienne compte de ses suggestions sur les bienfaits de la médecine individuelle. Mais le Congrès maintient la ligne du Parti. S’il se déclare prêt à discuter des amendements nécessaires à l’application pour les médecins et les agriculteurs, il se proclame hostile à toutes les manœuvres qui tendent à ajourner l’application de la loi37. Au début de 1930, Lerolle estime désormais que sur cette question il convient de se prononcer sans équivoque, et il intervient en ce sens à la Chambre38. Politique veut détruire les affirmations des milieux conservateurs, à propos des dangers économiques de la loi qui se justifie de toute façon par ses avantages sociaux39. Les modifications acceptées par le Parlement aboutissent à la nouvelle loi du 30 avril 1930, et l’on se réjouit qu’elle soit enfin votée, même si elle n’est pas encore parfaite. G. Sangnier se félicite de la conservation au moins partielle de la gestion autonome réclamée pour l’agriculture et le docteur Mordret semble accepter le principe des "conventions" avec le corps médical. En tout cas l’heure des "polémiques" étant passée, il faut à présent appliquer la loi et l’appliquer bien. En effet pour J. Lerolle la partie n’est pas définitivement gagnée, les lois sociales ne pouvant vivre qu’acceptées et soutenues par l’opinion.

  • 40 G. TESSIER, En face des Assurances Sociales, Paris, SPES, 1929, 44 p.

8Dès 1928, de nombreux militants et dirigeants Démocrates s’étaient intéressés aux "caisses primaires" d’Assurances Sociales ou en avaient pris la direction. C’était ici une des dimensions de "l’action sociale pratique" recommandée. Le P.D.P. s’est trouvé souvent sur cette question lié à la C.F.T.. C., pour le soutien, la défense de la loi et son application. Dès 1924, la C.F.T.C. avait envoyé des lettres aux parlementaires au sujet des Assurances Sociales40. Le P.D.P. avait également participé aux côtés de certaines personnalités proches à un "comité central" d’étude des questions relatives aux assurances, et il reste en contact étroit dans une action concertée avec les milieux catholiques sociaux et syndicalistes chrétiens. Les parlementaires alsaciens et lorrains montrent l’exemple de leur région, et aussi des hommes comme Lerolle, De Las Cases, qui se disent en faveur d’une vieille revendication du Catholicisme Social.

Politique Familiale et Allocations Familiales

  • 41 A ce sujet :
     – P. TALMY, Histoire du mouvement familial en France.
     – Renée COIRARD, L’apport des Ca (...)

9La politique familiale est une autre grande direction de "l’action sociale pratique" des Démocrates Populaires et de l’ensemble du Catholicisme Social, s’inscrivant dans une tradition permanente qui a débouché sur des réalisations concrètes par la loi sur les Allocations Familiales obligatoires de 1932. On a eu affaire ici à un des exemples les plus illustratifs de connexion de l’action politique et parlementaire du P.D.P. avec le Catholicisme Social à partir du programme de 1924 qui plaçait la "politique familiale" en tête des "questions sociales" et réclamait l’institution du "sursalaire familial" obligatoire pour toutes les professions. Dans le Catholicisme Social existaient de grandes organisations comme la "Fédération Nationale des Associations de Familles Nombreuses" dirigée par Georges Pernot à partir de 1930, la "Confédération Générale des Familles" de Jean Guiraud41. Le mouvement familial catholique avait parmi ses cadres de nombreux représentants du P.D.P., aux côtés d’autres tendances. Ses revendications portaient sur des domaines divers : encouragement à la natalité, au-delà d’un clivage débordant le Catholicisme Social entre "natalistes" et "familiaux", protection de la famille dans le sens de la défense de la morale chrétienne traditionnelle.

  • 42 Petit Démocrate, 14, 28 juin 1925.
  • 43 ibid., 27 novembre 1927.

10Au Parlement s’était constitué un "Groupe de défense de la natalité et de la famille" qui comptait 359 membres en 1928, et en fait tous les députés catholiques et les Démocrates Populaires. L’apport sera assez important de ces catholiques sociaux à la législation familiale et les Démocrates Populaires y contribueront. Dans ce sens aussi les catholiques sociaux et un certain patronat catholique avaient été souvent des pionniers, avec les initiatives prises par les "caisses de compensation" en particulier, et l’exemple d’un Romanet à Grenoble. Les catholiques sociaux avaient déposé dès 1920 une proposition de loi qui tendait à l’attribution d’allocations aux familles nombreuses, mais de gros obstacles subsistaient pour l’application pratique et la généralisation légale. Les Démocrates Populaires sont immédiatement confrontés à ce problème et ils posent très vite la question de "l’obligation légale" devant relayer la simple initiative privée. L. Siefridt déclare en 1925 que ces allocations doivent devenir obligatoires par une intervention de l’État, ce qui suscite la réaction de G. Bonvoisin, directeur du Comité Central des Allocations Familiales qui estime qu’il exagère l’insuffisance des résultats obtenus42. Mais un certain clivage divise les catholiques sociaux sur le principe de l’obligation légale. Le Congrès du P.D.P. de 1927 parle d’une "politique de la population" qui avantagerait les familles nombreuses et instituerait un régime "professionnel" d’allocations familiales obligatoires. L’union des catholiques sociaux tend à se faire sur cette expression43. Le Manuel de 1928 affirme également qu’il faut envisager le temps où la loi rendra obligatoire pour tout patron l’affiliation à une caisse de compensation. Dans la législature de 1928 le groupe démocrate prend avec Jean Lerolle l’initiative de la proposition de loi du 24 janvier 1929 qui tend à rendre obligatoires les allocations familiales.

  • 44 Petit Démocrate, 17 mai, 20 septembre 1931.

11La proposition Lerolle, tout en s’inscrivant dans le contexte de l’obligation fait appel essentiellement à l’initiative privée pour l’organisation des caisses, et prévoit une procédure confiant à des Commissions régionales composées à nombre égal de salariés et d’employeurs la détermination du taux des allocations. On y voit l’introduction d’un "système de collaboration sociale". La proposition est largement soutenue et inspirée aussi par la C.F.T.C. Une proposition de loi Landry, allant dans le même sens est également déposée. Dans ces conditions est constituée par le Ministère du Travail une "Commission Supérieure des Allocations Familiales", à qui est soumis un projet gouvernemental qui va vers l’obligation. Ce projet vient devant la Commission du travail et de la Chambre qui désigne comme rapporteur son vice-président Lerolle et celui-ci dépose son rapport en juillet 1930. La Chambre vote en mars 1931 le projet de loi gouvernemental et la loi est promulguée en mars 1932. Au P.D.P. on met l’accent sur le fait que le projet adopté est conçu de façon à permettre une généralisation par étapes et par zones professionnelles principalement pour l’agriculture44. On se réjouit de ce "succès Démocrate Populaire", en rappelant l’initiative du groupe qui en fut une des origines. Ainsi, le P.D.P. avait joué un rôle indéniable mais moins grand qu’on ne l’a affirmé, si l’on a retrouvé certains de ses principes dans la loi adoptée.

II – LES PROBLÈMES RURAUX

12Une direction privilégiée de la politique sociale du P.D.P. a toujours été la politique agricole, en relation avec certaines caractéristiques fondamentales du Parti sur le plan de sa sociologie et de ses appuis dans le monde paysan. Incontestablement, une "doctrine rurale" spécifique a été peu à peu élaborée. Cette doctrine et les attitudes face aux problèmes ruraux ont soulevé des questions, liées à celles des conflits de tendances à l’intérieur même du Parti.

  • 45 A.D. Finistère – Archives P. TRÉMINTIN – 104 J 20. Politique agricole du P.D.P. – 7 feuillets.
  • 46 Voir plus bas, p. 244.
  • 47 Petit Démocrate, 27 novembre – 11-18 décembre 1927.

13Le programme de 1924 consacrait un titre spécifique à la "politique rurale”, annonçait certaines des grandes directions principales de l’inspiration et de l’action du Parti, et que précise P. Trémintin : la politique agricole du P.D.P. est pour lui fondée essentiellement sur la famille et la terre, et elle est au centre de la doctrine économique et sociale du Parti. Elle reflète un esprit de liberté et d’émancipation sociale, qui doit se réaliser dans un cadre favorisant la famille rurale, le retour à la terre, la lutte contre l’exode rural45. Très tôt aussi apparaît au Petit Démocrate la signature de "Grindorge", prêtre appelé par l’Abbé Trochu à collaborer à L’Ouest Éclair, "afin de jouer un rôle efficace dans l’éducation des milieux ruraux”. Dans le journal de Rennes et celui du P.D.P., il défend des thèses assez proches de celles des syndicats de "cultivateurs-cultivants" de l’Abbé Mancel46. Mais en fait dès le début plusieurs tendances et plusieurs influences se sont révélées sur les problèmes ruraux, ainsi celle du "Secrétariat Central d’Initiatives Rurales" ou "S.C.I.R.", fondé par d’anciens sillonnistes et auquel il est souvent fait référence dans le journal Démocrate. Une enquête est ouverte auprès de ses adhérents en 1925 sur la proposition Jadé d’indemnité de plus-value au fermier sortant. Une "Chronique Rurale" assez régulière apparaît au Petit Démocrate où J. Grindorge en particulier développe certains de ses thèmes allant dans le sens de "l’Émancipation Paysanne". Mais on peut se demander si la tendance de "Grindorge" a représenté la tendance majoritaire du Parti, et il ne le semble pas car des positions plus traditionnelles ont été adoptées aux Congrès. En 1927 est prévue une "Journée Rurale" préparée par une enquête du "Bureau d’Études". Les rapports sont établis par un certain nombre de personnalités qui vont jouer un rôle de plus en plus essentiel pour la détermination de la politique rurale du Parti : Georges Sangnier, maire de Blangermont dans le Pas-de-Calais et Michel Froissart notamment47. Les vœux adoptés resteront à la base du programme rural du Parti, et cela sous trois rubriques essentielles : questions sociales, questions fiscales et économiques, organisation professionnelle. On propose un programme de développement de l’enseignement dans les campagnes, un soutien aux Caisses de Crédit Agricole, une adhésion aux Caisses de Compensation, et aussi le vote de la loi sur l’indemnité de plus-value conformément à la proposition Jadé. Dans le domaine fiscal et économique, un programme complet est développé. Pour "l’organisation professionnelle", il est demandé que des crédits suffisants soient octroyés aux Chambres d’Agriculture et que les militants du Parti soient actifs dans les organisations agricoles.

  • 48 Petit Démocrate, 2, 23, 30 septembre 1928.
  • 49 ibid., 27 novembre 1928.

14En 1928, c’est surtout le problème de l’application de la loi des Assurances Sociales à l’agriculture qui est au premier plan. Écho est fait aux réticences des "syndicats de la Rue d’Athènes" face à une organisation administrative pouvant étouffer les mutualités sous un lourd appareil étatique et contraire à la conception "mutualiste et professionnelle" que l’on voudrait voir triompher48. Après le vote de la loi, G. Sangnier fait adopter par la Chambre d’Agriculture du Pas-de-Calais un vœu sur la gestion par des caisses mutuelles professionnelles. Malgré ces réticences, le P.D.P. se déclare majoritairement en faveur de l’application de la loi et réclame seulement une grande souplesse pour l’agriculture49.

Victoire des Tendances Traditionnelles

  • 50 Politique, 10 juillet 1929.
  • 51 Petit Démocrate, 17 novembre 1929.
  • 52 ibid., 1 septembre 1930.
  • 53 Ph. DE LAS CASES, Guide Pratique d’Action Rurale, Paris, Bloud et Gay, 1931, 95 p
  • 54 Petit Démocrate, 26 juillet – 10 août 1931.

15En 1929 apparaît dans Le Petit Démocrate la rubrique "Mon Village", d’où disparaît pratiquement Grindorge, la présence étant accentuée en revanche des membres de la future "commission rurale" créée en 1931. Le problème d’une "crise agraire" est nettement posé et G. Sangnier dans Politique expose les particularités de la profession agricole, rebelle à l’organisation collective50. Le Petit Démocrate fait écho aux nouvelles critiques des présidents des Chambres d’Agriculture face aux Assurances Sociales. Au Congrès de 1929 le P.D.P. parle ainsi d’une "crise agricole" et d’un mouvement de mécontentement Face à cette crise, il réclame une "véritable politique agraire", économique et sociale51. En tout cas il essaie toujours de maintenir le volet social de la politique agricole. Pour l’application des Allocations Familiales à l’agriculture, on estime que celle-ci ne pourra pas s’abstenir52. C’est en 1931 que se constitue véritablement la Commission Rurale qui décide l’étude immédiate de plusieurs questions urgentes comme l’adaptation de la loi des Assurances Sociales aux conditions rurales, l’indemnité de plus-value, les Allocations Familiales53. Mais G. Sangnier défend l’application par la profession agricole elle-même de ces lois, l’action sociale devant être menée par l’organisation professionnelle, la mutualité, le crédit rural54.

  • 55 Brochure – Bureau d’études du P.D.P. – Le Programme Rural du P.D.P. éditions du P.D.P., 7 p., s.d.
  • 56 J.O. Débats – Chambre, 17 novembre 1928.
  • 57 ibid., 7 février – 27 avril 1930.

16Le Congrès de Lille en 1931 élabore une nouvelle mouture du programme rural du Parti, cette fois directement influencée par la "Commission Rurale". Il parle en effet d’"éléments ébauchés" à la Journée Rurale de 1927 ou au Congrès de Nancy en 1929, tout cela "ayant besoin d’être groupé, coordonné, complété" autour de trois idées directrices : prééminence de la famille, caractère particulier de la "cité villageoise", vie professionnelle agricole à organiser entre les divers éléments de la profession55. Un "programme rural" complet est à nouveau élaboré. Il envisage une "protection de la famille rurale", une "émancipation du village" et une "organisation de la profession" en plusieurs volets : pour les salariés agricoles, allocations familiales, assurances sociales et logement assuré. Pour les exploitants, fermiers et métayers, indemnité de plus-value, aménagement des baux ruraux, accession à la propriété. La tendance de la "Commission Rurale" triomphe sur le caractère "professionnel" de l’organisation du monde agricole et des lois sociales le concernant, dans un cadre rassemblant tous ses membres au-delà de sa diversité sociologique et des oppositions éventuelles entre propriétaires, exploitants, salariés. L’insistance sur le caractère "professionnel" de l’organisation à créer est l’élément le plus évident de cette tendance représentant une moyenne bourgeoisie rurale, catholique sociale modérée. Certains heurts de tendance se produiront dans ces conditions au cours des années 1930. Dans toute cette période parallèlement le groupe parlementaire a développé une partie de son activité en direction des problèmes agraires. P. Trémintin le 17 novembre 1928 expose le programme agraire du Parti et les revendications des agriculteurs, montre la nécessité d’un syndicalisme rural organisé, d’un crédit agricole aux possibilités accrues56. Pour les Assurances Sociales dans l’agriculture, Lerolle et Durand interviennent en février et avril 1930 dans le but de dénoncer l’hostilité sourde de certains à la loi57. Sur le plan des propositions de loi, la plus importante est la proposition Jadé de 1925 sur l’indemnité de plus-value (adoptée par la Chambre le 17 mars 1928). En novembre 1930, Trémintin dépose une proposition de résolution invitant le Gouvernement à demander l’inscription à l’ordre du jour du Sénat du projet voté par la Chambre.

"Cultivateurs-Cultivants"

  • 58 A ce sujet : Archives Yves Le DANTEC. Notes sur les "Syndicats MANCEL”
     – Henri PITAUD, La Terre aux (...)
  • 59 Progrès Rural, février-avril 1926.

17Cette action rurale avait posé certains problèmes spécifiques comme celui des relations avec le syndicat des "cultivateurs-cultivants” de l’Abbé Mancel. Ce mouvement remontait pour ses origines avant 1914, autour de L’Ouest Éclair et de l’Abbé Trochu. Étaient alors apparus le mouvement et les idées de "l’Émancipation Paysanne" qui s’opposait à l’idée jusqu’ici traditionnelle dans les milieux catholiques sociaux et les Syndicats paysans de "l’unité de la classe paysanne" avec les propriétaires. Grindorge (pseudonyme de l’Abbé Geffriaud) avait développé ces thèmes soutenus par une tendance de la Démocratie Chrétienne58. C’est surtout après la guerre que le mouvement prend son essor derrière l’Abbé Mancel, ancien sillonniste, l’Abbé Crublet et Grindorge. Un journal est lancé en 1921, Le Progrès Rural qui a le soutien de l’Abbé Trochu et de L’Ouest Éclair, tandis que Grindorge qui tient une chronique à la fois dans L’Ouest Éclair et Le Petit Démocrate définit les conditions de ce qu’il appelle "l’indépendance paysanne"59. Il était cependant évident que l’on s’opposait en particulier dans l’Ouest aux Syndicats traditionnels de "l’Office Central" de Landerneau. Par ailleurs, on reconnaît que ce mouvement est formé essentiellement de paysans catholiques.

  • 60 Petit Démocrate, 28 novembre 1926.
  • 61 Progrès Rural, 8, 15 janvier 1928.
  • 62 ibid., 1er avril 1928.
  • 63 A.D. Finistère. Archives P. TRÉMINTIN. Décembre 1927.
  • 64 Intérêt Français, 27 juin, 4 juillet, 8 août 1928.
  • 65 Action Française, 30 mars 1928.
  • 66 Progrès Rural, 22 septembre, 14 octobre, 30 décembre 1928.
  • 67 Archives évêché de Lille – 53 – Rapport VANNEUFVILLE –
  • 68 Archives du diocèse de Lille – Archives VANNEUFVILLE. Lettre à l’Abbé TROCHU, 15 février 1928.

18En septembre 1926 a lieu à Antrain le Congrès de la "Fédération des Syndicats paysans de l’Ouest" où Grindorge voit "un point de départ encourageant". Une organisation d’esprit voisin est créée avec "l’Entente paysanne du Centre et de l’Ouest" et son organe Le Courrier Agricole. Une "Ligue des Paysans de l’Ouest" est lancée au début de 1927 mais qui est autonome par rapport à la "Fédération". Dès le Congrès du P.D.P. de 1926, Desgrées du Lou attire l’attention du Parti sur ce qu’il appelle "un mouvement extrêmement important tendant à l’organisation professionnelle paysanne"60. C’est surtout l’indemnité de plus-value au fermier sortant qui est exigée, en liaison avec la proposition Jadé. Le Progrès Rural publie la liste des députés qui la soutiennent à la Chambre. Beaucoup de députés "U.R.D." sont alors dénoncés pour leur attitude61. Il peut se poser ainsi le problème des relations exactes entre le P.D.P. et les syndicats, par l’intermédiaire de l’Abbé Trochu et de L’Ouest Éclair. Au Progrès Rural, on répète néanmoins constamment qu’on ne veut pas faire de politique. A la veille des élections de 1928, la Ligue réaffirme qu’elle ne se laissera pas entraîner sur le terrain de la politique électorale et demande simplement aux candidats s’ils sont prêts à faire aboutir les revendications paysannes62. Du côté Démocrate Trémintin répond en 1927 au Président de la Ligue qu’il a pris connaissance de ses revendications après échange de vue avec ses collègues de Bretagne. La plupart de celles-ci sont inscrites dans le programme du Parti et ont fait l’objet de propositions de loi. Il ne lui paraît pas nécessaire de leur donner une adhésion individuelle et il critique certaines formulations excessives63. Les attaques commencent à devenir plus vigoureuses contre ces syndicats. Cavalier dans L’Intérêt Français les décrit comme étant soutenus par "le journal démocrate populaire Ouest Éclair"64. L’Action Française participe aussi à cette campagne et Maurras parle d’une "jacquerie sacrée" dans l’Ouest soutenue par les démocrates chrétiens65. Cependant le "Congrès paysan" de 1928 réaffirme le caractère "professionnel" que doivent revêtir les Assurances Sociales pour l’agriculture et Le Progrès Rural accueille favorablement les propositions de G. Sangnier dans Le Petit Démocrate66. Malgré tout le mouvement qui revendique 12 000 adhérents en 1928 s’est heurté à bien des obstacles et c’est de l’Archevêché de Rennes que vient la réaction la plus efficace par le départ de l’Abbé Trochu de L’Ouest Éclair en 1930, qui entraîne bientôt également celui de l’Abbé Mancel. Les critiques contre des syndicats qualifiés de "lutte des classes" avaient joué un rôle dans la crise du journal de Rennes, même si Mgr Vanneufville par exemple avait estimé qu’ils étaient loin d’être animés par cet esprit67. Face à cette affaire toutefois, le P.D.P. s’est toujours tenu dans une grande réserve officielle à l’égard des syndicats mancellistes, malgré la présence de Grindorge au Petit Démocrate. La connexion a surtout existé par l’intermédiaire de l’Abbé Trochu et des appuis de L’Ouest Éclair au journal du P.D.P. (ou il a pu imposer au départ la présence de Grindorge). Par ailleurs, l’esprit des "cultivateurs-cultivants" (avec la marque sillonniste et des "Abbés Démocrates") était assez proche de certaines tendances du Parti. Mais, en dépit des relations qui ont pu exister, comme dans le Finistère, elles sont toujours restées informelles et l’on est demeuré très prudents de part et d’autre pour ne pas se compromettre. De plus on peut estimer qu’une majorité du Parti, même dans ses milieux ruraux, était assez extérieure à ce mouvement. Mgr Vanneufville avait aussi vu le paradoxe de la situation interne créée pour le P.D.P. du fait de ces différents types de liaisons sur le plan agraire, de la Ligue des Paysans à Ph. De Las Cases, Président des syndicats agricoles de sa région68.

  • 69 Archives Chantilly – Brochures et Papiers sur le S.C.I.R.

19D’autres influences et d’autres connexions ont joué pour le P.D.P., comme celle du "S.C.I.R.", qui veut faire revivre l’esprit de l’ancien "Sillon Rural" définitivement fondé à Paris en 1920 comme groupement rural autonome au sein de la Ligue Nationale de la Démocratie par rapport à laquelle elle prend rapidement son indépendance. Son but est de rassembler les "démocrates ruraux". Elle a un programme comportant l’organisation professionnelle agricole, la reconstitution de la famille paysanne, l’indemnité de plus-value69. Parmi les membres de son comité central, on trouve Arsène Couvreur, Claudius Metton, Isidore Pasquier, Charles Dauchez, Saik Ar Gall, etc... Elle veut en tout cas récuser toute liaison organique avec la Jeune République et Marc Sangnier. Son homonyme, Georges Sangnier, du P.D.P., a adhéré au S.C.I.R. De fait celui-ci regroupe des démocrates chrétiens de diverses obédiences et certains de ses membres se retrouvent dans la "Commission Rurale" du P.D.P. Mais des membres de la J.R. en font aussi partie. En fait c’est surtout un groupe de réflexion sur les problèmes agraires au service de la "Démocratie Chrétienne".

III – SYNDICALISME, MOUVEMENTS SOCIAUX, C. F.T.C.

20Le P.D.P. a aussi témoigné de son intérêt à l’égard du "monde du travail", de la "question ouvrière" et de la "question sociale". Si la volonté est toujours apparue d’isoler les problèmes de chaque classe sociale, le "Bien commun" et la nécessaire solidarité des classes étant les éléments fondamentaux, une volonté spécifique s’est révélée de s’intéresser de façon privilégiée à ces problèmes. Il était clair de plus que les réponses qu’il allait y apporter seraient des éléments importants de son classement sur l’échiquier politique et idéologique. Ce qui fondait partiellement l’existence du Parti, c’était un refus du classement à droite sur le clivage religieux et la volonté d’un reclassement à la fois sur les questions politiques générales, les problèmes internationaux et les questions sociales, pouvant le resituer au centre, sinon même au Centre Gauche et à la gauche d’un parti comme l’Alliance Démocratique.

Positions Générales et Problèmes

  • 70 Petit Démocrate, 29 mai 1927.
  • 71 ibid., 24 février, 4 août, 6 octobre 1929.
  • 72 ibid., 7 août 1927, 27 septembre 1929.
  • 73 ibid., 9 août 1931.

21On peut se demander ce qu’il en a été vraiment de cette volonté dans les faits, face aux questions sociales précises posées par l’évolution du monde du travail. Le problème va se poser de la "doctrine syndicale" du P.D.P. et de ses positions générales face au "mouvement ouvrier" et à un aspect spécifique, celui de ses relations avec la centrale syndicale créée en 1919 dans l’esprit du Catholicisme Social, la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens. La doctrine syndicale du Parti était développée dans le programme de 1924 qui se prononçait pour un syndicalisme "vraiment professionnel", donnait comme exemple la C.F.T.C. et réclamait la collaboration des syndicats patronaux et ouvriers. L’influence du Syndicalisme Chrétien organisé avant la naissance du P.D.P. s’était révélée à ses origines, au niveau de ses cadres et militants, combinée de plus à la dimension spécifique du Syndicalisme Chrétien d’Alsace-Lorraine. Ainsi, sa "doctrine syndicale" sera toujours un des éléments qu’il mettra en avant pour se distinguer de la Droite libérale classique notamment dans ses contacts avec les "Jeunes Équipes". Le P.D.P. suit dès ses origines avec une grande attention et une grande sympathie au Petit Démocrate les développements du Syndicalisme Chrétien, et fait écho à ses Congrès. Max Turmann veut voir aussi désormais la force face aux internationalistes révolutionnaires de l’Internationale Syndicale Chrétienne (C.I.S.C.) dont fait partie la C.F.T.C.70. Celle-ci est constamment proposée comme l’exemple de syndicalisme à suivre face aux "syndicats révolutionnaires" de la C.G.T. et de la C.G.T.U. Cette dernière est décrite comme totalement inféodée au P. C. et on se réjouit de son déclin71, si l’on constate l’évolution de la C.G.T. vers des méthodes réformistes72. Mais seule la C.F.T.C. réalise une véritable indépendance à l’égard de la politique73.

  • 74 Petit Démocrate, 8 septembre, 15 novembre 1929..
  • 75 ibid., 18 janvier 1925 – Ouest Éclair, 3, 5, 16 janvier 1925.
  • 76 J.O. Débats – Chambre, 15 janvier 1925.
  • 77 Petit Démocrate, 9 août 1925.
  • 78 Petit Démocrate, 30 août – 6, 27 septembre 1925.
  • 79 C.F.T.C. Circulaire n° 55, novembre-décembre 1925.

22Les questions syndicales intéressent toujours le Parti et ses organes, ainsi celle du syndicalisme des fonctionnaires, abordée et résolue dans le sens d’un "statut des fonctionnaires" leur accordant le droit syndical74. Mais le P.D.P. doit aussi prendre position au cours des premières années sur un certain nombre de conflits sociaux où il s’est trouvé impliqué et il a dû préciser sa doctrine sociale et syndicale. Ainsi en est-il pour le conflit sardinier dans le Finistère impliquant également L’Ouest Éclair. Ce conflit éclate à Douarnenez en 1924 et les députés Démocrates du Finistère (Balanant, Jadé, Simon, Trémintin) auxquels s’étaient joints Henry et Inizan lancent un appel à l’esprit de conciliation des patrons et ouvriers (publié par L’Ouest Éclair du 31 décembre 1924). S’il affirme la légitimité de certains motifs de la grève, il met en cause le rôle d’agitateurs politiques, en particulier communistes. Mais des incidents se produisent dont les communistes rendent responsables l’appel de L’Ouest Éclair et les députés Démocrates qualifiés de "cyniques". Jadé réplique en flétrissant à la fois les menées communistes et celles de certains "briseurs de grève"75. Il intervient à la Chambre le 15 janvier 1925. Interpellé par Cachin il montre que son Parti n’a rien de commun avec les conservateurs et que sa doctrine récuse autant les syndicats "politiques" que les syndicats "jaunes"76. Mais son ordre du jour est repoussé, tandis qu’un incident violent a lieu entre Balanant et le communiste Goude. Après l’affaire de Douarnenez surgit celle de la grève des employés de banque où se révèlent clairement les liaisons avec la C.F.T.C. On parle d’employés en grève pour obtenir un juste salaire dans un mouvement qui n’est pas de lutte des classes77. Trémintin interpelle le Ministre du Travail, en estimant que les efforts de conciliation ont rencontré une résistance, pendant que Raymond-Laurent entreprend des démarches au Conseil Municipal de Paris. Devant une grève qui se termine sans résultat, il parle d’employés lâchés par la presse et le Gouvernement78. Le P.D.P. avait montré ses sympathies à l’égard de la catégorie sociale des employés dans une grève largement soutenue par la C.F.T.C. qui d’ailleurs se félicite du soutien de parlementaires comme Trémintin à la Chambre79.

C.F.T.C. et P.D.P.

  • 80 C.F.T.C. Circulaire n° 49, janvier 1925.
  • 81 C.F.T.C., Circulaire n° 52, avril 1925.
  • 82 C.F.T.C., Circulaire n° 61-63, janvier-avril 1927.
  • 83 C.F.T.C., Circulaire n° 68, janvier-février 1928.

23A la C.F.T.C. la question de l’intervention éventuelle des membres de la centrale dans la vie politique est abordée par le Bureau Confédéral le 11 décembre 1924, à propos des élections municipales. Déjà pour les élections législatives la décision avait été prise en octobre 1923 que les dirigeants ne pourraient faire acte de candidature sans l’assentiment du bureau. En vue des Municipales, deux tendances se révèlent, l’une estimant (Broutin et Tessier) que le problème se pose de façon différente80. Le Comité National du 19 avril aborde de façon plus large le problème des relations de la C.F.T.C. avec l’action politique. Selon Zimheld une entrée éventuelle dans la lutte politique entraînerait des risques incalculables. Le Comité devant un certain heurt de tendances adopte une motion de Michelin qui demande que la question soit étudiée jusqu’au Congrès de 192681. Mais l’examen de la question traîne et on décide encore en 1927 de ne pas la mettre à l’ordre du jour du prochain Congrès, tout en renouvelant les conseils de prudence déjà donnés82. Un embarras était apparu pour aborder de front la question, reflétant la complexité de certaines situations. Avant les élections de 1928 la C.F.T.C. précise "face aux attaques d’adversaires" qui l’accusent de "pactiser avec tel ou tel parti politique" que les travailleurs appartenant à une organisation professionnelle ont le devoir de remplir leurs obligations civiques et le droit absolu de s’affilier à un parti. Mais les dirigeants de la C.F.T.C. ont toujours montré le souci de ne pas se mêler aux luttes de partis et aux compétitions électorales83. La participation individuelle est donc acceptée, voire recommandée, mais de façon prudente pour l’adhésion militante surtout des dirigeants.

24Effectivement ceux-ci ont évité de paraître directement dans les organes directeurs du P.D.P., mais cela n’a pas empêché un certain nombre de problèmes. Ainsi Bilger et Michelin membres de la Commission Exécutive du P.D.P. le furent aussi du Bureau Confédéral de la C.F.T.C. Il y a eu des "conseillers juridiques" de la C.F.T.C., membres officiels du Parti comme Ph. de Las Cases, J. Tourret, J. Lerolle, A. Michelin, Champetier de Ribes lui-même, prouvant les liens privilégiés entre la centrale chrétienne et les catholiques sociaux qui s’étaient orientés vers le P.D.P. En dehors de Gaston Tessier, un certain nombre de leaders de la C.F.T.C. ont appartenu de façon notable à la fois à la centrale et au P.D.P. en militant des deux côtés : Maurice Guérin, délégué à la propagande de la C.F.T.C., dans le Nord à côté de Broutin, Victor Diligent et Léon Vieillefon, à Marseille Nicolas Caccavale. Quant à la carte du développement du Syndicalisme Chrétien dans les années 1920, si elle ne correspond pas exactement à celle du P.D.P. (avec surtout une carence du développement de la C.F.T.C. dans l’Ouest), un parallélisme s’y manifeste cependant pour d’autres régions : Nord, région parisienne, région lyonnaise. Dans de nombreuses régions en fait le soutien paraît avoir été réciproque, comme dans le Nord où se révèle le mieux une imbrication entre la dimension sociale et la dimension politique dans ces fractions du Catholicisme français, et une sorte d’interaction et de synergie. De plus se pose le problème spécifique des Alsaciens liés à l’U.P.R.

  • 84 M. LAUNAY, op. cit., p. 1073.
  • 85 M. LAUNAY, op. cit., pp. 1184-1190.

25Les relations sont constantes et multiformes au niveau des individualités, même si la prudence domine de part et d’autre pour ne pas prêter à des accusations de collusion. Au Parlement les relations sont nettes avec certains députés alsaciens du groupe démocrate ou des élus comme Jadé et Trémintin. Le groupe démocrate dépose une proposition sur le statut des employés, largement préparée en fait par la C.F.T.C. Ainsi peut se poser le problème à la limite d’un aspect de "courroie de transmission" qu’auraient pu avoir le P.D.P. et son groupe par rapport à la centrale chrétienne. C’est en tout cas le Parti dont l’idéologie se rapproche le plus de celle de la C.F.T.C. Un parallélisme d’ensemble a pu être établi entre le Syndicalisme Chrétien et son idéologie dans l’entre-deux-guerres et la Démocratie Chrétienne sous la forme politique qu’elle a alors connue par le P.D.P. ; attitude "centriste" sur le plan social pour l’un et au niveau politique pour l’autre, hostilité à la fois au libéralisme économique et au socialisme, et volonté de constituer un "Centre" idéologique84. Cette solidarité et ce parallélisme sont le fait également d’un "réseau de relations" qui dessine des interconnexions profondes : c’est en fait le même milieu que l’on retrouve autour de ceux qui soutiennent à la fois le P.D.P. et la C.F.T.C. Michel Launay fait figurer le P.D.P. dans l’ensemble de ce qu’il appelle "l’anneau de soutien" autour de la C.F.T.C. qui comprendrait également une partie de l’Épiscopat allié et sympathisant (qui ne recouvre pas toujours les sympathisants à la Démocratie Chrétienne), des éléments des ordres religieux comme les Jésuites (Action Populaire), et un "entourage laïc" formé de "catholiques fervents, démocrates républicains intéressés par les problèmes de société", la C.F.T.C. baignant dans cet environnement "comme dans un milieu nutritif"85. Cependant on pourrait se demander si le soutien n’a pas joué de façon réciproque. Si le P.D.P. apparaît avoir été un des éléments de "l’anneau de soutien" à la C.F.T.C. sur le plan politique et parlementaire, il a pu bénéficier lui-même d’une sorte d’"anneau de soutien" dans les milieux du Catholicisme Social et du Syndicalisme Chrétien, en y puisant une partie de sa sève, de ses sources humaines et aussi idéologiques. Un grand nombre de syndiqués chrétiens furent également membres du P.D.P. de façon individuelle, du fait de l’existence de sections surtout ouvrières, dans le Nord, la Saône-et-Loire, l’Oise. L’appui numérique des syndiqués chrétiens peut avoir été non négligeable également dans le domaine électoral. Mais une disproportion est demeurée entre les effectifs de la C.F.T.C. et ceux du P.D.P., une très grande majorité des syndiqués chrétiens n’étant pas membres du Parti qui n’en a accueilli que quelques milliers

  • 86 Archives Gaston TESSIER – Dossier P.D.P.
  • 87 ibid., Lettre au Docteur THIBOUT, 19 février 1926.
  • 88 M. LAUNAY, op. cit., pp. 2028-2058.
  • 89 Archives G. TESSIER – Correspondance R.-LAURENT, 17 avril 1931.

26Gaston Tessier, Secrétaire général de la C.F.T.C. en est ainsi membre, sans fonctions officielles, mais en relation directes avec l’État Major du Parti dont il est beaucoup plus proche que Zimheld qui représente une autre tendance de la Centrale86. Il collabore à Politique dès 1927 où il suit les problèmes sociaux et l’action syndicale. Il est en contact direct avec le Président Thibout à propos de projets de presse. S’il estime le projet de quotidien du Parti prématuré, il travaille à une formule différente pour l’hebdomadaire Maintenant, grâce au concours de "certains groupements" et de membres des syndicats chrétiens87. Il poursuit le but plus vaste de rassembler une "famille" idéologique, et de constituer un ensemble cohérent dont un des instruments aurait pu être un hebdomadaire destiné au grand public et pour lequel l’appui du P.D.P. aurait pu être sollicité88. A partir de 1932 ce sera de plus la collaboration de Tessier à L’Aube. Tessier et la C.F.T.C. jouent de même un rôle pour les relations entre le Parti alsacien de l’U.P.R. et le P.D.P. Ainsi commence une problématique de relations triangulaires entre le P.D.P., l’U.P.R. et la C.F.T.C. marquée par l’action de Bilger, Président de la Fédération des Syndicats Indépendants et député du Bas-Rhin, et de Meck qui prend sa relève dès 1922 au Secrétariat général. Ce sont des relations du même type que l’on retrouve assez longtemps au niveau politique entre le P.D.P. et l’U.P.R., F.S.I. et U.P.R. ayant un peu les mêmes problèmes face à la C.F.T.C. et au P.D.P. Tessier tente en 1931 de jouer un rôle d’agent de liaison entre les deux partis qui ne sont reliés que sur le plan parlementaire et il adresse un mémorandum en ce sens à Raymond-Laurent qui le remercie de son "obligeante entremise”, tout en estimant délicate toute formule de liaison officielle entre l’U.P.R. et le P.D.P.89. Par toutes ces connexions la C.F.T.C. s’intégre en outre dans une sorte de "nébuleuse" catholique sociale et démocrate chrétienne avec le P.D.P. lui-même, les liaisons se révélant à plusieurs reprises concrètement dans l’action sociale.

  • 90 C.F.T.C. Circulaires n° 60, 66.
  • 91 C.F.T.C. Circulaires n° 71, 74, 75.
  • 92 C.F.T.C. Circulaire n° 75 – mars 1929.
  • 93 C.F.T.C. Circulaire n° 3 – octobre-décembre 1928.
  • 94 C.F.T.C. Circulaire n° 81 – mars-avril 1930.
  • 95 Petit Démocrate, 8 mai 1931.

27Sur la question des Allocations Familiales, c’est sur la base d’un projet préparé par la C.F.T.C. que Lerolle élabore sa proposition de loi. Un premier projet avait été établi par Blain, puis un second par Eblé et mis au point par la Commission de la Législation de la C.F.T.C.90. Poimbœuf et Michelin avaient aussi joué un rôle pour la maturation du texte91. Une motion de remerciement est votée par la C.F.T.C. aux députés signataires92. Elle fait écho aux interventions de Meck et Bilger afin de faire connaître le point de vue des Syndicats Chrétiens et leurs revendications93. Une sorte de liaison organique non officielle a existé entre la C.F.T.C. et un groupe de députés dont les Démocrates furent un élément important, en relation avec la Commission de la législation de la Centrale. Après le vote de loi sur les Assurances Sociales et les attaques dont elle est l’objet, Zimheld adresse un appel aux Parlementaires pour qu’ils empêchent le sabotage de la loi et Reille-Soult assure les Syndicalistes Chrétiens de la collaboration de ses amis. La C.F.T.C. joue un rôle actif à côté du P.D.P. et de son groupe contre la campagne hostile aux Assurances94. Le Congrès de 1930 de la C.F.T.C. rappelle la liste complète des revendications sociales : conciliation obligatoire, obligation des Allocations Familiales, statut légal des employés, etc..., toutes revendications soutenues par le P.D.P. et son groupe ainsi que le rappelle Marcel Poimbœuf95.

  • 96 A ce sujet : P. TALMY, Histoire du Syndicalisme Chrétien en France, Paris, Bloud et Gay, 1965.
     – H. (...)
  • 97 Note Confidentielle, n° 175, n° 178.
  • 98 Note Confidentielle, n° 193.
  • 99 Figaro, 15, 23 mars 1927.
  • 100 Archives Évêché de Lille – Papiers VANNEUFVILLE – 52 – Syndicats Chrétiens.
  • 101 Cardinal SBAREITI, 5 juin 1929.

28C’est aussi durant ces années que le P.D.P. est impliqué dans une des affaires sociales les plus importantes pour le Syndicalisme Chrétien, celle des grèves du Nord96. Les Syndicats Chrétiens développés dans cette région s’étaient heurtés notamment à l’hostilité du "Consortium Textile" de Roubaix-Tourcoing de Eugène Mathon qui avait envoyé dès 1924 à la "Sacrée Congrégation du Concile" un rapport sur leur rôle. Dès lors avait commencé une véritable offensive appuyée en particulier par les "notes confidentielles" de Désiré Ley. Le P.D.P. est ici amalgamé aux Syndicats Chrétiens dans le "Démocratisme Chrétien". Le Parti et les "Syndicats Chrétiens dits Syndicats Libres" sont déclarés former un tout indissociable97. Les démocrates chrétiens sont accusés de collusion avec les communistes, par leurs journaux dans le Nord qui sont Le Journal de Roubaix et La Croix du Nord98. Le Petit Démocrate avait parlé dès 1926 de "l’inconcevable attitude du Consortium" face aux Syndicats Chrétiens en voyant en ses hommes des disciples de Maurras. En 1928 éclatent des grèves à Halluin et les "circulaires" dénoncent à nouveau la collusion des communistes et des démocrates chrétiens. Ces attaques sont reprises par des journaux de la "presse Coty" comme Le Figaro qui confond également les syndicats et le "Parti Démocrate"99. C’était le thème annoncé par Mathon dans son mémoire de 1924 qui évoquait des "syndicats politiques" liés au "Parti Républicain Démocrate", alors que le P.D.P. n’était pas encore fondé. Mais cette offensive se heurte à des réactions. Le Journal de Roubaix parle de Mathon comme du "dictateur roubaisien", La Croix du Nord et Mgr Masquelier essayant de faire le point. Les Syndicats Chrétiens disposent d’appuis à Rome avec Mgr Vanneufville et Eugène Duthoit lui transmet des documents sur cette affaire100. Elle débouche sur la lettre de la Sacrée Congrégation du Concile à Mgr Lienart, évêque de Lille, événement important puisqu’elle donne raison aux attitudes des syndicats qualifiés de "vraiment chrétiens" contrairement aux accusations du Consortium101. C’est une sorte de reconnaissance officielle par le Saint Siège de la légitimité du Syndicalisme Chrétien. D. Ley veut voir les "démocrates chrétiens" triompher de façon excessive et effectivement il y a eu des craintes de les voir en tirer trop bruyamment parti, ce qui n’a pas été le cas du P.D.P. Néanmoins il avait soutenu nettement les Syndicats Chrétiens lors de la seconde grève d’Halluin, en se joignant à la Fédération du Nord pour une souscription en faveur des grévistes. Reille-Soult était intervenu à la Chambre le 22 janvier à propos du long conflit d’"Halluin la rouge".

  • 102 Petit Démocrate, 17, 24 août 1930.
  • 103 Petit Démocrate, 31 mai, 7, 28 juin 12, 19 juillet, 3 août 1931.
  • 104 Archives Évêché de Lille – Papiers VANNEUFVILLE. Lettres évêque de Lille, 16 février, 6 mars 1929.
  • 105 Bataille Ouvrière, 28 avril 1929.
  • 106 M. LAUNAY, op. cit., p. 1993.

29Ces grèves rebondissent encore en 1930 sur la question de la "prime de fidélité" du Consortium qualifiée par Le Petit Démocrate de prime d’assujettissement et d’expression d’un "paternalisme féodal"102. En 1931, c’est à Roubaix-Tourcoing que des grèves éclatent. Le Petit Démocrate critique ici encore les syndicats patronaux qui veulent imposer leurs formules. Une nouvelle souscription est lancée en faveur des grévistes, et cela "en attendant le jour de la collaboration du capital et du travail”. Quand la grève se termine, on déclare que la victoire du Consortium a été obtenue par la misère et le découragement103. Ainsi dans le Nord la bataille a été engagée de façon globale entre le Catholicisme Social "démocratique" incluant la C.F.T.C. et le P.D.P. et des tendances plus traditionalistes et conservatrices, voire réactionnaires, soutenues par l’Action Française, L’Intérêt Français, etc... Mais Mgr Lienart avait déjà refusé l’amalgame réalisé sous le nom commode de "démocrates chrétiens" et visant à combatte en fait les organisations ouvrières chrétiennes104. Le P.D.P. avait en effet subi également des attaques, un journal de Lille l’ayant alors accusé d’"être aux Partis de Droite ce que la siphylis est à l’homme"105. Mgr Lienart était devenu l’allié de fait des Syndicalistes Chrétiens et des Démocrates. Le Parti avait eu aussi l’occasion de préciser sa position sur les conflits sociaux, et raffermi ses liens avec le Syndicalisme Chrétien dans une sorte de front naturel. La Fédération du Nord avait été au premier plan et soutenue au niveau national. On avait eu ici une des dimensions de l’attaque généralisée lancée par les milieux d’Extrême Droite et intégristes contre le "Démocratisme Chrétien" et le P.D.P. Si les relations s’étaient renforcées entre la C.F.T.C. et le P.D.P., cela n’avait pas abouti pour autant à l’établissement de relations organiques, les rapports continuant à être surtout de contacts personnels entre responsables, même si certains comme M. Guerin s’étaient montrés sceptiques sur les possibilités de voir se développer un Syndicalisme Chrétien de masse, sans support politique et idéologique106. C’était ici la tendance que l’on peut qualifier de "politique" de la C.F.T.C. qui aurait souhaité des rapports plus précis et organiques.

Confédération Française des Professions

  • 107 Petit Démocrate, 22 mai 1926.
  • 108 L’Efficience Économique et Sociale, février 1927.

30Le Syndicalisme Patronal Catholique s’était réorganisé depuis 1926 dans la "Confédération Française des Professions" ou "C.F.P.", par la fusion de "l’Union Fraternelle" fondée en 1891 et des "Unions Fédérales" autour de Joseph Zamanski, un des pionniers du P.D.P. dont il fut le premier trésorier en 1924 ce qui pose le problème d’ensemble des relations du P.D.P. et du Syndicalisme Patronal Catholique. Les premières réunions de la nouvelle confédération où interviennent Zamanski, Piot, Champetier de Ribes, sont alors suivies au P.D.P. qui déclare que la C.F.P. procède des mêmes principes que la C.F.T.C. sur le plan ouvrier107. La C.F.P. est officiellement la "Confédération Française des Professions Commerciales, Industrielles et Libérales. Union économique des Catholiques". Delcour-Haillot en est le Président général, et Zamanski le Président. Parmi les membres du Conseil Fédéral, on relève les noms d’un certain nombre de membres actifs du P.D.P. comme Raoul Francou, Paul Goussu, Jules Pigasse et bientôt ceux de Facque, Le Goaziou, etc... En 1927 la Confédération relève favorablement l’adhésion de "toute une pléiade des anciens de l’A.C.J.F."108. Elle tient des "Journées Patronales" en cette même année en la présence d’Adéodat Boissard, Jean Lerolle. Mais elle aussi en contact avec "le Redressement Français", la "Société d’Économie Sociale". Elle soutient une loi des Assurances Sociales qui laisserait une libre place aux initiatives individuelles, examine la proposition de loi Démocrate sur le statut des employés, des liaisons se manifestant là encore dans l’ensemble de la "nébuleuse" du Catholicisme Social. Par ailleurs, depuis 1926 une "Commission mixte" avait été instituée entre la C.F.P. et la C.F.T.C., refondue en 1929 dans le sens d’un caractère plus permanent. C’est une institution qui entre parfaitement dans le cadre de la doctrine du P.D.P., et hautement approuvée par lui comme une "heureuse initiative sociale". Les Démocrates Populaires sont alors représentés à la fois à la C.F.T.C. et à la C.F.P. et jouent parfois le rôle d’agents de liaison pour favoriser la recherche de solutions communes. Cependant la question se pose également du niveau exact de ces relations. J. Zamanski quitte assez rapidement son poste de trésorier du Parti lorsqu’il accède à la présidence de la C.F.P. D’autre part l’influence d’un patronat proche des Démocrates dans la C.F.P. devait se combiner à d’autres : y existent aussi une tendance plus proche des catholiques sociaux non ralliés au Parti, et une tendance proche de la J.R., à côté de "patrons" Démocrates Populaires assez nombreux.

IV – CATHOLIQUES SOCIAUX, A. C.J.F.

31Le P.D.P. est né grâce à un appui fondamental de certains milieux catholiques sociaux, des relations humaines et aussi idéologiques existant avec des organisations qui lui avaient fourni des cadres comme les Semaines Sociales et l’A.C.J.F. En théorie, ces relations entre le Parti et les organisations étaient purement personnelles et les catholiques sociaux entrés au P.D.P. n’engageaient pas leurs groupements. Concrètement un des problèmes de l’histoire du P.D.P. fut bien celui de ses relations avec les organisations elles-mêmes et celui plus vaste des contacts entre un Parti d’inspiration démocrate chrétienne comme le P.D.P. et l’ensemble du mouvement et du milieu catholique social au sens large pouvant en être le vivier et la source nutritive. La question peut se poser de savoir si le Parti a représenté à la limite la transcription ou le reflet sur le terrain politique et parlementaire d’un milieu et d’organisations se situant sur le terrain social. Inversement, pour le P.D.P. ce milieu a pu lui être un soutien dans le monde catholique ou face à l’Église et à la Hiérarchie. Si le Parti a servi de porte-parole politique à ces milieux, de la même façon ceux-ci lui ont servi pour ses relations avec le monde catholique et l’Église. Il peut donc apparaître comme la partie visible sur le plan de la politique nationale d’un ensemble foisonnant d’organisation diverses, des solidarités multiples liant les catholiques sociaux, l’A.C.J.F., la C.F.T.C., le P.D.P.... Mais il convient de constamment nuancer : ce ne sont pas, il s’en faut tous les catholiques sociaux qui ont adhéré au P.D.P. ou en ont été sympathisants et il importe de sérier les cas.

Semaines Sociales et Secrétariats Sociaux

32Un apport incontestable s’était révélé en 1924 des milieux autour des Semaines Sociales et de la Chronique Sociale au nouveau Parti, au niveau des individualités. Mais il y aura toujours une grande prudence des Semaines Sociales en tant qu’institution face à toute forme d’engagement politique et face au P.D.P. On avait vu Eugène Duthoit après les conversations de Strasbourg en 1922 se mettre en retrait pour ne pas compromettre les "Semaines" dans une action politique. Quant à Marius Gonin, il restera toujours indépendant du P.D.P. Cette indépendance affirmée de part et d’autre ne résoud cependant pas tous les problèmes de relations. Dans la "Commission générale” des Semaines Sociales, en 1930 figurent un certain nombre d’éléments membres ou proches du Parti : Adéodat Boissard, Jean Brunhes, Louis Coirard, le Chanoine Desgranges, Charles Flory, Ph. de Las Cases, J. Lerolle, J. Tourret, M. Turmann, J. Zamanski ; etc.... Les Semaines Sociales sont de plus en plus le grand rassemblement annuel du Catholicisme Social, réunissant de 1 500 à 2 000 auditeurs et un grand nombre de prélats. Un thème de réflexion est abordé à chaque "Semaine" qui comporte une leçon d’ouverture et une conclusion de Duthoit. Dans ces "Semaines" elle-même, le problème des relations avec le P.D.P. se pose, ne serait-ce que par la participation d’intervenants proches ou membres du Parti, aux côtés d’autres tendances du Catholicisme Français, les Démocrates Populaires ayant fourni une partie du personnel professoral. La présence à ce niveau de la tendance proche du P.D.P. a été réelle, autour en particulier d’hommes comme A. Boissard, Lerolle, Ph. de Las Cases, Flory, leurs interventions manifestant une tendance qui s’est affirmée favorable notamment à une certaine intervention de l’État dans la vie économique et sociale dans le respect des principes catholiques sociaux.

  • 109 Archives Semaines Sociales Lyon – 1931 – DUTHOIT à GONIN, 21 novembre 1930.
  • 110 Petit Démocrate, 5-12 août 1928.
  • 111 ibid., 18 août 1929.
  • 112 Archives Semaines Sociales – Lyon – Lettres DUTHOIT, 15-17 janvier 1925.

33Par ailleurs, les Semaines Sociales étaient aussi un carrefour où se rencontraient les différentes nuances du Catholicisme Social et de la Démocratie Chrétienne, en fait de la F.R. à la J.R., où les éléments proches du P.D.P. pouvaient rencontrer les dirigeants catholiques sociaux, certains membres du clergé et de la Hiérarchie. Beaucoup de réunions parallèles s’y déroulaient, notamment un "dîner du Parti Démocrate Populaire" qui fournissait l’occasion de contacts variés, même si Duthoit semble craindre certains inconvénients de ces réunions comme en 1930 à la suite d’un incident entre Francisque Gay et Jean Guiraud109. Un tel "dîner" a lieu ainsi à la Semaine de Paris en 1928 et l’on reconnaît que "le P.D.P. comptait un grand nombre d’amis parmi les auditeurs"110. En 1929 à Besançon le dîner prend un autre sens en raison de la présence d’un grand nombre d’auditeurs alsaciens. Il devient "dîner du P.D.P. et de l’amitié alsacienne"111. Malgré tout c’est une volonté de grande prudence au niveau politique et des relations avec les différentes tendances catholiques que continuent à manifester les principaux responsables des Semaines. La correspondance Duthoit-Gonin permet de préciser la position des dirigeants des Semaines. Duthoit est en contact également avec Mgr Vanneufville qui "s’occupe avec la plus grande activité de nos intérêts" et il parle de "notre ami Champetier de Ribes" à la Chambre des Députés112. Mais en 1926 il exprime des regrets sur l’attitude du groupe démocrate à la Chambre et ses divisions.

  • 113 Archives Semaines Sociales – Lyon – s.d. 1928.
  • 114 Archives Semaines Sociales – Lyon – Dossier – Conflit textile dans le Nord.
  • 115 Archives Semaines Sociales – Note sur le choix d’un thème d’étude pour la Semaine Sociale de 1931.

34L’affaire de l’Action Française trouve cependant Duthoit du côté du Petit Démocrate dont il estime que les articles sont "bien inspirés" à ce sujet. D’autre part Duthoit et Gonin sont en relation constante avec Jean Lerolle et ils parlent de "nos amis directs" comme Lerolle, Duval-Arnould, Desgranges et d’"amis du premier degré", comme Louis Rolland et Ernest Pezet113. Adéodat Boissard devient en 1925 aussi Secrétaire général des "Semaines". Une solidarité de fait existe encore par les relations humaines. Elle se vérifie sur certaines affaires par exemple celle des Assurances Sociales où les "Semaines" elles-mêmes sont attaquées. Pour les grèves du Nord, Lerolle montre à Duthoit comment c’est l’ensemble des "catholiques sociaux" qui est visé par les attaques de la Droite114. Mais la volonté est toujours exprimée de ce côté de se maintenir sur le terrain social, même si la question est soulevée par J. Vialatoux de la possibilité d’aborder un jour la dimension politique des problèmes sociaux. Il ne faut plus ajourner l’analyse de l’idée même de "Cité Catholique" qui pourrait être le thème de la "Semaine" de 1931. Le sujet n’est néanmoins pas retenu et il ne le sera qu’en 1933 sur le thème de "la Société politique et la pensée chrétienne"115. La prudence continue à dominer sur les problèmes politiques, parallèle à l’affirmation d’une position plus ou moins neutre entre les différentes tendances, malgré les relations entretenues avec les Démocrates Populaires dont l’inspiration peut apparaître comme étant à l’aile gauche des "Semaines Sociales".

  • 116 Chronique Sociale de France, novembre 1928.

35A côté de celles-ci et en relation étroite avec elles, l’Union d’Étude des Catholiques Sociaux continue son activité de même que l’Union des Secrétariats Sociaux. Dans les sections de l’U.E.C.S., à Paris, à Lille, au Havre, à Lyon, à Marseille, à Nantes, à Toulouse, se retrouvent des éléments du P.D.P. aux côtés d’autres tendances catholiques. Mais "l’Union" essaie encore d’établir une harmonisation entre les organisations catholiques et tient des réunions en ce sens en 1926116. Dans ces conditions naît le projet en 1930 de "resserrer les liens entre les diverses organisations qui participent au mouvement social catholique". Un certain nombre de groupements acceptent de présenter en commun une "déclaration de principes" dans le cadre d’une "Union Sociale Catholique" rassemblant les "Semaines", l’U.E.C.S. les Secrétariats Sociaux, l’Action Populaire, la C.F.P., la C.F.T.C.

  • 117 C.S.F., juin 1931.
  • 118 M. LAUNAY, La C.F.T.C. et le Front Populaire, Bulletin de la S.H.M. n° 3, 1975.
  • 119 P. DROULERS, Politique Sociale et Christianisme, op. cit., t. Il, 1981, p. 99.
  • 120 P. DROULERS, op. cit., pp. 139-141.
  • 121 P ; DROULERS, op. cit., p. 164.
  • 122 Dossiers de l’Action Populaire, 25 novembre 1927.
  • 123 ibid., 25 mars, 10 juin 1930.

36L’Union des Secrétariats Sociaux dans cet ensemble continue son action dirigée par Jean Lerolle qui en est le Président et Maurice Eblé, le Secrétaire général. Le P.D.P. avait donc une position de premier ordre dans un organisme important du Catholicisme Social. On retrouve d’autres membres du Parti parmi les animateurs des "Secrétariats" comme Coirard, Goussu, Descos du Colombier, Zamanski, Pigasse, Danel, Blanckaert, Broutin, Vieillefon. Leur nombre passe à 68 en 1930 (dont 45 affiliés à l’Union). Dans tous ces milieux les sympathies à l’égard du P.D.P. ne sont pas niables et sont parfois exprimées. Ainsi L. Coirard se réjouit de voir certains partis et notamment le P.D.P. faire écho aux doctrines civiques des catholiques sociaux117. Pour "L’Action Populaire" installée à Vanves dans l’après-guerre, et organisation influente du Catholicisme Social, de nombreux Démocrates Populaires avaient été en contact avec elle avant 1914. Celle-ci a également des relations privilégiées établies du côté de la C.F.T.C., le Père Desbuquois rencontrant régulièrement Gaston Tessier118. Le problème de "l’organisation professionnelle" est au centre des préoccupations de "l’A.P." et le soutien au Syndicalisme Chrétien ne se dément jamais, sous la forme d’une "participation multiple à son développement"119. Le Père Desbuquois fait partie du "conseil consultatif théologique" de la C.F.T.C. Pour le P.D.P. le problème des relations avec l’A.P. est à la fois celui des relations avec le Catholicisme Social et aussi un Ordre religieux mis en cause par certains pour son rôle politique indirect, même s’il s’est agi surtout de relations informelles et de contacts parfois plus concrets. Une maison d’édition proche de l’A.P., "S.P.E.S." publie un certain nombre d’ouvrages de membres du P.D.P. ou de ses brochures. Eugène Mathon met ainsi en cause le fait que "S.P.E.S." ait édité le Manuel Politique et Social de Raymond-Laurent120. Vis-à-vis du P.D.P., quoique l’A.P. n’ait eu "aucune part directe dans sa formation ni dans sa conduite", des bruits furent vite répandus selon lesquels le Père Desbuquois n’était rien moins que "l’éminence grise" du Parti. Celui-ci en effet "ne ménagea pas ses conseils de toutes sortes aux dirigeants qui le lui demandaient sans jamais s’immiscer dans leur projet d’action politique"121 et des hommes comme Cornilleau, Pezet, Tessier, Michelin, Champetier, Schuman, venaient souvent à l’A.P. Inversement d’ailleurs Desbuquois pouvait chercher des appuis auprès de ces Parlementaires pour certaines mesures législatives. Quant à la revue Politique, elle est aussi publiée par "S.P.E.S.". Des relations établies dans l’avant-guerre avec l’A.C.J.F. ont continué à jouer, par les "Anciens de l’A.C.J.F." et la "génération Flory", Desbuquois y étant considéré comme un "homme de conseil". Ce rôle de conseiller plus ou moins officieux est reconnu d’une certaine façon par Cornilleau dans ses "romans politiques". Quant à la revue Les Dossiers de l’Action Populaire, elle se consacre essentiellement aux problèmes sociaux et aussi scolaires et soutient les initiatives du Catholicisme Social. Mais sur le plan politique une certaine prudence domine, quoique les Dossiers présentent à la veille des élections de 1928 "l’échiquier politique” des partis. Les Démocrates Populaires y sont vus comme "l’aboutissement d’un long travail d’idées"122, un avenir brillant pouvant leur être ouvert ; En tout cas, les Dossiers affirment en 1930 que l’action politique est le complément de l’action religieuse et sociale, thème proche de ceux du P.D.P. et protestent contre l’utilisation abusive et polémique du terme de "démocrates chrétiens’’123. L’attitude face à l’action politique marque une nuance plus favorable que dans d’autres milieux catholiques sociaux. C’est ici, dans les milieux du Catholicisme Social et de l’Église un des soutiens indirects à la Démocratie Chrétienne politique et à la tendance que le P.D.P. pouvait représenter.

P.D.P. et A.C.J.F. 1924-1932

  • 124 Annales de l’A.C.J.F., 25 janvier 1925.
  • 125 Discours Ch. FLORY. Librairie de la jeunesse Catholique, 1925, 19 p.
  • 126 Annales de l’A.C.J.F., 25 août 1925.
  • 127 Annales de l’A.C.J.F., 27 novembre 1925.
  • 128 ibid., 25 février 1926.
  • 129 Le Correspondant, 10 avril 1926.

37L’A.C.J.F. avait été une des origines principales et un des apports principaux pour les cadres à la fondation du P.D.P. Liée au Catholicisme Social, elle représente cependant à elle seule une sorte de tendance autonome, s’expliquant par son évolution historique de la "génération sociale" à la "génération civique", le passage par les "Anciens" à l’action politique. Le P.D.P. est créé à la fin de 1924, à un moment où le problème de "l’Action civique" est clairement posé à l’Association, et où certains de ses "Anciens" rejoignent le nouveau Parti en y prenant des postes importants au niveau national et au niveau local. Le Président de l’A.C.J.F. est alors Charles Flory, André de Chalendar et Georges Bidault étant vice-présidents, François de Menthon délégué général. Le Père Corbillé est aumônier général. Charles Flory déclare au début de 1925 qu’il faut prendre position vis-à-vis des questions économiques et sociales, et adopter une attitude au moins provisoire face aux grands problèmes de la vie politique sur la base de l’acceptation du "fait démocratique" et du "terrain constitutionnel"124. A la Semaine Sociale de Lyon il justifie l’intervention dans les partis politiques et demande quand on disposera des forces politiques agissantes capables d’assurer le triomphe des solutions inspirées par l’idéal chrétien125. De même la nécessité des "orientations civiques" et des "études civiques" initiées par Marcel Prelot continue à être affirmée par Charles Blondel, qui met en garde contre les dangers de l’éloignement à l’égard de la vie publique126. Une orientation assez précise, impulsée par Flory principalement paraît donc se dégager en 1925 vers l’acceptation d’une action que l’on peut qualifier de politique qui suivrait l’action civique. Un Congrès international des Associations de Jeunesse Catholique a lieu à ce moment à Rome sur le problème de l’attitude qu’elles doivent adopter face à l’action politique. Les résultats de l’enquête menée concluent que si les Associations s’abstiennent en elles-mêmes de l’action politique, l’action religieuse atteint des objets à certains égards politiques127. Mais c’est le moment où l’A.C.J.F. prend position par Bidault surtout, sur le problème des "mouvements politiques de jeunesse", la question étant celle de l’Action Française et de son influence sur la jeunesse catholique. Dans son rapport de janvier 1926 devant le Conseil Fédéral, Bidault montre le danger de l’incursion prématurée de la politique dans l’Association et met en garde contre l’influence du "politique d’abord" en son sein128. Ce rapport s’intègre aux prémisses de l’affaire de l’Action Française, et vise les sympathies au mouvement maurrassien continuant à exister dans l’A.C.J.F. Il complète ainsi les orientations de Flory dont la présidence s’achève, Fr. de Menthon lui succédant au début de 1926. Flory dresse alors un bilan des orientations que doit conserver l’A.C.J.F. : œuvre d’éducation populaire, mais aussi contribution à l’organisation des cadres sociaux, elle doit rester très réservée à l’égard de la politique, mais ne pas se désintéresser de la politique entendue au sens large, c’est-à-dire aux problèmes de la Cité129. Néanmoins, du fait du départ de Flory qui se dirige vers le P.D.P. c’est la fin d’une période où l’A.C.J.F. avait été sans doute le plus près d’accepter un débouché politique presque suggéré par la condamnation parallèle de l’Action Française, la plupart des dirigeants de la "génération Flory" rejoignant le P.D.P.

  • 130 Annales de l’A.C.J.F., 25 mai 1926.
  • 131 ibid.
  • 132 Annales de l’A.C.J.F., 25 juin – 25 juillet 1926.
  • 133 Les Anciens de l’A.C.J.F., bulletin n° 18.
  • 134 Archives A.C.J.F. – Chantilly – Note – 1929.

38Une application de cette "orientation civique" est le Congrès de Besançon en 1926 sur la vie régionale. Ses conclusions réclament l’application d’une conception organique de l’État et une réforme administrative dans un sens proche du P.D.P.130. Mais on voit réaffirmer à l’A.C.J.F. que le terrain sur lequel elle doit se mouvoir est celui de l’exacte neutralité politique131. Cette insistance paraît cependant prouver que le problème n’était pas entièrement résolu, et il pouvait se poser malgré tout en raison des "Anciens de l’A.C.J.F.". M. Prelot aborde la question de la "génération civique" à Besançon en mai 1926 : il ne saurait y avoir aucun Parti des "Anciens de l’A.C.J.F.", mais ceux-ci ont le droit et même le devoir de choisir en la quittant un Parti pour y militer parmi ceux qui respectent les valeurs religieuses, morales et sociales132. L’"Association des Anciens de l’A.C.J.F." existe en effet dont le Bulletin regrette toutefois qu’il ne rassemble qu’une petite partie des anciens membres (3 585 adhérents en 1925 pour 100 000 membres à l’A.C.J.F.)133. C’est à ce niveau que se situent certaines des dimensions les plus intéressantes du problème des rapports avec le P.D.P. Parmi les "correspondants départementaux" des "Anciens" se trouvent un grand nombre de membres du P.D.P. La question est posée : que peuvent faire les anciens ? On remarque qu’on les trouve à la F.N.C., aux Semaines Sociales, à la C.F.P. Il est reconnu que Politique est l’œuvre propre de l’avant dernière équipe du "Comité Général" et que pour l’action spécifiquement politique c’est dans les "partis nationaux" et plus particulièrement au P.D.P. que de nombreux anciens essaient d’appliquer leurs idées134. Les relations privilégiées avec ce dernier et Politique sont assez clairement admises.

  • 135 Annales de l’A.C.J.F., janvier 1927.
  • 136 Petit démocrate, 22 septembre 1929.
  • 137 Archives A.C.J.F. Archives Nationales 367-MI-53 – Congrès 1928.

39Par les "Anciens" il est possible de voir dans l’A.C.J.F. une "pépinière" de recrues pour le P.D.P., pour des jeunes préparés à l’action politique par l’action civique. Mais il faut nuancer, tous les anciens de l’A.C.J.F. n’étant pas bien sûr, passés, loin de là au P.D.P., même si toute une génération de dirigeants y a vu son débouché naturel. Le mouvement continue encore durant les années suivantes par apports successifs. Fr. de Menthon, Président de 1926 à 1929 déclare également refuser pour les membres de l’Association toute étiquette politique, s’il condamne les confusions exploitées par l’Action Française135. Le Père Corbillé a voulu voir en lui le "Président des ouvriers" à la suite du Congrès de 1927 sur "l’apostolat de la jeunesse ouvrière" et de la préparation de la création de la "Jeunesse Ouvrière Chrétienne". Celle-ci est d’ailleurs bientôt saluée favorablement par Le Petit Démocrate qui parle de la "vivifiante atmosphère jociste"136. Une orientation vers l’étude des problèmes sociaux caractérise l’A.C.J.F. en partie pour dépasser les divisions internes persistantes. Au Congrès de 1928 sur le problème "la Jeunesse et l’Action Catholique" la direction de l’Association demande que les troupes de la Jeunesse Catholique ne puissent être confondues dans de nombreux cas avec celles des "Jeunesses Patriotes"137. Au sein des groupes régionaux de fortes tendances sympathisantes des Ligues persistent après la condamnation de l’Action Française, assez loin de l’orientation vers le P.D.P. prise par certaines équipes dirigeantes, pour lesquelles une sympathie discrète apparaît dans Les Annales et dans la rubrique "La Vie Sociale" qui succède à la "Chronique Civique" de Flory. Les relations P.D.P.-A.C.J.F. ont été dans cette période complexes et nuancées. Si l’A.C.J.F. a été une des racines du P.D.P. en 1924 et si un apport humain des "Anciens" a continué à se manifester, il n’a pas été aussi massif que certains l’espéraient. L’insistance sur "l’action sociale" devient peu à peu alors un signe de relatif échec de "l’action civique" et la naissance des "mouvements spécialisés" va bientôt bouleverser les caractères de l’Association. Il ne pouvait guère en être autrement pour les relations entre un Parti "laïc” et un mouvement confessionnel. L’apport de l’A.C.J.F. n’avait cependant pas été négligeable dans le cadre d’un milieu catholique social qui a été un des éléments nutritifs du Parti, un des éléments de ses soutiens aussi, même si les contacts n’ont jamais été organiques.

V – PROBLÈMES INTERNATIONAUX 1924-1932

  • 138 Petit démocrate, 7, 14, 21 septembre 1924.

40Le P.D.P. a développé une importante action sur le plan de la politique internationale, où il a dévoilé ses positions les plus originales à côté du domaine social. Il a dégagé une doctrine l’opposant surtout au nationalisme de la Droite traditionnelle et a entamé une action positive par des contacts internationaux officiels avec les autres partis d’inspiration semblable ou voisine. Très rapidement en tout cas est apparue une évolution face à ces problèmes par rapport aux raisons qui avaient entraîné officiellement la rupture avec la Jeune République en 1922 qui avait commencé une action internationaliste et pacifiste. En fait dès septembre 1904 Cornilleau envisage une action qui serait à la fois "nationale et Internationale" en politique extérieure, pour les "Républicains Démocrates"138 et le Congrès constitutif adopte un programme qui serait le reflet d’une position "centriste" sur le terrain international et concilierait les idées d’un maintien des garanties de la sécurité française et d’un ordre international à établir. C’est une position "centriste" face à une Gauche accusée par la Droite de sacrifier l’intérêt national aux "nuées pacifistes" et à une Droite souvent accusée à Gauche de ne pas voir la nécessité d’une politique internationale. Mais, par les évolutions accentuées que connaîtra le P.D.P. par la suite, ce sera une des dimensions qui le rapprocheront le plus de la Gauche.

Sturzo, Italiens et Naissance du S.I.P.D.I.C.

  • 139 A ce sujet J. L. POUTHIER, Catholiques Sociaux et Démocrates Chrétiens devant l’Italie fasciste, I. (...)
  • 140 Voir plus haut
  • 141 J. L. POUTHIER, op. cit., pp. 30-37 et J. C. DELBREIL, op. cit.
  • 142 Sur l’action de STURZO :
     – Guiseppe ROSSINI, il movimiento catolico nel periodo fascista (Momenti e (...)
  • 143 J. L. POUTHIER, op. cit., pp. 46-63.

41Luigi Sturzo, le leader du Parti Populaire Italien (P.P. I.) avait commencé à établir des contacts dès 1920-1922, dans le but de créer une organisation internationale des partis d’inspiration chrétienne, avec Marc Sangnier du côté français et le "Zentrum" du côté allemand, en utilisant des liens établis dès avant 1914 entre démocrates chrétiens italiens et français par l’intermédiaire d’hommes comme Maurice Vaussard139. Ceux-ci ont favorisé la création de ce que certains ont appelé "l’internationale Blanche" qui connut une naissance confuse en 1920-1925. Mais Sturzo n’avait pas trouvé du côté de la Jeune République les appuis nécessaires140, à un moment où l’on assistait cependant à un foisonnement d’initiatives et de contacts internationaux, ainsi au niveau de "l’Internationale des Jeunesses Catholiques"141. C’est bien à partir de la création du P.D.P. que les choses commencent à entrer dans une phase plus effective pour ce qui concerne les réalisations. En octobre 1924, Sturzo était parti pour Londres assister au 4e Congrès Démocratique International de M. Sangnier, pensant alors que son exil serait de courte durée. Il se rend à Paris au début de 1925 pour suggérer au P.D.P. de se faire le promoteur d’une réunion des partis d’inspiration chrétienne qui étudierait la possibilité de créer une organisation internationale142. Il est en liaison à la fois avec la J.R. et les Démocrates Populaires en qui il voit de plus en plus les instruments possibles d’un regroupement. La première rencontre avec les dirigeants du P.D.P. a lieu à Paris le 4 avril 1925143.

  • 144 Archives Évêché de Lille – 36 -12. VANNEUFVILLE à l’Abbé TROCHU, 14 février 1925.
  • 145 G. ROSSINI, op. cit., p. 200. Archives F. L. FERRARI, n° 27.
  • 146 G. ROSSINI, op. cit., Lettre FERRARI à SIMONDET, 6 juillet 1926.

42Cette nouvelle action de Sturzo se situe dans un contexte où le P.P. I depuis l’arrivée du Fascisme aux affaires et les nouvelles orientations de Pie XI se trouve en complet déclin et divisé pour ce qu’il en reste ou en exil. Face à cette situation le nouveau P.D.P. français pouvait apparaître comme le plus apte à remplir la fonction de coordinateur, et le fait intéressant est qu’il l’ait accepté, même si cela n’a pas toujours été dans le sens voulu par Sturzo. Sur cette question des rapports avec le P.P. I. Mgr Vanneufville estime que si ce parti mérite toutes les sympathies, il faut néanmoins résister aux tentatives de créer une organisation internationale avec lui, puisqu’il peut se trouver en délicatesse avec le Vatican144. Malgré ces réserves et ces conseils de prudence, la réunion du 4 avril aboutit à charger Sturzo de rédiger un projet de statuts d’abord pour une "Union Interparlementaire des Partis d’Inspiration Démocrate Chrétienne". Le principe est approuvé d’une réunion en août regroupant les représentants de ces partis dont le Zentrum (repoussée en octobre, puis en décembre). Une autre rencontre préparatoire a lieu en juillet. Raymond-Laurent déclare en août que "d’accord avec nos amis d’Italie, de Belgique et d’Autriche, nous convoquons à Paris pour la fin du mois d’octobre 1925 une Assemblée limitée dans laquelle se rencontreront les représentants de ces diverses organisations"145. Si Sturzo n’avait pu obtenir que des promesses en deça de ses espoirs, le P.D.P. s’était malgré tout prêté à ce rôle d’agent de liaison. F.L. Ferrari reconnaîtra en 1929 que si l’initiative du P.P. I. permit de défricher le terrain, ce furent la naissance du P.D.P. et son développement qui autorisèrent d’"ensemencer les terres défrichées"146. L’initiative était due au P.P. I. et la possibilité de réalisation au Parti français.

  • 147 Petit Démocrate, 4 mars 1926.

43La première réunion peut se tenir les 12 et 13 décembre 1925 à Paris sous l’égide du P.D.P. C’est une conférence "restreinte et privée", sans communiqué à la presse, avec des représentants du P.P. I. : Sturzo, Domenico Russo, correspondant des journaux du Parti à Paris. Le Parti du Centre allemand est également présent ce qui illustre l’évolution du P.D.P. dans le sens du rapprochement franco-allemand, trois mois après Locarno, par cinq délégués dont Joos, député et membre du Parti. La Ligue des travailleurs Chrétiens de Belgique (fraction du bloc Catholique Belge) envoie deux délégués dont le R.P. Rutten, le Parti Démocrate Chrétien Polonais, trois. Des rapports sont aussi établis du côté du Parti Chrétien Social d’Autriche, des Partis de Hollande, d’Espagne, de Suisse, de Tchécoslovaquie, de Lithuanie. Quant au P.D.P., il est représenté par la plupart de ses députés et des membres de sa Commission Exécutive. Une motion est votée qui décide la formation à Paris d’un Secrétariat International des Partis Démocratiques d’Inspiration Chrétienne, ayant le mandat de préparer une entente permanente sous une forme à déterminer entre les partis ou organisations et leurs groupes parlementaires. Une nouvelle réunion doit avoir lieu à Bruxelles en mai 1926. Pour Le Petit Démocrate, s’il ne faut pas exagérer l’importance de cette réunion, on peut y voir l’amorce d’une "Internationale Démocratique" dont l’influence pourra s’opposer un jour à l’Internationale Radicale ou Socialiste147. Un nouveau cadre apparaît alors pour l’action du P.D.P., désormais situé dans une "Internationale" en gestation de Partis de même tendance ou de tendance voisine et permettant des contacts internationaux orientés vers la détente internationale, la politique de Briand, le problème se posant de la volonté vaticane dans l’ensemble de cette action.

  • 148 Petit Démocrate, 25 juillet 1927.
  • 149 Bulletin du S.I.P.D.I.C., n° 1.
  • 150 A ce sujet, J. C. DELBREIL, op. cit., p. 116.
  • 151 M. GERMAIN (Dr LEMESLE), Chrétiens à la Recherche d’une Europe, S.P.E.S. 1931.
  • 152 FERRARI à SIMONDET, 6 juillet 1929.
  • 153 Luigi STURZO, Saggi e Testimonianze, op. cit., p. 135.
  • 154 Bulletin du S.I.P.D.I.C., n° 2.

44Le Congrès de 1926 à Bruxelles se veut encore surtout de "documentation mutuelle", et en juillet 1927 c’est à Cologne que se réunit le S.I.P.D.I.C. Plusieurs délégués de la Commission Exécutive du P.D.P. y rencontrent outre les Allemands, des représentants de Belgique, Hollande, Tchécoslovaquie, Lithuanie et d’Italie dont Sturzo. Le bourgmestre Adenauer accueille les délégués qui se rencontrent pendant trois jours, sans qu’un communiqué officiel soit publié. Pagès cependant montre à l’issue de la Conférence les points communs de ces Partis : Partis populaires et même pour certains Partis de masse, ils ont une mystique qui peut en faire à présent la grande force d’opposition populaire au socialisme, tout en entendant manœuvrer à l’égard des socialistes avec une totale souplesse148. A partir de 1928 le S.I.P.D.I.C. se structure davantage, autour d’un Congrès annuel normalement prévu, ses travaux étant préparés par un Comité exécutif qui tient deux réunions par an. Un Secrétariat général est organisé à Paris, confié au P.D.P., bientôt en la personne de Henri Simondet, agrégé d’allemand. Le Congrès de 1928 se réunit à Bois-le-Duc et il donne lieu à partir de là à la publication restreinte de ses travaux dans un Bulletin du S.I.P.D.I.C. Neuf partis sont représentés, avec autour du P.D.P. et des Français (Abbé Trochu, Jean de Pange) des délégués du "Zentrum", du Parti Catholique Belge, du P.P. I. (Ferrari), de la "Droite" du Luxembourg, du Parti Démocrate Chrétien de Lithuanie, du Parti Catholique Néerlandais et du Parti Conservateur-Populaire Suisse149. Des rapports sont présentés sur l’activité et la situation des partis (Bastianelli pour le P.D.P.). Ferrari rappelle comment le P.P. I. a été officiellement dissous depuis novembre 1926. La Conférence aborde la question du rapprochement franco-allemand. Ici, malgré une apparente bonne volonté les points de vue au P.D.P. et au "Zentrum" étaient apparus non entièrement convergents sur tous les points150. Les "chrétiens à la recherche d’une Europe"151 étaient parvenus à des résultats en fait inférieurs à ce qui était espéré par les Italiens en particulier qui pensaient pouvoir jeter les bases d’une véritable Internationale, et cela en dépit des efforts de Ferrari. Si l’on avait senti planer sur le Congrès "une parcelle de l’âme européenne", il est décidé de ne pas aller plus loin dans la voie de l’organisation. C’est un échec pour Sturzo et les exilés du P.P. I. par rapport aux espoirs initiaux. Sturzo laisse bientôt le premier rôle à Ferrari qui mettra en cause des Congrès qui avaient limité l’évolution vers une véritable "Internationale" afin d’obtenir l’adhésion de certains partis. Mais il pense encore que l’on peut réaliser graduellement le programme initial par la création d’une "Union Interparlementaire"152. Tout ce qui peut être obtenu est l’installation d’un "Comité permanent” que Sturzo déclare être insuffisant153. Simondet estime malgré tout que le S.I.P.D.I.C. a désormais franchi une nouvelle étape pour entamer réellement "une œuvre de rapprochement et de collaboration" entre ces Partis154. Le Comité exécutif se réunit à Paris en janvier 1929 afin de préparer les travaux du Congrès de juillet sur un thème cher aux démocrates chrétiens, "l’organisation professionnelle dans l’État moderne". Mais là encore se révèlent à la fois des convergences et des divergences. Le "Zentrum" et le P.P. I. contestent par exemple l’idée de "l’État organique". Finalement on admet que l’État ne doit pas être syndical ou corporatif. Il n’est pas la nation professionnellement organisée, il est la nation politiquement organisée mais tenant compte de la réalité vivante des organismes intermédiaires. Des divergences étaient apparues entre des conceptions plus "organicistes" de certains partis à orientation plutôt catholique sociale et d’autres refusant l’organicisme, le P.D.P. par Prelot essayant de réaliser une synthèse.

  • 155 Bulletin du S.I.P.D.I.C., n° 4.
  • 156 J. C. DELBREIL, op. cit., p. 116.
  • 157 Luigi STURZO, Scritti inediti, Document n° 144, p. 280.
  • 158 Bulletin du S.I.P.D.I.C., n° 7, 15 janvier 1931.
  • 159 J. C. DELBREIL, op. cit., p. 182.
  • 160 Bulletin du S.I.P.D.I.C., n° 8.

45Ferrari expose au Congrès l’hostilité permanente des exilés du P.P. I. au régime fasciste, malgré le traité du Latran, et proclame : "nous avons choisi la révolte. Nous vous demandons de suivre avec sympathie notre action"155. Bastianelli évoque pour sa part la bonne volonté internationale de son parti dans le cadre du problème franco-allemand, et se heurte cependant aux revendications allemandes exprimées par Joos, une certaine tension commençant à se révéler156. Après le Congrès, Ferrari invite ses collègues à fonder un Centre International d’Études Démocratiques dont le thème essentiel pourrait être l’organisation de l’État La revue Le Mouvement pourrait se mettre à sa disposition. Il fonde une "Société Internationale de Culture Démocratique Populaire" qui répondrait aux besoins intellectuels de la tendance pour étudier la conception de l’État moderne, la communauté internationale, etc...157 en même temps qu’est créé au début de 1930 à Bruxelles un "Secrétariat du Parti Populaire Italien à l’étranger". A ce moment Simondet estime que l’activité du Secrétariat se régularise grâce à des moyens accrus et le Congrès de 1930 doit continuer la discussion sur le rôle de l’Association dans l’État moderne. Mais Prelot pense lui-même que le caractère international du S.I.P.D.I.C. impose une certaine généralité des termes et que les formules employées traduisent surtout une opinion moyenne158. Ce sont les problèmes internationaux qui sont bien au premier plan. Pezet insiste à nouveau sur la bonne volonté de son parti au sujet des réparations alors que le "Zentrum" montre les nouvelles souffrances de l’Allemagne159. Dans cette conjoncture le Secrétariat et Simondet proposent dès octobre 1930 un projet de déclaration commune qui parlerait de l’attachement à l’idéal de paix et de l’émotion face au réveil du nationalisme intransigeant dans divers pays. Le "Zentrum" propose d’ajouter aux causes du malaise les causes économiques. La déclaration ainsi modifiée est publiée en janvier 1931 selon Simondet dans quinze journaux160. Ferrari essaie encore de renforcer les liens de l’organisation pour aboutir à un "état organique", mais sans résultat. On parle seulement d’établir "des relations plus étroites entre Partis adhérents".

  • 161 J. C. DELBREIL, op. cit., p. 183.
  • 162 J. M. MAYEUR, op. cit., p. 149.

46Un Congrès se tient néanmoins en juillet 1931 à Luxembourg qui examine la "politique familiale". Mais Simondet annonce que cette fois les Allemands n’y participeront pas161. La "grande époque" du S.I.P.D.I.C. se termine en 1931-1932 après quelques années seulement de réelle activité à cause notamment de la révélation d’un échec sur le plan des relations franco-allemandes, s’il y a avait eu cependant les contacts avec les Italiens exilés du P.P. I. et une concertation de ces divers partis européens. Le Secrétariat avait abouti à regrouper douze partis qui étaient en 1931-1932 les partis suivants : le P.D.P., le "Zentrum", le P.P. I. en exil, la Ligue Nationale des Travailleurs Chrétiens de Belgique, le Parti Chrétien-Social d’Autriche, le Parti Chrétien Démocrate de Hongrie, le Parti Chrétien Démocrate de Lithuanie, le Parti de la Droite du Luxembourg, le Parti Catholique Néerlandais, le Parti Chrétien Démocrate de Pologne, le Parti Conservateur-Populaire Suisse, le Parti Populaire Slovaque avec aussi bientôt la présence de "Démocrates Chrétiens" espagnols. Il s’était révélé une certaine diversité, voire une hétérogénéité de tendances entre ces Partis pouvant être classés selon la typologie de J.M. Mayeur162 entre des partis "Populaires" au sens strict, sur le modèle du P.P. I., dont on peut rapprocher le P.D.P., partis créés après la première guerre mondiale et à côté, un certain nombre de partis se qualifiant de "Démocrates Chrétiens" comme ceux de Hongrie, Lithuanie, Pologne. Mais on avait aussi des "partis catholiques" créés avant 1914 où se montrait le souci essentiel de la "Défense religieuse" et une influence de tendances catholiques sociales traditionnelles. Le "Zentrum" ne peut être considéré comme spécifiquement "démocrate chrétien", de même que le Parti Chrétien social Autrichien, le Parti Catholique Néerlandais, la "Droite" du Luxembourg et le Parti Suisse. Cette hétérogénéité s’est fait sentir à plusieurs reprises au sujet des problèmes de l’organisation de l’État et aussi de "l’État fort", des positions à prendre sur les régimes autoritaires et le fascisme italien, par l’affirmation d’une tendance "catholique sociale autoritaire" et souvent plus ou moins "corporative" à côté d’une tendance plus "démocrate" et anti-autoritaire. Cette diversité, intégrant des tendances non spécifiquement "démocrates chrétiennes" a gêné les tentatives d’organisation plus structurées et les prises de position doctrinales ou sur le fascisme telles qu’auraient pu le souhaiter les Italiens.

47Cependant, des contacts avaient été aussi établis avec un certain nombre de partis d’Europe Centrale. Ainsi du côté polonais en 1932 les délégués sont le Sénateur Korfanty, l’Abbé Schwasnoch, Député, l’ancien Député Kwiatkowski, Directeur du journal Narodoviec, pour la Tchécoslovaquie l’Abbé Dvornik, pour la Hongrie les Députés Huzkar et Zichy, pour l’Autriche l’ancien vice-chancelier Schmitz. Ces Partis envoyaient des notes d’information sur leur activité et leurs problèmes à Simondet. Ces contacts se révéleront importants par la suite au cours des années de la "montée des périls". Le S.I.P.D.I.C. s’il n’a jamais été une véritable "Internationale" n’en avait pas moins eu une signification historique non entièrement négligeable. Pour la première fois des partis d’Inspiration catholique, de tendance plus ou moins proche, souvent apparus depuis la fin de la guerre avaient établi entre eux une ébauche de liaison. On avait eu révélation d’une forme d’"internationalisme catholique" sur le plan des forces politiques que l’on retrouve sur d’autres terrains et mettant en contact des pays ennemis dans la guerre. Il y eut le sens d’une tentative plus ou moins réussie de formation d’une "Internationale Catholique" que certains ont pu qualifier d’"Internationale Blanche", et cela dans le contexte des années 1920, de la politique de Briand et du rapprochement franco-allemand. Dans ce cadre il y avait le jeu autonome des Italiens tentant sans succès de lui donner un aspect tout autant anti-fasciste qu’anti-révolutionnaire. Concernant le P.D.P. ces contacts avec un Secrétariat qu’il avait dirigé n’ont pas été sans importance pour ses orientations de plus en plus dirigées alors vers le soutien à la politique de Briand.

L’Adhésion à la Politique de Briand

  • 163 Archives Paul SIMON. Lettre Mgr BEAUPIN, 19 février 1926.
  • 164 A ce sujet, J. C. DELBREIL, op. cit.
  • 165 Archives L. A. PAGÈS, Circulaire n° 18, 15 mai 1926.
  • 166 Petit Démocrate, 5 décembre 1926.
  • 167 ibid., 28 novembre 1926.
  • 168 Politique, 15 février – 15 mars 1927.
  • 169 ibid., 15 janvier – 15 mars 1927.
  • 170 Petit Démocrate, 27 novembre 1927.

48L’adhésion à la politique de Locarno est ici le signe le plus évident, le P.D.P. espérant à son Congrès de 1925 que ces accords marquent vraiment le début d’un esprit nouveau. Paul Simon les défend au moment de la ratification à la Chambre. Des pressions ont pu être exercées sur le groupe démocrate dans le sens de la ratification. Le Chanoine Beaupin informe P. Simon qu’on se préoccupe beaucoup "en haut lieu" de l’attitude des députés catholiques : il faudrait de même intervenir pour dire les raisons de principe motivant cette attitude, et surtout montrer l’accord entre les revendications pontificales et l’esprit qui a triomphé à Locarno163. En fait on veut toujours défendre la "politique du Centre" sur le plan international telle que la définit Cornilleau entre la "démagogie internationaliste" de la Gauche et la Droite "empoisonnée par le marrassisme". Cependant le désengagement par rapport au nationalisme catholique traditionnel leur vaut déjà des polémiques, pour Cornilleau avec L’Avenir et pour Pagès dans L’Ouest Éclair contre Castelnau164. C’est le moment où le Parti accepte la politique de rapprochement franco-allemand. Pagès indique clairement que Briand a dit compter sur les catholiques français et allemands pour qu’ils soient ses auxiliaires dans l’œuvre de paix à laquelle il travaille165. Boissard se déclare convaincu que les catholiques du "Zentrum" ont désormais choisi l’entente occidentale (face aux craintes d’une entente avec la Russie)166. Le Congrès de 1926 se prononce en faveur d’une politique de collaboration, mais toujours fondée sur le respect des traités167. C’est le moment où de plus les suites de la condamnation de l’Action Française contribuent à orienter ces positions dans un sens encore plus hostile aux thèses nationalistes qui restent dominantes chez les catholiques français et les "nationaux" catholiques, les Démocrates Populaires étant déjà isolés sur ce terrain. L’effort de réflexion sur les problèmes internationaux est épaulé à partir de 1927 par Politique qui dégage un esprit favorable à l’entente internationale et assez "briandiste", tout en insistant comme au P.D.P. sur le respect des traités et la nécessité d’assurer la sécurité française. Prelot y analyse les "grandes forces internationales" qui peuvent œuvrer pour la paix comme la S.D.N., le Vatican, mais aussi les "internationales" politiques168. Des thèses très favorables à la S.D.N. et aux contacts internationaux de tous genres sont constamment développés, à côté d’autres qui réaffirment par exemple la nécessité du maintien de l’occupation rhénane ou d’une réorganisation des forces militaires169. Le Congrès de 1927 insiste à nouveau fortement sur les deux volets nécessaires de la politique française : politique internationale et maintien de la sécurité170.

  • 171 ibid., 12 février 1928.
  • 172 ibid., 25 novembre 1928.
  • 173 Politique, 15 septembre 1929.
  • 174 Petit Démocrate, 24 février – 28 avril 1929.
  • 175 Politique, 15 janvier 1929.
  • 176 ibid., 15 août 1929.
  • 177 Petit Démocrate, 17 novembre 1929.

49Le P.D.P. parle officiellement d’une "politique transnationale". Pagès développe ce thème et y voit l’expression d’un nationalisme idéaliste, spirituel, historique, fondé sur une conception surtout morale du rôle de la nation171. L’évolution du Parti continue cependant. A son Congrès de 1928 il proclame que l’heure est venue de régler les grands problèmes issus de la guerre. Il approuve les négociations sur l’évacuation de la Rhénanie qui ne doit pas être isolée des problèmes des réparations et de la sécurité. Il faut fixer définitivement la dette allemande, en relation avec les dettes de guerre172. En 1929 on garde confiance dans cette politique d’entente internationale. Un Cahier de la Nouvelle Journée est alors consacré au problème "France-Allemagne" dans un esprit favorable au rapprochement. C’est le moment où Paul Simon prononce à la Chambre un discours pour la ratification du pacte Briand-Kellog de renonciation à la guerre, où les projets Briand de Fédération Européenne sont approuvés et où il est fait écho avec Sturzo dans Politique à l’appel de Coudenhove-Kalergi pour l’organisation pan-européenne173. Dans ce cadre général la confiance est accordée pour les réparations au nouveau Comité des experts, le plan Young étant salué favorablement174. La conférence préparatoire sur le désarmement est également suivie avec attention175 et un règlement du problème sarrois est envisagé176. L’évacuation anticipée des territoires rhénans est considérée comme une étape nécessaire. Le Congrès de 1929 dans ces circonstances se félicite du règlement de la question des réparations177.

  • 178 J. C. DELBREIL, op. cit., pp. 181-182.
  • 179 Petit Démocrate, 13 juillet 1930.
  • 180 Petit Démocrate, 23 novembre 1930.
  • 181 Politique, 15 janvier 1931.
  • 182 ibid., novembre 1931. Petit Démocrate, 6 décembre 1931.

50A partir de 1930 la situation internationale commence à se dégrader et une nouvelle inquiétude apparaît au Parti. Il veut toujours faire confiance en l’Allemagne, s’il est affirmé qu’elle est désormais "au carrefour" comme le dit Pezet à la Chambre en novembre 1930178. Mais au moment des élections de septembre 1930, Cornilleau parle déjà de "l’inquiétante Allemagne", et constate en tout cas qu’en cette année l’enthousiasme en faveur de la S.D.N. est bien tombé179. Le Congrès de 1930 voit dans ces conditions une situation extérieure sérieuse, mais le P.D.P. dit rester attaché à la trilogie de l’arbitrage, de la sécurité et du désarmement, une paix durable exigeant toujours l’avènement d’une "Europe organisée"180. Politique publie une sorte de manifeste sous le titre "Notre programme de politique extérieure" qui déclare vouloir choisir des garanties de sécurité fondées sur l’arbitrage, l’assistance mutuelle, la réduction des armements. Il affirme aussi que la révision des traités est possible181. Ce manifeste est publié par Le Petit Démocrate, l’ensemble des journaux régionaux de tendance Démocrate, et par La Croix, La Vie Catholique, La Vie Intellectuelle. Politique lance à partir de mars une "enquête sur l’Union Européenne" présentée par W. D’Ormesson, qui entend examiner les bases possibles à cette union, mais également les obstacles et les limites. Cependant on parle de plus en plus dans les milieux Démocrates du "malaise allemand", même si l’on finit par approuver la proposition Hoover de moratoire sur les dettes et les réparations avec Pezet à la Chambre. Les efforts pour le désarmement sont bien sûr suivis attentivement. Politique prend une initiative dans ce domaine en publiant en novembre 1931 un mémoire sur "l’internationalisation des services publics de transport aérien" qui comporte aussi la création d’une force internationale d’aviation au service de la S.D.N.182.

  • 183 Petit Démocrate, 29 novembre 1931.
  • 184 Ibid., 13 mars 1932.
  • 185 Ouest Éclair, 11 mars 1932.

51Le Congrès de 1931 veut malgré tout montrer que le Parti reste fidèle à sa ligne de politique extérieure. Tout en reconnaissant les difficultés, il proclame qu’il faut "plus que jamais l’Union Européenne" et le maintien de l’appui à la politique menée depuis six ans. Il faut définir les "voies de l’entente européenne" qui sont la solidarité économique, la sécurité et le désarmement. Une "Journée d’Études" avait été consacrée cette fois aux problèmes Internationaux. Après enquête auprès des Fédérations, le rapport présenté par Simondet insiste sur les notions d’"état de paix" et de "paix organisée" par l’élimination des passions nationalistes et la collaboration économique internationale pour restaurer l’équilibre détruit par la guerre183. En cette fin de 1931 le P.D.P. reste en un sens plus que jamais fidèle aux principes de la politique briandiste, quoiqu’un scepticisme ait commencé à s’introduire sur le plan des rapports franco-allemands. Il s’agit ici d’une véritable profession de foi dans une conjoncture difficile. Ce changement de climat est symbolisé au début de 1932 par le départ puis la mort de Briand. Cornilleau parle de "ce nom qui s’inscrit dans l’histoire comme un symbole de réconciliation et de liberté"184 et Desgrées du Lou salue "l’homme de la paix des consciences, de la paix des patries, de la paix des peuples’’185. Ainsi de 1925 à 1932 le P.D.P. avait été nettement briandiste, même s’il avait commencé en 1931-1932 à reconnaître l’échec du rapprochement franco-allemand. Ce ne sera cependant qu’à la fin de 1932 que le trait sera tiré réellement au P.D.P. sur cette politique.

  • 186 J. C. DELBREIL, op. cit., pp. 134-139.

52Pendant cette période, celui-ci sans rejoindre le pacifisme de la Jeune République, s’était néanmoins nettement détaché des positions de la Droite catholique traditionnelle largement soumise aux influences nationalistes. L’adhésion à cette politique aboutissant en 1931 au thème de la "Paix organisée" fut une dimension importante du clivage avec une Droite et une Extrême-Droite qui concentrèrent sur ce thème une partie de leurs attaques contre le P.D.P. L’Action Française a mis en cause très vite la "démagogie briandiste" des Démocrates, preuve selon elle du grand marchandage préparé par le Vatican et la sacrifiant. Ce thème a été plus ou moins repris par les spécialistes des attaques contre les "Rouges Chrétiens", un homme comme l’abbé Trochu étant constamment accusé d’être un agent particulièrement important de cette politique. Le P.D.P. a également rencontré sur ce terrain les tendances de la Droite traditionnelle et "Nationale" comme la Fédération Républicaine, et en particulier ici le groupe autour de Louis Marin. Il a été comme suspecté et rejeté de la Droite catholique nationale et nationaliste avec une nouvelle ligne de fracture à l’intérieur du Catholicisme français. Les mêmes oppositions sont apparues face aux orientation de la F.N.C. que Pagès a accusé de refuser de suivre les nouvelles orientations pontificales. Les Démocrates ont pu être ainsi rejetés à la fois en tant que nationaux et que catholiques, même s’ils suivaient mieux la politique vaticane. Les orientations de Pie XI avaient en effet commencé à apparaître en 1922 avec Ubi Arcano Dei, se précisant dans la période de la politique briandiste par un soutien à celle-ci et au rapprochement franco-allemand. La politique de Briand a reçu tous les encouragements du Cardinal Gasparri, des nonces Cerretti puis Maglione, alors que l’Action Française la dénonçait comme responsable de sa condamnation. Tout cela a débouché aussi sur des initiatives comme les conférences catholiques franco-allemandes de Paris en 1928 et de Berlin en 1929 où l’on a retrouvé un certain nombre de Démocrates Populaires comme Adéodat Boissard186.

53Le problème se pose de savoir si ce n’est pas cette orientation pontificale qui a été partiellement à l’origine de ces attitudes. Certains faits peuvent être relevés ici comme l’intervention de Mgr Beaupin auprès de Paul Simon en 1926 ou les relations de Pagès avec Mgr Vanneufville qui l’a encouragé dans cette direction, Pagès devenant un des meilleurs théoriciens de cette "politique transnationale" conforme aux principes du Christianisme. Mgr Beaupin par son Comité des "Amitiés Catholiques Françaises" a pu jouer un rôle important d’agent de liaison. Les contacts avec une partie du monde religieux soutenant ces orientations ont pu intervenir, de même que les relations avec Sturzo qui a lui aussi au début servi de contact entre catholiques français et allemands. Cette adhésion à la politique extérieure de Briand soutenue par le Saint Siège avait également un sens de politique intérieure pour le P.D.P. qui est pratiquement après 1926 la seule force qui à la fois soutienne la politique de Briand et vote pour lui, entre les contradictions de la Droite et de la Gauche. Il demeurait cependant que la politique briandiste était surtout soutenue par certaines forces de Gauche et que c’était un domaine où le P.D.P. pouvait montrer certaines convergences avec la Gauche et se démarquer de la Droite. C’était une de ces convergences dont parlait Cornilleau dans son "Pourquoi pas ?" et un des points qui permirent l’accord partiel dans les "Jeunes Équipes" sur le thème des "États-Unis d’Europe", en 1928. Les Démocrates Populaires se sont trouvés engagés ici aux côtés de certains groupes "briandistes". Le problème se pose donc des relations d’ensemble du P.D.P. avec Briand. Des convergences sont apparues en même temps que des espoirs placés réciproquement (partiellement déçus au moment de l’élection présidentielle). Le P.D.P. a été un des Partis qui ont le plus nettement soutenu les idées de "Fédération Européenne" et les initiatives de Briand qu’il a tenté de préciser au-delà de leur côté vague. Il s’est intégré à la "dimension catholique" des forces qui ont soutenu Briand. Les "Cartels de la paix" alors organisés partiellement à l’initiative de la J.R. ont traduit ce rassemblement briandiste.

  • 187 Emmanuel BEAU DE LOMÉNIE, Les responsabilités des dynasties bourgeoises, tome IV, 1963, pp. 215, 30 (...)

54Cette politique a été soutenue également par tout un courant de revues comme L’Esprit International, Les Cahiers de l’Union Européenne, L’Europe Nouvelle, etc... Un autre organe catholique internationaliste a surgi pendant cette période, le Bulletin Catholique International de Maurice Vaussard. Parmi les "souscripteurs" du "Bulletin" figurent un certain nombre de "Démocrates" comme Ch. Flory, G. Bidault, J. Hours. Mais les relations ne furent jamais très étroites avec le P.D.P., même si Ch. Flory a fait partie du Comité directeur de la revue. Des clivages apparaîtront en 1932 face à la nouvelle orientation du P.D.P. en faveur de thèses plus orientées vers la fermeté dans les relations internationales. Malgré tout celui-ci a donc eu une attitude assez claire en 1924-1932 sur la politique extérieure et les rapports franco-allemands particulièrement, les convergences avec la politique vaticane et celle de Briand n’étant pas niables, même si leur interprétation a pu être dès cette période la source de violentes polémiques. Les thèses de la "Droite nationaliste" ont pu être reprises par certains : Beau de Loménie a pu mettre en cause le rôle des Démocrates Populaires qu’il a décrit comme "un groupe constitué avec la bénédiction de Briand et du très Catholique sous-secrétaire d’État de celui-ci, Charles Danielou, et qui "par calcul ou par intérêt" auraient adhéré au "dérivatif antinationaliste qui, tout en leur assurant des sympathies à gauche, leur promettait aussi les indulgences du grand affairisme rallié à la politique briandiste de collaboration franco-allemande"187.

Le P.D.P. et L’Europe Centrale – Pezet

  • 188 M. LAUNAY, Les Fondements géo-politiques d’une diplomatie in : Relations Internationales, n 0 2, 19 (...)
  • 189 Politique, 15 février 1927.
  • 190 E. PEZET, Où va la Pologne ?, 1930.
  • 191 Politique, 15 février 1927.
  • 192 Politique, 15 novembre 1929.
  • 193 ibid., 15 avril – 15 mai 1931.

55Une autre direction importante a été celle de l’intérêt témoigné aux problèmes des nations de l’Europe Centrale et Orientale, aux états de la "Petite Entente" surtout grâce à Ernest Pezet qui bientôt s’en est fait le spécialiste à l’intérieur du Parti. Les contacts noués à l’intérieur du S.I.P.D.I.C. avec un certain nombre de partis de ces pays ont joué un rôle ainsi que la solidarité catholique à l’égard de certains pays. Cet intérêt était déjà apparu dans les milieux catholiques sociaux et démocrates chrétiens de l’immédiat après guerre, comme dans L’Âme Française188. Une sympathie s’est peu à peu affirmée chez les catholiques démocrates pour ces jeunes nations qui tentaient une adaptation des formes démocratiques. La Pologne est saluée par Pagès en 1927 en tant qu’exemple d’un pays qui s’organise en "Démocratie éclairée"189. En 1930 Pezet estime cependant que la situation politique en Pologne reste précaire et instable. Malgré des réserves face à la "démocratie autoritaire" polonaise, il est en relation avec un homme comme Wenceslas Bitner, membre du Parti Chrétien Social et il a des entretiens amicaux avec plusieurs dirigeants polonais. Il publie en 1930 son ouvrage Où va la Pologne ? qui se veut "un acte d’amitié, de clairvoyance et de paix"190. A l’égard de la Pologne catholique, anti-allemande et anti-soviétique jouaient naturellement de forts éléments de sympathie, quoique des réserves soient apparues à l’égard de son type de "démocratie" et des inquiétudes envers sa politique extérieure. Une sympathie se révèle également pour l’Autriche et son Parti Chrétien Social qui y joue un rôle important et dont Politique approuve le programme191. Mais on voit aussi bientôt "l’Autriche au carrefour" au niveau de ses options intérieures et extérieures et la question de "l’Anschluss" sous jacente192. En 1931 l’affaire de "l’Anschluss douanier" et de l’union douanière austro-allemande est suivie avec attention et inquiétude193.

  • 194 Petit Démocrate, 25 juillet 1926 – 23 décembre 1928.
  • 195 Politique, 15 mars 1931.
  • 196 Archives Ernest PEZET – Discours à la 21e conférence de l’Union Interparlementaire.
  • 197 J.O. Chambre, 24 novembre 1931.

56Ce sont en fait les problèmes d’ensemble de l’Europe centrale qui sont envisagés. Raymond-Laurent effectue un voyage à Prague en 1926 dans cette "jeune république" tchécoslovaque et il reçoit Bénès en 1928194. Le ton général est assez favorable à la Tchécoslovaquie, même si la solidarité catholique joue moins. Il s’agit d’un des pays de la "Petite entente" où la France doit continuer à jouer son rôle. La Yougoslavie et ses problèmes sont également considérés attentivement : problèmes intérieurs et ceux l’opposant à ses voisins. La Roumanie pour les mêmes raisons bénéficie d’un capital de sympathie. La Hongrie pose d’autres problèmes en tant que puissance "révisionniste", mais il s’agit encore d’une nation catholique et de la "plaque tournante" de l’Europe Centrale dont il faut comprendre les souffrances héritées de l’histoire195. Dans cette région, l’attitude du P.D.P. est en tout cas en conformité avec la politique générale française qui s’y veut active. Une méfiance se manifeste en face du rôle de "l’impérialisme mussolinien". Mais une relative contradiction pouvait exister entre le soutien au rapprochement franco-allemand et certains éléments de cette politique. Pezet effectue de nombreux voyages en Europe Centrale. Il se rend en Pologne en 1929 et dans les six pays de cette région en 1931. Dans un discours au Parlement roumain à Bucarest il développe en octobre 1931 le thème des nécessaires ententes économiques contre les autarcies nationales et il salue les possibilité d’une "entente balkanique"196. Le 24 novembre à la Chambre, il prononce son discours sur le thème "anarchie danubienne, désordre européen, paix précaire". Il montre comment l’instabilité politique et économique de ces régions risque d’être parmi les éléments pouvant le plus directement menacer la paix européenne197.

  • 198 Archives Ernest PEZET – Dossier "L’Europe Centrale et le plan Tardieu – 1931 – Mon rôle dans sa pré (...)
  • 199 Petit Démocrate, 13 mars 1932.

57C’est avec ces idées générales ainsi précisées qu’il collabore au "plan Tardieu" en 1931-1932 d’entente économique des pays danubiens. Ce plan provoqué d’autre part par les études de la S.D.N. sur la situation financière des "États successeurs" eut aussi dans ses origines les rapports remis au Quai d’Orsay par Pezet en octobre 1931, consécutivement au voyage effectué dans ces pays198. En mars 1932, Tardieu convoque Pezet pour discuter avec lui du plan en préparation et de son idée d’une entente douanière en Europe Centrale. Ce dernier thème était d’ailleurs l’objet officiel de son voyage au cours duquel il avait rencontré Mgr Seipel en Autriche, le Comte Zichi en Hongrie, Bénés en Tchécoslovaquie. Il avait conçu l’idée en particulier qu’il fallait aller vers une entente économique de ces pays. Le Congrès du P.D.P. évoque alors également la nécessité d’ententes économiques régionales sous le contrôle de la future union européenne. Pezet suggère l’ouverture de crédits aux pays danubiens, une réforme et une assistance financière sous le contrôle de la S.D.N. Le 6 mars 1932, le Conseil National se réjouit de l’initiative prise par le Gouvernement de proposer un plan d’entente économique de cette région, et souligne que la reconstruction danubienne est une des conditions du maintien de la paix199.

P.D.P., Italie et Fascisme

  • 200 ibid., 25 janvier 1925, 23 décembre 1926, 26 juin 1927.
  • 201 ibid., 12 avril 1925, 13 avril 1926.
  • 202 Politique, 15 août 1927.
  • 203 ibid., 15 mai 1929.

58L’Italie a posé d’emblée un problème spécifique aux démocrates chrétiens et au P.D.P. constitué deux ans après l’installation du Fascisme. Là encore pouvaient jouer a priori des sympathies pour un pays catholique, et de plus le fait que s’y était développé le premier Parti "Populaire" de l’après-guerre qui a pu être un "modèle" pour le P.D.P. Mais en 1924 la situation de ce qui reste du P.P. I. est difficile, et les contacts sont noués essentiellement avec les émigrés du Parti qui vont contribuer à orienter le P.D.P. dans un sens anti-fasciste. Cet esprit apparaît assez vite de façon majoritaire au Petit Démocrate et à L’Ouest Éclair dès 1922. Des "lettres d’Italie” sont publiées au Petit Démocrate qui décrivent l’isolement d’un régime fasciste formé en réalité d’une "bande d’aventuriers"200. Le ton est assez violent à L’Ouest Éclair qui parle d’un "régime quasi militaire". En revanche Sturzo est reçu à Paris dès le début de 1925 par le P.D.P., et l’on montre désormais deux systèmes qui s’opposent en Italie, la puissance matérielle du paganisme et l’idéal chrétien, Sturzo étant le plus redoutable adversaire de Mussolini. Mais on approuve les "Populaires" de ne pas compter sur l’action directe pour abattre le Fascisme201. Marcel Prelot, en contact avec Sturzo dont il devient le traducteur, en même temps que l’introducteur des thèses du "Popularisme Démocratique" suit particulièrement les débats d’idées autour du Fascisme italien. Certains aspects du régime fasciste sont envisagés de façon plus approfondie, comme sur le plan social la "Charte Italienne du Travail". J. Lerolle y voit à côté de principes que pourrait revendiquer l’École Sociale Chrétienne des erreurs conduisant à l’étatisme fasciste202. C’est celui-ci qui est de plus en plus critiqué. On estime qu’on ne peut le qualifier de corporatif, point sur lequel insiste F.L. Ferrari203. Les aspects intérieurs du régime font l’objet dans l’ensemble de sévères critiques qui démarquent nettement les Démocrates Populaires des autres tendances de la Droite. Ils refusent de faire leurs les thèses courantes dans la Droite modérée d’un Fascisme "moindre mal" face au péril révolutionnaire, les sympathies allant plus loin dans la Droite autoritaire. Par cette hostilité, le P.D.P. est là encore souvent isolé dans la Droite modérée, nationale et catholique et même dans le Catholicisme français.

  • 204 ibid., 15 mai 1927.
  • 205 ibid.
  • 206 Petit Démocrate, 19 octobre 1930.
  • 207 Archives L. A. PAGÈS, S. I.P.D.I.C. 1931.
  • 208 Politique, 15 mars 1929.
  • 209 Bulletin du S.I.P.D.I.C., n° 4, 4 novembre 1929.

59La politique extérieure du Fascisme suscite également des préventions et la position que doit prendre la France à l’égard de l’Italie est définie assez rapidement. Pour Maurice Vaussard, si importante que soit la question des rapports franco-italiens, elle l’est moins que celle des relations franco-allemandes204. Au sujet des revendications extérieures de l’Italie, si Vaussard ne refuse pas a priori que l’on accorde certaines satisfactions à ses désirs d’expansion, Pagès y est plus hostile en voyant dans le Fascisme "l’ami des Soviets" qui fait le jeu de la Hongrie et de l’Allemagne en Europe Centrale205. La volonté agressive du Fascisme est décrite par Politique, toute concession ne servant qu’à accroître son appétit206. Une déclaration du P.P. I. au S.I.P.D.I.C. en 1931 affirme que l’esprit fasciste reste dangereux pour la paix européenne et qu’il faut continuer à s’opposer à la "mystique" de la révision qu’elle soutient207. Ces avertissements maintenus n’ont pas été sans conséquences. L’Ouest Éclair critique en 1932 un Mussolini "inquiétude de l’Europe". L’attitude à l’égard de l’Église et du Vatican est une autre dimension qui interfère cependant. Ici Ferrari dénonce en 1928 la campagne "philocatholique" du Fascisme, à côté de la lutte violente et ouverte contre le Popularisme qui continue. Au moment des accords du Latran de février 1929, M. Vaussard affirme que Pie XI n’entend rien abdiquer de son autorité spirituelle208, thème largement repris à L’Ouest Éclair et au Petit Démocrate. Au Congrès du S.I.P.D.I.C., Ferrari déclare que la résistance des "Populaires" n’est pas entamée par ces accords209.

  • 210 Entretiens de Juilly – Le problème international, Paris, De Gigord, 1928, 230 p.
  • 211 Politique, 15 avril 1929.
  • 212 ibid., 15 mai 1931 – Petit Démocrate, 26 avril 1931.
  • 213 ibid., 15 janvier 1932 – Petit Démocrate, 17 mai 1931.

60En fin de compte c’est une opposition que l’on peut qualifier de philosophique au Fascisme qui a guidé dans l’ensemble les réactions des Démocrates Populaires, même si certaines interventions ont pu aller dans le sens d’une relative modération. Aux entretiens de Juilly en 1928, Vaussard prouve comment le Fascisme et le Bolchévisme sont tous deux opposés au "supra-nationalisme" catholique, et sont liés par une parenté profonde et étatiste210. C’est l’amorce du thème de l’hostilité aux "totalitarismes". Cette opposition stimulée par les émigrés italiens est aussi une opposition plus générale à ce que Ferrari appelle les "dictatures européennes". En Espagne, si la dictature de Primo de Rivera avait d’abord été jugée "libérale" et "bienfaisante", on constate très vite qu’elle aboutit à une impasse211. L’installation du régime républicain en 1931 est d’abord accueillie favorablement. Mais cette jeune République doit s’appuyer sur une "Démocratie Populaire" incluant le courant catholique212. Après avoir suivi avec intérêt les "premiers pas" de cette république nouvelle, on admet un désenchantement devant la montée d’un anticléricalisme et d’une seconde révolution plus menaçante213.

Notes

1 G. HOURDIN, Année Politique, décembre 1932.

2 R. CORNILLEAU, Vers la Justice sociale... mais par quelle route ? SPES, Action Populaire, 30 p.

3 Petit Démocrate, 27 novembre 1927.

4 ibid., 30 août 1925, 12 septembre, 31 octobre 1926.

5 Petit Démocrate, 24 mars 1929.

6 ibid., 13 septembre 1925, 20 juin 1926.

7 ibid., 21 juin, 1er novembre 1925.

8 ibid., 23 août 1925, 10 juin 1928.

9 Politique, 15 juin 1929.

10 Petit Démocrate, 23-30 janvier 1927.

11 Petit Démocrate, 27 novembre 1927.

12 Politique, 15 juillet 1927.

13 Petit Démocrate, 16 janvier – 6, 20 février 1927.

14 Politique, 15 octobre 1927.

15 Semaines Sociales de France. 21e session – 1929.

16 Politique, 15 août 1929.

17 Petit Démocrate, 26 janvier – 2, 3 février 1930.

18 ibid., 18 mai 1930.

19 Voir plus bas, p. 246.

20 Petit Démocrate, 12 avril, 25 octobre 1931.

21 ibid., 23, 30 août 1931.

22 ibid., 6 septembre 1931.

23 ibid., 22 novembre 1931.

24 ibid., 13 septembre, 1er novembre 1931.

25 ibid., 22 novembre 1931

26 Semaines Sociales de France – 23e session – 1931 – Mulhouse.

27 Voir plus bas, p. 370.

28 Petit Démocrate, 8 février 1931.

29 Politique, 11 février, 15 avril 1928.

30 Petit Démocrate, 25 novembre 1928.

31 ibid., 21, 28 avril 1928.

32 Petit Démocrate, 21 juillet 1929.

33 Archives Évêché de Lille – Dossier 5. Assurances Sociales.

34 Archives Évêché de Lille – Correspondance Edouard Leriche.

35 Petit Démocrate, 18 juin 1929.

36 ibid., 30 juin, 18 août, 27 octobre 1929.

37 ibid., 17-24 novembre 1929.

38 ibid., 9 février 1930.

39 Politique, 15 février 1930.

40 G. TESSIER, En face des Assurances Sociales, Paris, SPES, 1929, 44 p.

41 A ce sujet :
 – P. TALMY, Histoire du mouvement familial en France.
 – Renée COIRARD, L’apport des Catholiques Sociaux à la politique familiale française, Aix, Paul Roubaud, 1943, 343 p.
 – P. CECCALDI, Histoire des prestations familiales en France, 1957.

42 Petit Démocrate, 14, 28 juin 1925.

43 ibid., 27 novembre 1927.

44 Petit Démocrate, 17 mai, 20 septembre 1931.

45 A.D. Finistère – Archives P. TRÉMINTIN – 104 J 20. Politique agricole du P.D.P. – 7 feuillets.

46 Voir plus bas, p. 244.

47 Petit Démocrate, 27 novembre – 11-18 décembre 1927.

48 Petit Démocrate, 2, 23, 30 septembre 1928.

49 ibid., 27 novembre 1928.

50 Politique, 10 juillet 1929.

51 Petit Démocrate, 17 novembre 1929.

52 ibid., 1 septembre 1930.

53 Ph. DE LAS CASES, Guide Pratique d’Action Rurale, Paris, Bloud et Gay, 1931, 95 p

54 Petit Démocrate, 26 juillet – 10 août 1931.

55 Brochure – Bureau d’études du P.D.P. – Le Programme Rural du P.D.P. éditions du P.D.P., 7 p., s.d.

56 J.O. Débats – Chambre, 17 novembre 1928.

57 ibid., 7 février – 27 avril 1930.

58 A ce sujet : Archives Yves Le DANTEC. Notes sur les "Syndicats MANCEL”
 – Henri PITAUD, La Terre aux Paysans, Paris, Bossuet, 1936, 444 p.
 – P. MEVELEC, Le Combat du Paysan Breton à travers les Siècles, 1973, t. IL
 – Suzanne BERGER, Les Paysans contre la Politique, Paris, Seuil, 1975, 346 p.

59 Progrès Rural, février-avril 1926.

60 Petit Démocrate, 28 novembre 1926.

61 Progrès Rural, 8, 15 janvier 1928.

62 ibid., 1er avril 1928.

63 A.D. Finistère. Archives P. TRÉMINTIN. Décembre 1927.

64 Intérêt Français, 27 juin, 4 juillet, 8 août 1928.

65 Action Française, 30 mars 1928.

66 Progrès Rural, 22 septembre, 14 octobre, 30 décembre 1928.

67 Archives évêché de Lille – 53 – Rapport VANNEUFVILLE –

68 Archives du diocèse de Lille – Archives VANNEUFVILLE. Lettre à l’Abbé TROCHU, 15 février 1928.

69 Archives Chantilly – Brochures et Papiers sur le S.C.I.R.

70 Petit Démocrate, 29 mai 1927.

71 ibid., 24 février, 4 août, 6 octobre 1929.

72 ibid., 7 août 1927, 27 septembre 1929.

73 ibid., 9 août 1931.

74 Petit Démocrate, 8 septembre, 15 novembre 1929..

75 ibid., 18 janvier 1925 – Ouest Éclair, 3, 5, 16 janvier 1925.

76 J.O. Débats – Chambre, 15 janvier 1925.

77 Petit Démocrate, 9 août 1925.

78 Petit Démocrate, 30 août – 6, 27 septembre 1925.

79 C.F.T.C. Circulaire n° 55, novembre-décembre 1925.

80 C.F.T.C. Circulaire n° 49, janvier 1925.

81 C.F.T.C., Circulaire n° 52, avril 1925.

82 C.F.T.C., Circulaire n° 61-63, janvier-avril 1927.

83 C.F.T.C., Circulaire n° 68, janvier-février 1928.

84 M. LAUNAY, op. cit., p. 1073.

85 M. LAUNAY, op. cit., pp. 1184-1190.

86 Archives Gaston TESSIER – Dossier P.D.P.

87 ibid., Lettre au Docteur THIBOUT, 19 février 1926.

88 M. LAUNAY, op. cit., pp. 2028-2058.

89 Archives G. TESSIER – Correspondance R.-LAURENT, 17 avril 1931.

90 C.F.T.C. Circulaires n° 60, 66.

91 C.F.T.C. Circulaires n° 71, 74, 75.

92 C.F.T.C. Circulaire n° 75 – mars 1929.

93 C.F.T.C. Circulaire n° 3 – octobre-décembre 1928.

94 C.F.T.C. Circulaire n° 81 – mars-avril 1930.

95 Petit Démocrate, 8 mai 1931.

96 A ce sujet : P. TALMY, Histoire du Syndicalisme Chrétien en France, Paris, Bloud et Gay, 1965.
 – H. L. DUBLY, EUGENE MATHON 1860-1935, 1946, 348 p.
 – M. LAUNAY, op. cit.

97 Note Confidentielle, n° 175, n° 178.

98 Note Confidentielle, n° 193.

99 Figaro, 15, 23 mars 1927.

100 Archives Évêché de Lille – Papiers VANNEUFVILLE – 52 – Syndicats Chrétiens.

101 Cardinal SBAREITI, 5 juin 1929.

102 Petit Démocrate, 17, 24 août 1930.

103 Petit Démocrate, 31 mai, 7, 28 juin 12, 19 juillet, 3 août 1931.

104 Archives Évêché de Lille – Papiers VANNEUFVILLE. Lettres évêque de Lille, 16 février, 6 mars 1929.

105 Bataille Ouvrière, 28 avril 1929.

106 M. LAUNAY, op. cit., p. 1993.

107 Petit Démocrate, 22 mai 1926.

108 L’Efficience Économique et Sociale, février 1927.

109 Archives Semaines Sociales Lyon – 1931 – DUTHOIT à GONIN, 21 novembre 1930.

110 Petit Démocrate, 5-12 août 1928.

111 ibid., 18 août 1929.

112 Archives Semaines Sociales – Lyon – Lettres DUTHOIT, 15-17 janvier 1925.

113 Archives Semaines Sociales – Lyon – s.d. 1928.

114 Archives Semaines Sociales – Lyon – Dossier – Conflit textile dans le Nord.

115 Archives Semaines Sociales – Note sur le choix d’un thème d’étude pour la Semaine Sociale de 1931.

116 Chronique Sociale de France, novembre 1928.

117 C.S.F., juin 1931.

118 M. LAUNAY, La C.F.T.C. et le Front Populaire, Bulletin de la S.H.M. n° 3, 1975.

119 P. DROULERS, Politique Sociale et Christianisme, op. cit., t. Il, 1981, p. 99.

120 P. DROULERS, op. cit., pp. 139-141.

121 P ; DROULERS, op. cit., p. 164.

122 Dossiers de l’Action Populaire, 25 novembre 1927.

123 ibid., 25 mars, 10 juin 1930.

124 Annales de l’A.C.J.F., 25 janvier 1925.

125 Discours Ch. FLORY. Librairie de la jeunesse Catholique, 1925, 19 p.

126 Annales de l’A.C.J.F., 25 août 1925.

127 Annales de l’A.C.J.F., 27 novembre 1925.

128 ibid., 25 février 1926.

129 Le Correspondant, 10 avril 1926.

130 Annales de l’A.C.J.F., 25 mai 1926.

131 ibid.

132 Annales de l’A.C.J.F., 25 juin – 25 juillet 1926.

133 Les Anciens de l’A.C.J.F., bulletin n° 18.

134 Archives A.C.J.F. – Chantilly – Note – 1929.

135 Annales de l’A.C.J.F., janvier 1927.

136 Petit démocrate, 22 septembre 1929.

137 Archives A.C.J.F. Archives Nationales 367-MI-53 – Congrès 1928.

138 Petit démocrate, 7, 14, 21 septembre 1924.

139 A ce sujet J. L. POUTHIER, Catholiques Sociaux et Démocrates Chrétiens devant l’Italie fasciste, I.E.P., Paris, 1981, 301 p.

140 Voir plus haut

141 J. L. POUTHIER, op. cit., pp. 30-37 et J. C. DELBREIL, op. cit.

142 Sur l’action de STURZO :
 – Guiseppe ROSSINI, il movimiento catolico nel periodo fascista (Momenti e problemi), Rome, 1969, 291 p.
 – Politica e Storia. FRANCESCO LUIGI FERRARI. Il Domani d’Italia, Rome, 1958, 240 p.
 – Dans : Luigi STURZO, Saggi e Testimonianze, 1960, 240 p.
Maurice VAUSSARD, L’Esilio tra Londa e Parigi, pp. 123-138.
 – Luigi STURZO, Scritti Inediti. Edizione cinque lune. Istituto Luigi Sturzo. Volume 20, 1924-1940. 1975, 550 p.

143 J. L. POUTHIER, op. cit., pp. 46-63.

144 Archives Évêché de Lille – 36 -12. VANNEUFVILLE à l’Abbé TROCHU, 14 février 1925.

145 G. ROSSINI, op. cit., p. 200. Archives F. L. FERRARI, n° 27.

146 G. ROSSINI, op. cit., Lettre FERRARI à SIMONDET, 6 juillet 1926.

147 Petit Démocrate, 4 mars 1926.

148 Petit Démocrate, 25 juillet 1927.

149 Bulletin du S.I.P.D.I.C., n° 1.

150 A ce sujet, J. C. DELBREIL, op. cit., p. 116.

151 M. GERMAIN (Dr LEMESLE), Chrétiens à la Recherche d’une Europe, S.P.E.S. 1931.

152 FERRARI à SIMONDET, 6 juillet 1929.

153 Luigi STURZO, Saggi e Testimonianze, op. cit., p. 135.

154 Bulletin du S.I.P.D.I.C., n° 2.

155 Bulletin du S.I.P.D.I.C., n° 4.

156 J. C. DELBREIL, op. cit., p. 116.

157 Luigi STURZO, Scritti inediti, Document n° 144, p. 280.

158 Bulletin du S.I.P.D.I.C., n° 7, 15 janvier 1931.

159 J. C. DELBREIL, op. cit., p. 182.

160 Bulletin du S.I.P.D.I.C., n° 8.

161 J. C. DELBREIL, op. cit., p. 183.

162 J. M. MAYEUR, op. cit., p. 149.

163 Archives Paul SIMON. Lettre Mgr BEAUPIN, 19 février 1926.

164 A ce sujet, J. C. DELBREIL, op. cit.

165 Archives L. A. PAGÈS, Circulaire n° 18, 15 mai 1926.

166 Petit Démocrate, 5 décembre 1926.

167 ibid., 28 novembre 1926.

168 Politique, 15 février – 15 mars 1927.

169 ibid., 15 janvier – 15 mars 1927.

170 Petit Démocrate, 27 novembre 1927.

171 ibid., 12 février 1928.

172 ibid., 25 novembre 1928.

173 Politique, 15 septembre 1929.

174 Petit Démocrate, 24 février – 28 avril 1929.

175 Politique, 15 janvier 1929.

176 ibid., 15 août 1929.

177 Petit Démocrate, 17 novembre 1929.

178 J. C. DELBREIL, op. cit., pp. 181-182.

179 Petit Démocrate, 13 juillet 1930.

180 Petit Démocrate, 23 novembre 1930.

181 Politique, 15 janvier 1931.

182 ibid., novembre 1931. Petit Démocrate, 6 décembre 1931.

183 Petit Démocrate, 29 novembre 1931.

184 Ibid., 13 mars 1932.

185 Ouest Éclair, 11 mars 1932.

186 J. C. DELBREIL, op. cit., pp. 134-139.

187 Emmanuel BEAU DE LOMÉNIE, Les responsabilités des dynasties bourgeoises, tome IV, 1963, pp. 215, 309, 340, 382.

188 M. LAUNAY, Les Fondements géo-politiques d’une diplomatie in : Relations Internationales, n 0 2, 1974, pp. 101-102.

189 Politique, 15 février 1927.

190 E. PEZET, Où va la Pologne ?, 1930.

191 Politique, 15 février 1927.

192 Politique, 15 novembre 1929.

193 ibid., 15 avril – 15 mai 1931.

194 Petit Démocrate, 25 juillet 1926 – 23 décembre 1928.

195 Politique, 15 mars 1931.

196 Archives Ernest PEZET – Discours à la 21e conférence de l’Union Interparlementaire.

197 J.O. Chambre, 24 novembre 1931.

198 Archives Ernest PEZET – Dossier "L’Europe Centrale et le plan Tardieu – 1931 – Mon rôle dans sa préparation".

199 Petit Démocrate, 13 mars 1932.

200 ibid., 25 janvier 1925, 23 décembre 1926, 26 juin 1927.

201 ibid., 12 avril 1925, 13 avril 1926.

202 Politique, 15 août 1927.

203 ibid., 15 mai 1929.

204 ibid., 15 mai 1927.

205 ibid.

206 Petit Démocrate, 19 octobre 1930.

207 Archives L. A. PAGÈS, S. I.P.D.I.C. 1931.

208 Politique, 15 mars 1929.

209 Bulletin du S.I.P.D.I.C., n° 4, 4 novembre 1929.

210 Entretiens de Juilly – Le problème international, Paris, De Gigord, 1928, 230 p.

211 Politique, 15 avril 1929.

212 ibid., 15 mai 1931 – Petit Démocrate, 26 avril 1931.

213 ibid., 15 janvier 1932 – Petit Démocrate, 17 mai 1931.

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