Chapitre II. Un rôle reconnu 1928-1932
p. 191-234
Texte intégral
I – LA LÉGISLATURE 1928-1932
Nouveau groupe dans la Nouvelle Chambre
1Un Conseil National du Parti se réunit le 10 juin, consacré surtout à l’examen des résultats de la campagne. Raymond-Laurent parle de quarante cinq candidats présentés, mais avec une liste qui ne correspond pas exactement à celle d’avant les élections1. Il inclut en effet comme "candidats Démocrates" les Alsaciens Walter, Seltz, Meck, Bilger, Brom, les Mosellans Labach et Meyer, ce dernier ayant été battu. Il compte aussi l’élu de la Haute-Loire Ernest Antier qui n’était pas présenté initialement en tant que candidat du Parti. Par contre, il ne parle plus d’un certain nombre d’élus soutenus par lui comme Adam, Faure, Cadic, Bellanger, qui n’ont pas rejoint le groupe et de quelques battus. Ce nouveau bilan montre le côté assez flou de certaines étiquettes ; Malgré tout le groupe qui se constitue comprend dix neuf membres au début de la législature. Des députés d’Alsace-Lorraine viennent renforcer les élus du Parti : les députés du Haut Rhin Bilger, Brom (députés sortants), du Bas Rhin Walter, Seltz, (sortants) et le nouvel élu Henri Meck, le député de la Moselle Jean Labach. A nouveau comme en 1924-1928 les Alsaciens-Lorrains forment donc une partie notable du groupe, une sorte de sous-groupe. Un renfort arrivé en 1931 grâce à l’adhésion d’un autre député Mosellan, Robert Schuman, jusque là membre du groupe de l’U.R.D. Élu depuis 1919, il s’est peu à peu séparé du Parti de Louis Marin en particulier sur le plan international, mais également sur le terrain social en se rapprochant des Démocrates et il rejoint alors à la fois le groupe et le Parti2. Quant à l’Abbé Desgranges, il est d’abord au groupe des isolés (devenu en 1929 celui des députés "Indépendants") avant de faire une "déclaration d’entente" avec les Démocrates3. Des déceptions sont à nouveau enregistrées pour l’entrée dans le groupe en ce qui concerne Cadic, Adam, Faure, Bellanger. Cornilleau parlera d’une "campagne de marchandages et d’intimidation... auprès de quelques-uns de ceux qui devaient se joindre à nous"4. Mais son influence était peut-être plus large du fait des "boites" confiées à ses députés par certains collègues. Le total des "sympathisants" atteindrait donc trente cinq5, avec Louis Rolland de la Jeune République, Molinié, De Ramel, Taudière, Lautier, Niel, Cadic, Inizan, Autrand, De Chambrun, De Rodez-Benevent, Le Cozannet, Queinnec, Broglie, Macoin, et aussi Sturmel, Hauss. Dans cette Chambre de 1928 les Groupes de la majorité poincariste sont renforcés et les Démocrates Populaires ont profité aussi de cette poussée au Centre-Droit (131 élus de la Fédération Républicaine). Le "groupe des démocrates" désormais s’appelle officiellement "groupe des Démocrates Populaires" et s’insère parmi ceux du Centre-Droit où la complexité et l’éclatement se sont encore accentués. Le groupe Démocrate Populaire tend à apparaître de plus en plus au niveau parlementaire comme un des petits groupes-charnière du Centre-Droit. Il s’est renouvelé par rapport à 1924 par l’arrivée de Antier, Bahier, Berger, Durand, Gallet, Labach, Lerolle, Mek, Pezet, Pinault, Reille-Soult (soit onze députés nouveaux sur dix neuf).
2Toutefois la formation d’un groupe "démocrate" à la Chambre pour la deuxième fois ne résoud pas tous les problèmes pour la reconnaissance du Parti. Déjà aux élections le Ministère de l’Intérieur n’avait pas distingué dans ses statistiques les Démocrates Populaires de la Fédération Républicaine. La confusion était significative et les voix des Démocrates n’ont pas été officiellement comptées à part. Mais c’est ensuite l’autonomie même du groupe démocrate qui se trouve contestée par le Journal Le Temps qui déclare mal le distinguer de l’U.R.D. et de la "Fédération” et qui en 1929 le situe ensuite à l’Extrême Droite6...
3Le Conseil National du 10 juin voit malgré tout H. Teitgen affirmer qu’il est nécessaire que le P.D.P. définisse exactement sa position politique et n’apparaisse pas comme une annexe d’une autre grande formation, le problème se posant aussi à l’intérieur même du Parti. La rentrée parlementaire a lieu au début du mois. Elle est marquée par la déclaration de Poincaré qui présente son nouveau programme de gouvernement qui est accueilli favorablement par Politique7, même si l’on se demande sur quelle majorité il va pouvoir exactement s’appuyer8. Un problème surgit immédiatement pour le groupe démocrate avec Michel Walter qui demande le 14 juin la mise en liberté des députés Rocklin et Rossé condamnés à Colmar9. Il révèle sa fragilité interne sur cette affaire. Les députés "de l’intérieur" votent pour la question préalable posée par le Gouvernement, alors que les Alsaciens s’abstiennent10. Walter revient à la charge le 28 par une proposition de résolution au sujet de la mise en liberté provisoire des deux députés. Le vote sur la motion d’ajournement assiste à une nouvelle division du groupe : Antier, Durand, Lerolle, Gallet, Simon, votent l’ajournement adopté, tandis que les Alsaciens-Lorrains se prononcent contre. Bahier, Berger, Champetier, Reille – Soult s’abstiennent11. Les Démocrates avaient toutefois refait leur unité sur la question de la réforme monétaire et de la stabilisation légale du franc le 24 juin et Champetier explique à nouveau les raisons de ce vote en faveur de la stabilisation12. On s’achemine néanmoins vers la rupture de l’Union Nationale à la fin de 1928 et au Congrès d’Angers, le problème de la Majorité étant de plus en plus clairement posé de par la volonté de nombreuses Fédérations Radicales de retrouver leur liberté. Desgrées du Lou met en cause dès septembre des "manœuvres à surveiller" qui visent à remplacer l’actuelle majorité par une majorité nouvelle ressemblant au Cartel13. C’est dans ces conditions qu’ont lieu les élections cantonales d’octobre où le P.D.P. tente là encore un effort et la même problématique apparaît pour les alliances nécessaires. Celui-ci est relativement limité à quelques dizaines de candidatures avec quelques résultats. Au total il n’y a guère plus de trente cinq élus aux Conseils Généraux et d’arrondissement et qui sont en grande partie concentrés dans les départements bretons. Quelques échecs témoignent aussi de la fragilité de l’implantation du Parti.
4Un autre effort électoral est tenté par Cornilleau à l’élection législative partielle d’Asnières-Gennevilliers le 25 novembre. Elle se déroule dans une certaine confusion pour les partis de "l’union Nationale". Cornilleau trouve comme concurrents Blacque-Bellair et Leboucq de l’Alliance Démocratique. Il se heurte encore à l’hostilité de l’Action Française. En dépit du soutien des "organisations catholiques et groupements paroissiaux"14, il n’arrive que quatrième et se désiste en faveur de Blacque-Bellair élu contre le candidat de gauche. Il parle malgré tout d’une "expérience intéressante et constructive"15. L’évolution des radicaux s’était poursuivie avec les articles 70 et 71 de la loi de finances et les critiques qui s’ensuivirent contre l’abandon des lois de laïcité. Le climat politique s’aggrave jusqu’au Congrès Radical d’Angers, le vote d’une motion défavorable à Poincaré, la démission des Ministres radicaux et de Poincaré le 6 novembre. Le groupe démocrate déclare alors regretter que le Parti Radical ait pris la lourde responsabilité de rompre la trêve16.
5La rentrée parlementaire a lieu dans ces circonstances marquées par ailleurs par le vote de la déchéance des députés autonomistes. Le groupe vote la motion Paul Faure qui propose que le sort des autonomistes ne soit pas réglé avant l’examen d’une loi générale d’amnistie. C’était selon Le Petit Démocrate le seul moyen de faire ajourner un débat gênant17. Le cinquième gouvernement Poincaré se constitue le 11 novembre sans les radicaux, Cornilleau et le P.D.P. se prononçant toujours "pour la constitution d’un Centre français"18.
6Le IVe Congrès se réunit à Paris du 16 au 18 novembre dans ce climat transformé et Bastianelli évoque "l’émotion factice" autour des articles 70 et 71. Mais Flory veut toujours se tourner vers les "éléments nouveaux" du Parti Radical, "les Jeunes Équipes” et leur exprime son étonnement. La déclaration votée regrette l’agitation entretenue dans un but politique autour des articles et dit souhaiter encore la formation d’une majorité de gouvernement stable autour d’un programme constructif d’inspiration démocratique. Le problème de l’unité du groupe avec les Alsaciens est de même évoqué, le cas de Walter ayant été réglé par sa démission. Le Congrès regrette le "double malentendu" qui existe entre l’Alsace et la France et se prononce en faveur d’un régionalisme qui tienne compte de la situation des provinces recouvrées19. L’affaire de la Gazette du Franc surgit aussi à ce moment et Ernest Pezet dépose une interpellation au sujet des mesures que compte prendre le gouvernement pour réglementer le démarchage financier à domicile. Champetier intervient dans le débat qui a alors lieu visant à élargir les incompatibilités parlementaires20. Cependant la situation parlementaire tend à devenir plus difficile pour le gouvernement Poincaré au début de 1929, les "harcèlements cartellistes" étant plus importants. Face à Poincaré qu’il n’avait jamais beaucoup aimé, Cornilleau estime que s’il n’a pas très bien saisi toute l’ampleur des transformations de l’après-guerre, ce n’est pas une raison suffisante pour le congédier. L’opinion générale est qu’il faut laisser au Ministère le temps de réaliser son action et le Conseil National du 3 mars va dans ce sens. Paul Simon montre notamment comment le groupe démocrate est devenu l’arbitre de la situation parlementaire en contribuant à maintenir en place le gouvernement contre les assauts d’un "néo-cartel", et en résistant à des "sollicitations insidieuses et nombreuses" à gauche21. En fait le groupe joue davantage son rôle d’appoint nécessaire à une majorité réduite, tout en continuant à s’affirmer encore plus nettement au Centre-Droit, face à toute "concentration à gauche", ce qui avait d’ailleurs suscité certaines réserves au Conseil.
7Les Démocrates Populaires essaient néanmoins de prouver leur originalité. François Reille-Soult expose le 22 janvier la "doctrine sociale" du P.D.P. dans un débat où chaque grande tendance expose ses théories. Face au "Libéralisme" et au "Socialisme" le Député du Tarn veut aller plus loin que son collègue Duval-Arnould qui s’en tient aux thèses d’un "Catholicisme Social modéré". Il réclame en particulier une politique de concertation avec les organisations ouvrières22. Une autre question intéressant spécifiquement le groupe revient dans un nouveau débat sur l’Alsace-Lorraine. Brom expose les différentes raisons du mécontentement dans ces régions et demande une autonomie régionale dans une France réorganisée23. Seltz, sur la question du bilinguisme, Walter, démissionnaire du groupe et le mosellan Schuman font aussi des interventions remarquées dans un débat qui dure du 24 janvier au 7 février et qui commence à dévier sur la question de la laïcité. Une motion sur l’Alsace votée au Conseil National de mars réclame le respect des traditions scolaires, une organisation de l’enseignement bilingue. Le problème de la laïcité était présent dans les débats et il revient sur la question des congrégations missionnaires24 où les Démocrates soutiennent le gouvernement et Briand contre tout ajournement, et celle des Associations Culturelles et Diocésaines, Poincaré continuant à disposer d’une majorité face à ces problèmes délicats.
8C’est dans ces conditions qu’on lieu les élections municipales de mai 1929. Bastianelli en mars avait clairement montré que ce n’était que dans peu de cas que l’on avait pu envisager la formation de listes Démocrates. Les Fédérations avaient été conduites à des ententes locales avec les partis modérés. En juin il parlera de batailles menées dans cinquante départements. Dans l’ensemble les résultats sont meilleurs pour le Parti en région parisienne qu’en province, du fait de l’élection de Thibout à Epinay, de Raymond-Laurent à Paris comme conseiller municipal à Saint-Germain des Prés. Dans les départements quelques résultats significatifs sont obtenus dans l’Ardèche, les Bouches-du-Rhône, le Tarn, le Puy-de-Dôme malgré quelques cas de conflit avec la Fédération Républicaine (comme en Meurthe-et-Moselle). Mais le P.D.P. n’avait pu réaliser qu’une implantation très partielle et quasi "pointilliste"25. Après les élections, la rentrée des Chambres qui a lieu le 23 mai est marquée par des attaques contre la politique sociale du gouvernement que soutient le groupe démocrate, ce qu’il fait également sur le terrain de la politique extérieure. Lors du débat de ratification de l’accord de Washington sur les dettes de guerre se révèlent les réticences du groupe de l’U.R.D. nationaliste. La motion Dubois d’ajournement est repoussée avec le concours des Démocrates (18 membres seulement de l’U.R.D. autour de Louis Marin la soutiennent)26. Le groupe ratifiera les accords de Londres et Washington "sans enthousiasme mais sans hésitation"27 (ratification acquise le 20 juillet par 300 voix contre 292).
9Un Conseil National s’était réuni le 16 juin et avait abordé à nouveau la question de la "concentration". Paul Simon avait toujours établi la différence entre un camouflage du Cartel et un accord loyal sur un programme positif28. Mais Desgrées du Lou par exemple parle d’un "malaise politique" dû au fait que Poincaré n’a pas voulu faire figure d’entraîneur29, tandis que Pagès ne veut pas rejeter toute possibilité de concentration pour le jour où les radicaux se montreraient déçus de leur attitude d’opposition systématique30. Politique demande aussi qui, au Parlement ou dans le pays aura l’audace de penser malgré tout à une formule politique nouvelle, l’absence de Centre étant regrettée. Il faudrait définir les conditions d’existence d’un "parti républicain du centre" en suivant une enquête lancée par le "Centre d’Études Politiques" proche de l’Alliance Démocratique31. Le groupe et le Parti se maintiennent dans cette attitude générale à la fois de soutien devenu nécessaire de la majorité poincariste et d’autre part de critique de ses insuffisances, de regret de l’absence d’une autre majorité, mais révèlent toujours des équivoques sur la notion même de "concentration”.
Briand, Tardieu et P.D.P.
10Après la démission de Poincaré le 27 juillet, Briand forme un Ministère qui fait appel à la trêve des partis et obtient une large confiance le 31, avec l’appui des Démocrates. Il avait tenté d’inclure les radicaux dans un Ministère d’"Union Nationale", dont Champetier aurait pu faire partie. Mais si Cornilleau pense que l’heure n’est pas encore venue de telles transformations, même si ces propositions soulignent le nouveau rôle du Parti, Prelot conserve l’espoir que le "briandisme" pourra servir à la "cristallisation centriste" souhaitée32, qui n’est cependant peut-être pas la concentration dont l’échec est constamment imputé aux radicaux33. Cette attitude générale est de nouveau illustrée aux élections sénatoriales d’octobre, où le Parti ne joue pas un rôle très actif. Il est conseillé surtout aux Fédérations d’accorder leur appui aux candidats dont le programme se rapproche le plus de celui du P.D.P.34, l’attitude générale du Parti ayant été peu "concentrationniste".
11Le Ministère Briand est renversé aux lendemains de ces élections le 22 octobre par 287 voix contre 277, en raison de l’appoint décisif de 13 voix de l’U.R.D. et de Louis Marin. Le Petit Démocrate estime alors que Marin, Wendel et leurs "acolytes" ont "bien travaillé pour le Roi de Prusse"35. Mais les craintes d’un "néo Cartel" se révèlent vaines, après l’échec de Daladier. Celui-ci avait jeté une "exclusive" contre la "Droite" comprenant non seulement l’U.R.D., mais aussi les Démocrates Populaires dont il avait dit qu’ils ne pourraient trouver place dans une majorité républicaine36. Appel est donc fait à André Tardieu (républicain de gauche) qui forme un Ministère le 2 novembre qui sera selon Cornilleau "une date dans l’histoire de notre mouvement". Auguste Champetier de Ribes est en effet appelé comme sous-secrétaire d’État aux Finances. Cornilleau déclare que l’on n’aurait pas compris que le P.D.P. soit exclu de cette combinaison qui, si elle ne réalise pas la "collaboration large et loyale" toujours souhaitée témoigne cependant d’un effort de rajeunissement37. C’est bien une nouvelle consécration politique pour le P.D.P. qui participe pour la première fois à un gouvernement. Champetier de Ribes avait entamé sa carrière politique dans les Basses Pyrénées. Député en 1924 et 1928, il avait commencé aussi à se faire remarquer à la Commission des Finances. Au sein du Parti son rôle s’était affirmé à la Commission Exécutive. Sa position avait été renforcée par la proposition d’Herriot en 1926. L’appel de Tardieu ne fait que confirmer la montée d’un homme qui avait acquis une certaine dimension dans les milieux modérés et un respect dans certains milieux de gauche. Il va succéder dès le Congrès de 1929 à Thibout comme Président de la Commission Exécutive38. Le nouveau Président du Parti entame ainsi une carrière ministérielle assez variée puisqu’il deviendra Ministre des Pensions du deuxième cabinet Tardieu en 1930, poste qu’il retrouvera lors des premier, deuxième et troisième cabinets Laval de 1931 à 1932. Il sera Ministre des Pensions et des régions libérées dans le troisième cabinet Tardieu en 1932, assurant donc une présence gouvernementale presque ininterrompue du P.D.P. jusqu’en 1932. Ensuite il ne retrouvera que dans le troisième cabinet Daladier en avril 1938 un poste de Ministre des Anciens combattants, puis de sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères de septembre 1939 à mars 1940, poste qu’il conservera dans le cabinet Reynaud. Par la suite on le verra quitter la Chambre pour la Haute Assemblée après son élection en tant que Sénateur des Basses Pyrénées en 1934 (réélu en 1935). Depuis 1929 il mène parallèlement sa carrière ministérielle et la direction du Parti dont il apparaît désormais comme l’élément le plus influent et le plus représentatif dans les sphères gouvernementales et les milieux modérés. Il contribuera par sa simple présence gouvernementale à l’axer encore davantage au Centre-Droit
12Après la chute de Briand, les groupes du Centre avaient été les arbitres de la situation face à Daladier, même s’il y a eu des sympathies pour une "expérience" Paul – Boncour qui avait pensé à un Gouvernement pouvant aller de Spinasse à Champetier pour "une politique constructive par l’Union d’une certaine Gauche et du Centre"39. Mais Tardieu est accueilli en 1929 très favorablement. Pagès voit en lui "l’homme d’un Locarno total, à l’intérieur et à l’extérieur", et le personnage le plus représentatif d’une politique centriste, ayant le désir de gouverner avec une Majorité où pourraient entrer des radicaux modérés40. Tardieu obtient la confiance le 8 novembre grâce à l’appui des Démocrates, de la Droite et du Centre, jour où s’ouvre à Nancy le 5e Congrès du Parti. Reille-Soult y défend l’attitude générale du P.D.P. et son entrée dans le Ministère Tardieu. La déclaration votée parle d’une "politique positive suivie par le P.D.P.", en face des "exigences pseudo-doctrinales". Pour cette politique constructive une large "collaboration républicaine" demeure nécessaire, mais dont le Parti se refuse pour l’instant à fixer les frontières. Le Congrès demande d’autre part de donner des satisfactions aux Alsaciens-Lorrains et l’application de la loi sur les Assurances Sociales. Sur le plan extérieur une déclaration très "briandiste" est adoptée41. Cependant, si Alfred Michelin dans Politique affirme que le Ministère doit rechercher une "politique des Centres" pour ne pas être entraîné par l’U.R.D. vers une politique réactionnaire42, sur le plan parlementaire un soutien assez massif est apporté à Tardieu lors de la discussion du budget et de la politique économique, mais c’est à la rentrée parlementaire de 1930 que la situation devient plus difficile, et le cabinet est renversé par toute la Gauche avec l’appui de la "Gauche Radicale" le 17 février.
13Appel est fait au Radical Chautemps qui tente une formule de "concentration" en s’adressant en particulier à Tardieu qui refuse. Le groupe démocrate publie une déclaration qui assure qu’il est toujours favorable à l’élargissement de la Majorité, mais qu’une "concentration” ne peut se réaliser que si la direction effective du gouvernement est confiée aux représentants des groupes du Centre43. Chautemps forme son ministère le 21 février autour de quelques membres de la "Gauche Radicale" et de la "Gauche Démocratique”. C’est le soutien du Centre-Droit et d’un groupe comme celui du P.D.P. qui manque à cette combinaison. Le ministère Chautemps voit la confiance lui être refusée le 25 février (292 voix contre 277) avec le concours des Démocrates. La position du P.D.P. s’était toujours vérifiée comme un refus d’une concentration dirigée par les radicaux eux-mêmes et pour une formule dirigée et contrôlée par le Centre-Droit Pagès redit qu’il y a deux types de concentration, celle qui prend son axe réellement au Centre et celle, fausse qui prend son axe à gauche44.
14Appel est fait de nouveau à Tardieu qui tente la forme de concentration souhaitée par les Démocrates, mais se heurte à un refus des radicaux. Il constitue un Ministère où Champetier entre comme Ministre des Pensions le 2 mars 1930. Le Conseil National se réunit le même jour et Paul Simon réaffirme à nouveau que Chautemps avait tenté de reformer le Cartel. La concentration avec les radicaux est déclarée être toujours souhaitable, à la condition qu’ils renoncent à vouloir tous les leviers de commande. Mais certains comme Teitgen montrent également la nécessité de mieux se distinguer de la Droite45. Tardieu obtient une large confiance grâce à l’appui du P.D.P. et de la majorité de la "Gauche Radicale", ce nouveau ministère étant accueilli de façon confiante par Cornilleau qui estime que Tardieu est inclassable dans le cadre des vieux partis. Le groupe démocrate va à nouveau soutenir largement l’action du Gouvernement. Si, sur la question de la gratuité du secondaire, les Démocrates se prononcent contre la gratuité en 6e46, ils soutiennent néanmoins Tardieu qui pose la question de confiance47, ce qu’ils font sur la ratification du plan Young et des accords de la Haye. Pour les assurances sociales, le groupe combat les contre-projets Blondel, Vallat et divers amendements proposés par la Droite. C’est à ce moment aussi que le P.D.P. se trouve impliqué dans une affaire qui a eu un certain retentissement politique et posant encore le problème des relations avec les radicaux, l’élection de Bergerac de mars 1930 parfois appelée "le coup de Bergerac" ; Dans cette circonscription, le Socialiste Simounet, maire de Bergerac et le Radical Quenneson sont en compétition. Le Parti, implanté dans la région présente la candidature de l’avocat Pierre Morand-Monteil et dénonce en Quennesson un affairiste compromis. Au second tour, le socialiste l’emporte sur le radical. Sa victoire était due à un report assez large des voix de Morand-Monteil. Le Journal de Bergerac se réjouit d’avoir abattu "le veau d’or", si les journaux de droite reprochent au P.D.P. d’avoir fait élire un révolutionnaire. Mais de ce côté on affirme que si un Démocrate a pu faire passer un socialiste plutôt qu’un radical, cela est une conséquence de la nouvelle attitude du Parti Radical48. Cette élection suscite de nombreuses réactions aussi bien à droite face au rôle local du P.D.P. qu’à gauche entre socialistes et radicaux. Cornilleau se réjouit de la défaite des radicaux et assure qu’il n’y a pas eu de "scandale de Bergerac" face aux critiques assez violentes de L’Écho de Paris et de La Croix49. D’autres élections partielles ont lieu à Dreux avec Cochinal, a Lorient-1 où le socialiste L’Heveder est élu à une très large majorité face à Gaultier de Kermoal soutenu par le P.D.P. et l’ensemble de la Droite50. En Ardèche il aurait espéré présenter à Largentière Valery Maurel, mais ce fut là une des "occasions que le Parti a dû laisser échapper" dont parlera Raymond-Laurent. Il contribue cependant à faire battre le "candidat d’Extrême-Droite" Duclaux-Monteil par un "républicain modéré", Boissin auquel il accorde son soutien en parlant du "désintéressement" du Parti51. Dans les Côtes-du-Nord à Lannion se présente Yves le Cozannet, "cultivateur Républicain et Démocrate" soutenu par le P.D.P. et L’Ouest Éclair. Élu le 13 avril il n’adhère pas au groupe démocrate pas plus que le nouvel élu d’Espalion, Jean Niel élu le 13 juillet avec le soutien également du P.D.P.
15Après ces élections le problème de la "concentration" est à nouveau posé à cause de la situation difficile du Parti Radical. Mais le soutien à Tardieu ne se dément pas. Après le discours de ce dernier à Dijon, Cornilleau y montre un programme qui pourrait être un tract de propagande du P.D.P., le Président du Conseil étant ainsi "nôtre par ses idées"52. Tardieu devient pour Cornilleau "l’homme qu’on s’arrache" du fait de sa compréhension de l’évolution économique et sociale de l’après-guerre. Il pense qu’il veut une Réforme de l’État dans un sens qui peut rencontrer les idées du P.D.P.53. Il s’agit donc en 1930 d’un véritable enthousiasme à l’égard de Tardieu. S’il est particulièrement vibrant chez Cornilleau, Pagès fait aussi remarquer la concordance entre ses idées et celles du Parti : il y a une rencontre à exploiter et il faut que celui-ci l’aide pour assurer son maintien54. Le Conseil National de juin va dans le même sens et Lerolle remercie Tardieu d’avoir posé le problème dans les termes nécessaires55. Celui-ci sera un des chefs de gouvernement soutenus le plus vigoureusement par le P.D.P., pour les concordances que l’on pense trouver avec une politique réaliste et moderne. Sur le terrain parlementaire le soutien persiste dans le débat sur la politique coloniale et les événements d’Indochine, marqué par l’intervention de Pezet56. C’est à ce moment qu’à propos du cinquantenaire de l’École Laïque, vient en discussion un amendement Thomson qui parle de "la liberté d’enseignement et de neutralité". Tardieu demande d’accepter ce texte qui est rejeté grâce à l’appui d’une partie de la Droite qui le trouve insuffisant. Tremintin parle à cette occasion de la "politique du pire" pratiquée par les "droitiers"57.
16La vie politique tombe cependant en léthargie et ne se ranime qu’au Congrès radical d’octobre où se vérifient à nouveau les équivoques du Parti. Politique estime que la "concentration" ne peut être facilité par ce Congrès58. La rentrée parlementaire est surtout marquée par la discussion sur la politique extérieure où Pezet soutient Briand à travers une des plus importantes déclarations dans ce domaine du Parti59. Mais le scrutin révèle les équivoques de la situation parlementaire. La Gauche soutenant la politique de Briand vote contre le Ministère et la majorité de la Droite la combattant le soutient. Les Démocrates sont parmi les seuls à mettre en concordance leur soutien à Briand et leurs votes60. Le VIe Congrès du P.D.P. se réunit à Paris du 14 au 16 novembre 1930. Cornilleau dans son rapport sur la politique intérieure justifie le soutien total accordé à Tardieu qui ne se sépare pas du soutien à Briand que certains dissocient. Une majorité se dégage pour affirmer qu’il ne faut rien faire qui pourrait être interprété comme un geste inamical à l’égard du Ministère. La déclaration déplore seulement que l’action du gouvernement soit contrariée par l’attitude équivoque de ceux qui tout en disant approuver sa politique votent contre lui et inversement61. Le soutien accordé aux grandes directions de la politique du cabinet Tardieu-Briand ne suffit toutefois pas pour l’empêcher de tomber au Sénat sur l’affaire de la banque Oustric le 4 décembre.
De Steeg à l’échec de Briand
17Le groupe démocrate adopte un ordre du jour le 9 décembre qui proclame que si tous les "Républicains de Gouvernement" faisaient l’effort nécessaire pour s’accorder sur une conception de la laïcité, dégagée de toute arrière pensée, il serait facile de consacrer l’existence d’une Majorité républicaine solide. Mais après avoir pensé à Laval (qui aurait eu la faveur des Démocrates), c’est vers le radical Steeg que Doumergue se tourne pour tenter à nouveau une formule de "concentration" le 11 décembre. Il forme un cabinet avec le concours de certaines personnalités modérées (Barety, Cautru, Thoumyre) et il s’était adressé aussi au P.D.P. Mais le groupe et le Parti ne vont pas répondre à cette "offre de collaboration". Dans une première motion, le groupe rejette les "exclusives lancées contre Tardieu" qui empêchent la formation d’un Ministère de détente. Dans une "réponse collective" à Steeg, il demande que cette exclusive soit levée pour un gouvernement d’apaisement. Champetier et Simon rencontrent Steeg qui propose un portefeuille au groupe qui le refuse sur l’affaire des "exclusives"62. En décembre 1930 se reproduit partiellement le scénario de 1926 : c’est un refus des Démocrates d’entrer dans une formule ministérielle de "concentration" dirigée par les radicaux. On parle à nouveau d’un Steeg qui cherchait des "saxons" et des "dupes”. Celui-ci obtient cependant une courte majorité le 19 décembre (291 voix contre 284). Les 18 Démocrates et les 85 U.R.D. se retrouvent dans l’opposition, le "Centre" s’étant divisé63. Politique estime aussi que ce Ministère ne représente qu’une apparence de concentration64. L’hostilité contre Steeg ne se dément pas pendant la courte existence du cabinet et le 22 janvier 1931 le groupe contribue à le renverser. C’est la fin rapide de cette tentative de "concentration à Gauche".
18Appel est fait à Pierre Laval qui tente de former un Ministère utilisant l’appui des radicaux. Paul Simon appelé en consultation se déclare en faveur d’un Ministère de détente65. Du côté radical Caillaux et Chautemps se disent pour un rapprochement orienté vers les groupes du Centre mais à la condition qu’aucun membre de l’U.R.D. ne fasse partie du cabinet. Cette "exclusive" est à nouveau saisie comme prétexte par les groupes centristes et le P.D.P. Une fois de plus s’était révélée sa conception de la concentration qui ne devait exclure qu’une partie de l’U.R.D., c’est-à-dire la "tendance Marin : la césure doit se fait à la fois dans l’U.R.D. et chez les radicaux et exclure les "extrémistes" des deux bords. Mais des critiques commencent également à s’exprimer contre cette attitude générale et sur l’affaire Steeg. A. Chatteleyn regrette ainsi que les Démocrates aient voté contre lui, alors qu’il représentait un effort de conciliation66. A ce moment commence à apparaître une tendance témoignant d’une déception face aux attitudes du groupe parlementaire et à ses contradictions dans la pratique de la "concentration". Laval forme un Ministère essentiellement avec l’ancienne majorité de Tardieu et Champetier redevient Ministre des Pensions. Cornilleau y voit un ministère "dans la logique des choses", même s’il demande de ne pas oublier que, par sa formation, Laval reste un homme de gauche67. Ainsi commence la période des trois Ministères successifs de Laval jusqu’en février 1932, le soutien du groupe ne se démentant pas de façon générale. Champetier, Lerolle, Berger, Bilger, Brom interviennent dans la discussion du budget. Mais c’est surtout la politique scolaire qui vient au premier plan (gratuité de la classe de 5e). Le groupe vote un amendement Vallat avec la Droite (sauf Champetier). Paul Simon intervient le 10 mars et rappelle les thèmes principaux des Démocrates, après l’adoption de la motion du Parti au Congrès de 1930 sur cette question : la gratuité du secondaire est une réforme en trompe-l’œil si elle ne s’insère pas dans une réforme d’ensemble de l’enseignement68 Les Démocrates se retrouvent à plusieurs reprises dans la minorité, Champetier s’abstenant69. Le groupe marque bien une originalité, mais à droite. Il se divise même parfois et une tendance plus intransigeante se révèle70.
19Cependant, le groupe en dehors de cette affaire adopte le budget, soutient Briand dans le débat sur la politique extérieure et la question de "l’anschluss douanier". Mais Briand se trouve plus directement sur la scène politique par sa candidature à la présidence de la République annoncée le 11 mai. Il est poussé principalement par les socialistes et les radicaux tandis que la Droite (U.R.D. surtout) met en avant Doumer. Le groupe et le P.D.P. sont ainsi face au problème du soutien de la candidature Briand dont ils avaient toujours appuyé la politique étrangère alors qu’il apparaît de plus en plus comme le candidat des Gauches. En fait le groupe aurait pris la décision face à cette situation de laisser à ses membres une totale liberté au premier tour, une réunion devant avoir lieu pour le second71. Mais selon Trémintin la Commission Exécutive à une très forte majorité le 12 se serait prononcée pour Briand72. Au premier tour celui-ci obtient 401 voix contre 422 à Doumer qui est élu au second par 504 voix contre 334. Des divisions se sont produites chez les Démocrates : Trémintin parle à Champetier d’une cassure qui ne pourra être ressoudée. Il estime la situation grave dans la mesure où le groupe aurait pu renverser le résultat si ceux qu’il appelle les "dissidents" avaient voté pour Briand en entraînant avec eux une vingtaine de députés. Il met en cause Paul Simon qui aurait pris des initiatives imprudentes ayant conduit à une impasse et donné une fois de plus aux Démocrates une allure de velléitaires s’associant aux manœuvres de la Droite. Champetier répond qu’il partage son amertume mais qu’il ne faut pas aggraver le mal fait au Parti et au groupe73. Une partie de celui-ci derrière Paul Simon avait soutenu Doumer dès le premier tour et révélé en son sein une "Droite" face à une "Gauche" représentée semble-t-il par des hommes comme Trémintin, Reille-Soult, Pezet. On verra ainsi affirmer que l’une des erreurs de Briand avait été de croire que la totalité des "démocrates chrétiens" voterait d’enthousiasme pour lui, que des pressions de la Nonciature auraient été exercées sur les députés catholiques en sa faveur74. L’Ouest Éclair avait regretté avec Pagès la campagne violente déclenchée par la Droite contre Briand. Desgrées du Lou rend responsables de l’échec de Briand "des amis zélés et quelques intrigants" qui ont donné à sa candidature un aspect qu’il aurait fallu éviter. Pour Cornilleau il est inutile d’épiloguer sur cette affaire dont il rend responsables les radicaux et les socialistes75. Cependant le Conseil National de juin évoque la question et le Parti affirme qu’il aurait fallu éviter de faire apparaître Briand comme le candidat des socialistes. On reconnaît qu’une "discussion passionnée" mais d’une "haute tenue" a eu lieu à la Commission Exécutive. Cette affaire avait montré au-delà de la division du groupe parlementaire une fois de plus certaines timidités et contradictions du Parti qui avait refusé une opération politique qui l’aurait situé au Centre-Gauche. Les Démocrates que la Droite attaquait pour leur "briandisme" excessif avaient ainsi partiellement lâché Briand à un moment décisif bien que sa politique internationale n’ait pas été en cause.
20Après l’élection de Doumer, le Ministère Laval est reconduit et les problèmes extérieurs viennent au premier plan sur le terrain parlementaire. Le groupe démocrate soutient le gouvernement et Briand dans le débat du 28 juin sur le moratoire Hoover de même que sur des questions sociales et agricoles diverses76. A la rentrée politique de 1931, marquée en particulier par les élections cantonales, Cornilleau salue l’effort des Fédérations afin de se différencier des vieux partis par ce slogan : "ni à Droite, ni à Gauche. Au Centre et en avant !”. Mais une fois de plus, les objectifs et les résultats sont modestes, avec 130 candidats dans quarante départements77. Ces élections ne sont qu’un demi-succès pour le Parti. Ses candidats se sont présentés majoritairement face à la Gauche radicale et socialiste, malgré quelques exceptions notables (ainsi en Meurthe-et-Moselle). Mais les Démocrates ont essayé une autre tactique parfois, tendant à assurer l’échec du candidat socialiste ou cartelliste en votant pour les "radicaux anticollectivistes". C’était la tactique de "concentration" appuyée par des journaux comme Le Sud, Le Télégramme, Le Journal du Tarn, Le Patriote des Pyrénées, qui ont publié des "appels aux centristes", les invitant à voter dans certains cas pour ce type de radicaux. Pagès pourra estimer que les Démocrates avaient été à l’avant-garde du "mouvement concentrationniste"78. Cette attitude toujours complexe à l’égard des radicaux se révèle à l’occasion de leur congrès : si Cornilleau y voit un maintien de la philosophie laïciste, Bidault reconnaît des aspects positifs dans les déclarations de Chautemps : il faudrait à présent que le Radicalisme passe de l’indépendance intellectuelle à l’indépendance parlementaire79.
21Le P.D.P. réunit son VIIe Congrès à Lille du 13 au 15 novembre, marqué de quelques incidents provoqués par les "Camelots du Roi". Mais c’est surtout la question des élections de 1932 qui est débattue. Dès 1930 Raymond-Laurent avait fixé comme objectif d’engager la lutte dans quatre-vingts circonscriptions. Pour lui la "conférence permanente" de 1928 entre les partis modérés n’était pas un véritable "Comité d’arbitrage" et il avait estimé qu’une autre méthode serait préférable pour 1932, les alliances devant se faire dans le cadre départemental. Il avait alors annoncé l’intention du Parti de participer à titre d’information à un organisme central, non d’arbitrage mais de liaison80. Le Conseil National de juin 1931 avait vu certains comme Teitgen réclamer l’adoption d’une formule qui éviterait les confusions avec la vieille Droite. Le P.D.P. avait déclaré ne donner son adhésion à aucune Association permanente comme celle des "partis dits nationaux"81. Au Congrès de 1931, sur cette question des alliances, Raymond-Laurent pense que la position pourrait être la suivante : opposition à tous ceux qui, à droite comme à gauche sont hostiles à la ligne des Ministères Poincaré-Briand-Tardieu-Laval. On déclare vouloir éviter cette fois les "candidatures à investitures multiples" comme en 1928. Le strict maintien de la position centriste est souvent réclamé lors de la discussion pour éviter de donner au Parti l’apparence d’une aile marchante des partis conservateurs. Il ne peut sacrifier ses positions sociales sur l’autel des alliances. Mais Paul Simon rappelle la nécessité de certaines de celles-ci : si le Cartel l’emporte, c’est la politique de concentration qui deviendra impossible. Deux tendances se distinguent entre l’acceptation des alliances à droite et une réticence devant une attitude pouvant dénaturer les idéaux du Parti. Le Congrès vote une déclaration sur l’idée de "collaboration" à réaliser dans tous les domaines, qui réclame sur le plan intérieur une "politique de gouvernement" contre la politique des deux blocs82.
Fin de Législature
22Le soutien au gouvernement Laval continue et les Démocrates votent ainsi dans le débat sur la crise économique contre la priorité de l’ordre du jour socialiste83. Après une mini-crise ministérielle, Laval forme un troisième ministère le 14 janvier et après l’échec d’une ouverture à gauche. Briand, malade était parti et Champetier avait hésité à continuer sa collaboration, le Gouvernement ayant changé de caractère. Laval se présente devant la Chambre le 22 janvier et un ordre du jour de confiance déposé par Paul Simon faisant référence à la "politique de collaboration internationale" est adopté par 312 voix contre 26184. Les "Cartellistes" reprochent aux Démocrates de conserver un représentant dans le Ministère remanié, mais on montre de ce côté qu’il n’y a pas d’incompatibilité avec le programme du Parti. Cependant la question du régime électoral revient et Trémintin rappelle l’attachement du Parti à l’idéal proportionnaliste85. Mais Laval est renversé au Sénat le 16 février et appel est fait à Painlevé qui échoue dans sa tentative de réaliser une concentration. Le groupe démocrate adopte un ordre du jour hostile aux exclusives de groupes et de personnes. Mais en fait on avait trouvé de nouveau cette tentative trop dominée par les radicaux. Tardieu forme alors un Ministère avec l’ancienne majorité et Champetier aux Pensions. Il obtient la confiance le 23 février avec le concours des Démocrates, peu avant la mort de Briand le 7 mars ; Au Conseil National de mars, sur la réforme électorale, une motion Reille-Soult est votée qui déclare que le Parti se désintéressera désormais de toute réforme autre que la R.P. et Trémintin intervient à nouveau le 17 mars en présentant le contre-projet Démocrate sur la représentation proportionnelle (repoussé par 362 voix contre 174)86. Sur l’ensemble du projet modifié par le Sénat, le groupe affirme reprendre sa liberté de vote et ses membres votent contre ou s’abstiennent87. D’autres interventions du groupe se produisent, (Meck sur les problèmes sociaux), les Démocrates votant le budget aux côtés de la majorité.
23Mais c’est bien la question des futures élections qui devient primordiale. Au Conseil de mars, Raymond-Laurent fait état d’un échange de lettres avec le secrétaire général de la Fédération Républicaine et de l’intention de présenter des candidats dans une quarantaine de départements. Après le discours de Tardieu du 6 avril, Desgrées du Lou estime qu’il a précisé le sens d’une véritable concentration qui suppose la défaite du Cartel88. Mais Pagès pense aussi que le Cartel est loin de se faire dans toutes les circonscriptions, que les modérés doivent préparer toutes les coalitions possibles : il y a toujours chez les radicaux des tendances avec lesquelles ont peut s’entendre. Il ne faut pas toutefois que les radicaux obtiennent trop de succès, ce qui les orienterait vers le Cartel89. Cette ambiguïté dans la tactique à l’égard des radicaux demeure à la veille des élections, même si Politique en particulier se déclare toujours favorable à l’idée de concentration. On résume donc la situation : "absence de Centre – forces centrifuges – concentration manquée – troupes dissociées – chefs impuissants "et le regret s’exprime que les Démocrates aient fait partie d’une Majorité s’appuyant essentiellement sur l’U.R.D.90.
II – RELATIONS AVEC LES FORCES POLITIQUES 1928-1932
Conflits avec l’Extrême-Droite
24Le plus gros de l’affaire de l’Action Française est en un sens terminé après les élections de 1928 qui avaient eu notamment dans l’Ouest la signification d’un combat des tendances soutenues par le P.D.P. contre les tendances monarchistes. Désormais les attaques les plus vigoureuses contre les Démocrates Populaires et les Démocrates Chrétiens en général vont être autant le fait d’organes proches de l’Action Française, mais non directement liés à celle-ci. Cependant l’hostilité de cette dernière ne se dément pas pendant toute cette période contre les Démocrates Populaires de plus en plus amalgamés aux autres tendances de la Démocratie Chrétienne. Ainsi immédiatement après les élections une attaque des "Camelots du Roi" a lieu contre le "Club du Carrefour" des étudiants Démocrates au Quartier Latin. Cornilleau parle à cette occasion des "souffleurs de haine" et des "allumeurs de guerre fratricide"91. Le ton à l’Action Française reste extrêmement violent contre les Démocrates accusés d’être manœuvrés par l’Abbé Trochu et L’Ouest Éclair avec le concours de la Banque Finaly ("Banque juive et pro-allemande") et de l’Agence Havas qui tente d’établir un empire sur la presse92. On les accuse aussi depuis la condamnation d’être des instruments de Briand et de ses vastes marchandages entre l’appui à sa politique internationale et les revendications de l’Église, plan supposant l’élimination de l’Action Française et le sacrifice des intérêts français93. Celle-ci tient à monter qu’elle n’est pas isolée en dénonçant les positions des Démocrates, dans une sorte de front des "forces nationales"94. Bientôt elle soutient la campagne qui se développe dans certains milieux proches contre ceux que l’on va appeler les "rouges-chrétiens". Des occasions de conflit direct sur le plan politique et électoral surgissent. C’est en 1931 l’élection municipale du quartier de l’Europe où se présente pourtant un Démocrate Populaire modéré, Alfred Bour candidat d’"Union Nationale Républicaine". Il est élu au second tour devant plusieurs concurrents de droite et un monarchiste. L’"Action Française" s’attaque violemment à Bour et saisit l’occasion pour mener une attaque en règle contre le P.D.P., son inspiration, ses manœuvres, ses buts et ses hommes. Champetier est accusé de faire de son Ministère le centre d’une corruption méthodique au profit des briandistes. Cette élection est décrite comme une nouvelle étape du Mémoire Confidentiel. La dérive va désormais jusqu’aux "moscoutaires" eux-mêmes95. L’hostilité contre les Démocrates continue à se manifester sur tous les terrains : contre l’accentuation de la politique du Ralliement, l’acceptation théorique de la concentration, les positions internationales et le "complot briandiste", les positions sociales démagogiques. Au P.D.P. et au Petit Démocrate, on note une volonté manifeste de ne pas se laisser entraîner dans un cycle de provocations, et une "politique du silence" à l’égard de l’Action Française comme d’ailleurs à l’égard des attaques d’une nouvelle Extrême-Droite. En effet, les Démocrates Populaires sont de plus en plus les cibles d’attaques convergentes venant d’organes se spécialisant dans la critique des "rouges chrétiens".
25Auguste Cavalier est le directeur de L’Intérêt Français qui devient nettement un des organes privilégiés dans ce domaine. Après les élections de 1928, Cavalier expose les ravages du "Démocratisme Chrétien" qui a réussi à faire battre des candidats catholiques et nationaux grâce à l’appui du Cartel96. Dès lors il spécialise ses attaques contre la "démagogie nouvelle" incarnée par le P.D.P. Il développe ces thèmes dans son ouvrage Les Rouges Chrétiens ? : il y dénonce une tentative visant à empoisonner les milieux nationaux et catholiques et souligne la nécessité d’un front unique des défenseurs de la société, de la patrie et de l’ordre, le "sophisme" étant critiqué de présenter ces forces comme inféodées à l’Action Française. Il reprend en fait certains des thèmes de cette dernière, ainsi sur le complot briandiste dont le P.D.P. serait un des agents principaux. Il voit en lui "le pire élément de dissolution civique, sociale, religieuse et nationale"97. Les démocrates chrétiens voudraient mettre la religion au service de leur politique, par une nouvelle forme du "politique d’abord", aidés par leurs complices des "syndicats rouges chrétiens" et des "cultivateurs-cultivants". Cavalier les accuse de préparer une "deuxième charette" : après la Droite prétendue royaliste, ce sera le tour des partis républicains qui ne suivent pas le socialisme comme la Fédération Républicaine, vers le but politique ultime de former un "néo Cartel Démocrate Chrétien-Socialiste". Il réaffirme constamment la nécessité d’un "Front" des "catholiques nationaux" et il s’y consacre dans L’Intérêt Français d’une manière régulière, persévérante et même obsessionnelle. Il est soutenu par Mgr Jouin qui parle aussi de sa "brillante campagne contre la propagande démagogique" et par Havard De la Montagne dans Rome qui approuve ses thèses. Une application de la théorie de la "deuxième charette" est dénoncée aux élections cantonales de 1928, cependant que les "flatteries" dont le P.D.P. accablerait Briand et Paul-Boncour sont vues comme une nouvelle étape d’un rapprochement voulu avec les socialistes pardessus les radicaux eux-mêmes98. Cette "démagogie nouvelle" est manœuvrée par l’Allemagne, et deux fois coupable en trahissant à la fois l’Église et la France99. La connivence avec l’autonomisme alsacien est aussi dénoncée100. Sur tous les plans les "rouges chrétiens" se font les instruments d’une politique visant à imposer aux catholiques le briandisme et le rapprochement avec les Socialistes. La publication du "Pourquoi pas ?" de Cornilleau en 1929 est pour Cavalier la confirmation de ces thèses et il se réjouit de l’isolement du directeur du Petit Démocrate101. L’Abbé Trochu occupe une place d’honneur dans ces attaques. Il est dépeint comme étant le "chef des rouges chrétiens" et le "protecteur du P.D.P." : l’abandon de ses fonctions en 1930 est considéré comme un succès des campagnes de L’Intérêt Français102. Cavalier vise l’abbé Trochu et certains autres abbés Démocrates avec en 1930 le pamphlet Mon Curé à sa place où il met en cause les équivoques du rôle des prêtres dans la politique103. Mais Cavalier se lamente aussi sur une "démocratose" qui envahit les milieux catholiques et les incite à la tolérance à l’égard des "rouges-chrétiens", sur les positions jugées dangereuses de l’A.C.J.F. et même de la "Ligue Patriotique des Françaises".
26L’attitude du Parti en vue des élections de 1932 suscite de très vives inquiétudes et c’est alors que l’on commence à le qualifier de "Parti des chauves souris" qui tout en déclarant ne pas vouloir faire le jeu des collectivistes a déjà fait cartel avec certains socialistes. En conséquence, un seul mot d’ordre est proposé pour les élections : "Le démocrate chrétien, voilà l’ennemi". Il faut lutter en priorité contre le Cartel Démocrates Populaires – Socialistes – Briandistes – Francs Maçons, inauguré aux cantonales. De plus il faut se rendre compte que les démocrates chrétiens sont autre chose que "l’insignifiant Parti de Champetier", qu’ils tirent leur force du fait qu’ils sont l’aile marchante du briandisme qui sera la ligne de partage des eaux aux élections104. On s’efforce de montrer que les Démocrates ont pour préoccupation de dissimuler aux électeurs leur vrai visage, par de multiples ruses et des masques, et le soutien occulte de certaines organisations catholiques105. Le rôle de la presse sera dans ces conditions capital face aux "infiltrations Démocrates". Dès 1928 Cavalier avait discerné les éléments d’un vaste complot visant à "l’asphyxie de la presse nationale". Un "consortium du bâillon" est mis en cause dans son rôle contre "la presse indépendante catholique"106. Des "faits troublants” sont relevés en ce sens, ainsi les "centaines" de bulletins paroissiaux qui auraient reçu des articles reproduisant des opinions du Petit Démocrate107. Trochu est accusé d’être le maître d’œuvre de cette tentative d’accaparement menée grâce à des ressources mystérieuses et au concours de Briand. Une affaire comme la prise de contrôle du Nouvelliste du Morbihan aurait été illustrative de ces manœuvres "briando-trochutistes"108. Mais ce sont d’autre part La Croix et les Croix de province qui sont accusés d’être des instruments de plus en plus fréquents de ce complot par le scandale des "Croix déchues" en faveur de la politique de Briand et du pacifisme chrétien, Briand étant le maître des Croix infiltrés par la maçonnerie109. L’Intérêt Français demande une enquête sur les Croix, mais aussi sur les bulletins des Associations Catholiques, les bulletins paroissiaux pour y relever les "articles tendancieux". La Croix de Paris est décrite comme n’étant plus ce qu’elle devrait être. Cavalier s’en prend également à L’Aube, nouvel organe pour "l’embrigadement des catholiques français".
27L’action néfaste des Démocrates Populaires et des "Rouges Chrétiens” est aussi mise en cause sur le plan social et en particulier les liaisons avec les "cultivateurs-cultivants", la "Ligue des paysans de l’Ouest", instruments de la "nouvelle démagogie110. Les "Semaines Sociales" elles-mêmes sont montrées comme "noyautées". Les syndicats "rouges chrétiens" sont mis en accusation car ils marchent de concert avec les socialistes et les communistes111. L’Intérêt Français est également un des centres de la résistance catholique contre la loi sur les Assurances Sociales qualifiée de "loi folle" et dangereuse et manifestant la collusion des démocrates chrétiens et des socialistes. Les attaques de Cavalier et de L’Intérêt Français sont très représentatives d’une offensive qui se développe contre les démocrates chrétiens et le P.D.P. dans des milieux en fait proches de l’Action Française et qui précisent ses thèmes. On vise dans ces milieux à la formation d’un "Front anti-Démocrate" des catholiques pouvant englober la Fédération Républicaine, la F.N.C., les catholiques sociaux traditionnels contre la "nouvelle démagogie", le parti de Briand et de Trochu. C’est une tentative de revanche des sympathisants de l’Action Française qui essaient de mettre en mauvaise posture le P.D.P. et de l’isoler de la masse catholique. Mais celui-ci n’a pas voulu se laisser entraîner là non plus à des polémiques.
28Dans ce cadre on peut également situer le père Capucin Bénigne qui écrit sous la signature de "Le Trécorrois"112. En étudiant Les Déviations du P.D.P., il indique qu’il s’était d’abord réjoui de la naissance du P.D.P. Mais il pense à présent qu’une autre menace que celle de l’Action Française est apparue, même si tout n’est pas critiquable dans le Parti. En tout cas il estime abusive la complaisance des Démocrates à rechercher des signes de bienveillance à gauche pour les catholiques et il met en cause le "glissement à gauche" de la stratégie du Parti, sa tactique" concentrationniste", point qu’il développe dans Le Parti Démocrate Populaire et la Concentration113. Il y voit le noyau central de la tactique politique du Parti. Mais il montre les obstacles de fond à cette concentration du fait de l’anticléricalisme des radicaux. Celle-ci est donc à rejeter du point de vue catholique. Face à cette tactique désastreuse, la seule solution est de cimenter le "bloc des Droites"114. En effet elle entraîne une mollesse inadmissible face aux lois laïques à combattre qui témoigne chez eux d’"infiltrations laïcistes"115. Le Trecorrois met aussi en cause au P.D.P. ce qu’il appelle "une ardeur exagérée pour la Démocratie", dans le domaine à la fois politique et social, les équivoques de la formule du "Parti non confessionnel" qui contraint le Parti à s’exprimer dans un langage édulcoré et incompréhensible116.
Attaques "intégristes"
29Les organes déjà apparus à la fin de la période précédente continuent leur combat. Ainsi la Revue Internationale des Sociétés secrètes de Mgr Jouin le fait contre la "Judéomaçonnerie rouge" et la "Judéo maçonnerie blanche" dont les démocrates chrétiens sont des représentants dans le cadre d’un rapprochement maçonnico-catholique117. La montée de "l’internationale Blanche" des Partis Populaires Chrétiens est aussi décrite en ascension vers le pouvoir. Les "démissions" sur la laïcité et l’école sont vues comme des preuves de ces compromissions, le P.D.P. facilitant l’entrée de l’ennemi dans la place. On dénonce les "bourgeois catholiques" qui empruntent leurs doctrines aux pires contempteurs de l’ordre social. Il faut en finir également avec ce "ferment de dissociation et de haine" en vue des élections118. Les pamphlets Vérités de Luc-Vérus continuent de développer des thèmes largement voisins. Ils s’attaquent de plus à la politique générale de l’Église et surtout aux Jésuites et aux organisations qu’ils contrôlent, jusqu’à la F.N.C. elle-même. Castelnau est considéré comme ayant été manœuvré par un abus de confiance119. Les pamphlets s’en prennent au Père Merklen, à Mgr Lienart, à Mgr Verdier dont la politique est "une revanche du Sillon"120. Les Démocrates Populaires sont décrits comme les instruments des Jésuites, de même que leurs "conseillers intimes" comme le Père Desbuquois et leur ministre dévoué à la compagnie, Champetier de Ribes121. Quant à la revue Rome et à son directeur, Havard de la Montagne, elle prend aussi pour cibles les Démocrates Populaires et ce qu’elle appelle de façon plus générale "la politique de Canet et de Trochu", les compromissions sur l’école et la laïcité étant là encore dénoncées. En 1931-1932, Havard de la Montagne estime également que la question des Démocrates Populaires doit être posée devant l’opinion et il trouve justifiées les inquiétudes des milieux "nationaux". Tout se passe comme si l’on avait affaire en 1930-1932 à une sorte d’offensive générale et concertée122. Des liaisons sont évidentes entre L’Intérêt Français et Cavalier, Mgr Jouin et la R.I.S.S., Rome, Le Trécorrois, etc... Des angles d’attaque divers sont utilisés selon la spécialisation de ces organes (Franc Maçonnerie, Jésuites, thèmes politiques, thèmes religieux), mais cela aboutit à soumettre les démocrates chrétiens à un tir serré qui les vise sur tous les terrains, tente de les mettre en contradiction à la fois avec la majorité de la Droite, des catholiques, l’Église elle-même, malgré la montée indéniable d’un nouvel anticléricalisme de droite. Des thèmes communs se retrouvent aussi largement qui sont utilisés par certains journaux d’une Droite qui accuse les Démocrates d’être les représentants d’une subversion dans l’Église et d’une subversion sociale. L’Ami du Peuple de François Coty en est ici un exemple. A partir de 1930 surtout il a comme un de ses thèmes favoris les attaques contre les démocrates chrétiens, continuant celles inaugurées par Le Figaro avant 1928, sur un fond de nationalisme et d’hostilité aux lois sociales. Il parle de cette "poignée de catholiques" à la remorque des socialistes, de Briand et de l’Allemagne que sont les Démocrates Populaires et s’en prend aussi bientôt à L’Aube et à F. Gay123. Mais c’est Le Journal des Débats qui attaque "la politique des Démocrates Populaires" et les "entreprises de ce Parti inquiétant"124. Les Démocrates sont également les cibles de revues "parisiennes" : ainsi Le Charivari s’en prend à l’Abbé Trochu, à la "vague rouge et sillonniste" dans les diocèses, soutenue par certains prélats et les Démocrates Populaires maçonnisants125.
Crise avec la "Fédération Républicaine"
30Le P.D.P. entre en 1930-1932 dans une phase de véritable crise avec la Fédération Républicaine et la tendance de Louis Marin surtout. En effet il avait toujours dissocié celui-ci du reste de la "Fédération” qu’il voulait inclure dans une éventuelle "concentration". Après le congrès de la Fédération en 1929, Cornilleau perçoit des éléments nouveaux qui permettent de collaborer sur la base d’un respect mutuel. Mais, deux mois plus tard, après l’élection de Blois (Camille Chautemps élu contre Barillet de la F.R.), il estime que cette défaite est due à la persistance du vieil esprit conservateur de la F.R. qui a rompu avec sa tradition de parti de Centre, étant trop souvent hostile au progrès social et à l’entente internationale126. En 1931, en réponse à un article de Kerillis regrettant la division des "partis nationaux", Cornilleau pose la question : "Union et loyauté. Mais où est l’idéal commun ?”, car celui-ci n’existe plus127. Le Bulletin du Militant dans ses "réponses aux objections faites par la Droite" essaie cependant de montrer que les Démocrates Populaires ne sont pas responsables de la division des modérés face à une politique du "Cartel des Droites" stupide et néfaste. Contre les thèmes de La Nation qui attaque de plus en plus directement les Démocrates, il insiste sur les principaux points de contradiction à opposer à la Droite : impuissance et responsabilités dans le développement de l’anticléricalisme et du Socialisme, votes d’impuissance et d’obstruction de la tendance de Louis Marin à la Chambre128. Par "Droite" le P.D.P. entend à la fois l’Extrême-Droite et la tendance "mariniste" de la Fédération. De ce côté la montée de l’hostilité contre les Démocrates peut être assez bien mesurée à La Nation, organe d’un parti qui reste une force politique et parlementaire importante. La Nation parle alors de la présence au parlement d’un "bloc de droite indestructible", rendant vaine toute velléité de concentration129. Le Parti tente de raffermir ses structures en particulier sur le plan des Fédérations départementales. On constate d’ailleurs toujours une complexité pour les relations locales avec les Démocrates Populaires. Le P.D.P. et la Fédération ont souvent au départ "pêché" dans le même vivier et la même clientèle sociologique catholique et des imbrications complexes d’organisations subsistent concrètement. Dans le Maine-et-Loire, "l’Union Républicaine" du département reste "ouverte largement" aux "partis voisins" au sein d’un "Comité de liaison du Parti d’Union Nationale"130. Dans l’Ardèche un leader de "l’Union Républicaine" reconnaît les liaisons maintenues avec le P.D.P.131. Mais les groupements de ce dernier ont presque toujours été défavorisés par une faiblesse numérique pouvant les faire apparaître comme une simple "dissidence" de la Fédération, sauf dans certains bastions (Finistère, etc...).
31Sur le terrain politique général, c’est une opposition qui règne de plus en plus entre les deux partis, la "Fédération" et La Nation s’opposant notamment aux thèmes de la concentration. Pour De Warren, Secrétaire général du groupe de l’U.R.D., il faut au contraire une étroite collaboration entre les Républicains opposés à la "mystique de Gauche"132 et Louis Marin met en cause le rôle des "groupes hybrides du Centre"133. Il dénonce les campagnes qui viseraient à rompre le groupe de l’U.R.D.134. Mais l’unité de celui-ci s’était disloquée à plusieurs reprises, isolant à droite la tendance de Louis Marin conformément aux vœux des "concentrationnistes". Mais la Fédération refuse d’être considérée comme un "vieux parti en décomposition", et se déclare toujours favorable à une entente des éléments nationaux"135. En 1930 La Nation commence ce qu’elle appelle sa campagne "contre la démagogie", et publie le texte du procès de L’Ouest Eclair devant l’Officialité de Rennes136. C’est bien la politique du P.D.P. qui est visée. Un heurt électoral se produit aussi à l’élection partielle de Rennes où Thébaut "républicain indépendant de gauche" est élu contre Jacquart "démocrate chrétien modéré" soutenu par les républicains nationaux137. C’est un épisode de la "concentration" toujours refusée par l’État-Major de la Fédération. Mais le P.D.P. est bientôt directement attaqué dans cette lente escalade par Victor Perret, vice-président de la Fédération qui incrimine au début de 1931 l’attitude d’un "parti voisin" jusqu’ici traité en tant qu’ami138. Désormais on estime de ce côté que les limites sont franchies et le conflit, jusqu’alors virtuel tend à éclater au grand jour. Victor Perret pose la question de l’existence d’un essai de "centre catholique", de ses dangers et évoque le risque de confusion du politique et du religieux soulevé par l’action du P.D.P.139. Ici, avait joué le refus annoncé dès le Congrès de 1930 par Raymond-Laurent d’un "Comité d’arbitrage" pour les prochaines élections.
32Les élections cantonales en 1931 et l’affaire de Nancy spécialement sont l’occasion de la cristallisation de ce conflit. Les heurts avaient commencé en 1928 avec le retrait de la candidature Teitgen, puis avaient continué aux élections cantonales de 1928 et aux municipales de 1929, entre la Fédération Républicaine et les Démocrates Populaires de Meurthe-et-Moselle qui avaient toujours revendiqué le droit pour les catholiques de faire leur choix selon leur conscience politique. En 1931 Warren arrive légèrement en tête au premier tour mais il est largement battu au second par le Démocrate Marchal qui recueille indiscutablement des suffrages "cartellistes” et socialistes (4637 voix contre 3064). Si l’on reconnaît d’ailleurs au P.D.P. que toutes les voix obtenues par Marchal n’étaient pas spécifiquement démocrates populaires, Cornilleau se réjouit néanmoins de la défaite de Warren responsable d’une attitude agressive, et soutenu par des journaux indéodés à la politique du "consortium De Wendel"140. Mais, à la Fédération, on parle désormais d’un organe du P.D.P. qui a coutume d’"injurier nos chefs, de déformer notre pensée". Pour Louis Marin, la division introduite chez les "Nationaux" par le P.D.P. est à présent patente. Il parle également de ces "catholiques dissidents" et d’un redressement à opérer, même si le Conseil National de la Fédération en novembre propose d’essayer de réaliser dès le premier tour des élections l’unité de candidature des partis de la Majorité141. Cornilleau voit pour sa part une "vague de haine" contre les Démocrates après l’élection de Nancy stimulée par la fraction nationaliste de l’U.R.D. qui jette le masque en marchant derrière l’Action Française142. Le P.D.P. veut toujours ne pas confondre toute la Fédération et le groupe de Louis Marin, l’espoir étant permanent d’arriver à la diviser. Après un article de Kerillis sur le "dangereux conflit" entre les deux partis, Cornilleau pense que c’est uniquement la politique du "groupe Marin, De Wendel, de Warren" qui en est responsable143. Il s’étonne aussi de l’attitude des "républicains de droite" qui invoquent l’affaire de Nancy pour menacer les candidats du P.D.P. Mais pour Louis Marin principalement l’affaire n’est pas close. En vue des élections il adresse une offre de "Pacte d’union” à laquelle tous les partis "nationaux" répondent sauf ceux qu’il appelle les "démocrates chrétiens", ce qui montre selon lui "leur démagogie fervente et leur folle mystique briandiste, leur désir effréné d’aller aux Gauches". La Commission Exécutive refuse le pacte (elle l’aurait fait par 13 voix contre 8, Champetier ayant été parmi les plus agressifs) et l’accepte seulement pour les circonscriptions où il y aurait péril cartelliste144. Après ce refus, les attaques contre le P.D.P. visent désormais sa doctrine générale. La Nation le situe à l’Extrême Gauche sur le plan international et critique ses "outrances démagogiques" sur le plan social. Si les "Républicains Nationaux" ont fait preuve jusqu’ici d’une "angélique patience", l’heure est maintenant venue de dénoncer l’équivoque. De plus on expose comment le P.D.P. ne peut grandir qu’au détriment de la Fédération Républicaine, en suscitant une dissidence chez les catholiques145.
33Le conflit ouvert à la veille des élections trouve d’autres terrains pour s’exercer comme la presse au sujet du contrôle de la "Presse Régionale" à propos de laquelle la Fédération parle d’un "noyautage systématique" des Démocrates146. Mais c’est une lutte plus générale qui se déroule alors entre les deux tendances, au sein de la F.N.C. et même d’institutions comme l’A.C.J.F. ou les Semaines Sociales. A présent, après les monarchistes catholiques, ce sont certaines des tendances de la F.R. et des "catholiques nationaux" qui commencent à se sentir menacées.
34La Fédération reste néanmoins un des noyaux les plus importants de ceux qui continuent à s’appeler les "Républicains Nationaux" dont les "Catholiques Nationaux" sont un des éléments et dont Kérillis essaie de coordonner l’action par son "Centre de propagande" qui tente après les élections de poursuivre son effort. Mais en 1931 il constate qu’un fossé plus profond que jamais sépare à présent les "partis nationaux". Il souhaiterait pour les élections de 1932 que soient désignés immédiatement les sortants de la Majorité comme candidats uniques et il met vite en cause la volonté des Démocrates Populaires de se tenir à l’écart des autres groupements147. Il soutient les propositions de la Fédération et remarque que ces appels rencontrent le plus de difficultés chez les Démocrates148. Il rappelle que la plupart des candidats du P.D.P. ne pourraient être élus sans le soutien des Républicains Nationaux et il met en garde contre les manœuvres de la Gauche149. Cependant il reconnaît aussi que le groupe démocrate a toujours soutenu loyalement les Gouvernements nationaux. De fait face au P.D.P. De Kérillis a toujours eu une position moyenne et des sympathies reprochées à droite, s’il a trouvé excessives certaines de leurs positions, de même que leur trop grande volonté d’indépendance. Avec Raymond Cartier dans Faisons le Point il se lamente sur la dispersion des efforts des "Nationaux" : les Démocrates Populaires n’auraient jamais existé si la Fédération Républicaine, famille naturelle des catholiques avait été plus largement ouverte aux tendances démocratiques. Mais il regrette la volonté d’isolement des Démocrates, leur mépris à l’égard de leurs alliés naturels et il se prononce pour un "grand parti républicain", réunissant l’Alliance, la Fédération, le P.D.P.
"Alliance Démocratique", Flandin et Concentration
35La question d’une alliance entre les partis "Nationaux" avait aussi été posée sous une autre forme dès 1928-1929 avec l’idée d’un "Parti Central" entre des forces à définir, venue en particulier des milieux proches de l’Alliance Démocratique. Celle-ci par son organe La République Démocratique, A. Mamelet et A. François-Poncet se déclare dès mai 1928 pour un "Centre compact" comprenant la "Gauche Radicale" et de 160 à 170 députés si l’on admet les Démocrates Populaires. Des réactions apparaissent du côté de la Fédération Républicaine qui s’estime éliminée et qui affirme qu’elle est l’élément indispensable de la Majorité150. D’autre part Pierre-Etienne Flandin dans une série d’articles de la Revue de Paris se prononce en faveur de la "concentration" sous la forme très clairement d’une entente des radicaux et du Centre Gauche par la "réconciliation de la grande bourgeoisie libérale et de la petite bourgeoisie voltairienne"151. Le P.D.P. devra se situer face à cette question du "Parti Central" en connexion avec la "Concentration". Cornilleau salue très vite les appels de Mamelet pour la formation d’un Centre dans la politique française, qui ne sera possible que quand tous les catholiques mettront en pratique les idées de Piou152. Mais en écho aux propositions de Flandin il déclare ne pas approuver en soi la forme de concentration qu’il propose153. La position du P.D.P. va rester assez ambiguë entre la "Force de Centre" et la "Concentration". Les deux formules n’y sont pas estimées contradictoires, un Centre solide pouvant fournir la base et un élément de la concentration. Prelot estime que le P.D.P. a fourni une donnée de la solution du problème. Il n’entend ni former le Centre à lui seul, ni s’engager vers une fusion qui serait une confusion. De son côté Mamelet se prononce en ce domaine pour une solution libérale respectant la laïcité de l’Êtat et les libertés religieuses154. Même si la "question religieuse" pour un "Parti de Centre" est périodiquement reposée, elle n’apparaît plus du tout du fait des conceptions en présence comme un obstacle.
36Au même moment c’est d’ailleurs dans un journal modéré proche de "l’Alliance", L’Avenir de Buré que Cornilleau mène une campagne en faveur d’un "force de Centre" : la solution du problème réside essentiellement selon lui dans le rétablissement de contacts étroits entre des éléments qui ont été séparés par l’équivoque de la question religieuse, la liberté dans la laïcité devant être le critérium de la politique de centre155. Sur le plan sociologique par ailleurs le Centre devra s’appuyer essentiellement sur les classes moyennes. Mais Cornilleau souhaite une "force" et non un Parti. Une polémique qualifiée d’"intéressante" et de "courtoise” a lieu avec Mamelet qui dit ne pas comprendre les appréhensions de Cornilleau à propos du Centre qui serait une simple annexe de la Droite et trop dominé par le conservatisme social. Il lui rappelle surtout qu’un véritable Centre ne peut être fondé que sur le respect de la liberté individuelle. Un certain clivage continue à apparaître entre les Démocrates et l’Alliance qui se méfie toujours des idées du "Pourquoi pas ?". Mamelet rappelle à Cornilleau le danger d’une Gauche désormais davantage dominée par le Socialisme. Mais celui-ci lui réplique que l’Alliance oppose toujours aux doctrines de lutte des classes le libéralisme économique insuffisant, la seule alternative étant celle de la "Démocratie Sociale"156. Il dit du reste nettement que si l’Alliance se croit plus à Gauche que le P.D.P., elle est bien plus à droite, représentant une "Droite sociale" se substituant peu à peu à la Droite politique157. Pagès estime pour sa part qu’on ne peut, ni ne doit rechercher une unification absolue des centristes, leurs tendances étant différentes, voire opposées les unes aux autres158. Au Congrès de l’Alliance en mai 1930 Mamelet réaffirme la nécessité de constituer d’abord un groupe parlementaire unique du Centre. En fait le "Parti central" aurait surtout intéressé l’Alliance elle-même, la Fédération en étant plus ou moins exclue. Pierre Auscher montre aussi les risques de confusion entre l’union des Républicains Nationaux et celle des partis du Centre. Le P.D.P. était plus proche de cette formule, mais non sans problèmes malgré tout.
37En 1931, la question du "centrisme" est relancée en particulier dans l’Avenir par Senatus (le Sénateur Billiet) qui déclare pour sa part que son intention n’est pas de séparer le "Centre" de "l’ancienne U.R.D." et qui s’efforce de rassurer les Démocrates Populaires au sujet de certaines déclarations selon lesquelles le Centre devrait se fonder sur une application sans réserves des lois laïques159. Cornilleau réaffirme que si la laïcité absolue et intangible demeurait un dogme du Centre, il perdrait sa raison d’être160. Mais Senatus s’élève dans L’Avenir contre la tactique électorale des catholiques risquant de gêner le mouvement centriste161. Cependant Flandin dans la Revue de Paris pense qu’il n’y a plus de divergences essentielles entre les partis républicains et le Parti Radical et l’existence de tendances différentes dans l’Alliance sur la concentration continue à se révéler162. Malgré une entente de fait des contradictions étaient demeurées entre les forces "centristes" incarnant des traditions différentes. La "force de Centre" n’avait guère pu s’organiser réellement, divisée concrètement, indécise sur les questions de la "concentration", du "Parti central" et même de l’union des "Républicains nationaux", problèmes pas toujours posés avec la clarté nécessaire.
"Jeune République" : Un Fossé maintenu
38La période 1928-1932 n’aboutit pas à un rapprochement des deux forces démocrates chrétiennes. La J.R. avait présenté plusieurs candidats en 1928. Louis Rolland avait été élu à Cholet dans des conditions qu’il qualifia lui-même de "bien imprévues" comme "candidat indépendant" face à un "conservateur", Blachez. Il ira aux "Indépendants de gauche" puis aux "non inscrits" avant de rejoindre plus tard le groupe démocrate. Marc Sangnier avait connu une nouvelle déception à Vanves, battu par le Maire Frédéric Pic. La J.R. met en cause ici l’attitude du P.D.P. Si l’on reconnaît que les dirigeants parisiens du Parti ont recommandé le vote en faveur de Sangnier, sur place le "P.D.P. aurait soutenu Pic "candidat du conservatisme et du nationalisme"163. G. Hoog parle ainsi de l’hostilité irrémédiable de certains catholiques jusqu’au P.D.P. contre Sangnier. Malgré tout des convergences demeurent entre les deux partis, concernant le problème de la laïcité que la Ligue accepte et du laïcisme qu’elle refuse. La J.R. maintient des contacts avec la "Ligue des Droits de l’Homme", se réjouit de l’apparition d’une tendance favorable au "droit commun" dans les milieux de gauche, mais reconnaît que la cause est loin d’être gagnée. Une "personnalité éminente du monde religieux" demande dans La Démocratie en 1929 quel est l’homme politique qui aura le courage de rendre à l’Église la liberté à laquelle elle a droit164. Les revendications sont parfois formulées plus nettement qu’au P.D.P., la Ligue étant tenue à moins de prudence.
39Une action parallèle à celle du P.D.P., mais non confondue se déroule sur le plan international, dans la grande époque de "l’internationale Démocratique", (Croisade de la Paix" en 1929). C’est à cette occasion et à celle de l’exposition itinérante "guerre ou paix ?"165 en 1931-1932 que se forment dans certaines villes des "Cartels de la paix" réunissant autour de la J.R. des organisations pacifistes, de gauche, et parfois des éléments du P.D.P., ce qui posera des problèmes en vue des élections de 1932, la J.R. estimant que l’on pourrait former des "Cartels électoraux de la paix"166. Mais si des contacts individuels ou au niveau des Fédérations sont maintenus ou s’établissent, les séparations globales demeurent tranchées. Le P.D.P. mène une action distincte au sein du S.I.P.D.I.C. qu’il qualifie de "réaliste" face au "pacifisme idéaliste" de la J.R., surtout en contact avec les milieux pacifistes de gauche167. Au niveau politique général la coupure reste grande et la J.R. tient à jouer un rôle plus à gauche que le P.D. P, même si un secours discret est apporté à Cornilleau lors de l’affaire du "Pourquoi pas ?"168. La revue Le Mouvement continue malgré tout à affirmer la nécessité de la "concentration des groupes démocratiques". Le regret est permanent de voir les deux forces s’ignorer, si l’on se réjouit que Politique par exemple accueille des collaborations diverses169. La question de "l’union des Démocrates” est essentiellement débattue au cours d’une longue polémique de 1929 à 1932, où Le Mouvement sert de tribune et de centre de discussion entre Démocrates et Jeunes-Républicains. Au nom de la J.R. Fabien France se demande si une telle union ne risque pas d’aboutir à la confusion et à la stérilité, quoiqu’un rapprochement se soit produit sur les questions internationales. Mais face à des éléments "marqués par la banalité, la timidité et l’esprit électoral", il estime que la clairvoyance et le courage sont toujours du côté de la J.R. Les oppositions atténuées n’ont pas disparu170. Mais François le Fabrel (dissident de la J.R.) critique un "système Jeune-Républicain" trop absolu, abstrait, sentimental et idéaliste. De plus la J.R. n’est qu’une Ligue alors que le P.D.P. est un Parti de gouvernement171. Fabien France répond en montrant la faiblesse des résultats obtenus malgré son prétendu "réalisme" et il met en cause Cornilleau dont il pense qu’il lui manque une pensée ferme, et sa tendance à suivre les courants de l’opinion et les fortes personnalités.
40De plus une telle fusion ne serait qu’une absorption de la J.R., le mieux étant de poursuivre des œuvres parallèles, les uns à Droite, les autres à Gauche172. Raymond-Laurent intervient et veut répondre aux "choses désagréables" à l’égard de Cornilleau, la polémique commençant à virer à l’aigre173. Joseph Hours déclare en effet que si un Parti du Centre d’inspiration chrétienne est souhaitable, n’est pas du Centre qui veut : le P.D.P. témoigne de l’inexpérience des catholiques en matière politique et refait l’histoire de l’Action Libérale compromise avec la Droite174. Jean Lacroix demande aussi qu’il ne soit pas un parti conservateur camouflé et lui reproche de ne pas avoir une doctrine assez cohérente175. Cette discussion voulue par l’Abbé Lugan comme un dialogue constructif avait surtout vu l’étalage des griefs réciproques. Le P.D.P. avait été de plus mis en accusation pour ses insuffisances par des éléments "intellectuels" comme Lacroix et Hours. Le rapprochement ne s’était pas opéré et l’Abbé Lugan était mort à l’automne 1931. C’est sur un autre terrain que commence cependant au début de 1932 une autre forme de contact par L’Aube.
Origines et Débuts de "L’Aube"
41C’est en octobre 1924, un mois avant la fondation du P.D.P. qu’avait été lancée La Vie Catholique par le futur promoteur et directeur de L’Aube, Francisque Gay, ancien sillonniste, dans le but d’"informer" et d’"unir" les catholiques au-delà de leurs différentes tendances. On retrouvait parmi les signatures celles de Joseph Ageorges, Jean Lerolle aux côtés de Henri Bremond, Georges Goyau, Maurice Brillant, Gaston Tessier, etc...176. La Vie Catholique a toujours constitué une tendance indépendante à elle seule, même après 1926 et son engagement contre l’Action Française, en relations complexes par Fr. Gay en particulier avec les autres tendances de la Démocratie Chrétienne dont on peut considérer qu’elle fut cependant un représentant. Mais La Vie Catholique a toujours voulu se situer sur un terrain non politique et essentiellement religieux, intellectuel et culturel. Elle a néanmoins joué un rôle important et en première ligne au moment de l’affaire de l’Action Française. A la veille des élections de 1928 Fr. Gay avait déjà réaffirmé que La Vie Catholique ne ferait pas de "politique de parti"177. Effectivement y collaborent des hommes proches du P.D.P., aux côtés de "Jeunes Républicains" et d’hommes proches de la Fédération Républicaine. Joseph Denais y rappelle que J. Piou estime indispensable le maintien d’un trait d’union entre P.D.P. et "Fédération"178.
42Mais c’est bien une tendance assez proche des idées de celui-ci qu’incarne de plus en plus La Vie Catholique, sur le plan social et international. Elle s’oriente surtout dans un sens briandiste et soutient les thèses sur le désarmement. Elle aborde aussi le problème de "l’Action Catholique en face des Partis politiques" et rappelle à ce sujet les directions pontificales : libertés politiques des catholiques, mais interdiction d’inféoder l’Église à un parti179. Fr. Gay reste en contact dans cette période antérieure à la fondation de L’Aube avec un certain nombre d’éléments Démocrates Populaires ou proches du Parti. Il est alors en relation avec Desgrées du Lou et l’Abbé Trochu au moment de la crise du Nouvelliste180, maintient des contacts amicaux avec P. Archambault, A. Boissard, E. Pezet181. Il est ainsi au centre d’un réseau très vaste de relations dans le Catholicisme politique et intellectuel, du P.D.P. à la J.R. et à la F.R., aux catholiques sociaux et aux syndicalistes chrétiens. Ce sera une des raisons permettant d’expliquer le lancement du nouveau quotidien L’Aube en janvier 1932. Le projet de créer un nouveau quotidien s’adressant aux milieux catholiques était déjà ancien. Il en avait été question en 1926 et en 1927 dans des conversations entre Fr. Gay et le Cardinal Dubois182. Par ailleurs le P.D.P. y avait pensé pour son compte183. Peu à peu on s’était orienté vers l’idée de faire un journal d’opinion et non de grande information qui se situerait sur le plan républicain, des idées catholiques sociales et d’entente internationale.
43Cependant la création de ce quotidien devait tenir compte du fait que le P.D.P. avait un projet comparable qu’il n’avait pas complètement abandonné, s’il avait été ajourné. En fait, il s’était rendu compte qu’il n’avait ni la clientèle, ni les moyens financiers suffisants. Un journal comme celui que projetait Fr. Gay devait donc s’adresser à une clientèle plus vaste. Celui-ci estimait être bien placé pour "ménager les susceptibilités à l’intérieur de la Démocratie Chrétienne", grâce à son passé peu politique184. Il est dès lors le catalyseur qui va permettre un regroupement et de réunir des appuis venant de différentes familles dont le P.D.P., après une réunion le 21 décembre 1931 où il présente officiellement son projet en présence de Pagès, Boissard, Prelot, Pezet, Flory, Cornilleau. Il s’agirait de créer un quotidien qui s’adressera "sans distinction de parti ou de groupement à tous les démocrates d’inspiration chrétienne". Fr. Gay constate qu’au P.D.P. certains ont pris ombrage de son initiative qui signifierait en tout état de cause la fin des espoirs de création d’un organe autonome pour ce dernier185. Ces réserves ou cette relative déception ont existé dans une partie du P.D.P., mais il n’en est pas moins vrai que certains de ses membres ont accepté d’apporter leur collaboration au nouvel organe de même que des membres de la Jeune République dont ils étaient depuis 1924 complètement séparés. La première liste des collaborateurs de L’Aube fait apparaître les noms de P. Archambault, L. Blanckaert, A. Boissard, Ph. de Las Cases, etc..., Démocrates Populaires aux côtés des "Jeunes Républicains" M. Coquelin, G. Hoog, M. Sangnier, et d’autres catholiques de tendances diverses de G. Bemoville à M. Vaussard. Hommage est rendu aux hebdomadaires Le Petit Démocrate et La Jeune République qui "suivent une ligne politique assez proche de la nôtre"186. On constate bientôt que Le Petit Démocrate se réjouit des succès du nouveau quotidien187 et G. Bidault commence sa collaboration en mars 1932.
Radicaux et Concentration
44Le problème reste posé pour le P.D.P. comme pour les autres Partis du "Centre Droit" de la "Concentration" avec les radicaux. Dès après les élections, Pagès parle d’une "conjonction des Centres" ou "Concentration Républicaine" par une césure à la fois à l’U.R.D. et chez les radicaux, laissant de côté les "Radicaux malvystes et les "U.R.D. marinistes". Mais il estime aussi que si la tendance centriste existe dans le pays, c’est le Parti Radical qui est responsable par ses exigences de l’impossibilité d’une vraie concentration188. Celle-ci pour le P.D.P. est toujours celle qui serait fondée sur cette double césure contre toute forme dominée par le Cartel et face à "l’Union Nationale" englobant toute l’U.R.D. D’ailleurs les radicaux rompent l’Union Nationale à la fin de 1928. Pour Pagès cette situation peut être salutaire en permettant de se débarrasser des "vieux radicaux", et en autorisant la concentration avec une cinquantaine de "radicaux opportunistes et libéraux", si parallèlement se détachait de l’U.R.D. un groupe "antimariniste" autour des "modérés" de Pernot189. Cornilleau précise pour sa part les conditions d’une "concentration bien axée au Centre", entre des Républicains d’accord sur un programme et ayant levé deux obstacles : celui des "leviers de commande" et la question religieuse. La question du "déclassement" des partis continue à être posée par le P.D.P. et celle des forces prêtes à réaliser la concentration190. L’échec du ministère Chautemps en février 1930 est vu comme celui d’un "néo-cartel" donnant ses chances à une véritable "conciliation républicaine", si le Parti Radical se dégageait du petit groupe de dirigeants "passionnés et violents" autour de Daladier. Ils doivent choisir entre une formule "plus ou moins marxiste" et participer au pouvoir sur une formule de trêve qui ne peut être que centriste191. On montre néanmoins différentes tendances chez les Radicaux, celle de Chautemps qui s’éloigne des socialistes tout en restant laïciste et celle de Montigny, d’esprit plus large, la "génération réaliste" des "Jeunes radicaux"192.
45Mais "l’épisode Steeg" témoigne des hésitations pratiques face à une concentration possible au-delà de l’alibi toujours invoqué de la "concentration cartelliste". D’autre part le Congrès Radical en 1931 où l’emporte sans triompher la tendance "cartelliste" de Daladier face à un Chautemps plus "concentrationniste" est vue comme un retour aux luttes électorales de l’avant-guerre et à la philosophie laïciste193. On continue en fait à penser que les radicaux sont divisés et que les modérés doivent rester prêts à toutes les coalitions possibles, avec en particulier leur tendance concentrationniste du Sénat, qui est aussi celle d’Herriot, de Montigny, de La République, de L’Ère Nouvelle. Sur cette question fondamentale, le P.D.P. a eu une attitude d’ensemble doctrinalement assez cohérente, mais qui laissait place à des incertitudes dans l’application pratique : " concentration" toujours refusée sous contrôle radical et acceptée sous contrôle modéré, et pouvant apparaître comme une variante de "l’Union Nationale" décalée à gauche. On peut se demander où la césure se serait située à la fois dans l’U.R.D. et chez les radicaux si la formule préconisée s’était réalisée. D’autre part, le P.D.P. a refusé au cours de cette période les possibilités pratiques de réaliser cette concentration, quoique le simple fait de l’accepter théoriquement le mettait en contradiction avec la majorité de la Fédération Républicaine et des catholiques. Les Démocrates sont pratiquement les seuls de ce côté à accepter l’idée d’une "collaboration" avec les représentants de la "tradition laïque". Cet isolement peut suffire à expliquer les hésitations du groupe et du Parti, à côté par ailleurs de l’attitude des radicaux eux-mêmes et des "exclusives" de leur part. Certes un rapprochement de fait et naturel a alors commencé à s’opérer sur le plan social, sur le terrain international et même au niveau politique général : rencontre de réformistes sociaux et de "centristes" séparés par une "question religieuse" en voie d’atténuation, même si elle est encore utilisée par une forte tendance radicale comme une "exclusive" contre les Démocrates. Ici l’on réfute constamment le vieil argument selon lequel les Démocrates Populaires ne pourraient être des républicains parce que non laïcs. En effet chez les radicaux aussi de fortes ambiguïtés sont demeurées à l’égard d’un P.D.P. considéré par beaucoup comme un Parti clérical camouflé.
46Ce ne sera qu’en 1934 sur le problème du "Tiers Parti" que la question de l’admission des Démocrates dans une éventuelle concentration sera vraiment posée et alors résolue positivement194. Certes il y avait eu la proposition Herriot de 1926, mais elle avait créé des remous chez ses amis et il avait dû justifier une initiative individuelle et conjoncturelle. Cependant Gabriel Cudenet écrit dans La République en 1931 qu’il faut admettre que le P.D.P. a donné des preuves d’attachement à la politique locarnienne, et jusqu’au Congrès d’Angers des tendances conciliantes se révèlent dans le journal jeune radical La Voix. Mais après ce Congrès le Parti Radical tente une "cure d’opposition", malgré une permanence des débats entre "majorité de gauche" et "Concentration"195, et l’apparition en 1929 d’une tendance favorable à celle-ci avec les frères Sarraut, La Volonté de Dubarry. Après ce "rejet ambigu” de la concentration au Congrès de 1929 et une exclusive qui englobe les Démocrates autour de la tendance Daladier qui affirme que ceux-ci ne pourraient trouver place dans une majorité républicaine, la tentation de la concentration demeure malgré tout au sein du Parti. Mais il rejette la "concentration à Droite" et l’échec de Steeg montre les difficultés d’une formule moyenne. La tendance à "l’exclusive" contre un Parti comme le P.D.P. semble rester majoritaire, même s’il s’agit surtout d’une attitude théorique et doctrinaire. Lors du Congrès de 1931, sur la question de la laïcité Jacques Kayser196 conteste l’évolution des partis de Centre, la question scolaire et religieuse continuant dans cette période à former un barrage. Le rapprochement entre les deux tendances a été freiné mais il continue à se faire lentement et dans la période suivante il commencera à arriver à maturation. Cependant La République en février 1931 se demande avec Robert Lange si les Démocrates Populaires veulent rester les alliés de la réaction, et Raymond-Laurent tente de répondre à cette interrogation dans le journal Radical197. Mais en fait des points d’accord existaient en dehors du contentieux demeurant sur la laïcité.
Socialistes : L’échec
47Ce contentieux existe aussi avec la S.F.I.O. : le problème se pose d’ailleurs différemment puisqu’elle est exclue d’une éventuelle "concentration", même si l’ombre du "Pourquoi pas ?" continue à être présente. Face au Socialisme, la doctrine démocrate populaire se caractérise toujours essentiellement par une critique du marxisme dans le domaine économique et social. Mais sur le plan international, tout en se déclarant partisans de la "Fédération Européenne" et de la S.D.N., on critique "l’Internationalisme" des socialistes, en se voulant à mi-chemin de la "mystique de la paix" et de la "mystique nationaliste". Du côté socialiste, c’est une hostilité doctrinale qui domine à l’égard du P.D.P. Si elle considère qu’il est à gauche de la Fédération Républicaine, elle n’en veut pas moins montrer que les "démocrates chrétiens" sont des "cléricaux d’après-guerre", reprenant avec plus de prudence et d’habileté le programme du Sillon. Ce nouveau Parti ne doit cependant pas être tenu pour négligeable et il faut se méfier de ses équivoques sociales198. A la veille des élections de 1932, le P.D.P. est décrit comme un parti de réaction. On dénonce ses équivoques internationales et on voit en lui un parti de Droite et clérical, instrument de la nouvelle politique de l’Église ainsi sur le plan scolaire199. Les thèmes d’attaque sont dirigés même sur les terrains sociaux et internationaux où Cornilleau pensait voir de possibles convergences. Marceau Pivert par exemple dénonce également dans le P.D.P. un des instruments du "Nouveau Ralliement" qui permet à l’Eglise un certain nombre d’infiltrations. Il accuse les radicaux d’avoir commencé à capituler et face au "cléricalisme social" propose un nouvel "anticléricalisme prolétarien"200. Chez les socialistes traditionnels et dans l’appareil de la S.F.I.O., l’esprit du "Pourquoi pas ?" n’a donc eu que très peu d’échos, quoique l’on puisse relever quelques déclarations isolées et plus compréhensives de quelques leaders socialistes. L’appareil du Parti a refusé les contacts, poussé par sa gauche et chez les Démocrates d’ailleurs, après les remous du "Pourquoi pas ?", les efforts n’ont plus été nombreux en ce sens.
Jeunes Équipes : L’éclatement
48A Gauche les contacts se sont alors surtout limités ainsi que dans la période précédente à ceux déjà établis du côté des "Jeunes Équipes" qui ne tardent cependant pas à connaître un éclatement, après le programme de 1928 et les élections. Des problèmes se posent dès l’automne 1928, avec les articles 70 et 71 et la réapparition même chez les "Jeunes Radicaux" du clivage religieux, contrairement aux espoirs des Démocrates. Néanmoins, les contacts sont maintenus un temps par l’équipe de Paris-Phare. On se déclare ici en faveur de l’entrée des catholiques dans une nouvelle majorité201. Pour ce faire, P. Dominique se dit partisan d’une politique de paix religieuse, un autre point de convergence avec les Démocrates étant celui des "États Unis d’Europe". On précise les convergences en vue d’une "alliance nouvelle" entre des groupes divers dont Cornilleau est déclaré être un des meilleurs représentants202. C’est aussi La Voix d’Emile Roche qui avait commencé à paraître en février 1928 (dans le sillage de Caillaux, dont J. Luchaire est rédacteur en chef) qui avait parlé de cette "alliance nouvelle". Après les élections La Voix évoque un "programme d’action constructive" sur lequel doit être formée la majorité nouvelle et il dessine les contours de cette Majorité comprenant les radicaux, les républicains socialistes, les groupes issus de "l’Alliance" et ceux qu’elle appelle les "démocrates chrétiens" en excluant l’U.R.D.203. Pour Roche, les radicaux doivent en être les moteurs. Mais après le Congrès d’Angers La Voix elle-même déclare qu’on ne peut discuter de la laïcité de l’État et s’affirme pour un Gouvernement de Droite et une opposition de Gauche204. Le même ton se retrouve à Paris-Phare dont le rôle décline rapidement. La fin de 1928 entraîne un brusque changement de climat chez les jeunes radicaux face aux Démocrates Populaires que La Voix avait semblé accepter un temps dans une concentration. Les ponts ne sont pas entièrement rompus, ainsi grâce à la revue Notre Temps qui continue de publier une "chronique des Jeunes Équipes". Pierre Auscher y expose les conceptions des jeunes de "l’Alliance" qui font un effort parallèle à celui de Luchaire aux confins et au sein du Parti Radical. Il regrette les nouvelles attitudes radicales qui rejettent les Démocrates Populaires vers la Droite205. Prelot rappelle que les Jeunes Démocrates veulent continuer à se situer malgré tout nettement au centre et qu’ils sont prêts à s’ouvrir à toutes les collaborations dans une "alliance nouvelle"206. En dépit de ces affirmations, au milieu de 1929 les clivages à l’intérieur de ce qu’on avait appelé "les Jeunes Équipes" s’accentuent entre une aile gauche et une aile "centriste" avec les J.D.P., les jeunes de l’Alliance et Notre Temps. Une tendance "réaliste" assez orientée au Centre-Droit est néanmoins apparue chez les "jeunes radicaux" autour d’hommes comme Dubarry, Luchaire en marge du Parti, P. Dominique et bientôt Montigny qui parle en 1929 d’une simple "neutralité religieuse dans l’Êtat laïc"207. A l’autre bout de l’ensemble composite des "Jeunes Turcs", il y a la tendance d’un Kayser, nettement orientée à gauche. C’est cependant dans les marges "concentrationnistes" que fleurit un mouvement idéologique complexe pouvant intéresser les Démocrates Populaires. J. Luchaire dans Une Génération réaliste définit ce qu’il appelle un "réalisme politique" qui pourrait se concrétiser autour de l’esprit radical. Le soutien total à la politique de Briand reste un des facteurs les plus importants pouvant encore unifier les "Jeunes Équipes", thème que développent des hommes comme Bertrand de Jouvenel, Gaston Riou qui lance des appels directs aux catholiques qui "ne peuvent manquer d’être favorables à l’idée européenne.
49Des points de convergence pouvaient être encore trouvés sur les conceptions économiques développées par Bertrand de Jouvenel avec son "économie dirigée"208. L’espoir d’une convergence plus générale et politique avait aussi été manifesté par l’ouvrage de René de la Porte, animateur de l’enquête sur L’Avenir de la République, Le Club des 612 qui avait permis à Champetier de Ribes et à Pezet de se déclarer toujours favorables à une "majorité nouvelle"209. Le problème religieux pour les "Jeunes Équipes" est abordé dans son fond par Luchaire qui constate malgré tout le rapprochement qui avait commencé à se produire entre les Jeunes Équipes laïques et catholiques non cléricales du P.D.P., avant que les dissentiments ne surgissent du fait de l’entrée des radicaux dans l’opposition210. Il accuse Daladier d’être responsable de ces exclusives, il se déclare hostile à cet "esprit vieux radical", et se prononce avec Montigny pour une "laïcité non agressive"211. Il voit la "faillite des Jeunes radicaux" et se fait l’écho de la déception des autres tendances des "Jeunes Équipes" face à ces jeunes qui ont préféré suivre Daladier212, la rupture entre les deux ailes du "Jeune Radicalisme" étant désormais consommée. Après ces déceptions, Notre Temps et Luchaire se consacrent surtout à partir de 1931 à l’action internationale et déclarent s’inquiéter de certaines positions du P.D.P. orientées vers la Droite213. Ainsi pour les "jeunes radicaux", après la rupture brutale de la fin de 1928, c’est un constat d’échec assez rapide que doit établir le P.D.P., devant des groupes qui avaient suivi en fait l’évolution générale du Parti.
50Dès avant 1928 aussi des contacts avaient été établis en direction du Nouveau Siècle et de Georges Valois qui fonde en 1928 un nouveau Parti, le Parti Républicain Syndicaliste qui s’oriente davantage vers la Gauche dans un nouvel organe, Les Cahiers Bleus. Un appel est lancé "pour l’institution et l’organisation de la République syndicale", par une union des "avant gardes" syndicalistes du radicalisme, du Catholicisme et du Socialisme afin d’aboutir à "l’état syndical"214. Le "syndicalisme" est présenté comme une philosophie complète à lui seul. Par ailleurs on se veut encore dans le prolongement de la "Fédération des Jeunes Équipes". Valois s’appuie sur Les Cahiers Bleus et aussi sur la Bibliothèque Syndicaliste qu’il édite et qui permet de s’exprimer à un certain nombre d’éléments proches des "Jeunes Équipes" : Cornilleau, B. de Jouvenel, J. Luchaire, P. Dominique, G. Riou, Montagnon, etc... Les Cahiers Bleus commencent à paraître en août 1928. Valois veut alors croire à une entente des jeunes radicaux et des jeunes catholiques au niveau de la conception de l’état et des structures sociales dans une "Fédération des rénovateurs"215. Bientôt au P.D.P. se manifeste un intérêt pour ces initiatives, Pagès parlant favorablement dans L’Ouest Éclair de cet essai de rassemblement des forces jeunes et réalistes216. Toutefois, P. Archambault témoigne de quelques réserves à l’égard de l’esprit général des publications de la Bibliothèque Syndicaliste, même si un accord peut se faire sur une conception organique de l’état et la solidarité européenne217. Les Cahiers développent en effet les grandes lignes de la doctrine des "Républicains Syndicalistes". Pagès estime qu’il ne faut pas s’effrayer du terme de "République Syndicaliste" qui présente des parentés avec la conception organiciste du P.D.P. Des essais de coordination sont tentés à partir de l’été 1929. Une "Conférence des Cahiers Bleus" se constitue à Toulouse à laquelle participent des Démocrates Populaires.
51Toutefois, certains problèmes commencent à se poser à la fin de 1929. Le Conseil Central du "Parti Républicain Syndicaliste" se proclame contre la "concentration politique" à cause des forces qui la soutiennent. C’est le signe d’une orientation à gauche et le germe d’une rupture avec les Démocrates dont on regrette qu’ils votent trop souvent avec le "bloc capitaliste"218. Cependant devant les réactions, ainsi de Luchaire qui s’étonne de cette "condamnation" des Démocrates, Valois espère qu’un débat pourra s’ouvrir entre Démocrates Populaires, Radicaux et Syndicalistes, tout en ne croyant pas à la formation d’un Centre politique qui serait dominé par le "néo-capitalisme"219. Les Cahiers Bleus organisent un débat entre Cornilleau et Albert Bayet à propos des "conditions de la paix religieuse". Mais on reproche bientôt au P.D.P. son ralliement au "Cartel de l’ordre". Cornilleau est accusé d’être surtout un rêveur et un poète. En juin 1930 Valois admet qu’il est désormais assez loin de ses "amis du P.D.P." et de l’enthousiasme pour Tardieu220. Le seul point d’accord est à présent l’action internationale. Néanmoins Cornilleau revient dans Les Cahiers Bleus en 1931 pour affirmer que si les "socialistes" faisaient des propositions précises sur le terrain de la "technique sociale", son parti ne pourrait se dérober...221. Les relations avec Valois et son groupe avaient largement échoué par une coupure sur la gauche, des différences d’inspiration et d’esprit face à une tradition laïque et "révolutionnaire sorélienne", rendant difficile un accord profond malgré des convergences dans le domaine international et sur le thème d’ailleurs imprécis de la "Réforme de l’État".
52Ce thème rapproche d’autre part les Démocrates Populaires d’un autre organe, L’État Moderne et du "groupement d’étude pour l’organisation de l’État", proche surtout du mouvement syndical des fonctionnaires. La revue est fondée au début de 1928 autour de René Corbin et Georges Mer. Son comité de patronage comprend des hommes comme Vincent Auriol, César Chabrun, L. Loucheur, Montigny, De Monzie. C’est encore un groupe ouvert aux "Jeunes Équipes" et dont le thème principal au-delà de l’éclectisme des collaborations est une "Réforme de l’État" intégrant le syndicalisme. On y reconnaît les efforts en ce sens de Politique222. En 1930 elle s’adresse au P.D.P. dont il est dit qu’il essaie de réaliser un parti de la Réforme de l’État et syndicaliste. Pagès et Prelot interviennent dans la revue pour y montrer que le syndicat n’est pas tout, qu’il faut intégrer aussi dans l’État les corps intermédiaires, les groupements naturels. Mais le syndicalisme peut être la pierre angulaire d’une "décentralisation professionnelle" (Prelot)223. Si des réserves ont été ainsi formulées, L’État Moderne décrit dans le programme "populariste" du P.D.P. un programme positif de Réforme de l’État, en ayant été incontestablement dans le cadre des "Jeunes Équipes" un des éléments qui avaient le plus posé le problème. Mais c’est un thème général qui agite le Parti Radical lors de ses Congrès de 1929 et 1930. Les Démocrates déclarent toujours qu’ils veulent dépasser "l’idée syndicaliste" pour cette réforme vers un ensemble plus organique et complet. Néanmoins certaines convergences sur le terrain international ont permis des contacts qui dans l’ensemble n’ont pas eu beaucoup de débouchés très concrets. Dans ce cadre général, Roland Alix, l’animateur des "Étudiants Démocrates" et du "Club du Carrefour avait de même dirigé en 1929 une enquête dans Les Nouvelles Littéraires sur des groupes aussi divers que le Cercle d’Études Politiques d’Auscher, les Conférences des Cahiers Bleus, le Club du Carrefour, foisonnement lui semblant être la preuve d’un début de transformation de la vie politique224.
III – PROBLÈMES RELIGIEUX ET SCOLAIRES
Relations avec la F.N.C.
53Aux élections de 1928 la F.N.C. avait soutenu les candidats ayant donné leur adhésion au programme minimum ou élargi (à la R.P.S.) de revendications catholiques. Elle déclare bientôt que 277 députés à la Chambre n’auraient pas été élus sans son appui225, mais des nuances ont été apportées dans le soutien réel aux candidats et d’autre part on reconnaît que dans de nombreuses circonscriptions "les comités diocésains ont dû pratiquer la politique du moindre mal”226. Parmi les élus soutenus par la F.N.C., il y avait ainsi une diversité de tendances des "indépendants" de droite aux Démocrates Populaires. Concrètement des problèmes de plus en plus aigus se posent alors à la F.N.C. sur le plan de ses divisions intérieures et aussi de sa signification par rapport aux débuts de l’organisation nouvelle de "l’Action Catholique". Dès 1929 de plus des rumeurs circulent dans les milieux catholiques selon lesquelles Castelnau ne serait plus "persona grata" auprès du Nonce et aurait manifesté le désir d’être relevé de ses fonctions. Une irritation de sa part s’était manifestée ouvertement en 1930 contre certaines positions de Champetier227. En vue des élections de 1932, Castelnau dit cette fois qu’il ne faut pas compter sur la Fédération pour organiser les catholiques électoralement. Il faudra seulement mettre sur pied pour chaque département un Comité électoral qui pourra s’entendre avec les candidats et les partis sur les revendications catholiques228. D’autre part c’est surtout au second tour que la "discipline catholique" devra être observée. Un infléchissement se manifeste qui témoigne à la fois d’un certain affaiblissement de la Fédération, du rôle des Démocrates dans le sens d’une certaine modération, et aussi de pressions au niveau de la Hiérarchie229, tous ces facteurs ayant contribué à atténuer l’aspect de ligue de combat de la F.N.C.
54Cette Fédération décrite souvent comme profondément divisée commence à perdre de son importance dans une conjoncture où la "défense religieuse" est devenue moins nécessaire, et où les évolutions générales peuvent aller dans la direction de ce qui était souhaité par le P.D.P. Mais en fait celui-ci n’a jamais contrôlé la F.N.C. et ne l’a même pas essayé, face à la continuation de la domination des tendances plus à droite, de l’extrême Droite aux éléments proches de la Fédération Républicaine. Les attaques d’un Pagès avaient témoigné des irritations de ce côté à l’égard d’orientations générales qu’elle ne dément guère. En 1931 la F.N.C. refuse sa signature à l’affiche "les catholiques veulent la paix"230 et en 1932 Castelnau polémique dans L’Écho de Paris contre l’A.C.J.F. dont il critique le "pacifisme" et les "utopies dangereuses"231. Par ailleurs, elle est touchée par les débuts de l’organisation de l’Action Catholique, la formation en 1931 d’un Comité Central de l’Action Catholique Française et d’un secrétariat général confié à Mgr Courbe. Elle est intégrée à cette "Action Catholique" qui connaît une orientation qui n’était pas celle de la F.N.C. de 1925. Castelnau tente certes de s’opposer à la formation d’un "Comité d’Action Civique" au sein de l’Action Catholique, l’action civique devant rester pour lui du ressort de la F.N.C. Mgr Verdier lui laisse finalement cependant tout ce qui concerne les revendications catholiques232. Cette intégration dans un semble plus vaste ne pouvait malgré tout aller que dans le sens souhaité par le P.D.P.
Question scolaire
55La "question scolaire" avec celle de "l’École Unique" est bien un des principaux aspects de l’ensemble des problèmes "politico-religieux" pouvant concerner directement le P.D.P.233. Là encore l’attitude des Démocrates Populaires va témoigner d’une autre façon de poser les problèmes chez les catholiques. Toutefois, Politique condamne sur la question de la "nationalisation de l’enseignement" l’anticléricalisme et le dogmatisme qui se manifestent chez les instituteurs dont les projets aboutissent à tuer la liberté de l’enseignement234. Cet esprit, proche de certaines tendances de la Droite catholique laisse malgré tout place à d’autres virtualités qui apparaissent au Congrès de Nancy en 1929 où le P.D.P., tout en "refusant de lier le sort d’une refonte démocratique nécessaire de l’éducation nationale à un vocable qui fait peser une lourde équivoque sur le sens et l’objet de la réforme" se prononce pour un "rajustement de notre enseignement à ses divers degrés" et qui assurerait dans la liberté de conscience la plus large diffusion d’une éducation générale plus différenciée235. Certains comme H. Teitgen affirment que le thème de "l’École Unique", trouve un écho favorable dans les milieux populaires. Bastianelli proclame qu’il faut aller à la fois vers la réforme et la liberté.
56Toutefois après le Congrès Cornilleau estime inadmissible que certains aient interprété ces déclarations comme une acceptation de l’École Unique236. Mais, sur le plan parlementaire, si Pagès dit espérer que la discussion du budget ne sera pas l’occasion d’un réveil des passions237, le P.D.P. n’étant pas hostile à la gratuité en soi, en mars 1930 le groupe démocrate vote contre la gratuité proposée dans les conditions présentes, le problème devant être posé dans un cadre plus vaste. C’est alors que le Parti tente de définir par Bastianelli en particulier une position d’ensemble. Une Commission d’études est créée après le Congrès de Nancy, en collaboration avec le "Bureau d’Études" et Politique en vue d’une "Journée d’études" au Congrès de 1930. Dès le Conseil National de mars, Bastianelli montre comment sous les projets d’"École Unique", on perd souvent de vue l’idée globale d’une réorganisation de l’enseignement, la gratuité pouvant de plus mettre en jeu l’existence même de l’enseignement privé. Il annonce un élément fondamental des projets du Parti : l’enseignement libre à sauvegarder doit pouvoir recevoir une aide de l’État qui en contre-partie pourra exiger un certain contrôle. Une majorité se fait jour pour exiger sur la question une attitude offensive et positive montrant que les Démocrates sont de véritables partisans d’une réforme de l’enseignement, même si des voix plus traditionnelles se font entendre238. La position moyenne est définie de cette façon par Pagès : "Nous ne sommes pas des adversaires systématiques de l’École Unique... mais nous jugeons qu’elle ne constitue pas du tout la réforme sérieuse et fondamentale de l’enseignement qui s’impose"239. Pour le P.D.P., le problème peut être résolu en trois étapes : réforme à tous les degrés, établissement de rapports confiants entre l’enseignement privé et l’État, étude de la gratuité et de la sélection dans une atmosphère de respect mutuel et de la liberté.
57Cependant, Pagès se trouve bientôt en situation gênante à la suite d’un article du Sud auquel on avait donné le sur-titre : "Fiat Lux... le Cardinal Pacelli reconnaît l’École Unique". Il ne faisait qu’y reprendre des thèmes déjà évoqués dans Le Petit Démocrate, mais la maladresse du sur-titre fournit le prétexte à des réactions du Nouvelliste à La Croix, L’Osservatore Romano lui-même parlant de "grossière équivoque"240. On rappelle dans ces milieux que la liberté de l’enseignement ne peut se concilier avec "L’École Unique". Pagès se plaint à la direction du Sud de cette "imprudence" tout en affirmant qu’il ne voudrait pas que les catholiques s’opposent aux principes de la sélection et de la gratuité241. D’autre part, l’évêque de Montpellier lui fait savoir que son article est inattaquable sur le fond et qu’il a établi un rapport pour que l’on mette fin à cette campagne242, menée surtout par Jean Guiraud à La Croix et aussi à École et Famille, organe de l’Association des Chefs de Famille, qui devient un des noyaux les plus résistants aux thèmes de "l’École Unique" et de ses "soutiens chez les catholiques eux-mêmes". L’incident est vite considéré comme clos, ainsi par La Vie Catholique, après une rectification du Sud243. L’effort de réflexion progresse au P.D.P. Bastianelli se prononce dans Politique pour une "réforme générale de l’enseignement244 et il précise les principes qui seront bientôt ceux du Parti. Sélection et gratuité ne peuvent se concevoir que dans un système qui sauvegarde la liberté de l’enseignement et c’est alors qu’il commence à parler d’un "enseignement libre subsidié" aidé et contrôlé par l’État. Au Conseil National de juin, il demande que chaque Fédération mette la question à son ordre du jour. Maurice Blondel intervient également dans Politique, par des "notes sur la réforme de l’enseignement et les projets d’École Unique", et rappelle qu’il faut surtout éviter d’aboutir à une doctrine d’état, à un dogme moral et laïc, pour obtenir une conjugaison du rôle de l’État et de la mission de l’Église. H.I. Marrou aborde le problème du contenu futur de l’enseignement dans son "évolution démocratique"245. Ces positions suscitent encore davantage les appréhensions d’École et Famille qui dénonce les "conséquences redoutables" pour l’enseignement libre des projets de Bastianelli246.
58Au Congrès de Paris de 1930 se déroule la "Journée d’étude” sur la réforme de l’enseignement. Bastianelli, s’il se déclare satisfait du travail préparatoire regrette que trop de Fédérations aient envisagé la question uniquement sous l’angle des préoccupations de l’enseignement libre. Il présente cependant un projet de motion tenant compte des observations qui avaient été faites. Mais concrètement c’est le bien le projet du "Bureau d’études" qui est adopté, et dont l’importance relative pour l’évolution d’un secteur de l’opinion catholique sur la "question scolaire" ne peut être niée. La volonté est affirmée de "résoudre le problème de l’École Unique par la réorganisation de l’enseignement conformément à l’intérêt général du pays et aux exigences de la justice sociale et de la liberté", et cela par une "coordination" des divers degrés de l’enseignement qui permettrait l’accession des enfants les mieux doués du premier degré au second, ce qui est une acceptation tacite du principal thème de l’École Unique. Un projet précis est également développé sur les principaux points d’une réforme générale, le second degré devant être "coordonné" avec les enseignements primaire, supérieur et technique, ce qui implique une sélection pour éviter un encombrement. Pour la gratuité, elle peut être totale ou partielle et surtout elle doit être réalisée à la fois dans le public et les "établissements libres agrégés au service national de l’enseignement". C’est bien ici l’élément principal de ce projet de 1930 que celui de ces établissements libres réalisant eux aussi la gratuité, subsidiés et contrôlés par l’État dans un "service national". A côté pourra subsister un enseignement libre et payant. Il est précisé que l’Université doit se transformer en devenant une "institution autonome" sous le contrôle du pouvoir central par une collaboration entre le service public, l’initiative privée et les usagers247. Il s’agit donc en 1930 d’un vaste projet qui intègre une réforme technique d’ensemble de l’enseignement et qui laisse une place reconnue à la liberté elle-même combinée à l’acceptation partielle et sans le dire ouvertement de "l’École Unique". La gratuité est acceptée à la condition qu’elle joue aussi pour l’enseignement libre par la notion de "l’enseignement libre subsidié", forme en un sens déguisée de la R.P.S., mais en contre partie d’un contrôle accepté. Là encore, se révèle une recherche de compromis sur la "Question Scolaire" dont on peut se demander par qui elle a été vraiment soutenue.
Les Lois Laïques
59Durant cette période le "Second Ralliement" continue à se développer malgré certaines contradictions. L’affaire des articles 70 et 71 montre les limites du côté radical à son acceptation, cette attitude et celle des "jeunes radicaux" étant fort regrettée du côté Démocrate. Au Vatican la prudence se manifeste sur cette affaire pour "ne pas paraître s’immiscer dans la politique intérieure". Mais on proteste contre la "légende" selon laquelle ces articles auraient été le prix de la condamnation par Rome de L’Action Française248. Pagès avait estimé après les élections qu’aucune question religieuse importante ne serait vraiment posée au Parlement pendant un certain temps, le Gouvernement ne souhaitant qu’une chose : que les lois d’exception contre les religieux tombent en désuétude naturelle249. Il ne faudra pas trop compter, pense-t-il à la fin de 1929 sur cette législature pour faire avancer la révision des lois de 1901 et de 1904250. Il reflète l’opinion du Parti et estime qu’il faut se contenter de la tranquillité actuelle. Toute autre politique pourrait inquiéter la Gauche radicale et les Indépendants de Gauche... C’est cependant en cette année 1929 qu’avait été soulevée la question d’un éventuel "Concordat" d’ensemble entre la France et le Vatican, après la signature des accords du Latran. Elle est posée après la visite du Cardinal Légat Lepicier à Orléans et sa rencontre avec le Président Doumergue251. Les rumeurs sur un "Concordat Français" qui pourrait être souhaité par certains groupes de gauche pour contrôler l’Église, et préparé de longue main par Briand pour le compte de la Maçonnerie sont immédiatement démenties par La Documentation Catholique252. D’autres rumeurs un peu plus tard font état seulement d’un "aménagement matériel et moral de la loi de Séparation" et de la reconnaissance de la législation laïque par le Vatican en échange d’avantages divers. La loi de Séparation demeurerait dans le cadre d’un "Concordat de Séparation"253. Ces rumeurs sont également démenties au Quai d’Orsay comme "une pure légende sans le moindre fondement de vérité"254. Chez les Démocrates une grande discrétion a prévalu, même si l’on peut estimer qu’un tel "Concordat" allait dans le sens du compromis souhaité. Il était dénoncé par la Droite comme une trahison et une manœuvre de Briand. Ce qui domine au P.D.P., c’est une grande prudence, une volonté de ne pas inquiéter des éléments laïcs ou radicalisants car sa tactique visait toujours à obtenir des gains partiels et successifs, discrètement et sans se mettre en avant.
60En 1930 son attitude sur l’amendement Lefas et l’amendement Thomson est assez significative, face à la "Politique du pire" d’une certaine Droite catholique principalement et en faveur d’une "politique de conciliation"255. Les déclarations officielles du Parti vont dans le même sens : souhait de mesures de justice propres à apaiser les conflits, rejet des "intransigeances pseudo doctrinales" qui dressent deux blocs l’un contre l’autre, le respect des croyances ne pouvant être assuré que par la liberté et l’égalité civiques256. Ce sont les idées que défend un Wladimir d’Ormesson, très proche des Démocrates et de Politique en particulier qui parle en 1929 de la "Paix Religieuse" à établir. Il faudrait surtout arriver, pense-t-il, à une vraie discussion du statut des Congrégations, élément essentiel du problème257. La revue L’État Moderne expose d’ailleurs en 1930 comment personne n’ose aborder franchement la question. Du fait des Congrégations reconstituées depuis 1914, il faudrait soit faire respecter toute la loi, soit légaliser l’état de fait actuel et remettre les Congrégations dans le droit commun258, L’Europe Nouvelle de son côté dit bientôt que Briand a un plan d’ensemble dans le but de résoudre par étapes le problème259. En tout cas les relations avec Briand sont l’occasion de critiques continuant celles de 1926-1928. Mais en fait il subsiste de fortes résistances à cet éventuel "compromis" du côté laïc, et une tendance majoritairement favorable au maintien de la législation. Malgré tout les évolutions continuent à mûrir de part et d’autre sur la question d’une "laïcité tolérante", du fait aussi des évolutions catholiques vers l’acceptation d’une laïcité conçue comme une nouvelle vision du rôle de l’État et du pluralisme de la société. E. Magnin, dans ses conférences à l’Institut Pie XI insiste également sur la distinction déjà faite depuis longtemps par le P.D.P. entre le Laïcisme et la Laïcité260. Celui-ci ne pouvait qu’adhérer à cette évolution générale, son rôle étant d’arriver sur le plan parlementaire à un accord tacite avec les "groupes républicains". Le Temps fait état en janvier 1931 (au moment de la formation du Ministère Laval) d’un accord sur un programme de base261 : pas de contestation sur la laïcité fondamentale de l’État, les grandes lois organiques, le statut de l’école établi par Jules Ferry. Le P.D.P. qui participe à ce Gouvernement ne pouvait qu’accepter cette orientation, en espérant obtenir d’abord une transformation des mentalités sur la question religieuse pour résoudre ses divers éléments pratiques. Cependant la présence de l’un de ses membres au Gouvernement donne alors une autre dimension à ses prises de position, quoique le contraignant parallèlement à une plus grande prudence. La volonté de ne pas se couper de l’Alliance et des éléments radicalisants est donc capitale. Ici se pose encore le problème des relations avec la politique de Briand et de celle-ci avec l’ensemble de la politique de l’Église. Dans le cadre du "Second Ralliement", le P.D.P. n’a joué qu’un rôle sans doute plus limité que ne l’ont affirmé certains adversaires, mais un rôle discret de présence parlementaire et politique, de contact et d’influence à ne pas négliger.
61Il était dans ces conditions nettement en concordance avec certaines des nouvelles orientations générales de l’Église symbolisées par La Croix, dont l’évolution se fait plus favorable à un Catholicisme Social d’inspiration démocratique et par ailleurs aux formes d’organisation internationale de la paix262. Se fait également plus faible l’influence de la tendance proche de la F.N.C., malgré une permanence du groupe autour de Guiraud qui introduit des "disparates" dans le journal. Mais des critiques émanent de certains lecteurs contre ces changements d’orientation, et l’on voit apparaître des réactions souvent violentes face à l’émergence de la tendance "démocrate chrétienne"263. Après les élections de 1928, J. Guiraud estime que les "idées de gauche" ont triomphé en Vendée, ce qui lui vaut certaines difficultés (il est appelé à la Nonciature et à l’Archevêché). Mais la "ligne Guiraud" est de moins en moins en cours face à la nouvelle ligne générale de l’Église, plus proche de celle du P.D.P. Merklen se réjouit d’autre part de la diversité des tendances catholiques représentée à La Croix264 où J. Guiraud défend ses positions contre l’école unique, et où l’Abbé Desgranges développe des thèses assez contradictoires face à celles-ci. Le journal fait de plus en plus écho aux activités du syndicalisme chrétien et publie les motions votées par le P.D.P.A la veille des élections de 1932, un réel changement de ton apparaît par rapport à 1928, même si Guiraud regrette que le Parti ne présente "aucune revendication catholique"265. Mais dans l’ensemble, l’équipe autour du Père Merklen impose une orientation plus souple dans le domaine social et des changements que l’on retrouve aussi sur le plan international.
Relations avec l’Épiscopat et le Clergé
62Là aussi les évolutions en raison des nouvelles nominations se sont accomplies dans un sens parallèle aux orientations Démocrates. On est passé d’une Épiscopat plutôt encore défavorable aux tendances démocrates chrétiennes et au "Second Ralliement" en 1924 à un Épiscopat plutôt déjà favorable ou bienveillant en 1932 au delà de modalités diverses : Mgr Dubourg à Marseille et Mgr Lienart à Lille, en 1928, Mg Saliège à Toulouse en 1929, Mg Rémond à Nice en 1930, Mgr Brunhes à Montpellier en 1932, etc... Malgré tout il reste difficile de juger dans cette période comme pour les autres de l’impact éventuel de l’attitude d’un Prélat à l’égard d’un Parti comme le P.D.P., des problèmes concrets pouvant se poser au moment des élections. A Toulouse, Mgr Saliège soutient les efforts d’action sociale chrétienne de l’"Union Sociale", et de son président Jules Pigasse, proche du P.D.P.266. Dans ce domaine c’est incontestablement la nomination de Mgr Lienart à Lille "dont les options politiques et sociales sont inspirées par la Démocratie Chrétienne"267 qui a eu le plus de signification, au moment en particulier des conflits sociaux dans le Nord268. Cependant, les sympathies diffuses ou actives se sont toujours combinées à une grande prudence à l’égard du P.D.P.; quoique celui-ci ait pu se sentir dès lors davantage "couvert" par la ligne générale de l’Épiscopat et non plus traité en suspect comme aux débuts de son histoire. Mais ces relations ont parfois continué à poser problème, ainsi pour la partie du clergé favorable aux Démocrates face à l’Épiscopat dont une fraction restait celui de 1924, même s’il a dû modérer l’expression de ses sympathies ou de ses antipathies. Dans de nombreux diocèses les "démocrates d’inspiration chrétienne" et les tendances proches ont continué à connaître des problèmes. Mais dans l’ensemble l’Épiscopat tient de plus en plus à montrer une certaine neutralité parfois bienveillante.
63Au sein du clergé lui-même le P.D.P. a continué à disposer de noyaux sympathisants plus ou moins actifs, l’expression directe de ces sympathies restant difficile et pouvant le gêner. Un exemple pourra suffire : l’Abbé Louvel de Chateaubourg est accusé d’être le propagateur de L’Ouest Éclair et d’avoir des "sympathies démocrates" trop ouvertement affichées269. Les "Abbés Démocrates" continuent à jouer leur rôle, même si l’Abbé Lemire meurt en 1928, avec l’Abbé Desgranges, l’Abbé Lugan, Jacques Debout aux Cahiers Catholiques, l’Abbé Bordron à Je sers, l’Abbé Trochu qui soutiennent de différents façons l’action du P.D.P. En revanche une revue comme L’Ami du Clergé se montre toujours assez hostile et voit ainsi dans le Manuel Politique de Prelot un "indigeste programme électoral", à tendances démagogiques...270. Un autre gros problème constamment posé en arrière-plan est resté celui de la liberté d’action réelle du Parti formé essentiellement de catholiques engagés dans des organisations plus ou moins soumises à la Hiérarchie. L’affaire de Bain de Bretagne et du procès engagé et perdu par L’Ouest Éclair illustre assez bien ces complexités271. Le jugement est repris et exploité par La Nation. La Droite et l’Extrême Droite hostiles au Parti utilisent constamment les prises de position officielles pouvant être considérées comme allant dans leur sens. Le P.D.P. à cause de son électorat surtout catholique, ne pouvait être entièrement indépendant de ce type de considérations272.
IV – LES ÉLECTIONS DE 1932
Attitudes Générales et Résultats Globaux
64Le Parti avait pris ses principales décisions quant à sa tactique électorale dès 1930-1933 sur les alliances et les accords avec les partis voisins. Il avait aussi déclaré qu’il ne donnerait son investiture qu’à des candidats inscrits au Parti et qui prendraient l’engagement d’adhérer à son groupe, le concours prêté à d’autres candidats ne pouvant l’être que dans des conditions bien précises. Le P.D.P. avait surtout refusé de participer à un pacte général proposé par la Fédération Républicaine qui prévoyait une unité de candidature au premier tour dans les circonscriptions à conquérir et d’observer strictement des désistements au second entre "candidats nationaux". Il avait limité son accord aux circonscriptions où il y aurait "péril cartelliste", et refusé de participer à une "Commission d’arbitrage" au niveau national en laissant aux Fédérations toute latitude pour investir les candidats, même si Raymond-Laurent avait reconnu en mars un échange de lettres avec le Secrétaire général de la F.R. Quoique sur le plan local les relations aient été souvent plus nuancées, le P.D.P. avait voulu témoigner d’une relative indépendance théorique à l’égard des partis de droite, cette attitude posant le problème non seulement de l’union des "nationaux", mais de l’union des catholiques. En tout cas si l’objectif avait été à nouveau affiché au Congrès de novembre d’un candidat par département, il est loin d’être atteint. En mars Raymond-Laurent ne parle plus que d’une quarantaine de départements. Finalement, le bilan sera de 54 candidats dans 37 départements (60 dans 40 avec l’Alsace et la Moselle), soit un demi-échec sur ce premier plan273.
65Pour les résultats globaux, le premier tour voit l’élection de neuf députés sortants du groupe : Tréminin et Simon (Finistère), Reille-Soult (Tarn), Durand et Gallet (Vendée), Champetier de Ribes (Basses-Pyrénées), Pezet (Morbihan), Brom (Haut-Rhin) et Meck (Bas-Rhin). Au second tour, quatre nouveaux sortants sont élus : Lerolle à Paris, Pinault (Ille et Vilaine) Seltz (Bas-Rhin) et Bilger (Haut-Rhin). Il y a un nouvel élu Démocrate en Savoie, Martel. Avec les Alsaciens ce sont quatorze élus Démocrates que l’on décompte. Les élections se traduisent par une perte sensible pour le groupe de cinq élus par rapport à 1928 et un échec politique général, étant remportées par le néo-cartel radical et socialiste. Les "conservateurs et modérés" ont obtenu au premier tour 3 880 717 voix et les Démocrates Populaires, cette fois classés à part dans les statistiques du Ministère de l’Intérieur, 309 336 voix, soit un peu plus de 8 % des voix de la "Droite" et un peu plus de 3 % de l’ensemble des suffrages, pourcentage à peu près égal à celui de 1928 et qui, malgré le faible nombre de candidatures représente sans doute à peu près la réalité de l’influence politique et électorale de leur tendance. Ces résultats sont cependant une déception pour le P.D.P. qui, non seulement ne continue pas sa progression à partir de bases déjà faibles, mais commence une régression en retombant à son niveau de 1924. Tout se passe comme si le relatif élan de 1928 était brisé dès 1932. C’est un des signes, après huit années d’existence d’un début de déclin. Après le premier tour, on avait voulu néanmoins encore espérer un groupe de vingt membres, malgré les feux croisés de la Gauche, de la Droite et de l’Extrême-Droite274. Mais après le second, si l’éditorialiste du Petit Démocrate montre un Parti qui n’a pas entièrement succombé à la "vague de haine" contre lui, il rend celle-ci responsable de la défaite de sortants comme Berger, Jadé, Antier275. A Politique Bidault admet que "les élections sont à gauche" et qu’il fallait s’y attendre du fait des compromissions de la Majorité avec la Droite276.
66Les élections de 1932 se sont déroulées dans un climat moins marqué par les interventions de la F.N.C. sur les revendications catholiques. Le cardinal Verdier déclare que l’autorité diocésaine ne doit pas être mêlée aux controverses électorales277 tandis que Mgr Chollet de Cambrai demande de faire en sorte que les compétitions de parti disparaissent devant le "bien commun"278, Mgr Lecomte, évêque d’Amiens, que les catholiques s’unissent pour l’action en faveur de leurs revendications279. En fait depuis le reflux de l’influence monarchiste, le problème de l’union se posait moins car plus limité à la concurrence entre les Démocrates et la Fédération dans les milieux catholiques, celle-ci étant assez proche des milieux dirigeants de la F.N.C. Cette dernière résume ses grands principes à la fin de 1931 en indiquant que si son "action civique" se situe toujours au-dessus des partis, l’utilisation des "moyens électoraux" entre dans l’exercice de cette action. C’est par l’intermédiaire des "comités diocésains" agissant d’accord avec les autorités diocésaines que doit s’exercer cette action. Chaque comité élabore donc le programme particulier qu’il entend présenter. Lorsque plusieurs candidats accepteraient ses demandes, les adhérents de la F.N.C. demeureraient libres de leurs préférences280. On aboutit à un "programme minimum" auquel les Démocrates Populaires pouvaient souscrire en particulier sur le plan scolaire, "l’égalité devant les subsides de l’État" étant suffisamment vague. Tout ainsi joue, plus qu’en 1928 pour imposer une certaine "sourdine" à des revendications excessives. La bataille s’est engagée dans des conditions un peu différentes pour le P.D.P. de celles de 1928. Moins isolé dans le contexte politico-religieux, sa volonté d’indépendance l’a opposé encore davantage à certaines tendances du moins de la F.R., aux tendances "antibriandistes" notamment. Un rapprochement a pu se faire des forces "catholiques nationalistes" et des éléments qui avaient depuis quelques années pris pour cible la politique générale des Démocrates Populaires. Une droite de la F.R. partageait une volonté commune jusqu’à l’Extrême-Droite de "punir" les Démocrates, en constituant un "Front" contre les "Rouges Chrétiens", conformément mot d’ordre de Cavalier "le démocrate chrétien, voilà l’ennemi". On avait parlé d’un "front national unique" face au péril281 et le thème d’un "avertissement” électoral à donner aux Démocrates s’était retrouvé chez beaucoup. Il reste à savoir dans quelle mesure le "Front" a vraiment joué. En tout cas un tract est alors lancé par l’Action Française qui donne le ton de cette campagne : "Tout, mais pas ça", "ça" étant le P.D.P. "mis au monde par l’Abbé d’affaires Félix Trochu", les "Pédés” comme on les appelle dès lors étant "le pire" à combattre en priorité282.
Signification Politique Générale
67Au départ ces élections se sont faites dans un climat difficile, notamment face au Parti voisin de la Fédération Républicaine, et en l’absence d’un accord global sur l’unité de candidature. Mais les accords locaux ont été assez nombreux et ont réduit notablement sur le terrain les désaccords au sommet, malgré quelques exceptions. En fin de compte les chocs directs avec la Droite ont été moins nombreux qu’en 1928 où un accord d’ensemble avait été théoriquement établi (le P.D.P. avait seulement prétendu alors combattre les "royalistes camouflés" parfois sous l’étiquette U.R.D.). Si l’on considère les élus Démocrates de 1932 (en dehors de l’Alsace-Lorraine), la plupart ont été élus en fait contre la Gauche, grâce à un soutien de la Droite, total ou non, et cependant des exceptions. Sur douze élus (avec l’Abbé Desgranges et Louis Rolland), ce fut le cas pour Pezet à Vannes-2, Gallet aux Sables-d’Olonne-2, Lerolle à Paris, dans une certaine mesure, L. Rolland à Cholet-2. L’aspect d’élection contre la Droite traditionnelle, s’il n’a pas été absent, a été cependant moins net qu’en 1928, l’essentiel des résultats recherchés ayant été obtenus dès ce moment. La Droite "monarchiste" avait partiellement abandonné le combat. Ainsi les résultats acquis contre la Gauche cartelliste ont-ils été plus nombreux, face à un concurrent principal radical (Simon à Brest-1, Trémintin à Morlaix 2) ou socialiste (Durand à la Roche-2, Reille-Soult à Castres-2, Martel à St Julien en Genevois, Pinault à Rennes-1). Champetier de Ribes à Pau-1, et l’Abbé Desgranges à Vannes-1 ont été élus contre des "radicaux indépendants", représentant plutôt une nouvelle droite laïque et attirant des éléments du Centre-Gauche. L’aspect d’"élection anti-cartelliste" a été prédominant pour le P.D.P. à côté d’un aspect "combat contre la Droite traditionnelle" non entièrement absent. Pour les élus la Droite pourra montrer à nouveau que la plupart l’avaient été du fait d’un soutien de ses partis qui ont laissé au P.D.P. un certain nombre de "fiefs" électoraux qui lui sont désormais reconnus, un seul nouveau étant acquis en Haute-Savoie, avec d’ailleurs l’appui de la Droite.
68Au niveau général des candidatures, on constate également un aspect mixte : on a eu d’une part des circonscriptions où les Démocrates ont été les seuls à mener le combat contre la Gauche et d’autres où ils se sont trouvés à côté ou en face de concurrents de droite, en pouvant en ce cas revendiquer un aspect "centriste" ou de "concentration" de leurs candidatures. Mais les types de situation ont été très divers. Concernant les reports de voix, ceux du Centre-Gauche au second tour sur des candidats Démocrates ont été moins nombreux qu’en 1928, même si des reports partiels semblent s’être produits. Mais le jeu des reports et par ailleurs des désistements a surtout fonctionné entre partis modérés et P.D.P. conformément aux engagements pris, malgré quelques accrocs. Les Démocrates se sont parfois retirés ou désistés en faveur d’un "radical indépendant" ou d’un "républicain socialiste" contre les "Cartellistes”. Face à la "Droite" en 1932, la situation du P.D.P. a été marquée par des éléments contradictoires : à partir de relations difficiles avec la tendance "mariniste" de la Fédération, des accords locaux parfois de dernière minute (comme dans le Nord) ont été conclus ce qui n’a pas empêché un certain nombre de "primaires".
69Tout comme en 1928, il n’a voulu combattre de front que les tendances monarchistes ou monarchistes camouflées, et les tendances nationalistes et jugées conservatrices sur le plan social de la F.R. En face certains ont voulu établir le "front anti-Démocrate" rêvé par Cavalier qui n’a pu jouer que de façon partielle. Du côté de l’Alliance Démocratique, les nécessités tactiques du scrutin ont conduit assez largement à un accord général de fait et à des accords locaux, malgré quelques accrocs. Cet accord majoritaire avec les modérés a donc permis au P.D.P. face à la poussée de la Gauche de conserver un certain nombre de ses bastions de 1928, mais en l’empêchant de pousser plus loin l’expression de sa volonté centriste ou concentrationniste. Ses caractères de Parti de Centre-Droit, malgré ses démêlés avec la Droite se sont à nouveau affirmés, le P.D.P. n’ayant dû combattre nettement que la Droite extrême. Malgré tout le Parti reculait, à partir de positions déjà trop faibles en 1928, et beaucoup de ses leaders importants avaient été battus (Cornilleau, Bastianelli, Landé, Balanant, Teitgen). Dans l’histoire du P.D.P., cet échec allait marquer le signal combiné à d’autres éléments du début de la crise du Parti, de son affaiblissement et de ses divisions. Il était resté une petite force politique à l’implantation limitée à quelques fiefs où l’on pouvait se demander si l’on avait affaire à un vote spécifiquement "Démocrate", même s’il existait désormais une "sensibilité" politique proche des Démocrates, ainsi dans le Finistère, le Tarn. Mais là encore quand les Démocrates Populaires se sont comptés seuls à côté des autres tendances de la Droite, les résultats ont été plutôt limités. Une faiblesse d’ensemble était évidente, même en tenant compte du petit nombre de candidature et sur ce plan certaines Fédérations qui avaient présenté des candidats en 1928 ne l’avaient pas fait en 1932.
Notes de bas de page
1 Petit Démocrate, 17 juin 1928.
2 A ce sujet R. ROCHEFORT – Robert SCHUMAN, Cerf, 1968. – R. POIDEVIN – Robert SCHUMAN – imprimerie Nationale, 1986.
3 A ce sujet J. DUTRONCY – L’Abbé DESGRANGES, 1961, 236 p.
4 Petit Démocrate, 17 juin 1928.
5 Le Charivari, 5 décembre 1931.
6 Voir plus haut, p. 155.
7 Politique, 15 juillet 1928.
8 Archives L. A. PAGÈS. Circulaire. 23 juin 1928.
9 J.O. Débats – Chambre – 14 juin 1928, p. 1936.
10 J.O. Débats – Chambre, 14 juin 1928 – Scrutin n° 2.
11 J.O. Débats – Chambre, 28 juin 1928 – Scrutin n° 9. JADÉ ET TREMINTIN sont absents.
12 J.O. Débats – Chambre, 24 juin 1928 – Scrutin n° 6.
13 Ouest Éclair, 16 septembre 1928.
14 A ce sujet. Archives Nationales – F7 13260. Dossier sur l’Élection Législative complémentaire d’Asnières.
15 Petit Démocrate, 29 décembre 1928.
16 ibid., 11 novembre 1928.
17 Petit Démocrate, 18 novembre 1928.
18 ibid., 23 décembre 1928.
19 ibid., 25 novembre 1928.
20 Petit Démocrate, 16 décembre 1928, 6 janvier 1929.
21 ibid., 10 mars 1929.
22 J.O. Débats – Chambre, 22 janvier 1929, p. 173.
23 ibid., 24 janvier 1959, p. 213.
24 J.O. Débats – Chambre, 14 mars 1929 – Scrutin n° 102.
25 Petit Démocrate, 19, 26 mai, 2 juin 1929.
26 J.O. Débats – Chambre, 16 juillet 1929 – Scrutin n° 204.
27 ibid., 19 juillet 1929 – p. 2263.
28 Petit Démocrate, 24 juin 1929.
29 ibid., 24 juin 1929.
30 Ouest Éclair, 17 mars, 30 mai 1929.
31 Politique, 15 mars, 15 avril, 15 mai 1929.
32 Politique, 15 août 1929.
33 Ouest Éclair, 30 juillet 1929.
34 Petit Démocrate, 13 octobre 1929.
35 Petit Démocrate, 3 novembre 1929.
36 Notre Temps, 1er janvier 1930.
37 Petit Démocrate, 10 novembre 1929.
38 CORNILLEAU décrira ainsi CHAMPETIER. Vie Catholique, 30 avril 1928 "Charmant, c’est l’épithète qui convient à l’homme... c’est un don quasi féminin, mais combien puissant. Il a l’impérialisme conquérant et rayonnant des doux".
39 Politique, 15 novembre 1929.
40 Ouest Éclair, 2 novembre 1929 et circulaire PAGÈS n° 32.
41 Petit Démocrate, 17 novembre 1929.
42 Politique, 15 décembre 1929.
43 Petit Démocrate, 2 mars 1930.
44 Petit Démocrate, 2 mars 1930.
45 Ibid., 9 mars 1930.
46 J.O. Débats – Chambre, 12 mars 1930. Scrutins n° 305, 306, 307.
47 ibid., 12 mars 1930. Scrutin n° 308.
48 Journal de Bergerac, 29 mars 1930.
49 ibid., 5 avril 1930.
50 GAULTIER obtient 2 815 voix contre 8 785 à L’HEVEDER.
51 Petit Démocrate, 23 mars, 11 mai 1930.
52 ibid., 8 juin 1930.
53 ibid., 6 juillet 1930.
54 Archives L. A. PAGÈS. Circulaire n°23. 4 août
55 Petit Démocrate, 23 juin 1930.
56 J.O. Débats – Chambre, 27 juin 1930.
57 ibid., 3 juillet 1930. Scrutin n° 428.
58 Politique, 15 novembre 1930.
59 J.O. Débats – Chambre, 7 novembre 1930.
60 J.O. Débats – Chambre, 7 novembre 1930. Scrutin n° 443.
61 Petit Démocrate, 23, 30 novembre 1930.
62 Petit Démocrate, 21 décembre 1930.
63 J.O. Débats – Chambre, 19 décembre 1930.
64 Politique, 15 janvier 1931.
65 Ouest Éclair, 24 janvier 1931.
66 Petit Démocrate, 15 mars 1931.
67 ibid., 1er février – 10 mai 1931.
68 J.O. Débats – Chambre, 10 mars 1931, p. 1847.
69 ibid., 10 mars 1931. Scrutins n° 512, 513, 515, 516.
70 En particulier avec Bilger, Brom, Meck, Seltz, Schuman, Pinault.
71 Le Temps, 14 mai 1931.
72 A.D. Finistère. Archives P. TRÉMINTIN – 104 J-9. TRÉMINTIN à CHAMPETIER, 15 mai 1931.
73 A.D. Finistère. Archives P. TRÉMINTIN. CHAMPETIER à TRÉMINTIN, 20 mai 1931.
74 Le Charivari, 23 mai 1931 qui parle ailleurs d’un Abbé DESGRANGES "écrasé par la défaite", de CHAMPETIER qui aurait "versé des larmes", de PEZET "qui se voyait déjà nanti d’un portefeuille", de REILLE-SOULT qui aurait déclaré : "C’est la plus lourde faute que la France ait commise depuis le Traité de Versailles".
75 Petit Démocrate, 24 mai 1931.
76 J.O. Débats – Chambre, juin-juillet 1931.
77 Quelques succès modestes sont obtenus ainsi dans les Côtes-du-Nord, les Alpes-Maritimes, le Tarn, l’Isère, la Meurthe-et-Moselle, l’Indre, la Haute-Loire, le Loiret, le Finistère, le Morbihan.
78 Politique, 15 octobre 1931.
79 Petit Démocrate, 15 novembre 1931. Politique, 15 décembre 1931.
80 Petit Démocrate, 23 novembre 1930.
81 ibid., 21 juin 1931.
82 Petit Démocrate, 22-29 novembre 1931.
83 J.O. Débats – Chambre, 18 décembre 1931. Scrutins n° 696, 698.
84 J.O. Débats – Chambre, 22 janvier 1932. Scrutin n° 719.
85 ibid., 28 janvier 1932.
86 ibid., 17 mars 1932. Scrutin n° 816.
87 ibid., 17 mars 1932. Scrutin n° 825.
88 Petit Démocrate, 17 avril 1932.
89 Archives L. A. PAGÈS. Circulaires n° 41-42. 23 mars-16 avril 1932.
90 Politique, mai 1932.
91 ù Petit Démocrate, 24 juin 1928.
92 Action française, 14 mars 1929.
93 Ainsi Action Française, 29 mars 1929.
94 ibid., 8 juin 1929.
95 A ce sujet, Archives Alfred BOUR. Dossier élection de Paris 1931. Action Française, 3, 12 décembre 1931.
96 Intérêt Français, 2, 9 mai – 16 juin 1928.
97 Auguste CAVALIER, Les Rouges Chrétiens ? Paris, Bossard, 1929, 250 p.
98 ibid., 7, 28 novembre, 26 décembre 1928.
99 ibid., 2 janvier 1929.
100 ibid., 20 juin 1928, 8 mai 1929.
101 ibid., 18 décembre 1929, 15 janvier 1930.
102 Intérêt Français, 13 mai, 30 juillet 1930.
103 A. CAVALIER – R. DE CHEYSSAC, Mon Curé a sa place, Paris, Boissard, 1930, 209 p.
104 Intérêt Français, 11 novembre 1931 – 10 février 1932.
105 Intérêt Français, 9, 23, 30 mars, 27 avril 1932.
106 ibid., 4, 25 juillet 1928.
107 ibid., 29 août 1928.
108 ibid., 20 janvier, 20 février, 13 mars, 30 octobre 1929. 19 février 1930.
109 Parmi les "Croix" : "La Croix de Seine-et-Oise", "La Croix de Limoges", "La Croix du Calvados".
110 Intérêt Français, 1930-1932.
111 ibid., 1er, 15 août, 12 septembre, 10 octobre 1928.
112 Archives Archevêché de Rennes. Sous dossier "La Province – Le Trécorrois". Juin 1933.
113 J. LE TRECORROIS, Les Déviations du Parti Démocrate Populaire, Brochure, 1931, 40 p. – Le P.D.P. et la concentration ou le Parti avant la religion 1932, 144 p.
114 ibid., op. cit.
115 ibid., Les déviations du P.D.P., pp. 27, 30, 35.
116 ibid., pp. 42 , 46, 53, 62, 68, 75.
117 R.I.S.S., 28 juillet 1929, p. 720.
118 ibid., 1er janvier 1932, p. 2, 15 mars 1932, p. 199.
119 Vérités, XIX, XX, XXI, XXII, XXIII, XXIV.
120 ibid., XXV, XXVI, XXX.
121 ibid., 1er décembre 1931 – 1er mai 1932.
122 D’autres brochures attaquent les Démocrates comme celle d’Albert MARTY, Les Démocrates Populaires fourriers du Socialisme.
123 Ami du Peuple, 18 novembre, 1er décembre 1931. 26 janvier 1932.
124 Journal des Débats, 17 novembre 1931.
125 Le Charivari, 19, 23 janvier, 13, 14 septembre 1929, 15 janvier, 29 novembre 1930.
126 Petit Démocrate, 16 juin, 11 août 1929.
127 ibid., 5 juillet, 16 août 1931. Articles réunis en brochure.
128 Bulletin du Militant, n° 1.
129 La Nation, 10 juin 1928.
130 La Nation, 23 février 1929.
131 Ibid., 2 mars 1929.
132 ibid., 26 janvier, 9 février 1929.
133 ibid., 16 mars 1929.
134 ibid., 23 novembre 1929.
135 La Nation, 5 juillet 1930.
136 ibid., 15, 22 février 1930.
137 ibid., 25 octobre, 1er novembre 1930.
138 Ibid., 3 janvier 1931.
139 Ibid., 1 février, 4 avril 1931.
140 Démocrate de l’Est, janvier 1932.
141 Petit Démocrate, 1er novembre 1931.
142 La Nation, 31 octobre, 7, 14 novembre 1931 et Archives Louis MARIN. Archives Nationales – .A.P.
143 Petit Démocrate, 31 janvier 1932.
144 La Nation, 30 janvier 1932.
145 ibid., 30 janvier, 13 février 1932.
146 Archives Louis MARIN. Archives Nationales. N° 231 et voir plus haut, p. 84.
147 Écho de Paris, 1er avril 1931.
148 ibid., 6 juillet, 13 novembre 1931.
149 ibid., 15 novembre 1931.
150 République Démocratique, 20 mai, 15 juillet 1928.
151 Revue de Paris, 1er août 1928.
152 Petit Démocrate, 23 décembre 1928.
153 Petit Démocrate, 12 août 1928.
154 République Démocratique, 17 février 1929.
155 Avenir, 1er, 9 décembre 1929.
156 Avenir, 1er, 9, 23 novembre 1929 – 2, 17, 27 janvier 1930. Petit Démocrate, 26 janvier, 3 février 1930.
157 Petit Démocrate, 18 mai 1930.
158 Archives L. A. PAGÈS. Circulaire n° 35.
159 L’avenir, 16 janvier 1931.
160 ibid., 21, 24 janvier, 4 février 1931.
161 ibid., 24 septembre, 17 novembre, 16 décembre 1931.
162 Revue de Paris, 15 janvier 1931.
163 Jeune République, 4 mai 1928, 25 mai 1930.
164 La Démocratie, décembre 1928 ; janvier, avril, mai, août 1929.
165 A ce sujet J. C. DELBREIL, op. cit.
166 La Démocratie, septembre 1931. Jeune République, janvier 1932.
167 Voir plus bas, p. 260.
168 La Démocratie, mai 1931.
169 ibid., septembre-octobre 1928.
170 Le Mouvement, mai 1929.
171 ibid., juillet-août-novembre 1929.
172 ibid., décembre 1930, janvier 1931.
173 ibid., février 1931.
174 ibid., avril-juin-octobre 1931.
175 ibid., octobre 1931 – avril-mai 1932.
176 A ce sujet E. TERRENOIRE, Un Combat d’avant-garde, op. cit.
177 Vie Catholique, 26 janvier 1928.
178 ibid., 11 août 1928.
179 Vie Catholique, 20 janvier 1932.
180 Archives Fr GAY – DESGRÉES DU LOU à Fr. GAY, 11 juillet 1927.
181 Archives Fr. GAY. Correspondances.
182 F. MAYEUR, L’Aube, étude d’un journal d’opinion, Paris, F.N.S.P. 1966.
183 Voir plus haut, p. 79.
184 Fr. MAYEUR, op. cit., p. 15.
185 Archives Fr. GAY. Lettre au docteur BESSON, 6 janvier 1932.
186 L’Aube, 20 janvier 1932.
187 ibid., 18 mars 1932.
188 Archives L. A. PAGÈS, Circulaire, 23 juin 1928.
189 Archives L. A. PAGÈS, Circulaire, 10 janvier 1929.
190 Petit Démocrate, 15 décembre 1929.
191 Politique, 15 mars 1929.
192 Petit Démocrate, 8 juin 1930.
193 Politique, décembre 1931.
194 Voir plus bas, p. 298.
195 A ce sujet S. BERSTEIN, op. cit., p. 719.
196 Parti Radical, 28e Congrès. 1931. Paris, p. 72.
197 Petit Démocrate, 22 mars 1931. République, 18 février – 10 mars 1931.
198 Les Partis politiques devant le Socialisme. Librairie Populaire du Parti Socialiste. 1932.
199 Documentation pour la campagne électorale, "Vie Socialiste", 1932, 13 p.
200 Marceau PIVERT, L’Église et l’École. Perspectives prolétariennes, Paris, Léon Figuière, 1932, 256 p.
201 Paris-Phare, 6, 27 mai 1928.
202 ibid., septembre 1928.
203 La Voix, 3-6 mai 1928.
204 ibid., 1er-18 novembre 1928.
205 ibid., février-mai 1929.
206 ibid., juin 1929.
207 S. BERSTEIN, op. cit., p. 696.
208 B. DE JOUVENEL, L’Économie Dirigée, Paris, Valois, 1928, 194 p.
209 René de la PORTE, Le Club des 612, Paris, Valois, 1929.
210 Notre Temps, 1er janvier 1930.
211 ibid., 1er avril 1930.
212 ibid., 1er mai 1930.
213 ibid., 1er février 1931.
214 Appel pour l’institution et l’organisation de la République Syndicale, 32 p.
215 Cahiers Bleus, n° 6.
216 Ouest Éclair, 26 mars 1929.
217 Cahiers de la Nouvelle Journée, n° 15.
218 ibid., décembre 1929.
219 ibid., 18 janvier 1930.
220 ibid., 22 mars – 21 juin – 26 juillet 1930.
221 ibid., 14 février 1924.
222 État Moderne, avril 1929.
223 ibid., mai 1930.
224 Nouvelles Littéraires, 2 février 1929.
225 Archives F.N.C. – carton n° 2 – Circulaire du 13 février 1929.
226 Correspondance Hebdomadaire de la F.N.C., 28 avril 1928.
227 Archives Préfecture de Police – Dossiers F.N.C. 30 janvier, 11 février 1929 – 10 septembre 1930.
228 France Catholique, 16, 23 avril 1932.
229 Archives Préfecture de Police. Dossiers F.N.C., 25 juillet 1932.
230 Archives F.N.C. carton n° 2 – circulaire n° 75, 8 mai 1931.
231 Écho de Paris, 23 novembre 1932.
232 Voir A. DANSETTE, Destin du Catholicisme Français, Paris, Flammarion, 1957, p. 110.
233 A ce sujet, P. GERBOD, Les Catholiques et l’enseignement secondaire, R.H.M.C., juillet-septembre 1971, pp. 375-414.
234 Politique, 15 janvier – 15 mars 1929.
235 Petit Démocrate, 8 décembre 1929.
236 ibid., 8 décembre 1929.
237 Archives L. A. PAGÈS, circulaire n° 32, 30 novembre 1929.
238 Petit Démocrate, 9 mars 1930.
239 ibid., 16 mars – 4 mai 1930.
240 Le Sud, 10 avril 1930 – Osservatore Romano, 2-3 juin 1930.
241 Archives L. A. PAGÈS – Dossier "Politique intérieure" – PAGÈS au Directeur du "Nouvelliste" – 5 juin 1930.
242 Archives L. A. PAGÈS. PAGÈS à VANNEUFVILLE s.d.
243 Vie Catholique, 14 juin 1930.
244 Politique, 15 mai 1930 et Cahiers de la Démocratie Populaire n° 9 – La Réforme générale de l’enseignement.
245 Politique, 15 septembre, 15 octobre 1930.
246 École et Famille, septembre-octobre 1930.
247 Petit Démocrate, 23 novembre 1930.
248 Archives Affaires Étrangères – Z-21. Lettres au Ministre des Affaires Étrangères, 21-24 octobre 1928.
249 Archives L. A. PAGÈS. Circulaire, 23 mai 1928.
250 ibid., Circulaire, 30 novembre 1929.
251 Le Charivari, 25 mai 1929.
252 Documentation Catholique, 8 juin 1929.
253 Excelsior, 7 décembre 1929.
254 Archives Affaires Étrangères – Z.21 – Note. 21 décembre 1929.
255 Voir plus haut, p. 103.
256 Congrès 1928, 1929, 1930.
257 Wladimir d’ORMESSON, La Paix Religieuse, SPES, 1929, 60 p.
258 État Moderne, avril 1930.
259 Europe Nouvelle, 2 juillet 1932.
260 E. MAGNIN, Laïcisme et Laïcité, paris, Bloud et Gay, 1930, 139 p.
261 Le Temps, 27-28 janvier 1931.
262 A ce sujet : A. METZGER, op. cit.
263 ibid.
264 La Croix, 1er-15 août 1929.
265 ibid., 9 février – 29 avril 1932.
266 A ce sujet – Mg CHANSON, Contribution à l’histoire du diocèse de Toulouse.
267 A ce sujet – P. PIERRARD, Les Diocèses de Cambrai et de Lille, Paris, Beauchesne, 1978, p. 306.
268 Voir plus bas, p. 251.
269 Archives Diocésaines Rennes – Dossier "Abbé Louvel".
270 Ami du Clergé, 20 juin 1929.
271 Voir plus haut, p. 89.
272 Aux Archives de l’Archevêché de Rennes, figure un dossier "Députés et Sénateurs", où tous les votes du Député PINAULT sur les questions scolaires et des congrégations sont examinés en détail (Dossiers épiscopat de Mgr MIGNEN).
273 Petit Démocrate, 29 mai 1932.
274 Petit Démocrate, 8 mai 1932.
275 ibid., 15 mai 1932.
276 Politique, juin 1932.
277 Semaine Religieuse de Paris, 5 janvier 1932.
278 Documentation Catholique, 16 avril 1932.
279 ibid.
280 Archives F.N.C. – Carton n° 3. La F.N.C. et la question électorale en 1932.
281 Intérêt Français, 11 novembre 1931.
282 Tract- Action Française, 1932.
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