1919-1940. L’ascension la reconnaissance locale et nationale
p. 71-73
Texte intégral
1Le retour à la paix se fait lentement en 1919. Presque six mois seront nécessaires pour modeler une nouvelle carte de l’Europe et inventer un garde-fou international, la S.D.N., dans l’espoir de préserver le monde d’un nouveau cataclysme.
2Le climat est à l’inquiétude car le bilan humain et économique est lourd, la reconversion de la production ne s’opère pas sans crise, l’agitation sociale est grande partout ; n’a-t-on pas cru au début de l’année que la vague bolchevique venue de l’est allait submerger l’Europe ? Ainsi la France retrouve-t-elle lentement une situation normale. Le gouvernement fixe les grandes consultations électorales à l’automne de 1919, car après cinq ans de mise entre parenthèses du fonctionnement normal de la démocratie, il est nécessaire de renouveler tous les mandats politiques. En trois mois, les citoyens seront appelés à élire conseillers municipaux, députés, conseillers généraux et sénateurs. C’est pour la France, un nouveau départ, sans doute aussi une bonne occasion pour un homme de commencer une carrière politique.
3Le département de l’Aveyron ne sort pas indemne de la guerre ; le bilan démographique y est particulièrement dramatique : 1/5 des ruraux ont été tués. La campagne a été saignée à blanc en Rouergue. Parmi les morts, 62 % étaient agriculteurs (9217), 14,5 % artisans et commerçants, 7,4 % ouvriers1. En 1921, on note que le département a perdu 10 % de sa population. Le bouleversement qui s’ensuit est profond et durable : l’exode rural s’accélère, les petites propriétés se vendent en grand nombre. Les villes au contraire ont mieux résisté, leur population va croître aux dépens des campagnes, ainsi donc que leur poids politique.2
4Cependant l’Aveyron pleure ses poilus et honore son héros prestigieux, le général de Castelnau ; le sentiment patriotique et les valeurs traditionnelles qu’il représente en sont fortifiées ; l’état d’esprit conservateur du corps électoral ne risque pas d’être beaucoup modifié dans l’immédiat. En revanche le Bassin houiller d’Aubin-Decazeville de sensibilité socialiste tire comme leçon du massacre que pacifisme et fraternité seront les seules planches de salut pour l’humanité ; les plus audacieux parlent de révolution nécessaire à l’exemple du peuple russe. A Decazeville, le terrain politique effervescent depuis 1917, sera favorable à Ramadier : militant connu et ancien, il inspire alors confiance par les valeurs du socialisme jauressien qu’il incarne et qui se révèlent plus modérées que le bolchevisme naissant. Ainsi Decazeville, qui l’avait boudé en 1913, l’adopte définitivement en 1919. Se démarquant nettement de l’extrême gauche communiste, Ramadier s’emploiera ensuite à gagner l’électorat modéré radical de la circonscription en soutenant le Cartel des gauches ; la disparition du député Cabrol en 1924 fera de Ramadier, déjà dauphin en titre, le candidat successeur reconnu ; le changement de mode de scrutin en 1928 lui assurera la victoire. A partir de ce moment là, il fera de la circonscription de Villefranche de Rouergue son fief électoral.
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