Le marché du charbon, un enjeu entre l’Europe et les États-Unis de 1945 à 1958
|Troisième partie. Le mythe du déficit charbonnier : une constante de 1948 à 1957
Introduction à la troisème partie
Texte intégral
1Les années difficiles de l’immédiat après-guerre appartiennent au passé, et dorénavant, l’Europe de l’Ouest peut entrer dans une période de prospérité économique. Les années de haute conjoncture succèderont néanmoins aux années de basse conjoncture à un rythme de plus en plus rapide qu’auparavant. C’est dans cette nouvelle perspective que se pose désormais la question du charbon américain : est-il nécessaire d’en importer au moment des fortes pointes conjoncturelles alors que la ceca, fraîchement établie en 1952, mise sur l’autosuffisance en approvisionnement charbonnier grâce à sa propre production et ses propres courants d’échanges intra-européens ? Cet objectif n’est pas en soi autarcique, puisque l’essence du Traité de Paris, qui a donné naissance à la ceca, est l’expansion économique. Mais sa grande ambiguïté réside dans le fait que le Traité est aussi construit sur la crainte d’une nouvelle pénurie en charbon. Dans le quotidien, la crainte sera-t-elle réelle ou estompée ? Dans l’ensemble, le Traité continue la politique poursuivie depuis 1945, politique qui consiste à viser l’augmentation de la production charbonnière (productivisme) afin de dynamiser l’ensemble de l’économie. Comme les pays européens ont les moyens d’entreprendre leur reconstruction avec de bonnes progressions de la production, le charbon américain est soumis à des quotas dès 1948.
- 1 John Diebold, The Schuman Plan, A study in economic cooperation, 1950-1959, 1959.
2Cependant, les années 50 verront la consolidation de la configuration du marché charbonnier de 1947, confirmée par le Plan Marshall, c’est-à-dire principalement l’établissement de la concurrence du charbon américain en Europe de l’Ouest. Or la création de la ceca coïncide avec la fin du Plan Marshall en 1952. Existerait-il une volonté de maintenir une structure européenne du marché charbonnier : de 1945 à 1947, il y eut l’eco, puis de 1948 à 1952, le Plan Marshall et son administration l’Economic Cooperation Administration (eca), et enfin la ceca, symbolisant en cela la poursuite de l’intégration européenne, chère aux Etats-Unis ? En ce qui concerne la mise en place de la ceca, elle n’est pas sans rappeler la dimension administrative de l’eco. N’oublions pas la présence de Jean Monnet, à l’eco en tant que représentant français. Jean Monnet a parfaitement connu le travail administratif de cet organisme. La nouveauté de cette information a le mérite de remonter aux origines de la ceca, renouvelant ainsi les discussions à ce sujet. La ceca trouve, à mon avis, une bonne part de ses véritables origines dans l’eco de 1945-1947 tant au niveau des pouvoirs supranationaux qu’au niveau de la réunion au sein d’une même institution des pays européens concernés directement par le problème charbonnier. Il n’est donc pas surprenant que la ceca ait pu se constituer facilement avec les traditionnels pays producteurs de charbon et ait accepté la présence de l’Italie essentiellement importatrice de charbon. Ces pays avaient en commun un vécu administratif consistant à discuter des problèmes concernant la production et la distribution. Les Etats-Unis conserveront-ils leur rôle de puissance politique et économique au sein de cette nouvelle structure européenne, en dépit de l’affirmation suivante de Diebold : « Mais aucune de ces questions (les intérêts de l’industrie d’acier et du charbon) n’a représenté des décisions politiques majeures pour les Etats-Unis. »1 ? Cette période inaugurera-t-elle de nouveaux enjeux liés au charbon ?
Notes
1 John Diebold, The Schuman Plan, A study in economic cooperation, 1950-1959, 1959.
© Éditions de la Sorbonne, 1996