Tribert Louis Pierre 1819-1899
p. 486-487
Texte intégral
1Né à Paris le 23 juin 1819, Louis Pierre Tribert est issu d’une famille de notables des Deux-Sèvres ayant exercé d’importantes responsabilités politiques : son grand-père maternel, Michel Lecointe-Puyraveau (1764-1827) a été député à la Législative puis à la Convention, membre du Conseil des Cinq-Cents et banni en 1816 : il meurt en exil à Ixelles. Son père, Pierre Tribert (1781-1853), riche propriétaire, sous-préfet de Bressuire sous l’Empire puis député des Deux-Sèvres (1829- 1848), dirige avec son collègue Philippe Clerc-Lassalle le groupe libéral de ce département durant toute la Monarchie de Juillet.
2Élevé à Paris, Louis Tribert reçoit, au collège Bourbon, une éducation imprégnée de libéralisme et de l’esprit des Lumières. Lauréat du concours général, il poursuit sa formation à l’Université de Berlin (1837-1838) puis effectue, de 1838 à 1860, de très nombreux voyages en Europe, en Égypte, aux États-Unis et Amérique Latine. Son existence tout entière semble dénuée de soucis matériels : sa mère lui laisse en héritage le grand domaine de Puyraveau dans les Deux-Sèvres. Vivant de ses rentes, il possède un important patrimoine immobilier : en 1886, il est propriétaire d’un immeuble à Paris, du Château de Fontioux-Vivonne dans la Vienne et de Puyraveau. Ce célibataire fortuné mène à Paris une existence mondaine : il est, sous le surnom de Lorenzo, l’hôte privilégié du salon de Madame d’Agoult dont il est l’ami intime et le futur exécuteur testamentaire. Il y rencontre notamment le prince Napoléon, Jules Grévy et son compatriote et ami Amable Ricard, futur ministre de l’Intérieur en 1876. La politique intéresse alors peu ce connaisseur de la pensée libérale anglaise. Mais il se rallie à la République dès 1848 et soutient publiquement la candidature présidentielle de Cavaignac avant de condamner en privé le coup d’État du 2 décembre.
3Ce n’est qu’en 1860 qu’il entreprend de poursuivre dans les Deux-Sèvres l’œuvre politique accomplie par ses ancêtres – tout comme son frère, Germain Tribert, conseiller général de la Vienne à partir de 1865. S’appuyant sur les comices agricoles et sur le journal Le Mémorial des Deux-Sèvres dont le rédacteur en chef, Jacques Delavault, est son ami intime, il se présente comme candidat indépendant et sans étiquette aux élections de 1863 et 1869 (circonscription de Parthenay) : il entend défendre "la liberté et l’ordre", mais aussi le principe de l’indépendance des candidatures. Il échoue, à la suite notamment de campagnes de diffamation orchestrées par l’administration préfectorale. Mais les actions en justice qu’il intente alors avec l’aide de Jules Favre – et notamment le procès retentissant du 4 juillet 1863 au tribunal correctionnel de Niort – en font le porte-parole local de l’opposition libérale à l’Empire. Il est d’ailleurs élu en 1868 conseiller général du canton de Champdeniers. Son action au cours de la guerre de 1870 lui vaut une popularité appréciable : engagé volontaire dans le 95ème de ligne dès le 15 août, il participe au combat de l’Hay en novembre et est fait prisonnier de guerre à Ville-Evrard le 21 décembre. C’est à la forteresse de Neisse en Silésie qu’il apprend son élection le 8 février 1871 comme membre de l’Assemblée nationale. Il est élu sénateur inamovible le 13 décembre 1875.
4Cet homme de lettres qui parle la plupart des langues européennes n’a pas de réel programme politique et de spécialité définie. Il intervient très rarement à la tribune des assemblées : ses adversaires le surnomment la "marmotte parlementaire". Proche du Centre gauche, il n’appartient à aucun groupe mais il soutient Thiers, vote les lois constitutionnelles de 1875 et refuse la dissolution de la Chambre des députés lors de la crise du 16 mai. Profondément libéral, il défend à partir de 1879 des opinions plus conservatrices qui le détachent de la majorité républicaine : il refuse ainsi le retour des Chambres à Paris ou l’article 7 et, le 29 juin 1880, il prononce le seul discours à la tribune de sa carrière contre l’amnistie des communards qu’il considère comme une "absolution éhontée ". Il se coupe également, en août 1879, de ses anciens amis de gauche au conseil général des Deux-Sèvres en s’opposant à la gratuité scolaire pour des raisons budgétaires. Fréquemment mis en minorité, il démissionne de l’Assemblée départementale en avril 1881, ce qui constitue sa retraite politique. Une retraite qu’il rompt seulement au cours des élections de 1889, alors que le danger boulangiste le rapproche de ses anciens amis républicains. Il prononce alors en réunion publique son véritable testament politique : " La République héritière de ces désastres et de ces ruines a d’abord vaincu l’insurrection la plus formidable et libéré le territoire. Depuis, elle vous a donné sans interruption (…) à l’intérieur l’ordre facilement maintenu, à l’extérieur la Paix en Europe et d’importantes conquêtes. " Ce vieux républicain libéral meurt sur ses terres de Puyraveau le 15 juin 1899.
Bibliographie
Sources et bibliographie :
Louis Tribert, Archives de famille, Niort, 1895, 546 p. ; Le Mémorial des Deux-Sèvres (n° spécial du 17 juin 1899 consacré à L. Tribert).
Auteur
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Mathias Bernard
Allocataire moniteur normalien, doctorant
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