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Les immortels du Sénat, 1875-1918

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Alain Corbin
, 
Jean-Marie Mayeur

Les cent seize inamovibles de la Troisième République

Testelin Achille 1814-1891

Bernard Menager

Texte intégral

1Le milieu familial a incontestablement marqué Achille Testelin, né à Lille le 6 janvier 1814. Son père, Armand Joseph, né en 1787, a été soldat de la Révolution et fut blessé à Marengo avant de tenir un commerce de drogueries. Son grand-père était épicier. Armand participe activement à la révolution de 1830 et à la réorganisation de la Garde nationale dont il fut lieutenant-colonel. Il siège au conseil municipal de Lille et au conseil général du Nord et se présente en 1831 aux élections législatives contre le notable Barrois-Virnot. Sa mère, Pétronille Waresquiel, est la fille d’un brasseur de Lille. Un Charles Waresquiel fut nommé maire de Lille au lendemain du retour de Napoléon de l’île d’Elbe. Le jeune Achille reçut une éducation moderne. Il fut confié à l’âge de huit ans à un pensionnat de la région lilloise dirigé par un Anglais ; il acquit ainsi une compétence dans la langue anglaise qui lui permit de traduire ultérieurement un ouvrage sur les maladies des yeux. Il fit de brillantes études au collège communal de Lille. La mort de son père en 1832 changea sa carrière professionnelle. Au lieu de reprendre le négoce paternel, il entreprit des études médicales à l’hôpital militaire de Lille et fut reçu docteur à 23 ans. Il partit à Paris pour se spécialiser dans l’ophtalmologie. Il se lia avec la jeunesse révolutionnaire du quartier latin et fut compromis dans un complot politique. Après quatre mois de prison préventive, la cour d’assises l’acquitta. Testelin partit en 1840 pour l’Algérie comme sous-aide-major mais, n’ayant pas obtenu la promotion promise d’aide-major au bout d’un an, il quitta définitivement l’armée et vint s’établir à Lille. Il se lie à Alphonse Bianchi et à la petite phalange des démocrates lillois et il collabore activement à leur journal le Messager du Nord. Dès 1846, Achille Testelin est une personnalité connue, membre de la Société des sciences de Lille depuis 1840. Il joue un rôle important dans l’organisation du Banquet de Lille du 7 novembre 1847 et transforme une manifestation réformiste en une réunion républicaine en mettant à profit la venue in-extremis de Ledru-Rollin. La révolution de Février lui ouvre la carrière politique. S’il échoue avec l’extrême gauche aux élections à la Constituante, il est élu conseiller municipal de Lille et conseiller général du Nord. Son rapport sur le taux de mortalité à Lille, établi au nom des médecins hygiénistes en 1851, fut remarqué. Depuis 1848, il appartient à la Loge "la Fidélité".

2Le 8 juillet 1848, Achille Testelin épousa Sidonie Merlin dont le frère Charles, alors jeune avocat lillois, fut plus tard député puis sénateur maire républicain de Douai. Il eut de ce mariage une fille qui épousa Canissié, parent d’un militant républicain lillois médecin des pauvres. Tout l’environnement familial d’Achille Testelin se situe dans le milieu républicain démocrate. Son frère Gustave, brasseur, siège à ses côtés au conseil municipal de Lille de 1848 à 1851. Il fut inquiété après le coup d’État du 2 décembre et après 1860 reprend sa place au conseil municipal de Lille où il est le leader de l’opposition républicaine.

3En 1849, Achille Testelin est élu à l’Assemblée législative avec quatre autres démocrates socialistes. Le 7 janvier 1850, il interpelle le gouvernement à l’occasion de la dissolution par le préfet du Nord des sociétés de secours mutuel des fileurs de l’arrondissement de Lille. La fougue de celui que ses amis appellent le "bouillant Achille" provoque un duel au sabre avec son collègue de Coislin. Il est expulsé de France après le coup d’État du 2 décembre, gagne Bruxelles où il exerce sa profession d’oculiste. Après l’amnistie de 1859, il est de retour à Lille mais ne reprend son activité politique qu’à la fin de l’Empire. Il est un des actionnaires les plus importants du Progrès du Nord, il utilise ses amitiés politiques parisiennes pour assurer sa défense dans les multiples procès de presse dont il est l’objet. Il est ainsi à l’origine de la venue à plusieurs reprises de Gambetta à Lille en 1868, occasion d’établir de solides liens d’amitié entre les deux hommes. Il est élu conseiller général de Lille Sud-Ouest lors de l’élection partielle du 22 mars 1868. Son autorité est telle sur le parti républicain à Lille qu’il impose à ses amis la candidature de Thiers lors des élections de 1869. Il dirige la campagne antiplébiscitaire de 1870 et c’est tout naturellement qu’il est appelé à la préfecture du Nord au lendemain de la révolution du 4 septembre. Il appelle à l’Union nationale contre l’envahisseur. Le 26 septembre, il est nommé commissaire de la Défense nationale pour les quatre départements de la France septentrionale. Il déploie une activité inlassable pour armer et équiper l’armée du Nord, obtient le remplacement du général Espivent jugé totalement inactif, puis celui de Bourbaki, objet de vives préventions locales et il propose la nomination de Faidherbe. Il fut plus tard attaqué pour des irrégularités dans la passation des marchés de guerre, mais son honorabilité personnelle ne fut pas mis en cause. Le patriotisme d’Achille Testelin n’exclut pas la lucidité. Après la défaite de Saint-Quentin, il conseille à Gambetta de demander la paix. Il n’en est pas moins victime du discrédit du gambettisme aux élections du 8 février 1871 avec l’ensemble de la liste républicaine, mais il prend sa revanche à l’élection partielle du 2 juillet 1871 où, aux côtés de Faidherbe et grâce en partie à la popularité du général, il est triomphalement élu avec 66 % des suffrages. Il intervient à la tribune lors de la discussion de la loi militaire, de la loi sur le travail des femmes et des enfants, sur les propositions de création de Facultés de médecine, obtenant la transformation de l’École préparatoire de Lille en Faculté de médecine. Siégeant au groupe de l’Union républicaine, il suit l’évolution politique de Gambetta et vote en 1875 l’amendement Wallon et les lois constitutionnelles. Bénéficiaire du pacte entre légitimistes et républicains, il est élu sénateur inamovible le 15 décembre au 6ème tour de scrutin par 339 voix. Il siège au groupe de l’Union républicaine, vote les grandes lois républicaines sauf la loi Naquet sur le divorce.

4En 1881 lors du changement de majorité au conseil général du Nord, il est élu président de l’Assemblée départementale, mandat qu’il conserve jusqu’à sa mort à Paris, le 21 août 1891. Achille Testelin qui avait fondé à Lille en 1878 la Loge "l’Etoile du Nord" eut des obsèques civiles. Un monument à sa mémoire a été érigé à Lille en 1894. Il laissait une fortune modeste évaluée à 26 386 francs, composée de diverses créances (93 046 francs) et d’actions (2 300 francs).

Bibliographie

Bibliographie :

Lagrillière-Beauclair et Charrier, Achille Testelin, Lille, imp. E. Dujardin, 1894, 72 p. ; Pierre Pierrard, La vie ouvrière à Lille sous le second Empire, Paris, Bloud et Gay, 1965, 532 p. ; Bernard Ménager, La vie politique dans le département du Nord de 1851 à 1877, Lille, Atelier National de Reproduction des Thèses, 1983, 3 vol. ; Louis Trénard (sous la dir. de), Histoire de Lille, t. III, l’ère des révolutions (1871-1851), Toulouse, Privat, 1991.

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