1La notoriété du pasteur Edmond Dehault de Pressensé tient davantage à ses qualités d’écrivain, de théologien, de prédicateur qu’à sa carrière politique. A l’origine, la famille Dehault de Pressensé se rattache à la noblesse catholique du Hainaut, mais s’est dispersée. Le grand-père paternel d’Edmond, Pierre Dehault de Pressensé occupe la charge de trésorier principal des guerres à La Rochelle, ville où il vote avec la noblesse en 1789 pour l’élection aux États généraux. Il épouse Marie Henriette Perry, de religion protestante, fille du directeur de la Chambre de commerce de La Rochelle. Le père d’Edmond, Victor, vit à Paris, propriétaire de son état. Catholique, il se convertit à trente-trois ans au protestantisme, la religion de sa mère. Il se marie avec une suisse protestante, Victoire Hollard, qui appartient à la grande bourgeoisie. En fait les Hollard, famille française à l’origine, avait dû se réfugier en Suisse pour cause de religion. Deux enfants sont issus de cette union : Edmond, né à Paris le 21 juin 1823 et Mathilde née en 1834 qui épousera d’abord Albert Lemaître, notaire à Paris puis Auguste Suchard, médecin dans le canton de Vaud en Suisse.

2Edmond de Pressensé après le lycée, étudie la théologie à Lausanne où il devient le disciple de Vinet, puis à Berlin en 1846-1847. Après une thèse sur le sacerdoce universel, il est consacré pasteur et dessert la chapelle Taitbout, sise rue de Provence à Paris. C’est un lieu de culte d’une église indépendante qui se rattache en 1849 à l’Union des Églises évangéliques (libres).

3Le jeune pasteur se fait connaître par ses prédications, ses articles et ses livres. Il participe à la création de la Revue chrétienne fondée en 1854 et en devient directeur. Il combat le courant libéral extrémiste incarné par la Revue de Strasbourg. Il se fait l’avocat de la séparation des Églises et de l’État. Historien des religions et théologien, il publie notamment L’Église et la Révolution française (1864) et Jésus-Christ, son temps, sa vie, son œuvre, réponse à la Vie de Jésus de Renan. Il a d’ailleurs voyagé au Moyen-Orient, visité le "pays des Évangiles”. Plus tard il prépare un doctorat de théologie soutenu en 1877 devant la Faculté de Montauban sur "Le culte chrétien au second et troisième siècles”.

4Edmond de Pressensé se marie, sans doute en 1847 ou 1848, avec Élise du Plessis, une protestante, née en Suisse en 1826 dans un milieu "revivaliste". Elle descend d’une famille noble originaire de Bretagne qui, convertie au protestantisme, a dû s’exiler au XVIIème siècle d’abord en Hollande puis s’est fixée en Suisse. Elle propose des conceptions politiques avancées et annonce le christianianisme social. Élise se livre aussi à l’écriture ; elle a publié plusieurs ouvrages d’éducation, Les nouvelles et récits à l’usage des écoles et des "romans éducatifs" tel Rosa (19 réimpressions).

5Edmond de Pressensé se mêle à la politique en 1848. En 1849 il prononce une série de conférences sur les rapports entre le christianisme et la question sociale. Libéral, il milite contre l’Empire et gravite dans les "mêmes cercles que L. Say, Guizot, Rémusat, Laboulaye”. Il collabore à la Revue nationale fondée en novembre 1860 à côté de Laboulaye, Taxile Delord, etc., et plus épisodiquement à la Revue des Deux Mondes. Dans ses chroniques il défend les libertés, et la première de toutes, la liberté religieuse, la décentralisation aussi. Vers la fin de l’Empire il durcit son opposition, se rapproche de Jules Favre, de Jules Simon, adhère à la Ligue de la Paix. Cette même année il se rend à Berg avec le pasteur Monod à la rencontre du Tsar de Russie : il lui demande de respecter la liberté de culte des Baltes protestants. Au moment de la guerre de 1870, il s’engage comme ambulancier et reçoit la Légion d’honneur à titre militaire.

6Après la proclamation de la République, il entre plus nettement en politique. Il participe aux délibérations du club de la Porte Saint-Martin, ouvert par Desmarets le 17 octobre 1870. A la première séance Edmond de Pressensé s’adresse aux “citoyens” présents. Il stigmatise le régime impérial, se prononce pour “la guerre à outrance”, mais contre “la démocratie frénétique” des “bonnets rouges de 1792” ; il en appelle à la force morale “qui seule maintient, accroît, centuple la force matérielle”. Sur la Commune, il porte un jugement plus nuancé que nombre de ses contemporains, tout en condamnant l’arrestation de l’Archevêque de Paris. Dans un article de la Revue des Deux Mondes daté du 15 juin 1871, il s’en prend à la “populace parisienne” mais estime que “la nation doit faire son examen de conscience” et qu’il importe de “chercher la part de toutes les responsabilités dans une catastrophe qui n’accuse pas seulement ses fauteurs directs”. Il propose comme principaux remèdes le développement de l’enseignement et la décentralisation.

7Il fit acte de candidature comme représentant de Paris le 8 février 1871, mais échoua. Il se présente lors des élections complémentaires du 2 juillet sur un programme républicain et surtout antibonapartiste et cette fois accède à l’Assemblée nationale. Il intervient dans divers débats. Il prend position contre l’installation des ministres à Versailles et contre la construction du Sacré-Cœur. Au Centre gauche, il soutient la politique menée par Thiers. Aussi vote-t-il contre la chute du chef du pouvoir exécutif le 24 mai 1873. Il se distingue par son opposition virulente aux tentatives de restauration monarchique et à la droite. Ainsi, lors du débat sur la proposition de loi concernant les maires le 14 janvier 1874, il présente un contre-projet et interpellant la droite il lance “aujourd’hui, le péril c’est vous”. Il se prononce pour l’amendement Wallon et vote les lois constitutionnelles. En février 1876 il présente sa candidature, cette fois dans la circonscription de Pontoise, mais essuie un échec.

8En 1883 ses amis parmi lesquels Léon Say avancent son nom et le 17 novembre 1883 il est élu sénateur inamovible en remplacement de Victor Lefranc décédé. Il va rejoindre ses amis au groupe du Centre gauche. Il fait partie du comité directeur du dit groupe puis le préside en 1886. Il intervient assez souvent dans les débats. Ainsi, lors de la discussion du budget du culte pendant la session de 1885 il propose les moyens d’aboutir à la séparation des Églises et de F État, thème qui lui tient tant à cœur. Il soutient les ministères Ferry et même Gambetta, votant les lois sur l’enseignement, la loi sur le divorce en 1884 et les crédits en vue de l’expédition du Tonkin. Quelques années plus tard, il prend fermement position contre le boulangisme et se prononce pour la procédure en Haute Cour à l’encontre du général Boulanger. Il est élu en 1890 membre de l’Académie des sciences morales et politiques.

9Edmond de Pressensé est mort le 8 avril 1891, à 69 ans, en son domicile, 85 boulevard de Port-Royal. Il avait longtemps habité au 4 rue Berthollet dont il avait déménagé en 1890. Le service religieux eut lieu à la chapelle Taitbout qu’il a desservie de nombreuses années, il fut enterré au cimetière de Montmartre.

10Le faire-part de décès mentionne ses nombreux titres : pasteur, docteur en théologie de la Faculté de Montauban mais aussi des Universités de Breslau et d’Édimbourg, sénateur, membre de l’Institut, membre de l’Académie historique du Massachusetts et de l’Académie de New York, chevalier de la Légion d’honneur.

11Son épouse est décédée dix ans plus tard, en 1901, en son domicile du boulevard de Port-Royal et le service funéraire se déroula au temple du Luxembourg, rue Madame.

12Quatre enfants sont issus de l’union d’Edmond et d’Élise : deux fils et deux filles. Victor, l’aîné devient officier de marine ; il atteint le grade de lieutenant de vaisseau puis se voit confier une recette des finances et termine sa vie active comme trésorier payeur général. Francis, le cadet, a dépassé son père en renom : homme de lettres, il est député socialiste du Rhône de 1902 à 1910 et surtout assure la présidence de la Ligue des Droits de l’homme à partir de 1904. Quant aux deux filles, elles épousent toutes deux des pasteurs ; l’une se marie avec Edmond Bernus et l’autre, Émilie, avec Alfred Boegner, pasteur à la Maison des missions.

13Parmi les nombreux descendants d’Edmond et d’Élise de Pressensé, plusieurs furent pasteurs, un de ses petits-fils fut le philosophe catholique Gabriel Marcel.

Écrits de l’intéressé :

14Les leçons du 18 mars. Les faits et les idées, Paris, Michel Levy, 1871, 281 p. La conférence du 17 octobre 1870 au club de la Porte Saint-Martin ; L’Église et la Révolution française, histoire des relations de l’Église et de l’État de 1789 à 1802, Paris, Meyréuis, 1864, 467 p. ; Histoire des trois premiers siècles de l’Église chrétienne, Paris, Meyréuis, 1ère série, 1858, 4ème série, 1867 ; Jésus-Christ, son temps, sa vie, son œuvre, Paris, Meyréuis, 1866, 684 p. ; La liberté religieuse en Europe depuis 1870, Paris, Sandoz et Fischbacher, 1874, 451 p. ; Plusieurs discours prononcés à l’Assemblée nationale puis au Sénat ont été publiés sous forme de brochure.