1Né le 20 août 1811 à Paris, Auguste Victor Laurent Perier appartient à la grande bourgeoisie des notables. La famille est originaire du Bas Dauphiné. C’est Claude Perier (1742-1801), fabricant de toiles à Vizille et banquier, propriétaire d’une charge anoblissante de secrétaire du Roi, qui fait la fortune de la lignée et la propulse dans la vie publique. Il s’illustre pendant la pré-Révolution lors de l’Assemblée de Vizille tenue en son château, puis est élu député au Corps législatif en l’an VIII. Il participe à la fondation de la Banque de France et devient actionnaire de la Compagnie d’Anzin. Père de dix enfants, il engendre avec son épouse, Marie Charlotte Pascal, une nombreuse descendance qui noue de brillantes alliances et élargit son assise politique. Deux de ses fils accèdent à la députation. Alphonse (1782-1866), riche négociant et banquier, est l’élu de l’Isère de 1834 à 1846. Mais le plus brillant est incontestablement Casimir Perier (1777-1832), banquier, régent de la Banque de France, député de 1817 à 1832, président de la Chambre en 1830 puis président du Conseil de 1831 à son décès en 1832. Son fils, Auguste Victor Laurent, a donc pour père un homme illustre et obtient du reste en 1874 le droit de s’appeler Casimir-Perier. Sa mère, Marie Pauline Loyer, fille d’un magistrat guillotiné en 1794, pour être d’une famille moins connue, est issue toutefois de la bonne bourgeoisie lyonnaise.

2Auguste Perier semble rompre avec la tradition capitaliste familiale en choisissant le métier de diplomate qu’il exerce de 1831 à 1846 : il est secrétaire, puis conseiller d’ambassade à La Haye, Naples et Saint-Pétersbourg avant d’être nommé ministre plénipotentiaire à Hanovre en 1843. Mais il cède rapidement au virus de la politique. En 1845, il devient conseiller général de l’Aube et le reste jusqu’en 1855. Il se représente en 1861 et conserve cette fonction jusqu’à sa mort. En 1846, il pose sa candidature dans le Ier arrondissement de Paris et entre à la Chambre. Il y rejoint le camp des orléanistes sûrs et dévoués. Aussi se retire-t-il des affaires publiques en 1848. Dès 1849, toutefois, il est à nouveau candidat et élu de l’Aube à F Assemblée législative. D’abord favorable à Louis-Napoléon Bonaparte, il s’en éloigne après le message du 31 octobre et condamne vigoureusement le coup d’État du 2 décembre, ce qui lui vaut d’être brièvement interné au mont Valérien. Il se consacre alors à la gestion de son vaste domaine de l’Aube, entre au conseil d’administration de la Compagnie des mines d’Anzin dont il était actionnaire et rédige de nombreux ouvrages économiques, juridiques…

3Il revient à la vie politique dans les années 1860. Candidat malheureux aux élections de 1863 et 1869, il milite à l’Union libérale, fondée en 1864 et dont il retrouve les membres les plus éminents, tels Léon Say, Léonce de Lavergne ou Pressensé, à l’Académie des sciences morales et politiques où il est entré en 1867. En 1870, il vote non au référendum, à l’instar du mouvement. La guerre qui le surprend à Pont-sur-Seine, lui vaut d’être arrêté puis emprisonné comme otage par les Prussiens.

4L’avènement de la Troisième République lui offre une nouvelle chance politique. Candidat dans les Bouches-du-Rhône, l’Isère et l’Aube, il choisit de représenter ce département. Connu pour ses compétences financières, il est rapporteur du budget en 1871 et rapporteur de la loi autorisant le premier emprunt levé pour les Allemands. Le 11 octobre 1871, Thiers l’appelle au ministère de l’Intérieur où il a sous ses ordres comme préfet de la Seine Léon Say. Thiériste depuis longtemps, il adhère au Centre gauche où se retrouvent ses amis de l’Union libérale et devient l’un des leaders du mouvement. Comme tel, il joue un rôle éminent dans la consolidation de la République en travaillant au ralliement des grands notables orléanistes et libéraux au nouveau régime. Mis en minorité sur la proposition de retour de l’Assemblée à Paris, il démissionne le 6 février 1872. S’il adhère au message de Thiers du 13 novembre et se rallie à une République conservatrice, il s’oppose à Léon Say sur la tactique. Alors que celui-ci accepte de collaborer avec tous les Républicains, Casimir-Perier rejette les radicaux, fustige le discours de Grenoble et veut miser sur une conjonction des centres. Aussi tente-t-il de rallier le Centre gauche à la politique du duc d’Audiffret-Pasquier. La division du Centre gauche éclate lorsque le 8 janvier 1873 Casimir-Perier se présente à la présidence du groupe. Battu par 58 voix contre 63, il fonde avec les minoritaires comme Waddington la réunion des républicains conservateurs à laquelle se joignent des modérés du Centre droit. Cette dissidence n’excède pas, cependant, quelques mois. Le 18 mai 1873, Thiers, soucieux d’élargir ses soutiens, rappelle Casimir-Perier au gouvernement. Les manœuvres qui conduisent au 24 mai lui ôtent ses dernières illusions sur le Centre droit. Le refus de l’Ordre moral ramène ce libéral dans le giron du Centre gauche. Membre de la première puis de la seconde commission des Trente, il vote contre la loi du septennat et contre Broglie. Surtout, il travaille à l’élaboration d’institutions stables. Le 15 juin 1874, il dépose sur le bureau de l’Assemblée un projet de loi qui, en proposant deux chambres et un Président de la République, résume les aspirations constitutionnelles du Centre gauche. La proposition de Casimir-Perier est rejetée mais ouvre la porte à une collaboration de plus en plus étroite entre républicains libéraux et républicains de la veille. Désormais rallié à une coalition qui englobe jusqu’aux radicaux, Casimir-Perier vote l’amendement Wallon et les lois de 1875. Il est justement récompensé de son dévouement au régime naissant en étant élu sénateur inamovible au troisième tour et au quinzième rang. Il décède peu après, le 6 juillet 1876 à Paris (XVIème), "muni des sacrements de l’Eglise".

5Petit-fils et fils d’homme politique, membre d’une parentèle fort prestigieuse qui l’allie aux Brantes comme aux Poniatowski ou aux Montebello, Auguste Victor Laurent Perier a su aussi fortifier sa position par les alliances contractées. Il épouse en premières noces en 1834, Adèle Paturle (1814-1835) dont le père, Jacques Paturle, fut député du Nord (1830-1837) puis pair de France (1837-1848). Il se marie le 24 juillet 1841 en secondes noces avec Camille Fontenillat (1821-1907) dont le père, Henri (1793-1864), fils d’un receveur des gabelles rouennais, est filateur à Vast et dont la mère, Jeanne Mosselmann (1799-1857), est issue d’une famille de marchands bruxellois, fournisseurs des armées pendant la Révolution. Bourgeoisie classique en apparence mais cette seconde union fait de Casimir-Perier le beau-frère de Gaston d’Audiffret-Pasquier, élu comme lui député en 1871 et sénateur inamovible et en 1876, membre éminent du Centre droit et ministre de Mac-Mahon. Par ailleurs, sa sœur Mathilde a épousé en 1831 François Henri de Chabaud-Latour également élu sénateur inamovible. Le clan Perier élargi compte donc trois sénateurs inamovibles ainsi que trois députés. Le frère cadet d’Auguste Casimir-Perier, en effet, Paul Charles (1812-1897), armateur du Havre, devient député (1878-1889) puis sénateur (1891-1897) de la Seine-Inférieure. Sa fille, Henriette (1844-1916), épouse Louis Philippe, comte de Ségur, qui accède également à la députation. Son fils Jean surtout (1847- 1907), chef de cabinet de son propre père, entre à la Chambre comme député de l’Aube en 1876, devient président du Conseil en 1893 et est élu Président de la République le 27 juin 1894 avant de démissionner en janvier 1895. Avec ce dernier s’éteint, toutefois, une passion pour la chose publique qui s’étend sur quatre générations.