Pelletan Pierre Clément Eugène 1813-1884
p. 432-434
Texte intégral
1Pierre Clément Eugène Pelletan naquit le 29 octobre 1813 dans la métairie dite "La Barraque" située dans le hameau de Maine-Bertrand (commune de Saint-Palais-sur-Mer, Charente-Inférieure). Son père, Étienne Achille Pelletan, exerçait les fonctions de notaire et de juge de paix. Sa mère, Élisabeth Jeanne Jarousseau, fille du pasteur Jean Jarousseau, lui-même fils et petit-fils de pasteurs morts pour leur foi huguenote, appartenait à une vieille famille.
2Après "une enfance rustique" (Édouard Petit), Eugène Pelletan fut envoyé au collège royal de Poitiers, où il fut contraint de faire sa première communion. Sa mère le ramena ultérieurement au protestantisme. Le collège de Poitiers ayant été fermé à la suite d’une grande révolte des pensionnaires qui provoqua l’intervention de la troupe, il partit faire sa rhétorique à Pau. Après son baccalauréat en 1832, sa mère aurait voulu le voir devenir pasteur, alors que son père pensait à une carrière de notaire, d’avoué ou de médecin. Eugène Pelletan entama ses études de droit à Poitiers, mais vint à Paris dès 1833. Durant ses années de formation parisienne, il s’intéressa non seulement au droit, mais encore à la médecine, à la chimie, à l’économie et à la philosophie, fréquentant les cours de Broussais, d’Adolphe Blanqui et de Jouffroy.
3Dès 1836, il acquit une expérience du monde du journalisme grâce à son engagement à La Nouvelle Minerve. En janvier 1837, il partit à Nohant comme précepteur de Maurice Sand, ce qui lui permit de rencontrer Franz Liszt, Marie d’Agoult, Adolphe Guéroult, Gustave Planche. Une brouille avec George Sand le contraignit à regagner Paris au mois de mai. En 1838, il proposa sa collaboration à La Presse, donnant des articles signés "Un Inconnu" qui intriguèrent beaucoup. Il collabora également à La Revue de Paris, à La France littéraire, au Siècle, au Courrier de Paris, à L’Artiste. En 1839, il entra à L’Europe, signant ses articles du pseudonyme de "Sirius", et en 1841, à La Démocratie Pacifique. C’est dans ce journal qu’il répondit au célèbre Comment les dogmes finissent de Jouffroy par un Comment les dogmes se régénèrent. Plus tard, il écrivit dans La Revue Indépendante, Le XIXème siècle puis dans deux journaux, Le Bien Public et Le Conseiller du Peuple de Lamartine, qu’il avait par ailleurs aidé pour la préparation documentaire des Girondins.
4Sa carrière d’homme de lettres commença par la publication d’une autobiographie, La lampe éteinte, parue en 1839. Bien d’autres livres suivirent, recueils d’articles (Heures de travail, 1854 ; Nouvelles heures de travail, 1870) ; ouvrages d’histoire (Histoire des trois journées de février, 1848 ; Les morts inconnus. Le pasteur du désert, 1855 ; Les rois philosophes, 1858 ; La Décadence de la Monarchie française, 1860 ; La naissance d’une ville, 1861 (Royan) ; pamphlets (Le droit de parler, 1862 ; La nouvelle Babylone, 1863 : il s’agit d’une charge contre le Paris haussmannien "où partout la ligne droite passe comme un boulet de canon" ; essais (Profession de foi du XIXème siècle, 1852, La Mère, 1865, Dieu est-il mort ? 1883).
5En décembre 1861, Eugène Pelletan comparut pour délit de presse devant la 10ème Chambre correctionnelle, il fut condamné à une peine de trois mois de prison, qu’il accomplit au "pavillon des princes" de Sainte-Pélagie, et à une amende de 3000 francs qui put être payée grâce à une souscription ; il évita ainsi la vente aux enchères de sa bibliothèque.
6En 1848, Pelletan refusa le poste que Lamartine lui proposait aux Affaires étrangères, ne voulant pas entrer dans la vie politique "par la porte d’une fonction". Il fut battu aux élections en 1849, dans la Charente-Inférieure ; battu encore, dans le département de la Seine, en 1857. Il fut élu enfin au Corps législatif par les électeurs de la Seine le 1er juin 1863 ; son élection fut invalidée pour vice de forme, mais il fut triomphalement réélu au mois de décembre. Ses électeurs lui renouvelèrent leur confiance en 1869. En 1868, il avait fondé le journal La Tribune, dont il fut le rédacteur en chef.
7Il appartint au gouvernement de la Défense nationale, vota pour les poursuites après la journée du 29 octobre. Dans les premiers jours de février 1871, il occupa le poste de délégué aux fonctions de ministre de l’Instruction publique. Élu représentant des Bouches-du-Rhône le 8 février 1871, il s’inscrivit à l’Union républicaine. Pendant toutes ces années, il collabora au Rappel et à L’Opinion nationale.
8En décembre 1875, il se serait volontairement effacé devant Jules Simon pour laisser à celui-ci une chance d’être élu sénateur inamovible. Il ne siégea donc au Sénat, comme élu des Bouches-du-Rhône, qu’à partir de janvier 1876. Il en devint vice-président en 1879 et questeur en 1881. Ayant été, après de longues discussions, préféré à Havet et à Paul Bert, le 24 juin 1884, il rejoignit les inamovibles, dernier élu de ce groupe, en remplacement du comte d’Haussonville. Il était toujours questeur lorsqu’il mourut d’une apoplexie foudroyante le 13 décembre 1884. Lors de ses obsèques, les cordons du poêle furent tenus, entre autres, par Jules Ferry, Sadi Carnot et Alphonse Peyrat. De nombreux discours furent prononcés, notamment par Spuller, Challemel-Lacour et par Jules Steeg, qui rappela ses convictions profondément spiritualistes. La disparition d’Eugène Pelletan fut vivement ressentie dans sa région d’origine. En 1864, il s’était rendu propriétaire de la maison du pasteur Jean Jarousseau à Saint-Georges-de-Didonne, où il faisait de fréquents séjours. Il suivait la vie politique locale, s’intéressait au développement du Cercle de la Ligue de l’Enseignement de Royan. La municipalité républicaine de cette ville, dont il avait relaté l’histoire, prit l’initiative de faire ériger une statue à sa mémoire ; œuvre du sculpteur Aubé, elle fut inaugurée en présence d’Émile Combes et de Léon Bourgeois, qui prononcèrent chacun un discours.
9Si Eugène Pelletan a laissé un fils célèbre, Camille, il avait eu plusieurs autres enfants, une fille tout d’abord, Hélène, née d’un premier mariage avec Ardélie Ardouin, décédée en 1841. Sa seconde femme, Marguerite Virginie Gourlier, sœur du peintre, épousée en 1843, mit au monde quatre enfants, Charles Camille, né en 1846, André Adolphe, né en 1848 qui épousera une fille de Dionys Ordinaire et dont la fille se mariera avec Georges Bonnet, Geneviève, née en 1852 et Denise en 1856.
Écrit de l’intéressé :
10Jarousseau, le pasteur du désert, Paris, Germer-Baillière, 1877, 268 p. (rééd. sous un titre légèrement différent des Morts inconnus).
Bibliographie
Bibliographie :
Édouard Petit, Eugène Pelletan. 1813-1884. L’homme et l’œuvre d’après des documents inédits, préface de Ferdinand Buisson, Paris, A. Quillet, 1913, 283 p. ; Tony-Révillon, Camille Pelletan. 1846-1915. Quarante-cinq années de lutte pour la République, Paris, lib. Marcel Rivière, 1930, 216 p.
Auteur
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Jacqueline Lalouette
Chargée de recherche au CNRS
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