1Louis-Raymond de Montaignac de Chauvance, né à Paris le 14 mars 1811, est venu à la politique en 1871 seulement lors des élections à l’Assemblée nationale. Élu en mars 1876 sénateur inamovible, mais au 11ème tour seulement et à un rang – 74ème sur 75 – qui atteste sa faible notoriété, il s’agit avant tout d’un homme représentatif d’un milieu et d’une profession.

2Il appartient à une famille d’”ancienne chevalerie représentée à toutes les croisades”, connue dans la Haute-Marne à partir du Xème siècle et dont la filiation est attestée dès 1393. Les Montaignac de Chauvance sont issus de la branche cadette mais en raison de l’extinction de la branche aînée, le marquisat revient en 1824 à Louis-Raymond. L’attachement au lignage pousse, du reste, ce dernier à racheter dans les années 1880 les ruines du château de Montaignac, sis dans le bas Limousin et berceau de la famille, même si c’est en son château normand de Gueutteville (Seine-Inférieure) qu’il vit en noble châtelain et se fait inhumer. Les stratégies matrimoniales renforcent encore la notoriété familiale et élargissent une parentèle déjà prestigieuse. Sa femme, Marie-Louise Sabine Gaillard de Ferré d’Auberville, qu’il épouse le 21 mai 1844 à Paris, est la petite-fille du duc de Noailles et d’Ayen et de mademoiselle d’Aguesseau, l’arrière-petite-fille de Lord Fitz-James. Sa belle-sœur est l’épouse du général de Lamoricière, son ami le plus cher. Sa deuxième sœur, Anne-Marie Félicité, a pour mari le comte Jules de Kergaradec, saint-cyrien et militaire de carrière qui s’illustre principalement en Crimée et en Afrique. Le métier des armes fait partie, en effet, des traditions familiales. Son grand-père paternel, Aimable de Montaignac de la Rochebriant (1734-1804), est capitaine des dragons lorsqu’il choisit d’émigrer en 1792. Son père, Raymond-Aimé Montaignac de Chauvance (1778-1858), entré en 1785 à l’École militaire royale, s’engage dans la même voie avant de vivre en propriétaire. Sa mère, Anne de Raffin d’Hauterive, est la fille du comte Raffin de la Raffinie d’Hauterive, officier aux gardes du corps de Louis XVI. Son beau-père, Louis-Adolphe Gaillard de Ferré d’Auberville, est chef d’escadron de carabiniers. Dernière touche confirmant le respect des traditions, la foi qui l’anime comme toute la famille. Le discours prononcé lors de ses obsèques en l’église Saint-Thomas d’Aquin souligne ainsi le dévouement religieux du défunt. Sa sœur Louise fonde l’orphelinat de Montluçon et la congrégation des Dames du Sacré-Cœur. Elle meurt en 1885 en odeur de sainteté et est déclarée vénérable en 1915 par le Saint-Siège qui instruit son procès en béatification. Son gendre, Alfred de Rorthays, sert comme zouave pontifical. Seule concession au monde moderne, Louis-Raymond de Montaignac participe à la fondation de la Banque d’Indochine.

3Louis-Raymond se voue, mais fort brillamment, au métier des armes. Il choisit la marine et entre à l’École navale en 1827. Enseigne de vaisseau en 1833, capitaine de vaisseau en 1840, il navigue treize ans durant et participe même en 1835-1840 avec Fourichon au tour du monde sur l’"Artémise". Puis il se distingue en alternant commandements, missions et expertises d’ordre à la fois technique, militaire et nautique. En 1842, il est chargé d’expérimenter pour la première fois une hélice sur un navire à vapeur, le "Napoléon". Nommé capitaine de frégate en 1848, il reçoit en 1850 le commandement de la station de la mer du Nord. Membre de la commission mixte chargée de préparer le loi sur les pêches, il contribue à perfectionner le droit maritime, négocie avec le gouvernement anglais le maintien des droits français et surveille son application comme commandant en chef et commissaire du gouvernement à Terre-Neuve. C’est aussi un combattant. Il s’illustre pendant la guerre de Crimée en contribuant comme commandant du premier cuirassier français, la "Dévastation", à la prise de la forteresse de Palikao en 1855. L’empire ne ralentit pas, en effet, son avancement. Appelé au conseil de l’Amirauté, il devient contre-amiral en 1865 puis major général de la marine à Cherbourg. En 1869, il entre au conseil des travaux et au conseil de perfectionnement de Polytechnique. La guerre de 1870 lui vaut une affectation dans l’armée de terre. Il commande lors du siège de Paris le 7ème secteur aux côtés de son fils aîné, officier des hussards, et de son futur gendre, capitaine à l’état-major, le comte de Rorthays. Son élection à l’Assemblée nationale n’interrompt pas ses activités professionnelles. En 1872, il est nommé inspecteur de la flotte et des ports de la Manche. Versé dans la réserve en 1875, il attend 1886 pour renoncer à ses fonctions. Nous sommes donc en présence d’un grand marin qui a servi la France sous quatre régimes sans états d’âme, travaillant à la modernisation des armements comme des navires mais sans oublier les hommes puisqu’il fonde la Société centrale de sauvetage des naufragés et préside la commission de l’établissement des invalides de la marine. Aussi, lorsqu’il entame à soixante ans une carrière d’homme public, se cantonne-t-il prudemment dans son domaine que ce soit comme ministre de la Marine ou à l’Assemblée nationale, comme président de la sous-commission de la marine et des marchés de l’armement pendant la Guerre, puis comme vice-président de la commission de réorganisation des armées de terre et de mer.

4Louis-Raymond de Montaignac de Chauvance fait partie, en effet, du groupe fort nombreux des élus novices et royalistes envoyés par les électeurs à l’Assemblée nationale en 1871. Sans doute, comme tout noble soucieux de représenter son canton et comme son frère Gilbert-Palamède dans l’Allier, il s’est fait élire en 1857 conseiller général de la Seine-Inférieure. Mais, ce sont la guerre et la défaite seules qui l’ont convaincu de se lancer dans l’arène publique. Il se présente à la députation à la fois en Seine-Inférieure où il réside et dans F Allier, berceau de la famille. Élu dans les deux départements, il choisit l’Allier. A l’Assemblée nationale, il siège à droite dans la mouvance des cercles catholiques et royalistes : il est ainsi membre du comité de patronage de la monarchie française et participe en mai 1873 à la réunion générale au Palais du Luxembourg des comités catholiques de Paris et de province. Aussi, devient-il dans les ministères Cissey et Buffet ministre de la Marine (mai 1874-mai 1876), poste qu’il cède à l’amiral Fourichon lorsqu’il est élu sénateur inamovible. Paradoxe cependant, ce noble royaliste et traditionaliste, après avoir voté contre la proposition de Casimir-Perier, approuve les lois de 1875. Rupture difficilement explicable alors que son conservatisme résolu se confirme au Sénat où il s’oppose à toutes les grandes lois républicaines. Son action au Sénat est d’ailleurs effacée. Il meurt le 9 juin 1891 à Paris dans son hôtel particulier de la rue de Grenelle. Si l’homme politique n’était pas des plus brillants, le marin et le notable étaient suffisamment connus, toutefois, pour attirer à ses obsèques une foule de plus d’un millier de personnes.