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Les immortels du Sénat, 1875-1918

 | 
Alain Corbin
, 
Jean-Marie Mayeur

Les cent seize inamovibles de la Troisième République

Kolb-Bernard Charles 1798-1888

Bernard Menager

Texte intégral

1Charles Kolb est né le 16 janvier 1798 à Dunkerque. Il est issu d’une famille luthérienne allemande. Son grand-père Johann Ludwig Kolb (1732-1768) était chirurgien à Grötzingën dans le duché de Bade. Son père, Louis Philippe Kolb, né en 1761, se destina d’abord à la carrière militaire et fut sergent-major au régiment suisse Reinach, au service de la France en 1789. Il épousa en 1790, Marie Constance Nicot, de confession catholique, fille de François Ignace Nicot, caporal au régiment suisse d’Eptingen et descendant de l’ambassadeur de François Ier au Portugal. En 1790, Louis Philippe Kolb quitta la vie militaire et vint s’installer à Dunkerque comme employé de la manufacture de tabac. A la mort du patron de l’entreprise, il fut associé aux bénéfices et, en 1810, lors de l’établissement du monopole des tabacs, nommé régisseur et chargé de l’organisation de diverses manufactures en France. Charles Kolb est le cinquième enfant d’une lignée de douze. Sa sœur Louise (1792-1877) épousa Henri Maillot qui prit la succession de son beau-père à la manufacture de tabac de Dunkerque. Le général de Gaulle est leur arrière-petit-fils. Son frère Henri Kolb (1808-1876), polytechnicien, fut inspecteur général des ponts et chaussées et occupa une forte position sociale à Lille.

2Le jeune Charles Kolb fait de brillantes études au lycée Charlemagne à Paris, complétées par une formation scientifique pour entrer dans l’administration des tabacs. Le jeune ingénieur est nommé sous-inspecteur des manufactures royales à Bordeaux, Toulouse, Paris et Lille. Il y fait la connaissance de Sophie Bernard, fille de Gustave Bernard-Beaussier, grand fabricant de sucre et membre d’une des familles les plus considérées de Lille. Son mariage, célébré le 11 mai 1829 modifie sa carrière professionnelle. Il est désormais associé à l’entreprise de son beau-père qui lui en confie la direction en 1838 ainsi qu’à ses cousins, les Bernard-Serret. Charles Kolb qui appartenait à une bourgeoisie de promotion est désormais enraciné dans le patriciat local. Il eut six enfants, trois fils et trois filles. Il hérite de sa mère 71 254 francs en 1841 et de son père 36 379 francs l’année suivante à quoi s’ajoute la dot de son épouse (40 000 francs). Il laissa à sa mort une fortune évaluée à 999 000 francs composée d’obligations (315 146 francs), d’actions (177 886 francs) et de créances (118 401 francs) et de biens immobiliers. Charles Kolb, désormais appelé Kolb-Bernard, sut faire un usage généreux de cette fortune. Selon le témoignage des contemporains, il était habité par une foi profonde et un esprit très charitable. Il convertit au catholicisme son beau-frère Ernest Leliepvre, protestant calviniste, puis son père peu avant sa mort. Son entente avec son cousin par alliance, l’abbé Henri Bernard, vicaire général du diocèse de Cambrai, lui permet de multiplier les initiatives religieuses. Il fonde en 1839 la conférence de Saint Vincent de Paul à Lille dont il restera président, il contribue au lancement de plusieurs filiales et à l’essaimage ultérieur dans le département. Il achète le château de Marcq pour y fonder un collège de jésuites. Après 1850, il inspire la politique de l’archevêque de Cambrai, Mgr Régnier, dans l’appel au clergé régulier pour seconder les efforts des séculiers. Il lance avec son cousin l’œuvre de Notre Dame de la Treille. La grande fête du jubilé de 1854 est l’occasion de poser la première pierre de la future basilique dans la perspective de la création d’un évêché à Lille.

3Kolb-Bernard est aussi un industriel influent, membre de la Chambre de commerce de Lille depuis 1836, dont il devint le président. Il fonde en 1846 le comité lillois de l’Association du travail national. La défense des intérêts religieux et commerciaux le pousse progressivement dans l’arène politique. En 1846, il est élu conseiller municipal de Lille. En 1848, il rachète le journal La Liberté dont il fait l’organe du parti catholique lillois. En 1849, élu à l’Assemblée législative, huitième sur la liste du parti de l’Ordre, il siège parmi les rangs des légitimistes, ayant été un ferme défenseur des monarques sous la Restauration. Il prend part à la discussion de la loi Falloux dont il conteste certaines dispositions. Il proteste contre le coup d’État du 2 décembre, se présente contre le candidat officiel à Lille aux élections de février 1852 et contribue à son échec après son retrait à l’issue du premier tour, par un report clandestin des voix légitimistes sur l’opposant républicain. Mais en 1859, le nouveau préfet du Nord ne lui en tient pas rancune et le choisit comme candidat officiel pour resserrer les liens distendus entre l’administration impériale et la bourgeoisie catholique lilloise pendant la guerre d’Italie. Kolb-Bernard fut néanmoins un censeur sévère de la politique italienne du gouvernement impérial qu’il critiqua à plusieurs reprises lors de la discussion de l’Adresse au Corps législatif. Président de l’œuvre du Denier de Saint Pierre, il défend avec opiniâtreté le pouvoir temporel du Pape. En 1860 il rachète à la famille Degeorges Le Propagateur pour défendre les intérêts catholiques, privés d’organe de presse depuis la suppression de la Liberté par l’administration impériale. Il défend également la cause du protectionnisme et multiplie les interventions à l’approche du renouvellement du traité de commerce franco-anglais pour en obtenir la dénonciation. Il vote les amendements du Tiers-Parti en faveur de la libéralisation du régime mais s’oppose en 1864 au droit de grève. Satisfait des concessions impériales, il se prononce pour le oui au plébiscite du 8 mai 1870 et manifeste son loyalisme envers l’impératrice lors de la révolution du 4 septembre 1870.

4Kolb-Bernard avait été réélu en 1863 et 1869 sans que l’administration lui oppose d’adversaire par crainte de favoriser l’élection d’un républicain. Le 8 février 1871, il est réélu, douzième sur la liste conservatrice, siège à Versailles à la réunion des réservoirs. Il vote en 1871 en faveur de la pétition des évêques sollicitant l’intervention française dans la question romaine. En 1873 il se prononce pour son internationalisation (La question romaine, 1873). Il est très tôt l’adversaire résolu de Thiers dont il dénonce les "manœuvres tortueuses" (La Révolution et Monsieur Thiers, 1873). Il accepte à contre-cœur le septennat dont il donne une interprétation monarchique (Le Septennat, 1874), vote contre le ministère Broglie en mai 1874. Il est élu sénateur inamovible le 11 décembre 1875 au troisième tour de scrutin, le trentième sur 75. Il s’élève en 1876 contre la remise en cause de la loi de 1875 sur la liberté de l’enseignement supérieur, soutient activement la politique du 16 mai. Dans un dernier opuscule, Dogme et politique (1881), il oppose fondamentalement l’idéologie républicaine et le dogme sur lequel doit reposer toute société.

5Kolb-Bernard qui était officier de la Légion d’honneur et commandeur de l’Ordre de Pie IX est mort à Paris le 7 mai 1888, âgé de 90 ans.

Bibliographie

Bibliographie :

Mgr Baunard, Kolb Bernard, sénateur du Nord, Lille, 1890, Paris, C. Poussielgue, 1899, 149 p. ; Pierre Pierrard, "Un grand bourgeois de Lille, Charles Kolb-Bernard", Revue du Nord, t. 48, 1966, p. 381-425 ; Bernard Ménager, La vie politique dans le département du Nord de 1851 à 1877, Lille, Atelier National de Reproduction des Thèses, 1983, 3 vol. ; F. Barbier, Le patronat du Nord sous le second empire. Une approche prosopographique, Genève, Droz, 1985, 424 p.

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