1Joseph Othenin Bernard de Cléron d’Haussonville appartenait à une famille d’extraction chevaleresque d’origine lorraine, qui eut accès aux honneurs de la Cour au XVIIIème siècle. Son père, Charles Louis Bernard d’Haussonville, fils d’un lieutenant général de l’armée royale, avait émigré en 1792 et servi dans l’armée des princes ; rentré en France sous le Consulat, il devint colonel d’état-major et chambellan de Napoléon Ier. Il épousa Jeanne Marie Thérèse Falcoz de La Blache, fille d’un maréchal de camp, député de la noblesse du Dauphiné aux États Généraux de 1789. Fils unique, Othenin d’Haussonville naquit le 27 mai 1810. L’année suivante son père fut fait comte de l’Empire. En 1817, son titre lui fut confirmé, et il accéda à la Chambre des pairs, où il siégea jusqu’à sa mort, en 1846.

2Dans ses mémoires sur sa jeunesse, Othenin d’Haussonville met quelque coquetterie à décrire ses études peu brillantes, menées sous la direction de deux précepteurs, puis au lycée Louis-le-Grand. Il obtint le baccalauréat en 1827 et après une première année de droit, il devint attaché à l’ambassade de France à Rome auprès de Chateaubriand, jusqu’à la démission de ce dernier, en août 1829, après l’entrée en fonctions du ministère Polignac. Après la révolution de Juillet, Othenin d’Haussonville fut nommé troisième secrétaire d’ambassade à Madrid en octobre 1830. Il continua sa carrière diplomatique à Bruxelles, Turin et Naples. Il épousa le 10 octobre 1836 une princesse protestante, Louise Albertine de Broglie, fille du duc Albert de Broglie, ancien président du Conseil, figure importante du monde politique et académique, et d’Albertine de Staël, cette dernière étant la fille du célèbre écrivain. Du mariage d’Othenin d’Haussonville naquirent trois enfants : Victor Bernard, mort en bas âge (septembre 1837-mars 1838), Mathilde, qui, née en 1839, se convertit plus tard au catholicisme – dans la famille Broglie, les filles étaient élevées dans la religion protestante – et devint chanoinesse et Gabriel Paul Othenin, qui vit le jour en 1843.

3En 1838, Othenin d’Haussonville succéda à son père comme conseiller général du canton de Dannemarie, en Seine-et-Marne, où se trouvait le château familial de Gurcy-le-Châtel. Il démissionna de ses fonctions de secrétaire d’ambassade, et devint député dans le même département, à Provins, en juillet 1842. A la Chambre des députés, il appartint à la majorité, se montra actif et présenta des pétitions de protestants réclamant le libre exercice de leur culte. Il accueillit sans plaisir la Seconde République et ne joua pas alors de rôle politique actif, même s’il conserva son mandat de conseiller général jusqu’au mois d’août. Il protesta contre le coup d’État du 2 décembre et se réfugia quelque temps à Bruxelles, où il prit part à la création d’un Bulletin français. Il collabora à la Revue des Deux Mondes et fut l’un des chefs de l’Union libérale. En 1859, année où il se montra particulièrement actif, il publia une lettre aux conseils généraux qui fit quelque bruit. En 1863, en liaison avec la famille Broglie, il fit campagne pour l’opposition républicaine. Le 29 avril 1869, il fut élu à l’Académie au fauteuil d’un ancien officier, député et pair de France, Guillaume Viennet, poète et publiciste orléaniste. Il fut reçu à l’Académie française le 31 mars 1870 par Saint-Marc Girardin. Dans l’intervalle, son fils Othenin, époux de Pauline d’Harcourt, avait été élu député de Seine-et-Marne, en tant que candidat d’opposition libérale.

4Pendant la guerre de 1870-1871, il suggéra aux princes d’Orléans d’offrir leurs services au pays, il protesta dans plusieurs lettres contre les agissements prussiens et publia une brochure interdite en Belgique à la demande du roi Guillaume. Par la suite, le comte d’Haussonville, présida, notamment en raison de ses origines familiales, la Société de protection des Alsaciens-Lorrains demeurés Français. Contrairement à son fils qui, représentant de Seine-et-Marne, joua un rôle important dans l’adoption des lois constitutionnelles, avant de se ranger – en vain – parmi les candidats officiels après la crise du 16 Mai, il ne participa guère à la vie politique, et aurait refusé de se porter candidat en 1871 et 1876. Toutefois, à l’occasion d’un scrutin partiel, il fut élu, en tant que républicain conservateur, sénateur inamovible, le 15 novembre 1878. Il s’opposa à la politique scolaire, religieuse et coloniale des opportunistes, tout en s’intéressant à la mise en valeur de l’Algérie, où il avait favorisé l’installation de certains Alsaciens-Lorrains et où un village porta son nom. Il mourut le 28 mai 1884 à son domicile du 9, rue Las Cases, muni des sacrements de l’Église. Son fils, qui entra à l’Académie française en janvier 1888, ne retrouva jamais de mandat parlementaire, mais fut de 1891 à 1894 le représentant du comte de Paris et, auteur de multiples ouvrages, publia deux volumes du sénateur inamovible disparu.

5Celui-ci s’inscrivit, avec quelque originalité lors de certaines périodes de son existence, dans l’histoire d’une dynastie conservatrice dont son fils fut l’illustration la plus connue. Le premier Othenin d’Haussonville, bien qu’il eût joué un rôle non négligeable au sein de l’opposition au Second Empire, fut moins un homme politique qu’un héritier de la tradition aristocratique, plus homme de lettres, du reste, que la plupart des aristocrates qui siégèrent à l’Académie française.

Écrits de l’intéressé :

6Outre ses articles parus dans la Revue des Deux Mondes : voir les Tables générales pour 1831-1874, p. 64-65 (entre 1847 et 1869) et 1874-1901 (p. 25), et diverses brochures, on retiendra : Histoire de la politique extérieure du gouvernement français 1830-1848, Paris, Michel Lévy, 1850, 2 vol. ; Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, Paris, Michel Lévy, 1854-1859, 4 vol. ; L’Eglise romaine et le premier Empire 1800- 1814, Paris, Michel Lévy, 1868-1869, 5 vol. ; Souvenirs et mélanges, Paris, Calmann-Lévy, 1878, 461 p. (contient notamment trois discours prononcés à l’Académie française) ; Volumes posthumes publiés par son fils : Ma Jeunesse 1814-1830. Souvenirs, Paris, Calmann-Lévy, 1885, 343 p. ; Mon journal pendant la guerre (1870-1871), Paris, Calmann-Lévy, 1905, 415 p. ; Louise d’Haussonville, décédée en 1882, avait publié pour sa part chez Michel Lévy plusieurs volumes : Robert Emmet (1858) ; Souvenirs d’une demoiselle d’honneur de Mme la duchesse de Bourgogne (1861) ; Marguerite de Valois, reine de Navarre (1870) ; La Jeunesse de Lord Byron (1872) ; Les dernières années de Lord Byron (1874).