1Issu d’une ancienne famille languedocienne, originaire de Sauves, dans les Cévennes, dont un membre, Louis Greffulhe, avait émigré à Genève après la révocation de l’édit de Nantes et dirigé une maison de banque à Amsterdam, Urbain Alexandre Henri Greffulhe naquit le 29 juillet 1815 à Londres. Ses parents étaient Jean Henri Louis Greffulhe – riche banquier protestant qui devint comte et pair trois ans plus tard en récompense des avances considérables faites à Louis XVIII pendant les Cent-Jours – et une jeune femme qui appartenait à une famille catholique de noblesse d’extraction, dont la situation était devenue fort précaire, Marie Françoise Célestine de Vintimille du Luc, née en 1787, arrière-petite-fille de Louis XV par son grand-père, fils naturel du roi et de Pauline de Mailly-, sa mère, Marie-Gabrielle de Lévis, avait été guillotinée en juillet 1794 et son père, le général Charles de Vintimille du Luc, était mort en 1806. Grâce à l’entremise de sa tante, la marquise de L’Aigle, elle avait épousé Jean Henri Louis Greffulhe, né en 1774, que son père Louis était désireux de faire entrer dans une famille aristocratique, au printemps de 1810. Leur fille, Jeanne Amélie était née en 1812, puis leur premier fils, Louis Charles, en 1814. Ce dernier, après la mort de leur père, survenue en 1820, devint pair héréditaire. Il siégea à la Chambre des pairs après avoir atteint l’âge légal de vingt-cinq ans, jusqu’en 1848.

2Pour sa part, Henri Greffulhe, comme son frère, fut élevé sous la direction du général de Ségur, avec lequel leur mère s’était remariée. Dès l’âge de vingt ans, il était chef de bataillon à la Garde nationale. Il devint conseiller général de Nangis en 1842 et le resta jusqu’à sa mort, dans un canton où sa famille possédait, autour du château de Boisboudran – ou Bois-Boudran – acquis en 1814, d’immenses propriétés, qui s’étendaient aussi dans le canton voisin de Mormant. Membre du Jockey-Club et de l’Union, membre fondateur de la Société d’encouragement aux courses, le comte Henri Greffulhe tenta d’obtenir un mandat législatif à l’occasion d’une élection partielle, en juillet 1851, puis lors du scrutin de février 1852, qui suivit le coup d’État du 2 décembre. Bien qu’il eût augmenté le nombre de ses voix, il n’eut pas d’autre velléité législative pendant de longues années. Sa fortune – comme celle de son frère Charles – s’accrut dans des proportions considérables après la mort de son oncle Jean, en 1867.

3Après la guerre de 1870-1871, il s’employa à étendre son influence locale. Les dons consentis au département ne furent pas étrangers à son élection à la présidence du conseil général de Seine-et-Marne, en 1872. En raison des progrès des républicains, il ne la conserva que jusqu’en 1875, et fut battu aux élections sénatoriales de janvier 1876 par le comte Foucher de Careil et Gabriel Adam. Lors de la crise du 16 mai, il présida le comité – auquel il fournit de substantielles contributions – formé pour soutenir les candidats conservateurs. Il devint sénateur inamovible le 15 novembre 1877, à la suite du décès d’Edmond Adam. Il s’efforça de réorganiser le Centre droit du Sénat mais sa tentative n’éveilla que des échos limités et la maladie ne lui permit pas de la poursuivre. Il mourut d’une congestion pulmonaire le 9 avril 1879, dans son hôtel du 8, rue d’Astorg. Quoique "voltairien", il eut des obsèques religieuses, en l’église de la Madeleine. Célibataire, il laissait une fortune d’environ trente-huit millions et demi de francs, composée en grande partie de titres de rente, d’obligations du chemin de fer de Lyon, et de dépôts en livres sterling. Son neveu, Henri Jules Charles Greffulhe, en fut le principal bénéficiaire, tandis que les sœurs de ce dernier, Jeanne, princesse d’Arenberg et Louise, comtesse de l’Aigle, toutes deux épouses de députés conservateurs, recevaient chacune un million de francs.

4Sur le terrain politique, l’héritage du comte demeura limité. Mais son neveu, conseiller général du canton de Mormant en 1888, encouragé par sa femme, Élisabeth de Caraman-Chimay, à entreprendre une action politique, se déclara républicain en 1889 et accéda, l’espace d’un mandat, à la députation, tout en conservant ses assises locales en Seine-et-Marne. Pour la postérité, ce neveu demeure surtout l’un des modèles du duc de Guermantes d’A la Recherche du temps perdu, alors que sa femme, célèbre pour sa beauté et son salon, fournit certains traits à la duchesse. Ainsi, quoiqu’elle eût conservé des relations dans les cercles dirigeants, la famille Greffulhe apparut-elle avec le temps, dans la réalité comme dans le roman, éloignée de l’espace parlementaire, se contentant le plus souvent de son enracinement local et de son immense fortune.

Écrit de l’intéressé :

5Rapport fait par la commission de la visite des fermes en 1845 au comice agricole tenu à Eprunes, Paris, imp. Schneider et Legrand, 1845, 25 p.