Gaulthier de Rumilly Louis Madeleine Clair Hippolyte 1792-1884
p. 335-337
Texte intégral
1Les origines familiales de ce châtelain de la Somme ne sont guère celles qu’on attendrait chez un élu républicain. Né à Paris, le 8 décembre 1792, il descendait d’une lignée bourgeoise en cours d’anoblissement. En effet, héritier d’un notaire de Sens déjà seigneur de Rumilly-les-Vaude, localité proche de Bar-sur-Seine, son père avait acquis en 1778 une charge de conseiller-secrétaire du roi à la Grande Chancellerie de Paris. Veuf, il avait tardivement épousé une très jeune femme, Josèphe Auriol, d’une famille attachée au service de comte d’Artois, qui, après avoir été gouvernante des infants d’Espagne, devait être créée baronne à titre personnel par lettres patentes du 29 mai 1827. Leurs enfants allaient se marier dans la noblesse, une fille, Amélie, avec M. de Montaruli, surintendant de Gaète, en 1814, et Louis, en 1819, avec une demoiselle Claveau de Gatinnes dont le faire-part de décès en 1861, sans postérité, révélera une parenté avec les Mortemart.
2Le futur sénateur fit de bonnes études à Paris, au lycée Napoléon puis à l’École de droit d’où il sortit avec le grade de licencié. Alors qu’il était inscrit dès 1813 au barreau de la capitale, la Restauration lui offrit l’occasion de plaider dans des procès de presse, notamment en faveur du Censeur, journal de Dunoyer, et d’être l’avocat des quatre sergents de La Rochelle : de quoi acquérir très tôt l’image d’un libéral bon teint.
3 De fait, établi dans la Somme suite à l’achat en 1825, pour 150 000 francs, d’un important domaine à Fleury, dans le canton de Conty au sud d’Amiens, ce grand propriétaire (il paiera 1536 francs de cens en 1842) prend la tête des libéraux du département. S’il échoue aux législatives du 3 juillet 1830, il est élu le 28 octobre et, sauf en 1834, constamment reconduit dans sa circonscription au titre de la gauche dynastique. Il vote notamment contre Guizot et l’indemnité Pritchard. Réélu tout naturellement à la Constituante en 1848, il s’y range parmi les républicains modérés, ennemi des "illusions dangereuses et des théories impraticables", il se prononce pour le bicamérisme et se voit nommé conseiller d’État dans la section de législation. Au 2 décembre, il fait partie des protestataires et abandonne même son mandat au conseil général de la Somme, où il siégeait depuis 1843.
4Retiré dans la vie privée durant deux décennies, il se consacre à la gestion de son domaine et trouve quelques loisirs sérieux aux Antiquaires de Picardie. Il atteint 78 ans quand la chute de l’Empire le rend à la politique. Symbole de la légalité républicaine, ce grand ancêtre est élu, troisième sur la liste, le 8 février 1871 pour représenter la Somme à l’Assemblée. Inscrit à la réunion Féray puis au Centre gauche, qu’il présidera, il vote pour la validation de l’élection des princes, pour la proposition Rivet, pour les lois constitutionnelles, tout en s’intéressant de près aux questions agricoles. Dénonçant la fusion monarchique et, comme il l’écrit à Léon Say, "la terrible responsabilité d’une nouvelle révolution", il s’affirme, fidèle aux principes de "plus de quarante ans d’une longue carrière politique", en faveur d’une République conservatrice, "le seul gouvernement capable de rallier au nom de l’intérêt commun les partis si profondément divisés".
5Son élection comme sénateur inamovible, le 13 décembre 1875, à défaut, vu son âge, de lui donner un rôle actif, devait à tout le moins, grâce à une longévité exceptionnelle, perpétuer en cette assemblée jusqu’au 30 janvier 1884 – date de son décès à Paris, suivi d’obsèques religieuses et d’une inhumation au Père-Lachaise – le vivant souvenir, qu’il incarnait si bien, d’une France depuis près d’un siècle à la recherche de la "meilleure des Républiques".
Bibliographie
Sources et bibliographie :
A.N. dossier de conseiller d’État 1849-52 ; sur les biens, Répertoire des formalités hypothécaires, Amiens, A.D. Somme, vol. n° 171, case 138 ; déclaration de succession, Paris, 9e bureau, DQ 8 2038 (les déclarations du canton de Conty, dans la Somme, sont inconsultables) ; inventaire après décès, Paris, minutier central, LXVIII 1437 ; faire-part de décès de Mme Gaulthier de Rumilly, 30 mai 1861 ;
Echo de la Somme (monarchiste) 3 fev.1884 ; Progrès de la Somme (républicain) 6 fev. 1884 ; René Goblet, "Notice funèbre de M. Gaulthier de Rumilly prononcée devant l’Académie d’Amiens", Mémoires de l’Académie d’Amiens, 1884 ; Amédée BOUDIN, Études contemporaines. Silhouettes et portraits, Gaulthier de Rumilly, Paris, 2 rue Germain-Pilon, (1882), 13 p.
Auteur
Professeur. Université de Paris IV
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