1Né à Senlis le 8 avril 1810, il appartient à une famille d’ancienne noblesse attestée au XIVème siècle. Les grands-parents paternels de Paul de Franclieu étaient rentrés en France en 1802, après avoir émigré en 1791. Officier sous l’Ancien Régime, son grand-père, Jean François Anselme de Pasquier, comte de Franclieu, commandant de l’équipage du prince de Condé avant la Révolution, avait fait partie de l’armée émigrée où il avait été nommé maréchal de camp en 1797. Sa femme, Marie Françoise Catherine de Belleval, appartenait à une riche famille de la noblesse de l’Oise. Paul de Franclieu est le fils de Henry Camille de Pasquier de Franclieu, ancien capitaine de dragons, devenu propriétaire à Senlis, et d’Amélie Charlotte Jacqueline Flusin. Il a un frère, Henry Maurice qui entre dans la marine en 1828 et prend sa retraite comme capitaine de vaisseau en 1872. Paul de Franclieu l’avait précédé dans la carrière des armes, puisqu’il était entré à l’École navale en 1826. Il venait d’être nommé lieutenant de frégate en janvier 1832, lorsqu’il choisit de démissionner en août de la même année, soit deux ans après la révolution de Juillet à laquelle ses biographes attribuent habituellement son geste. C’est donc plus certainement l’échec de la duchesse de Berry qui semble l’avoir poussé à quitter la marine. Il se retire alors sur ses terres dans les Hautes-Pyrénées, où il possède le château de Lascazères. En 1836 il épouse Louise Cécile Pauline d’Auxion, née en 1813, avec laquelle il a cinq enfants : Henri-Robert (1838-1909), maire de Caussade dans les Hautes-Pyrénées, marié à Marie-Thérèse de Lamouzie dont il eut deux fils devenus officiers ; Virginie mariée au baron Charles de Lustrac ; Maurice, né en 1841, officier, marié à Marie de Cussy, puis remarié à Thérèse de Montbel dont il eut deux filles dont une religieuse, et un fils, devenu officier ; Paul Armand, né en 1843, lieutenant de vaisseau, qui épouse Elisabeth Marie de Blic et démissionne de la marine en 1879, comme son père quarante-sept ans plus tôt, et Blanche mariée à Fernand Chastelain de Belleroche.

2Paul Pasquier de Franclieu se consacre essentiellement à l’agriculture. Il joue un rôle important dans la société rurale de sa région dont il tente d’animer le renouveau économique, en sa qualité notamment de président du comice de Tarbes. En 1850 on le voit ainsi défendre la vigne et dénoncer les droits perçus sur les vins, qui entravent, écrit-il, son développement. En 1869 il prône, face à la concurrence accrue par l’essor du chemin de fer, une amélioration des qualités du vin et donc l’introduction de nouveaux plants. Il est également soucieux des intérêts de la céréaliculture, à laquelle il consacre deux ouvrages. En 1860 dans une brochure intitulée Production et consommation du blé, il se montre très hostile au libre-échange et, après avoir critiqué, à mots couverts, la politique agricole du Second Empire, demande l’instauration d’une prime à l’exportation pour permettre l’essor de la production céréalière et donc favoriser aussi l’indépendance alimentaire du pays. Il développe ses arguments dans un ouvrage plus épais, paru en 1868, sous le titre Les libre-échangistes ne sont pas des économistes. Législation des céréales, dans lequel il revient sur l’idée d’une prime à l’exportation pour les blés, tout en accordant une large place à la critique du libre-échangisme. Le marquis de Franclieu est donc le type parfait de l’aristocrate agrarien qui se veut protecteur des intérêts locaux. Ce rôle dépasse du reste le simple domaine de l’agriculture pour s’étendre à la société dans son ensemble, comme le montre la part prépondérante qu’il prend dans la fondation à Tarbes en novembre 1872 d’un comité de l’œuvre des Cercles catholiques ouvriers.

3Mais à côté de ses activités d’agrarien, le marquis de Franclieu s’est également intéressé à la vie politique. Certes, sa première élection date de 1871, mais sa prise de participation au débat politique était nettement plus ancienne. Dès juin 1847 en effet il publie un ouvrage d’une centaine de pages intitulé la Réforme électorale, le présent et l’avenir, qui se veut une contribution au débat conduit sur ce thème à la fin de la Monarchie de Juillet. Il se dit royaliste, nous dirions légitimiste, et se livre à une critique assez sévère du gouvernement de Juillet qu’il dénonce comme un régime dominé par les classes moyennes qui, en s’appuyant sur le principe de la souveraineté populaire, se sont emparées du pouvoir, sans y faire participer le peuple. Certes, Paul de Franclieu est hostile à l’idée de souveraineté populaire, mais il revendique une représentation du peuple auprès du roi, celui-ci restant seul souverain de ses décisions. Le modèle institutionnel qu’il propose est en fait largement inspiré de l’Ancien Régime ; il reconnaît du reste que la féodalité était "une merveilleuse organisation sociale". Il prône donc une organisation en corps, dont le nombre n’est plus de trois mais de six : la morale, la justice, l’agriculture, le commerce, l’industrie, les arts et métiers. Ces grands intérêts s’organisent chacun pour déléguer des représentants auprès du Roi, lesquels délibèrent en corps sur les projets que le souverain leur propose, avant de trancher au cours de séances plénières où le vote intervient par corps. Derrière ce retour à la forme de représentation des États généraux, c’est à une critique des prémices de la Révolution que se livre le marquis de Franclieu. Du reste, tout au long de l’ouvrage, il dénonce vivement le système du compromis inauguré par la Charte de 1814. Il est cependant notable qu’il n’envisage pas expressément un retour aux corporations ; il reconnaît même qu’il faut séparer les intérêts des producteurs (industrie) de ceux des salariés (arts et métiers). Par ses thèses, le marquis de Franclieu peut donc apparaître, dès 1847, comme un légitimiste ultra. Pourtant, à peine huit mois plus tard, il se rallie à la République, et se présente en mars 1848 aux élections à la Constituante. En fait, comme la plupart des légitimistes, il se réjouit de la destruction de "la royauté bâtarde de Louis-Philippe", et voit dans le nouveau régime la possibilité de reconstruire à nouveau frais un édifice politique. Du reste s’il se rallie, dans sa proclamation électorale, à un régime "franchement démocratique", terme qu’il utilisait déjà en 1847, il rappelle aussi qu’il veut le "triomphe de la religion” et s’il termine en reprenant le triptyque républicain : "liberté pour tout le monde, égalité devant la loi, fraternité comme l’Évangile la veut", il se présente surtout comme cultivateur, désireux de défendre les intérêts des paysans. Il est cependant battu et s’attache dès lors à préciser ses doctrines, dans un nouvel ouvrage paru en avril 1848, sous le titre, La question de la veille est encore celle du lendemain. En réalité il reprend ses thèses sur la loi électorale, en évitant simplement d’envisager la question de l’exécutif. En revanche, il évoque très clairement les défauts du suffrage universel direct, et se prononce contre une Chambre Haute à l’anglaise, lui préférant une "Cour supérieure de justice", non représentative et gardienne de la loi. Pour le reste, il s’en tient à une chambre émanant des grands intérêts de la société. Il serait donc abusif de faire du marquis de Franclieu un républicain en 1848. Il reste fondamentalement fidèle à la branche aînée des Bourbons, même s’il tente de s’adapter aux circonstances.

4Cette fidélité est pleinement démontrée en 1871, puisqu’élu député des Hautes-Pyrénées le 8 février, il choisit de siéger à l’extrême droite et participe même à la fondation du groupe des chevau-légers dont il est le président de 1871 à 1875. Il collabore alors activement à l’Union, le journal des légitimistes. Il participe également au pèlerinage des députés légitimistes à Paray-le-Monial. Légitimiste ultra, il refuse tout compromis sur la forme que doit prendre la restauration, récusant dans une adresse A son Altesse Royale Monseigneur le duc d’Aumale, en 1872 toute idée d’un roi soliveau. Il prend par ailleurs acte du désir du comte de Chambord de garder le suffrage universel et lui propose son plan de réforme électorale, dans un Rapport au Roi de 1874, surtitré Le vote universel honnêtement pratiqué, qui reprend à quelques nuances près les projets de 1847-1848, et interprète les propos que le comte de Chambord avait exprimés dans son manifeste du 5 juillet 1871. Très hostile à Thiers, le marquis de Franclieu combat le rétablissement de la République et vote contre les lois constitutionnelles. Puis lors des élections des sénateurs inamovibles, il est un des principaux négociateurs de l’alliance entre les légitimistes et les républicains, ce qui explique sa présence sur la liste des gauches et son élection le 11 décembre 1875. Il ne prend dès lors plus guère part aux débats parlementaires, mais approuve cependant la dissolution de la Chambre des députés, au lendemain de la crise du 16 mai. Il meurt à Versailles le 14 novembre 1877.