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Les immortels du Sénat, 1875-1918

 | 
Alain Corbin
, 
Jean-Marie Mayeur

Les cent seize inamovibles de la Troisième République

Dupanloup Félix Antoine Philibert 1802-1878

Jean-Marie Mayeur

Texte intégral

1 Félix Antoine Philibert Dupanloup naquit le 3 janvier 1802 à Saint-Félix, dans la Savoie alors annexée à la France. Il est déclaré comme l’enfant d’une paysanne, Anne Dechosal et de l’ouvrier tailleur Jean-François Dupanloup. Celui-ci écrivit par la suite en marge de l’acte de baptême qu’il ne reconnaissait pas cette paternité. En fait, l’enfant était d’origine aristocratique. La protection de sa famille s’exerça sur celui-ci qui vint à Paris avec sa mère en 1809. Distingué par ses maîtres, il est élève du petit séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, puis en 1821 du grand séminaire d’Issy. Il termine sa théologie à Saint-Sulpice et est ordonné le 18 décembre 1825. Vicaire et catéchiste à la Madeleine, son rayonnement est tel qu’il va être chargé en cette fin de la Restauration de l’éducation religieuse du duc de Bordeaux et des princes d’Orléans. Dès lors sa vie s’identifie à celle de l’Église de France et de ses relations avec le pouvoir. Il suffit d’en dire les grandes étapes.

2Vicaire à Saint-Roch en 1834, il est nommé en 1837 supérieur du petit séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, fréquenté à la fois par de futurs clercs et par des jeunes gens du monde. Il doit abandonner ces fonctions après l’arrivée de Mgr Affre à l’archevêché de Paris. Il s’engage en même temps dans la campagne pour la liberté de l’enseignement secondaire se rapprochant de Montalembert. En 1848, hostile aux démocrates chrétiens de l’Ère nouvelle, il rachète l’Ami de la Religion. Il est "le principal artisan" (R. Aubert) de la loi Falloux de 1850. C’est Falloux, ministre de l’Instruction publique et des Cultes qui le nomme le 13 avril 1849 évêque d’Orléans. Tout en se consacrant à sa tâche pastorale, soucieux qu’il est de "reconquérir" son diocèse, il reste attentif, selon sa formule, aux "grands intérêts publics". L’évêque d’Orléans apparaît comme une manière d’aumônier des catholiques libéraux du Correspondant, les Broglie, Cochin, Falloux, Montalembert. Leur soutien contribue à son élection à l’Académie française en mai 1854. Il en démissionna en 1872 pour protester contre l’élection de Littré. Par ses polémiques à la fois avec les anticléricaux et avec les catholiques intransigeants à la Veuillot, par sa défense des intérêts du pape menacés par l’unité italienne, par sa prise de position à la veille du concile de 1870 jugeant "inopportune" la proclamation de l’infaillibilité, il est au cœur des débats d’idées de son temps.

3Il quitta Rome avant la proclamation solennelle de l’infaillibilité le 18 juillet 1870, pour retrouver Orléans, bientôt occupé par les Allemands. En février 1871 il est candidat sur la liste conservatrice à l’Assemblée nationale et est un des deux élus conservateurs, sur sept, du Loiret. Envisageait-il, à 69 ans, d’entreprendre une véritable carrière politique ? En tout cas, il apparaît d’emblée "comme le défenseur attitré des grandes causes catholiques" (Louis Girard), particulièrement sur les questions d’enseignement. Il intervient huit fois à la tribune lors du débat en 1875 de la loi sur la liberté de l’enseignement supérieur. Favorable à la " fusion " entre les Orléans et le comte de Chambord, il semble bien n’avoir eu guère d’illusion sur les chances d’une restauration, compte tenu de l’intransigeance du prétendant légitimiste. En fait, il aspire à un régime conservateur d’"ordre moral". Il est favorable le 24 mai 1873 au remplacement de Thiers par Mac-Mahon à la tête de l’État. Son ami Broglie est vice-président du Conseil. Dupanloup est attaqué par les catholiques intransigeants et par les radicaux. Il ne vote ni l’amendement Wallon, ni les lois constitutionnelles de 1875. Il est élu sénateur inamovible le 18 décembre 1875, en même temps que Wallon, soixante-treizième sur soixante-quinze, avec 315 voix sur 622 votants, ce qui signifie un appoint du Centre gauche. Qu’il ait été élu, alors qu’un certain nombre de ses amis n’y parvinrent pas, marque qu’il apparaissait comme indispensable dans le nouveau Sénat. Il fonde en mai 1876 la Défense sociale et religieuse, dont le titre dit bien les orientations. Une légende, reprise par Daniel Halévy, fait de Dupanloup l’inspirateur du 16 mai 1877. L’affirmation est probablement excessive, même si Dupanloup approuva le renvoi de Jules Simon et la dissolution. La polémique républicaine, désireuse de souder les gauches sur le thème anticlérical, fait du sénateur évêque une de ses cibles. Il ne cesse de dénoncer les radicaux, ainsi lorsqu’il intervient en 1878 contre la commémoration de la mort de Voltaire. Il meurt le 11 octobre 1878 au château de Lacombe dans l’Isère chez ses amis Du Boys.

Écrits de l’intéressé :

4Ses publications représentent 31 pages au catalogue de la B.N. Roger Aubert donne l’état des sources et la bibliographie dans sa notice du Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique, XIV, 1960, c. 1070-1122.

Bibliographie

Bibliographie :

Christianne Marcilhacy, Le diocèse d’Orléans sous l’épiscopat de Mgr Dupanloup (1849-1878), Paris, Plon, 1962, 593 p. ; "Mgr Dupanloup et les problèmes politiques de son temps", Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, 1980, avec notamment la contribution de Louis Girard, "Dupanloup parlementaire et les débuts de la Troisième République", p. 109-116.

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