1Pierre Charles Chesnelong naquit à Orthez (Basses-Pyrénées) le 14 avril 1820. Il est le fils d’un négociant drapier. Après des études au collège royal de Pau, il reprit le métier paternel. Il disposait d’une fortune appréciable, qui se montait à 73 000 francs lors du contrat de mariage et s’accrut sensiblement par la suite. Le 23 octobre 1844 il épouse Marie-Ernestine Lacoste âgée de 17 ans et fille du sous-préfet d’Orthez. Il en eut sept enfants. L’un des quatre garçons, Émile, devint prêtre, curé de la Madeleine à Paris, évêque de Valence en février 1906, archevêque de Sens en 1912. Un autre fils, Jean, fut avocat à Lille et bâtonnier. L’une des trois filles devint religieuse, dans la congrégation des Filles de la charité. Républicain en 1848, conseiller général de Salies de Béarn en 1852, maire d’Orthez en 1855, Chesnelong est élu au Corps législatif du Second Empire en 1865 pour la circonscription d’Orthez-Oloron. Ce bonapartiste rallié prend ses distances avec le régime à propos de la politique romaine. Il affirme son autorité dans les débats budgétaires.

2Conseiller général du canton d’Orthez en octobre 1871, il est élu à l’Assemblée nationale lors d’une élection partielle le 4 janvier 1872. Il bat par 40 668 voix contre 31 599 le marquis de Noailles, républicain. Il est convaincu par les événements de la nécessité du retour "au vrai principe monarchique" incarné par le comte de Chambord, acceptant dans de justes bornes une coopération parlementaire. Il appartient à la réunion Colbert, c’est-à-dire au groupe parlementaire de la droite monarchiste, et siège à son comité directeur en janvier 1875. Il appartient aussi en mai 1873 au comité directeur de la réunion Pradié, présidée par Changarnier, où il retrouve Keller, autre défenseur du pouvoir temporel du pape face à l’Empire. Il est donc à l’écart du groupe légitimiste intransigeant de la réunion des chevau-légers.

3Lors de la tentative de restauration monarchique de 1873, il fait partie du comité des Neuf, présidé par Changarnier, qui réunit les représentants de la majorité monarchiste. Il est envoyé auprès du comte de Chambord pour obtenir de lui une réponse sur la question du drapeau et l’acceptation du drapeau tricolore. Un mémorialiste du temps juge que "fin comme un méridional, le député des Basses-Pyrénées était bien le mandataire qui convenait le mieux à la mission qu’il s’agissait d’accomplir. Sorti du peuple, fils de son travail et de ses œuvres, il devait inspirer confiance à la bourgeoisie (…) énergiquement attaché à la cause de l’ordre et au principe d’autorité, défenseur, en d’autres temps, des droits du Saint-Siège, il représenterait, aux yeux du comte de Chambord, l’esprit moderne et l’opinion de la majorité de Français". Dès sa désignation, Chesnelong se dit "très inquiet" sur ses chances de faire accepter le drapeau tricolore au comte de Chambord. A partir des papiers Chesnelong, Jean-Claude Drouin a établi avec force que l’objectif premier du parlementaire, qui n’a guère d’illusion, est de "reculer le heurt qu’il savait inévitable". Lors de l’entrevue de Salzbourg, le 14 octobre, Chesnelong vit à trois reprises le comte de Chambord. Trois autres députés étaient également à Salzbourg : Lucien Brun, Cazenove de Pradines, Carayon Latour. Si l’accord se fit sur la question constitutionnelle, le comte de Chambord refusa de s’engager sur la formule acceptée par les trois parlementaires légitimistes : "le drapeau tricolore est maintenu ; il ne pourra être modifié que par l’accord du roi et de la représentation nationale". A son retour à Paris le 16 octobre, devant la commission des Neuf, qui représentait les groupes de la majorité monarchiste, Chesnelong s’efforça de montrer qu’il avait obtenu un compromis. Par sa lettre du 27 octobre, publiée par l’Union du 30, le comte de Chambord coupait court à toute équivoque. Il se refusait "à inaugurer un règne réparateur et fort par un acte de faiblesse". Chesnelong tirait la leçon de l’échec, écrivant à sa femme le 5 novembre : " La bataille monarchique est perdue ; nous engageons la bataille conservatrice".

4Associé pour l’histoire à l’échec de la restauration monarchique, le parlementaire des Basses-Pyrénées fut jusqu’à la fin de sa carrière une des principales figures de la droite conservatrice et catholique. Invalidé après sa réélection le 20 février 1876, il est battu le 21 mai par un républicain Vignancour. Sénateur inamovible en 1876, élu par 147 voix contre 142 au républicain, il est l’un des principaux adversaires de la politique scolaire et laïque des républicains. Président des Assemblées générales des Comités catholiques, il préside aussi la Société générale d’éducation et d’enseignement, attachée à la défense de l’enseignement libre, et le Comité de défense de la liberté religieuse. Celui-ci, élargi, devient en mai 1891 l’Union de la France chrétienne. A la demande du cardinal archevêque de Paris, le cardinal Richard, elle réunit les défenseurs de la liberté religieuse, "quelles que fussent leurs opinions politiques", sans se placer sur le terrain des institutions républicaines. Léon XIII en invitant expressément les catholiques français, l’année suivante, à se placer sur le terrain constitutionnel, amena l’Union de la France chrétienne à se dissoudre. Comme Keller, Lucien Brun et Buffet, Chesnelong se met en retrait des luttes politico-religieuses. Il meurt le 22 juillet 1899. Il était officier de la Légion d’honneur depuis le Second Empire et grand-croix de Saint-Grégoire-le-Grand. Cette distinction dit bien ce qui fait l’unité de l’homme : l’attachement, jusqu’au sacrifice, à l’Église romaine.

Écrits de l’intéressé :

5De nombreux discours ont été publiés. On retiendra l’ouvrage posthume Discours. La liberté de l’enseignement, Paris, Bloud, 1910, 632 p. ; La campagne monarchique d’Octobre 1873, Paris, Plon, 1895, 556 p. ; Une partie de ses mémoires a été publiée par son petit-fils, Les derniers jours de l’Empire et le gouvernement de M. Thiers, Paris, Perrin, 1932, 248 p. ; L’avènement de la République (1873-1875), Paris, Perrin, 1934, 247 p.