1Marc-Antoine Marie Gabriel Paul de Chadois est originaire des confins septentrionaux du Lot-et-Garonne où il est né le 12 mars 1830 à Saint-Barthélémy, dans une famille dont la noblesse est ancienne (XVIIème siècle) mais fréquemment contestée sous l’Ancien Régime. Il est le troisième enfant – le second fils – de Pierre Ambroise Alfred de Chadois, propriétaire, maire de Saint-Barthélémy et conseiller d’arrondissement de Marmande et de Marie Noémie Davach de Thèze, originaire du Tarn et du Tarn-et-Garonne. Il se destine à une carrière militaire et entre à Saint-Cyr à l’âge de dix-neuf ans. Sous-lieutenant d’infanterie en 1851 à la sortie de l’école, il fait la campagne de Crimée. Promu lieutenant en 1854 puis capitaine en 1857, il participe ensuite à la campagne d’Italie ce qui lui vaut d’être fait chevalier de l’ordre militaire de Savoie et chevalier de la Légion d’honneur.

2Mais en 1867, le capitaine de Chadois quitte l’armée au moment de son mariage avec Marie Louise Pauline Léonie de Ségur. La famille de Ségur est établie aux frontières des départements du Lot-et-Garonne – à Agnac – et de la Dordogne – à Mescoules – : le bisaïeul de la jeune épouse a siégé dans l’assemblée de la noblesse réunie à Périgueux en 1789 en vue des États-Généraux. C’est au château de la Pleyssade dans la commune de Mescoules et dans le canton de Sigoulès que le couple s’installe : Paul de Chadois y exploite les terres de sa belle-famille.

3La guerre de 1870 vient troubler la semi-retraite d’un homme encore jeune. Paul de Chadois reprend du service et reçoit du gouvernement de Défense nationale le commandement des mobiles de la Dordogne. Il participe aux combats dans la vallée de la Loire où lui et ses troupes s’illustrent lors de la bataille de Coulmiers puis durant toute la campagne en décembre et janvier 1871. Plusieurs fois blessé, Chadois finit la guerre avec la croix d’officier de la Légion d’honneur et avec le grade de colonel.

4L’armistice ne renvoie pas Chadois sur ses terres. Le prestige acquis à la tête des mobiles de la Dordogne lui ouvre les portes d’une carrière politique jusque là écartée malgré l’exemple paternel à l’échelon local. En moins d’un an, en 1871, il obtient de ses concitoyens du Périgord, son pays d’adoption, un double mandat national et local. Lors des élections du 8 février 1871, celui qui est désormais devenu "le colonel de Chadois", est placé dans son département d’adoption en tête de la liste conservatrice où figurent des monarchistes et des bonapartistes. La victoire prend des allures de triomphe : Chadois est élu le premier sur dix avec 80 162 voix sur 97 443 votants, loin devant Oscar Bardi de Fourtou et Adolphe Thiers. En octobre 1871, les électeurs du canton de Sigoulès élisent Chadois conseiller général : le nouveau parlementaire consolide ainsi son implantation locale et il resta membre de l’Assemblée départementale jusqu’en 1880.

5A l’Assemblée nationale, même si, selon la formule d’Armand Fallières, "M. de Chadois avait des origines qui l’éloignaient de la République, son patriotisme et sa clairvoyance en firent, jusqu’au bout, un de ses plus fermes soutiens. " Il siège au Centre gauche dont il devient un des vice-présidents. Il soutient fidèlement Thiers. Dans le débat sur les institutions à donner au pays, son choix est effectué dès 1873 : il se rallie à la République car déclare-t-il : " La République conservatrice soutenue par les hommes de bonne volonté de tous les partis pouvait seule nous préserver de nouveaux déchirements, et en respectant nos libertés, être assez forte pour imposer à tous le respect des lois." En conséquence, il vote l’amendement Wallon ainsi que l’ensemble des lois constitutionnelles au début de l’année 1875.

6Le colonel de Chadois est alors choisi par les gauches pour un siège de sénateur inamovible et il est élu au troisième tour avec 348 voix le 11 décembre 1875. Une nouvelle phase dans la carrière de l’ancien officier devenu parlementaire s’ouvre. Elle devait durer un quart de siècle : il est vrai que le tout nouveau sénateur n’est âgé que de quarante-quatre ans. Au Palais du Luxembourg, Chadois appartient au groupe de la Gauche républicaine.

7Au cours de ces vingt-cinq ans, Paul de Chadois n’intervient que fort peu et prend la parole plutôt sur les questions militaires. Il ne participe pratiquement plus aux débats du Sénat à partir de 1885, sans doute pour des raisons de santé : "Il y a longtemps qu’un mal cruel le tenait éloigné de nous" rappelle Fallières dans l’éloge funèbre du sénateur défunt. Dans un de ses derniers votes, le sénateur Chadois a voté l’investiture du gouvernement Waldeck-Rousseau en juin 1899.

8 C’est dans sa maison de Bergerac que le colonel de Chadois meurt le 20 juillet 1900 sans postérité. Ses funérailles religieuses furent célébrées à Bergerac puis l’inhumation eut lieu à Mescoules. Lors des obsèques, le sénateur de Bergerac, Samuel Pozzi, évoqua "l’ombre du colonel de Chadois planant sur les troupes et les conduisant à la victoire le jour où arrivera la justice immanente de l’Histoire." Quatre ans plus tard, grâce à l’initiative des figures républicaines du Bergeracois (les Garrigat, de la Batut, Clament…), un comité d’érection d’un monument à la mémoire du colonel Chadois voit son projet aboutir : le buste en bronze de l’ancien sénateur est installé dans les jardins de la mairie de Bergerac, en présence du ministre de l’Agriculture. En 1943, les Allemands enlevèrent cette statue pour en récupérer le métal mais les compatriotes du colonel Chadois y virent aussi un acte symbolique dirigé contre celui qui avait incarné la défense de la France en 1870 et qui aurait dit "qu’un bon Français ne doit pas dormir tant qu’il reste un seul Allemand sur la rive gauche du Rhin".