1Né à Nîmes le 26 janvier 1804, François Henri Ernest de Chabaud-Latour appartient à la grande bourgeoisie libérale et protestante. Son père, Antoine Chabaud-Latour (1769-1832), officier de métier, a été élevé à la dignité de chevalier puis de baron d’Empire. La Restauration le fait baron héréditaire en 1817 à la fois pour les services qu’il a rendus et en hommage aux services de son père, Antoine Chabaud, directeur du corps royal du Génie. La mère de François Henri, née Verdier de la Coste et fille d’un négociant nîmois, est issue de la même bourgeoisie protestante anoblie sous l’Empire. Cet anoblissement pousse la famille à vivre en châtelaine au château de la Tour avant que François-Henri n’acquière, grâce à la dot de sa femme, le château de Thauvenay (Cher). A la suite de son père et comme son frère aîné, Hippolyte François Henri Ernest de Chabaud-Latour embrasse la carrière des armes. Il sort en 1821 premier de sa promotion à l’École polytechnique et est promu capitaine à vingt-deux ans à peine. De 1830 à 1835, il prend activement part à la conquête de l’Algérie puis devient, dix ans durant, officier d’ordonnance du duc d’Orléans. Colonel en 1845, il supervise les fortifications de Paris.

2Il s’engage parallèlement dans la vie publique. Il suit, là encore, la voie tracée par son père. Ce dernier est un homme politique à la longévité remarquable : député aux Cinq cents, puis au tribunat, membre pour le Gard du Corps législatif en 1813-1815, il reste député du Gard en 1818-1820 et en 1825-1827 avant d’être élu une dernière fois en 1831. François de Chabaud-Latour se présente, quant à lui, en 1837 dans la circonscription du Vigan (Gard) et est constamment réélu jusqu’à la fin de la Monarchie de Juillet. Officier d’ordonnance du duc d’Orléans, très lié à la famille Guizot par sa sœur, Rosine, qui aida Mme Guizot mère à élever ses deux petites filles, Henriette et Pauline, François de Chabaud-Latour apparaît comme un homme tout dévoué à la dynastie. Il conserve intacte cette fidélité, défend en 1848 la régence de la duchesse d’Orléans puis se retire de la vie politique jusqu’en 1871. L’Empire, toutefois, ne gêne en rien son ascension professionnelle. Général de brigade en 1853, général de division en 1857, il prend le commandement du Génie en 1861 et se retire avec le grade d’inspecteur général de l’armée. L’Empire a du reste récompensé le soldat en le faisant grand officier puis grand-croix de la Légion d’honneur.

3La chute du régime le convainc de renouer avec la politique. Aussi se fait-il élire en 1871 dans le Gard. Il se présente à ses électeurs comme “tout dévoué à la Monarchie de Juillet” et siège au Centre droit, travaillant au rétablissement de la monarchie. Son modérantisme libéral se confirme également dans son attitude religieuse. Membre du consistoire de l’église réformée de Paris, il se range dans le camp des protestants orthodoxes et retrouve aux conférences fraternelles (dénommées ultérieurement Union évangélique) Guizot, Vernes, Delessert. Son expérience parlementaire lui vaut d’être élu vice-président de l’Assemblée et d’être appelé comme ministre de l’Intérieur dans le cabinet Cissey (mai 1874-mars 1875). Il s’oppose, toutefois, à la politique d’Ordre moral menée par Broglie et Buffet. Il se rallie peu à peu à l’idée d’une République impersonnelle et s’il rejette l’amendement Wallon, le libéral qu’il est malgré tout vote les lois de 1875. Après un échec aux sénatoriales du Gard en janvier 1876, il est élu sénateur inamovible en remplacement d’Ernest Picard le 16 novembre 1877. Il retrouve au Sénat les rangs du Centre droit. Son fils, Arthur Henri Alphonse, relève le flambeau. Officier comme son père, conseiller général du Cher où est sis le château familial et maire de Thauvenay, il est élu député du Cher en 1871. Il n’est jusqu’à sa petite-fille, Marie de Chabaud-Latour, croix de Guerre 1939-1945, médaillée de la Résistance, conseillère municipale de Paris dès la Libération, qui ne poursuive la tradition.

4Officier et orléaniste d’abord, François de Chabaud-Latour participe également, quoique tardivement, au monde des affaires. Retiré de la vie militaire, il entre au conseil d’administration de la Compagnie des mines d’Anzin dont il devient ensuite président honoraire. Il fait également partie du conseil d’administration de la Compagnie de l’Ouest qu’il défend vigoureusement à l’Assemblée lors du débat sur le rachat des compagnies ferroviaires. Il meurt, du reste, le 10 juin 1885, "des suites d’une chute faite quelques mois auparavant dans l’escalier de la compagnie des chemins de fer de l’Ouest dont il était administrateur". Peut-être faut-il déceler dans cette orientation nouvelle l’influence de sa belle-famille. Il fait, en effet, un beau mariage dans le camp orléaniste, n’hésitant pas à s’unir à une catholique. En épousant à Grenoble en 1831 Hélène Joséphine Mathilde Perier (1812- 1895), il s’allie à la prestigieuse lignée des Perier de Vizille. Le père de sa femme, Alphonse (1782-1866), négociant et banquier, fut député de l’Isère de 1834 à 1846 cependant que son oncle, Casimir Perier, fut ministre de Louis-Philippe et que son cousin germain, Auguste Casimir-Perier est également sénateur inamovible.