1La carrière politique de Jules Cazot s’étend sur une longue durée puisqu’il entre en politique en 1848 et meurt sénateur inamovible en 1912. Jules Cazot fait donc partie de ces quarante-huitards qui ont réussi à s’intégrer dans les cadres de la République triomphante. Théodore Jules Joseph Cazot, naît à Alès le 11 février 1821. Son père, confiseur, appartenait à la petite bourgeoisie catholique de cette ville et avait fait les dernières campagnes de l’Empire. L’enfant obtint une demi-bourse au collège d’Alès en 1833 et après ses études secondaires, fit son droit à Paris où il acquit le doctorat. C’est pendant cette période qu’il se rallia – semble-t-il – aux idées démocratiques.

2Sa carrière politique est ensuite faite d’une succession de va-et-vient entre Paris qu’il n’abandonna jamais tout à fait et le département du Gard où il essaya de profiter des occasions qui s’offraient. Après avoir vécu pendant quelques années de répétitions de droit à. Paris, Jules Cazot revint dans le Gard en 1848. C’est à l’occasion des élections législatives de 1849 qu’il commence à jouer un rôle dans la vie politique gardoise. Il fonde un comité de la Montagne, parcourt le département en y tenant des réunions, constitue autour de lui une liste démocrate socialiste qui recueille des voix surtout dans le nord du département. Les démocrates socialistes, très divisés, ayant été largement battus par les candidats du parti de l’Ordre, Cazot continua à exercer une influence dans la région alésienne, grâce à ses amis du Cercle démocratique d’Alès, notamment le clerc de notaire Antoine Delord, mais il fut fréquemment absent du département : de novembre 1849 à février 1850, il se rendit à Paris pour concourir à une chaire de droit qu’il n’obtint pas. En août 1851, il fut appelé à Lyon, pour défendre les inculpés du complot du Sud-Est (Gent, Langomazino, etc.). Il y resta jusqu’à la fin de 1851. Entre temps, il plaida pour des inculpés gardois et participa au moins occasionnellement à l’effort entrepris pour propager dans le Gard une société secrète, "la Nouvelle Montagne".

3Le coup d’État surprit Jules Cazot à Lyon. Il ne participa donc pas à la résistance gardoise. Il revint dans le Gard à la mi-décembre, fut arrêté le 23 à Alès et incarcéré à la maison d’arrêt d’Uzès. La commission mixte du Gard le condamna le 15 février 1852 à l’internement à Montpellier, mais Quentin-Beauchart commua sa peine en surveillance le 21 avril. Ayant pris le 4 octobre 1853 l’engagement d’honneur de ne pas se mêler de politique, il obtint sa grâce de l’Empereur le 31 mars 1855. Dès janvier 1855, il avait été autorisé à se rendre à Paris où il vécut de leçons de droit. A l’occasion des élections législatives de 1857, des démocrates de la Gardonnenque proposèrent la candidature de Cazot dans la circonscription d’Alès. Bien que l’intéressé, lié par ses engagements, ait désavoué cette initiative, le nom de Cazot recueillit quelques centaines de voix dans plusieurs cantons. En 1863, Jules Cazot s’abstint encore d’être candidat et ce n’est qu’en août 1868 à l’occasion d’une élection partielle qu’il se présenta dans la circonscription d’Alès. La campagne fut marquée par des incidents graves (intervention de la troupe à Nîmes le 29 juillet pour dissoudre une réunion électorale) qui eurent un retentissement national. Cazot n’obtint que 13,9 % des voix. A nouveau candidat en 1869 contre Ernest Dumas, fils du savant chimiste, il recueillit un résultat nettement meilleur (36,2 % des suffrages) grâce à l’absence de candidat légitimiste et à une active campagne sur le terrain. Il avait donc acquis dans le département une position politique qu’il entretint en participant à la campagne antiplébiscitaire de 1870. C’est également à cette époque, en octobre 1869, qu’il se fit affilier à la franc-maçonnerie à la Loge "le Progrès" de Saint-Géniès de Malgoirès qu’animait Desmons. Il passa ensuite à la Loge d’Alès, "l’Étoile des Cévennes".

4Lorsqu’éclata la révolution du 4 septembre, Jules Cazot, qui se trouvait à Paris fut nommé secrétaire général au ministère de l’Intérieur et envoyé à la délégation de Tours, puis de Bordeaux. Il s’intégra donc à l’équipe gambettiste. Candidat dans le Gard en février 1871 sur une liste d’Union républicaine, il fut battu comme ses coéquipiers, mais avec un score honorable ce qui lui permit d’être élu aux élections complémentaires de juillet par 52 572 voix sur 96 459 votants. En octobre 1871, il consolida cette position en conquérant le siège de conseiller général d’Anduze qu’il conserva jusqu’en 1883. Il devint en 1880 président du conseil général du Gard. Pendant son mandat parlementaire, il s’inscrivit à l’Union républicaine dont il fut un moment président, partagea les options des gambettistes (soutien tactique à Thiers, amnistie différenciée pour les communards, vote contre le pouvoir constituant de l’Assemblée). Il défendit Ranc menacé de poursuites pour sa participation à la Commune, s’opposa à l’Ordre moral, soutint ensuite le vote des lois constitutionnelles. Il proposa aussi en 1874 une loi réglementant le congédiement des mécaniciens et chauffeurs de chemins de fer. Le 16 décembre 1875, il fut élu sénateur inamovible par 305 voix sur 591 votants. Il fit ensuite partie de la minorité républicaine du Sénat, opposée à la dissolution de la Chambre. Après la victoire des républicains, il entra le 27 décembre 1879 comme ministre de la Justice dans le cabinet Freycinet, poste qu’il conserva dans les cabinets Ferry (23 septembre 1880) et Gambetta (14 novembre 1881). Savant jurisconsulte, orateur incisif, il participa activement pendant ces vingt-cinq mois de fonction ministérielle à la discussion sur les projets de réforme judiciaire et justifia la légalité des décrets du 20 mars 1880 sur la dissolution des congrégations non autorisées. En mai 1881, il vota contre la révision de la constitution proposée par Barodet. Après la chute de Gambetta, il fut nommé le 12 avril 1883 premier président de la cour de cassation. Devenu un des plus hauts personnages de l’État, il se maria en 1881 avec Marie Madeleine Clerval dont il n’eut pas d’enfants.

5Il devait cependant être victime de l’affairisme trop répandu pendant ces années dans les milieux parlementaires. Il avait en effet créé avec Stephen Marc et des élus du Gard et du Vaucluse (A. Silhol, Elzéar Pin) la Société des chemins de fer d’Alais à la vallée du Rhône dont il devint administrateur. L’objectif était de transporter vers le Rhône le charbon alésien. C’était compter sans la concurrence acharnée de la Compagnie du P. L.M. qui exploitait la ligne Alès-Beaucaire. Les frais de construction se révélèrent en outre plus lourds qu’il n’avait été prévu et la compagnie commit des erreurs de gestion. Elle fut déclarée en faillite le 15 juin 1884. Cazot dut démissionner de son poste à la cour de cassation, et bien qu’il n’ait pas -semble-t-il- tiré de bénéfice personnel de sa fonction d’administrateur, fut condamné à verser 500 000 francs de dommages et intérêts par provision, somme dont il ne paya finalement que 10 000 francs (transaction du 12 mars 1887). Ayant été remplacé comme conseiller général d’Anduze par Henri Mazade en 1883, Jules Cazot ne conserva donc que son siège de sénateur. Politiquement, il se situait toujours dans la mouvance opportuniste et contribua à fonder le Cercle Gambetta destiné à entretenir la mémoire politique du grand tribun. Il fut élu constamment questeur du Sénat de 1890 à 1904, fit partie en avril 1889 de la commission d’instruction chargée de juger le général Boulanger, puis de celle qui instruisit les procès de Déroulède et de Marcel Habert en 1899-1900, présida la commission de la Haute Cour (1904). Il mourut le 27 novembre 1912 dans sa propriété de la Jasse-Bernard, près d’Alès, dans sa quatre-vingt-douzième année. Ses contemporains soucieux de perpétuer son souvenir, lui élevèrent un buste en septembre 1924, au "Bosquet", près du fort d’Alès.

Écrits de l’intéressé :

6Moyens de nullité proposés contre la décision du conseil de guerre de Lyon, Affaire dite du complot de Lyon, Lyon, imp. de Noegelin, 1851, 37 p. (en coll. avec Henri Nouguier et Perrot) ; Discours prononcé à la distribution des prix du collège spécial d’Alès le 3 août 1878 par MM. Ferrand, professeur de latin et Jules Cazot sénateur inamovible (..), Alès, imp. A. Brugueirolle, 1878, 19 p.