Broca Pierre Paul 1824-1880
p. 233-236
Texte intégral
1Pierre Paul Broca naquit le 23 juin 1824 de Pierre Jean Benjamin Broca et de Annette Thomas, tous deux protestants et domiciliés dans ce foyer de protestantisme qu’était Sainte-Foy-la-Grande, où son père exerçait la profession de médecin.
2Après avoir fréquenté l’école primaire durant trois années, le jeune Paul Broca entra comme externe au collège alors qu’il était dans sa huitième année. Il s’y montra doué pour les langues mortes et les langues vivantes aussi bien que pour les mathématiques. Bachelier ès lettres en 1840, il se présenta l’année suivante au baccalauréat ès sciences. Alors que son propre désir le poussait à préparer l’École polytechnique, Paul Broca se rangea aux vœux de son père et entreprit des études de médecine. En octobre 1841, arrivé à Paris, il logea quelques mois à Sainte-Barbe où il exerça la fonction de surveillant – qu’il comparait à celle de bourreau – tout en suivant des cours de médecine, de chimie et de physique. Reçu à l’externat en 1844, il fut ensuite interne de 1845 à 1848. A cette date, il accéda à la fonction de prosecteur et, l’année suivante, conquit son titre de docteur ès médecine. Il s’orienta alors vers la chirurgie pour laquelle il montrait une inclination depuis plusieurs années et fut reçu premier à l’agrégation de chirurgie en 1853.
3Toute sa carrière médicale fut extrêmement brillante. Après avoir suppléé divers professeurs notamment à l’Hôtel-Dieu, il devint chirurgien en titre des hôpitaux et fut nommé successivement à Bicêtre, la Salpêtrière (1863), Saint-Antoine (1866), la Pitié (1868), et Necker (1878). Parallèlement à son activité de chirurgien, il exerça la fonction de professeur de pathologie externe puis de clinique chirurgicale mais, à partir de 1873, se fit suppléer par Lannelongue.
4Entre temps, il avait fondé un foyer. Désireux d’épouser une jeune fille catholique, il dut renoncer à son projet devant le chagrin et l’hostilité de ses parents et s’unit en 1857 à une femme de confession protestante, Augustine Lugol. Le couple eut trois enfants, une fille et deux fils qui devinrent l’un, Auguste, chirurgien, l’autre, André, ingénieur puis médecin.
5Si durant ses premières années d’exercice médical, Paul Broca produisit d’importants travaux sur les anévrismes et le cancer – il donnera encore un Traité des tumeurs en 1866 –, dès la fin des années cinquante, l’essentiel de son activité intellectuelle fut centrée autour de recherches sur le crâne et le cerveau. Tenant de la théorie localisatrice des fonctions cérébrales, il put prouver que la faculté du langage a son siège dans la troisième circonvolution frontale dite depuis "circonvolution de Broca". Il étudia et mesura les crânes, se livrant à une série d’analyses comparatives entre les crânes des primates et des hommes et entre des crânes humains d’origines et d’époques différentes. Père fondateur de la science anthropologique, il fonda en 1859 la Société d’anthropologie et mit au point un ensemble d’instruments de mesure crâniométriques et anthropométriques. Plus tard, en 1872, il créa la Revue d’anthropologie et, en 1876, l’École d’anthropologie, de sulfureuse réputation et très mal vue de tout le camp clérical. Cet établissement ne fut définitivement autorisé qu’en 1878, date à laquelle la Société, l’École et le laboratoire furent rassemblés en un vaste ensemble, l’Institut d’anthropologie.
6Paul Broca appartint à de prestigieuses sociétés scientifiques, la Société d’anatomie, dont il devint vice-président, et la Société de chirurgie qu’il présida à partir de 1865. En 1866, il fut élu à l’Académie de médecine. Il exerça diverses fonctions administratives ; il fut membre de la commission consultative d’hygiène des hôpitaux, de la commission du matériel chirurgical des hôpitaux. Il dirigea l’Assistance publique pendant le gouvernement de la Défense nationale et demeura à son poste durant la Commune. Un récit veut qu’il ait réussi, grâce à un subterfuge, à soustraire la caisse de l’Assistance publique aux investigations des fédérés qui voulaient s’en emparer.
7Tout jeune homme, pendant la Monarchie de Juillet, Paul Broca exprima maintes fois son attachement pour la République. En 1845, il collabora à une feuille d’opposition étudiante, Les Écoles. En février 1848, il se rallia avec enthousiasme au nouveau régime et envisagea, avec quelques amis, de créer une Société de libres penseurs qui ne vit, semble-t-il, jamais le jour. Les journées de Juin le bouleversèrent ; interne, il passa d’ailleurs trois jours et trois nuits à l’Hôtel-Dieu à secourir les blessés. Il fut un adversaire résolu du coup d’État du Deux Décembre et ne se rallia jamais à l’Empire. Pacifiste militant, Broca tenait en horreur le nom de Napoléon et la dynastie des Bonaparte. Ses papiers privés contiennent certaines pièces extrêmement hostiles à Louis-Napoléon Bonaparte. En janvier 1852, il écrivait :
"Anne, ma chère sœur, si tu vois l’avenir
Dis-moi ce que tu vois – Ma sœur, je vois venir
Le Prince-Président toujours à sa marotte
Qui singe de son mieux son oncle le despote,…"
8En 1880, M. de Montalivet étant mort, Paul Broca fut choisi comme candidat par l’Union républicaine pour prendre place parmi les inamovibles ; face à lui se présentait M. Bétolaud, patronné par Jules Simon. Il fut élu à une très faible majorité. La campagne avait été très violente, Broca ayant été présenté par tous ses adversaires de droite comme "le candidat des singes" – car on lui prêtait des positions darwinistes vis-à-vis desquelles il manifestait pourtant une réserve certaine. Mais on lui attribuait une phrase de Claparède qu’il n’avait fait que citer : "J’aimerais mieux être un singe perfectionné qu’un Adam dégénéré". En outre, ses relations avec des savants notoirement athées et matérialistes, tels que Virchow, la réputation qu’il avait de prodiguer un enseignement matérialiste et empreint d’irréligion contribuaient à lui donner une image de chef de file de la Libre Pensée scientifique internationale.
9Son activité de sénateur se réduisit à un seul rapport, celui qu’il déposa sur un projet de loi concernant l’enseignement secondaire public des jeunes filles. Il mourut le 9 juillet, ayant siégé au Sénat cinq mois et quatre jours. Paul Broca fut inhumé au cimetière Montparnasse. Le sculpteur Choppin réalisa une statue en pied de Broca, crâniomètre en main ; l’œuvre fut inaugurée sur la place de l’École de médecine en 1887. Elle fut fondue durant la seconde guerre comme sa petite réplique de Sainte-Foy-la-Grande du reste. Mais à Paris, une rue et un hôpital contribuent à maintenir le souvenir de Paul Broca.
Écrits de l’intéressé :
10Correspondance. 1841-1857, Paris, Paul Schmidt, 1886, 2 vol ; L’ordre des primates. Parallèle anatomique de l’homme et des singes, Paris, Reinwald, 1870, 176 p.
Bibliographie
Sources et bibliographie :
B.H.V.P., série "Actualités", n° 30, dossier Paul Broca ; Papiers privés conservés chez M. Philippe Monod-Broca ;
Ch. Achard, "Eloge de Paul Broca, prononcé à l’Académie de médecine", Bulletin de l’Académie de médecine, n 41, t. XCII, Paris, Masson et Cie éd., 1924, 23 p. ; Guillaume Valette, "Allocution prononcée lors de la séance consacrée au centenaire de la mort de Paul Broca (1824-1880)", Bulletin de l’Académie Nationale de médecine, 164, n° 6, 1980, p. 536-562 ; Philippe Monod-Broca, "Paul Broca", communication présentée à la séance du 22 novembre 1980 de la Société française d’histoire de la médecine, Histoire des Sciences médicales, n° 1, 1981, 8 p. ; Francis Schiller, Paul Broca. Explorateur du cerveau, préface de Jean-Pierre Changeux, Paris, éd. Odile Jacob, 1990, 426 p.
Auteur
Chargée de recherche au CNRS
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