1René Bérenger naît à Bourg-les-Valence (Drôme) le 22 avril 1830 dans une vieille famille de robe. Son grand-père Marcellin Bérenger, avocat au présidial de Valence est procureur du Roi. Après avoir fait partie des États du Dauphiné, Marcellin Bérenger est élu aux États généraux, comme représentant du Tiers avec Mounier et Barnave. Le père de René Bérenger, Alphonse Marie Marcellin connu sous le nom de Bérenger de la Drôme entre en 1821 à la cour de cassation. Élu député, puis nommé pair de France, Alphonse Bérenger publie De la justice criminelle en France (1818) ouvrage qui lui vaut une très grande notoriété. Il est l’époux d’Etiennette Rigaud de Lisle dont le père Louis Michel Rigaud de l’Isle est membre du Corps législatif de 1811 à 1814 (Drôme). Leur fils René Bérenger, après avoir pris ses grades de licencié et de docteur en droit de la Faculté de Paris (1853) entre à son tour dans la magistrature. Il épouse en 1869 Maria Detourbet et est père de trois filles, Marcelle, Camille et Geneviève, toutes trois non mariées au décès de leur mère en 1897.

2Sous le Second Empire, ses supérieurs soulignent ses opinions libérales. De 1853 à 1870, René Bérenger occupe successivement le siège du procureur impérial à Bernay et à Neufchâtel, il est substitut du procureur général à Dijon, après avoir été avocat, il devient avocat général d’abord près de la cour de Grenoble (1862) puis de la cour de Lyon (1867). René Bérenger y est arrêté puis destitué de ses fonctions au lendemain du 4 septembre par ordre du comité de Salut public pour avoir voulu prendre la défense du procureur général de Lyon. Pendant la guerre de 1870, René Bérenger s’engage à quarante ans dans le bataillon des mobiles du Rhône et est blessé le ¹⁸ décembre au combat de Nuits. Aux élections pour l’Assemblée nationale du 8 février 1871, il est élu député de la Drôme par 36 417 voix, et du Rhône par 72 000 suffrages. Enfant du pays, il opte pour la Drôme. Par ses tendances, par ses traditions familiales, alors que la forme du Gouvernement est en cause, il n’incline pas pour la monarchie constitutionnelle. Il n’est pas, il le reconnaît lui-même, un républicain de la veille, il le devient dès l’aube. Il fait d’abord partie du groupe Feray, enfin il s’inscrit au Centre gauche, tout en ne votant pas toujours avec ces groupes. Il se prononça pour la paix (1871), contre l’abrogation des lois d’exil, pour le pouvoir constituant de l’Assemblée (1872), contre le service militaire de trois ans, contre la démission de Thiers (1873), pour l’admission des princes d’Orléans dans l’armée, pour les lois constitutionnelles. En 1871, il se prononce pour le maintien du cautionnement des journaux et pour la création d’un jury spécial en matière de presse. En 1872, René Bérenger propose un projet de réorganisation de la magistrature. Il y préconise le recrutement des magistrats par concours. Soumis à un examen moral, le magistrat doit être l’archétype de l’Homme républicain. Ce projet est repoussé.

3Pendant sa longue carrière politique, il est une seule fois ministre six jours seulement ; il fait partie, comme ministre des Travaux publics, du dernier cabinet constitué par Thiers qui dura du 19 au 24 mai 1873. Élu le 16 décembre 1875 sénateur inamovible par l’Assemblée nationale, Bérenger prend place au Centre gauche de la Haute Assemblée. En juin 1877, il vote avec les républicains contre la dissolution de la Chambre des députés. A propos de la nomination des maires, il s’oppose à ce qu’ils soient désignés par le conseil municipal et demande que le Gouvernement les choisisse en son sein. En 1882, au moment où la Chambre discute de la création des syndicats professionnels, René Bérenger reconnaît le droit de la liberté d’association, mais il demande la suppression du droit de fédération. Catholique pratiquant et ferme républicain, René Bérenger revendique la liberté de conscience et le respect de sa croyance. Dans une réunion publique qu’il convoque à Valence en octobre 1875, René Bérenger déclare qu’il n’accepte pas la doctrine qui attribue à l’Église une influence sur la conduite des affaires politiques. Mais il ajoute "L’État manquerait à ses devoirs s’il n’accordait aux convictions religieuses, non seulement sa protection mais sa faveur". En s’inspirant de ces idées il combat en mars 1880 l’article 7 de la loi de Jules Ferry et exige la liberté pour les jésuites. Il demande (en mai 1881) sans succès, la dispense de brevet pour les congréganistes entrés en fonction avant le 1er mars 1880 et se prononce contre le projet qui supprime les aumôniers dans les prisons. Vice-président du Sénat en 1895, René Bérenger préside en 1899 les travaux de la commission de la Haute Cour de justice, saisie d’une affaire d’attentat contre la sûreté de l’État lors du procès Déroulède, Guérin, Buffet et de nombreux membres de diverses ligues et associations. Son instruction aboutit au renvoi devant le Sénat transformé en Haute-Cour de 17 personnes. Lors de l’affaire Dreyfus, c’est au nom du respect du droit qu’il s’élève contre un projet de loi qui change les juges en cours de procès : "Jamais, dit-il, je n’accepterai qu’on puisse m’imposer une loi d’exception".

4René Bérenger observe en moraliste le "mal" de la société civile. Le malthusianisme est encouragé par des publications malsaines, les avortements et infanticides se multiplient, la prostitution mine la famille. René Bérenger, élu en mars 1890 à l’Académie des sciences morales et politiques en remplacement du criminaliste Charles Lucas, préside ou crée des sociétés de lutte, comme en 1892, la Société centrale de protestation contre la licence des rues. A Paris, en mai 1893, il provoque une grande agitation dans le monde des écoles à l’occasion d’une fête, le " Bal des Quat-Z’Arts". Il publie en 1907 un Manuel pratique pour la lutte contre la pornographie. Il fonde en 1899 l’Association pour la répression de la traite des blanches et la préservation de la jeune fille. Son discours sur la morale permet alors de réintroduire le politique. Vice-président du conseil supérieur des Prisons (1876) et fondateur de la Société générale des prisons (1877), il travaille à une réforme de la justice pénale qu’il faut moderniser. Pour René Bérenger, l’efficacité des peines morales ouvre des horizons nouveaux grâce au développement de l’instruction, de l’éducation, de la moralité publique. Dans cet esprit, il accumule les propositions de loi concernant la défense de l’enfance abandonnée, l’extension de la recherche de paternité, la révision des erreurs judiciaires. Il fait voter deux lois particulièrement importantes le 14 août 1885, celle sur la libération conditionnelle des condamnés, le patronage et la réhabilitation ; celle du 26 mars 1891 sur l’atténuation et l’aggravation des peines, loi de sursis qui porte son nom et suspend l’exécution de la peine en cas de première condamnation. Dans l’exposé de ces lois, le patronage est le complément indispensable des moyens légaux pour relever le condamné. Lui-même s’engage dans l’œuvre philanthropique comme la Société de patronage des jeunes libérés de la Petite Roquette et préside en 1880 la Société générale pour le patronage des libérés. En 1898, il préside la section du conseil supérieur de l’Assistance publique. Toute l’œuvre législative de René Bérenger témoigne de sa foi dans la " Loi morale" pour fonder la société civile républicaine. Ses nombreux articles publiés par le Bulletin de la Société Générale des Prisons qui deviendra la Revue pénitentiaire montrent le rayonnement qu’il eut dans le domaine pénal en France et en Europe. Sa mort survient le 29 août 1915 dans sa propriété d’Alincourt.