Barrot Victorin Ferdinand 1806-1883
p. 213-216
Texte intégral
1Né à Paris Xème (actuel VIIème arrondissement) le 10 janvier 1806, Ferdinand Barrot appartient à une vieille famille cévenole d’hommes de loi, originaire de Planchand, en Lozère, où son aïeul était notaire. Son père Jean André Barrot (1753- 1845), juge au tribunal du district de Langogne au début de la Révolution, est élu député de la Lozère à la Convention où il vote pour la réclusion du roi. Membre ensuite du Conseil des Anciens puis du Corps législatif dont il devient vice-président sous l’Empire, il se prononce pour la déchéance de Napoléon en 1814. L’année suivante, il n’hésite pas à rallier à nouveau l’empereur et achève ainsi sa carrière politique à la Chambre des Cent-Jours. Sa mère, Jeanne Thérèse Virginie Borreli, est la fille d’un marchand de Villefort, en Lozère également, devenu par la suite receveur général des finances et anobli sous la Restauration.
2Licencié en droit à Paris, Ferdinand Barrot y devient avocat en 1830 et épouse le 12 juin de la même année Gabrielle Frédérique Élisa Nicod, fille d’un avocat général à la cour de cassation. Quelques semaines après les journées de juillet 1830, il rejoint son beau-père dans la magistrature. Substitut du procureur du roi près le tribunal civil de la Seine, il démissionne cinq ans après, par souci d’indépendance. Il reprend alors sa carrière d’avocat, plaidant en particulier dans plusieurs procès politiques.
3En 1837, il défend avec succès le colonel Vaudrey, compagnon d’infortune du prince Louis-Napoléon dans l’équipée de Strasbourg. Cette affaire le distingue et, par le rapprochement esquissé avec le parti bonapartiste, constitue un tournant dans sa carrière. En effet, après la défense du républicain Barbés en 1839, Barrot renoue l’année suivante ses liens avec le parti bonapartiste en assistant, devant la Chambre des pairs, le prétendant impérial mis en accusation après sa tentative de débarquement à Boulogne.
4Il commence alors une longue carrière politique en se faisant élire très facilement le 9 juillet 1842 député de Loches (Indre-et-Loire). A la Chambre, il retrouve au Centre gauche son frère aîné Odilon Barrot (1791-1873) qui, élu depuis 1830, partisan du Mouvement, dirige l’opposition dynastique. Réélu le 1er août 1846 et nommé avocat du Trésor, il s’occupe essentiellement de la colonisation de l’Algérie où il obtient à Philippeville une importante concession de terrains qu’il met en valeur. Après la révolution de Février 1848 à laquelle il reste étranger, il est élu le 18 juin de la même année parmi les premiers députés accordés à l’Algérie et siège désormais à droite. Rapidement, il soutient la candidature du prince Louis-Napoléon à la présidence de la République, publiant dans le Siècle du 19 novembre 1848 une lettre en ce sens. Après son élection triomphale du 10 décembre suivant, le Prince-Président récompense Ferdinand Barrot en le nommant secrétaire général de la présidence. Il charge par ailleurs son frère Odilon de former son premier ministère. Après avoir été battu aux élections générales du 23 mai 1849 en Algérie, Barrot entre à l’Assemblée législative lors d’une élection partielle organisée le 8 juillet dans le département de la Seine. Partisan convaincu de la politique de l’Élysée alors que son frère doit démissionner le 31 octobre 1849, il est nommé ministre de l’Intérieur, à la grande colère de son aîné. Pendant son bref passage au ministère, il s’emploie à épurer les fonctionnaires afin de rassurer la majorité conservatrice. Quelques mois après, en mars 1850, il est envoyé à Turin comme ministre plénipotentiaire. Il y déploie ses talents de diplomate en réconciliant le pape avec le royaume de Sardaigne. De retour à Paris, il prend son siège à l’Assemblée où il vote avec la majorité.
5Il ne participe pas au coup d’État du 2 décembre 1851 mais fait partie de la commission consultative chargée de la révision des institutions. Peu après, il est nommé au Conseil d’État. Membre de la section des travaux publics, du commerce et de l’agriculture, il s’y révèle très actif. Le rétablissement du régime impérial achève de le combler. Commandeur de la Légion d’honneur dès le 10 décembre 1852, il est grand officier le 12 août 1859. Il est nommé sénateur de l’Empire le 4 mars 1853. Rejoint en 1864 par son autre frère, Adolphe Barrot (1801-1870), il devient grand référendaire de la Chambre Haute le 22 janvier 1867. Le 11 août 1855, Napoléon III le désigne également pour siéger au conseil municipal de Paris. Jusqu’en 1870, il représente le VIème arrondissement et accède à la vice-présidence de l’assemblée parisienne où il soutient l’œuvre du baron Haussmann. Libéral, préoccupé par les problèmes sociaux, il exerce une grande influence dans la politique d’assistance menée par le Second Empire, notamment comme membre du conseil de surveillance de l’Assistance publique et président de la commission des asiles d’aliénés, au Sénat. Il préside également la commission de l’asile impérial de Vincennes.
6Le 4 septembre 1870, Ferdinand Barrot est parmi les derniers à quitter le Palais du Luxembourg, se résignant difficilement à la chute de l’Empire. Retiré dans l’Eure, il rentre à Paris le jour du déclenchement de la Commune, le 18 mars 1871. Menacé d’arrestation ainsi que son frère Odilon, réconcilié, il doit fuir à la hâte la capitale, avec son aîné. Tandis que ce dernier, ami de Thiers, entre ensuite au Conseil d’État qu’il préside avant de mourir, Ferdinand Barrot demeure fidèle à ses convictions bonapartistes. Ainsi, le 15 août 1871, il assure par une lettre au souverain déchu "l’hommage de sa fidélité et de son dévouement". En janvier 1873, à la mort de l’Empereur, il renouvelle sa déclaration au jeune prince impérial. Opposé à la ligne autoritaire défendue par le chef du parti bonapartiste de l’Appel au peuple, Eugène Rouher, il tente d’en secouer la tutelle. Avec Edgar-Raoul Duval, député de l’Eure, et Armand Béhic, sénateur de la Gironde, il lance le 25 octobre 1876 un quotidien bonapartiste libéral la Nation. Critiqué violemment par son principal détracteur, le Pays, organe de l’impérialisme réactionnaire dirigé par Paul de Cassagnac, souffrant d’une faible audience (un millier d’abonnés), le journal disparaît trois jours avant la crise du 16 mai 1877. Cet échec ne dissuade pas Barrot de se présenter aux élections législatives qui suivent, en octobre. Sous l’étiquette de l’Appel au peuple, il est battu par Émile Deschanel dans l’arrondissement de Courbevoie, en banlieue parisienne.
7Ferdinand Barrot brigue alors un mandat au Sénat. En vertu de l’accord intervenu entre les trois fractions monarchiques consistant à faire élire, par roulement, un représentant de chacune des tendances de droite, il est élu le 4 décembre 1877, en remplacement de Pierre Lanfrey, sénateur inamovible, par 142 voix sur 280 votants, contre Victor Lefranc. Rejoignant le groupe de l’Appel au peuple, il succède à son ami Béhic à la présidence, en janvier 1879. Il s’évertue alors à maintenir une apparence de cohésion au sein de ce petit groupe indiscipliné, très proche des monarchistes. La disparition du prince impérial en juin 1879 et les défections qui suivent ainsi que les échecs au renouvellement triennal de janvier 1882 accélèrent finalement le processus de désagrégation du groupe.
8Il décède le 12 novembre 1883 en son domicile parisien du VIIIème arrondissement, 92 boulevard Malesherbes.
9Issu d’une famille de parlementaires (son frère Odilon est lui-même le petit-gendre de Xavier Labbey de Pompières (1751-1831), député de l’Aisne), Ferdinand Barrot est le parent d’un vaste et étonnant réseau de députés puisqu’il est :
- le beau-père de Philémon Fouquet (1817-1872), élu de la majorité dynastique de l’Eure au Corps législatif, d’Aymar Joret des Closières (1824-1878), député de l’Appel au peuple du Calvados de 1877 à 1878 et d’Edgar Jean Laroche-Joubert (1843-1913), bonapartiste de la Charente de 1884 à 1906,
- l’oncle d’Odilon Barrot (1841-1904), député républicain de l’Ardèche de 1893 à 1902 et, par alliance, du comte Joachim Murat (1828-1904), élu de l’Appel au peuple du Lot de 1871 à 1889,
- le grand-oncle, également par alliance, des libéraux Paul Lebaudy (1858-1937), député de la Seine-et-Oise de 1890 à 1910 et de Jacques Piou (1838-1932), député de la Haute-Garonne de 1885 à 1893 et de 1898 à 1902 et de la Lozère, de 1906 à 1912. Enfin, sa petite-nièce par alliance est la fille du maréchal Canrobert (1809-1895), sénateur du Second Empire puis de la Troisième République.
Bibliographie
Sources et bibliographie
A.D. Paris, actes de naissance et de mariage ; Etat-civil de Paris VIII ème, acte de décès ; A N. dossier de Légion d’honneur 124/52 ; A.P.P. dossier personnel Ba 949 ;
Clément de Royer, Souvenirs contemporains. F. Barrot (1806-1883), député ministre, sénateur, Paris, Pillet et Dumoulin, 1884, 47 p.
Auteur
-
Patrick André
Administrateur de la ville de Paris, doctorant
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