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Les immortels du Sénat, 1875-1918

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Alain Corbin
, 
Jean-Marie Mayeur

Une société, une culture

Affinités, mariages et alliances1

Françoise Mayeur

Testo integrale

  • 1 Nous renvoyons une fois pour toutes aux notices individuelles et à la bibliographie générale de ce (...)

1Un sénateur inamovible peut rarement être étudié comme l’"homo novus" qu’il n’est pas la plupart du temps. Il assume un héritage moral aussi bien que matériel. Aussi n’est-il pas difficile de déceler dans la population que constituent les cent seize inamovibles des lignées d’hommes publics qui se prolongent, parfois par les collatéraux, durant plusieurs générations. Toute une sphère familiale est alors à prendre en compte. Quelle importance le mariage a-t-il revêtue ? Il peut asseoir une situation sociale et financière, il procure des réseaux d’alliance, parfois fort étendus. Il peut constituer un couronnement (Perier), une étape décisive dans l’ascension d’une famille (Bardoux) ou au contraire, mais rarement, il confine l’époux dans de plus modestes origines (Baze qui, malgré une union apparemment flatteuse dans le négoce bordelais, reste une gloire pour l’Agenais, ou Corbon, voire Jean Macé). En dehors même de toute alliance matrimoniale, l’ensemble des sénateurs, même s’ils se marient fort tard, se trouvent liés par toutes sortes d’affinités avec le monde parisien, à tout le moins avec les élites de leur province. Ces relations de famille, d’amitié, de politique, leur trajet professionnel ne sont pas toujours indépendants les uns des autres ; ils mettent au jour des cousinages, des filiations, des solidarités qui maintiennent cette population dans le cercle auquel elle est parvenue, l’univers des notables.

2Cinq sénateurs inamovibles sont des fils naturels ou en tout cas ne sont pas toujours fils des parents qui les reconnaissent à la naissance (Barthélémy Saint-Hilaire, Calmon, Deschanel, Dupanloup, Laurent-Pichat). Les discordances avec les origines avouées ne sont pas courantes ; tel est cependant le cas de Tirard : de naissance ouvrière, il épouse dès l’âge de vingt-trois ans Marie-Adélaïde Hébert qui lui apporte une dot confortable ; l’année suivante, il fonde rue du Temple une affaire d’exportation de bijouterie et d’orfèvrerie, à l’exemple d’un oncle "bijoutier à Genève

3Douze sénateurs sont restés célibataires, dont un seul par état : l’évêque d’Orléans Mgr Dupanloup. Chez les cinq généraux qui ne se sont pas mariés (Campenon, Chabron, Changarnier, Frébault, Gresley), les raisons de rester garçon apparaissent nombreuses, sans tout expliquer ; vie de garnison, longues campagnes, navigations au long cours, expéditions coloniales ne semblent pas a priori favoriser l’union conjugale, même si d’autres officiers, comme d’Aurelle, Billot, Cissey, les amiraux Fourichon et Jaurès, n’ont pas reculé devant celle-ci. Du côté des civils, Lanfrey se savait atteint d’une "maladie de poitrine " qui l’emporta au reste à l’âge de quarante-neuf ans ; il affichait surtout une horreur pour les "enlacements inextricables" que ne purent vaincre ses amis Charras et Ernest Picard. Si l’on peut arguer des difficultés financières que connut longtemps Barthélémy Saint-Hilaire, il n’en est pas de même pour les autres : le notable lyonnais Le Royer qui fut ministre de la Justice de Waddington en 1879, le très riche Greffulhe, l’héritier Louis Tribert, si peu parlementaire dans son comportement. Un trait pourrait les réunir : ils sont l’ornement des salons qu’ils fréquentent, tous bénéficient d’un réseau étendu de relations politiques, littéraires, voire spirituelles. Ainsi Tribert est-il désigné par Madame d’Agoult comme son exécuteur testamentaire ; Lanfrey, comme Adam, est un habitué du salon de celle-ci. L’amitié, en dehors de tout lien de famille visible, peut avoir joué un grand rôle dans ces apparentes solitudes : Barthélémy Saint-Hilaire était très lié à Victor Cousin, puis à Thiers, Mgr Dupanloup, directeur de conscience de tant de dames dans l’aristocratie, allait séjourner chez de nombreuses relations, et régulièrement en Dauphiné chez ses amis du Boÿs ; c’est chez eux qu’il mourut. Laurent-Pichat enfin, resté célibataire, entre par le mariage de sa fille naturelle Marie-Geneviève dans la famille Kestner-Risler.

4Certains sénateurs, juristes de formation, descendent de familles d’hommes de loi, avocats, parfois de parlementaires de l’Ancien Régime. Des trajectoires qui mènent des offices et de la robe aux fonctions de magistrat, au métier d’avoué ou d’avocat, n’ont pas été interrompues lors de la Révolution, et peuvent remplir du XVIIIème au XIXème siècle le même rôle : ainsi pour Barrot, Bérenger, Guillaume de Maleville, Voisins-Lavernière. La famille de ce dernier a été anoblie sous la Restauration, a exercé durant deux générations au moins des magistratures publiques, amassé une belle fortune surtout terrienne et contracté des mariages dans la noblesse régionale. Il s’allie à la descendante d’un Capitoul, fille d’un membre du Corps législatif du Premier Empire : leur fille unique épouse un Galembert, il est alors vraiment intégré à la noblesse ancienne. Mais hors ce cas d’une ascension progressive commencée probablement avant le XVIIIème siècle, les métiers du droit peuvent, presque à eux seuls, ouvrir un avenir prometteur, à condition de se faire un nom et des amis. Si l’École de droit n’offre pas de formation bien contraignante, elle a été l’occasion de bien des amitiés de jeunesse, celle d’Ernest Picard et Émile Ollivier par exemple. La pratique de la parole et des dossiers s’apprend ailleurs, à la conférence du stage, à la conférence Molé, fondée en 1832 par Montalivet sous les auspices du roi, fréquentée par Wolowski et tant d’autres, ou dans le cabinet de tel avocat réputé. Plusieurs sénateurs sont passés par le cabinet du bâtonnier Félix Liouville. Allou y vient, après avoir été avocat d’assises et s’être familiarisé avec les mécanismes de la procédure chez un avoué. Il s’oriente désormais vers des plaidoyers civils ou politiques. Secrétaire de la conférence des avocats, président de la conférence Molé, secrétaire de Liouville, Ernest Picard épouse sa fille Sophie en 1860 ; il devient de la sorte le neveu d’un élu de 1848, le beau-frère d’un futur député de la Meuse qu’il représente lui-même en 1871.

5Preuve du manque d’intérêt des contemporains pour la vie privée des hommes publics, l’âge au mariage n’a pas été retrouvé dans les dictionnaires et notices usuels pour vingt-deux sénateurs. Les plus grandes fréquences de mariage s’observent entre vingt-et-un et vingt-huit ans : trente-trois unions, puis après la trentième année : trente-cinq unions avant quarante ans, dont trois à trente ans (Marcère, Dupuy de Lôme, Lalanne), sept à trente-et-un ans (d’Aurelle de Paladines, Carayon Latour, Montaignac de Chauvance, Chanzy, Fourcand, Kolb-Bernard, La Rochette). Passé trente-cinq ans, la décrue est rapide. Neuf seulement se marient à plus de quarante ans.

6Parmi les cent quatre sénateurs mariés, ne se compte aucune séparation, le divorce étant exclu avant la loi Naquet (1884). Ceux qui sont morts sans descendance directe sont au nombre de vingt, si l’on inclut Oscar de La Fayette, marié à trente-trois ans, veuf à trente-cinq, qui ne se remaria pas. Cinq d’entre eux appartiennent à l’armée, où du reste les mariages tardifs sont assez fréquents. Là ou ailleurs, quelques cas peuvent être interprétés comme des régularisations (Adam épouse Juliette Lamber à cinquante-deux ans, Billot convole à cinquante-et-un ans, Cazot à soixante ans, Macé à trente-cinq ans épouse une femme de quarante-huit ans). La répartition n’est pas totalement aléatoire. Ceux qui contractent alliance de la façon la plus précoce appartiennent pour partie à des familles de la noblesse ou de la bourgeoisie installée (Laboulaye est marié à vingt-et-un ans, Montalivet, d’Audiffret à vingt-deux ans) ; les autres observent les coutumes du monde de la fabrique et du négoce, où l’on entre jeune dans les affaires : ainsi Pajot, fils de marchand, notaire parisien, épouse-t-il à vingt-et-un ans Camille Ridez, fille d’un négociant lillois. C’est à Lille, dans la vieille bourgeoisie et le milieu des œuvres, qu’il se taille une place. Bourgeois de Lille cette fois par la naissance, l’avocat Antoine Théry, dont les parents eux-mêmes étaient cousins, épouse à vingt-cinq ans sa cousine Caroline Leclercq : tous deux sont issus du même milieu industriel et négociant. Ainsi se tissent et se retissent les liens à la fois économiques et familiaux qui unissent si fortement les familles bourgeoises du Nord, dont les noms se retrouvent à l’envi dans la généalogie des Théry.

7D’une famille patricienne de Mulhouse, Scheurer-Kestner est entré dès l’âge de vingt ans dans l’entreprise textile familiale. Son mariage avec Céline Kestner a lieu trois ans plus tard : il entre ainsi dans la grande entreprise chimique possédée par son beau-père à Thann. A la mort de ce dernier, même l’annexion de l’Alsace et son mandat de sénateur ne l’empêchent pas d’assumer la direction de l’entreprise. La dot de l’épouse et l’influence de la belle-famille constituent un élément parfois essentiel dans la réussite sociale du sénateur ; la dot comporte parfois un château où va désormais vivre celui-ci entre les sessions parlementaires.

8Un Auguste Perier obéit à la tradition familiale, même s’il entre d’abord dans la carrière diplomatique. Il s’unit à vingt-trois ans avec la fille d’un député du Nord sous la Monarchie de Juillet devenu pair, Paturle. Veuf, il épouse à trente ans la fille d’un filateur de Vast, Camille Fontenillat, et devient ainsi le beau-frère du duc d’Audiffret-Pasquier, alors que sa sœur a épousé un autre inamovible, Chabaud-Latour. Les liens de famille des Perier s’étendent à l’envi dans le monde parlementaire, celui des grandes affaires et l’aristocratie.

9Les médecins, rares parmi les sénateurs, se marient ou ont des alliances dans le milieu médical (Rampont, fils de médecin, dont le gendre est aussi médecin). Quelques officiers épousent des filles d’officiers : Cissey, Chanzy, à trente-et-un ans, épouse en Algérie la fille d’un lieutenant-colonel, Dupuy de Lôme la fille d’un médecin-chef de la marine. Les officiers qui se marient attendent, pour la plupart, au moins trente-cinq ans. Si Oscar de La Fayette se marie dès trente-trois ans, Chadois épouse une Ségur à trente-sept ans, Letellier-Valazé la fille d’un baron d’Empire à trente-cinq ans, Cissey à trente-six ans, Fourichon la meilleure amie de la fille de Bugeaud à trente-sept ans. Jaurès épouse Mélanie Jullienne à quarante ans, l’amiral Peyron, à quarante-neuf ans, épouse avec une petite dot la fille d’un pharmacien en chef des hospices civils, Billot, à cinquante-et-un ans, la belle-fille, bien dotée, du sénateur Dufay. Hors l’armée, les rares unions après quarante ans peuvent s’expliquer par l’attente d’une position plus élevée qui permet le " beau mariage" ; ainsi Agénor Bardoux, à quarante-quatre ans, s’est hissé assez haut pour épouser la fille d’un riche banquier de Millau. Leur fils Jacques, dont l’unique frère meurt sans alliance, n’a pas à connaître ces délais ; il entre de plain-pied dans le monde parisien et épouse à vingt-cinq ans Geneviève Picot, petite-fille de Camille de Montalivet : l’"étape" a été franchie. Dans leur nombreuse postérité, figure May Bardoux, mère d’un président de la République, Valéry Giscard d’Estaing. Par l’alliance Montalivet, ce dernier peut donc compter deux sénateurs inamovibles dans son ascendance. Cinq sénateurs inamovibles, outre Bardoux, sont ainsi ascendants directs ou grands-oncles de présidents de la République : Carnot, Deschanel, Kolb-Bernard (de Gaulle), Montalivet et Perier ; fils et frère de députés, Albert Grévy est le frère du président Jules Grévy.

10Les sept remariages repérés ne sont pas nécessairement tardifs. Baragnon épouse successivement deux demoiselles Daudé de Lavalette, la seconde à trente-sept ans ; il en a quatre enfants. La première femme de Pelletan lui donne une fille, mais meurt quand il a trente-huit ans ; Marguerite Virginie Gourlier, épousée deux ans plus tard, devient mère de cinq enfants, dont Camille. Veuf à trente ans de Virginie Paradis, épousée quand il a vingt-et-un ans, Laboulaye épouse à trente-trois ans Valérie Michelin. Henri Wallon est déjà père de sept enfants quand il devient veuf. Il se remarie presqu’aussitôt avec Pauline Boulan qui lui en donnera trois autres. Dans tous les cas, le recours au remariage peut être perçu comme le sentiment qu’il faut donner une nouvelle mère aux orphelins ou combler une solitude précoce. Telles ne sont sans doute pas les motivations du général d’Aurelle de Paladines qui, après avoir eu quatre enfants d’un premier mariage, attend l’âge de cinquante-huit ans pour épouser Hortense Blachette, descendante des Lesseps, qui met au monde quatre autres enfants. De même Grandperret se marie une première fois à trente-trois ans, et contracte une nouvelle union (le nombre des enfants, dans ce dernier cas, n’est pas connu) seulement à cinquante-quatre ans.

11Sauf quelques familles patriarcales (Wallon a eu dix enfants, d’Aurelle et La Rochette huit, Chesnelong sept), les sénateurs inamovibles ont souvent restreint leur descendance. Ils sont une minorité, vingt-et-un, à avoir eu quatre enfants et plus ; quatorze en ont eu trois. Ceux qui en ont eu deux ou un sont respectivement vingt-deux et dix-neuf. Le nombre est inconnu pour six d’entre eux. Le faible nombre au total invite à la prudence ; il semble toutefois que les traditions catholiques ont pu avoir leur rôle chez Kolb-Bernard (six enfants), Wallon, Buffet, Chesnelong, Tréville mais qu’au reste le comportement démographique ne saurait s’induire directement de la richesse de l’intéressé (Perier avait deux enfants) ni des opinions ou croyances professées (Pelletan et Berthelot avaient six enfants, Saisy de Kerampuil un seul).

12Dans la plupart des cas, le mariage constitue ainsi une affaire de proximité sociale et financière. Le montant de la dot est révélateur, plus révélateur encore serait celui des "espérances" qu’apportent les époux dans la communauté. Mais se marier, c’est aussi entrer dans une famille, déjà connue, souvent, et nouer des alliances qui peuvent s’étendre loin dans le champ des élites politiques et sociales. Le sénateur n’est pas toujours seul à être parlementaire dans une telle configuration. Ainsi Ferdinand Barrot fait-il souche de bonapartistes ; il est frère d’Odilon, lui-même petit-gendre de Xavier Labbey de Pompières, autrefois député de l’Aisne. Ses trois filles épousent respectivement Philémon Fouquet, élu de la majorité dynastique pour l’Eure du Corps législatif, Aymar Joret des Closières, député de l’Appel au peuple du Calvados (1877-1878), Edgar Jean Laroche-Joubert, député bonapartiste de la Charente (1884-1906). Ferdinand est également l’oncle d’un autre Odilon Barrot, député républicain de l’Ardèche (1893-1902), et, par alliance, de Joachim Murat, élu de l’Appel au peuple du Lot (1871-1889). Par alliance aussi, il est grand-oncle de Pierre Lebaudy, député de Seine-et-Oise de 1890 à 1910, de Jacques Piou, élu de la Haute-Garonne (1885-1893 et 1898-1902), puis de la Lozère (1906-1912), tandis que l’un de ses petits-neveux épouse la fille du maréchal Canrobert, sénateur du Second Empire et de la Troisième République.

13Fondateur d’une lignée politique, Adolphe Crémieux épouse une coreligionnaire qui exerce une grande influence sur son activité politique ; la conversion de celle-ci et de ses enfants au catholicisme entraîne en 1845 une interruption des fonctions du sénateur dans le monde judaïque. Leur fille Mathilde épouse en 1853 l’avocat Alfred Peigné à Saint-Roch. La petite-fille de ce couple devient la femme de Gaston Thomson qui fut député de Constantine et ministre. L’unique fils des Crémieux meurt prématurément, mais laisse une fille qui épouse Jean Cruppi, avocat général à la cour de cassation et ministre dans le cabinet Clemenceau où il rejoint Gaston Thomson. Par l’effet de parentés et d’alliances d’autant plus étendues que les enfants sont nombreux, les Kestner-Risler, famille d’industriels d’abord, comptent dans les rangs, resserrés par de fortes convictions républicaines, de leurs enfants et de leurs gendres, sur six générations, dix-huit parlementaires. C’est ainsi que Jules Ferry, par son mariage avec Eugénie Risler, devient neveu de Charles Floquet, de Charras, de Victor Chauffour et de Scheurer-Kestner : le mariage de leur petite-nièce Fresnette, fille d’Abel Ferry, avec Edgard Pisani fait continuer la dynastie jusqu’à la Cinquième République. Un autre exemple patent de familles parlementaires se manifeste chez Corne. Fils d’un député du Pas-de-Calais, il compte parmi ses neveux et cousins proches au moins dix-sept sénateurs et députés du Nord, dont quatre Legrand, quatre des Retours et trois Plichon.

14Au total, le mariage est l’une des manières les plus ordinaires de s’enraciner dans l’élite, pour les sénateurs inamovibles. Il obéit cependant à des lois rarement enfreintes. Il n’est pas habituel d’épouser une femme d’une autre religion : les protestants se marient entre eux, les catholiques font de même. Peu d’exceptions, sinon le mariage d’Haussonville et Louise Albertine de Broglie, ou celui de Berthelot, catholique d’origine, avec une protestante. Jauréguiberry au contraire, d’une famille d’origine catholique, élevé par sa mère dans la religion protestante, épouse une fille de pasteur : leurs enfants s’allient à de vieilles familles protestantes. Ce qui est vrai pour la religion l’est aussi pour le milieu social où évoluent ces notables. La noblesse trouve alliance dans la noblesse, surtout si elle est de sensibilité légitimiste (Comulier-Lucinière, Lorgeril, Montaignac de Chauvance, Poictevin de La Rochette, Saisy de Kerampuil, Tréville ou Tocqueville, plusieurs sénateurs sont alliés avec les Ségur). Il faut être riche pour se faire pardonner une noblesse de fraîche date (Carayon Latour), voire la bourgeoisie. Mais la noblesse d’Empire (on relève des alliances avec le général Leclerc, les maréchaux Maison et Pérignon) trouve aussi bien sa place que l’aristocratie d’Ancien régime dans les familles étudiées, et la noblesse récente ne tarde pas à trouver des alliances flatteuses (Voisins-Lavernière par exemple). L’une des filles de Montalivet, lui-même marié à la fille du maître de forges Paillart-Ducléré, devient marquise de Gouvion Saint-Cyr, une autre épouse Georges Picot, maître à penser du Centre gauche.

15S’il n’est pas toujours harmonieux par les âges respectifs des conjoints – la règle générale étant que l’épouse est plus jeune, voire beaucoup plus jeune que l’époux – le mariage se conclut en somme dans un cercle assez restreint, une fois définies les conditions jugées nécessaires de naissance et de fortune. Baragnon épouse successivement deux sœurs, La Fayette et sa sœur se marient avec des Bureaux de Pusy, d’Aurelle ou Théry avec leur propre cousine. Certains sénateurs sont cousins entre eux, tels La Fayette et Lasteyrie, tous deux petit-fils du libérateur de l’Amérique. D’autres, plus nombreux, sont beaux-frères et ont des liens de famille avec d’autres élus nationaux. Les sphères familiales sont donc à prendre en considération, car elles montrent l’étendue d’influence réelle de tel ou tel personnage. Ainsi se dessine, dans cette démarche à la fois publique et privée qu’est le mariage, un monde fait d’une ample variété d’attitudes selon l’origine, la religion professée et le niveau de fortune. Une non moins grande homogénéité se manifeste d’autre part à l’égard des alliances ainsi contractées. Le comportement des sénateurs inamovibles qui se sont mariés révèle donc à la fois des divisions parées de nuances subtiles et une communauté de vues sur la famille, sur son importance pour l’être social et l’avenir de la lignée.

La dynastie politique des Barrot

Famille originaire du Gévaudan

Source : P. André et C.R.H. du XIXe siècle

Note

1 Nous renvoyons une fois pour toutes aux notices individuelles et à la bibliographie générale de ce volume.

Indice delle illustrazioni

Legenda Famille originaire du Gévaudan
Credits Source : P. André et C.R.H. du XIXe siècle
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