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Monarchie et modernité

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René Bourreau

Première partie. Retrouver l’espace d’une restauration : 1876-1906

Chapitre I. Une exigence de conservation : 1871-1876

Texte intégral

Une ligne de départ

  • 1 Selon la formule de Paul M. Bouju et Henri Dubois, La Troisième République, PUF Que sais-Je ?, 1971 (...)
  • 2 Cf. Paul Bois, Histoire de Nantes, Privat, Flammarion, 1971, 384 p. – que confirment les travaux de (...)
  • 3 Publiée le 30/10/1873 mais la lettre est datée du 27/10/1873.

1Les débuts de la décennie 1870 correspondent, institutionnellement, au « temps des interrègnes »1. Et derrière cette formule apparaissent d’un côté Thiers et Gambetta auxquels se référeront les républicains nantais et, d’un autre côté, les défenseurs des « honnêtes gens » : le duc de Broglie, le président de Mac-Mahon ; mais aussi, en arrière-fond, les « Communards ». Toutefois, si la Commune oppose Paris à la province, elle ne divise guère Nantes et sa campagne2, sinon de manière polémique, ce qui relativise l’opposition spatiale énoncée par André Siegfried. Il faut en déduire que les luttes politiques institutionnelles se dérouleront en Loire-Inférieure dans le cadre d’une problématique modérée, voire conservatrice. Celle-ci sous-tend mais n’efface pas les divergences ; le conservatisme de Thiers, (a fortiori celui de Gambetta, puis ultérieurement de Clemenceau), ne saurait se confondre avec celui de leurs adversaires et singulièrement avec le conservatisme du chef des légitimistes qui refusera d’inaugurer « un règne réparateur et fort par un acte de faiblesse », le comte de Chambord. Mais cette position intransigeante formulée en 18733, ne coïncide ni avec l’élection de 1871, ni avec celle de 1876. Ces deux élections n’ayant pas lieu selon les mêmes modalités techniques, on ne peut précisément mesurer de manière comparative l’impact électoral de cette attitude. C’est toutefois un élément non négligeable d’une lutte circonscrite au conservatisme dont on pressent bien que la signification ne saurait être univoque. Trois options principales s’offrent aux électeurs pour l’institutionnaliser politiquement : royaliste, bonapartiste et républicaine. Des options secondaires mais non négligeables pour notre propos peuvent s’offrir, en particulier selon que les royalistes se présentent, ou non, divisés en légitimistes et orléanistes.

2L’objet de ce premier chapitre est donc de faire un premier tour d’horizon, de vérifier si la droite royaliste s’impose d’emblée, si l’utopie rétrogressive apparaît électoralement crédible au « point de départ » de la temporalité proposée. Si cette version se confirmait, il serait opportun de réexaminer la borne initiale de ma périodisation. Dans le cas contraire, la thèse d’une permanente domination de la droite royaliste serait invalidée, son éventuelle affirmation pourrait alors s’observer durant la période retenue. L’hypothèse d’une exigence de reconstruction de l’utopie royaliste se poserait alors avec acuité pour ses partisans. Dans ce cas : ou elle s’impose rapidement et intégralement mais c’est peu vraisemblable ; ou elle ne s’impose que progressivement, au prix de compromis, d’alliances contraignantes et alors se creuse un écart entre l’utopie rêvée et l’utopie pratiquée par des cheminements qu’il devrait être instructif, voire passionnant, de caractériser. L’exigence de conservation, question posée d’emblée par le titre de ce chapitre, devrait dans ce cadre prendre toute sa signification. Elle ne s’épuise pas dans la notion voisine de conservatisme qui définit plus une attitude politique que stratégique, en l’occurrence, de préservation.

Des préalables « contrastés »

3Les élections départementales de 1871 et de 1876, ne seront pas ici étudiées en tant que telles, mais rappelées dans leurs traits essentiels en ce qu’elles contribuent à étayer les conclusions qui ressortissent de la présentation du scrutin législatif de 1876, lui-même situé dans la phase préalable à l’établissement de la République.

L’élection législative de 18714 : l’indétermination

  • 4 Synthétique présentation des modalités de cette élection dans Jean-Marie Mayeur,La vie politique, (...)

4L’offre électorale observable en 1871 présente les caractéristiques d’une situation expérimentale. Il convient d’autant plus de la schématiser d’emblée qu’elle s’avérera, du côté de la droite tout au moins, plus complexe à situer qu’il n’y paraît au premier abord :

TABLEAU N° 2 – OFFRE ÉLECTORALE LIGÉRIENNE, QUADRIPOLAIRE EN 1871

Orientations
Attitudes
Droite Gauche
Modérée Union des monarchistes composée de légitimistes, orléanistes, bonapartistes
(liste totalement élue)
Républicaine (R. Waldeck-Rousseau)
Intransigeante Légitimiste (liste incomplète et partiellement autonome –
 Olivier de Sesmaisons)
Union démocratique (B. Clemenceau)

5Cette quadruple configuration électorale permet de vérifier d’une part la réticence des électeurs vis-à-vis de la gauche républicaine quelle que soit la radicalité de son orientation politique ; d’autre part, et c’est ce qui doit le plus retenir notre intérêt, leur préférence pour une liste à tonalité monarchiste, celle-ci définie en son sens le plus extensif, jusqu’à accepter en son sein quelques virtuels républicains, il est vrai, très modérés.

  • 5 Selon la terminologie de mon introduction, ce restitutionnisme est « résistant » plutôt que « fonda (...)
  • 6 Son petit-fils, identiquement prénommé, deviendra député ligérien sous les IVe et Ve Républiques.
  • 7 Il s’agit du père de René Waldeck-Rousseau, le futur président du Conseil ; l’un et l’autre se prén (...)

6D’entrée de jeu s’affirme, chez les monarchistes, la logique d’un restitutionnisme « réaliste »5 : d’un côté par la confirmation d’une acceptation généralisée du jeu électoral ; de l’autre par la présentation d’une liste de compromis. C’est sur cet aspect de la question qu’il convient d’insister car cette liste, habilement composée du point de vue électoral puisqu’elle sera intégralement élue, suscitera une dissidence légitimiste significative. Le candidat de cette dissidence le mieux placé par les électeurs, Olivier de Sesmaisons6, arrive en 17e position avec 22 987 voix, soit plus de la moitié du score obtenu par le dernier élu, de la liste d’union des monarchistes, le bonapartiste et futur républicain Fidèle Simon : 40 632 voix. Autre point de référence, le premier battu qui est aussi le mieux placé de la liste républicaine, le maire de Nantes, Waldeck-Rousseau7, recueillera 34 569 suffrages.

  • 8 Avec notamment le docteur Benjamin Clemenceau, père de Georges et Charles Laisant, Gustave Roch, ce (...)

7Cette audience d’un légitimiste « pur » O. de Sesmaisons aurait été plus imposante si sa candidature n’avait été présentée de manière hétérodoxe, mais on doutera que lui et ses amis aient pu vaincre sous leur propre drapeau. La liste légitimiste électoralement dissidente est en effet pour partie composée de candidats de la liste d’union et ce n’est pas l’un d’eux qui arrive bon premier mais Babin-Chevaye que les historiens classeront « républicain conservateur » et qui votera tantôt avec la droite, tantôt avec la gauche, il réunira 71 613 suffrages. D’une manière générale, l’électorat ligérien préférera des hommes du centre-droit aux républicains modérés, a fortiori aux républicains « avancés » de « l’Union Démocratique » qui n’obtiendront guère que 7 000 à 8 000 voix en moyenne8.

8Faute de campagne électorale explicitant les positions des candidats on se trouve démuni de documents, type professions de foi, pour caractériser les orientations. En cette absence, il convient d’accorder une importance particulière à deux sources :

9La première renvoie aux identifications des listes qui présentent l’extrême avantage, pour notre propos, d’opposer les légitimistes intransigeants à une liste de compromis, ce sur quoi il faut insister. La seconde renvoie à l’examen des principaux votes émis à la Chambre qui met en exergue l’hétérogénéité de la liste d’union.

  • 9 Seuls huit noms sont concernés sur les douze présentés et élus : d’une part, la liste légitimiste y (...)

10Lors de cette élection de 1871, nous disposons de deux moyens d’apprécier la force électorale des candidatures monarchiques ; la première est classique et réfère à l’opération ci-dessus effectuée, d’appréciation des résultats électoraux qui montre que la liste légitimiste protestataire bénéficie, globalement, d’une moindre audience que la liste monarchiste d’union. Sur celle-ci figure un certain nombre de royalistes également agréés par la liste légitimiste. Nous disposons donc d’un second moyen de mesurer le crédit indirect des candidats les mieux acceptés par la « branche aînée » dont la répulsion est particulièrement vive à l’égard des bonapartistes. Je présente en conséquence ci-après les élus monarchistes ayant bénéficié de l’appui des légitimistes dans l’ordre énoncé par eux, et qui fait fi de la règle « neutre » du rangement alphabétique, et de celui des électeurs eux-mêmes9 (voir graphique n° 1).

  • 10 Sur l’intérêt de cette technique, cf. Ludovic Lebart, Jean-Pierre Fénelon,Statistique et Informati (...)
  • 11 La protestation que Le Phare de la Loire se fait un malin plaisir de publier est signée pour l’esse (...)
  • 12 Le Phare de la Loire du 07/02/1871.

11On le voit, la « courbe » du classement légitimiste ne se superpose que pour de Juigné et de Comulier avec celle du classement des électeurs. A titre indicatif, on peut signaler que le coefficient de corrélation par rangs10 est nul, ce qui signifie que la liaison est très faible, que la double étiquette est assurément peu efficiente, sans pour autant être handicapante, hormis sans doute pour les bonapartistes. Si un vif réflexe anti-légitimiste avait existé chez les électeurs, on peut penser que la dissidence eût été très préjudiciable à tous les royalistes qui furent, bon gré, mal gré, objets de la protestation légitimiste11. Ladite protestation était univoque puisqu’elle énonçait que « les électeurs soussignés ne peuvent, dans leur conscience de citoyen et de français, adhérer à une liste susceptible, fût-ce pour un seul nom, d’être soupçonnée de tendances bonapartistes »12. En conséquence, l’appel est lancé à voter pour la liste qu’ils tiennent à la disposition des électeurs. Est ensuite présentée ladite liste en tête de laquelle sont placées deux personnalités « nationales », le général Trochu, et Keller ancien représentant, qui recueilleront moins de voix qu’Olivier de Sesmaisons placé en quatrième position.

GRAPHIQUE N° 1 – CLASSEMENTS PAR LE PARTI LÉGITIMISTE ET PAR LES ÉLECTEURS, DES ÉLUS MONARCHISTES SOUTENUS PAR LA LISTE LÉGITIMISTE EN 1871

GRAPHIQUE N° 1 – CLASSEMENTS PAR LE PARTI LÉGITIMISTE ET PAR LES ÉLECTEURS, DES ÉLUS MONARCHISTES SOUTENUS PAR LA LISTE LÉGITIMISTE EN 1871
  • 13 Le Phare de la Loire du 07/02/1871.
  • 14 Le Phare de la Loire des 07-09/02/1871 produit des pièces de l’évêché selon lesquelles un vicaire g (...)

12Selon Sincérus, l’ironique chroniqueur du Phare de la Loire, journal républicain, le parti légitimiste se montre encore trop modeste dans son appel car plusieurs de ses candidats n’ont « aucune opinion politique connue. Ce sont d’honorables indifférents en pareille matière, dont la ligne de conduite laisse place à tous les compromis (...) suivant la direction du vent et les hasards de la fortune ». Sincérus plaint cette « pauvre légitimité, sacrifiée d’un côté au bonapartisme, et de l’autre à l’Église »13. Pour les légitimistes intransigeants, il convient, nous dit Sincérus dans son langage coloré, d’éviter le renouvellement de la bévue de 1848 « en tirant une couronne du feu pour la mettre sur la tête d’un Bonaparte »14.

  • 15 Le Phare de la Loire des 07-09/02/1871.

13Si l’on comprend bien Sincérus, les protestataires de la liste dissidente qui n’auraient d’attaches qu’avec l’aristocratie et le cléricalisme « local » auraient été sacrifiés sur l’autel de l’union voulue par l’évêché15. Si tel est le cas, se confirme une division à trois niveaux dans le camp traditionaliste. Dans l’une et l’autre liste font en effet acte de candidature des notables : politiquement légitimistes, socialement aristocrates et religieusement catholiques. Quel que soit le crédit accordé aux dires de Sincérus on ne manquera pas de remarquer que l’échec de la liste légitimiste aura d’importantes conséquences sur la relance du traditionalisme ligérien. L’absence ensuite, jusqu’à la fin de la IIIe République, d’un représentant de la famille de Sesmaisons, dans le tableau de l’offre électorale est tout à fait symptomatique de la prééminence d’une politique de compromis. Mais gardons-nous d’en déduire que celle-ci prévaudra nécessairement et continûment jusqu’en 1936.

  • 16 Il s’agit de I. Samuel, § VIII, Le Phare de la Loire du 09/02/1871. Cf. Chapitre « Le peuple d’Isra (...)

14Par ailleurs, c’est en vain que Le Phare de la Loire, par la plume de Frédéric Hauterive, aura tenté non seulement de montrer que Dieu « hait les rois » mais corrélativement qu’il « aime la République » ; ce, dans son long article titré « Par la grâce de Dieu », en prenant appui sur des maximes de la Bible jugées « passablement républicaines »16. Nous aurons de nombreuses occasions de revenir sur la confusion tantôt opérée, tantôt levée entre cléricalisme et religion et plus spécifiquement sur la tentative des républicains de présenter le régime de leur choix sous un jour favorable aux catholiques, qui n’en restent pas moins sceptiques si l’on en croit les résultats électoraux. Ceci étant, la seconde source utilisée pour apprécier l’homogénéité de la droite monarchiste, mais cette fois exclusivement des élus, n’est autre que celle caractérisant leurs votes à la Chambre.

  • 17 Scrutins retenus : sur la question de confiance posée par le Ministère de Broglie le 16/05/1874, su (...)

15En sélectionnant les trois scrutins les plus discriminants des huit votes retenus par Jacques Gouault17, on obtient les profils parlementaires suivants :

  • 18 Code des profils : 1 = vote à tendance de droite, 2 = vote à tendance de gauche, 3 = abstention ou (...)

TABLEAU N° 3 – PROFILS POLITIQUES DES DOUZE DÉPUTÉS LIGÉRIENS ÉLUS EN 1871, D’APRÈS LEURS VOTES À LA CHAMBRE EN 1874-187518

TABLEAU N° 3 – PROFILS POLITIQUES DES DOUZE DÉPUTÉS LIGÉRIENS ÉLUS EN 1871, D’APRÈS LEURS VOTES À LA CHAMBRE EN 1874-187518

16On peut expliciter le constat d’une dispersion, d’un éclatement de la liste :

  • Les légitimistes modérés sont paradoxalement les plus homogènes dans leurs votes car leurs homologues intransigeants manifestent leur haine de l’orléanisme en votant avec le bonapartisme et le centre-gauche contre le Ministère de Broglie, le 16 mai 187719, d’où leur profil « 211 ».
  • Les quatre orléanistes sont particulièrement divisés même si l’on fait abstraction de la configuration « 114 » avec Joseph Cheguillaume, en congé.

17Le bonapartiste se retrouve sur la même ligne que les légitimistes d’extrême-droite ce qui disqualifie la méfiance initiale de la liste légitimiste mais a contrario le centre-gauche n’existe que par la défection d’un bonapartiste : Fidèle Simon, élu avec le soutien de la droite et qui l’accompagne dans ses premiers votes à la Chambre, en début de législature. Au total, si les acteurs politiques éprouvent quelques difficultés à « trouver leurs marques », il en va de même et ceci doit expliquer cela, des analystes. La terminologie généralement usitée par ceux-ci, trahit elle-même les hésitations : en 1871 les royalistes sont placés au centre-droit, les bonapartistes et monarchistes à droite, les légitimistes à l’extrême-droite. Ces derniers ne seraient-ils pas monarchistes ? Le vocabulaire manque pour le moins de précision mais il traduit surtout les difficultés d’une relance claire et précise de la vie politique. Il est toutefois patent qu’en Loire-Inférieure le légitimisme dynastique le plus farouchement anti-bonapartiste est d’emblée écarté, éliminé de la députation. C’est de bon augure pour l’orléanisme modernisateur, sous réserve que la question dynastique ne s’impose pas comme prééminente aux légitimistes acceptant le compromis d’alliance électorale.

Les élections départementales de 1871

  • 20 L’Espérance du Peuple des 02 et 03/10/1871.
  • 21 L’Espérance du Peuple du 14/10/1871.
  • 22 L’Espérance du Peuple du 11/10/1871.
  • 23 Henri de Cornulier est battu à St Philbert-de-Grand-Lieu, Pierre de Montaigu à St Gildas-des-Bois.
  • 24 A toutes fins utiles je précise qu’il s’agit ici des partisans du régime impérial en l’occurence de (...)
  • 25 L’Espérance du Peuple des 19 et 20/06/1871.

18Au renouvellement des conseillers généraux, en 1871, les royalistes peuvent se permettre de ne patronner aucun candidat, estimant que les électeurs sauront bien mieux apprécier la valeur des hommes qui se présentent. Mais c’est aussi, et davantage encore, une mesure de prudence face aux candidatures fratricides dont les élections législatives ont été le théâtre ; c’est pourquoi le porte-parole royaliste Emerand de la Rochette ne saurait trop recommander « l’Union et l’activité »20. L’appel sera réitéré pour le second tour, avec cette fois, la situation étant décantée, un bandeau de présentation des candidats privilégiés par l’Espérance du Peuple 21. Mais dès l’issue du premier tour, la journée a été jugée « bonne pour les monarchistes » ; ils n’en devront pas moins déplorer l’échec d’un de leurs plus éminents représentants dont j’aurai l’opportunité de reparler, le comte de Juigné qui, président du Conseil Général de Loire-Inférieure, lutta contre la dissolution des assemblées départementales prononcées par le « dictateur Gambetta »22. En dépit de ce faux pas et de quelques autres insuccès23, les royalistes se sentent en position de force à la veille du renouvellement des sénateurs. Ils pourront d’autant mieux affronter, non seulement les républicains, mais aussi les impérialistes24 qui incarnent un régime « de despotisme et de honte »25.

  • 26 C’est la triple alliance dénoncée par Evariste Mangin le rédacteur en chef du Phare de la Loire en (...)
  • 27 Le patronyme de ce conseiller général bonapartiste, jamais élu à la députation, est orthographié av (...)
  • 28 Le Phare de la Loire du 21/10/1871.
  • 29 Le Phare de la Loire du 21/10/1871.

19L’union « clérico-légitimo-bonapartiste »26 peut d’autant plus aisément être délestée de son troisième terme qu’aux récentes élections législatives, les bonapartistes sont arrivés bons derniers et que lors de cette élection départementale de 1871 ils n’ont pas connu de grands succès ; même s’il est incontestable que Le Phare de la Loire minimise leurs acquis en ne rangeant que Gaudin et de la Nouë-Billaut27 dans le courant bonapartiste, excluant en particulier Ginoux-Defermon. De même le journal républicain prend-il ses désirs pour des réalités en concluant que la légitimité, au lendemain de ce renouvellement complet des Conseils Généraux, perd « Tout le terrain que la République légale y a gagné, sans conteste »28. En effet, on décompte une minorité de légitimistes, soit 12 sur 45, ce qui est plausible mais place aléatoirement aux côtés des dix républicains déclarés deux catégories d’élus conservateurs-libéraux. Des premiers, parmi lesquels sont rangés 12 élus, le Phare écrit qu’« il est permis de croire que la politique de M. Thiers (les) aura pour adhérents ». Des seconds, parmi lesquels sont groupés 7 élus, il juge « également permis de supposer (qu’ils) ne se prêteront à aucune tentative ayant pour but d’entraver l’action du Gouvernement »29.

20Ces espérances ne sont pas qu’a posteriori illusoires car on ne saurait manquer d’être frappé par les échecs de certains royalistes à cette élection départementale de 1871, y compris dans le Sud-Loire rural, avec, au premier chef, celui même du Président sortant de cette assemblée, dans le canton de Bourgneuf-en-Retz. Il est possible que ce désaveu ponctuel de son électorat, le plus proche géographiquement, l’ait incité à assouplir sa position car il figure au rang des rares « chevau-légers », le seul du département, qui n’aient pas signé la proposition du 16 juin 1874 présentée par le duc de Bisaccia, devant l’Assemblée, en faveur de la monarchie.

  • 30 Cf. Philippe Levillain, « Un chevau-Léger de 1871 à 1875 : Joseph de la Bouillerie », Revue Histori (...)
  • 31 Au total sept « chevau-légers » s’abstiennent. Cf. Stéphane Rials, Le légitimisme, op. cit., (p. 95 (...)
  • 32 Plus habituellement prénommé Gustave.
  • 33 Futur député de Loire-Inférieure et importante personnalité royaliste nationale. Son patronyme recè (...)

TABLEAU N° 4 – QUELQUES POSITIONS DES « CHEVAU-LÉGERS » LIGÉRIENS 1873-187430 31 32 33

TABLEAU N° 4 – QUELQUES POSITIONS DES « CHEVAU-LÉGERS » LIGÉRIENS 1873-187430 31 32 33
  • 34 Le vicomte de Meaux, peu suspect de tendresse pour les « Chevau-Légers », écrit : « M. de la Rochet (...)

21L’appartenance au groupe des « chevau-légers » est une question très controversée qui, par-delà la difficulté de retrouver des sources irrécusables et complètes, reflète indéniablement le caractère fluctuant du légitimisme. A preuve encore la mésaventure survenue au baron de la Rochette qui fut seul à porter la responsabilité d’une tractation avec la gauche par « haine du parti orléaniste », auquel il avait voulu fermer la porte du Sénat quitte à l’ouvrir à ceux du Parti Républicain34.

22Afin de caractériser la situation durant ces années d’interrègnes j’ai argumenté en m’aidant du vote des élus, ce qui déroge à la règle méthodologique énoncée d’entrée de jeu. Il serait aisé de rétorquer que ladite règle ne se veut pas absolue mais l’important est plutôt de noter que ce matériau ne fait que renforcer le constat d’une élite politique traditionaliste divisée. On se trouve éloigné de l’image d’un bloc rétrogressif compact. Ceci étant, et la suite de l’exposé le montrera, toute appréciation est relative ; si l’on compare la Loire-Inférieure à un département républicain, tenté par le radicalisme, le stéréotype d’une région réactionnaire se crédibilise. Mais l’objet est plutôt de le confronter au type idéal d’un groupement volontaire « cohésif ». De ce point de vue les failles observées prennent une grande importance.

L’élection sénatoriale de 1876

  • 35 L’Union Bretonne des 2 et 3/01/1876.
  • 36 L’Union Bretonne des 2 et 3/01/1876.

23L’Union Bretonne bonapartiste ne jugeant pas crédible un retour immédiat au pouvoir de la dynastie qu’elle révère, adopte le conservatisme libéral comme référent stratégique à la veille des élections sénatoriales de 1876, afin que puisse se produire l’union « des honnêtes gens de tous les partis »35. Cette vision consensuelle, désutopisante, exclut néanmoins « Tout ce qui n’appartient pas au radicalisme par convoitise, par malfaisance ou par complicité ». Pour figurer avec les bonapartistes « parmi les champions de la conservation sociale », il faut pouvoir défendre ce qui est en péril : « la religion, la famille, l’ordre ». Ici, le bonapartisme vise à contenir le danger issu des fidèles du comte de Chambord dont il ne voit pas qu’ils soient plus que les bonapartistes intéressés « à soutenir ces trois bases essentielles de la société ». Du côté des bonapartistes, l’important, pour l’heure, n’est pas de faire triompher tel ou tel camp, tel ou tel monarchisme, mais d’éviter que « tout ne s’effondre ». En conséquence, le soulèvement de la Commune ne peut que conforter la thèse suivante : « l’alliance de tous les éléments sociaux est indispensable contre la coalition de tous les éléments révolutionnaires »36.

24Bien qu’à ces élections sénatoriales le bonapartisme ait présenté des personnalités chevronnées, un ancien préfet de Loire-Inférieure et deux anciens parlementaires, il est implacablement mis en échec par les légitimistes qui remportent les trois sièges, les républicains n’ayant fait que de la figuration. Dira-t-on pour autant que les légitimistes dominent d’ores et déjà la scène électorale ligérienne ? Ils bénéficient incontestablement de l’appui d’une majorité d’élus locaux, particulièrement dans les Conseils Généraux et d’Arrondissement.

25Mais cette domination n’apparaît pas sans faille au regard d’une définition idéale-typique du légitimisme :

  • Les trois élus « de la liste monarchique », choisis par le Comité électoral « de la Droite » sont étiquetés « conservateurs ». Ces qualificatifs flottants ne sauraient être contestés puisqu’ils sont repris du journal des légitimistes : l’Espérance du Peuple37.
  • Ces mêmes candidats sont certes élus mais à une majorité relativement faible puisqu’ils obtiennent de 162 à 165 voix sur les 326 suffrages potentiels38.
  • 39 L’Union Bretonne des 02 et 03/02/1876.
  • 40 L’Union Bretonne des 02 et 03/02/1876.

26Selon les calculs des bonapartistes39, les légitimistes ne pouvaient vaincre seuls : « même avec l’adjonction de vingt-cinq orléanistes, ils ne pouvaient réunir que 130 voix » ; il fallait donc qu’ils obtiennent le concours du bonapartisme. Celui-ci dénombre ses propres forces qui apparaissent effectivement minoritaires. Il ne compte qu’un député sur onze, trois ou quatre conseillers généraux sur 44 et au niveau des conseillers d’arrondissement, « un déficit considérable » ; d’où sa déduction que « le gros de nos électeurs, environ 65 (…) appartient donc aux délégués municipaux » soit ici un nombre sensiblement égal à celui des monarchistes. Les bonapartistes auraient en conséquence réparti leurs voix entre les listes royaliste et républicaine dès lors que la leur, trop minoritaire, se fut retirée. Selon leur propre source, l’élu royaliste J. de Lareinty aurait bénéficié au premier tour de 32 suffrages bonapartistes. Le général de la Villeboinest aurait également obtenu le concours desdits bonapartistes, lesquels voulaient « avant tout éviter la nomination d’un républicain ». Quant au troisième élu, de la Vrignais, l’Union Bretonne juge qu’il n’aurait certainement pas été élu « si nous n’avions formellement empêché cinquante des nôtres de porter leurs voix sur M. Fidèle Simon, en dépit de leur mécontentement et du désir qu’ils éprouvaient d’infliger à la fin un échec aux victorieux »40.

27En bref, il semble bien qu’à ces premières élections sénatoriales de la IIIe République naissante, les légitimistes ne pouvaient que difficilement faire triompher leurs trois candidats en s’affichant ès qualités. Ils se montrèrent « intraitables » tactiquement, par leurs refus de négocier, souples stratégiquement par leurs dénominations, ce qui souligne la complexité d’une intransigeance doctrinale non remise en cause. Et l’existence d’un ancrage local notabiliaire consistant qui doit relativiser l’hypothèse d’un groupement volontaire évanescent.

Les positions aux législatives de 1876

  • 41 L’Union Bretonne des 02/02/1876 et 18/02/1876. J’y ajoute la dichotomie droite-gauche.

28Aux élections législatives de 1876 où les identifications apparaissent globalement moins incertaines qu’en 1871, les légitimistes ne s’affirment pas avec force auprès des électeurs. Ils obtiennent un nombre de sièges identique à ceux du parti bonapartiste -trois – alors que ce dernier n’en avait obtenu qu’un seul en 1871, à Châteaubriant. Les républicains se font reconnaître par les électeurs urbains, Nantes élit le radical Charles-Ange Laisant et Saint Nazaire le républicain modéré, ex-bonapartiste, Fidèle Simon, grâce au retrait de son cousin le bonapartiste Amaury Simon, ce, au détriment du légitimiste Henri Couëtoux. Mais voyons plus généralement la situation. L’organe d’expression des bonapartistes, l’ Union Bretonne ne saurait a priori objectiver une configuration électorale dans laquelle il est activement impliqué. Toutefois, grâce à sa position tout à la fois centrale et excentrée sur l’échiquier de la domination politique, et au talent reconnu d’analyste de son rédacteur en chef, on peut retenir pour base de réflexion la topographie qu’il propose ; c’est d’ailleurs la plus informative de toutes celles que j’ai pu consulter41.

TABLEAU N° 5 – « ÉTIQUETAGE » DES CANDIDATS EN 1876

TABLEAU N° 5 – « ÉTIQUETAGE » DES CANDIDATS EN 1876
  • 42 Les flèches du tableau indiquent le sens de la variation éventuelle de l’appréciation portée par l’ (...)
  • 43 Absence de candidat royaliste.
  • 44 Par « Ultra » il faut entendre ici : extrême-gauche.
  • 45 Appuyé par l’Union Bretonne car il « rendra de grands services à la ville de Nantes » et contre Lai (...)
  • 46 Absence de candidat républicain.
  • 47 Appuyé par l’Union Bretonne : « offre toutes les garanties d’ordre et de paix ».
  • 48 Appuyé par l’Union Bretonne sans commentaire.
  • 49 « Notre candidat est M. Amaury-Simon qui défendra avec énergie les intérêts si considérables de St (...)

SELON L’UNION BRETONNE42 43 44 45 46 47 48 49

  • 50 A ne pas confondre avec les légitimistes dissidents de 1871.
  • 51 Ce qualificatif d’orléaniste à l’endroit des journaux légitimistes est sans doute employé à des fin (...)
  • 52 L’Union Bretonne du 08/03/1876.

29A ces élections législatives de 1876, les légitimistes50 paraissent victimes de leurs intransigeances tactiques manifestées lors des précédentes élections sénatoriales où leurs trois candidats se sont imposés. Mais cette explication est insuffisante, l’attachement des ruraux aux personnalités bonapartistes apparaît d’autant plus éclatant que dans les trois circonscriptions où ils se sont vu opposer des légitimistes, leur triomphe a été systématique ; on comprend dans ces conditions que le directeur de L’Union Bretonne ne puisse réprimer sa jubilation : « les journaux républicains et orléanistes51 n’en peuvent pas revenir. Les résultats de l’élection de dimanche les jettent dans la stupéfaction et ils ne comprennent pas bien que le bonapartisme ait eu l’audace de se manifester, de par le suffrage universel, de façon à déconcerter leurs propres plans... »52.

  • 53 Ibid., cf. aussi L’Union Bretonne des 6 et 07/03/1876.
  • 54 Profession de foi publiée dans L’Union Bretonne du 16/02/1876.
  • 55 C’est le Premier et non le Second Empire qui est évoqué par le candidat.
  • 56 L’Union Bretonne du 04/03/1876.

30On peut penser avec ce journal que « ce serait bien autre chose si, au lieu d’une nomination de député, il s’agissait d’un vote souverain sur le caractère et la forme du Gouvernement lui-même »53. Ceci étant, les candidats bonapartistes, en fait du « Parti National », se sont montrés prudents quant aux perspectives de réforme des institutions. Il est vrai que, défenseurs de l’ordre avec Mac-Mahon, ils affirment leur respect de la Constitution actuelle. Ginoux-Defermon, seul élu en 1871, est représentatif de leur position lorsqu’il spécifie : « Seulement, le jour où cette constitution devra être légalement révisée, je demanderai que vous soyez tous appelés, comme c’est votre droit, à choisir la forme de Gouvernement »54. Et au second tour de scrutin, Ginoux-Defermon rappellera plus fermement ses antécédents familiaux et impériaux55. Comme son grand-père, il sera « dévoué à la Souveraineté du Peuple et au Drapeau Tricolore »56.

  • 57 L’Union Bretonne du 04/03/1876.

31La symbolique du drapeau est affirmée avec force par les bonapartistes lors de l’élection de 1876 où se déroulent des « triangulaires », ce qui ne se reproduira qu’exceptionnellement d’ici au scrutin de 1889. On peut de ce point de vue retenir comme typique le cas de Châteaubriant où, avec l’Union Bretonne, Gahier (légitimiste) est identifié au drapeau blanc par « ses aspirations », Récipon (républicain) au drapeau rouge par « ses antécédents » et Ginoux (bonapartiste) au drapeau tricolore par « ses traditions héréditaires et par son patriotisme »57. Le drapeau bleu n’existe manifestement pas, les républicains si modérés fussent-ils, comme Récipon, (ou F. Simon à Saint Nazaire etc.), sont « affublés » du drapeau rouge des révolutionnaires, ce qui est de bonne guerre mais pour le moins équivoque.

  • 58 Entendu en son sens original du gouvernement « d’un seul », qu’il s’agisse plus particulièrement d’ (...)

32D’une manière générale, les électeurs ligériens optent, en 1876, pour une solution de type monarchique58, avec une réelle préférence pour la version bonapartiste puisqu’en Loire-Inférieure ses candidats ont toujours triomphé face aux royalistes tandis que ceux-ci n’ont prédominé que là où le parti national (bonapartiste) était absent. Celui-ci ne doit donc pas être sous-estimé en dépit de sa faiblesse à mobiliser les notables comme l’a souligné l’élection sénatoriale. Mais l’issue d’une élection législative dépend généralement moins du poids de ces derniers qu’une élection sénatoriale, à suffrage indirect. Aussi peut-on s’intéresser prioritairement à la question de savoir à quels électeurs et en quels termes les candidats, spécialement les royalistes, s’adressent à eux.

  • 59 Rédacteur politique à L’Ami de la Vérité et à L’Espérance du Peuple, journaux royalistes associés.
  • 60 L’Ami de la Vérité du 19/02/1876.
  • 61 Cf. L’Ami de la Vérité du 15/04/1876, Charles Chesnelong (1820-1899), artisan du « fusionnisme » mo (...)
  • 62 Le Syllabus : Liste de propositions anti-modernistes émanant de l’autorité ecclésiastique, en l’occ (...)
  • 63 L’Ami de la Vérité du 15/04/1876.

33En cette période d’incertitude politique, ils doivent, au moins par leur presse, se défendre d’une volonté strictement restauratrice de l’Ancien Régime. C’est pourquoi le paysan peut être un enjeu décisif du scrutin de 1876 retenu comme expressif de cette phase historique. Mais le paysan n’est pas un professionnel indifférent à la civilisation dans laquelle il peut exercer son activité. Aussi H.A. Martin59 appelle-t-il à la protection de la religion, de la famille, de la propriété. Particulièrement de la religion, « fondement de tout ordre en ce monde », alors que les révolutionnaires « veulent une société sans Dieu »60. Il reste que la situation, de ce point de vue, n’est pas très tendue mais les critiques sont significativement orientées. Ainsi, lorsque H.A. Martin rapporte sur les débats à la Chambre, accuse-t-il les invalidations du comte de Mun, de Veillet, d’être prononcées au motif qu’ils sont catholiques ; il reprend les accusations de Chesnelong61 à l’égard de la gauche, laquelle veut s’attaquer à la religion en demandant la suppression du budget des cultes, l’exclusion de l’enseignement religieux et inversement l’inclusion des séminaristes dans les armées. Il s’esclaffe sur l’attitude d’un radical qui a déclaré : « Nous défendons Dieu contre le Syllabus62 ! »« Voyez-vous ce radical qui défend le bon Dieu contre le Pape »63, rétorque H.A. Martin plus interloqué que vraiment choqué. L’utopie ironique prend sens ici comme indice d’une difficulté à maîtriser la situation. Elle ne s’épuise toutefois pas dans le persiflage comme le confirment les observations qui suivent.

  • 64 L’Ami de la Vérité du 29/01/1876.

34En cette période d’incertitude institutionnelle mais plutôt favorable à l’église avec « l’Ordre Moral », le travailleur des champs, ai-je dit, est l’objet de régulières attentions du côté des royalistes. L’Ami de la Vérité, hebdomadaire royaliste, publie une très longue série de « lettres aux paysans sur la Révolution Française » en cette année 1876. Et plus ponctuellement, il insiste, dans une notice nécrologique, sur les mérites d’Ernest de la Rochette comme « bienfaiteur de la contrée pour les pauvres », mais aussi sur « les vastes défrichements qu’il avait entrepris, les grands progrès qu’il avait fait faire à l’agriculture (qui) avaient enrichi le pays et répandu l’aisance dans un grand nombre de familles »64.

  • 65 Terme non utilisé par le Phare, mais l’amertume à l’égard des paysans n’en est pas moins réelle.
  • 66 Le Phare du 11/10/1871.
  • 67 L’Ami de la Vérité du 14/10/1871.

35Ce discours ne convainc guère les paysans attachés au bonapartisme mais contribue à prévenir toute implantation républicaine. A ce propos, l’Ami de la Vérité aurait pu ironiser en 1876, comme en 1871, concernant l’échec des républicains et spécialement celui de leur porte-voix Le Phare qui vit « un moment de mauvaise humeur » à l’issue du premier tour des élections du Conseil Général et se plaint amèrement des « votes paysannesques »65. Le Phare qui pourra inspirer André Siegfried, ajoute que « l’état peu avancé de la civilisation, en dehors de Nantes, dans la Loire-Inférieure, explique l’élection de plusieurs oracles de la réaction royaliste »66. C’est-à-dire, en déduit L’Ami de la Vérité à l’adresse de ses lecteurs, que tous ceux qui ne votent pas pour les démocrates « sont des imbéciles, des sauvages, des brutes ». Le journal royaliste peut aisément affirmer que « les paysans seront flattés du compliment »67.

36A ce point de l’observation, il apparaît pertinent de clarifier plus avant la notion si disputée de « conservation » qui vise à rassurer, et si possible à séduire, les paysans d’une part, les catholiques d’autre part. L’Ami de la Vérité qui saisit l’intérêt de son usage, mais encore plus les ambiguïtés qu’il charrie, ne manque pas de contribuer à cette clarification, sans se départir, c’est la règle du genre, d’un brin de polémique.

  • 68 L’Ami de la Vérité du 29/01/1876. Les soulignements en italique sont ceux du journal (Je précise qu (...)

37Dans un article intitulé « Les conservateurs », l’Ami de la Vérité écrit : « Les journaux républicains ont mis la main sur une formule qui leur paraît sans doute excellente, car ils la répètent à satiété. Les vrais conservateurs, disent-ils, sont les républicains, puisqu’ils veulent conserver le gouvernement existant, c’est-à-dire la République ». « L’excessive bêtise » de cette formule pourrait la rendre dangereuse, aussi le journaliste royaliste se résigne-t-il à la discuter68. Notons combien cette résignation peut être révélatrice de sa difficulté à concevoir la pluralisation conceptuelle : la vérité est évidente ou n’est pas. La mise au point, dont voici les termes essentiels, n’en revêt que plus d’intérêt.

38L’Ami de la Vérité souligne que l’épithète de conservateur n’a jamais spécifié « conservateur du gouvernement existant, mais conservateur des principes de l’ordre et de la société ». S’il suffisait d’adhérer au principe du gouvernement « il faudrait admettre que Marat était un conservateur sous la Terreur puisque la Terreur était son idéal » etc.

39« Non, poursuit-il, les conservateurs ne sont pas seulement les défenseurs, alternativement glorieux ou infâmes, du gouvernement établi, quel qu’il soit. On n’est conservateur qu’à la condition de défendre un gouvernement conservateur lui-même. Les conservateurs veulent énergiquement un certain nombre de choses que les républicains répudient non moins énergiquement, à savoir :

  • Le maintien de l’éducation religieuse,
  • le respect de la propriété,
  • l’inamovibilité de la magistrature,
  • et surtout la reconnaissance des principes immuables, placés au-dessus des passions et des volontés changeantes des hommes ».
  • 69 L’Ami de la Vérité du 29/01/1876.

40D’où il résulte que « Quiconque ne transige pas sur ces points est un conservateur, quiconque s’en écarte ne saurait être admis dans les rangs conservateurs, qu’il se dise républicain, bonapartiste ou autre chose »69. La notation n’est pas superfétatoire, conservateur équivaut ici à intégraliste et intransigeant, philosophiquement attaché à la tradition chrétienne.

  • 70 Laurent Pichat demande notamment la séparation des Églises et de l’État. Il est d’autant mieux « ép (...)
  • 71 L’Ami de la Vérité du 29/01/1876.

41Et l’auteur de l’article prend pour exemple illustratif d’un programme à rejeter, celui présenté par le député Laurent Pichat en tant que président de la réunion des électeurs sénatoriaux de la Seine jugée « révolutionnaire »70. Celui-ci n’a pas été démenti d’où le cri de joie émis par l’analyste critique de l’Ami de la Vérité : « Ainsi s’évanouit, la voix sinistre des vrais républicains, la chimère d’une république conservatrice »71. Pour les royalistes, l’exigence de conservation du régime politique souhaité ne saurait donc être sans précaution référée au conservatisme. D’autant moins qu’elle se réduirait à une similaire stratégie de préservation voilant deux manières radicalement opposées de penser l’avenir. Autrement dit, elle ne peut manquer d’être renvoyée ici à la tradition, là à la modernité, qu’elle transige peu ou prou avec les principes jugés intangibles. Mais ceux-ci ne s’énoncent plus avec la force de l’évidence, aussi le combat électoral contraint-il à des explicitations et aussi sans doute à des concessions.

Le combat électoral en 1876

  • 72 Notamment en dénonçant le catholicisme de l’Empire qui « supprimait les conférences de St Vincent d (...)
  • 73 « Tout homme d’honneur doit sacrifier sa personnalité au succès du parti monarchiste... » cf. L’Esp (...)
  • 74 L’Espérance du Peuple du 08/01/1876.
  • 75 L’Espérance du Peuple des 21 et 22/02/1876.
  • 76 L’Espérance du Peuple des 6 et 7/03/1876.
  • 77 L’Espérance du Peuple du 16/02/1876.

42Il est vrai qu’en 1876 le parti légitimiste sait attaquer ses adversaires72, appeler ses amis à la discipline73 et peut affirmer n’être pas dans l’embarras pour trouver des candidats « dignes »74. Mais il se trouve placé en porte-à-faux de par son hostilité fondamentale aux pratiques électorales modernes, au suffrage universel lui-même, qualifié d’« immoralité universelle » ou de « mensonge universel » selon un propos de Pie IX75. Postérieurement à l’élection, l’Espérance du Peuple confirmera son opposition doctrinale au suffrage universel qui pourrait toutefois évoluer en fonction des compétences prêtées aux mandants puisque « sauf des exceptions très rares, l’électeur ne sait pas le premier mot des points sur lesquels il doit rendre son arrêt au maître souverain »76. Quant aux réunions électorales publiques, à la fin de la « campagne », l’Espérance du Peuple estime qu’« Elles ont été comme en 1848 et dans la dernière année de l’Empire, une véritable orgie d’opinions démagogiques ». La liberté de réunion « tant réclamée par les républicains » est visée car elle ne sert « qu’aux agitateurs ». L’opposition des « honnêtes gens » à cette liberté n’est pas absolue, toutefois : « ils sacrifient volontiers l’utilité qu’ils pourraient en retirer quand ils considèrent le mal qu’elle sert à “développer” ». En bref, « les hommes de talent dédaignent d’aborder ces tribunes... »77. Mais l’Espérance du Peuple doit pressentir que les exigences de la mobilisation électorale pourront impliquer que ce dégoût soit surmonté.

  • 78 Père des députés Ernest et Antoine et directeur des journaux légitimistes (Emerand de la Rochette l (...)
  • 79 L’Espérance du Peuple des 17 et 18/01/1876.

43Cette réticence à utiliser les armes du combattant de la démocratie peut être révélatrice d’une difficulté à présenter de manière prospective un projet « rétrogressif ». Selon Ernest de la Rochette78, la liste monarchique est en effet « celle qui nous ramène aux vieilles traditions françaises, qui relève la patrie, qui lui donne des alliances, qui répare les désastres et nous rend notre vieille gloire et notre vieil honneur »79. On peut toutefois penser qu’une telle expression recèle un appel à une régénération morale opposable aux listes :

  • « du Phare de la Loire dont le radicalisme se dissimule pour ne pas vous effrayer » ;
  • « de l’Appel au Peuple », bonapartiste, « qui vous fait revenir à l’époque néfaste de 1870 : époque d’invasion, de sang et de ruines »80.

44En proposant de ramener les électeurs aux vieilles traditions françaises qui redonneraient à la France son aura d’autrefois avec l’aide d’alliances internationales conséquentes, E. de la Rochette nous place face au paradoxal utopisme de la réaction. Il peut d’autant plus aisément supporter l’accusation réactionnaire qu’il ne cache pas son drapeau, mais s’y décèle une manière de contester le présent à double visage : républicain, bonapartiste ; et de proposer un avenir alternatif en prenant appui sur le régime d’autrefois, idéalisé, valorisé qu’il convient de faire être, renaître. Ce, en prenant appui sur des verbes d’action puisqu’il s’agit de relever la patrie, de réparer les désastres...

  • 81 Cette pratique assez généralisée de non publication des professions de foi se prolongera jusqu’aux (...)
  • 82 L’Espérance du Peuple du 27/02/1876.

45Il est vrai que cette position n’est pas systématiquement reprise par tous les candidats légitimistes, en particulier par Gahier à Châteaubriant. On notera toutefois que celui-ci s’est présenté par devoir, peu motivé. Son attitude plutôt passive, providentialiste, sera néanmoins celle de plusieurs candidats pro-royalistes lors d’élections ultérieures, c’est pourquoi elle doit donner une idée assez exacte de la distance qui sépare le pédagogue Ernest de la Rochette du « figuratif » Gahier. A la veille du second tour de scrutin, ce dernier rappelle qu’il n’a point adressé de profession de foi au motif que les électeurs ne lui ont pas formulé une telle demande81. Mais au tour de scrutin décisif, la nécessité de délimiter les positions s’impose avec plus de force. Gahier s’en rapporte alors, pour la politique conservatrice qu’il souhaite, à « l’illustre Mac-Mahon » et souligne qu’à ses yeux « le devoir du représentant consiste uniquement à conjurer le péril social »82.

  • 83 L’Espérance du Peuple du 17/02/1876.
  • 84 Ibid.
  • 85 Ibid.

46Cette attitude défensive, se réduisant à une exigence de conservation sociale, est-elle exclusive d’un appel au monarchisme ? Le comte de Juigné, candidat à Paimbœuf, peut nous aider à répondre à la question. Il exprime en effet une similaire philosophie en appelant les électeurs à se grouper autour du maréchal de Mac-Mahon et en se présentant finalement lui-même comme « candidat décidé à soutenir énergiquement les principes sociaux et religieux qui peuvent seuls assurer l’avenir de toute nation civilisée »83. Le comte de Juigné serait-il indifférent à la forme institutionnelle du régime ? Nullement, mais sans doute celle-ci est-elle paradoxalement seconde au regard de l’idéal souhaité car, d’entrée de jeu, il s’affirme « franchement monarchiste de cœur et de conviction »84. L’Espérance du Peuple peut en déduire que « cette proclamation électorale est celle d’un franc et loyal breton. C’est une noble et vraie profession de foi »85.

47Certes, mais ce satisfecit ne doit pas induire en erreur. D’une part, le comte de Juigné place à un rang second le référent dynastique, d’autre part, l’allusion à l’identité bretonne est ambiguë. La circonscription de Paimbœuf appartient certes à la Bretagne, mais aussi à la Vendée historique et jouxte le département du même nom en Sud-Loire, tandis que la circonscription de Châteaubriant où se présente Gahier, est toute proche de l’actuelle région de Bretagne et, nous le verrons, élira au plus un « monarchiste libéral ». Elle confiera aisément ses intérêts à un bonapartiste comme en 1876 et sera, sous la IIIe République, la seule circonscription rurale de Loire-Inférieure à voter majoritairement pour un républicain de gauche. Ceci peut sans doute contribuer à expliquer cela, mais plus généralement, on le voit, les candidats patronnés par les journaux légitimistes sont inégalement déterminés : idéologiquement, stratégiquement.

  • 86 Cf. Jean-Marie Mayeur, « République parlementaire et laïcité (1870 -1914) » in Histoire de France, (...)

48La tonalité générale des déclarations pro-royalistes est celle d’une position d’attente, de conservation dans tous les sens du terme. Il en ressort que la Loire-Inférieure ne se différencie pas radicalement de la France86. Les élections de 1871/1876 laissent le jeu institutionnel ouvert et appellent en conséquence au développement d’une stratégie toute empreinte d’expectative, préalable à la concrétisation d’une œuvre de restauration non subversive. Cet utopisme providentialiste pourrait être atténué localement, au moins en 1876, par la concurrence bonapartiste mais les candidats pro-royalistes n’ont que faiblement intégré l’exigence d’un utopisme éthique, entrepreneur, militant. On peut penser que le royalisme est laminé, hétérogène idéologiquement, ce qui est à la fois cause et conséquence d’une faible implication de ses candidats qui ne peuvent avec évidence bénéficier du qualificatif de porte-drapeau du légitimisme. On peut apprécier le problème en spécifiant la cohérence des candidats du Comité légitimiste puis les interrogations de l’Espérance du Peuple, son porte-parole.

  • 87 L’Union Bretonne du 04/03/1876.
  • 88 Le Figaro, du 10/02/1876, dans sa présentation des candidats de Loire-Inférieure l’a favorablement (...)

49L’Union Bretonne, bonapartiste, qui ne se fait pas faute de débusquer les intransigeants royalistes n’en repère que trois parmi les candidats de 1876 : un battu, Édouard Cazenove de Pradine, et deux élus, Henri de la Biliais, Antoine de la Rochette. A ces orthodoxes sont associés des royalistes plus intransigeants : A. Decroix et Gahier respectivement battus à Ancenis et Châteaubriant par des bonapartistes et probablement Henri Couëtoux candidat malheureux à Saint Nazaire I. Celui-ci, par l’Union Bretonne – intéressée à promouvoir son candidat Amaury Simon, « seul défenseur du drapeau tricolore » –, est soupçonné de vouloir le retour d’Henri V mais « de bien se garder de le dire »87. De son côté, le comte de Juigné est, nous le savons, « monarchiste libéral » ce qui le rapproche des orléanistes, non autonomes, et des bonapartistes. Sa place n’est d’ailleurs jamais contestée par ces derniers qui ne manquent point de lui adresser des louanges. Quant à Henri Polo, candidat à Nantes-ville, il est manifestement non monarchiste88.

  • 89 Haut lieu de pèlerinage royaliste et catholique, situé dans le Morbihan.

50La présentation d’une liste « de droite » par les légitimistes peut donc se comprendre comme exigence d’une « ouverture » à des candidats « dignes » mais n’appartenant pas nécessairement au sérail. D’où il ressort que le Comité Légitimiste de Loire-Inférieure tente de ne pas imiter son homologue du Morbihan précédemment évoqué et qui appelle périodiquement, à Sainte Anne d’Auray89, au respect de l’intransigeance politique la plus stricte. On peut citer deux articles de l’ Espérance du Peuple datant de 1876 qui confortent la thèse d’une (nécessaire) mobilisation stratégique, et non seulement idéologique, déjà perceptible dans la maîtrise de l’élection sénatoriale :

  • Le premier article engage d’ailleurs les zélateurs à ne pas se satisfaire du succès alors obtenu. A l’issue de ces élections sénatoriales de 1876, L’Espérance du Peuple donnait en exemple l’activité déployée par ses adversaires : « partout ils ont des Comités qui se réunissent, qui délibèrent, prennent des décisions ; des agents qui les exécutent et parcourent les campagnes pour recruter des adhérents à leurs idées, des journaux qu’ils jettent à profusion dans les ateliers, dans les cabarets et dans les moindres maisons ». Et le journal d’interroger en jouant sur l’amour-propre : « Ferons-nous moins bien qu’eux ? Serons-nous moins ardents pour le bien qu’ils ne le sont pour le mal ? »90.
  • Le second article, en rapport cette fois avec l’élection législative de 1876 prolonge cette notation selon laquelle le Comité Légitimiste « a décidé » que le comte de Juigné serait son candidat à la députation dans l’arrondissement de Paimbœuf91. L’Espérance du Peuple souligne en effet, publiquement, que « Tout homme d’honneur doit sacrifier sa personnalité au succès du parti monarchiste et s’il osait l’oublier, les Comités et les électeurs ont le devoir impérieux de le lui rappeler »92.

51Ce rappel à l’ordre prenant à témoin l’opinion publique peut d’autant mieux se comprendre que non seulement la liste légitimiste est, nous le savons, porteuse du drapeau extensif de la droite mais que de surcroît, ceci peut expliquer cela, la presse bonapartiste patronne également deux candidats de ladite droite : le comte de Juigné et Henri Polo. On le perçoit, les bonapartistes pourraient revendiquer quatre élus, en adjoignant la victoire du comte de Juigné à celle de leurs trois propres candidats victorieux. Le comte ne s’inscrira pas au groupe bonapartiste mais on pressent qu’il joue à l’époque un rôle charnière pour refréner les ambitions légitimistes les plus intransigeantes.

52De ces considérations, on peut déduire que le Comité Légitimiste cherche à maîtriser son compromis. Préserver autant que faire se peut l’ordre social, ce à quoi pourraient souscrire, à leur manière les bonapartistes et les républicains, mais aussi se protéger de ses concurrents. Cette exigence oblige à une logique de clôture idéologique mais la nécessité d’être attractifs pour les électeurs renvoie à une logique de relative ouverture. On peut ici apporter une illustration de ce fait qui ne sera pas aisée à rééditer, ne serait-ce que pour des raisons matérielles. Il s’agit en l’occurrence de confronter l’offre électorale royaliste telle qu’elle s’affiche dans ses deux journaux associés : d’une part dans l’hebdomadaire, l’Ami de la Vérité, s’adressant plutôt aux campagnes ; d’autre part, dans le quotidien l’Espérance du Peuple, destiné plutôt aux lecteurs citadins.

  • 93 L’Ami de la Vérité du 12/02/1876.
  • 94 L’Espérance du Peuple du 11/02/1876.
  • 95 Selon les termes de la chronique du 23/10/1869, par laquelle il annonce la fondation de son concurr (...)

53En cette élection de 1876, le bandeau des candidats royalistes est présenté sans indication d’étiquette par l’Ami de la Vérité. Leur légitimisme ne peut se déduire que de commentaires incidents, tel celui se rapportant au retrait du marquis du Dresnay, au profit d’A. de la Rochette à Saint Nazaire II. Mais au moins l’un de ces candidats n’appartient pas au Comité royaliste : Henri Polo, vice-président de la Chambre de Commerce de Nantes, soutenu aux fins de contrecarrer le radical Laisant, à Nantes I. L’Ami de la Vérité est contraint de se persuader que Polo défendra les intérêts catholiques : « nous l’espérons » écrit-il93. Manifestement, le royalisme, a fortiori le légitimisme, est sur la réserve et fait dans la discrétion, politiquement, religieusement. Le langage de l’Espérance du Peuple ne dément pas ce constat, puisqu’il plaide pour la conservation mais il l’amende en se faisant plus précisément, nous l’avons vu, le porte-parole du Comité Légitimiste. L’écart observé pourrait n’être rapporté qu’à la différence de surface rédactionnelle d’un hebdomadaire et d’un quotidien, mais ce critère n’est nullement valide pour ce qui concerne le bandeau de présentation de ses candidats. On peut concevoir son qualificatif à géométrie variable : « Candidats de droite »94, comme un compromis entre l’omission et la quasi-provocation : « candidats royalistes ou monarchistes » qui ne serait au plus acceptable que dans certaines circonscriptions rurales comme tend à le prouver le succès du comte de Juigné qui, nous le savons, s’affiche monarchiste libéral. Se combine à cette interprétation socio-géographique, une hypothèse complémentaire, à savoir que l’Ami de la Vérité s’est donné une vocation plus catholique que politique95, le rapport serait plutôt inverse pour ce qui concerne son quotidien : L’Espérance du Peuple.

La diversité des ancrages en 1876

  • 96 Ce terme de liste est juridiquement impropre à l’endroit des élections n’ayant pas lieu au scrutin (...)
  • 97 Cf. aran (Centre d’accueil et de recherche des archives nationales) C. 3466.

54Les résultats électoraux de 1876 soulignent la relative faiblesse de la liste96 de droite patronnée par le Comité Légitimiste. Là où ses candidats sont confrontés à des bonapartistes, ils sont alors dominés. C’est un fait révélateur de la force respective des électorats, sauf à supposer qu’un nombre élevé d’électeurs soient déçus de ne pas voter pour une liste explicitement royaliste et aillent jusqu’à s’abstenir, mais c’est un pas que les intéressés hésiteront à franchir. On peut donc penser que les électeurs ruraux préfèrent réellement, aux vaincus d’avant-hier (les royalistes), les vaincus d’hier (les bonapartistes), mais récusent, en tout état de cause et très massivement les vainqueurs d’aujourd’hui et surtout de demain (les républicains), nationalement parlant. Après avoir apprécié ce que les « protestations »97 peuvent nous enseigner sur les conditions de régularité, de validité du vote, je pourrai caractériser plus précisément les électorats ; et, par voie de conséquence, évaluer leur rôle au regard des projets politiques en présence.

55Les « protestations » surgissent essentiellement de deux circonscriptions où les vainqueurs sont principalement accusés d’avoir bénéficié des atouts d’une candidature « officielle ». Il s’agit respectivement du comte de Juigné et d’Émile Gaudin, tous deux patronnés par la presse bonapartiste mais le premier relevant, nous le savons, plus du royalisme. Apprécions tout d’abord l’ampleur de leurs succès :

  • 98 Sauf indication contraire, la ville chef-lieu d’arrondissement désignera la circonscription dans sa (...)

GRAPHIQUE N° 2 – SCORES DES CANDIDATS À PAIMBŒUF ET NANTES II, EN 187698

GRAPHIQUE N° 2 – SCORES DES CANDIDATS À PAIMBŒUF ET NANTES II, EN 187698

56On le voit, la victoire du comte de Juigné est probablement trop nette pour que les pressions aient pris la part la plus déterminante ; il en va a priori différemment pour ce qui concerne le succès d’Émile Gaudin. Autrement dit, il est possible qu’un scrutin plus transparent eût conforté la position des royalistes en faisant triompher Cazenove de Pradine. En tout état de cause, ils peuvent, à l’avenir, espérer conquérir la circonscription représentée par Émile Gaudin. Voyons successivement les éléments essentiels du dossier des récriminations de leurs adversaires respectifs, Joseph Rousse puis de Cazenove de Pradine.

57A Paimbœuf, on peut penser que le républicain Joseph Rousse, conseiller général de Loire-Inférieure et professionnellement juge au tribunal civil de Châteaubriant fut stimulé dans sa protestation par un sentiment de déception. Il nourrissait en effet de grands espoirs car il avait été réélu conseiller général du canton de Pomic en 1871, tandis que son adversaire le comte de Juigné, président du Conseil Général en 1870, était défait au même renouvellement de 1871 par un républicain : Gustave Bourdin.

  • 99 Cf. dossier Caran C. 3466, op. cit.

58Des griefs localisés et non localisés sont rapportés ; commençons par ces derniers, propres à donner une perception de la lutte électorale. J. Rousse s’attache à identifier les auteurs des actes dénoncés99 :

59Le Sous-Préfet est accusé d’avoir conduit le comte « dans presque toutes les communes, le présentant aux curés, à la plupart des maires et aux propriétaires influents dont il connaissait les opinions monarchistes ».

60Le Président du Tribunal qui a secondé le Sous-Préfet s’est manifesté comme membre du Comité de soutien précité, il a signé un manifeste placardé et distribué dans tout l’arrondissement. Il a également « fait à plusieurs notaires des visites inaccoutumées qui ont paru à beaucoup d’électeurs des actes d’intimidation ».

61Le clergé « s’est mêlé à la lutte avec non moins d’ardeur ». Les dimanches 13 et 20 février « Dans presque toutes les églises, les prêtres ont prêché en faveur de M. de Juigné, tantôt le nommant, tantôt le désignant d’une façon assez claire pour être compris des auditeurs ».

  • 100 Cf. dossier Caran C. 3466, op. cit.

62« Certains partisans » du comte ont également répandu « les calomnies les plus odieuses et les plus absurdes... ». Par ailleurs, « On menaçait les distributeurs de mes bulletins ; on faisait entendre aux débitants de boissons que leurs auberges seraient fermées s’ils soutenaient ma candidature »100.

63On peut difficilement apprécier la portée de ces actions, d’autant moins qu’elles peuvent entraîner des effets inverses à ceux recherchés. On peut noter qu’il faudra la conjoncture du Ralliement et peut-être du vieillissement pour que le comte de Juigné voit son score descendre légèrement au-dessous de la barre des 40 % d’inscrits ; de 1876 à 1889, c’est la stabilité aux alentours des 45 % obtenus en 1876, ce qui tend à faire douter de la malléabilité, de la velléité des électeurs.

64Ceci étant, on peut précisément estimer la portée d’actions rigoureusement situées, localisées, comme le sont celles dénoncées par quatre électeurs demeurant à Pornic, le chef-lieu de canton dont Joseph Rousse est l’élu au Conseil Général (voir graphique n° 3).

  • 101 Cf. André Siegfried, Tableau.... op. cit. (p. 44).
  • 102 Lorsque le canton est « blanc » [de droite] le chef-lieu l’est davantage encore, et corrélativement (...)

65Ce graphique classe de manière progressive les communes sur le critère républicain et quasi corrélativement sur l’indicateur royaliste, la divergence provenant des abstentions, des votes nuls. Trois types de communes se repèrent : Arthon et Saint Michel très marquées à droite ; Le Clion et Sainte Marie « partagées » et La Plaine, Pornic très favorables à la gauche républicaine. Cette classification confirme et nuance tout à la fois le constat d’André Siegfried selon lequel la région côtière avait propension au vote de gauche101. Certes, les deux localités les plus enclines à soutenir Joseph Rousse sont côtières, mais tel est également le cas du Clion-sur-Mer, de Sainte Marie-sur-Mer, comme leurs noms l’indiquent et aussi de Saint Michel-Chef-Chef qui se retrouve classée avec la commune la plus strictement rurale du canton : Arthon-en-Retz. Il convient en conséquence d’être plus précis, le facteur côtier n’est à l’époque discriminant que sous réserve qu’il recèle une activité portuaire, en l’occurrence de pêche, induisant la présence d’une population de marins d’esprit « indépendant ». Ce n’est aucunement le cas à Saint Michel, faiblement au Clion et à Sainte Marie, fortement à La Plaine par sa succursale Préfailles et à Pornic. On peut encore noter que le chef-lieu de canton : Pornic est moins défavorable au royaliste en 1876 que ne l’est La Plaine ce qui souligne qu’on ne saurait systématiquement ranger les communes chefs-lieux dans le groupe des localités les plus typiquement progressistes102.

GRAPHIQUE N° 3 – SCORES DES DEUX CANDIDATS : ROYALISTE ET RÉPUBLICAIN, PORNIC 1876

GRAPHIQUE N° 3 – SCORES DES DEUX CANDIDATS : ROYALISTE ET RÉPUBLICAIN, PORNIC 1876
  • 103 Sur le long terme, le caractère « balnéaire » des communes côtières perturbera la classification ic (...)
  • 104 Le Figaro du 10/02/1876.
  • 105 Le Journal des Débats du 14/02/1876.

66L’hétérogénéité de ces votes intra-cantonaux souligne d’une part, les limites de l’effet localiste avec l’implantation à Pornic du candidat républicain et la relativité de l’effet « contrainte », puisque la politisation apparaît forte et structurellement conforme à sa configuration de moyen terme103. On peut accessoirement ajouter que si le comte de Juigné avait échoué à ces législatives de 1876, il aurait pu faire état de pressions suscitées par « le Comité du Drapeau Tricolore » qui soutenait la candidature de Joseph Rousse, sans que l’on puisse bien entendu dire si celles-ci équivalent à celles-là. De même, les articles des journaux nationaux, annexés au dossier de la protestation, du Figaro pour de Juigné104, du Journal des Débats pour Joseph Rousse105, ont-ils un effet identique ? Encore faudrait-il, pour répondre à cette question, être en mesure d’identifier la réalité d’un effet significatif.

67En -deçà des incidences électorales quantitativement saisies, on notera un effet plus qualitatif de l’affrontement : le Comité du Drapeau Tricolore (républicain) qui avait soupçonné, le 9 février 1876, de Juigné de ne pas vouloir montrer son propre drapeau, a concédé à celui-ci « le mérite de la franchise ». Le Phare de la Loire du 19 février 1876 rapporte en effet la réponse du comte : « tous, vous savez que je suis franchement monarchiste ». Le Comité du Drapeau Tricolore regrette que cette précision vienne tardivement mais y voit surtout la confirmation de ce qu’il avait déjà dit, la lutte se situe « entre le drapeau blanc et le drapeau tricolore ». Par là, nous sommes en droit se supposer que les électeurs savaient déjà à quoi s’en tenir, qu’ils ont été incités à se prononcer politiquement, et non seulement en fonction des intérêts locaux. Les résultats en sont d’autant plus révélateurs, même s’il est contestable d’attribuer, nous le savons, le drapeau blanc à de Juigné et le drapeau tricolore à un républicain sachant que celui-ci est également revendiqué par les orléanistes et les bonapartistes, courants politiques qui soutiennent de Juigné « monarchiste libéral ».

  • 106 Caran Série C. 3466 : Cazenove de Pradine. On notera que le dictionnaire des parlementaires passe s (...)

68․ A Nantes II, le protestataire royaliste, Cazenove de Pradine106, visant Émile Gaudin, souligne mais prend son parti du fait que celui-ci, ancien candidat officiel, ait conservé « les traditions électorales de l’Empire », non sans relever toutefois « ses largesses et ses complaisances » notamment dans deux communes, du vignoble, citées : le Loroux-Bottereau et Vallet. Mais la protestation s’attache plutôt à décrire « des irrégularités graves dans le fond et dans la forme » dans les trois communes ci-après évoquées :

69․ A Saint Julien de Concelles où la liste électorale n’a été arrêtée que le jour de l’élection. Deux électeurs non inscrits avant les délais ont pu voter et surtout cinquante électeurs ont déposé leurs bulletins avant que le bureau ne soit formé.

70․ A Sucé, le garde-champêtre, qui tient par ailleurs un cabaret devant la Mairie, est soupçonné d’avoir joué un rôle perturbateur.

  • 107 Le bureau de vote est situé à Garambeau distant de 3 km du bourg de Treillières.

71․ A Treillières, le bureau de la première section107 est accusé d’avoir quitté la salle du vote et fermé la porte à clef pendant la messe et lors du dîner où ses membres ont emporté la « boîte » du scrutin avec eux. Lors du dépouillement, « près de la moitié des bulletins sont tombés par terre », d’où la scène que l’on imagine. Les membres du bureau oublièrent de dresser le procès-verbal sitôt les opérations achevées, puisqu’ils « s’en allèrent boire » entre-temps.

  • 108 Observée par J. M. Houssais, La vie politique dans une commune péri-urbaine : Treillières, Mémoire (...)

72Dans ce même bureau, et l’on passe malheureusement sur certains détails, un électeur de Cazenove de Pradine se fit traiter de « cul-jaune » et ceux qui tentaient de vérifier l’exactitude du dépouillement de « baillauds ». En bref, Treillières tient à préserver, conforter, sa tradition bonapartiste108.

  • 109 La protestation se conclut plus généralement en évoquant la production d’un deuxième mémoire relati (...)

73On remarquera qu’à la différence des protestations produites par Joseph Rousse, celles communiquées par de Cazenove sont pourvues de signatures légalisées, après sommation d’huissier pour ce qui concerne Treillières109. Ceci étant, ces diverses contestations ont-elles suffit à modifier le sens du vote de quelques centaines d’électeurs ? Pour sa part, la Commission parlementaire répondra négativement à cette question. Ceci ne nous dispense pas d’apprécier l’état des forces dans les deux catégories de communes explicitement concernées :

GRAPHIQUE N° 4 – SCORES DES CANDIDATS DANS DEUX TYPES DE COMMUNES, À NANTES II EN 1876

GRAPHIQUE N° 4 – SCORES DES CANDIDATS DANS DEUX TYPES DE COMMUNES, À NANTES II EN 1876

74Les communes du Loroux et de Vallet ont été écartées du dossier par le royaliste Cazenove de Pradine et on le comprend car l’influence du bonapartiste Emile Gaudin n’y est point particulièrement confirmée. Par ailleurs, ces communes situées au cœur du vignoble nantais, ne semblent pas, surtout la première, étayer la thèse d’André Siegfried qui plaçait en congruence, nous le savons, le bonapartisme et le vignoble. Dans les trois autres communes, si l’on se reporte un instant aux résultats du duel également très serré de 1889 qui a vu s’opposer le même Cazenove au fils Gaudin, on observe une inversion à Treillières où le royaliste comble son handicap de 1876 et surpasse légèrement le bonapartiste :

GRAPHIQUE N° 5 – SCORES COMPARÉS DES CANDIDATS À TREILLIÈRES 1876 ET 1889

GRAPHIQUE N° 5 – SCORES COMPARÉS DES CANDIDATS À TREILLIÈRES 1876 ET 1889
  • 110 Cf. Caran C 5320, 1889.
  • 111 Ce constat relativise l’observation de Jean-Marc Houssais, Treillières..., op. cit.

75On peut penser que la modeste commune de Treillières, particulièrement litigieuse en 1876, a fortement contribué à perpétuer le bonapartisme parlementaire ligérien cette année-là, mais il n’en va assurément plus de même en 1889. On peut noter, sans anticiper davantage, que les militants bonapartistes Treilliérains se mobiliseront à leur tour pour protester contre les conditions de l’élection de leur adversaire royaliste en 1889110. Cela démontre au moins l’existence dans cette localité rurale d’une intense politisation et d’un ancrage bonapartiste évolutif111. Et en conséquence, plus ponctuellement, la plausibilité d’un effet sensible des pressions bonapartistes dans cette commune en 1876, mais peut-être ont-elles été annihilées, compensées par des royalistes en des lieux qui leur furent plus favorables...

76Cette dernière remarque nous introduit à l’examen général des corrélations entre les orientations des votes de 1876 et les variables concrétisant quelques dimensions sociales, idéologiques des électorats du xixe siècle. Les enseignements que nous pouvons en retirer sont bien entendu fonction de la fiabilité des statistiques utilisées, y compris des résultats électoraux, non seulement au regard des possibles erreurs matérielles, mais de l’ampleur et de l’unilatéralité éventuelle des pressions orientant faussement les votes. Gageons qu’en dépit de ces incertitudes, la loi des grands nombres ne perd pas toute efficience.

GRAPHIQUE N° 6 – CORRÉLATIONS DES SCORES ROYALISTES DE 1876 AVEC DES VARIABLES SOCIO-RELIGIEUSES DU XIXe SIÈCLE, PAR CIRCONSCRIPTION

GRAPHIQUE N° 6 – CORRÉLATIONS DES SCORES ROYALISTES DE 1876 AVEC DES VARIABLES SOCIO-RELIGIEUSES DU XIXe SIÈCLE, PAR CIRCONSCRIPTION

77Si l’on schématise à l’extrême les données de cette représentation graphique l’on relève :

  • d’une part, que la variable « Propriétaire 1851 » est extrêmement ambivalente à l’égard des royalistes, tandis que celle des domestiques est positivement corrélée mais seulement à Paimbœuf de manière statistiquement significative. L’indicateur « Population éparse 1891 » synthétiquement expressif de la ruralité agricole est également orienté positivement mais faiblement, surtout à Châteaubriant où le coefficient est en réalité neutre112.
  • d’autre part, le contraste est plus net encore du côté des indicateurs « idéologiques » car s’y opposent incontestablement la variable « Pascalisants hommes 1891 », toujours positive, ce, quasi-systématiquement au niveau du seuil de significativité et la variable « Enseignement privé 1891 » dont le coefficient est strictement nul dans 5 circonscriptions sur 7. Il n’y a qu’à Nantes II, circonscription marquée par le vignoble et la proximité de Nantes où cette variable est relativement positive et à St Nazaire II : les républicains y sont actifs et stimulent peut-être l’enseignement privé jusque dans les localités favorables aux royalistes. Dans la majorité des cas, cette variable de fréquentation scolaire ne traduit pas, à l’époque, une expression catholique mais laïque-républicaine quand bien même les écoles sont tenues par des religieuses. Dans la circonscription d’Ancenis, la variable « Enseignement privé 1891 filles » y approche négativement le seuil de significativité à [-333] avec le score royaliste. A la fin du xixe siècle, l’enseignement privé reste relativement indéterminé et s’il devait être lié à un courant politique ce serait plutôt avec celui qu’incarne la modernité républicaine de préférence à celui qu’incarne la tradition royaliste. Celle-ci peut certes se féliciter de l’appui des pascalisants, ce qu’elle peut mesurer par l’activisme clérical mais ces pratiquants ritualistes se mobiliseront-ils pour construire un enseignement privé catholique pro-monarchiste lorsque la laïcisation deviendra effective ? C’est, a posteriori, d’autant moins assuré que la variable « Inventaires », liée à la « Droite » antérieurement aux événements de 1906, est amorphe avec les royalistes de 1876113. Autrement dit, à la relative indétermination politique de ce début de IIIe République correspond une similaire indétermination idéologique avec toutefois un incontestable « potentiel » religieux virtuellement mobilisable.

Une situation paradoxale

  • 114 Le Phare de la Loire du 17/01/1871.

78Pour la suite de mon travail, ce premier développement présente un signe d’encouragement au regard de la périodisation : indubitablement, il serait erroné d’affirmer que les aristocrates royalistes ont vu leur puissance naturellement rétablie sitôt la chute du Second Empire. Ce n’est pas le porte-parole des républicains qui me démentirait après avoir écrit à l’issue des élections départementales de 1871 : « L’œuvre de l’affranchissement politique des centres secondaires et des communes rurales est commencé ! »114. Se trouve donc préservée l’éventualité d’assister ultérieurement à un effectif et progressif travail de politisation.

79Ce développement pourrait par contre susciter, corrélativement, un mouvement de désappointement si l’espoir de découvrir, d’emblée, une situation proprement utopique avait été nourri. De ce point de vue l’inquiétude devrait néanmoins être réelle si l’aristocratie royaliste et catholique s’inscrivait d’entrée de jeu dans une ligne strictement conservatrice. Les positions sont en fait plus paradoxales, ce qui apparaît inéluctable dès lors que les leaders du royalisme ont fait prévaloir un double réalisme. Le premier, l’engagement électoral, était déjà acquis mais il faut le rappeler car il est au fondement de l’inévitable ambiguïté de la démarche ; le second, la pratique de l’union monarchiste dont on ne saurait assurer qu’elle fut électoralement indispensable en 1871 s’est indéniablement imposée. Il est vrai que la liste légitimiste n’a obtenu aucun élu mais son score a été honorable au regard des difficiles conditions dans lesquelles il lui a fallu se faire connaître.

  • 115 Cf. Serge Moscovici, Psychologie des minorités actives, PUF, 1979, 275 p.
  • 116 Cf. Les éthiques de conviction et de responsabilité définies par Max Weber, Le savant et le politiq (...)

80La position arbitrale de l’évêque gagnerait à être connue avec plus de certitude. On peut penser qu’il avait de bonnes raisons de ménager les bonapartistes dans la mesure où ceux-ci se font les défenseurs des intérêts cléricaux et peuvent prévenir l’extension électorale républicaine. Les légitimistes intransigeants auront toutefois pu lui faire valoir combien ce calcul pouvait être hasardeux puisque l’un des élus bonapartistes passera dans le camp républicain. On peut supposer qu’un tel fait confortera, à terme, la position des intransigeants. Ceux-ci ont pour eux la puissance des minorités déterminées115 mais le handicap d’une institution-église, (ouverte au monde par opposition à une secte), dès lors que s’impose la procédure électorale comme moyen d’arriver à une fin autre que celle du témoignage116. Ce handicap ne serait que formel si la situation électorale était hégémoniquement favorable. Mais aux rivalités intra-royalistes, s’ajoute la concurrence des bonapartistes, nettement moins enclins à rendre prééminente la question du régime constitutionnel.

  • 117 Cf. Jean-Marie Mayeur, La vie politique... op. cit. (Les deux premiers chapitres).
  • 118 Je pense spécialement à l’Espérance du Peuple.

81Les divisions intra-royalistes ne paraissent toutefois pas de nature à menacer la cohésion du groupe comme l’atteste l’élection sénatoriale de 1876. Le réseau d’élus locaux dont le camp royaliste dispose pourrait s’avérer d’autant plus pertinent qu’il pourrait, à son profit, réaliser l’opération de reconquête électorale par ces médiateurs, comme le feront dans d’autres départements les républicains117. A cet atout il faut adjoindre une presse gardienne des valeurs, attachée à véhiculer une idéologie plus restitutionniste que spécifiquement conservatrice, attachée à garder les choses en l’état118. Il est toutefois vraisemblable que lors des élections qui vont suivre les luttes relatives aux perspectives strictement restauratrices prennent le pas sur des considérations plus typiquement régénératrices. On peut aussi supposer que le rapport de forces électoralement établi en 1876 soit reconduit aussi bien par les chefs de partis que par les électeurs. On doutera toutefois qu’une telle opération puisse s’effectuer sans débat. D’autant plus que les élections de 1877 et de 1881 s’annoncent nationalement comme devant être particulièrement contrastées.

Notes

1 Selon la formule de Paul M. Bouju et Henri Dubois, La Troisième République, PUF Que sais-Je ?, 1971, 126 p.

2 Cf. Paul Bois, Histoire de Nantes, Privat, Flammarion, 1971, 384 p. – que confirment les travaux de Yannick Guin, et plus spécifiquement de Claude Geslin « Commune et république chez les démocrates nantais en 1871 » in Enquêtes et Documents, t. IV, 1978, pp. 177-205.

3 Publiée le 30/10/1873 mais la lettre est datée du 27/10/1873.

4 Synthétique présentation des modalités de cette élection dans Jean-Marie Mayeur,La vie politique, op. cit., (p. 23).

5 Selon la terminologie de mon introduction, ce restitutionnisme est « résistant » plutôt que « fondamental ».

6 Son petit-fils, identiquement prénommé, deviendra député ligérien sous les IVe et Ve Républiques.

7 Il s’agit du père de René Waldeck-Rousseau, le futur président du Conseil ; l’un et l’autre se prénomment René. Cf. Pierre Sorlin, Waldeck-Rousseau, A. Colin, 1966, 585 p.

8 Avec notamment le docteur Benjamin Clemenceau, père de Georges et Charles Laisant, Gustave Roch, ceux-ci futurs députés nantais.

9 Seuls huit noms sont concernés sur les douze présentés et élus : d’une part, la liste légitimiste y intercale ses propres candidats, d’autre part, elle ne soutient que onze personnalités et non douze.

10 Sur l’intérêt de cette technique, cf. Ludovic Lebart, Jean-Pierre Fénelon,Statistique et Informatique appliquées, Dunod, 1978, 435 p. (p. 322).

11 La protestation que Le Phare de la Loire se fait un malin plaisir de publier est signée pour l’essentiel de nobles, mais aussi de « professionnels libéraux », membres de la bourgeoisie ascendante.

12 Le Phare de la Loire du 07/02/1871.

13 Le Phare de la Loire du 07/02/1871.

14 Le Phare de la Loire des 07-09/02/1871 produit des pièces de l’évêché selon lesquelles un vicaire général et l’Évêque lui-même, auraient déployé avec adresse une grande activité pour que se constitue une fusion des forces qui se sont associées « pour une oeuvre mauvaise, en s’abusant et en se détestant au fond du cœur ».

15 Le Phare de la Loire des 07-09/02/1871.

16 Il s’agit de I. Samuel, § VIII, Le Phare de la Loire du 09/02/1871. Cf. Chapitre « Le peuple d’Israël réclame un roi » pp. 419-420 du texte « intégral » de l’Ancien Testament publié dans le livre de poche, éd. 1981.

17 Scrutins retenus : sur la question de confiance posée par le Ministère de Broglie le 16/05/1874, sur l’amendement Wallon le 30/01/1875 et sur l’ensemble de la Constitution le 23/02/1875. Cf. Jacques Gouault, Comment la France est devenue républicaine : 1870-1875, Préf. F. Goguel, Paris, FNSP, 1954, 193 p.

18 Code des profils : 1 = vote à tendance de droite, 2 = vote à tendance de gauche, 3 = abstention ou absence (non différenciées), 4 = en congé ; d’où par exemple : 111 = 3 votes à tendance de droite, ce qui est le cas de trois élus.

19 C’est un exemple de la conjonction des extrêmes.

20 L’Espérance du Peuple des 02 et 03/10/1871.

21 L’Espérance du Peuple du 14/10/1871.

22 L’Espérance du Peuple du 11/10/1871.

23 Henri de Cornulier est battu à St Philbert-de-Grand-Lieu, Pierre de Montaigu à St Gildas-des-Bois.

24 A toutes fins utiles je précise qu’il s’agit ici des partisans du régime impérial en l’occurence des bonapartistes.

25 L’Espérance du Peuple des 19 et 20/06/1871.

26 C’est la triple alliance dénoncée par Evariste Mangin le rédacteur en chef du Phare de la Loire en date du 15/10/1871.

27 Le patronyme de ce conseiller général bonapartiste, jamais élu à la députation, est orthographié avec une particule tantôt autonome, tantôt dépendante.

28 Le Phare de la Loire du 21/10/1871.

29 Le Phare de la Loire du 21/10/1871.

30 Cf. Philippe Levillain, « Un chevau-Léger de 1871 à 1875 : Joseph de la Bouillerie », Revue Historique, t. CCLVII. 1, 1977, pp. 81 à 122 qui utilise notamment Robert R. Locke : French Legitimists and the politics of Moral Order in the early Third Republic Princeton University Press 1974. (Ce dernier ne donne pas ses sources sur les 64 « Chevau-Légers » recensés).

31 Au total sept « chevau-légers » s’abstiennent. Cf. Stéphane Rials, Le légitimisme, op. cit., (p. 95).

32 Plus habituellement prénommé Gustave.

33 Futur député de Loire-Inférieure et importante personnalité royaliste nationale. Son patronyme recèle deux particules, je n’en garderai ultérieurement qu’une, comme pour Fernand du Breil de Pontbriand, suffisante à concrétiser la règle adoptée d’une énonciation répétée et volontaire dans ce travail du signe, de la symbolique nobiliaire quand bien même la personne citée ne relève pas de la noblesse « authentique ».

34 Le vicomte de Meaux, peu suspect de tendresse pour les « Chevau-Légers », écrit : « M. de la Rochette était le seul dont la fatale résolution ne pût être imputée à un vulgaire intérêt personnel ». « La position de la Rochette avait pour elle le mérite de la clarté », cf. sa lettre à l’Union du 11/12/1875. Cette interprétation est nettement confirmée par Charles Chesnelong, L’avènement de la République (1873-1875). Mémoires publiés par son petit-fils. Libr. Académique Perrin, 1934, 247 p. (spécialement pp. 194-195).

35 L’Union Bretonne des 2 et 3/01/1876.

36 L’Union Bretonne des 2 et 3/01/1876.

37 Respectivement l’Espérance du Peuple des 17 et 18/01/1876.

38 Selon l’Espérance du Peuple du 07/01/1876 : onze députés, 45 Conseillers Généraux, 55 Conseillers d’Arrondissement, 215 délégués communaux (326 votants semble-t-il).

39 L’Union Bretonne des 02 et 03/02/1876.

40 L’Union Bretonne des 02 et 03/02/1876.

41 L’Union Bretonne des 02/02/1876 et 18/02/1876. J’y ajoute la dichotomie droite-gauche.

42 Les flèches du tableau indiquent le sens de la variation éventuelle de l’appréciation portée par l’Union Bretonne. Les noms des élus sont indiqués par un soulignement en italique dans ce tableau.

43 Absence de candidat royaliste.

44 Par « Ultra » il faut entendre ici : extrême-gauche.

45 Appuyé par l’Union Bretonne car il « rendra de grands services à la ville de Nantes » et contre Laisant, élément du : « Jacobinisme le plus violent ».

46 Absence de candidat républicain.

47 Appuyé par l’Union Bretonne : « offre toutes les garanties d’ordre et de paix ».

48 Appuyé par l’Union Bretonne sans commentaire.

49 « Notre candidat est M. Amaury-Simon qui défendra avec énergie les intérêts si considérables de St Nazaire, et dont l’expérience des affaires et l’honnêteté politique sont unanimement appréciées ».

50 A ne pas confondre avec les légitimistes dissidents de 1871.

51 Ce qualificatif d’orléaniste à l’endroit des journaux légitimistes est sans doute employé à des fins de dérision car, au lendemain de l’élection sénatoriale, l’intransigeant E. de la Rochette, très critique vis-à-vis des bonapartistes, s’était félicité de ce que le « Parti du Centre droit ou orléaniste n’existe plus dans notre département... » L’Espérance du Peuple des 10 et 11/01/1876. Et nous l’avons vu, les bonapartistes ne décomptaient eux-mêmes qu’un faible nombre de délégués orléanistes au scrutin sénatorial de 1876.

52 L’Union Bretonne du 08/03/1876.

53 Ibid., cf. aussi L’Union Bretonne des 6 et 07/03/1876.

54 Profession de foi publiée dans L’Union Bretonne du 16/02/1876.

55 C’est le Premier et non le Second Empire qui est évoqué par le candidat.

56 L’Union Bretonne du 04/03/1876.

57 L’Union Bretonne du 04/03/1876.

58 Entendu en son sens original du gouvernement « d’un seul », qu’il s’agisse plus particulièrement d’un roi ou d’un empereur, voire d’un Président de la République « autocrate ».

59 Rédacteur politique à L’Ami de la Vérité et à L’Espérance du Peuple, journaux royalistes associés.

60 L’Ami de la Vérité du 19/02/1876.

61 Cf. L’Ami de la Vérité du 15/04/1876, Charles Chesnelong (1820-1899), artisan du « fusionnisme » monarchique, député, puis sénateur inamovible.

62 Le Syllabus : Liste de propositions anti-modernistes émanant de l’autorité ecclésiastique, en l’occurrence, du Pape Pie IX, publiée le 08/12/1864.

63 L’Ami de la Vérité du 15/04/1876.

64 L’Ami de la Vérité du 29/01/1876.

65 Terme non utilisé par le Phare, mais l’amertume à l’égard des paysans n’en est pas moins réelle.

66 Le Phare du 11/10/1871.

67 L’Ami de la Vérité du 14/10/1871.

68 L’Ami de la Vérité du 29/01/1876. Les soulignements en italique sont ceux du journal (Je précise qu’un soulignement inséré dans une citation sera toujours à attribuer à l’auteur cité).

69 L’Ami de la Vérité du 29/01/1876.

70 Laurent Pichat demande notamment la séparation des Églises et de l’État. Il est d’autant mieux « épinglé » par les royalistes qu’il est ancien collaborateur du Phare de la Loire, cf. L’Espérance du Peuple du 29/06/1871.

71 L’Ami de la Vérité du 29/01/1876.

72 Notamment en dénonçant le catholicisme de l’Empire qui « supprimait les conférences de St Vincent de Paul, œuvre éminemment charitable et protégeait la franc-maçonnerie, œuvre éminemment irreligieuse ». L’Espérance du Peuple du 18/02/1876.

73 « Tout homme d’honneur doit sacrifier sa personnalité au succès du parti monarchiste... » cf. L’Espérance du Peuple du 06/02/1876.

74 L’Espérance du Peuple du 08/01/1876.

75 L’Espérance du Peuple des 21 et 22/02/1876.

76 L’Espérance du Peuple des 6 et 7/03/1876.

77 L’Espérance du Peuple du 16/02/1876.

78 Père des députés Ernest et Antoine et directeur des journaux légitimistes (Emerand de la Rochette lui succédera). Je remercie sincèrement Mme de St André, résidant à Assérac, de m’avoir, d’une part, communiqué les photos de ses ancêtres, d’autre part, fait savoir qu’elle possédait des lettres du Comte de Chambord.

79 L’Espérance du Peuple des 17 et 18/01/1876.

80 L’Espérance du Peuple des 17 et 18/01/1876.

81 Cette pratique assez généralisée de non publication des professions de foi se prolongera jusqu’aux élections de 1914.

82 L’Espérance du Peuple du 27/02/1876.

83 L’Espérance du Peuple du 17/02/1876.

84 Ibid.

85 Ibid.

86 Cf. Jean-Marie Mayeur, « République parlementaire et laïcité (1870 -1914) » in Histoire de France, sous la direction de Jean Carpentier et François Lebrun, préface de Jacques Le Goff, Éd. du Seuil, Points Histoire, 1989, 488 p., (p. 292).

87 L’Union Bretonne du 04/03/1876.

88 Le Figaro, du 10/02/1876, dans sa présentation des candidats de Loire-Inférieure l’a favorablement classé comme « républicain sincère » ; pour L’Union Bretonne du 18/02/1876, c’est un « républicain modéré ». Ses propres affiches confirment ce républicanisme modéré.

89 Haut lieu de pèlerinage royaliste et catholique, situé dans le Morbihan.

90 L’Espérance du Peuple du 08/01/1876.

91 L’Espérance du Peuple du 04/02/1876.

92 L’Espérance du Peuple du 06/02/1876.

93 L’Ami de la Vérité du 12/02/1876.

94 L’Espérance du Peuple du 11/02/1876.

95 Selon les termes de la chronique du 23/10/1869, par laquelle il annonce la fondation de son concurrent Le Patriote Breton et Vendéen, « L’Ami de la Vérité est le seul qui défendra avant toute chose, les intérêts catholiques ».

96 Ce terme de liste est juridiquement impropre à l’endroit des élections n’ayant pas lieu au scrutin dit de liste, il est pertinent politiquement car indicateur d’une approche organisationnelle, partisane, des affrontements ayant lieu dans le cadre du scrutin dit d’arrondissement. Je reprends donc cette formulation de la presse politique sachant que le lecteur pourra aisément éviter la confusion, les élections se déroulant sous le régime du scrutin de liste étant aisément identifiables : 1871, 1885, 1919 et 1924.

97 Cf. aran (Centre d’accueil et de recherche des archives nationales) C. 3466.

98 Sauf indication contraire, la ville chef-lieu d’arrondissement désignera la circonscription dans sa globalité.

99 Cf. dossier Caran C. 3466, op. cit.

100 Cf. dossier Caran C. 3466, op. cit.

101 Cf. André Siegfried, Tableau.... op. cit. (p. 44).

102 Lorsque le canton est « blanc » [de droite] le chef-lieu l’est davantage encore, et corrélativement il semble jouer un rôle leader mais non unilatéralement, sous la IIIe République.

103 Sur le long terme, le caractère « balnéaire » des communes côtières perturbera la classification ici présentée.

104 Le Figaro du 10/02/1876.

105 Le Journal des Débats du 14/02/1876.

106 Caran Série C. 3466 : Cazenove de Pradine. On notera que le dictionnaire des parlementaires passe sous silence ce dossier : Cazenove de Pradine étant présenté comme ayant échoué à Agen face à un républicain également battu et à un bonapartiste élu.

107 Le bureau de vote est situé à Garambeau distant de 3 km du bourg de Treillières.

108 Observée par J. M. Houssais, La vie politique dans une commune péri-urbaine : Treillières, Mémoire de Maîtrise de Sociologie, Université de Nantes, 1984-85, 216 p., 217 pages d’annexes.

109 La protestation se conclut plus généralement en évoquant la production d’un deuxième mémoire relatif aux « bruits » répandus d’une manière « malveillante et déloyale » contre la candidature de M. de Cazenove.

110 Cf. Caran C 5320, 1889.

111 Ce constat relativise l’observation de Jean-Marc Houssais, Treillières..., op. cit.

112 Nous le verrons dans la deuxième partie, Châteaubriant est la seule circonscription ligérienne rurale qui élira, sous la IIIe République, un républicain de gauche.

113 Dans l’entre-deux-guerres.

114 Le Phare de la Loire du 17/01/1871.

115 Cf. Serge Moscovici, Psychologie des minorités actives, PUF, 1979, 275 p.

116 Cf. Les éthiques de conviction et de responsabilité définies par Max Weber, Le savant et le politique, op. cit.

117 Cf. Jean-Marie Mayeur, La vie politique... op. cit. (Les deux premiers chapitres).

118 Je pense spécialement à l’Espérance du Peuple.

Table des illustrations

Titre GRAPHIQUE N° 1 – CLASSEMENTS PAR LE PARTI LÉGITIMISTE ET PAR LES ÉLECTEURS, DES ÉLUS MONARCHISTES SOUTENUS PAR LA LISTE LÉGITIMISTE EN 1871
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/67884/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 27k
Titre TABLEAU N° 3 – PROFILS POLITIQUES DES DOUZE DÉPUTÉS LIGÉRIENS ÉLUS EN 1871, D’APRÈS LEURS VOTES À LA CHAMBRE EN 1874-187518
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/67884/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 27k
Titre TABLEAU N° 4 – QUELQUES POSITIONS DES « CHEVAU-LÉGERS » LIGÉRIENS 1873-187430 31 32 33
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/67884/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 40k
Titre TABLEAU N° 5 – « ÉTIQUETAGE » DES CANDIDATS EN 1876
Légende SELON L’UNION BRETONNE42 43 44 45 46 47 48 49
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/67884/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 89k
Titre GRAPHIQUE N° 2 – SCORES DES CANDIDATS À PAIMBŒUF ET NANTES II, EN 187698
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/67884/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 25k
Titre GRAPHIQUE N° 3 – SCORES DES DEUX CANDIDATS : ROYALISTE ET RÉPUBLICAIN, PORNIC 1876
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/67884/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 25k
Titre GRAPHIQUE N° 4 – SCORES DES CANDIDATS DANS DEUX TYPES DE COMMUNES, À NANTES II EN 1876
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/67884/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 25k
Titre GRAPHIQUE N° 5 – SCORES COMPARÉS DES CANDIDATS À TREILLIÈRES 1876 ET 1889
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/67884/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 24k
Titre GRAPHIQUE N° 6 – CORRÉLATIONS DES SCORES ROYALISTES DE 1876 AVEC DES VARIABLES SOCIO-RELIGIEUSES DU XIXe SIÈCLE, PAR CIRCONSCRIPTION
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/67884/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 31k

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