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La noblesse luxembourgeoise au xviiie siècle

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Calixte Hudemann-Simon

Cinquième partie. Vie quotidienne et mentalités

Chapitre XVII. Aspects religieux et culturels

Texte intégral

  • 1 Cité (sans indication de date, après 1773) par N. MAJERUS, Histoire du Droit..., op. cit., t. 2, p. (...)

« Dans cette bonne ville de Luxembourg, la Providence a toujours préparé des gens qui allaient audevant des nouveautés pour les étouffer dans leur naissance ».
Journal de Feller1.

1. VIVRE ET MOURIR CHRÉTIENNEMENT

A. Religion et piété

  • 2 Cette situation est entérinée par l’art. 9 du traité de Rastatt en 1714 (N. MAJERUS, Histoire du Dr (...)
  • 3 En particulier les Baring et Mohr de Wald.
  • 4 N. van WERVEKE, « Archives de Betzdorf... », op. cit., pp. 335-336, dispense du 19 juillet 1764 réi (...)

1Nous avons vu précédemment que la religion catholique est au Luxembourg, comme dans le reste des Pays-Bas autrichiens, religion d’Etat2 et que jusqu’à l’Edit de tolérance de 1781, le culte protestant est – théoriquement – resté interdit. Tous les nobles luxembourgeois sont catholiques bien que certaines de ces familles aient une branche protestante non luxembourgeoise3. En 1764, le pape Clément XII dispense François-Théodore Mohr de Wald, doyen de Worms et de Wimpfen, de l’obligation de se faire prêtre car la famille étant menacée d’extinction, ses biens risquent de tomber aux mains d’une branche protestante4.

2L’attachement de la noblesse à la religion catholique est parfois affirmée dans les testaments ; Servais Gauthier, écuyer, seigneur de Wigny et Sainte-Marie et sa première femme, Anne-Marie, née d’Ortho, testant en faveur de leurs enfants, le 13 mars 1722 posent, entre autres, la condition

  • 5 AGL, not Pierret, 13 mars 1722.

« que notamment ils persisteront inviolablement dans la foi catholique et apostolique et romaine jusqu’à la mort, sous peine d’exhéderation et d’accroissement à celui ou celle qui restera constant dans la dite religion »5.

  • 6 Le mot « craindre » est alors à comprendre dans le sens d’« amour et respect ».

3Le plus souvent le testateur stipule que l’héritier devra vivre « en bon catholique » sans autre détail. Pourtant – comme nous le révélera l’analyse des testaments – l’appartenance à l’Eglise catholique des testateurs eux-mêmes est rarement affirmée : fait explicable dans un pays de catholicité où l’ambiance est peu troublée par les problèmes religieux. Catholique, l’individu vivra dans la « crainte de Dieu »6, meilleur garant contre les vices et le déshonneur : d’après le même testament de Servais Gauthier, ses enfants devront se maintenir

  • 7 Cf. note 5.

« toujours dans la crainte et amour de Dieu, dans l’exercice des vertus et dans l’éducation chrétienne qu’ils ont reçue »7.

4Par le quatrième article de leur contrat de mariage du 16 octobre 1719, Jean-Michel de Wopersnow, chevalier, seigneur de Laval etc., et Anne-Béatrix de Heyden,

  • 8 AEA, AG dossiers nobiliaires, T-Z.

« consommeront et vivront dans le Saint Sacrement de mariage leurs vies durantes sous la bénédiction et la crainte de Dieu »8.

5De même, le baron Henri d’Huart, lorsqu’il entre à quatorze ans (en 1725) à l’« Académie Militaire », reçoit ce conseil de son père :

  • 9 Baron E. d’HUART, Souvenirs de famille, Bruxelles, 1850, p. 37.

« Que la crainte de Dieu soit toujours votre guide »9.

6La prière est dans la vie comme dans la mort le moyen privilégié de mériter les faveurs divines. En 1758, l’oraison funèbre de Mme Anne-Madeleine de Smackers, née de Waha, insiste sur sa piété :

  • 10 AE St-Hubert, Château de Mirwart, dossier n° 165.

« la tendre dévotion qu’avait la Défunte sur tout envers le Saint-Sacrement est assé connüe ; elle passoit des journées entières à l’adoration perpétuelle, communioit plusieurs fois par semaine. La décoration des Eglises faisoit ses délices et l’objet de ses soins ; Trois jours avant sa mort elle avoit communié avec une dévotion vraiment exemplaire »10.

7De même,

  • 11 Baron E. d’HUART, Souvenirs..., op. cit., p. 35.

« Confiez-vous en Dieu et priez le souvent, surtout matin et soir ; que rien ne vous en détourne et que vos prières soyent courtes et sincères »11,

8recommande le baron d’Huart à son fils ; et d’ajouter plus loin :

  • 12 Baron E. d’HUART, Souvenirs..., op. cit., p. 35.

« Lorsque vous assistez au Saint Sacrifice de la messe... soyez attentif sans regarder autour de vous. Ne parlez jamais dans le lieu saint, sans nécessité absolue ; songez qu’il vaut mieux ne rester qu’un quart d’heure dévotement dans le temple du Seigneur, qu’une heure scandalisant chacun »12.

  • 13 Voir, par exemple, à ce sujet, d’AUBIGNAC, Histoire du temps ou Relation du royaume de cocquetterie (...)
  • 14 Evoquons ici l’Ordonnance d’Alet de 1675 qui incite les maîtres à prendre garde que les enfants « s (...)

9Si cette exhortation à prier valorise la sincérité de la foi, elle met en outre l’accent sur la manière de pratiquer qui, aussi importante que la prière elle-même, devient une affaire de bienséance. Ceci procède d’un souci partagé par un certain nombre de moralistes et d’éducateurs des siècles précédents, qui met en lumière un aspect mondain et tout à fait païen de la pratique religieuse sous l’Ancien Régime : les églises, lieux privilégiés de rendez-vous, permettaient aux mondains de se « faire voir » ou de « résoudre les parties »13, et les enfants – n’oublions pas que le jeune Henri sort à peine de l’enfance – ne brillaient pas toujours par leur discipline14. Faisant une nouvelle allusion aux moeurs du temps, le baron ajoute :

  • 15 Baron E. d’HUART, Souvenirs..., op. cit., p. 37.

« Ne vous piquez pas des discours indiscrets à vouloir paroistre ne pas avoir de religion, c’est le caractère d’un sectaire qui vous faict mépriser en ce monde et vous damne dans l’autre »15.

10Dans quelle mesure le libertinage est-il de mise dans la noblesse luxembourgeoise ? Il serait hasardeux de se fonder sur un texte exemplaire pour en déduire une règle générale. Mais ces quelques phrases du baron d’Huart prouvent que le danger plane sur ceux – sans doute peu nombreux – qui ont accès aux milieux « mondains ».

11Outre la dévotion, les premières vertus chrétiennes sont la charité et la bonté, l’humilité et la résignation. L’auteur de l’oraison funèbre de Mme de Smackers-Waha trace le portrait de l’âme chrétienne idéale :

  • 16 Cf. note 10.

« toujours égalle à elle-même au milieu des embaras, toujours bonne, compatissante et d’autant plus humble qu’elle étoit plus élevée, elle souffrait tout avec une résignation sans exemple et sans se plaindre, pour ne point causer de peine à ceux qui en auroient été témoins. Elle étoit la mère des pauvres, le soutient et le refuge des veuves et des orphelins, la consolatrice des affligés et l’exemple de toutes les vertus »16.

12Mais parfois les vertus chrétiennes sont récupérées par la morale nobiliaire. Si certaines recommandations du baron d’Huart peuvent avoir une résonance purement chrétienne (« soyez miséricordieux envers les pauvres »), d’autres semblent fondées sur l’obéissance à un code de classe :

  • 17 Baron E. d’HUART, Souvenirs..., op. cit., p. 36.

« fuyez l’ingratitude comme un vice indigne d’un honneste homme... fuyez le mensonge qui vous deshonore en ce monde . ., »17.

  • 18 Certes, il faudrait s’entendre ici sur le sens à donner à l’expression « honnête homme ».
    Si certai (...)

13Ici les valeurs chrétiennes apparaissent liées aux exigences sociales de l’idéal nobiliaire18. Mais la foi et la vertu répondent aussi, sous la plume du baron, à des préoccupations eschatologiques :

  • 19 Baron E. d’HUART, Souvenirs..., op. cit., p. 37.

« Souvenez-vous que vous mourrez un jour, que ce jour est incertain et qu’en ce moment terrible vous souhaiterez avoir accompli cette maxime du sage : Initium sapientiae timor Domini ; et cette autre qui renferme toute la loi  : Ne faictes pas à aultruy ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse »19.

14Préoccupations que l’on perçoit également à la lecture des testaments.

B. L’attitude devant la mort

15A partir d’un échantillon de 152 testaments (89 pour la première moitié du siècle, 63 pour la seconde), on analysera les termes du discours testamentaire : formulation des prières, élection de sépultures, modalités des funérailles, demandes de messes et répartition des legs. Il n’a pas été possible de distinguer les testaments olographes car notre documentation provient en bonne partie de retranscriptions aux registres du Siège des Nobles. Remarquons, en outre, que certains testaments écrits de main de notaire mais dictés, s’écartent des formules stéréotypées et les prières y sont parfois plus longues et plus personnelles que dans d’authentiques olographes. Par ailleurs, nous n’avons pas étudié séparément les testaments masculins et féminins de peur de pulvériser un échantillon déjà faiblement représentatif (surtout pour la seconde période).

a) Le souci de l’âme : la prière testamentaire

16Les préambules commencent généralement par le signe de croix (106 testaments, 70,3 %), presque toujours dans sa formulation la plus courte et en français, : « Au nom de la Sainte Trinité, Amen ». Plus rarement on insiste sur la consubstantialité : « Au nom de la Sainte et Individue Trinité » (13 testaments, 8,7 %), ou : « Au nom de la Sainte et Individue Trinité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit » (3 testaments). Suit la formule « connaissant la certitude de la mort et l’incertitude de son heure » et ses variantes (49 testaments, 32,3 %), dont la fréquence reste la même d’un demi-siècle à l’autre (31,8 % et 32,7 %), débouchant sur la préoccupation profane de la disposition des biens (36 testaments, 23,6 %). Quant à l’appartenance à l’Eglise catholique, elle est rarement affirmée (6 testaments dont un seul après 1750) ; conséquence probable – déjà évoquée – de l’unité de religion au Luxembourg : la précision devient superflue.

  • 20 P. CHAUNU, La mort à Paris, XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Paris 1978, pp. 447-448.

17Ensuite le testateur recommande son âme à Dieu (120 testaments, 78,9 %) et, beaucoup plus rarement à la Sainte Trinité (8 testaments, 5,2 %) ou au Saint-Esprit (1 cas), en précisant parfois « dès que mon âme sortira de mon corps » (12 testaments, 7,8 % dont 10,6 % avant et 4 % après 1750). L’invocation à Dieu est le plus souvent suivie d’épithètes – créateur, tout-puissant, miséricordieux, rédempteur... – (88 testaments, 57,9 %), mais avec un reflux après 1750 (passant de 69,7 à 42,8 %) ; ce qui va de pair avec un raccourcissement général de la prière après cette date. Très étonnante est la rareté de la prière christique : la Passion ou les mérites du Christ n’apparaissent que dans 25 testaments (16,4 %) avec un net recul dans la seconde moitié du siècle (passant de 21,2 % à 9,5 %). Il arrive même que soit évoquée la Passion de Dieu (alors incarné en Christ). Cette omission de la référence à l’Incarnation salvatrice serait signe – selon l’interprétation avancée par Pierre Chaunu dans son analyse des testaments parisiens20 – d’une infantilisation du discours, puisque l’invocation à la Vierge, qui n’a de sens que par rapport à la médiation du Christ, se maintient dans la majorité des prières, avec la même constance au cours du siècle (116 testaments, 76,5 %). Dans l’invocation mariale, les épithètes demeurent, mais sont plus diversifiées avant 1750 (« très Sainte Vierge Marie », « très Glorieuse », « Bienheureuse », « Immaculée »...), pour se borner ensuite à « Sainte » ou « très Sainte ». Vient ensuite la demande d’intercession aux Saints Patrons (83 testaments, 54,6 %) dont la liste est plus ou moins longue, à l’Ange Gardien (42 testaments, 27,6 %) et à tous les Saints et Saintes de la Cour Céleste ou du Paradis (108 testaments, 71 %), avec un léger recul après 1750 (65,3 %). Quant aux dévotions particulières, elles sont pratiquement inexistantes (4 testaments, 2,6 %). Si le reflux de l’appel à la miséricorde de Dieu n’est pas très sensible entre les deux demi-siècles (passant de 16,7 % à 12,3 %), on remarque une chute très nette dans la formulation du souhait de se faire recevoir parmi les Bienheureux (de 19,7 % à 4 %) et dans la demande de pardon à Dieu ou à la Sainte Trinité (de 10,6 % à 4 %).

  • 21 AEA, Château de Grandvoir, n° 31, testament de Robert-Joseph, comte du Monceau, 1789.

18Ainsi, dans la seconde moitié du siècle, non seulement les testaments sans prière tendent à se multiplier – passant de 16,8 % (15 testaments) à 26,9 % (17 testaments) –, mais le discours s’appauvrit pour souvent se réduire à la recommandation de l’âme à Dieu par l’intercession de la Sainte Vierge Marie et de la Cour Céleste ; si encore l’on ne supprime pas le terme d’« intercession », ce qui équivaut à recommander son âme à Dieu, à la Vierge et à la Cour Céleste. Et l’on atteint parfois au plus extrême dépouillement par la formule : « Pour la plus grande Gloire de Dieu et au Salut de mon âme »21, en guise de prière.

19Pourtant, derrière la rigueur des chiffres se cachent encore quelques longues prières, plus fréquentes, il est vrai, vers le début du siècle. Citons en particulier celle – exceptionnelle – du Sr François-Sébastien de Bauer, seigneur d’Everlange, en 1733 :

  • 22 AGL, AV 16, f° 230, testament du 23 janvier 1733.

« Au nom du père et du fils et du Saint-Esprit très Sainte et très auguste trinité que j’invocque et que j’adore comme un seul Dieu...[déclare] que je veux mourir dans la foÿ et dans les sentiments de l’église apostolique et romaine dans laquelle par la grace de dieu je suis né et élevé je renonce au monde et a toutes les pompes de la même manière que j’aÿ renoncé par mon baptême et proteste encore de ne vouloir consentir en quelque manière que ce soit aux pensées d’infidélité qui peuvent mètre suggéré par le demon dans les derniers moments de ma vie je deteste les péchés que j’aÿ commis par pensées, parolles oeuvres et omissions j’en demande pardon a dieu d’un coeur humilié et contrit, je prie ceux que je peux avoir schandalisés en quelques maniérés que ce soit de me le pardonner de la mesme maniéré que je pardonne a tous ceux qui peuvent mavoir offense je consens de mourir non seulement pour satisfaire a la loi generale de tous les mortels mais parce que c’est un effet de la volonté de dieux a laquelle je me sourmes [sic] le suppliant très humblement que m’appliquant les mérités de la mort et passion de mon sauveur Jésus Christ il veulle au moment de ma mort recevoir mon ame et mon esprit entre ses mains »22.

20On remarque, en outre, l’absence de l’invocation mariale et des intercesseurs célestes. Cet exemple est unique en son genre. Généralement la longueur de la prière procède de l’emploi de nombreux adjectifs et de la multiplicité des intercesseurs. Ainsi, en 1742, Philippe de Marchant (après le préambule) se recommande

  • 23 AGL, A V 16, f° 71, testament du 7 mars 1742.

« à Dieu mon créateur, le suppliant par les mérites infinis de la très sacré et douloureuse passion de notre seigneur Jésus-Christ de me faire miséricorde et me pardonner mes pêchés pour que mon âme puisse être colloquez au ciel avec les elues et bienheureux pour lÿ louer et bénir éternellement a quel effet je me recommande aussi a la très glorieuse et très immaculeez Vierge Marie mère de Dieu, a mon bon patron Saint Philippe a tous les saints et saintes pour qu’ils veuillent interceder pour moi enfin que par leurs mérités je puisse obtenir la remission de mes pesches priant mon bon ange gardien de vouloir prier pour moi et de ne me jamais abandonner maintenant nÿ a L’heure de ma mort voulant vivre et mourir en la vraÿ foÿ chatolique apostolique et romaine »23 ;

21ou encore en 1722, Servais Gauthier, seigneur de Wigny, et sa femme Anne-Marie d’Ortho :

  • 24 AGL, not. Pierret, testament du 13 mars 1722.

« Considérant la loy indispensable de la mort a laquelle le genre humain est sujet et l’incertitude de l’heure d’icelle et désirant mettre ordre à leurs affaires avant d’en estre prévenus et surpris... Après avoir invoqué le Saint nom de Dieu, les luy recommandent leurs âmes lorsqu’il luy plaira de les appeller de ce monde, priant tres humblement la divine bonté de les vouloir recevoir comme rachettées du précieux sang de son très adorable fils Jesus-Christ et les placer au rang des Bienheureux. A quel effet ils supplient en toute humilité la bienheureuse et très sainte Vierge Marie, Leurs Anges Gardiens, St Joseph, St Jean, St Pierre, St Paul, St Servais, St François, St Antoine, St Hubert, St Roch et St Adrien, Ste Anne leurs spéciaux patrons et patronnes et tous les Saints du Paradis, de vouloir interceder pour eux »24.

22La plupart des prières longues s’articulent sur ces deux modèles. On ne trouve plus de tels exemples après 1750.

b) Le souci du corps : sépultures et funérailles

  • 25 P. CHAUNU, La mort..., op. cit., p. 437.
  • 26 N. MAJERUS, Histoire du Droit..., op. cit., t. 2, p. 695. Ainsi, Catherine de Mangin veut être ente (...)
  • 27 Voir P. CHAUNU, La mort..., op. cit., p. 435 et ss.

23Après la préoccupation de l’âme, vient celle du corps. La majorité des testateurs précisent leur lieu de sépulture (82 testaments, 53,9 %), le plus souvent dans des églises, couvents ou chapelles (76 testaments, 50 %). Cette volonté d’être inhumé dans l’église semble moins répondre à des motivations religieuses (proximité de l’hostie et de l’espèce eucharistique donnant à l’âme la certitude de la Vision béatifique25) qu’au désir – souvent formulé – de se retrouver auprès des siens, dans le caveau de famille. On retrouverait là plutôt la préoccupation profane de l’unité et de la pérennité du clan familial jusque dans la mort, souvent illustrée par les armoiries et quartiers de noblesse que l’on fait graver sur les pierres tombales. L’élection de sépulture connaît un léger reflux après 1750 : on ne la retrouve plus que dans 50,8 % des cas (32 testaments) et le choix de l’église (26 testaments, 41,2 %) est alors légèrement concurrencé par celui de la « Terre Sainte » (6 testaments, 3,9 %). Dans les autres cas, il est exceptionnel de voir le testateur laisser le choix de sa sépulture à son exécuteur testamentaire ou à ses héritiers. Généralement aucune mention n’en est faite : sans doute peut-on supposer qu’il y a eu entente orale sur ce point avec l’exécuteur testamentaire. Quant à cette amorce de désaffection pour l’inhumation dans l’église, elle peut être partiellement mise sur le compte de la réglementation du 22 décembre 1778 – réitérée le 26 juin 1786 – visant à l’interdire. Mais entre ces deux dates cette pratique n’a pas disparu26, et l’on est très loin de l’évolution observée à Paris à la même époque27.

24Quant aux modalités des funérailles, elles sont généralement laissées à la discrétion de l’exécuteur testamentaire ou des héritiers ; parfois sans aucune indication (25 testaments, 16,4 %), plus souvent avec la mention « sans pompe » ou « sans ostentation » (47 testaments, 30,9 %), ou encore « selon son Etat » ou « sa condition » ou « sa qualité » (42 testaments, 27,6 %). Mais cette dernière précision connaît un léger recul dans la seconde période (15 testaments, 23,8 %) au profit du refus de pompe (27 testaments, 42,8 %). Les deux formules – « sans pompe mais selon sa condition » – peuvent être associées, l’une tempérant l’autre (14 testaments, 9,2 %). D’une manière générale, les précisions s’arrêtent là. Par ailleurs, dans 53 testaments (34,8 %) ni le choix de la sépulture, ni le cérémonial des funérailles ne sont abordés. Or ce désintérêt est nettement plus fréquent dans la première moitié du siècle (37 testaments, 41,5 %) que dans la seconde (16 testaments, 25,4 %) : sans doute ces silences du premier demi-siècle se sont-ils mués en refus par la suite.

25Aucun testateur ne donne de détail sur le convoi funèbre. Quelques-uns seulement mentionnent le nombre de cierges – parfois même leur poids et leur couleur – que l’on utilisera pendant la cérémonie funèbre, ou le nombre de prêtres appelés à officier à leur messe d’enterrement. Ainsi, en 1753, Jeanne-Louise-Xavière de Kahn, veuve de Gôppel, exige

  • 28 AGL, not. Kleber, testament du 29 décembre 1753.

« huit simples cierges d’une demi-livre chacun dont quatre sur l’authel et quatre sur la tombe »28.

26En 1795, date à laquelle toute formulation religieuse tend à disparaître des testaments – sans doute en conséquence des événements politiques –, J.-Baptiste-Salomon de Papigny précise

  • 29 AGL, not. François, n° 13, testament, 1795.

« [qu’]à l’enterrement de son corps soient employés six pretres de même six pretres a chacun de ses deux obsèques »29.

27Certains testaments révèlent le souci de l’heure même de la cérémonie et la pratique des inhumations nocturnes : en 1745, Marie-Guisberte Raab de Pündrich, dite de Pinderich, demande que son corps soit enterré

  • 30 AGL, not. Schwab, testament du 8 mai 1745.

« en plein jour et qu’on le fasse accompagner par des filles avec des cierges blancs »30 ;

28à l’inverse de François-Albert, baron de Boland qui, en 1758,

  • 31 AGL, not. Schwab, testament du 21 décembre 1758.

« veut être enterré nuitament et sans aucune pompe »31.

29La volonté d’austérité n’exclut pas toujours les détails. En 1789, Anne-Barbe de Saint-Baussant ordonne et veut

  • 32 AGL, not. François, testament du 29 avril 1789.

« expressément l’enterrement le plus simple : point d’armoiris, point de sonnerie ni de luminaire extra. Quatre cierges blancs de demi-livre chaque autour de [son] corps exposé et quatre flambeaux de trois livres chaque, outre ceux du voisinage pour accompagner [son] corps à la sépulture »32.

30C’est là le seul testament – de notre échantillon – faisant allusion à l’« exposition du corps ». Est-ce à dire que la pratique en ait disparu ? Les zones de silence sont difficiles à interpréter. Certains testateurs expliquent le refus de cérémonie par des considérations morales. En 1737, Julienne de Berthon de la Tousche veut être inhumée

  • 33 AGL, AV 16, f° 166, testament du 29 mai 1737.

« sans appareil nÿ pompes, toutes lesquelles choses sont plus pour satisfaire a la vanité des vivans que pour le repos des morts qui n’on besoin que de prières pour fléchir et implorer la miséricorde de Dieu »33.

31Ce refus de l’ostentation dans la mort peut être le reflet de la façon de vivre et de penser du testateur. En 1785, Romain de Galliot précise :

  • 34 AGL, not. François, n° 51, testament du 24 avril 1785.

« Je laisse à ma femme le soin de mes funérailles qui connoit assès ma façon de penser pour scavoir que mes mânes se revolteroient s’il y entroit la plus petite ostentation »34.

32Rares sont les cas de ceux qui adhèrent ouvertement au cérémonial baroque. Mais en dehors de ceux qui le contestent ou s’en remettent à l’exécuteur testamentaire, restent encore les « silencieux » qui n’y font aucune allusion ; ce qui ne signifie pas que tout le cérémonial ait disparu, mais probablement qu’il a perdu son caractère de sacralité et, par là, échappe au souci du testateur. Le refus et le désintérêt des gestes rituels autour du corps mort paraissent même être en avance sur la contraction de la prière : le souci de l’âme reste primordial, comme nous le verrons par l’analyse des messes demandées et de la répartition des legs.

c) Les intercesseurs terrestres et les oeuvres de miséricorde

33Prières et charité se prolongent au-delà de la mort : le testateur fait dire des messes pour le « repos de son âme », fait des dons aux églises ou aux couvents pour que les religieux se souviennent de lui dans leurs prières, puis des legs charitables aux pauvres ou – plus rarement – « humanitaires » aux hôpitaux et pour l’instruction des enfants.

Tableau N° 81 : FRÉQUENCE DES MESSES, LEGS ET AUMÔNES DANS LES TESTAMENTS

Tableau N° 81 : FRÉQUENCE DES MESSES, LEGS ET AUMÔNES DANS LES TESTAMENTS

a) Legs aux hôpitaux et pour l’instruction de la jeunesse.
b) Legs aux églises et couvents.
c) Messes et fondations d’anniversaires.

  • 35 Les six autres étant laissés « à la discrétion » de l’héritier ou ne comptant qu’un anniversaire.
  • 36 Il s’agit de Lambert Marchant, conseiller du Roi à Luxembourg, seigneur d’Ell, et de dame Bonne de (...)
  • 37 Il s’agit de Lambert-Joseph de Marchant, comte d’Ansembourg (le 4 janvier 1766) qui, en outre, fond (...)

34Les messes, puis les aumônes aux pauvres recontrent la plus grande faveur des testateurs tout au long du siècle (tableau N° 81). Sur les premières, ils ne lésinent généralement pas. Sur un total de 38 cas connus pour la première moitié du siècle35, seulement 13 demandent moins de 500 messes, et 16 plus de 1.000, le maximum étant 6.00036. Le nombre de messes moyen pour cette période est de 1.453. Dans la seconde moitié du siècle, les testateurs procèdent plus fréquemment à des « fondations d’anniversaires ». Cependant, ceux qui font dire des messes en demandent toujours un grand nombre : 1.099 en moyenne, avec sept cas supérieurs à 1.000, mais le maximum ne dépasse pas 3.00037. Sauf cas exceptionnels, l’évolution n’est donc pas particulièrement sensible.

  • 38 AGL, not. François, testament de Marie-Catherine de Mangin, 30 juillet 1780. Elle donne encore à l’ (...)
  • 39 AGL, not. Broucq, testament de Nicolas d’Arberg, 17 janvier 1731.
  • 40 AGL, not. Pierret, testament de Charlotte d’Autel, 6 janvier 1724.

35Les aumônes aux pauvres, outre leur aspect charitable, sont souvent faites dans le but d’obtenir des prières supplémentaires : seuls ceux assistant aux obsèques du testateur et à qui il ordonne de prier pour son âme, en bénéficieront. Elles revêtent le plus souvent, dans la première moitié du siècle, la forme de distributions de grains ou de pain le jour des obsèques, parfois doublées d’une somme d’argent. A partir de 1750, les seuls dons en argent prédominent largement. Néanmoins la générosité des testateurs reste sensiblement la même tout au long du siècle. Malgré quelques exceptions, ces aumônes sont le plus souvent proportionnées aux moyens des testateurs. Elles peuvent aller de quelques setiers de grains à 800 écus38 et même 1.000 écus39 ou encore 400 écus plus 20 maldres de blé40.

  • 41 Certes, nous avons déjà mentionné l’ordonnance de 1753 déclarant la prohibition et nullité des tran (...)
  • 42 Nos résultats rejoignent sur ce point ceux de J. MEYER pour la noblesse bretonne à la fin du XVIIIe(...)
  • 43 Par exemple la famille de Trappé, très aisée, dont chaque membre lègue par testament à la « fabriqu (...)
  • 44 Le maximum rencontré dans nos exemples est de 1.600 écus (AE Liège, Archives de la famille de Lanno (...)
  • 45 AGL, AV 16, f° 234, testament du 3 juin 1726.
  • 46 AGL, not. Spÿr, testament du 13 juillet 1743.
  • 47 Cf. note 43.
  • 48 AGL, DSH V, dossier n° 25 (Lafontaine).

36Si l’on observe une certaine stabilité au cours de la période dans la distribution des messes et des aumônes, il en est tout autrement des legs faits aux églises et couvents qui diminuent après 175041 au profit des legs « humanitaires »42, et surtout aux domestiques qui occupent alors une place privilégiée dans les testaments de leurs maîtres. Les legs pieux – presque toujours en espèces – sont, comme les autres, très variables : parfois symboliques (quelques sols)43, ils peuvent dépasser – mais rarement – le millier d’écus44. Les testateurs les répartissent ordinairement entre plusieurs maisons religieuses et églises : en 1726, Anne-Marie de Bergerot veuve d’Anly, lègue au couvent de Niederprum 200 patacons, à un couvent de Luxembourg 25 patacons, et une demi-cense à un prêtre45. Quant aux legs à but humanitaire, quoique légèrement plus fréquents dans la seconde moitié du siècle, ils restent rares mais sont souvent importants : pour fonder un demi-lit à l’hospice Saint-Jean, Jeanne-Hyacinthe de Blanchart offre, en 1743, 500 écus46 ; J.-T.-C. de Lannoy-Bocholtz donne 3.250 écus, en 1720, pour l’« instructi’on de la jeunesse »47 ; en 1794, J.-Jacques-Charles de Geysen laisse aux orphelins de Luxembourg 2.000 écus, et 500 écus pour l’instruction des jeunes de Bettingen et Limpach48.

37On remarque que, d’une manière générale, il n’y a pas de notable différence de comportement entre l’ancienne et la nouvelle noblesse en ce qui concerne la piété des testaments. Le seul élément différenciateur en ce domaine, en particulier pour l’importance des legs, est l’existence ou non d’héritiers directs. Dans ce dernier cas les dons sont proportionnellement plus élevés, quelle que soit l’importance de la succession.

  • 49 Voir en particulier, P. CHAUNU, La mort..., op. cit. ; J.-M. THIRIET, « Mourir à Vienne aux XVIIe-X (...)

38Appauvrissement de la prière, refus accru du cérémonial baroque, diminution des legs pieux, tels sont les facteurs d’évolution perceptibles d’un demi-siècle à l’autre, par l’analyse des testaments, Evolution, certes, mais sans bouleversements fondamentaux ni véritable rupture ; sauf peut-être pour le déclin des legs pieux ; mais dans quelle mesure faut-il y voir la conséquence de la législation autrichienne plutôt qu’un changement fondamental d’attitude ? D’autre part, même dans la prière, permanence des formules stéréotypées (quel que soit leur volume), puis, persistance des demandes de messes (souvent en grand nombre) et du souci de la sépulture. Il semble donc qu’il y ait eu tout au long du XVIIIe siècle coexistence d’éléments baroques et de volonté de simplicité, entrecoupés de zones de silence qui ne traduisent pas forcément l’indifférence. Si l’on peut conclure à un léger reflux de la sensibilité baroque, on reste loin des observations faites, par exemple, dans certaines régions de France ; quoique, là aussi, l’évolution ait été moindre dans les couches nobiliaires49.

2) ÉDUCATION ET FORMATION

39L’indigence de nos sources quant à l’éducation des jeunes nobles ne nous permet pas d’aller très avant dans ce domaine. Nous nous bornerons ici à donner les quelques renseignements épars que nous avons pu recueillir.

40Il semble que la plupart des jeunes garçons aient suivi l’enseignement des jésuites aux collèges de Luxembourg et de Marche jusqu’à la suppression de l’ordre en 1773 :

  • 50 BNL, M I : 240, Pierre-Alexandre-Cyprien MERJAI, Voyages curieux et utiles, manuscrit, vol. 24, 181 (...)

« Ce collège [de Luxembourg] étoit composé de sept professeurs pour les sept premières classes, un pour la figure, un pour la grammaire, un pour la syntaxe, un pour la Poésie, un pour la Rhétorique, un pour la logique, et un pour la Physique avec un Préfet pour surveiller à la conduite des écoliers. Pour ce qui regardoit l’étude de la Théologie il y avoit aussi des Professeurs du même collège »50,

41écrit Pierre-Alexandre-Cyprien Merjai, lui-même ancien élève de ce collège. Les « humanités » ainsi enseignées étaient quasiment restreintes à l’étude du latin. A la fin de l’année scolaire avait lieu une fête, au cours de laquelle les élèves donnaient des représentations de tragédies latines :

  • 51 BNL, M I : 240, Pierre-Alexandre-Cyprien MERJAI, Voyages curieux et utiles, manuscrit, vol. 24, 181 (...)

« c’étoit aussi dans la salle de la Théologie que l’on dressoit le Théâtre du collège ou les écoliers des cinq basses classes y représentoient tous les ans des Tragédies latines tirées de l’Ecriture Sainte ou du Martyrologe Romain ... souvent mêlées de Ballets... et c’étoit à la 3ème représentation que l’on y distribuoit les prix... c’étoit à la fin des cours d’Etude ques amusements commençoient, c’est à dire vers la fin du mois d’Août »51.

  • 52 E. DISCAILLES, Les Pays-Bas..., op. cit., p. 208.

42Dans ces établissements transformés en « collèges-pensionnats » à partir de 1773, les programmes sont alors, grâce aux réformes de Marie-Thérèse, étendus en outre au grec, à la langue maternelle, l’histoire et la géographie, de même qu’aux « éléments » de mathématiques52. L’enseignement y est bilingue en vue, d’une part d’attirer les jeunes gens des pays environnants, d’autre part d’éviter le départ de jeunes Luxembourgeois tentés de faire leurs études à l’étranger. Pourtant, malgré les améliorations voulues par l’impératrice, l’enseignement dispensé au Collège Royal de Luxembourg (par onze professeurs venus de Louvain et choisis par le gouvernement) est mal considéré par les Luxembourgeois qui ont toujours vénéré leur ancien collège de jésuites. Le jugement de Merjai est sans appel :

  • 53 Cf. note 49, op. cit., f° 2040.

« je vis à vue d’oeil que ce beau collège alloit à sa perte et à sa ruine par les entraves que la Cour de Bruxelles y plaça pour éteindre la religion et pour établir les écoles de la puante ignorance »53.

43Malgré l’excès probable d’une telle sévérité, force est de constater que les efforts de Marie-Thérèse pour relever le niveau de l’instruction ne furent pas immédiatement couronnés de succès. Un rapport de 1777 dénonce :

  • 54 Cité par A. SPRUNCK, « Professeurs et élèves du Collège Royal de Luxembourg », in Cahiers Luxembour (...)

« ... un grand défaut qui a toujours subsisté dans nos classes : c’est le défaut de veiller à l’écriture des jeunes gens dans leur langue naturelle, tant pour le stile que pour l’orthographe allemand et français et la formation des lettres. Il est absurde de voir tant dans les villes que dans les paroisses au plat pays des pretres maîtres d’écôles... si ignorants en ce point qu’ils ne sont pas en état de former une lettre intelligible de 10 à 12 lignes, ni d’en écrire autant d’un caractère qui se puisse lire... l’incapacité est au point qu’il est trop rare, lorsqu’il est question d’admettre des notaires ou des clercs jurés, d’en trouver dont les protocols se puissent lire 10 ans après leur mort... »54.

  • 55 Ibid.

44De plus, les maîtres ne sont pas toujours zélés : en 1780, le professeur de théologie ne fait que deux leçons pendant toute l’année. D’après l’historien luxembourgeois N. van Werveke, ces échecs découleraient principalement de la méfiance du clergé à l’égard des prêtres venus de Louvain, imbus des idées nouvelles qu’on y enseignait55.

  • 56 Voir supra, p. 115, note 80.

45Parmi les jeunes nobles qui poursuivent leurs études, la plupart entrent à l’université de Louvain. En effet, le placard de 169556 est réitéré par un édit du 23 décembre 1755 par lequel

  • 57 Mémoires de Neny, chapitre XXVII, p. 245 (cité par E. DISCAILLES, Les Pays-Bas ..., op. cit., p. 20 (...)

« il fut défendu... à tous les sujets de S.M. d’aller faire des cours de philosophie publics ou privés ailleurs que dans l’université de Louvain... sans une permission spéciale et par écrit du gouvernement »57.

46Pourtant, malgré une légère reprise en mains de l’enseignement sous Marie-Thérèse, l’université de Louvain – qui manque d’émulation en l’absence de toute concurrence – est, au XVIIIe siècle, en pleine décadence :

  • 58 N. de REIFFENBERG, s. d. (cité par E. DISCAILLES, Les Pays-Bas..., op. cit., p. 198).

« La littérature grecque et latine n’y étoient que très faiblement cultivées, il n’y avoit plus personne qui sût le grec... la grande leçon qui avoit pour objet la pureté et l’élégance de la langue latine... ne se donnoit plus... On avoit aussi cessé de donner la grande leçon de mathématiques depuis le décès du 1er professeur sous le prétexte que les étudiants apprénoient assez de matématiques dans le cours de philosophie »58 ;

47et un contemporain de constater :

  • 59 Tiré de Lettres sur les Pays-Bas, I, (ibid.).

« On trouvoit dans les Pays-Bas nombre d’hommes... sachant par coeur Cujas de Papinien, mais ne pouvant, dans l’occasion, citer un vers ni d’Homère, ni d’Horace, ni de Virgile et à qui Voltaire, Racine et Corneille étoient tout à fait étrangers »59.

  • 60 Ibid.

48L’enseignement de la théologie n’est alors guère plus brillant, tandis que celui du droit, borné aux lois romaines contenues dans les Institutes, le Digeste, le Code et les Novelles, fait totalement abstraction des Coutumes60.

49Parlant des professeurs, Cobenzl dénonce :

  • 61 « Mémoire concernant l’Université de Louvain », par le docteur Marant, 1778 (cité in ibid., p. 199)

« il est honteux que nous ayons dans notre Université des gens si peu faits pour maintenir le bon goût et entièrement livrés à la barbarie pour les sciences et à la rusticité pour les moeurs »61 ;

50jugement non tempéré par Kaunitz qui, en 1765, les décrit en ces termes :

  • 62 Rapport du 20 juillet 1765 (ibid.).

« Toutes leurs études, tout leur savoir sentent la poussière de l’Ecole et la pédanterie ; ils négligent entièrement le talent de s’exprimer avec pureté et précision dans les langues vivantes »62.

51Tels sont les maîtres des fils de la noblesse luxembourgeoise ! Parmi ces derniers la plupart étudient le droit, le plus souvent jusqu’à la licence.

  • 63 P. HANNICK, « Les prévôts de Thierry à Neufchâteau au XVIIIe siècle », in T’Hémecht, 1971, p. 379.
  • 64 ANB 1894.

52Pourtant quelques-uns – mais les cas sont relativement rares – cèdent à l’attrait de l’étranger ; entre autres, Ponthian de Thierry, né en 1721, futur prévôt de Neufchâteau (1750), est « bachelier en droit de l’Université de Reims » en 174063 ; André-Christophe de Jardin qui sera prévôt de Luxembourg en 1756, est « docteur en droit de l’Université de Trêves »64. François-Wolfgang Tesch (anobli en 1724) nous livre son « curriculum vitae ». Né en 1685 à Bourscheid, il entre à l’école de Vianden en 1692. Un an plus tard, il est

  • 65 « Déduction généalogique de la famille Tesch et de leurs alliés », par François-Wolfgang de Tesch, (...)

« mis en pension auprès d’un maître d’école chez lequel [il a] appris [ses] principes jusqu’au mois de Septembre 1695 »65,

  • 66 Général de l’armée anglaise.

53à Oberfeylen (Arlon). Après avoir « défendu » la philosophie en 1702, et « une année de théologie morale au dit Luxembourg » en 1703, il « fréquente » le droit à Trêves jusqu’en 1704, d’où il est rappelé par ordre du duc d’Anjou lors de l’installation du duc de Marlborough66 dans cette ville pour ses quartiers d’hiver. En 1705, avec la permission du gouverneur de Luxembourg, son père l’envoie

  • 67 Cf. note 63.

« veoir l’Allemagne...[et se] trouvant à la Cour de SAE de Trêves... qui fit l’honneur à [son] père de beaucoup le considérer, [il a] appris [ses] exercices à cette Cour à Coblence »67.

54Un an plus tard, son autorisation ayant pris fin, il revient chez ses parents où il aidera son père, bailli de Bourscheid et haut justicier du comté de Vianden.

55Dans quelques cas exceptionnels, les « humanités » sont préférées au droit. Le baron N. de Heyden, orphelin de père est, dans la seconde moitié du siècle, élevé par sa mère

  • 68 AEA, AG Dossiers nobiliaires, H-L, doc. s. d., anonyme.

« comme elle le put. Plus tard il alla à une Université d’Allemagne, y apprit force grec, latin, philosophie, mais il en revint avec un jugement fort altéré »68 ;

56affirmation difficile à interpréter dans l’ignorance où nous sommes de la nature de ce « jugement », mais qui semble s’inscrire dans le cadre du conformisme propre à une partie de la noblesse comme de la population luxembourgeoises.

  • 69 M. BLUM, « Das Collegium Germanicum zu Rom und dessen Zöglinge aus dem luxemburger Lande », in OH, (...)
  • 70 R. MATAGNE, « Les Zievel », op. cit., p. 500. Ordonné prêtre, Evrard-Frédéric de Zievel sera recteu (...)

57Il arrive – rarement – que des fils de familles anciennes et pourvues de moyens nécessaires fréquentent le « Collegium Germanicum » de Rome. Au total, parmi les nobles luxembourgeois encore vivants au XVIIIe siècle, cinq y ont fait leurs études, dont deux membres de la famille de Raville ainsi que Lothaire-Frédéric Mohr de Wald, dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Seuls Louis-Hyacinthe d’Everlange-Witry (de 1740 à 1744) et Evrard-Frédéric de Zievel y entrent au XVIIIe siècle69. Ce dernier, né en 1706 y est admis en 1724 sur recommandation de son frère aîné, Jean-Henri, alors chambellan du Prince-Electeur de Bavière et commandant de ses gardes du corps, jointe à celle du recteur du collège des jésuites de Luxembourg. Il y fait de brillantes études, fréquente en outre les cours de physique et termine ses études philosophiques et théologiques « cum diligentiae Laude »70.

  • 71 Nous ne connaissons qu’un seul exemple : en 1725, le baron Henri d’Huart qui se destine à l’armée e (...)
  • 72 Nous n’avons relevé que cinq exemples : J.-Théodore d’Everlange (né en 1752) et Louis-Marie-Ferdina (...)

58Quant aux jeunes nobles se destinant à l’armée, nous n’avons aucun renseignement sur leur formation71. Nous ignorons combien passent par des « académies » militaires et lesquelles : il n’en existe aucune en territoire luxembourgeois. Exceptionnels sont les fils de familles nobles – généralement anciennes – reçus comme « pages » aux cours de Bruxelles, de Lorraine et de Liège, ou auprès des princes allemands72.

59L’éducation des filles est – autant que faire se peut – encore moins aisée à connaître. Plusieurs exemples nous permettent de savoir que, tant que la famille en a les moyens, le couvent demeure le lieu de prédilection pour la formation des jeunes filles nobles : Mme de Smackers, issue de l’ancienne famille de Waha, née au début du XVIIIe siècle,

  • 73 AE St-Hubert, Château de Mirwart, dossier n° 165, Oraison funèbre Pour Madame de Smackers, née Waha (...)

« ne fut pas plutôt en âge d’être éduquée qu’on la mit dans plusieurs maisons religieuses ou on sçavoit que l’éducation des jeunes Demoiselles pouroit le plus cultiver ses talents naturels »73.

  • 74 Pendant l’hiver, elle « pourra doubler les leçons et donner tout l’essort aux savantes instructions (...)

60Plus rarement les filles reçoivent chez elles une instruction laissée aux soins d’un précepteur ou d’une gouvernante : la comtesse de Marchant d’Ansembourg surveille étroitement l’enseignement prodigué à ses enfants par un précepteur74 ; sur elle repose alors le

  • 75 Ibid., Lettre du 4 juillet 1789.

« soin de sa maison, instruction des enfants, enfin instruction à donner au Précepteur même, encore jeune homme et [qu’elle dressera] à volonté »75.

  • 76 AGR, Comité pour le Dénombrement du Luxembourg, reg. n° 69 à 75. Il s’agit des familles Maringh et (...)
  • 77 Ibid. Il s’agit des familles Blochausen, Schmittbourg et Maringh.

61Les précepteurs à demeure font figure d’exception (deux cas seulement sont mentionnés dans le dénombrement de 176676), de même que les gouvernantes (trois cas77). Quant au contenu de l’instruction on en ignore à peu près tout si ce n’est l’importance prédominante de la religion et l’enseignement des vertus : ainsi, Mme de Smackers-Waha fit au couvent

  • 78 Cf. note 71.

« des progrès merveilleux en tout genre, et elle a toujours sceut allier ses devoirs de Religion avec ce qu’elle devoit apprendre pour être dans le monde »78.

62La comtesse de Marchant d’Ansembourg, désireuse d’engager une gouvernante pour ses filles en 1788, en dresse ainsi le portrait idéal :

  • 79 AGL, DSH V, dossier n° 31, Lettre de la comtesse d’Ansembourg à M. Seller, 9 novembre 1788.

« Le principale est detre certain de ses principes, de ses moeurs, surtout si elle a un grand fond de religion, si la pietté est solide et véritable, si elle n’a point lesprit gatté par les Sistèmes du jour qui malheureusement ne font que trop de progrets, enfin si on peut lui confier sans courire augune espece de Risques, de jeunes personnes à qui Ion veu de Bonneheur donner des principes solides de religion et de vertu, ce qui seul peut les prémunir conte les eceuilles que la jeunesse rencontre à chaque pas quelle fait dans ce monde »79.

  • 80 A propos de sa belle-fille, née de Looz-Corswaren, le comte de Lannoy écrit : « [elle] a tout pour (...)

63Outre l’allusion aux idées de l’époque – nous en reparlerons –, nous retrouvons cet idéal de pieté, la première des vertus féminines80.

  • 81 Par exemple, Henri de Bourcy et Anne-Catherine de Stahl de Givenich, à Echternach, tous deux d’anci (...)
  • 82 Nous trouvons la mention d’un maître de danse de Mlle de Heyden, en 1706 (AGL, A LII 7, Etat des dé (...)

64Si les jeunes filles ont été, selon toute apparence, plus souvent éduquées dans les couvents que par des précepteurs privés, sans doute les parents – surtout les mères – ont-ils fréquemment dispensé eux-mêmes les rudiments d’instruction à leurs filles. En effet dans tous les cas contraires que nous avons rencontrés, il s’agit de familles parmi les plus fortunées du duché. Et, quoique l’analphabétisme total soit très rare chez les nobles – très peu ne savent pas signer81 – l’orthographe généralement phonétique témoigne de la légèreté du bagage culturel de la plupart d’entre eux. Quant aux raffinements, tels la musique ou la danse, ils semblent – à de très rares exceptions près – n’avoir guère été développés82.

3. LA VIE CULTURELLE

A. Les bibliothèques

65Les activités culturelles proprement dites, intellectuelles et artistiques sont aussi difficiles à appréhender. Le nombre extrêmement modeste des inventaires après décès – seule source renseignant en particulier sur les bibliothèques – nous interdit toute approche statistique ou établissement de catégories d’intérêts selon les différents types de noblesses. De plus toutes les bibliothèques inventoriées appartiennent – par l’effet du hasard – à des nobles de culture française, d’où la rareté des ouvrages allemands. Nous nous bornerons donc à donner quelques exemples.

  • 83 AGL, not. Pierret, 25 juin 1726.
  • 84 C’est pourquoi toutes les bibliothèques un tant soit peu fournies comprennent de nombreux ouvrages (...)
  • 85 F.-X. WURTH-PAQUET, « Typographie Luxembourgeoise, ouvrages imprimés chez A. Chevalier, 1686-1743 » (...)
  • 86 Il est regrettable que l’inventaire ait été fait peu soigneusement : beaucoup de titres sans nom d’ (...)
  • 87 Il s’agit de Louis Guez de Balzac (1594-1654).

66La plus fournie et la plus érudite est celle de Georges de Balonfeaux – d’une famille ancienne, habituée à la magistrature – conseiller lettré au Conseil Provincial, inventoriée en 172683. Bien que la plupart des bibliothèques, vraisemblablement constituées par héritages successifs84, ne permettent généralement pas de connaître les goûts réels de leurs détenteurs, on peut supposer que celle-ci, où sont largement représentés les antiquités classiques et l’histoire, n’est pas tombée par hasard chez ce conseiller, amoureux de l’archéologie au point d’acquérir des jésuites un « cabinet numismatique » comprenant livres, urnes, médailles, pierres et autres raretés85. L’inventaire – pas complètement détaillé – annonce une bibliothèque de 618 volumes de « toutes sortes de livres », non compris ceux de « droit » ni « de voyage ». Des livres inventoriés86, la grande majorité sont des ouvrages historiques souvent en latin : histoire ancienne (entre autres, histoire romaine, égyptienne etc.), histoires locales (Historia luxemburgensis, De Antiquitate Trevirorum, Annales Trevirenses par Broverum et Masenium, Histoire de Bearn par Pierre de Marca, histoire du Portugal, d’Espagne, d’Italie) ; histoire récente (Versailles immortalisé [2 vol.], Histoire du Sacre et couronnement des Rois de France [4 vol.], Traités de paix depuis trois siècles [7 vol.]) ; histoire religieuse (Le Concile de Trente par Dupin [2 vol.], Histoire de l’hérésie par Florimont de Rémond, Histoire des variations des églises protestantes) ; enfin, biographies diverses (La vie des hommes illustres de Trêves, La vie de Mr d’Allamont, etc.). Les classiques anciens sont largement représentés : Plutarque, Plaute, Sénèque, Tacite, Pline, Xénophon, Homère, César, Théophile, Cicéron, Philostrate, Tite-Live, Virgile et Thucydide. La philosophie (Montaigne – avec les Essais –, Erasme et Machiavel) voisine avec la littérature (Racine, Balzac87, Boileau et son ami Patru de l’Académie française, enfin Histoire critique de la République des lettres en 10 volumes). Quelques ouvrages d’héraldique (Recherches du blason), livres d’armoiries, sur les ordres militaires etc., sont cependant moins nombreux que ceux concernant les moeurs ou la morale (La fortune des gens de qualité, Réflexions sur le ridicule etc.). Peu de mémoires y figurent (Mémoires du cardinal de Retz) mais on remarque par contre un certain attrait pour l’Orient : Les bons mots orientaux, La religion en Chine... Le notaire classe enfin en trois grandes catégories 68 « livres italiens », 97 « concernant les médailles », enfin 20 livres « de nulle conséquence ». La faible part des ouvrages religieux – excepté ceux concernant l’histoire de l’Eglise, une bible « allemande », le Catéchisme du père Scouville (8 vol.) et quelques autres – est remarquable ; sur les arts, également peu de choses : une Instruction secrète touchant les beaux-arts ; de même, un seul volume de géographie et un de cosmographie.

  • 88 M. de Balonfeaux ayant légué le prix de ce cabinet aux pauvres, il fut vendu en 1727, pour 600 écus (...)
  • 89 A. NEYEN, Biographie..., op. rit., t. 1, p. 439.
  • 90 Aucun inventaire ne semble en avoir été conservé.

67Cette bibliothèque revêt un caractère exceptionnel. Peut-être n’est-elle cependant pas unique en son genre au XVIIIe siècle. Celle de Lambert-Joseph de Marchant, comte d’Ansembourg (à qui devait échoir le « cabinet d’antiquités » du Sr de Balonfeaux88) pour laquelle l’abbaye d’Orval offrait 10.000 écus à la fin du siècle, et dont les titres répertoriés des seuls livres de géographie remplissaient un très gros registre89, dut être encore beaucoup plus considérable90.

  • 91 AGL, not. François, 29 mai 1773.

68Plus modestement l’avocat Georges de Burleus (famille de magistrats, anoblie en 1712) compte 202 volumes dans sa bibliothèque inventoriée en 177391. Environ les deux tiers sont des ouvrages de droit, la plupart en latin, mais datant le plus souvent des XVIIe et XVIIIe siècles. On y remarque, entre autres, le Traité des seigneuries par Charles Loyseau (1609). Outre quelques inévitables ouvrages sur la noblesse (Recueil de la noblesse de Bourgogne, Limbourg et Luxembourg etc. par J. le Roux, Les arts de l’homme d’épée par Guillet, 1678, Instructions pour un jeune seigneur à Lyon par le Chevalier de la Clétardie, 1693...) on remarque des ouvrages sur l’art : Mémoires pour l’histoire des sciences et des beaux arts et, plus spécialement, La pratique du théâtre par l’abbé d’Aubignac (Amsterdam, 1715) et L’école de la mignature (Bruxelles, 1759). Par ailleurs, l’avocat ou l’un de ses parents avait un goût certain pour les sciences de la nature (Spectacles de la nature), voire l’agronomie (Histoire des plantes, L’agronome ou dictionnaire portatif du cultivateur, Paris, 1751), de même que pour les sciences de l’homme (Essais d’anatomie, Leiden 1698, Dictionnaire médical, Bruxelles, 1733), enfin pour les sciences occultes (La chiromance et physionomie par J. Indagine, 1638). Par contre les auteurs antiques sont totalement absents, tandis que la littérature se borne aux oeuvres de Boileau, et l’histoire, à celle du Luxembourg par le Rd. P. Jean Bertholet (Luxembourg 1761,8 vol.). Les traités de conduite (Le parfait négociant de J. Savary, Genève 1676, Le parfait mareschal etc.) et deux ouvrages espagnols sur le langage terminent avec quelques livres religieux – là encore plus historiques que pieux – notre tour d’horizon.

  • 92 AGL, not. François, 26 juin 1786.
  • 93 Il s’agit du seul journal imprimé à Luxembourg jusqu’en 1773, date à laquelle il est remplacé par l (...)

69Eloignons-nous maintenant du milieu de la magistrature pour parcourir les rayonnages d’un seigneur terrien : messire Vauthier, vicomte de Lafontaine d’Harnoncourt (noblesse chapitrale), ancien officier au service de France. Sur les 56 volumes recensés en 178692, les livres de droit font presque totalement défaut (seulement trois), tandis que l’histoire occupe une place privilégiée (une quarantaine de titres, dont l’Histoire de Louis XIII par Michel Levassor). On dénote un certain goût pour le passé proche ou même l’actualité : 11 volumes de Nouvelles des cours de l’Europe depuis 1702 jusqu’à 1707, 3 volumes de L’esprit des cours de l’Europe, 25 tomes reliés du journal La clef du cabinet des Princes de l’Europe93. On relève en outre les Mémoires de ce qui s’est passé sous le cardinal de Richelieu et les Mémoires de Jean de Witt. Les livres religieux et les classiques font totalement défaut tandis que la littérature ne compte que Sept pièces de Théâtre détachées ; peu de livres pratiques également : un Traité d’éducation et un Livre de guitare.

  • 94 AEA, Château de Sainte-Ode, dossier n° 17.

70Chez Louis-Philippe de Racine d’Ormoy, seigneur et maître de forges de Sainte-Ode, en 175894, on retrouve quelques ouvrages juridiques en latin et un certain nombre de livres d’histoire, axés plutôt sur l’histoire ancienne (Histoire ancienne des Egyptiens, Histoire ancienne en 11 volumes...). Les ouvrages pieux ont réapparu, mais restent rares. Quant aux classiques anciens, la littérature et les livres pratiques, ils sont totalement absents.

  • 95 AGL, not. Schwab, n° 98, inventaire du 25 septembre 1758.

71Nettement plus volumineuse est la bibliothèque inventoriée en 1758, après le décès de Marie-Marguerite de Stassin, veuve de Charles-Bernard du Bost-Moulin, dame d’Esch et de Dudelange95. Elle comprend 349 titres en 428 volumes, dont une grande majorité d’ouvrages d’histoire, souvent en latin (publications du XVIe siècle) ; histoire ecclésiastique (conciles et décrétales) ; histoire antique (Histoire romaine par le Rd. P. Coeffeteau, 1621, La milice des Grecs et des Romains, etc.) ; histoires locales (Augusta trevirorum Annales par Wilhelmum Kÿriandrum, 1625, Histoire des guerres des Pays-Bas, Histoire générale de la Guerre de Flandre, Histoire de ce qui s’est passé au Roÿaume d’Hongrie, Paris 1629, etc.) ; puis des ouvrages plus généraux (Les Eléments de l’Histoire, Histoire universelle du Monde par François de Belleforest, Les Estats, Empires et principautés du Monde, 1613, Recueil des Traités de Paix, etc.), des biographies (La vie de l’Impératrice Eléonor, Liège 1724, Histoire des Princes d’Orange, Amsterdam 1692, etc.). Les ouvrages de droit, relativement peu nombreux, sont, pour la plupart, anciens (XVIe siècle) et en langue latine. Par contre, les livres de religion et de piété occupent une place privilégiée (La Sainte Bible Catholique par Etienne Michel, Lyon 1581, L’Agent de Dieu dans le Monde, Paris 1656, La guide des pécheurs par Louis de Grenade, Paris 1700, La vraÿe et solide dévotion, Paris 1656, Le Triomphe de la piété, Paris 1629, Reflexions Chrétiennes par le Rd. P. Croiset, Paris 1713, La vie et le royaume de Jésus, Mons 1662, Les secrets d’une bonne mort, Mons 1642, Le Testament de l’hérésie par Dulisdam, Lyon 1608, etc., et quelques biographies de saints). Les antiquités classiques sont très faiblement représentées et la philosophie pratiquement absente. La place revenant à la littérature ou au théâtre n’est guère meilleure ; citons tout de même : Les Essais de Montaigne, Paris 1625, Les Oeuvres de Monsieur de Boileau, Genève 1716, Le Théâtre italien de Gherardi, Paris 1700, Les nouvelles galantes comiques, Les oeuvres de Monsieur de Molière, 1698, etc. Hormis quelques livres sur la noblesse (Le relief de la vraÿe noblesse, Luxembourg 1635), sur la géographie (Méthode pour apprendre la géographie, Paris 1722, etc.) ou l’art – d’ailleurs très orientés vers la France – (Les antiquités des villes et places les plus remarquables de toute la France, Paris 1629, Descriptions des plus célèbres villes de France, Rouen s. d., etc.), puis la musique (Recueil des Opéras, Anvers 1700, Recueil de chansons choisies, Paris 1698), on trouve encore des ouvrages sur le langage qui dénotent une attirance pour les langues latines (Grammaire italienne et française, Les origines de la langue française, Paris 1650, Grammaire espagnole expliquée en français par Oudin, etc.). Suit une série de guides pratiques (La Science de la Cour, Paris 1706, L’art de connaître les hommes, Amsterdam 1669, Instructions pour les pensionnaires, Metz s. d., Le parfait Capitaine, Paris 1636, etc.). On remarque, en outre, un certain intérêt pour l’art militaire et les fortifications (Les principes de l’art militaire, Rouen 1641, Brieve instruction de l’artillerie de France, Paris 1608, Les Fortifications du chevalier Antoine Deville, Lyon 1641, etc.). Restent quelques ouvrages divers, traitant de médecine, de remèdes, d’astronomie etc.

  • 96 J. VANNERUS, « Les familles luxembourgeoises au chapitre noble de Sainte-Waudru à Mons », in AIAL, (...)
  • 97 J. MERSCH, « Des Francs-Maçons... », op. cit., « Les marquis du Pont d’Oye », p. 446.

72Plus inattendu est le contenu de la bibliothèque de Françoise-Thérèse-Catherine du Bost-Moulin (petite-fille de la précédente, fille du marquis du Pont d’Oye), chanoinesse du chapitre de Sainte-Waudru à Mons96. Outre huit bréviaires, elle possède – entre autres – à la fin du siècle, les Contes philosophiques de Voltaire, Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, les Mémoires de Beaumarché, les Mémoires philosophiques, les Mémoires de Saint-Simon, l’Omet du philosophe bienfaisant (Stanislas Leszczynski), l’Histoire chinoise, ainsi qu’une Dissertation sur la poésie chinoise. Cet éclectisme est sans doute lié au fait que les marquis du Pont d’Oye entretenaient des contacts étroits avec certains nobles de Paris et Versailles ; Voltaire leur avait même fait l’honneur de séjourner au Pont d’Oye avec Mme du Châtelet en été 174597.

  • 98 AGL, DSH V, dossier n° 27, inventaire du 6 mai 1794. Elle était la belle-soeur de Vauthier, précéde (...)
  • 99 AGL, not. Kleber, 24 avril 1759.

73Ces quelques exemples que nous avons développés correspondent aux bibliothèques les mieux pourvues et ne doivent donc pas être généralisés. En effet, certains nobles – probablement sont-ils assez nombreux – notamment dans la petite noblesse terrienne, ne possèdent pas de bibliothèque, voire pas même un ouvrage, à l’image de Marie-Louise de Lafontaine, comtesse d’Harnoncourt, née baronne de Waha, de noblesse chapitrale par sa naissance et son mariage : l’inventaire de son mobilier – par ailleurs assez cossu – en 1794, ne mentionne aucun livre98. Certains ont seulement quelques ouvrages : ainsi Mlle Anne-Reine, baronne d’Arnoult et de Soleuvre, d’une noblesse assez ancienne (antérieure au XVIIe siècle), issue d’une famille de magistrats aisés – dont deux présidents du Conseil Provincial – n’a pour toute littérature, en 1759, que onze livres de piété dont un missel et neuf « petits livres à 97 prier »99 .

74L’examen de ces bibliothèques permet quelques constatations : tout d’abord, l’importance mineure des ouvrages pieux (à une exception près), alors que – comme le laissent apparaître les principes d’éducation – l’idéal de piété constituait l’un des fondements de la psychologie nobiliaire. La piété devait donc s’acquérir et se transmettre le plus souvent oralement. D’autre part, il semble que la philosophie « des lumières » ait peu pénétré dans les milieux nobles luxembourgeois. Pourtant les idées nouvelles n’étaient pas inconnues – du moins de certains – puisque la philosophie du jour est parfois sévèrement jugée. Mais ces réactions n’apparaissent, semble-t-il, qu’en fin de siècle. En 1783, le comte de Marchant d’Ansembourg envoie à son ami le curé de Saül, le Dictionnaire de la Religion de l’Abbé Monotte où

  • 100 AGL, A L 66, Lettre du curé de Saül au comte d’Ansembourg, 5 juin 1783.

« le seul discours préliminaire sur l’esprit philosophique de ce siècle... dépeint parfaitement bien l’égarement et la frivolité qui gagne journellement et qui infeste tous les états et conditions »100.

75Nous avons vu également l’attitude profondément conservatrice de la noblesse face aux réformes de Marie-Thérèse et de Joseph II. Parlant des événements de la fin du siècle, la douairière de Brias écrit en 1790 :

  • 101 AEA, Fonds van Eyll, Lettre de la douairière de Brias à l’une de ses belles-soeurs à Luxembourg, 18 (...)

« Ce sont les suites de notre siècle éclairée, qui m’a déjà souvent fait soupirer en silence... Si la Filosophie de laquelle on fait tant de bruit ne produit que des suites pareille je voudroi que nous fussion dans la plus grande ignorance »101 ;

76jugement sans doute compréhensible à cette date, mais dont les termes mêmes indiquent qu’il est antérieur à 1789. Plus tard, en 1791, M. de Villers-Masbourg incrimine également :

  • 102 Lettre de N. de Villers-Masbourg au Président du Rieux, 23 mars 1791 (publiée par A. SPRUNCK, « Les (...)

« Cette malheureuse philosophie qui... veut secouer toute autorité et qui foncièrement pervertit les hommes »102.

77Il serait en réalité intéressant de savoir dans quelle mesure leurs détracteurs avaient effectivement lu les philosophes ou s’ils ne connaissaient leurs idées que par ouï-dire.

  • 103 Ceci à la différence des autres provinces des Pays-Bas autrichiens, où le clergé sera chargé de la (...)

78Force est tout de même d’évoquer ici, à la décharge des Luxembourgeois, deux entraves à l’épanouissement culturel : d’une part l’insuffisance des voies de communication, vecteur essentiel des influences culturelles ; d’autre part le rôle de la censure exercée depuis le début du siècle par quelques individus du Conseil Provincial, à la solde du gouvernement103, et qui restera très rigide, au moins jusqu’en 1780. Par ailleurs, certains ouvrages sont interdits directement par Vienne dans l’ensemble des Pays-Bas. Le 26 juillet 1762, une dépêche circulaire adressée au Conseil Privé et aux procureurs généraux et fiscaux leur enjoint

  • 104 GACHARD, Analectes, t. III (cité par E. DISCAILLES, Les Pays-Bas..., op. cit., p. 176).

« d’empêcher l’introduction et le débit dans ce pays, du livre intitulé Emile ou l’Education de J.-J. Rousseau, qui est décidément mauvais et impie »104.

  • 105 Archives de la Chancellerie des Pays-Bas (cité in ibid., p. 176).

79De même, le Journal Encyclopédique qui avait trouvé grâce devant Cobenzl, ne put obtenir le privilège de l’impératrice « pour des raisons supérieures »105.

80Si l’isolement et la censure ont nécessairement freiné la divulgation des ouvrages et des idées, il n’en demeure pas moins que les nobles luxembourgeois semblent avoir été généralement dépourvus de toute curiosité littéraire. Tels qu’ils apparaissent dans nos sources, peu instruits, peu cultivés, ils sont pour la plupart restés à l’écart des courants philosophiques du siècle. A l’exception – peut-être – de quelques rares francs-maçons.

B. La franc-maçonnerie

81Mentionnée pour la première fois au Luxembourg dans une requête datée de 1729, la franc-maçonnerie ne s’y développera que dans la seconde moitié du siècle, avec l’implantation à Luxembourg de la société secrète de la Stricte Observance et par le truchement des officiers étrangers (anglais entre 1740 et 1748, lorsque l’Angleterre est alliée de l’Autriche dans la guerre de Succession d’Autriche, et français de 1756 à 1763, pendant la guerre de Sept Ans).

  • 106 J. MERSCH, « Des Francs-Maçons... », op. cit., p. 347 et ss.

82On sait assez peu de choses sur les loges luxembourgeoises dont certaines n’ont pas laissé de trace. Mais le recrutement semble s’être fait massivement chez les militaires étrangers en garnison dans la province, et dans la bourgeoisie. Mentionnons pourtant quelques nobles francs-maçons cités par Jules Mersch dans son étude sur les loges luxembourgeoises106. On remarque Philippe-Charles II de Pfortzheim, officier au service de l’impératrice, inscrit sur la liste des membres de la confrérie de Saint-Sébastien de Luxembourg en 1763 et affilié, après 1773, à la loge de la Parfaite Union, alors qu’il est major de l’armée impériale. Admis en 1787 à l’Etat noble, il s’y singularisera par sa dévotion à la maison d’Autriche avant de reprendre les armes contre les insurgés, lors de la révolution brabançonne. Parmi les civils, membres de la Parfaite Union, Gaspard-Florent de Breiderbach, membre de l’Etat noble, futur commissaire des Etats près les troupes prussiennes (1792), et Jean-Henri, baron de Stein, tous deux conseillers au Conseil Souverain ; enfin Christophe Charles du Bost-Moulin, marquis du Pont d’Oye et membre de l’Etat noble. A Marche-en-Famenne, la loge de la Constance, créée vers 1780, a pour Vénérable maître, Philippe-Ernest Malempré (père anobli en 1774), mayeur, prévôt, juge des Domaines et Droits de Sa Majesté, et pour Vénérable maître adjoint, Guillaume-Ignace de Labbeville, avocat au Conseil Provincial et échevin de la Cour de Marche.

83Des débats menés dans ces sociétés secrètes, nous ne savons rien. Toujours est-il que plusieurs de ces nobles affiliés (en particulier P.-C. de Pfortzheim, G.-F. de Breiderbach et P.-E. Malempré) resteront de fidèles serviteurs de la monarchie autrichienne. Mais en fin de compte, si par le biais de la franc-maçonnerie certains ont pu être mieux au courant des idées du siècle, il est difficile de mesurer jusqu’où allait leur adhésion.

Notes

1 Cité (sans indication de date, après 1773) par N. MAJERUS, Histoire du Droit..., op. cit., t. 2, p. 630.

2 Cette situation est entérinée par l’art. 9 du traité de Rastatt en 1714 (N. MAJERUS, Histoire du Droit..., op. cit., t. 2, pp. 635-636).

3 En particulier les Baring et Mohr de Wald.

4 N. van WERVEKE, « Archives de Betzdorf... », op. cit., pp. 335-336, dispense du 19 juillet 1764 réitérant celle enregistrée au Siège des Nobles, le 25 janvier 1761 (AGR, A V 18).

5 AGL, not Pierret, 13 mars 1722.

6 Le mot « craindre » est alors à comprendre dans le sens d’« amour et respect ».

7 Cf. note 5.

8 AEA, AG dossiers nobiliaires, T-Z.

9 Baron E. d’HUART, Souvenirs de famille, Bruxelles, 1850, p. 37.

10 AE St-Hubert, Château de Mirwart, dossier n° 165.

11 Baron E. d’HUART, Souvenirs..., op. cit., p. 35.

12 Baron E. d’HUART, Souvenirs..., op. cit., p. 35.

13 Voir, par exemple, à ce sujet, d’AUBIGNAC, Histoire du temps ou Relation du royaume de cocquetterie, extraite du dernier voyage des Hollandais aux Iles du Levant, Paris 1654, p. 63.

14 Evoquons ici l’Ordonnance d’Alet de 1675 qui incite les maîtres à prendre garde que les enfants « soient [à l’église] dans la modestie et la décence convenable, qu’ils ne tournent point la tête de côté et d’autre, qu’ils ne rient point, qu’ils ne caquettent point, qu’ils ne se poussent point les uns les autres et qu’ils ne commettent aucune autre irrévérence » (cité par R. CHARTIER et D. JULIA, L’éducation en France du XVIe au XVIIIe siècle, Paris 1976, p. 124).

15 Baron E. d’HUART, Souvenirs..., op. cit., p. 37.

16 Cf. note 10.

17 Baron E. d’HUART, Souvenirs..., op. cit., p. 36.

18 Certes, il faudrait s’entendre ici sur le sens à donner à l’expression « honnête homme ».
Si certains théoriciens le préfèrent noble (notamment Nicolas Faret dont s’inspirent largement les propos du baron d’Huart), la noblesse n’est cependant obligatoire ni dans sa conception morale, ni dans sa conception mondaine. Mais sous la plume du baron, le terme d’honnête homme est vraisemblablement chargé d’une exigence de noblesse.

19 Baron E. d’HUART, Souvenirs..., op. cit., p. 37.

20 P. CHAUNU, La mort à Paris, XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Paris 1978, pp. 447-448.

21 AEA, Château de Grandvoir, n° 31, testament de Robert-Joseph, comte du Monceau, 1789.

22 AGL, AV 16, f° 230, testament du 23 janvier 1733.

23 AGL, A V 16, f° 71, testament du 7 mars 1742.

24 AGL, not. Pierret, testament du 13 mars 1722.

25 P. CHAUNU, La mort..., op. cit., p. 437.

26 N. MAJERUS, Histoire du Droit..., op. cit., t. 2, p. 695. Ainsi, Catherine de Mangin veut être enterrée dans l’église des Récollets de Luxembourg en 1780 (AGL, not. François, 30 juillet 1780) ; Charles de Saint-Baussant, prêtre, dans l’église paroissiale de Luxembourg (AGL, not. François, 13 mai 1784) ; Henri-François-Charles Boromée de Harbonnier, dans l’église de Nives (A. NAMUR, Notice..., op. cit., p. 24, testament du 26 mars 1782).

27 Voir P. CHAUNU, La mort..., op. cit., p. 435 et ss.

28 AGL, not. Kleber, testament du 29 décembre 1753.

29 AGL, not. François, n° 13, testament, 1795.

30 AGL, not. Schwab, testament du 8 mai 1745.

31 AGL, not. Schwab, testament du 21 décembre 1758.

32 AGL, not. François, testament du 29 avril 1789.

33 AGL, AV 16, f° 166, testament du 29 mai 1737.

34 AGL, not. François, n° 51, testament du 24 avril 1785.

35 Les six autres étant laissés « à la discrétion » de l’héritier ou ne comptant qu’un anniversaire.

36 Il s’agit de Lambert Marchant, conseiller du Roi à Luxembourg, seigneur d’Ell, et de dame Bonne de Hermée, son épouse, en 1709 (AGL, A L 3).

37 Il s’agit de Lambert-Joseph de Marchant, comte d’Ansembourg (le 4 janvier 1766) qui, en outre, fonde cinq anniversaires annuels (AGL, A V 20). De même, Ferdinand-Antoine, comte de Berlo-Suÿs, le 30 juillet 1769, qui fonde aussi trois messes hebdomadaires (AE Liège, Archives de la famille de Lannoy-Clervaux, dossier n° 131) ; et Joseph-Hyacinthe, duc de Corswaren-Looz, le 29 avril 1777 (AGL, A V 20, f° 223). On relève en outre le cas de Henri-Charles-Boromée de Harbonnier qui, à la date avancée du 26 mars 1782, fait dire 2.000 messes et fonde quatre anniversaires (publié par M.-A. NAMUR, Notice sur la famille et la seigneurie de Cobreville, Anvers 1852, pp. 24-25.), et de J.-B.-Salomon de Papigny qui, en 1795, demande 3.000 messes (AGL, not. François, 1795, n° 13).

38 AGL, not. François, testament de Marie-Catherine de Mangin, 30 juillet 1780. Elle donne encore à l’hôpital Saint-Jean 1.000 écus « pour qu’une pauvre femme malade y soit entretenue », et un jardin à Luxembourg aux orphelins, sans pour autant négliger ses domestiques.

39 AGL, not. Broucq, testament de Nicolas d’Arberg, 17 janvier 1731.

40 AGL, not. Pierret, testament de Charlotte d’Autel, 6 janvier 1724.

41 Certes, nous avons déjà mentionné l’ordonnance de 1753 déclarant la prohibition et nullité des transmissions de propriétés opérées par acte de dernière volonté au profit des établissements de main-morte (voir supra, p. 205 ; et E. DISCAILLES, Les Pays-Bas ..., op. cit., p. 180). Mais cet argument n’a pas pu beaucoup influencer le choix des testateurs, étant donnée la nature des legs accordés.

42 Nos résultats rejoignent sur ce point ceux de J. MEYER pour la noblesse bretonne à la fin du XVIIIe siècle (La noblesse bretonne..., op. cit., t. 2, p. 1148).

43 Par exemple la famille de Trappé, très aisée, dont chaque membre lègue par testament à la « fabrique » de Saint-Lambert de Liège, de 5 sols (Edmond, 1770) à 1 écu (Jean-Mathias, 1771), « une fois » (AEA, Château de Losange, fonds non classé, Papiers de famille).

44 Le maximum rencontré dans nos exemples est de 1.600 écus (AE Liège, Archives de la famille de Lannoy-Clervaux, dossier n° 29, testament de Jeanne-Thérèse-Claire de Lannoy-Bocholtz, 1720). Ce cas est exceptionnel.

45 AGL, AV 16, f° 234, testament du 3 juin 1726.

46 AGL, not. Spÿr, testament du 13 juillet 1743.

47 Cf. note 43.

48 AGL, DSH V, dossier n° 25 (Lafontaine).

49 Voir en particulier, P. CHAUNU, La mort..., op. cit. ; J.-M. THIRIET, « Mourir à Vienne aux XVIIe-XVIIIe siècles ; le cas des Welsches », in Jahrbuch des Vereins für Geschichte der Stadt Wien, vol. 34, 1978, pp. 204-217 ; M. VOVELLE, Piété baroque et déchristianisation : les attitudes devant la mort en Provence au XVIIIe siècle, Paris 1973.

50 BNL, M I : 240, Pierre-Alexandre-Cyprien MERJAI, Voyages curieux et utiles, manuscrit, vol. 24, 1810, f° 2038.

51 BNL, M I : 240, Pierre-Alexandre-Cyprien MERJAI, Voyages curieux et utiles, manuscrit, vol. 24, 1810, f° 2038.

52 E. DISCAILLES, Les Pays-Bas..., op. cit., p. 208.

53 Cf. note 49, op. cit., f° 2040.

54 Cité par A. SPRUNCK, « Professeurs et élèves du Collège Royal de Luxembourg », in Cahiers Luxembourgeois, 1933 n° 3, pp. 351-352.

55 Ibid.

56 Voir supra, p. 115, note 80.

57 Mémoires de Neny, chapitre XXVII, p. 245 (cité par E. DISCAILLES, Les Pays-Bas ..., op. cit., p. 201). Ceci pour éviter une exportation inutile d’argent et « l’expérience prouvait... que ce séjour des jeunes gens dans les universités étrangères faisait naître souvent dans leur esprit des impressions aussi contraires au service de S.M. qu’au bien commun du pays » (ibid.). En réalité cet édit reprenait les clauses de celui de Philippe II, du 4 mars 1589, puis de celui de 1695, celles-ci n’étant pas suffisamment respectées (E. TANDEL, Les Communes..., op. cit., t. I, 1889, p. 558).

58 N. de REIFFENBERG, s. d. (cité par E. DISCAILLES, Les Pays-Bas..., op. cit., p. 198).

59 Tiré de Lettres sur les Pays-Bas, I, (ibid.).

60 Ibid.

61 « Mémoire concernant l’Université de Louvain », par le docteur Marant, 1778 (cité in ibid., p. 199).

62 Rapport du 20 juillet 1765 (ibid.).

63 P. HANNICK, « Les prévôts de Thierry à Neufchâteau au XVIIIe siècle », in T’Hémecht, 1971, p. 379.

64 ANB 1894.

65 « Déduction généalogique de la famille Tesch et de leurs alliés », par François-Wolfgang de Tesch, écuyer, seigneur de Fresnoy-la-Montagne (publiée par E. TANDEL, Les Communes..., op. cit., t. V, 1892, pp. 688-693, citations pp. 691-692).

66 Général de l’armée anglaise.

67 Cf. note 63.

68 AEA, AG Dossiers nobiliaires, H-L, doc. s. d., anonyme.

69 M. BLUM, « Das Collegium Germanicum zu Rom und dessen Zöglinge aus dem luxemburger Lande », in OH, 1899, p. 71. Outre ces cinq nobles, il y eut aussi un roturier luxembourgeois.

70 R. MATAGNE, « Les Zievel », op. cit., p. 500. Ordonné prêtre, Evrard-Frédéric de Zievel sera recteur de la collégiale de Bonn jusqu’en 1746, puis chanoine de la cathédrale de Liège où il mourra en 1760.

71 Nous ne connaissons qu’un seul exemple : en 1725, le baron Henri d’Huart qui se destine à l’armée est envoyé à l’âge de quatorze ans dans une Académie où il doit rester six mois avant de prendre un drapeau aux Gardes Wallonnes (Baron E. d’HUART, Souvenirs..., op. cit., p. 34).

72 Nous n’avons relevé que cinq exemples : J.-Théodore d’Everlange (né en 1752) et Louis-Marie-Ferdinand de Coppin (né en 1755), pages du Prince-Evêque de Liège ; Robert-Joseph d’Everlange (né en 1754), et François-Albert de Boland (au début du siècle) à Bruxelles ; enfin Ernest de Zievel (en 1730), à la Cour de Wurtzbourg.

73 AE St-Hubert, Château de Mirwart, dossier n° 165, Oraison funèbre Pour Madame de Smackers, née Waha, 1759.

74 Pendant l’hiver, elle « pourra doubler les leçons et donner tout l’essort aux savantes instructions de tant d’écoliers » (ses sept enfants) (AGL, A L 66, Lettre du curé de Saül au comte d’Ansembourg, 1er janvier 1789).

75 Ibid., Lettre du 4 juillet 1789.

76 AGR, Comité pour le Dénombrement du Luxembourg, reg. n° 69 à 75. Il s’agit des familles Maringh et Harbonnier.

77 Ibid. Il s’agit des familles Blochausen, Schmittbourg et Maringh.

78 Cf. note 71.

79 AGL, DSH V, dossier n° 31, Lettre de la comtesse d’Ansembourg à M. Seller, 9 novembre 1788.

80 A propos de sa belle-fille, née de Looz-Corswaren, le comte de Lannoy écrit : « [elle] a tout pour elle, religion, caractère, esprit, talent et figure » (AE Liège, Archives de la famille de Lannoy-Clervaux, dossier n° 83, Lettre du 12 août 1788). On remarque l’ordre dans lequel le comte énumère ces qualités.

81 Par exemple, Henri de Bourcy et Anne-Catherine de Stahl de Givenich, à Echternach, tous deux d’ancienne noblesse (AGL, not. Hartman d’Echternach, 9 décembre 1741) ; de même Thérèse du Sart de Vigneulles (ibid., 10 novembre 1791) ; et Anne-Françoise de Conradt, veuve de Jean de Musiel (AGL, not. Winckel, 29 septembre 1745), etc.

82 Nous trouvons la mention d’un maître de danse de Mlle de Heyden, en 1706 (AGL, A LII 7, Etat des dépenses de Mlle Eva-Marguerite de Heyden). De même, le jeune comte N. de Brias apprend à danser (en même temps que l’arithmétique !) vers 1761 (AEA, Fonds van Eyll, dossier n° 156, Lettre non datée). En 1739, Lambert-Isaac-Joseph de Freins apprend à jouer de la basse, contre le gré de son beau-père qui l’accuse de perdre son temps (AEA, Château de Sainte-Ode, dossier n° 13, Lettre du 7 mai 1739).

83 AGL, not. Pierret, 25 juin 1726.

84 C’est pourquoi toutes les bibliothèques un tant soit peu fournies comprennent de nombreux ouvrages en double ou triple.

85 F.-X. WURTH-PAQUET, « Typographie Luxembourgeoise, ouvrages imprimés chez A. Chevalier, 1686-1743 », in PSH, t. 6, 1851 p. 63, note 1.

86 Il est regrettable que l’inventaire ait été fait peu soigneusement : beaucoup de titres sans nom d’auteur, aucune date de parution ; inconvénients auxquels s’ajoute l’illisibilité de l’écriture du notaire.

87 Il s’agit de Louis Guez de Balzac (1594-1654).

88 M. de Balonfeaux ayant légué le prix de ce cabinet aux pauvres, il fut vendu en 1727, pour 600 écus, à Messire Christophe d’Arnoult, baron de Meysembourg, président du Conseil Provincial et conseiller d’Etat (AGL, A V 15, f° 122). Nous ignorons comment ce cabinet passa ensuite aux mains de Lambert-Joseph de Marchant, comte d’Ansembourg (Cf. note 83).

89 A. NEYEN, Biographie..., op. rit., t. 1, p. 439.

90 Aucun inventaire ne semble en avoir été conservé.

91 AGL, not. François, 29 mai 1773.

92 AGL, not. François, 26 juin 1786.

93 Il s’agit du seul journal imprimé à Luxembourg jusqu’en 1773, date à laquelle il est remplacé par le Journal historique et littéraire de François-Xavier de FELLER, de tendance conservatrice (cf. note 83 et supra p. 260, note 4).

94 AEA, Château de Sainte-Ode, dossier n° 17.

95 AGL, not. Schwab, n° 98, inventaire du 25 septembre 1758.

96 J. VANNERUS, « Les familles luxembourgeoises au chapitre noble de Sainte-Waudru à Mons », in AIAL, t. 39, 1904, p. 44, note 1.

97 J. MERSCH, « Des Francs-Maçons... », op. cit., « Les marquis du Pont d’Oye », p. 446.

98 AGL, DSH V, dossier n° 27, inventaire du 6 mai 1794. Elle était la belle-soeur de Vauthier, précédemment cité.

99 AGL, not. Kleber, 24 avril 1759.

100 AGL, A L 66, Lettre du curé de Saül au comte d’Ansembourg, 5 juin 1783.

101 AEA, Fonds van Eyll, Lettre de la douairière de Brias à l’une de ses belles-soeurs à Luxembourg, 18 janvier 1790.

102 Lettre de N. de Villers-Masbourg au Président du Rieux, 23 mars 1791 (publiée par A. SPRUNCK, « Les derniers temps... », op. cit., pp. 209-210).

103 Ceci à la différence des autres provinces des Pays-Bas autrichiens, où le clergé sera chargé de la censuré jusqu’en 1781 (H. PIRENNE, Histoire de Belgique, t. V, Bruxelles 1932, p. 306 et ss.).

104 GACHARD, Analectes, t. III (cité par E. DISCAILLES, Les Pays-Bas..., op. cit., p. 176).

105 Archives de la Chancellerie des Pays-Bas (cité in ibid., p. 176).

106 J. MERSCH, « Des Francs-Maçons... », op. cit., p. 347 et ss.

Table des illustrations

Titre Tableau N° 81 : FRÉQUENCE DES MESSES, LEGS ET AUMÔNES DANS LES TESTAMENTS
Légende a) Legs aux hôpitaux et pour l’instruction de la jeunesse.b) Legs aux églises et couvents.c) Messes et fondations d’anniversaires.
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