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La consommation alimentaire en Pologne aux xvie et xviie siècles

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Andrzej Wyczanski

XV. La consommation alimentaire et la production agricole en Pologne vers 1580

Texte intégral

  • 1 R. Rybarski, "Handel i polityka handlowa Polski", II, p. 5.

1Nous avons présenté, dans notre chapitre précédent, des arguments qui tendent à prouver que l’étude de la consommation alimentaire constitue la meilleure voie pour l’évaluation du volume de la production agricole. Il serait superflu de les répéter bien que la méthode d’établissement quantitatif de la production agricole ne constitue pas une tâche simple à réaliser. En théorie, pour réaliser ce but il suffit d’ajouter les chiffres de l’exportation aux besoins alimentaires déjà établis, pour obtenir la production nette et utiliser le coefficient de la récolte, pour trouver la production brute. Maintenant, nous voulons montrer comment réaliser cette étape de la recherche1.

  • 2 Ibidem, p. 6.

2Nous savons que les besoins alimentaires de la population exigeaient annuellement environ 750 329 tonnes de seigle. L’exportation par Gdansk, se chiffrait entre 1571 et 1590 en moyenne à 43 600 tonnes de seigle. Il y avait des transports de seigle en provenance de Ruthénie et de Lituanie, mais on n’en connaît pas le volume. On en exportait aussi une certaine quantité par la route continentale vers la Silésie. A défaut de chiffres exacts, d’ailleurs insignifiants, nous avons supposé équilibrée la balance des arrivées et des sorties du seigle par les transports terrestres, ce qui nous permet d’omettre ces deux éléments dans nos raisonnements futurs. Nous savons ainsi que la consommation du seigle dans les quatre principales provinces de la Pologne et l’exportation vers 1580 serait environ de 793 929 tonnes, plus une quantité inconnue consacrée à la confection de la bière2.

3La consommation alimentaire exigeait annuellement 30 006 tonnes de froment et nous devons ajouter à ce chiffre quelques 4 800 tonnes exportées en moyenne par Gdansk. Les transports terrestres étant insignifiants, ainsi que l’utilisation du froment comme nourriture pour les animaux, nous pouvons considérer le volume de 34 806 tonnes comme correspondant à la production nette de froment, sans prendre en considération son utilisation pour la confection de la bière.

4Les trois produits suivants, les pois, le millet, et le sarrasin, ne présentent pas de difficultés de calcul. On ne les exportait pas en masse et ils ne constituaient pas en général une nourriture pour les animaux. On n’observe pas non plus de transports intérieurs importants de ces produits. Ainsi nous pouvons accepter leurs quantités comme correspondant approximativement à la production nette. Ainsi nous avons accepté 62 168 tonnes de pois, 42 157 tonnes de millet, et 39 429 tonnes de sarrasin.

5L’évaluation de la production nette de l’orge représente un cas assez difficile, bien que son exportation et ses transports terrestres aient été insignifiants. La consommation du gruau exigeait approximativement 44 199 tonnes d’orge, en grains, mais nous savons que c’était la fabrication de la bière qui utilisait la majorité de l’orge cultivée. Cette fois nous ne pouvons pas éviter d’aborder le problème de la production de la bière.

  • 3 AGAD ASK LVI S/II/2 f. 256.

6Nous avons évalué la consommation de la bière à 12 796 000 hl par an pour la population de 4 provinces principales de la Pologne d’autrefois, quantité qui exigeait approximativement 319 000 tonnes de céréales en grain. Gdansk exportait à l’époque un peu de bière, tandis qu’on importait souvent de Silésie de la bière de qualité. Nous ne connaissons pas les chiffres exacts de l’exportation et de l’importation de la bière, mais étant donné son prix, assez élevé3, on peut supposer que les volumes de l’exportation et de l’importation n’étaient pas grands et nous pouvons les omettre, car ils s’annulent à peu près. Ainsi nous revenons au chiffre précédemment présenté et à la quantité des céréales nécessaires à la fabrication de la bière.

  • 4 Calculé sur la base de la production de la bière dans la starostie de Sieradz.

7Les sources nous informent souvent sur la provenance des différents types de bière, de leurs prix, mais elles sont muettes quant aux céréales utilisées pour leur confection. Nous sommes donc obligés de calculer la répartition quantitative des différentes céréales en utilisant les sondages et notamment le sondage fait à partir des sources très détaillées et riches, de la starostie de Sieradz. Les comptes de cette starostie montrent qu’on faisait le malt des différentes céréales dans la proportion suivante : seigle, 10 %, froment, 22 % ; orge, 43 % ; avoine, 25 %4. En généralisant cette proportion nous avons la répartition suivante des céréales consacrées à la confection de la bière :

seigle

31 990 tonnes

froment

70 378 tonnes

orge

137 557 tonnes

avoine

79 975 tonnes

Total

319 900 tonnes

8Les chiffres ci-dessus sont établis très approximativement, mais avant que des études futures puissent les définir exactement, nous devons les retenir, en ajoutant aux volumes des céréales respectives.

  • 5 Voir p. 259.

9La répartition des différents types de viande constitue un problème aussi difficile à résoudre. Le sondage semblable suggère que dans la quantité globale de 44 636 tonnes de viande, il y avait 75 % de viande de boeuf5, c’est-à-dire 33 477 tonnes. Evidemment, il ne faut pas prendre cette notion à la lettre, mais nous pouvons supposer que c’était la viande de boeuf, de vache ou de génisse. Ainsi nous avons accepté le nombre de 326 000 animaux, dont 163 000 boeufs, et 163 000 vaches et génisses, comme bétail, qui donnait annuellement la viande dite de boeuf. Nous allons discuter séparément la provenance du reste de la viande.

  • 6 J. Baszanowski, "Z dziejów handlu polskiego", p. 137.

10Malgré l’importance de l’exportation et l’importance de l’importation des boeufs dans la Pologne d’autrefois6, nous ne voulons pas corriger le chiffre des boeufs prévus pour la consommation. L’exportation, qui atteignait par an quelques dizaines de milliers de boeufs devait changer l’image de l’élevage du bétail dans tout le pays. Malheureusement, nous ne savons pas quel était le nombre d’animaux importés, mais il est sûr que l’élevage du bétail en masse se développait en Ukraïne et en Valachie, et le nombre des boeufs importés ne devait pas être inférieur à celui des animaux exportés.

  • 7 R. Rybarski, "Handel i polityka handlowa Polski", I, p. 62-71.

11Nous connaissons la consommation minimum des poissons, soit annuellement environ 10 545 tonnes. Selon les recherches sur le commerce extérieur l’importation des harengs en Pologne doit se chiffrer à quelques 2 000 tonnes par an7, mais ce chiffre ne nous semble pas être complet, et notre évaluation du volume des poissons englobe aussi bien les harengs que les anguilles salées et les autres poissons achetés, énumérés dans les comptes. Il nous manque aussi des informations sur la quantité de poissons provenant de la pêche ou des étangs proches. Nous sommes donc obligés d’accepter cette quantité comme la consommation minimum et comme point de repère pour définir approximativement le même volume qui correspondra à l’élevage des poissons dans le pays.

  • 8 Voir p. 259.

12La consommation de 30 874 tonnes de flèches de porc par an exige l’abattage de 812 000 porcs engraissés. Outre ce chiffre nous savons qu’on exportait annuellement quelques milliers de porcs en Silésie, mais ce chiffre infime ne nous autorise pas à augmenter encore le nombre des porcs, déjà très élevé. Nous savons, à partir des sources de la Starostie de Sieradz, que 4-5 % de la viande consommée était de la viande de porc8, cette fois probablement la viande de porcins non engraissés, ce qui correspond au nombre de (71 000 – 90 000) animaux par an. Sans les porcelets, dont la consommation n’est pas possible à établir, nous pouvons ainsi évaluer grosso-modo le nombre des porcins abattus annuellement à environ 900 000 animaux, dont les porcs engraissés constituaient la majorité.

13Les porcs engraissés fournissaient également de la panne, dont la quantité était de 2 816 tonnes, ce qui correspond approximativement à 704 000 porcs. La panne, produit livré en petites quantités, étant souvent omise dans les sources, nous avons décidé d’augmenter sa part dans la ration alimentaire des basses couches sociales de 3 à 4 g., ce qui augmente le niveau nutritif de 8 calories et la participation des lipides de 0,9 g.

14Nous n’avons rien à ajouter sur la consommation et la production de l’huile végétale. Nous pouvons uniquement dire que la quantité de 5 146 tonnes environ d’huile correspond au volume de 25 730 tonnes de grains de lin (ou de chanvre) ; ce qui devait constituer approximativement la quantité produite annuellement dans le pays à l’époque.

15Le calcul de la production du laitage est un problème extrêmement difficile et il faut souligner que nos résultats ne sont que très approximatifs. Nous savons qu’on mangeait au moins 8 183 tonnes de beurre par an, mais nous ne savons pas ce que représentait ce volume car on connaît mal la technologie, surtout celle de la séparation de la crème et du lait (le babeurre). Dire qu’une vache donnait 720 1 de lait par an nous semble exagéré, en raison de l’élevage des veaux. En acceptant la production de 2,5- 3 kg de beurre à partir de 100 litres de lait et 1,5 à 1 l. de lait par vache et par jour, nous obtenons le chiffre approximatif de 380 000 à 600 000 vaches.

  • 9 A. Wyczanski, "Sudia nad gospodarka starostwa korczynskiego", p. 80-81.

16Les études sur l’élevage du bétail en relation avec l’espace cultivé indiquent un nombre beaucoup plus grand de vaches, de 800 000 à 900 000 animaux. Les raisonnements qui suivront nous suggèrent d’accepter plutôt un de ces derniers chiffres. D’ailleurs la part de la viande des veaux dans la viande tout entière exige l’abattage de 400 000 veaux par an. Mais grâce aux études antérieures sur l’économie de la starostie de Korczyn, nous connaissons le pourcentage très fort des veaux tués, fait qui exige une augmentation du chiffre précédent9. Simultanément, pour l’élevage postérieur il faut ajouter au moins 212 000 veaux. Toutes ces conditions indiquent que le chiffre des veaux produits annuellement doit atteindre environ 900 000 animaux, ce qui nous démontre la nécessité d’accepter un même nombre de vaches.

17Le nombre des vaches précédemment établi change notre image de la production du laitage. Même en acceptant qu’on consommât environ un tiers du lait non transformé, il faut au moins doubler la quantité de fromage consommé à l’époque, en conservant la quantité de beurre précédemment établie.

18Les résultats ci-dessus nous contraignent à augmenter la part du laitage dans la nourriture typique des gens modestes à l’époque. Il faut envisager dans la ration alimentaire approximativement 20 g. de fromage, ce qui ajoute 15 calories et 2 g. de protides, 0,7 g. de lipides et 0,1 g. de glucides. Le reste du laitage, qui pourrait être consommé sous forme de lait correspond à 64 calories et 3,6 g. de protides, 3 g. de lipides et 1,4 g. de glucides par jour et par personne. Ces résultats ne dépassent pas quand même notre réserve calorique, qui représentait le chiffre de 167 calories, et même après ces corrections la ration alimentaire reste entièrement valable.

19Après les modifications et les corrections déjà faites, il est possible de construire un relevé de la production agricole nette dans les 4 principales provinces de la Pologne, c’est-à-dire dans la Petite et la Grande Pologne, dans la Mazovie et dans la Poméranie, la production qui doit correspondre à la situation du pays vers 1580. Il faut souligner que ce relevé ne nous donne pas des chiffres définitifs et la production agricole nette ne correspond pas à la production agricole tout entière.

Tableau XXXV. – Production agricole nette dans 4 provinces principales de la Pologne vers 1580

Produits

Quantités

Observations

seigle

826.000

tonnes

froment

105.000

’’

orge

182.000

’’

pois

62.000

’’

millet

42.000

’’

sarrasin

39.000

’’

bière

12.800.000

hl

viande

44.636

tonnes

c’est-à-dire 326.000 de gros bétail
240.000 de porcins
400.000 de veaux

poissons

10.545

fléchés de porc

30.874

"

c’est-à-dire 812.000 porcs

panne

3.700

’’

huile

5.146

c’est-à-dire 25.730 tonnes de grains

beurre

8.183

’’

fromage

29.000

’’

20Il faut remarquer que nous avons arrondi certains chiffres pour ne pas créer les apparences d’une exactitude, qui ne serait pas bien fondée.

21Le volume de la production agricole du pays, établi ci-dessus n’est pas acceptable sans vérification appropriée, sans le placer dans les conditions existantes à l’époque. Il nous semble qu’il est nécessaire de le comparer avec notre connaissance du terrain cultivé et la technique agricole de l’époque. Evidemment, les moyens du contrôle ne sont pas exacts non plus, mais la concordance intérieure constitue toujours une preuve de la réalité d’autrefois, elle constitue une preuve du manque de contradictions dans notre image, conçue comme une forme de l’hypothèse scientifique. Et chaque nouvelle théorie pourrait enrichir notre connaissance du passé.

  • 10 A. Wyczanski, "Sudia nad konsumpcja żywnosci w Polsce", p. 198.

22Notre connaissance de l’espace cultivé de l’époque n’est pas suffisante. Comme toujours les évaluations sont basées sur les registres des impôts, mais l’analyse critique de ces registres démontre plusieurs lacunes – beaucoup d’omissions, de fraudes, de remises. Ce type de lacunes exige une augmentation de 15 % des chiffres des terrains cultivés, inscrits dans les registres. Mais comme toujours dans les Etats à cette époque, les nobles ne payaient pas d’impôts, notamment d’impôts qui pourraient être perçus sur leurs terres propres en culture. Il s’agit d’exploitations (des "folwark"), très nombreuses, aussi nombreuses que la noblesse à l’époque. Le nombre de folwark variaient en fonction du type de domaine, de leur grandeur, de la région, etc., et leurs espaces cultivés variaient pareillement. Sur la base des études déjà effectuées il est possible d’évaluer approximativement l’espace cultivé de ces exploitations et d’ajouter aux chiffres déjà acceptés 40-50 % en plus, pour obtenir l’espace cultivé tout entier10.

23Après des calculs, que nous ne voulons pas présenter en détail, nous avons obtenu le nombre des terres cultivées comme suit :

Petite Pologne

48 300 lanei

Grande Pologne

64 300 lanei

Mazovie

49 600 lanei

Poméranie

47 700 lanei

Total

209 900 lanei

24Les chiffres présentés ci-dessus ne nous renseignent pas sur l’espace cultivé de cette époque, puisque la mesure est celle de l’époque et, comme telle, ce n’est pas une mesure exacte dans notre sens d’aujourd’hui, mais une unité de culture conçue bien antérieurement, au cours du Moyen Age.

25L’unité de culture imposable était en latin "lanens", en polonais "tan", ce qui correspond à l’espace de culture correspondant à l’exploitation paysanne complète, une unité semblable au manse en France médiévale. L’étendue du "laneus" dépassait souvent 40 journaux (en polonais "mongi") de terre labourable, tandis que dans la Mazovie il n’atteignait pas 30 journaux, parfois encore moins. Heureusement, les sondages effectués démontrent que la majorité était conforme au "laneus" dit de Chelmno, qui comptait 30 journaux. Nous avons accepté cette étendue comme typique et dominante, comme procédaient d’ailleurs les gens d’autrefois qui traitaient tous les types de "laneus" comme équivalents. Ce "laneus" avait approximativement 16,8 ha, ce qui nous donne une image de la répartition de la terre labourable dans les quatre provinces de la Pologne vers 1580 comme suit :

Petite Pologne

811 440 ha

Grande Pologne

1 080 240 ha

Mazovie

833 280 ha

Poméranie

801 360 ha

Total

3 526 320 ha

  • 11 "Zarys historii gospodarstwa wiejskiego w Polsce" t. II, Warszawa 1964, p. 116-118.

26Cet espace cultivé livrait annuellement pour les besoins de la consommation et du commerce les quantités des produits établies précédemment. Mais la comparaison directe n’est pas possible, puisqu’il faut prendre en considération le système agraire en vigueur à l’époque, qui ne permettait jamais d’utiliser en même temps toute la surface cultivée. Le système de l’assollement triennal, qui dominait autrefois dans le pays, laissait pour le labourage actuel environ les deux tiers de l’espace tout entier, en réservant un tiers pour la jachère11. On rencontrait aussi parfois le système des deux sols, mais plutôt en Lituanie, ce qui ne nous intéresse pas actuellement. Nous savons aussi qu’on utilisait une partie de la jachère pour la culture, mais des cas isolés ne changent en rien l’image d’ensemble. Dans cette situation, nous avons à peu près 2 350 880 ha cultivés, qui produisaient annuellement la quantité des produits établis précédemment. Il s’agit principalement de la production de seigle, de froment, d’orge et d’avoine, de pois, de millet, et de sarrasin.

27La comparaison n’est pas encore possible, puisque nous connaissons uniquement la production nette, et celle-là n’est pas complète, puisqu’elle n’englobe pas l’avoine. Toutes les études antérieures utilisaient les chiffres de production brute, qui est reconnue comme plus caractéristique au niveau de culture. D’ailleurs, comment comparer l’espace cultivé avec une production céréalière incomplète, et notamment sans connaître le volume de l’avoine ? Pour éviter cette difficulté nous avons pris en considération d’abord un sol unique, celui des céréales d’hiver, parce que nous savons qu’à l’époque, les céréales d’hiver étaient en principe le seigle et le froment. Ainsi, nous avons comparé l’espace cultivé de 1 175 440 ha avec 931 000 tonnes de grains, notamment du seigle et du froment, et nous avons obtenu une productivité nette de 7,9 quintaux sur 1 ha.

28Ce niveau de récole ne nous informe pas tellement parce que toutes les études concernaient le coefficient de récole ou le niveau de la productivité brute. Pour arriver à ce but il nous faut utiliser la formule suivante :

29Dans cette formule R est le coefficient recherché de récolte ; S, la quantité de semence pour un espace cultivé fixe, c’est-à-dire pour un hectare. Nous avons supposé que la quantité de semence pour 1 hectare, la même qu’il s’agisse du seigle et du froment, est égale à 168 kg, ce qui n’est pas éloigné de la réalité. Nous avons accepté aussi que le coefficient de la récolte pouvait être le même pour le seigle et le froment, ce qui est approximativement juste, en fonction des résultats des recherches effectuées sur la productivité agricole au xvie siècle.

30Le calcul fait, nous avons obtenu les résultats suivants : le coefficient de la récolte calculé en grain est de 5,7 ce qui représente une récolte approximative de 9,6 quintaux pour 1 hectare cultivé. Le volume de la production du seigle tout entière dans les quatre provinces étudiées vers 1580 doit être de 970 000 tonnes, et celui du froment de 123 000 tonnes. D’ailleurs, ce premier chiffre semble être plus exact que celui du froment, et cela en raison des évaluations plus poussées dans le cas du froment.

31L’acceptation de ces résultats dépend de leur conformité avec les autres résultats déjà obtenus au cours des études répétées et bien documentées. Puisque c’est le niveau de la récolte à l’époque que nous connaissons le mieux, c’est le coefficient de la récolte qui pourrait nous renseigner sur le degré de vérité de nos résultats.

  • 12 L. Żytkowicz, "Ze studiów nad wysokoscia plonów w Polsce od XVI de XVIII wieku", Kwartalnik Histori (...)

32Malheureusement, pour le coefficient de la récolte, le notre, celui de 5,82 grains, est tout à fait différent de celui accepté par L. Żytkowicz, un des meilleurs spécialistes de la question, qui a récemment publié plusieurs travaux à ce sujet12. Or, L. Żytkowicz a accepté le coefficient moyen proche de 3,5 grains, mais parce qu’il a englobé le xvie et la première moitié du xviie siècle, ce qui représente une baisse de la productivité agricole, nous pouvons considérer que ce coefficient était entre 3,5 et 4 grains en moyenne. Faut-il rejeter nos résultats comme exagérés et mal fondés ?

33Cherchons d’abord où pourrait exister l’erreur, qui aurait tellement défiguré nos résultats.

  1. L’étendue de la surface cultivée à l’époque n’est pas exacte, en raison des lacunes dans les sources et de nos évaluations consécutives. Mais l’erreur ne peut pas dépasser 10-15 %, ce qui ne change pas suffisamment nos résultats et d’ailleurs si nos évaluations sont excessives et exigent une diminution, le coefficient de la récolte ne peut que les augmenter.

  2. Le volume de la population est basé sur les derniers résultats de la recherche et même cette erreur, si elle existe, ne peut pas dépasser 10-15 %, ce qui ne provoque pas de grands changements sur le coefficient que nous avons établi.

  3. Nous avons accepté 168 kg comme quantité de grains semés par hectare, ce qui pourrait constituer un volume exagéré, mais sa diminution provoque simultanément la montée du coefficient de la récolte qui nous semble déjà exagéré.

  4. Le schéma de l’assollement et la répartition de la culture ne seraient pas exacts non plus, mais en raison des fluctuations opposées nous sommes autorisés à considérer l’erreur possible comme insignifiante.

  5. Notre volume de production agricole garantit 251 kg de seigle annuellement par habitant, et même après des corrections, au moins 221 kg, et, avec le froment et l’orge, 241 kg de céréales par an et par tête, chiffre qui, comparativement, ne s’avère pas être exagéré.

34Ainsi, il nous semble que nos erreurs, qui évidemment existent ne sont pas grandes et même les corrections possibles ne diminuent pas sensiblement notre coefficient de récolte.

35Dans cette situation, il est raisonnable de chercher les erreurs dans la recherche directe sur la productivité agricole où les résultats de Żytkowicz sont tellement différents des nôtres.

  • 13 Ibidem, p. 480-481.
  • 14 A. Wyczanski, "Sudia nad gospodarka starostwa korczynskiego", p. 51-58.
  • 15 A. Gostomski, "Gospodarstwo", p. 55.
  • 16 Voir A. Wawrzynczyk, "Studia nad wydajnoscia produkcji rolnej dóbr królewskich w drugiej polowie XV (...)

36Pour les derniers résultats, ceux de M. Żytkowicz13, il faut noter que ses études possèdent certains défauts qui pourraient défigurer les résultats obtenus. L’auteur a utilisé uniquement une partie des sources, plus dignes de confiance selon lui, en rejetant les autres qu’il considère comme douteuses, comme les "lustrationes" du domaine royal, qui donnaient des résultats plus optimistes, bien que la vérification de ces dernières sources pour le xvie siècle ne confirme pas cette prudence excessive14. Simultanément les sources utilisées sont celles des grands domaines – et c’est la une situation normale de la recherche européenne pour les époques éloignées – fait qui pourrait défigurer les résultats. Et nous avons des preuves qu’en Pologne au xvie siècle la récolte obtenue sur les terres paysannes était beaucoup plus grande que celle qu’on rencontrait dans les grands folwark, surtout ceux des grands domaines. Même les nobles expérimentés conseillaient aux jeunes d’observer attentivement l’expérience et la diligence des paysans à cultiver leurs propres terres15. Enfin l’acceptation du coefficient de récolte proposé par L. Żytkowicz provoque une diminution du niveau calorique de la ration quotidienne à quelque 2 100 calories par jour et par personne, ce qui n’est pas acceptable, et inconciliable avec les sources qui nous informent sur la consommation alimentaire et sur les besoins nutritifs humains. Ainsi on peut affirmer que nos résultats semblent être plus exacts, ce qui montre que les dernières opinions sur la productivité agricole exigent une révision profonde16.

37L’orge, l’avoine, les pois, le millet et le sarrasin étaient cultivés sur le second sol, c’est-à-dire sur un espace labourable de 1 175 440 ha environ. Plusieurs études effectuées dans le passé nous informent de la répartition des différentes plantes sur ce sol, répartition qui d’ailleurs variait souvent, sauf pour le principe de la domination de l’avoine, qui ne nous intéresse pas. En apparence, nous pouvons établir les espaces respectifs consacrés aux diverses céréales et calculer, comme c’était le cas avec le seigle et le froment, leur production entière. Mais la répartition de la culture n’est pas exactement connue, et en raison des multiplications excessives, chaque erreur, même insignifiante, concernant l’espace, pourrait donner des résultats complètement défigurés. Il nous semble que ce serait plus prudent de choisir une autre méthode, celle du calcul de la production brute, la base de la production nette et du coefficient de la récolte, au moyen de la formule suivante :

où P = production brute
p = production nette
R = coefficient de récolte.

38La formule montre que même une erreur importante concernant le coefficient de la récolte n’influence pas tellement les résultats, c’est-à-dire le montant de la production brute. Dans cette situation, nous pouvons utiliser les coefficients de récolte déjà connus, mais corrigés par rapport aux coefficients récemment établis pour le seigle et le froment. Nous savons par exemple que le coefficient de récolte pour l’orge était généralement égal ou un peu plus haut que celui du froment. En acceptant, par prudence, un coefficient égal, nous avons une production brute de l’orge aux environs de 213 000 tonnes par an. Les coefficients de récolte pour le pois et le sarrasin étaient en principe inférieurs de quelques 10 % à ceux du seigle et du froment ce qui nous donne les résultats suivants : la production brute du pois de 74 000 tonnes environ et du sarrasin de 46 000 tonnes environ. Le millet se distinguait par un coefficient de récolte plus haut, généralement entre 13 et 15 grains, ce qui donne, après calcul, la production moyenne brute du millet de 45 000 tonnes environ.

39Ainsi, nous avons évalué le montant de la production brute des céréales – sauf l’avoine – dans les quatre provinces principales de la Pologne vers 1580. Cette partie de la reconstitution de la production agricole semble être accomplie, bien que les chiffres soient approximatifs et concernent uniquement les produits plus importants. Mais simultanément, nous ne savons que très peu de choses sur la production animale et presque rien sur la structure de l’élevage qui, d’ailleurs, pourrait vérifier nos résultats antérieurement établis. Ainsi, il nous semble très souhaitable d’essayer de reconstituer une image approximative de l’élevage, au moins du bétail et des porcins dans les 4 provinces principales de la Pologne vers 1580.

40Nous avons établi le nombre probable des vaches à 900 000 animaux. En considérant que la productivité de la vache dure 10 ans, on devait abattre annuellement environ 90 000 vaches pour la viande et peut être 40 – 60 000 génisses. Nous avons établi aussi qu’on abattait annuellement environ 160 000 boeufs. Il est évident qu’en raison de la technique agricole qui existait dans le pays, il faut accepter que ce soient aussi bien des boeufs spécialement élevés et engraissés que des boeufs de labourage, abattus après un travail de 8 ans environ et un court engraissage supplémentaire. Nous savons que pour les travaux de labourage on utilisait presque exclusivement des boeufs et qu’on comptait à l’époque 3-4 boeufs en moyenne pour un "laneus" de terre cultivée. L’espace cultivé de 209 900 "lanei" exigeait environ 730 000 boeufs de labourage, chiffre qui pouvait nous donner pour la consommation environ 92 000 boeufs par an. Le reste, c’est-à-dire 60-70 000 animaux, devait provenir de l’élevage spécial pour la viande et l’importation difficile à évaluer. En ajoutant 10-15 % pour la mortalité courante, nous avons le chiffre approximatif des boeufs de 800 000 animaux.

  • 17 A. Wyczanski, "Studia nad gospodarka starostwa korczynskiego", p. 78-81.

41Le trait caractéristique de l’élevage ancien était le grand nombre de bétes improductives, qui constituaient une réserve nécessaire en raison de la grande mortalité animale. Les sondages effectués nous informent de ce que le nombre de têtes de bétail improductif, à savoir les génisses, les jeunes boeufs encore inaptes au travail, était presque égal au nombre des vaches17. Selon cette proportion nous pouvons évaluer le nombre du bétail improductif à environ 800 000 animaux, ce qui donne ensemble le nombre approximatif de 2 500 000 bêtes, sans compter les veaux.

42Le nombre établi du bétail semble très grand. Mais il s’accorde assez bien avec les résultats des sondages concernant les proportions entre le nombre des gens formant la population et celui du bétail, dans ce cas la proportion est de 735 animaux pour 1 000 personnes. Le nombre de têtes de bétail dans le pays représente également 71 animaux pour 100 ha cultivés, chiffre qui ne semble pas être exagéré en raison des communaux utilisés comme paturages. Nous avons établi le nombre des porcs abattus annuellement à 812 000 animaux, chiffre nécessaire pour obtenir 30 874 tonnes de flèches de porc. Pour arriver à cette production, en raison de la forte mortalité des porcelets, il faut accepter l’élevage de 500 000-600 000 truies, en calculant 3-4 porcelets élevés annuellement par chacune d’elles. Et puisque les porcins à l’époque exigeaient un élevage assez long, d’au moins deux ans, pour devenir des animaux productifs ; il est nécessaire d’accepter l’élevage d’une quantité double de porcins, à savoir environ 2 700 000 animaux, sans compter les porcelets.

  • 18 A. Wyczanski, "Studia nad konsumpcja żywnosci w Polsce" p. 204.

43Le nombre des porcins élevés, établi précédemment semble être excessif. Nous pouvons uniquement remarquer que les études sur l’élevage des porcins à l’époque postérieure donnent ce chiffre comme vraisemblable et les sondages faits à ce sujet, pour les fermes paysannes, indiquent que l’élevage des porcins était très développé, les porcins étant plus nombreux que le bétail18. D’ailleurs, il faut remarquer que, sauf pour l’engraissage spécial avant l’abbattage effectué surtout dans les moulins, l’élevage des porcins avait un caractère extensif, et les animaux profitaient des paturages, surtout dans le bois. Ce système d’élevage provoquait une croissance biologique très lente des animaux.

44Pour terminer cette partie de notre chapitre, consacrée surtout à des calculs laborieux, nous voudrions uniquement ajouter que nous avons évalué la production approximative brute de la semence du lin (ou du chanvre en partie), consacrée à la production de l’huile, à environ 35 600 tonnes par an. Nous nous sommes résignés à évaluer la production nette et brute de l’avoine, bien que cette production ait dépassé, celle du froment et de l’orge. Le calcul indirect, possible uniquement dans ce cas, semble être difficile et les résultats éventuels assez douteux. Pourtant, nous savons qu’on produisait de l’avoine pour les animaux, surtout pour la nourriture des chevaux, et une partie seulement de cette production, environ 80 000 tonnes, pouvait être utilisée à la production d’une bière de qualité modeste.

45Le résultat de nos calculs est consigné dans le tableau approximatif de la production agricole dans les 4 principales provinces de la Pologne vers 1580 comme suit :

Tableau XXXVI. – Production agricole brute des 4 provinces principales de la Pologne vers 1580, ainsi que l’état des animaux

Production :

seigle

ca

968.000 tonnes

froment

ca

123.000 "

orge

ca

213.000 "

pois

ca

74.000 "

millet

ca

45.000 "

sarrasin

ca

46.000 "

semance de lin/ou de chanvre

ca

35.600 "

Animaux :

bétail/sans veaux

ca

2.500.000 animaux

à savoir : vaches

ca

900.000 "

boeufs

ca

800.000 "

porcins

ca

2.700.000 "

Production :

flèches de porc

ca

30.874 tonnes

panne

ca

3.700 "

huile

ca

5.146 "

beurre

ca

8.183 "

fromage

ca

29.000 "

bière

ca

12.800.000 hl

Espace cultivé :

ca

3.526.000 ha

Notes

1 R. Rybarski, "Handel i polityka handlowa Polski", II, p. 5.

2 Ibidem, p. 6.

3 AGAD ASK LVI S/II/2 f. 256.

4 Calculé sur la base de la production de la bière dans la starostie de Sieradz.

5 Voir p. 259.

6 J. Baszanowski, "Z dziejów handlu polskiego", p. 137.

7 R. Rybarski, "Handel i polityka handlowa Polski", I, p. 62-71.

8 Voir p. 259.

9 A. Wyczanski, "Sudia nad gospodarka starostwa korczynskiego", p. 80-81.

10 A. Wyczanski, "Sudia nad konsumpcja żywnosci w Polsce", p. 198.

11 "Zarys historii gospodarstwa wiejskiego w Polsce" t. II, Warszawa 1964, p. 116-118.

12 L. Żytkowicz, "Ze studiów nad wysokoscia plonów w Polsce od XVI de XVIII wieku", Kwartalnik Historii Kultury Materialnej XIV/3, 1966, p. 457-490.

13 Ibidem, p. 480-481.

14 A. Wyczanski, "Sudia nad gospodarka starostwa korczynskiego", p. 51-58.

15 A. Gostomski, "Gospodarstwo", p. 55.

16 Voir A. Wawrzynczyk, "Studia nad wydajnoscia produkcji rolnej dóbr królewskich w drugiej polowie XVI wieku", Wroctaw 1974.

17 A. Wyczanski, "Studia nad gospodarka starostwa korczynskiego", p. 78-81.

18 A. Wyczanski, "Studia nad konsumpcja żywnosci w Polsce" p. 204.

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Légende où P = production brutep = production netteR = coefficient de récolte.
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