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La consommation alimentaire en Pologne aux xvie et xviie siècles

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Andrzej Wyczanski

III. Les denrées alimentaires

Texte intégral

1Après des remarques concernant le but de la recherche et l’état des travaux, il est temps de présenter les objets directs de l’investigation, à savoir les denrées alimentaires en question. Il serait superflu de dresser maintenant une liste des denrées alimentaires pour l’Europe entière. Une telle énumération, sans aucune conclusion précise, ne serait pas utile pour le raisonnement ultérieur et nous allons nous concentrer sur le cas de la Pologne au xvie siècle, afin de démontrer les possibilités méthodologiques de cette recherche.

2Il y a deux méthodes pour présenter une liste des denrées alimentaires en Europe centrale, et précisément en Pologne au xvie siècle. D’abord énumérer toutes les plantes et tous les animaux comestibles connus par les gens à l’époque. Cette solution pourrait être très intéressante, parce qu’au xvie siècle, les gens montraient beaucoup d’intérêt pour les plantes et les animaux. La preuve, c’est l’apparition des premières oeuvres parascientifiques consacrées aux plantes et herbes, sauvages et cultivées, aux jardins où on ramassait les plantes rares, même exotiques, enfin aux premières ménageries, avec leurs animaux étranges et sauvages. Cette connaissance croissante du monde végétal et animal, a une grande importance et constitue l’objet préféré des études sur la science d’autrefois ; elle nous donne l’occasion de mieux comprendre les gens, leur intérêt, leur image du monde, leur mentalité. Mais connaître les plantes et les animaux, même savoir leurs qualités et utilités théoriquement, c’est une chose, et les utiliser dans le sens pratique en est une autre. Ainsi, la connaissance théorique des plantes et des animaux à l’époque, sort des limites de notre sujet et ne peut pas constituer la base pour dresser une liste des denrées alimentaires réellement consommées.

3Un autre problème, c’est la connaissance populaire de certaines plantes et fruits sauvages mais comestibles, connaissance, bien entendu, très difficile à retrouver directement dans les sources. Pourtant, les matériaux ethnographiques peuvent nous suggérer certaines conclusions à ce sujet, démontrant l’existence d’une cueillette, de l’utilisation nutritive ou médicale de plusieurs plantes, etc. Les matériaux ethnographiques, malgré leur valeur scientifique, sont en général inutilisables pour l’historien poursuivant des travaux concrets, monographiques, à cause du manque de données chronologiques. Ce sont des notions assez vagues, sans l’exactitude nécessaire, jamais retenues en chiffres. Leur utilité pourrait apparaître dans le cas des travaux de synthèse, et non pas dans celui des études monographiques, exactement situées dans le temps et dans l’espace.

  • 1 "Expens dworu królowej polskiej Katarzyny", p. 125.

4C’est pourquoi nous avons choisi une autre solution, l’étude des denrées alimentaires présentées directement par les sources. Pour préciser encore le domaine de notre recherche, nous voudrions limiter notre étude aux produits comestibles uniquement consacrés à la nourriture humaine. Par exemple, il existe un registre des aliments, provenant de la cour de la reine Catherine, la troisième femme du roi Sigismond Auguste1. Le registre est excessivement riche, il énumère la quantité des différents produits, par exemple les dizaines de sortes de poissons, les fruits divers, les épices recherchées, etc. La source semble avoir une grande valeur, mais l’analyse détaillée suggère d’autres conclusions. Or, on a dressé ce registre non pas sur la base de la consommation réelle – nous savons qu’à ce moment-là la Reine, abandonnée, vivait assez pauvement – mais afin de marchander des sommes considérables pour l’entretien de la cour. Ainsi nous pourrions utiliser les informations provenant de ce registre uniquement quand elles sont confirmées par des sources d’une origine différente.

5Toutes les réserves mentionnées provoquent une conséquence bien visible – notre liste des denrées alimentaires devient beaucoup moins riche. C’est son défaut et sa qualité à la fois, puisque les denrées énumérées figurent dans une documentation vérifiée, leur utilisation est confirmée et leur importance relativement plus grande que d’autres, méconnues par les sources de l’époque ou mentionnées seulement par hasard.

* * *

6La Pologne du xvie siècle appartenait à une région de production céréalière, et de consommation céréalière dominante, fait qui est évidemment le même à toute l’Europe à cette époque. Parmi les céréales, le seigle dominait dans la production et dans la consommation, fait qui signifit l’appartenance du pays à la partie plutôt septentrionale de l’agriculture européenne. Du point de vue des boissons, il est bien compréhensible que la boisson la plus consommée, c’était, ni le vin ni le lait, du fait des facteurs présentés ci-dessus, mais la bière. Pour la graisse, la situation était assez compliquée, parce que le pays n’avait pas un type de graisse qui dominait dans la cuisine et deux sortes de graisse se disputaient l’hégémonie, à savoir le lard (disons en général la graisse de porc) et le beurre, avec la participation supplémentaire de l’huile du lin. En principe ces trois types de graisse existaient parallèlement dans le pays et les différences régionales sont moins visibles que celles d’origine sociale, notamment l’augmentation de la consommation du beurre dans la nourriture des hautes couches sociales. Cette situation mélangée, est le résultat d’une production agricole encore assez bien équilibrée avec un élevage développé du point de vue quantitatif, quoique modeste s’il s’agit de la qualité des animaux.

* * *

7La revue des denrées alimentaires est divisée en 4 parties :

  1. produits végétaux,

  2. produits animaux,

  3. boissons,

  4. condiments.

8Comme nous l’avons déjà mentionné les céréales constituaient l’aliment de base, et parmi elles, le seigle dominait en tant que produit brut. La production de seigle constituait à peu près 45 % de la production céréalière tout entière. Celle de l’avoine occupait la seconde place, la production de l’orge la troisième, le froment se plaçant au quatrième plan.

9Cette échelle ne correspond pas à la priorité des céréales dans l’exportation, puisque le froment tenait la seconde place après le seigle, et l’exportation de l’avoine n’existait presque pas du tout. La domination du seigle était probablement le résultat aussi bien des facteurs climatiques que du niveau de la technique agricole, qui ne garantissait de bonne récolte de froment que sur un sol bien choisi, avec des engrais abondants, fait assez rare à l’époque. Ajoutons que notre évaluation de la qualité du sol et de sa correspondance aux exigences du froment n’est pas adéquate à celle reconnue à l’époque, du fait des techniques de culture différentes et surtout du labourage.

10En réalité on mangeait, bien entendu, des céréales transformées, sous forme de pain, surtout de pain noir, fait avec la farine de seigle moulue ? On faisait du pain sans levain. Ce pain constituait la nourriture de base et, pour la population modeste, il donnait la plus grande partie de l’apport calorique (à peu près 80 %). Cette proportion devient plus petite dans le cas des couches sociales plus hautes, mais elle reste toujours au dessus de 40 % (en calories), sous réserve qu’on le mangeait bien réellement, puisque le gaspillage ou l’emploi auxiliaire du pain (par exemple en guise d’assiette) est bien probable.

  • 2 Des informations sur la technologie de la confection du pain, de la bière, etc. se trouvent dans l’ (...)

11L’existence du pain de seigle d’une qualité supérieure n’est pas prouvée, mais on ne peut pas l’exclure, parce qu’on trouve dans les sources, d’ailleurs très rarement, la farine blutée2. Il nous manque d’autres informations à ce sujet et nous avons le droit de suppose que le pain de seigle d’une meilleure qualité pouvait exister mais c’était très rare et dans l’ensemble de la nourriture il ne jouait aucun rôle spécial.

12Outre le pain noir, décrit ci-dessus, il arrive d’observer l’existence du pain blanc, fait avec la farine de froment, farine probablement plusieurs fois moulue et nettoyée. L’usage du pain blanc est plus restreint, et sa proportion par rapport au pain noir est plus haute uniquement dans le cas des gens plus riches. On le consommait plus largement pendant les fêtes solennelles. Nous ne savons pas grand chose sur ce type de pain, sauf que son prix était quatre ou cinq fois plus élevé que celui du pain noir, à condition que le poids du pain soit comparable. Malheureusement, cette condition n’est pas observée, puisque nous savons que le poids du pain noir variait selon les localités (entre 0,38 kg et 2,3 kg d’après les sondages effectués) et le poids du pain blanc est complètement inconnu. Malgré ces réserves nous avons le droit de souligner que le pain blanc était plus rare et plus cher.

13Pour le pain blanc on pourrait supposer que les variations de qualité étaient aussi plus grandes, parce qu’il se présentait sous des formes diverses, parfois assez raffinées, comme les différentes pâtes pour les fêtes, les craquelins, etc. Comme pain de luxe, on mangeait aussi du pain d’épices, encore beaucoup plus cher que le pain blanc, puisque le pain d’épices constituait une sorte de produit spécialement élaboré avec même des formes artistiques. Cette dernière remarque concerne le pain d’épices largement connu, confectionné depuis des siècles par les boulangers de Torun, dont les formes figuratives se sont conservées jusqu’à maintenant.

  • 3 AGAD, ASK LVI, S/II/3, f.231v-232.

14Les boulettes blanches ou nouilles, faites de farines sélectionnées3, constituaient encore le plat de fête. Pour les jours ordinaires, cependant, les céréales prenaient une autre forme largement répandue, celle du gruau. Différentes sortes de gruau existaient à l’époque, ainsi celui de l’orge, le plus répandu, celui du sarasin aussi fréquent et enfin celui du millet, le plus cher et le plus recherché. Il faut souligner qu’on mangeait souvent du gruau, presque tous les jours, parce qu’il remplaçait les pommes de terre d’aujourd’hui. Aussi le gruau représentait-il une quantité considérable des calories quotidiennes.

  • 4 AGAD, ASK LVI, S/II/2, f.189v.
  • 5 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.229v.
  • 6 R. RYBARSKI, "Handel i polityka handlowa Polski w XVI wieku", Warszawa 1958, (2e édition), t. I, p. (...)

15Outre ces gruaux, on rencontre parfois un gruau de basse qualité, fait de seigle ou d’avoine4. Il est possible qu’on mangeait ce gruau en cas de disette, mais il nous semble que cette sorte de gruau servait en temps normal à nourrir les chiens, surtout ceux pour la chasse. Pour cette raison, nous avons décidé de les exclure de notre analyse. Il faut ajouter enfin que le riz importé5, d’ailleurs très rare et cher, jouait le rôle d’un gruau de luxe6, qui apparaissait parfois sur les tables très riches. On trouve aussi de temps en temps une information assez vague sur l’existence de la manne (gruau très menu), mais les sources ne nous livrent jamais les détails nécessaires pour apprécier son rôle et son volume.

16Avant de passer aux autres aliments il est nécessaire de préciser quelles sont nos informations concernant la consommation des céréales, sous la forme de bouillie. Les sources ne démontrent pas directement l’existence d’une bouillie à l’époque, malgré une opinion positive des historiens à ce sujet. Le silence des sources ne peut pas être considéré comme argument négatif, puisque les sources ne nous renseignent que très rarement sur la confection de la nourriture et on peut interpréter certaines mentions des sources comme concernant aussi bien une soupe qu’une bouillie. Malgré cette réserve relative au silence des sources, nous sommes persuadés que le rôle de la bouillie même si elle existait, était minime. Les comptes détaillés en présentant la quantité de seigle et de froment délivrée, soulignent que les céréales sont consacrées à la confection du pain, de la bière, etc., jamais de la bouillie.

  • 7 AGAD, ASK LVI S/II/2, f. 125-126.

17Il faut d’ailleurs ajouter que nous avons discuté plus haut la question de la bouillie faite avec de la farine. En réalité nous avons le droit de supposer que les différents genres de gruau jouaient le même rôle et le gruau remplaçait la bouillie7

  • 8 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.96v.
  • 9 AGAD, ASK LVI, S/II/2, f.253.

18La liste des légumes doit être assez longue, mais il y en avait deux qui jouaient un rôle relativement important et sont dignes d’être présentés d’abord : le pois et le chou. Le pois, très riche du point de vue nutritif, rivalisait avec le gruau, comme denrée la plus répandue, et nous savons que c’était le pois séché qu’on mangeait pendant toute l’année8. Le chou, qui se conservait assez mal à l’état frais, gardait en grande partie de sa valeur nutritive, salé dans les tonneaux. Et on trouve des tonneaux avec du chou salé dans tous les registres de provisions9. D’ailleurs, il n’est pas sûr qu’on mangeait le chou salé, frais ou bouilli, dans ce dernier cas avec une perte énorme de sa valeur nutritive et surtout de la vitamine C. Les gens de l’époque discernaient deux sortes de chou, le chou blanc qui était le plus répandu et le chou rouge, souvent nommé le chou noir, assez rare et peut-être plus cher.

  • 10 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.275, 313v, 317.

19La rave, qui jouait un grand rôle autrefois, fut ensuite abandonnée10. On la mangeait fraiche – d’ailleurs elle se conservait bien pendant l’hiver – bouillie ou rotie, peut-être aussi fumée. On la cultivait dans les potagers ou même dans les champs, mais elle était rarement vendue. En raison de cette commercialisation limitée, il est très difficile d’évaluer son rôle quantitativement, mais sa fréquence dans les sources prouve sa large consommation.

  • 11 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.256v.

20Les légumes en général, cultivés sur place et rarement vendus, sont très difficiles à trouver dans les sources. Malgré cette absence dans la comptabilité de l’époque, les autres légumes existaient et ceux qui apparaissaient assez souvent dans les sources sont les suivants : la carotte, le persil, le panais, le chou frisé, parfois les asperges récemment apparues et surtout les concombres, dont on profitait assez largement, en les conservant salés, comme le chou, dans des tonneaux11. Un peu à part se trouvait le pavot, qui, semé dans les jardins ou parfois dans les champs, était utilisé soit pour la confection des plats assez estimés, soit comme une source d’huile d’une qualité supérieure.

  • 12 AGAD, ASK LVI, S/II/2, f.229v.

21Un rôle à part était réservé à l’oignon. Nous savons qu’on le considérait comme indispensable et quand il manquait, il fallait l’acheter12. Sous quelle forme les gens le mangeaient-ils – frais, bouilli, grillé – ? Nous ne le savons pas exactement.

  • 13 WAP Poznan, m. Poznan 1443, f.4v.

22Pour élargir cette liste des produits végétaux on pourrait ajouter les lentilles, parfois achetées13. Tout ce que nous savons à leur sujet, c’est qu’elles étaient relativement rares et estimées, mais la raison de ce fait, ainsi que la manière de les préparer, sont tout à fait inconnues.

  • 14 WAP Poznan, m. Poznan 1468, f.16v.

23Les historiens en général considéraient le xvie siècle comme l’époque d’implantation en Pologne de certains produits végétaux de provenance italienne. La question n’est pas claire et c’étaient surtout les opinions contemporaines qui reprochaient à la reine Bond Sforza, femme de Sigismond Ier, et à son entourage italien de manger des herbes. Nous pouvons supposer que, par exemple, la connaissance de la salade (la laitue)14 à ses origines à ce moment, mais les traits généraux de l’expansion et de l’utilisation alimentaire de ces nouveaux produits végétaux ne sont pas connus.

  • 15 R. RYBARSKI, "Handel i polityka handlowa Polski", I, p. 151.

24Nous retrouvons les mêmes difficultés pour évaluer le rôle des fruits dans la nourriture d’autrefois, car nos informations proviennent surtout de mentions accidentelles et des rares achats pour les personnages de marque. Nous savons qu’on mangeait – sans pouvoir évaluer leur quantité – des pommes, des poires, des prunes (par exemple hongroises et demescènes), enfin des cerises, quand il s’agit de fruits de provenance locale. Les gens les mangeaient soit frais, soit fumés ou séchés, surtout les prunes, parfois les pommes ; avec les cerises on faisait de la marmelade. Nous pourrions trouver des informations concernant la consommation des raisons frais -peut-être les produits de Pologne méridionale – mais les raisins secs importés, de différentes qualités, grands et petits, dominaient couramment15.

  • 16 J. TAZBIR, "Konsumpcja cytrusów w Polsce XV-XVIII w", "Pożywienie w dawnej Polsce", Warszawa 1967, (...)

25Il est bien évident que les fruits importés ne pouvaient pas jouir d’une grande popularité, mais on retrouve parfois, dans les sources, même les oranges et, ce qui est étonnant, nous avons rencontré plusieurs fois les citrons16, achetés assez souvent et à un prix relativement raisonnable – par exemple un citron valait le double d’un pain ordinaire, la moitié d’un pain blanc.

  • 17 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.229v.

26En dehors des fruits, dont la consommation est perceptible dans les comptes, il y a une question plus large concernant les autres fruits à l’époque. Il est bien connu que le temps de la Renaissance est celui d’un intérêt particulier pour les jardins et les fruits plus raffinés. C’est un phénomène européen – la reine Claude, femme de François Ier, est un exemple bien connu. Des jardins bien soignés existaient aussi en Pologne. Selon les descriptions littéraires, dans les jardins de ce type on cultivait – hormis les plantes déjà énumérées – les herbes médicales, les fruits rares comme les abricots, les pêches, les noix, etc.17. Enumérer tous les fruits mentionnés dans les descriptions serait une tâche dangereuse, mais souligner leur existence et le goût pour les fruits plus raffinés est une chose nécessaire.

  • 18 M. DEMBINSKA, "Konsumpcja żymnosciowa w Polsce średniowiecznej", Wrocfaw 1963, p. 71-73.

27La culture des vignobles semble avoir un rôle identique. Pourtant, nous sommes persuadés que la situation est plutôt contraire. Les vignobles existèrent en Pologne au xvie siècle, fait qui ne prouve pas un progrès dans ce domaine, parce qu’ils étaient le résultat d’une longue tradition, médiévale de la culture des vignobles pour les besoins ecclésiastiques18. Le xvie siècle, avec son essor du commerce, ainsi que celui du vin, avec l’importation de différents vins – français, italiens, espagnols, et surtout hongrois – marque une décadence de cette culture. Les vins étrangers sont devenus moins chers, plus accessibles leur qualité étant meilleure que celle du vin du pays. Parallèlement, les vignobles locaux exigeaient beaucoup de soins sans la garantie d’une vendange profitable.

  • 19 Leur rôle pouvait être plus grand au Moyen-Age – voir M. Dembinska "Konsumpcja żywnościowa w Polsce (...)

28Il nous faut ajouter encore quelques renseignements sur la consommation des fruits sauvages cueillis dans les bois, comme les myrtilles, les fraises, les framboises. Selon les donnés botaniques et climatiques, leur cueillette et leur consommation devaient exister mais les sources ne nous livrent aucune preuve, fait qui ne met pas en doute leur consommation, quoiqu’il ne suggère ni leur abondance ni leur accessibilité19.

* * *

  • 20 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.223v.

29Parmi les produits animaux, la première place est réservée à la viande de boeuf. C’est un phénomène caractéristique à toute l’Europe centrale à l’époque et on le comprend très bien grâce à notre connaissance de l’agriculture d’autrefois. Parfois, on rencontre des désignations plus précises, comme la viande de boeuf à rôtir, etc. Il est bien compréhensible que la viande de boeuf signifiait aussi celle de vache, mais on distinguait cependant la viande de veau, d’ailleurs moins fréquente. On achetait la viande de boeuf par quart et celle de veau par moitié, quand il s’agissait, évidemment, d’achats pour plusieurs personnes. La viande de boeuf pouvait être fraîche ou salée. Dans ce dernier cas on abattait les boeufs pendant l’automne en conservant pour l’hiver la viande salée dans des tonneaux20. Malgré cette précaution, après quelques mois, la viande salée pouvait avoir une qualité douteuse.

30L’abondance relative du bétail et surtout celle des boeufs exige quelques remarques supplémentaires. Comme nous l’avons dit, l’agriculture de l’époque profitait des boeufs comme animaux de trait, en les utilisant spécialement pour labourer le sol avec la charrue lourde. De ce fait, évidemment, la quantité des boeufs devaît être toujours considérable, surtout dans l’exploitation paysanne, quand les animaux labouraient aussi bien le sol du paysan que celui de la réserve seigneuriale (folwark). Une simple reproduction systématique des animaux de trait livrait chaque année une quantité de ces boeufs aux bouchers.

  • 21 J. BAZANOWSKI, "Z dziejów handlu polskiego w XVI-XVIII w., Handel wolami", Gdansk 1977 ; voir aussi (...)

31L’élevage du bétail poursuivi par les paysans ne constituait pas la source unique des boeufs livrés aux bouchers. Le "folwark" d’un gentilhomme modeste possédait ses propres boeufs, parce que les paysans corvéables peu nombreux ne pouvaient pas garantir les labours nécessaires. D’ailleurs, le "folwark" possédait en général une abondance relative de pâturages et de foin, ce qui permettait l’élevage supplémentaire de boeufs achetés, afin de les exporter quelques mois plus tard. La Pologne se trouvait sur la grande route qui menait des prairies et des steppes en Valachie et en Ukraïne, où on élevait les boeufs en masse, à l’Allemagne, où on vendait les troupeaux. Le pays participait à ce commerce – les gens achetaient du bétail importé et vendaient leur propre élevage21.

  • 22 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.232-232v.

32Malgré l’élevage répandu des porcins, la viande de porc jouait un rôle secondaire, et il n’est pas possible de la distinguer du lard. Aussi allons-nous discuter de cette question avec les autres types de graisse. Parfois, on rencontre la consommation des porcelets22, mais ce ne sont pas des cas nombreux et typiques.

  • 23 A. WYCZANSKI, "Studia nad gospodarka starostwa korczynskiego 1500-1660", Warszawa 1964, p. 84-86.

33On retrouve plus souvent la viande de mouton dans les sources de l’époque. C’était la viande de mouton, c’est-à-dire de brebis, du bélier, etc., ou parfois d’agneau, viande qu’on mangeait assez souvent dans les différentes régions du pays, puisque l’élevage des moutons existait presque partout, quoique la qualité de la laine soit plutôt médiocre. C’était peut-être pour cela que la viande constituait un apport aussi important que la production de la laine23.

  • 24 "Historia chlopów polskich", tIer, Warszewa 1970, p. 279-280.
  • 25 A. GOSTOMSKI, "Gospodarstwa", Wroclaw 1851 (première édition Gracovie 1588), p. 120.
  • 26 Ibidem, p. 120.

34Parmi les animaux domestiques, il nous faut citer la volaille, qui outre les oeufs (ceux de poules et d’oies), et du plumage, donnait une quantité assez considérable de viande. La volaille n’était pas très souvent décrite dans les sources – sauf dans les terriers parce que parmi les redevances paysannes, on rencontre presque toujours des poules et des oeufs24. Ainsi, il y a des preuves qu’on mangeait souvent des poules et des poulets, plus rarement des canards et des oies. Pour les grandes fêtes on engraissait les chapons, mais c’était une consommation socialement limitée, comme peut-être celle du dindon, qu’on rencontre en Pologne déjà vers la fin du xvie siècle25. Nous n’avons pas aperçu de traces de consommation de paons, considérés à l’époque comme étant d’un goût étrange26.

  • 27 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.51v.

35Ce qui est très frappant dans cette brève présentation de la consommation de la viande, ce sont les deux observations suivantes. D’abord la quantité et le choix des charcuteries étaient limités – on ne rencontre que rarement le jambon, un peu plus fréquemment les saucissons. Encore plus rare était le gibier, malgré les apparences et les descriptions littéraires. Si on mangeait du gibier, c’était pour les grands repas solennels, avec une participation socialement limitée. Dans la vie courante, on ne trouve que très rarement un lièvre, une caille, une gélinotte, considérée comme aliments de choix27. En général la viande, ainsi que les produits végétaux, provenaient de la production consciente – la chasse et la cueillette ne jouant pas un grand rôle en tant que source de ravitaillement.

  • 28 S. M. KUCZYNSKI, "Wielka wojna z Zakonem Krzyżackim w latach 1409-1411", Warszawa 1955, p. 258.

36La décadence de la chasse comme source de viande est un peu surprenante en comparaison avec le siècle précédent. D’après les chroniqueurs, au commencement du xve siècle, quand le roi Ladislas Jagietfo prépara la grande expédition militaire contre l’Ordre Teutonique, expédition terminée par la célèbre bataille de Grunwald, il organisa de grandes chasses afin de pourvoir l’armée en viande pendant l’opération28. La chasse, considérée comme moyen d’approvisionnement devait être de grande envergure en raison de l’armée qui comptait quelques dizaines de milliers de soldats. Il est possible que le chroniqueur ait exagéré l’importance du gibier dans l’approvisionnement de l’armée royale, mais la seule idée que la chasse pouvait livrer une grande quantité de viande est très caractéristique en comparaison du gibier ne constitue que des cas rares et dépourvus de toute importance alimentaire.

  • 29 Voir O. STRUMIENSKI, "O sprawie, sypaniu, wymierzaniu i rybieniu stawów...", 1573.

37Le xvie siècle, en Europe Centrale, est une époque de développement de l’élevage des poissons dans les étangs29.

  • 30 A. WYCZANSKI, "Studia nad folwarkiem szlacheckim w Polsce w latach 1500- 1580", Warszawa 1960, p. 1 (...)
  • 31 R. RYBARSKI, "Handel i polityka handlowa Polski", I, p. 75-81.
  • 32 AGAD, ASK LVI S/II/2, f. 190 et 257v.

38Dans la nourriture présentée par les sources, les poissons sont assez nombreux – en raison des jours de jeûne – et parmi les poissons, ce sont les carpes qui dominent, les carpes élevées dans les étangs. A part elles, on pêchait dans les étangs et les eaux ouvertes d’autres poissons, brochets, carossins, tanches, gardons, perches, brèmes, enfin les esturgeons, très renommés. Cela ne vaut pas la peine d’énumérer les poissons mangés, mais il nous faut souligner que, outre la pêche courante, on vidait les étangs pendant l’hiver pour avoir une quantité de poissons, recherchés pendant le Grand Carême30. Ce dernier procédé démontre que les poissons des étangs constituaient les produits consacrés à la vente en gros, produits en général commercialisés, dont la production, selon les comptes, était très profitable, quoiqu’elle exigeât des investissements non négligeables et une organisation développée, dont les possesseurs des grands domaines étaient aussi bien les créateurs des poissons d’eau douce, on mangeait aussi des poissons de mer. Il s’agit de harengs31, souvent importés des Pays-Bas qui, salés dans les tonneaux, étaient accessibles dans tout le pays, même aux gens modestes ; parce que leur prix était modéré (par exemple, en 1542, 4-5 harengs pour 1 grosz), et nous avons la preuve que les domestiques des "folwark" (valets, filles), en mangeaient très souvent. C’est un peu étonnant, les harengs étaient concurrencés par des poissons, aujourd’hui chers et estimés, les anguilles, salées dans des tonneaux, qu’on vendait à un prix encore plus bas que celui des harengs32.

  • 33 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.232v-234v.

39Les écrevisses, aliments un peu à part, étaient connues à l’époque et considérées comme une nourriture raffinée pour les hautes couches sociales33.

  • 34 B. BARANOWSKI, "Hodowla bydta w drugiej potowie XVII i XVIII wieku w Leczyckiem i na terenach sasie (...)
  • 35 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.21.

40La graisse était surtout de provenance animale, mais il faut discerner d’abord le laitage, source de graisse, et la graisse, partie de la chair animale. Le lait, peut-être plus gras qu’aujourd’hui, est un produit mal connu. On ne trouve pas de lait dans les registres des provisions, il n’y a pas non plus de remarques dans les sources sur sa consommation. Malgré ce silence, il faut supposer que cette consommation existait, mais elle était assez limitée, à cause de plusieurs particularités de ce produit. D’abord les vaches n’en donnaient pas tellement (environ 2-3 litres par jour en moyenne)34, aussi la quantité de lait disponible était-elle toujours restreinte. Il était aussi très difficile de le conserver, de le transporter, etc. Aussi utilisait-on surtout le lait pour faire du beurre et du fromage. Le lait entier constituait le matériel de production, qui donnait la crème pour la confection du beurre, et la caillebotte pour la production des fromages. Nous ne savons pas grand chose sur la qualité et les différentes sortes de fromage existants, mais il est évident qu’il y avait plusieurs genres de fromages, dont un, petit, assaisonné, nommé "gomutka", était très répandu35.

  • 36 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.21-21v.
  • 37 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.256v.

41Le beurre et le fromage constituaient le but final de la production laitière et des composants très importants de la nourriture quotidienne pour tout le monde. Le beurre différait beaucoup de celui que nous connaissons aujourd’hui, puisque c’était du beurre fondu et salé, conservé longtemps dans de grands pots. Il est étonnant pour nous de voir énumérés dans les registres de la provision certains pots avec le beurre de l’année courante et les autres avec du beurre de l’année passée36. Pour terminer, il nous faut parler du laitage, dont on buvait (et, même vendait) le babeurre, et dont on utilisait la crème pour les plats plus raffinés37.

  • 38 A. WYCZANSKI, "Studia nad gospodarka starostwa korczynskirgo", p. 88-91.

42Le lard rivalisait avec le beurre. Ce n’était pas le lard que l’on trouve de nos jours, puisque c’était du lard avec de la viande, qui ressemblait plutôt à nos bacons. Pour l’obtenir, on engraissait spécialement des porcs (souvent dans les moulins), parce que le porc normal n’était pas assez gros, et qu’il ne grandissait pas aussi vite que les porcins d’aujourd’hui. Pour avoir un porc adulte, il fallait l’élever 3-4 ans et, même après plusieurs années d’élevage, pour obtenir un porc gras, il fallait encore quelques mois d’engraissage intensif38.

43Le porc une fois abattu, on conservait sa chair sous forme de deux moitiés – les flèches – bien salées. Donc, ce n’était pas du lard pur, mais un mélange de lard et de viande. Nous ne savons pas exactement comment on mangeait ce lard – salé avec du pain, grillé, comme une graisse pour les gruaux, etc., ou fondu dans le saindoux. Nous pouvons supposer que toutes les formes mentionnées étaient en usage, quoique ce sont les recherches ultérieures qui pourront mieux nous renseigner sur ce sujet.

  • 39 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.3v-4.

44Pour compléter la liste des graisses, il nous faut ajouter la graisse intérieure du porc, utilisée peut-être dans le saindoux, tandis que celle du boeuf, le suif, était d’un usage moins clair. Nous savons qu’on donnait le suif avec le gruau de pauvre qualité destiné aux chiens, mais la consommation du suif n’était pas exclue. Il en va de même pour le suif de mouton, dont la qualité était médiocre – nous connaissons l’utilisation de ce suif pour la nourriture des hommes, mais lorsqu’il y avait pénurie relative de la graisse39.

  • 40 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.117.
  • 41 R. RYBARSKI, "Handel i polityka handlowa Polski", I, p. 151.

45Nous avons déjà mentionné la consommation de l’huile de pavot, existante mais rare. L’huile de lin était beaucoup plus répandue, parfois remplacée par celle du chanvre, quoique cette dernière se trouvait rarement et que son utilisation pour la consommation pouvait être socialement limitée aux gens pauvres40. Au contraire, l’huile d’olive importée, qu’on rencontre parfois parmi les denrées prévues pour les riches, avait une consommation limitée aussi, mais dans le sens opposé41.

  • 42 WAP Poznan, m. Poznan 1446, f.14v.

46L’huile végétale ne pouvait pas être considérée comme troisième graisse dominante, à côté du beurre et du lard. La consommation de l’huile, surtout celle du lin, était nécessaire à cause des jeûnes très fréquents, pendant lesquels le beurre et le lard étaient interdits. La seule graisse acceptée pendant les jours de jeûne, c’était l’huile de provenance végétale et lorsque celle-ci manquait, on prenait du poivre ne guise d’assaisonnement, par exemple pour le gruau42. D’ailleurs au xvie siècle, pendant la Réforme, l’observation des jeûnes n’était pas trop rigide, même parmi les catholiques.

47La géographie de la graisse dans cette partie de l’Europe reste encore à faire, surtout du point de vue historique. Pour nous, la domination du beurre ou du lard, avec les graisses voisines, ne donne pas un tableau clair – c’est plutôt le mélange qu’on observe dans les sources, mélange qui sera peut-être plus lisible grâce aux recherches futures. Ce qu’on voit actuellement, c’est la quantité insuffisante de graisse dans la nourriture et les différences sociales dans la répartition de la graisse.

  • 43 Voir "Żielnik", de SYRENIUS, p. 942 et suiv.

48Le choix des boissons était modeste. Comme nous l’avons mentionné, ce sont les différentes sortes de bière qui dominaient, – celle de haute qualité faite avec du froment, celle, ordinaire, faite avec de l’orge, et celle de basse qualité, faite avec quatre céréales mélangées. Il arrive parfois que l’on trouve la bière mélangée avec de l’eau, peut-être obtenue par un second versement d’eau sur le malt, ce mélange étant destiné aux domestiques. L’emploi du houblon pour la production de la bière de qualité est probable (le houblon était connu) mais nous n’avons pas de preuves directes. Il existait alors des centres de production de bière renommés43, bien que la bière de consommation courante soit de production locale.

  • 44 R. RYBARSKI, "Handel i polityka handlowa Polski", I, p. 118-122.
  • 45 "Historia kultury materialnej Polski w zarysie", t. III, "od XVI do polowy XVII wieku", Wroctaw 197 (...)

49Sur la consommation du lait – comme on l’a dit – nous ne savons pas grand chose, quoiqu’elle soit probable. Le vin, importé surtout de Hongrie, parfois des pays méridionaux, ou de France, ne faisait l’objet que d’une demande limitée, en raison de son prix assez élevé44. La même remarque concerne la production et la consommation de l’hydromel, célébré par la littérature comme la spécialité de cette partie de l’Europe, mais en vérité aussi rare et aussi cher que le miel. Nous avons affaire probablement à un phénomène tout à fait régional, qui n’existait que dans certaines régions du pays, et était presque inconnu dans les autres. Enfin l’eau de vie commence à faire son apparition dans ce coin de l’Europe. On trouve de temps en temps les instruments nécessaires à sa production, surtout dans les villes, mais sans pouvoir savoir quelle était la consommation réelle de l’eau de vie. Il est évident que l’apparition de l’eau de vie était assez récente, et son essor encore médiocre. On pourrait se demande si l’eau de vie, à l’époque, a commencé sa carrière comme boisson ou comme médicament, et il nous semble que ce dernier rôle dominait en Pologne jusqu’à la fin du xviie siècle45.

  • 46 A. KECKOWA, "Żupy krakowskie w XVI-XVII wieku (do 1772 reku)", Wroctaw 1969, p. 309 et suiv.

50Les condiments sont en apparence bien connus dans la littérature historique parce que dans l’histoire du commerce, les épices depuis des siècles jouaient un grand rôle. La vérité est un peu différente. La production et parfois le commerce du plus important des condiments, le sel, est connue, mais son consommation est presque inconnue. Nous savons que cette partie de l’Europe était alimentée par le sel des mines dispersées le long des Carpathes, qui produisaient le sel noir gros et fin, et en sel blanc évaporé, par le sel d’outre-mer, de France ou d’Espagne, importé comme lest des bateaux arrivés pour livrer du blé. Le prix du sel était variable, non seulement en fonction de sa qualité et de sa provenance, mais aussi à cause des privilèges, puisque les nobles jouissaient d’un sel bon marché, livré par les salines royales46.

51Il est facile de s’imaginer que le sel était utilisé par tout le monde, pour la nourriture, la conservation des vivres, enfin pour le bétail gros et menu ; on peut supposer que les riches consommaient le sel blanc, les pauvres, le sel noir. La réalité cependant n’est pas si simple. On choisissait le type de sel selon les besoins – nous savons par exemple qu’on utilisait le sel blanc pour le laitage, nous suppons que le sel gros et noir était prévu pour le bétail, mais les autres nuances de son emploi restent inconnues. S’il est très difficile de distinguer le sel consacré aux différents besoins, il est encore plus difficile d’évaluer ses proportions quantitatives.

  • 47 R. RYBARSKI, "Handel i Polityka handlowa Polski", I, p. 148-152.

52Les épices sont en général connus, s’il s’agit de la liste des produits importés47. Dans leur consommation dominait le poivre, largement utilisé, puis le safran, plus cher et de consommation plus limitée. On rencontre dans les registres des provisions les amandes, le gingembre, les cloux de girofle et la muscade, quoique l’utilisation ne soit pas évidente, sauf pour leur caractère social limité. Le sucre était relativement bien connu, malgré son prix élevé. Si on consommait beaucoup d’épices dans les hautes couches sociales, la population modeste ne connaissait que le poivre, rarement le safran, pour les fêtes, surtout celles de Pâques.

  • 48 "Żielnik..." de SYRENIUS, p. 1202.

53Les autres condiments, cette fois de provenance locale, étaient en usage pour la nourriture quotidienne. Outre le sel, on utilisait le cumin pour assaisonner les plats ou pour la production des fromages. On utilisait volontier le raifort afin d’assaisonner la viande et les poissons. Enfin le vinaigre avait deux fonction, assaisonner la nourriture et la conserver. Il faut ajouter qu’on utilisait à l’époque deux sortes de vinaigre – le vinaigre ordinaire, produit de la bière, et le vinaigre de qualité, produit du vin. Il y avait aussi la moutarde (en grains) et l’absinthe, mais leur usage n’est pas tout à fait clair48.

  • 49 AGAD, ASK VLI S/II/2, f.239v.

54Pour compléter cette liste des denrées supplémentaires, consommées plutôt pour le goût, qu’en raison de leur valeur nutritive, il est nécessaire d’ajouter qu’on retrouve dans les sources les mentions sur la consommation des champignons, informations d’ailleurs très vagues quant à leur consommation. Mais nous savons qu’à côté des champignons frais, on utilisait les champignons séchés, et aussi les champignons salés – ces derniers étaient probablement les lactaires délicieux49. Les informations de ce genre sont très rares, et outre des conclusions logiques sur leur consommation on ne sait rien d’exact à ce sujet.

55La liste présentée des denrées alimentaires n’est pas complète, mais ce n’est pas notre tâche actuelle d’épuiser toutes les informations possibles sur les produits consommés ou seulement comestibles. Nous avons voulu présenter une liste suffisamment complète et caractéristique afin d’analyser plus tard la consommation réelle du point de vue quantitatif.

56L’aperçu des aliments de l’époque suggère quelques conclusions plus générales, à savoir :

  1. La consommation alimentaire au xvie siècle était surtout basée sur un nombre assez grand de produits céréaliers, quoique les produits animaux ne fussent pas absents, même pour les gens modestes.

  2. La consommation alimentaire reposait sur les produit locaux – ce qui est évident – avec une participation assez considérable de certains autres produits, parfois même importés, comme le sel, les harengs, le poivre.

  3. Les aliments de l’époque étaient les produits créés consciemment par les gens, comme résultats de la culture du sol et de l’élevage – la chasse et la cueillette ne jouaient presque aucun rôle ; même la pêche dans les eaux ouvertes semble moins importante que l’élevage des poissons dans les étangs artificiels.

Notes

1 "Expens dworu królowej polskiej Katarzyny", p. 125.

2 Des informations sur la technologie de la confection du pain, de la bière, etc. se trouvent dans l’oeuvre intitulée : Zielnik, "Herbarzem z jezyka lacinskiego zowia to jest... pilnie zebrane i porzadnie spisane przez D. Simona Syreniusa", Cracoviae 1613.

3 AGAD, ASK LVI, S/II/3, f.231v-232.

4 AGAD, ASK LVI, S/II/2, f.189v.

5 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.229v.

6 R. RYBARSKI, "Handel i polityka handlowa Polski w XVI wieku", Warszawa 1958, (2e édition), t. I, p. 151.

7 AGAD, ASK LVI S/II/2, f. 125-126.

8 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.96v.

9 AGAD, ASK LVI, S/II/2, f.253.

10 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.275, 313v, 317.

11 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.256v.

12 AGAD, ASK LVI, S/II/2, f.229v.

13 WAP Poznan, m. Poznan 1443, f.4v.

14 WAP Poznan, m. Poznan 1468, f.16v.

15 R. RYBARSKI, "Handel i polityka handlowa Polski", I, p. 151.

16 J. TAZBIR, "Konsumpcja cytrusów w Polsce XV-XVIII w", "Pożywienie w dawnej Polsce", Warszawa 1967, p. 105-114.

17 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.229v.

18 M. DEMBINSKA, "Konsumpcja żymnosciowa w Polsce średniowiecznej", Wrocfaw 1963, p. 71-73.

19 Leur rôle pouvait être plus grand au Moyen-Age – voir M. Dembinska "Konsumpcja żywnościowa w Polsce średniowiecznej", p. 69.

20 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.223v.

21 J. BAZANOWSKI, "Z dziejów handlu polskiego w XVI-XVIII w., Handel wolami", Gdansk 1977 ; voir aussi Z. WIESE, "Der Rimderhandel im nordwesteuropäischen Küstengebiet von 15. Jahrhundert bis zum Beginn des 19. 3ahrhundert", Stuttgart 1966.

22 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.232-232v.

23 A. WYCZANSKI, "Studia nad gospodarka starostwa korczynskiego 1500-1660", Warszawa 1964, p. 84-86.

24 "Historia chlopów polskich", tIer, Warszewa 1970, p. 279-280.

25 A. GOSTOMSKI, "Gospodarstwa", Wroclaw 1851 (première édition Gracovie 1588), p. 120.

26 Ibidem, p. 120.

27 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.51v.

28 S. M. KUCZYNSKI, "Wielka wojna z Zakonem Krzyżackim w latach 1409-1411", Warszawa 1955, p. 258.

29 Voir O. STRUMIENSKI, "O sprawie, sypaniu, wymierzaniu i rybieniu stawów...", 1573.

30 A. WYCZANSKI, "Studia nad folwarkiem szlacheckim w Polsce w latach 1500- 1580", Warszawa 1960, p. 172-178.

31 R. RYBARSKI, "Handel i polityka handlowa Polski", I, p. 75-81.

32 AGAD, ASK LVI S/II/2, f. 190 et 257v.

33 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.232v-234v.

34 B. BARANOWSKI, "Hodowla bydta w drugiej potowie XVII i XVIII wieku w Leczyckiem i na terenach sasiednich", Studia z Dziejow Gospodarki wiejskiej, t. Ier, Wroctaw 1957, s.226.

35 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.21.

36 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.21-21v.

37 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.256v.

38 A. WYCZANSKI, "Studia nad gospodarka starostwa korczynskirgo", p. 88-91.

39 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.3v-4.

40 AGAD, ASK LVI S/II/2, f.117.

41 R. RYBARSKI, "Handel i polityka handlowa Polski", I, p. 151.

42 WAP Poznan, m. Poznan 1446, f.14v.

43 Voir "Żielnik", de SYRENIUS, p. 942 et suiv.

44 R. RYBARSKI, "Handel i polityka handlowa Polski", I, p. 118-122.

45 "Historia kultury materialnej Polski w zarysie", t. III, "od XVI do polowy XVII wieku", Wroctaw 1978, p. 199-200.

46 A. KECKOWA, "Żupy krakowskie w XVI-XVII wieku (do 1772 reku)", Wroctaw 1969, p. 309 et suiv.

47 R. RYBARSKI, "Handel i Polityka handlowa Polski", I, p. 148-152.

48 "Żielnik..." de SYRENIUS, p. 1202.

49 AGAD, ASK VLI S/II/2, f.239v.

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