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Paris et la Révolution

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Michel Vovelle

Troisieme partie. Paris lieu de réception et de diffusion des idées

Les troupes Suisses à Paris et la revolution 1789 – 1792

Alain-Jacques Czouz-Tornare

Texte intégral

1S’il est épisodiquement fait mention des Suisses dans les ouvrages sur la Révolution, les auteurs négligent la plupart du temps d’expliquer ce que ces neutres au-dessus de tout soupçon faisaient en France.

2Ne dirait-on pas que leur présence dans les grands lieux de mémoire de cette époque est aussi évidente que l’existence du traditionnel Suisse d’église ou de porte ?

3Cela seul ne suffit pas à expliquer la raison pour laquelle aucun dictionnaire de la Révolution ne daigne leur consacrer un article. Nous attaquerons ces troupes suisses en France sous l’angle de l’historiographie.

Les troupes Suisses en France : un pilier de l’Ancien régime

4Un cahier des charges contraignant pour la France, appelé Capitulation (Convention de puissance à puissance), faisait du service des Suisses en France un véritable Etat dans l’Etat. Ainsi, les troupes suisses, avec leur propre justice, la franchise religieuse, les exemptions d’impôts, étaient en quelque sorte exterritorialisées.

  • 1 Corvisier A., "Une armée dans l’armée : les Suisses au service de la France", in Cinq siècles de re (...)

5Parce que liée au monarque et non à la Nation, cette armée dans l’armée (Cf. A. Corvisier) ne pourra être que contre-révolutionnaire par définition et par fonction1. A la fois pilier du régime et symbole particulièrement exemplaire d’une caste privilégiée anachronique, elle jouera spectaculairement le rôle qu’elle interprétait jusqu’alors avec discrétion, celui de force de police royale, ne tenant sa légitimité que des liens existants entre le souverain français et les cantons suisses. Son caractère artificiel n’en aggravera que davantage la précaire et tendancieuse sécurité qu’elle procurait au régime. En encourageant ainsi la résistance, elle confortait corollairement la Révolution à qui elle offrait, de plus, une cible polarisatrice de choix.

6Il est facile de regrouper tout un ensemble de données illustrant la fonction contre-révolutionnaire et le rôle de catalyseur de la Révolution, tenu par les troupes suisses en France. C’est à elles principalement que Louis XVI fait appel en juillet 1789. Le résultat est inverse de celui attendu. Le baron de Besenval, commandant militaire effectif de Paris, puissant symbole d’un ordre injustement privilégié, focalisera l’attention de l’insurrection en direction de la Cour. Chaque intervention des soldats suisses a pour effet de renforcer les positions adverses, comme c’est le cas lors de la révolte du régiment de Chateauvieux, en août 1790, de la fuite de Varennes, et surtout au moment du 10 août.

Utilisation des troupes suisses à Paris comme force de répression

  • 2 Fay B., Naissance d’un monstre : l’opinion publique, Paris, 1965, p. 175.

"Vers la fin de l’année 1587, le roi Henri III fit venir à Paris quelques troupes, pour rester libre de ses mouvements. Cela déclencha la tempête. La foule, en rage, attaqua les Suisses, en écharpa bon nombre, dressa des barricades et eût tué le roi, si Catherine ne l’eût fait fuir au plus vite, en amusant Guise"2.

7Deux siècles plus tard exactement, Louis XVI tentera la même expérience. Les rois de France avaient pris goût à la solution de facilité de recourir aux "bons compères", comme Henri IV appelait ses alliés helvétiques. N’avaient-ils pas permis de rétablir quelques situations périlleuses lors de la Fronde ? Les troupes nationales permanentes étaient peu fiables, tandis que les Suisses formaient le noyau stable et performant des forces de la monarchie capétienne.

  • 3 Lesur Ch.-L., Précis historique et politique des alliances et capitulations militaires entre la Fra (...)
  • 4 Bertaud J.-P., L’armée française de 1789 à l’an VI, Doctorat d’Etat, Paris, Livre I, 1ère partie, p (...)

8En 1818, C.-L Lesur, dans son précis historique, montrait que les troupes suisses étaient"une garantie toute puissante contre les soulèvements populaires, un boulevard assuré pour l’autorité monarchique"3. Elles n’ont pas peu contribué à faire de l’armée royale à la veille de la Révolution "une Bastille dans la Cité nouvelle", qui inquiète la société civile, et ce d’autant plus que l’armée, comme l’a montré J. Chagniot, est de plus en plus mise au service de la police urbaine4.

9Longtemps, l’armée était apparue comme acquise au régime. Mercier affirmait en 1783, dans ses Tableaux de Paris :

  • 5 Mercier L.-S., Tableau de Paris, Amsterdam 1782-88, vol. VI, chap. CCCCLX, p. 22.

"Une émeute, qui dégénérait en sédition, est devenue moralement impossible. La surveillance de la police, les régiments des Gardes suisses & françaises, casernés & tout prêt à marcher ; la Maison du Roi, les villes de guerre dont Paris est environné, sans compter un nombre immense d’hommes attachés aux intérêts de la Cour, tout semble propre à réprimer à jamais l’apparence d’un soulèvement sérieux"5.

10La conviction de disposer de la force incita le pouvoir en place à prendre un profil haut à l’égard de ses adversaires potentiels.

11Lors de l’affaire Réveillon, la première grande explosion populaire à Paris, le 27 avril 1789, le lieutenant de police Thiroux de Crosne demande du secours au duc du Chatelet, colonel des Gardes-Françaises et au baron de Besenval, lieutenant-général des Gardes-Suisses. Ces deux troupes, qui formaient l’élite de la Maison du Roi, eurent ici une dernière occasion de combattre ensemble. Après l’affaire Réveillon, les Gardes-Françaises donneront de plus en plus des signes de relachement. Les Gardes-Suisses, les traditionnels rivaux, leur furent dès lors préférés, ce qui amplifia les discordes entre les deux troupes.

  • 6 Cf. Miquel P., La Grande Révolution, Paris, 1988, p. 83.

12Déjà en juin 1788, l’émeute de Vizille avait montré que les troupes n’étaient pas sûres et les Suisses avaient dû être appelés à Grenoble à la rescousse6. Comme le précise P. Sagnac :

  • 7 Sagnac Ph., La Révolution de 1789, Paris, 1934, vol. I, p. 61. Voir aussi : Chalkmin P., "La désint (...)

"Des faits significatifs se sont produits en 1788 et 1789 : les crosses en l’air de l’émeute de Rennes ; les sympathies d’un régiment pour les émeutiers de Grenoble ; ces soldats qui, dans les casernes et les camps, lisent journaux et pamphlets ; ces officiers qui, en plusieurs endroits, recommandent à leurs hommes de ne point sabrer ni tirer. En juin et en juillet 1788, la "Correspondance secrète" signale que "l’esprit général dont la nation semble s’animer, a pénétré jusqu’au militaire"7.

  • 8 Sur le service du régiment des Gardes-Suisses pour les Etats généraux, voir aussi S.H.A.T., YA 298.

13Rien d’étonnant, par conséquent, que les Suisses prirent le pas sur les forces nationales et que l’on confia aux Gardes-Suisses un rôle de police prépondérant, lors de la réunion des Etats généraux8.

Le baron de Besenval : un Suisse Gouverneur militaire de Paris en juillet 1789

14De nombreux officiers supérieurs suisses ont gravité autour du pouvoir royal à la veille de la Révolution. Le baron Pierre-Joseph Victor de Besenval (1721-1791), de Soleure, est un personnage que l’on trouve régulièrement cité dans les ouvrages traitant de cette période, sans que l’on prenne soin toujours de préciser son origine helvétique.

15La Biographie universelle décrit ainsi celui qui avait été nommé en 1769, par Louis XV, inspecteur général des Suisses et Grisons :

  • 9 Biographie universelle, ancienne et moderne rédigée par une société de gens de lettres et de savant (...)

"Il parvint rapidement aux premiers honneurs militaires, que son nom, sa valeur, sa belle figure et son esprit lui valurent plus sûrement que des talents supérieurs, dont il ne donna jamais de preuves... Il joignait aux qualités d’un bon officier, la grace, l’esprit la finesse et le tact qui font réussir à la Cour. Le rôle qu’il y joua et l’usage qu’il fit de son crédit n’inspirent pas le même intérêt que sa vie militaire.. S’il eut l’ascendant que l’opinion publique lui attribue dans l’intérieur de la famille royale, et surtout auprès de la dernière reine de France, on peut lui reprocher de ne pas avoir employé ses talents et son esprit à donner dans cette cour de meilleurs avis. On voit le baron de Besenval se mêler d’intrigues de femmes, de renvois de ministres, et jamais ce qu’il propose ne vaut mieux que ce qu’il blame. Enfin, commandant de l’intérieur, en 1789, et chargé de mettre à exécution ses propres conseils, il ne prit que des mesures timides, ne donna que des ordres vagues, et finit par s’enfuir avec des passeports"9.

16Le comte de la Marck, précieux relais de Mirabeau auprès de la Cour, a gratifié le suisse Besenval d’un portrait peu flatteur lui aussi :

  • 10 Bacourt A., Fourier de, Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de la Marck, Paris 18 (...)

"Il n’avait pas l’ambition d’occuper une grande place, il n’aurait pas voulu être ministre. Lieutenant-Colonel des gardes suisses, son seul désir était d’en devenir colonel après la mort du comte d’Affry. Mais tout en ne se souciant pas d’être ministre, il voulait se mêler d’en faire, afin d’avoir sur eux beaucoup d’influence. En tout il s’amusait de l’intrigue"10.

  • 11 Ibid., p. 28.

17Toujours selon le même observateur, Besenval était parvenu à s’emparer de l’esprit du comte d’Artois, colonel-général des Suisses et Grisons ; ainsi disposait-il par le moyen du prince, de tout ce qui tenait aux régiments suisses11.

18Ce proche de Marie-Antoinette qui lui avait servi en avril 1779 de garde-malade durant sa rougeole, l’assidu compagnon de plaisir du comte d’Artois, ce Suisse catholique, franchement athée et franc-maçon, se transforma à la veille de la Révolution en défenseur d’une tradition contre laquelle toute sa vie témoignait. Gouverneur militaire de Paris, il ne fut l’homme de la situation qu’en ce qu’il incarnait toutes les tares de l’Ancien régime.

  • 12 Au sujet de Besenval et de Marie-Antoinette, cf. Marie-Antoinette, correspondance secrète entre Mar (...)

19"Il n’est bon qu’à être suisse à la porte de Cythère" disait de lui une dame honorable, tandis qu’un pamphlet en faisait, à la Cour, le Suisse de la porte du Palais des plaisirs de la Reine12.

20Besenval qui avait déjà la direction militaire des provinces de l’Ile-de-France moins Paris, du Soissonnais, du Berry, du Bourbonnais, de l’Orléanais, de la Touraine et du Maine et comme tel était chargé d’assurer le ravitaillement de Paris en blés, fut obligé de remplacer d’Affry en sa qualité de lieutenant-colonel des Gardes-Suisses.

  • 13 Ibid, S. 78.

21Quand en juin 1789 arrive le temps de l’affrontement, ce courtisan achevé semble se muer en frondeur et se détourner de la Cour. Après avoir réprimé durement le 28 avril, l’émeute de la fabrique Réveillon, donnant l’ordre à ses Suisses, "de tirer jusqu’à la mort du dernier homme", il se plaignait que la Cour ne lui en sût pas assez gré13.

22Le 29 juin 1789, il fut choqué de n’avoir pas été prévenu officiellement qu’il était désormais placé sous les ordres du duc de Broglie, de toute manière trop agé pour assumer effectivement cette charge. Peu motivé, Besenval contribua par sa passivité à la propagation de l’émeute.

  • 14 Tulard J., Histoire et dictionnaire de la Révolution française 1789-1799, Paris, 1987, p. 38.

23Ainsi en cette année 1789, à Paris, où Lieutenant de police, Gardes-Suisses et Françaises exerçaient le contrôle, le décès de Biron, commandant-colonel des Gardes-Françaises, et les problèmes de santé du lieutenant-général Louis-Auguste-Augustin d’Affry (1713-1793), colonel des Gardes-Suisses, faisaient que deux postes stratégiques étaient occupés par deux lieutenant-colonels peu expérimentés : le brutal duc du Chatelet et le cauteleux Besenval, "un peu trop léger" et dépendant d’un autre Suisse, le Genevois Necker, lequel cherche à la fin juin d’empêcher l’usage d’une force qu’il sait n’être pas très sûre14.

  • 15 Soria G., Grande histoire de la Révolution française, Paris, 1987, vol. I, p. 101. Sur l’état des t (...)

24Vers le 23 juin on assiste, selon la formule de G. Soria, à un "déploiement menaçant de mercenaires armés jusqu’aux dents". Et d’insister sur ces "mercenaires qui ont mis la ville en état de siège"15.

  • 16 S.H.A.T., Mémoires historiques, vol. n° 619-626 : "Précis de ce qui est arrivé au régiment de Salis (...)
  • 17 Carrot G., Le maintien de l’ordre depuis la fin de l’Ancien régime..., p. 8.

25Pour faire respecter l’ordre dans une ville de 600 000 habitants en ébullition, Besenval disposait en théorie de 30 000 hommes répartis dans la région parisienne. En réalité, il ne pouvait compter effectivement, au Champ-de-Mars, à la Muette et à Courbevoie, que sur 4 000 hommes d’infanterie. Outre le régiment français de la Reine-infanterie, il disposait surtout des régiments suisses de Salis-Samade, Reinach, Diesbach venant d’Arras, et Lullin de Chateauvieux en provenance d’Orléans. Parti d’Arras le 3 mai, Salis-Samade arriva à la barrière de Saint-Denis le 13. Dès le 15 juin, ses compagnies furent réparties un peu partout, à Poissy, à Chatou, au Pecq, à Claye, à Meudon, à Bellevue, à Vanves, à Clamart, et surtout à Issy, où ils furent en butte à la provocation des Gardes-Françaises16. De son côté, le régiment de Reinach quitta Soissons le 24 juin et arriva à Paris le 26. Cantonné à Saint-Cloud il fut chargé de garder le pont de Sèvres. En effet, une partie de ces forces devait couvrir les routes menant à Versailles et le cas échéant contrôler les ponts de Neuilly et de Saint-Cloud et tenir le passage des Moulineaux et les hauteurs de Clamart17.

26Ce sont donc essentiellement sur des troupes étrangères que la Cour comptait pour maintenir l’ (ancien) ordre des choses, soulignant par là même la faiblesse du régime et le transfert de légitimé en cours.

27A défaut d’être réellement utilisables, les soldats suisses symbolisent cette résistance au mouvement, qui va permettre à celui-ci de se dynamiser.

28Les partisans du mouvement ne manquèrent pas de prendre pour cible les très visibles serviteurs suisses du Roi.

  • 18 Sur E. Dumont, cf. ma communication pour le Congrès mondial "L’image de la Révolution française, 6- (...)
  • 19 Cité par Soria G., op. cit., vol. I, p. 109.

29Mirabeau suscita la fameuse adresse, adoptée par l’Assemblée nationale le 8 juillet 1789, demandant le renvoi des troupes. Ironie de l’histoire, cette adresse fut rédigée par un genevois, Etienne Dumont (1759-1829)18. Le style de l’adresse trahit d’ailleurs une bonne connaissance des Suisses qui ne servent pas en qualité de mercenaires mais d’auxiliaires "renvoyez surtout les troupes étrangères, ces alliées de la Nation que nous payons pour défendre et non pour troubler nos foyers"19.

Les Suisses à Paris en Juillet 1789

30Depuis le 5 juillet 1789, Besenval constitue le camp du Champ de-Mars, avec les régiments suisses de Salis-Samade, Chateauvieux et Diesbach. Le régiment de Vigier était attendy pour le 17 et celui de Castella en provenance de Metz pour le 19.

31Si les premiers jours se passèrent sans problème, à mesure que la tension montait, la situation des régiments devenait préoccupante. Un sous-lieutenant du régiment de Diesbach, Joseph de Diesbach-Torny, a écrit le récit de la conduite de son régiment durant les dernières années de son existence. Selon son témoignage :

  • 20 Diesbach M. de, "Les dernières années du régiment de Diesbach 1789-1792", in Etrennes Fribourgeoise (...)

"Nous avions trois mauvaises pièces de canon servies par des invalides ce qui fait à peine trois mille hommes placés dans une souricière où l’on pouvait nous canarder de tous côtés. Les insultes commencèrent le 9 et allèrent toujours en croissant.
Le 12, pendant que l’on se battait sur la place Louis XV, nous étions sous les armes, croyant à tout moment être attaqués. La matinée du 13 se passa sous les armes, à recevoir des insultes et même un coup de fusil dont la balle passa au-dessus du régiment de Chateauvieux"20.

  • 21 Godechot J., La prise de la Bastille, Paris, 1965, p. 227.

32Selon J. Godechot, Besenval, qui venait de remplacer le maréchal de Broglie, nommé ministre de la Guerre, dirigea "fort mal” les opérations21. Pouvait-il en aller autrement ?

  • 22 Godechot J., op. cit., p. 237. Sagnac, op. cit., p. 102-103. Séndelbach, F. de, Le baron de Bachman (...)

33Le 12 juillet, paralysé dans l’Ecole militaire où il a établi son quartier général, les nerfs à vif tant ses activités de surveillance des quartiers de Paris et du ravitaillement en blé de la ville l’avaient harassé, il laissa le prince de Lambesc et le Royal Allemand charger sur la place Louis XV. Selon J. Godechot, "C’est cet ordre qui va transformer en insurrection ce qui n’était encore qu’une manifestation"22. La sensibilité populaire est surtout touchée par la présence obsédante de soldats étrangers. De Broglie se croyant encore à la guerre de Sept ans pratique le siège de la ville, préalable à tout assaut. Le 13 juillet, Gouy d’Arcy déclare :

  • 23 Cité par Madival et Laurent, Archives parlementaires, Paris, 1867-1896, Ière série, vol. VIII, p. 2 (...)

"Aujourd’hui l’on entend de tous côtés des cris d’épouvante et d’horreur. Le despotisme rassemble autour de nous des troupes étrangères comme s’il méditait contre la patrie quelques coups dont les troupes nationales ne voudraient pas se rendre complices"23.

  • 24 Michelet, Histoire de la Révolution, Paris, 1847,I, p. 167.

34Et Michelet d’affirmer que "tous ces soldats.allemands présentaient l’aspect d’une invasion autrichienne et suisse"24.

  • 25 Cf. "Précis de ce qui est arrivé au régiment de Salis-Samade", op. cit.

35Dans la nuit du 12 au 13, Besenval fait maladroitement manoeuvrer le régiment de Salis-Samade dans les rues de Paris, alors que quelques heures plus tôt la nouvelle du renvoi de Necker a été annoncée et que les émeutiers sont en passe de contrôler la ville25.

36Peut-on dans ces conditions reprocher à Besenval, convaincu du danger de maintenir des troupes gagnées peu à peu à l’insurbordination, de leur avoir ordonné de quitter les points chauds et de se porter au Champ-de-Mars. le 13 juillet vers 1 heure du matin ?

  • 26 Godechot J., op. cit., p. 244. Sagnac, op. cit., p. 102. Vallière P. de, "Une grande figure suisse (...)

37Le 13 juillet, Besenval est dans l’impossibilité d’envoyer des renforts à la Force, investie par les manifestants. Selon P. Sagnac, pour qui la Cour joue la politique du pire et laisse faire pour mieux réagir ensuite, Besenval est "sans responsabilité, puisqu’il ne pouvait agir que par les ordres de Broglie."Or ce dernier "qui avait reçu des ordres contradictoires de Louis XVI, paralysa les mesures prises par Besenval"26.

  • 27 Soria, op. cit., I, p. 145. Godechot, op. cit. p. 269, et 303-305.

38Le matin du 14, à 10 heures, a lieu "l’événement capital de la journée" selon J. Godechot, parlant du conseil réuni par Besenval. Après avoir entendu les chefs de corps reconnaître que les troupes ne "marcheraient" pas, Besenval, toujours sans nouvelle de Broglie, ne peut que prendre la décision de ne pas faire marcher la troupe contre les manifestants, qui s’emparent en toute tranquillité des 40 000 fusils stockés dans les caves des Invalides, que Besenval avait en vain ordonné de rendre inutilisables27.

  • 28 Soria op. cit., I, p. 126-140. Fay, op. cit., p. 167.

39G. Soria a affirmé que Besenval "douillettement" enfermé à l’Ecole militaire "avait pris peur”28. B. Faÿ prétendait la même chose, ajoutant qu’il craignait de voir son bel hôtel saccagé par les émeutiers. Les sentiments de Besenval importent peu. Tant par son caractère qu’à cause du climat général, il n’avait jamais été maître d’événements qui le dépassaient complètement, comme l’a montré J. Godechot. Un témoin oculaire, Maleissye, lieutenant aux Gardes-Françaises, pourtant peu porté à défendre Besenval, a écrit qu’à la suite de l’échauffourée des Tuileries :

  • 29 Maleissye Général marquis de, Mémoires d’un officier aux Gardes-Françaises, Paris, 1897, p. 50.

"Monsieur de Besenval fut obligé de se retirer des Champs-Elysées et de se cacher dans une maison du faubourg Saint-Honoré, et, quoique ce fût lui seul qui pût donner des ordres, nous fûmes longtemps sans savoir le lieu de sa retraite"29.

  • 30 Cf. Vallière P. de, Honneur et fidélité, Lausanne, 1940, p. 588.

40Tout ce qu’il put faire c’est d’encourager de Launay à tenir bon, alors qu’un convoi de munitions pour la Bastille, escorté par un détachement du régiment de Reinach, est intercepté à la barrière de l’Etoile, à l’aube du 14 juillet30.

Les défenseurs suisses de la Bastille

41Fêterait-on la prise de la Bastille si elle avait offert aussi peu de résistance que les Invalides en ce matin du 14 juillet 1789 ?

42J. Godechot, dans son remarquable ouvrage consacré à la prise de la Bastille, contrairement à d’autres historiens, a bien souligné le rôle joué par les Suisses au cours de la journée.

43Le 7 juillet, sur ordre de Broglie, un détachement de 33 hommes, du régiment de Salis-Samade, placé sous le commandement de l’énergique lieutenant de Flue, est envoyé à la Bastille pour renforcer la garnison. Les Suisses occupèrent les points sensibles, tandis que les 82 Invalides étaient dispersés, loin des portes, sur les tours.

  • 31 Godechot, op. cit., p. 280. Sur le récit de Louis de Flue, voir note p. 261. Soria, op. cit., p. 13 (...)

44On ignore qui ordonna à la garnison de tirer. De Flue, dans le témoignage "capital" qu’il a laissé, est des plus laconique sur ce sujet. Les Invalides en tous les cas n’avaient nul désir de tirer sur le peuple. Par contre, de Flue et les officiers de l’Etat-major déclarèrent à Thuriot, qui les exhortait à se rendre, qu’il serait déshonorant de capituler sans combattre31. Ce fut à peu près le même discours qui fut tenu par leurs compatriotes lors du 10 août. Pour J. Godechot :

  • 32 Ibid, p. 283.

"Le 14 juillet vers une heure de l’après-midi, ce sont sans doute les Suisses qui, en voyant les assaillants approcher du pont-levis principal de la Bastille, ont pris l’initiative de tirer"32.

  • 33 Sur Hulin voir Godechot, op. cit., p. 289-291. Sagnac, op.cit., p. 125.

45L’ironie de l’histoire une fois de plus, veut que ce soit un ancien sergent aux Gardes-Suisses, nommé Hulin, lequel avait participé à la Révolution de Genève de 1782-1783, qui emmena les Gardes-Françaises à l’assaut de la forteresse-symbole. Paradoxalement, alors que les Invalides sont malmenés, seuls deux soldats suisses périrent, massacrés par le peuple, les autres à cause des sarraux qu’ils portaient, ayant été pris pour des domestiques33.

  • 34 S.H.A.T., A4, 55.

46Les régiments étrangers, sur ordre de Broglie, quittèrent le Champ-de-Mars le 14 à 22 heures, et se retirèrent d’abord sur Meudon avant l’ordre du "mouvement rétrograde" du 16 juillet 178934.

47Comme l’a expliqué Maleissye, qui avait assisté impuissant aux événements :

  • 35 Maleissye, op. cit., p. 82.

"Il valait mieux mille fois ne pas appeler des troupes que de les appeler pour ne pas s’en servir. Cet inutile rassemblement a donné aux factieux sujet de témoigner leurs craintes sur la liberté de l’Assemblée, d’inviter le peuple à prendre les armes, et de lui faire ainsi connaître ses forces"35.

Le jugement de Besenval

48Besenval avait obtenu du Roi l’autorisation de rentrer en Suisse et ne s’était pas enfui après avoir déserté son poste, comme le prétendent Robinet, Robert et le Chaplain dans leur dictionnaire. Il était en butte à l’hostilité des aristocrates et des révolutionnaires, qui le considéraient comme un des instruments principaux de la réaction. Dans l’intérêt du Roi, il fallait que "cet odieux étranger" rentre dans son pays. Le 27 juillet, il était arrêté par la milice citoyenne de Villenox en Ile-de-France. Selon P. de Vallière, qui a consacré à Besenval une biographie inachevée :

  • 36 Vallière, op. cit., p. 22.

"Il aurait pu, d’un coup se disculper, car il avait en poche l’ordre écrit du roi d’employer la force. Mais il préféra le détruire et se taire pour ne pas compromettre Louis XVI"36.

49Besenval bénéficia d’un puissant soutien. Selon G. Carrot :

  • 37 Carrot G., Le maintien de l’ordre en France..., p. 15. Schmid, op. cit., S. 709- 710. Les révolutio (...)

"L’intervention active de Necker auprès du Comité des électeurs de Paris e (l’Assemblée nationale pour le faire libérer a permis à certains d’insinuer que son inaction pendant ces journées cruciales aurait bien pu être volontaire"37.

  • 38 Fay, op. cit., p. 148. Soria, op. cit., p. 248. Schmid, op. cit., S. 716. Sur l’intervention des ca (...)

50Les Suisses, L.-A. d’Affry en août 1792, Rodolphe-François de Salis Zizers en juillet 1830, seront gratifiés de la même attitude. C’est une manière d’évacuer sur un homme l’échec d’une politique. Contrairement à ce qu’affirmait Bernard Faÿ, qui prétendait que Besenval était trop lié à Necker, les deux hommes ne s’appréciaient guère, comme l’a établi O. Schmid, le biographe de ce dernier. Besenval est le produit d’un système et son attitude durant les événements est révélatrice du comportement d’ensemble des hommes issus de ce système. Necker a protégé Besenval surtout parce qu’en le sauvant, il préservait les intérêts des cantons suisses en France, dont la plus spectaculaire représentation est bien le service militaire, mais où la plus rémunérante réalité repose sur le commerce et la Banque. De plus, selon les capitulations militaires, seul un tribunal helvétique pouvait le juger. En intervenant en faveur de Besenval, dès son retour à Paris, le 29 juillet, Necker, selon G. Soria "ne se rend pas compte de l’énormité de sa requête"38.

51C’est négliger le poids des Suisses en France, expression des liens étroits et pluriséculaires existants entre les deux pays. Toutefois, la démarche de Necker se fait au détriment des intérêts généraux de sa politique, puisque le salut de Besenval était devenu, "aux premiers jours si précieux de sa restauration, le mobile capital de ses efforts”, entraînera "le commencement de sa disgrace".

52Ferrières dans ses mémoires a pu écrire :

  • 39 Lavaquery Abbé E., Necker, fourrier de la Révolution, Paris, 1933, p. 314 ; Ferrières, Mémoires, 1, (...)

"Le salut de Besenval resta l’unique résultat de cette journée que Necker avait espéré devoir être la première de la paix reconquise, et qui fut la dernière de sa popularité"39.

53Mais il avait sauvegardé l’alliance entre les cantons suisses et le Roi, à laquelle était liée sa propre fortune et celle des fameux banquiers genevois de Paris.

54Besenval, prévenu de crime de "lèse-Nation", fut finalement acquitté, non sans peine par le Chatelet, libéré le 31 janvier 1790, et définitivement blanchi le 1er mars.

La fidélité des troupes suisses

  • 40 Staël Mme de, Considérations sur la Révolution française, Paris, éd. de 1983, 1ère partie, chap. XI (...)

55La responsabilité de Besenval est relativisée par le fait qu’il n’avait pas les moyens d’influer sur les événements. Dans ses Mémoires, Besenval se disculpe en rejetant la responsabilité des fautes commises sur le maréchal de Broglie et en justifiant l’évacuation de la ville par la crainte d’allumer la guerre civile. Besenval était prisonnier d’une réalité dont il avait pleine conscience, parce que mieux placé que quiconque – hormis le Suisse Necker – pour la percevoir, et qu’à résumé Mme de Staël lorsqu’elle affirmait que "l’armée, dès 1789, partageait en grande partie les opinions populaires contre lesquelles on voulait l’employer"40. Or, au moment de l’affrontement décisif, seuls restaient à peu fidèles les régiments étrangers, lesquels cristallisaient sur eux toute la haine du peuple et apportaient une pièce maîtresse au dossier du discrédit de la Monarchie.

  • 41 Maleissye, op.cit., p. 35-36, 47-48.

56Partisans et adversaires de la Révolution, pour ne point affaiblir leurs positions respectives, se devaient de présenter les soldats suisses comme de solides et fidèles soldats, trahis par des chefs incompétents dans un cas. justifiant à posteriori la révolte populaire dans l’autre. Ainsi Maleissye insiste sur les ordres "donnés avec la plus grande confusion" et le caractère "étrange" d’un Besenval et d’un du Chatelet n’osant se présenter en uniforme à la troupe, et se gardant de l’utiliser pleinement, alors qu’il y avait assez de soldats à Paris "pour intimider, dissiper et réduire une populace sans ordre, sans chef, et rassemblée en tumulte"41. Pour sa part, P. Sagnac a pu encore affirmer en 1934 :

  • 42 Sagnac, op. cit. ; p. 120.

"Ce que dit Besenval du peu de fond qu’il pouvait faire sur ses troupes à l’air d’une excuse. Les Suisses se montrèrent très fermes à la Bastille, il y parut au carnage"42.

57Une certaine historiographie suisse, dans la ligne d’un P. de Vallière, trouve encore flatteur pour notre orgueil national de ne pas remettre en cause la sacro-sainte fidélité des Suisses, alors que l’historiographie française a corrigé son jugement primitif.

58J. Godechot a finalement décrit la situation de Besenval en ces termes :

  • 43 Godechot, op. cit., p. 240.

"A l’époque de la Révolution, des écrivains royalistes avaient déjà voulu faire de Besenval un bouc émissaire. Il n’y a, à mon sens, aucune raison de penser que Besenval ait voulu favoriser la révolte. Tout au plus pourrait-on critiquer son incapacité ou, plutôt, faire remarquer qu’il faisait manoeuvrer ses troupes comme dans une lutte entre deux armées régulières, alors qu’il avait à diriger une simple opération de police"43.

59De son côté J.F. Fayard admet :

  • 44 Fayard J.-F., Dictionnaire de la Révolution française, Paris, 1987, p. 22.

"L’armée est si peu sûre que le roi n’ose l’engager pour rétablir l’ordre à Paris, les 13 et 14 juillet 1789, alors qu’il dispose pourtant de 60 000 soldats."44

60Loin d’être un épiphénomène, les troubles qui animent les troupes suisses au service de la France illustrent la pénétration d’une nouvelle mentalité jusque dans l’antre le mieux protégé de l’ Ancien régime.

  • 45 Souvenirs d’Abraham Reosselet, de Bienne, publiés par Steiger R. de, Neuchatel, 1857, p. 534.
  • 46 Précis de ce qui est arrivé au régiment de Salis-Samade, op. cit.

61Le lieutenant A. Roesselet dans ses souvenirs, raconte comment "vingt-deux mauvais sujets" du régiment de Reinach se laissèrent séduire par les Gardes-Françaises, le 12 juillet déjà45. Dans le Précis relatant l’histoire du régiment de Salis-Samade en 1789, il est spécifié que "la journée du 15 fut désastreuse au régiment de Salis-Samade ainsi qu’aux autres régiments qu’on avait jetés dans Sèvres"46. Avec les 33 hommes faits prisonniers à la Bastille, le régiment perdit du 14 au 25 juillet pas moins de 127 soldats sur 1051. Le récit du comte de Diesbach-Torny abonde dans le même sens au sujet du régiment de Diesbach :

  • 47 Diesbach, op. cit., p. 18.

"Le régiment séjourna deux jours à Sèvres, ce qui lui fut très funeste, car on profita de ce moment-là pour débaucher une centaine de soldats qui désertèrent. Quant on les réclama à M. de La Fayette, il répondit qu’une armée se recrutait au dépens de l’autre"47.

  • 48 Voir à ce sujet la communication à ce même colloque sur "Paris et la Révolution", Maradan E., "L’éc (...)

62Il y eut également des effets à retardement. Les mois suivants l’élite des régiments suisses, celui des Gardes, connaîtra de sérieux problèmes internes, que le corps des officiers réglera par la coercition, alors que d’Affry saura faire passer le message de la discipline à l’opinion publique48.

  • 49 Leclercq H., La Fédération, Paris, 1929, p. 495. Sur la révolte du régiment de Chateauvieux, voir m (...)

63De même, le régiment de Chateauvieux, présent à Paris, où il "avait prononcé hautement qu’il ne tirerait pas sur les citoyens", montrera de façon exemplaire la fragilité de ces troupes en se révoltant à Nancy en août 179049.

  • 50 A ce sujet voir Maradan E. et Czouz-Tornare A.-J., "Du service du Roi au service de France ; le lic (...)

64Lors du licenciement des troupes suisses en septembre 1792, 500 des 900 soldats du régiment de Castella, pour ne citer que lui, s’engagèrent aussitôt dans les troupes de la République50.

L’utilisation des troupes suisses durant la Monarchie constitutionnelle

  • 51 Aulard A., Histoire politique de la Révolution française, Paris, 1901, p. 117..
  • 52 Maleissye, op. cit., p. 211.
  • 53 Bacourt, op. cit., p. 385. C’est là que se trouve la célèbre formule : "Quatre ennemis arrivent au (...)

65La Contre-révolution ne renonça jamais à recourir aux Suisses, qui sont associés à la plupart des projets de fuite de la famille royale. Il est vrai que Louis XIV en personne avait autrefois montré l’exemple en se retirant à Saint-Germain sous la protection des Gardes-Suisses pour ensuite mieux réprimer la Fronde et reconquérir le pouvoir. Quand le marquis de Favras, ancien lieutenant des Gardes-Suisses du comte de Provence, échafaude son projet d’enlèvement du Roi, il compte bien entre autres, sur 20 000 Suisses pour arriver à ses fins. Lors de la fuite de Varennes – laquelle échoua selon Aulard "moins par suite de l’imprudence des fugitifs, que parce que l’indiscipline des troupes rendit vaines les plus habiles précautions que le général Bouillé avaient prises"51 – le souverain comptait essentiellement sur une dizaine de bataillons allemands et suisses, dont le régiment suisse de Castella52. Même Mirabeau, dans sa seizième note pour la Cour, du 13 août 1790, dont on ne retient d’ordinaire que la première phrase, préconisait l’emploi et le renforcement des régiments suisses sur la composition desquels l’Assemblée nationale ne pouvait avoir prise53. Finalement, l’ultime et dérisoire argument du Roi résida en août 1792 dans les 900 hommes du régiment des Gardes-Suisses qui furent sacrifiés pour que la royauté finisse avec éclat.

* * *

66A vouloir défendre la Monarchie, les soldats suisses contribuèrent au raidissement de ses positions et à la radicalisation de ses adversaires. En les maintenant dans les antichambres de son pouvoir chancelant, le Roi desservit sa propre cause.

  • 54 Godechot, op. cit., p. 216.

67Vers la mi-juin 1789 l’idée d’un complot aristocratique est générale. L’arrivée de troupes étrangères rappelle de facheux précédents, comme le relève J. Godechot, puisque la révolution genevoise de 1782, celle de Hollande en 1787 avaient été réprimées par l’intervention de troupes étrangères54.

  • 55 Mortimer-Ternaux, Histoire de la Terreur, Paris, 1866, t. V, Livre XIX, p. 87.

68On pourrait, en l’occurrence, reprendre la formule de Mortimer-Ternaux selon laquelle "la force d’expansion est toujours proportionnelle à la force de résistance, au moyen de laquelle on a cherché à la comprimer"55.

69Par leur présence rassurante ou menaçante selon le camp dans lequel on se trouve, les soldats étrangers en général et suisses en particulier, ont permis de montrer au grand jour la vacance du pouvoir en 1789, tout en confortant dans leur ignorance les extrémistes de la Cour.

  • 56 Poitrineau A., Les mythologies révolutionnaires, Paris, 1987, p. 180.

70Ainsi, le renvoi du Suisse Necker aura servi de détonateur aux événement du 14 juillet, baignant dans une "ambiance obsidionale" alimentée par la présence d’autres suisses en uniforme56.

71Malgré le rôle contre-révolutionnaire joué par les troupes suisses, les Jacobins ne s’empressèrent pas de mettre fin à ce service.

72Il fallut attendre septembre 1792 pour voir les troupes suisses effectivement licenciées, alors que le décret du 21 juillet 1791 avait entraîné la dissolution des autres troupes étrangères, au service de la France. C’est que le service militaire faisait partie intégrante de la panoplie diplomatique de la France, qui avait besoin de la neutralité bienveillante de la Suisse. Le Directoire, en rétablissant le service de France en 1798, tout comme Napoléon qui renouera avec les capitulations militaires en 1803, perpétuait ainsi l’alliance franco-suisse.

Notes de fin

1 Corvisier A., "Une armée dans l’armée : les Suisses au service de la France", in Cinq siècles de relations franco-suisses, Neuchatel, 1984, p. 87-98.

2 Fay B., Naissance d’un monstre : l’opinion publique, Paris, 1965, p. 175.

3 Lesur Ch.-L., Précis historique et politique des alliances et capitulations militaires entre la France et les cantons Suisses, Paris, 1818, p. 2.

4 Bertaud J.-P., L’armée française de 1789 à l’an VI, Doctorat d’Etat, Paris, Livre I, 1ère partie, p. 38 et 64.
Chagniot J., Paris et l’armée au XVIIIe siècle, Doctorat d’Etat, Paris 1983, p. 654.

5 Mercier L.-S., Tableau de Paris, Amsterdam 1782-88, vol. VI, chap. CCCCLX, p. 22.

6 Cf. Miquel P., La Grande Révolution, Paris, 1988, p. 83.

7 Sagnac Ph., La Révolution de 1789, Paris, 1934, vol. I, p. 61. Voir aussi : Chalkmin P., "La désintégration de l’armée royale en France à la fin du XVIIIe siècle", in Versailles, n° 34, 4è trim. 1968, p. 9-19.

8 Sur le service du régiment des Gardes-Suisses pour les Etats généraux, voir aussi S.H.A.T., YA 298.

9 Biographie universelle, ancienne et moderne rédigée par une société de gens de lettres et de savants, Paris, 1811, vol. I. p. 387. Depuis que cet ouvrage a prétendu qu’il mourut tranquillement à Paris le 27 juin 1794, (au lieu du 2 juin 1791) de nombreux historiens ont colporté cette coquille devenue erreur historique. Ainsi, pour ne citer qu’eux, le Dict. hist. et biog. de la Révolution, de Robinet R. et le Chaplain, en 1898, vol. I, p. 175 ou Gérard Walter dans son Catalogue de l’Histoire de la Rév. Franç., Paris, 1936, II, p. 188, sans oublier plus près de nous Fayard J.-F dans le Dict. de la Rév., Paris, 1987, p. 578, ce qui est révélateur de la méconnaissance et du désintérêt pour un personnage qui a pourtant joué un rôle important dans le processus révolutionnaire.

10 Bacourt A., Fourier de, Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de la Marck, Paris 1851, vol. 1, p. 27.

11 Ibid., p. 28.

12 Au sujet de Besenval et de Marie-Antoinette, cf. Marie-Antoinette, correspondance secrète entre Marie-Thérèse et le comte de Mercy-Argenteau, Paris, 1874, vol. II, p. 350-351, 361,363,366,378,382-383,396-398,407,420-421,456,vol. III, p. 305-306. Schmid O., Der baron von Besenval, Zürich, 1912-13,S. 66

13 Ibid, S. 78.

14 Tulard J., Histoire et dictionnaire de la Révolution française 1789-1799, Paris, 1987, p. 38.

15 Soria G., Grande histoire de la Révolution française, Paris, 1987, vol. I, p. 101. Sur l’état des troupes suisses en 1789, voir Arch. des Aff. Etrangères, Paris, Suisse, Correspondance politique, vol. 537.

16 S.H.A.T., Mémoires historiques, vol. n° 619-626 : "Précis de ce qui est arrivé au régiment de Salis-Samade pendant la campagne de 1789".

17 Carrot G., Le maintien de l’ordre depuis la fin de l’Ancien régime..., p. 8.

18 Sur E. Dumont, cf. ma communication pour le Congrès mondial "L’image de la Révolution française, 6-12 juillet 1989, intitulée "Ces Suisses qui ont fait la Révolution française : de Rousseau à Marat."

19 Cité par Soria G., op. cit., vol. I, p. 109.

20 Diesbach M. de, "Les dernières années du régiment de Diesbach 1789-1792", in Etrennes Fribourgeoises, n° 25, 1891, p. 17-18.

21 Godechot J., La prise de la Bastille, Paris, 1965, p. 227.

22 Godechot J., op. cit., p. 237. Sagnac, op. cit., p. 102-103. Séndelbach, F. de, Le baron de Bachmann-Anderletz, Paris, 1944, p. 113.

23 Cité par Madival et Laurent, Archives parlementaires, Paris, 1867-1896, Ière série, vol. VIII, p. 228.

24 Michelet, Histoire de la Révolution, Paris, 1847,I, p. 167.

25 Cf. "Précis de ce qui est arrivé au régiment de Salis-Samade", op. cit.

26 Godechot J., op. cit., p. 244. Sagnac, op. cit., p. 102. Vallière P. de, "Une grande figure suisse du XVIIIe siècle : le baron de Besenval", in Versailles, n° 3, janv. 1960, p. 22.

27 Soria, op. cit., I, p. 145. Godechot, op. cit. p. 269, et 303-305.

28 Soria op. cit., I, p. 126-140. Fay, op. cit., p. 167.

29 Maleissye Général marquis de, Mémoires d’un officier aux Gardes-Françaises, Paris, 1897, p. 50.

30 Cf. Vallière P. de, Honneur et fidélité, Lausanne, 1940, p. 588.

31 Godechot, op. cit., p. 280. Sur le récit de Louis de Flue, voir note p. 261. Soria, op. cit., p. 136.

32 Ibid, p. 283.

33 Sur Hulin voir Godechot, op. cit., p. 289-291. Sagnac, op.cit., p. 125.

34 S.H.A.T., A4, 55.

35 Maleissye, op. cit., p. 82.

36 Vallière, op. cit., p. 22.

37 Carrot G., Le maintien de l’ordre en France..., p. 15. Schmid, op. cit., S. 709- 710. Les révolutions de Paris, n° 1 du 17 juillet 1789. Robinet, Robert, Le Chaplain, Dict. hist. et biogr. de la Révolution et de l’Empire, Paris, 1898, vol. 1.

38 Fay, op. cit., p. 148. Soria, op. cit., p. 248. Schmid, op. cit., S. 716. Sur l’intervention des cantons suisses en faveur de Besenval, voir A.N. Paris, D. XXIX b, l, n° 8.

39 Lavaquery Abbé E., Necker, fourrier de la Révolution, Paris, 1933, p. 314 ; Ferrières, Mémoires, 1, p. 178.

40 Staël Mme de, Considérations sur la Révolution française, Paris, éd. de 1983, 1ère partie, chap. XIX, p. 149. Mémoires du baron de Besenval, Paris, 1805, 3 vol.

41 Maleissye, op.cit., p. 35-36, 47-48.

42 Sagnac, op. cit. ; p. 120.

43 Godechot, op. cit., p. 240.

44 Fayard J.-F., Dictionnaire de la Révolution française, Paris, 1987, p. 22.

45 Souvenirs d’Abraham Reosselet, de Bienne, publiés par Steiger R. de, Neuchatel, 1857, p. 534.

46 Précis de ce qui est arrivé au régiment de Salis-Samade, op. cit.

47 Diesbach, op. cit., p. 18.

48 Voir à ce sujet la communication à ce même colloque sur "Paris et la Révolution", Maradan E., "L’échec de la propagande du club helvétrique de Paris à l’égard du régiment des Gardes 1789-1791".

49 Leclercq H., La Fédération, Paris, 1929, p. 495. Sur la révolte du régiment de Chateauvieux, voir ma communication au "Colloque d’histoire militaire de la Révolution française", Dijon-Auxonne, 7 et 8 sept. 1988, intitulée : "Les troupes suisses capitulées au service du Roi et la Révolution française ".

50 A ce sujet voir Maradan E. et Czouz-Tornare A.-J., "Du service du Roi au service de France ; le licenciement des troupes suisses capitulées et la création des Légions franches étrangères", in "XVème Colloque Intern. d’Hist. Militaire", Paris, 18 au 23 sept. 1989.

51 Aulard A., Histoire politique de la Révolution française, Paris, 1901, p. 117..

52 Maleissye, op. cit., p. 211.

53 Bacourt, op. cit., p. 385. C’est là que se trouve la célèbre formule : "Quatre ennemis arrivent au pas redoublé : l’impôt, la banqueroute, l’armée, l’hiver."

54 Godechot, op. cit., p. 216.

55 Mortimer-Ternaux, Histoire de la Terreur, Paris, 1866, t. V, Livre XIX, p. 87.

56 Poitrineau A., Les mythologies révolutionnaires, Paris, 1987, p. 180.

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