Jean-Jacques Auguste Chrétien, membre de la commune robespierriste

1Certains éléments de la bourgeoisie aisée de la capitale, se sont engagés résolument dans la Révolution, même pendant sa période la plus radicale en l’an II Un itinéraire politique particulièrement révélateur et qui n’est peut-être pas exceptionnel, est celui de Jean-Jacques Auguste Chrétien.

2Fils de Jacques Fiacre Chrétien, maître doreur argenteur, et de Jeanne Oger1, Jean-Jacques Auguste Chrétien naît vers 1758 à Paris2. Son père travaille en association avec son frère Jean Chrétien, rue Bourg-l’Abbé à Paris. En 1775, cet oncle décède laissant à son frère une fortune de 38 024 Livres, dont 26 244 Livres d’argenterie dans la boutique3. Nous constatons que Jean-Jacques Auguste Chrétien est issu d’une famille d’artisans relativement aisée.

3En 1789, agé de 31 ans, Chrétien exerce lui-même cette profession de maître doreur, rue du Bourg l’Abbé, section du Ponceau (2). Il semble avoir pris la succession de son père. Sous son qualificatif d’artisan maître doreur, il semble être un entrepreneur actif, puisqu’il occupe journellement en février 1790, près de 300 ouvriers, tant chez lui que dans la capitale. Le 3 novembre 1790, il emploie 20 ouvriers et le 31 mai 1791, 25 ouvriers qu’il conservera jusqu’en janvier4.

4Nous ignorons son comportement au début de la Révolution, et c’est à partir de l’année 1791 que nous commençons à percevoir son profil politique. Durant cette année, il fait son service dans la garde nationale, en tant que commandant en second dans le 3ème bataillon, 3ème légion5.

5Le 29 juin, il est nommé 1er électeur sur 23 par l’assemblée primaire de la section du Ponceau6, et en novembre, commissaire paroissial de bienfaisance en la paroisse Saint-Nicolas-des-Champs7. Le 28 décembre 1791, il est élu notable par les 48 sections pour composer le conseil général et le bureau municipal de la ville de Paris8.

6En 1792, il fait partie des membres actifs de sa section. En effet, il est réélu 2ème électeur, et il cumule les fonctions de président du comité civil de la section9, et d’assesseur du juge de paix10.

7Agé de 34 ans, il épouse Anne-Victoire Adélaïde Béguin, la fille majeure d’un traiteur, Jean Béguin, rue Bourg-l’Abbé. Son contrat de mariage, établi le 24 décembre 1792, stipule la communauté des biens entre les époux. L’apport personnel de Chrétien au mariage consiste en 3 000 Livres provenant de ses gains et épargnes, ainsi que 14 000 Livres constituées en dot par sa famille, ce qui fait un total de 17 000 Livres. Sa future épouse est dotée par sa famille de la somme de 14 000 Livres (l).

8Comme de nombreux bourgeois, Jean-Jacques Auguste Chrétien profite de la mise en vente des biens nationaux pour se rendre adjudicataire en 1793, d’une demeure estimée à 21 600 Livres, provenant du séminaire de Saint-Magloire. Il en devient acquéreur moyennant 18 700 Livres11.

9L’année suivante, en ventôse an II (février-mars 1794), il est toujours représentant de sa section au Conseil général. Donc, il figure parmi les membres de la Commune Robespierriste et cela jusqu’au 9 thermidor an II12. Un extrait du registre de l’assemblée générale de la section des Amis-de-la-Patrie (Ponceau), raconte ses faits et gestes lors de la nuit du 9 au 10 thermidor. Il est présent ce soir-là à la séance de la Commune qu’il quitte à la levée de la consigne. Il rentre à la section avec le détachement de la force armée13. Puis, il se rend "sur la place publique pour défendre la République". Dans la nuit il retourne dans sa section14. Il a participé à la rébellion de la Commune de Paris. Une semaine plus tard, le 16 thermidor (3 août), le comité révolutionnaire de la section, l’interroge au sujet de son attitude lors du 9 thermidor. Le 18 thermidor (5 août), il est arrêté et incarcéré pour avoir pris part à la tentative insurrectionnelle de la Commune15.

10Les membres du comité révolutionnaire et du comité civil de sa section lui sont favorables. En effet, ils attestent de son zèle patriotique depuis 1789, et ils entreprennent les démarches nécessaires auprès du comité de Sûreté générale pour le faire libérer. Le 13 brumaire an III (3 novembre 1794), il est mis en liberté surveillée et le 13 frimaire (3 décembre 1794), la liberté définitive lui est accordée par le comité de Sûreté générale (14).

11Après la défaite populaire de prairial an III (mai 1795), la terreur blanche s’amplifie. Partout, les hommes de l’an II sont pourchassés. Chrétien est à nouveau inquiété. Le 5 prairial (24 mai), l’assemblée générale de la section des Amis-de-la-Patrie décide de le mettre en arrestation, pour avoir pris part à l’insurrection de la Commune du 9 thermidor. Il semble que certains éléments de cette assemblée prennent partie en sa faveur, puisque le lendemain, l’assemblée "reporte l’arrêté pris contre lui, vu les faits allégués en sa faveur". Il est tout de même arrêté. Chrétien dénonce dans une pétition ce volte-face. Il se considère comme une victime de l’arbitraire.

12Sous les ordres de l’assemblée générale, se constitue une assemblée délibérante le 8 prairial (27 mai), déclarant que "Chrétien a pris les armes pour défendre la Convention nationale lors de la dernière insurrection jacobine". Il est innocenté. Le 9 thermidor an III (27 juillet 1795), Chrétien est mis définitivement en liberté (14).

13Jean-Jacques Auguste Chrétien échappe à la terreur blanche et pour cela il a dû bénéficier de solides appuis dans sa section. Par la suite, il ne semble plus avoir été inquiété. En l’an IV, il est inscrit sur les listes des candidats pour la formation des 12 arrondissements16, et en l’an VI, il est nommé électeur du département de Paris17 et assesseur du juge de paix18.

14Entre temps, il hérite en 1795 pour un quart de son beau-père Jean Béguin, dont la prisée totale de l’inventaire après décès s’élève à 49 095 Livres19. En 1796, il s’intéresse à la succession de ses deux frères négociants, décédés en 1790 et 179220. 11 hérite de deux maisons rue Bourg l’Abbé et de plusieurs rentes perpétuelles en inscription sur la République21.

15En 1806, Jean-Jacques Auguste Chrétien figure sur la liste des notables pour l’élection du juge du tribunal de paix22. Nous le retrouvons en 1815 comme fabricant de bronze, inscrit sur la liste des notables commerçants de Paris23.

16Il décède le 21 avril 1826, à l’age de 69 ans, rue Neuve-d’Orléans24. La prisée totale de l’inventaire après décès s’élève à 12490 francs, dont une bibliothèque estimée à 1 255 francs, composée de 1 558 volumes25. La fortune immobilière se constitue de trois maisons sises rue Bourg-l’Abbé, provenant d’héritages et d’acquisitions personnelles26. D’après l’impôt foncier et la déclaration de succession, le capital immobilier s’élève à environ 149 000 francs.

17Chrétien détenait aussi une action Lafarge et deux rentes viagères sur l’Etat27.

18Bien que membre de la Commune Robespierriste, Jean-Jacques Auguste Chrétien échappe à la terreur blanche.

19Durant la Révolution et l’Empire, son capital mobilier reste stable alors que son capital immobilier progresse.

20Donc, malgré son engagement politique, Chrétien a conservé et même consolidé sa notoriété.