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    Plan détaillé Texte intégral Les Invalides Le cabinet du roi La Chambre des comptes La place Louis XV L’École militaire Le Louvre de Louis XV La Monnaie L’Académie de Chirurgie L’Odéon L’abbaye Sainte-Geneviève D’autres églises Collège de France Notes de bas de page Auteur

    Paris et ses campagnes sous l’Ancien Régime

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Le Paris de Louis XV

    Georges Poisson

    p. 175-185

    Texte intégral Les Invalides Le cabinet du roi La Chambre des comptes La place Louis XV L’École militaire Le Louvre de Louis XV La Monnaie L’Académie de Chirurgie L’Odéon L’abbaye Sainte-Geneviève D’autres églises Collège de France Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1La liste des souverains s’étant intéressés à Paris n’est pas très longue : Philippe Auguste, Charles V, François Ier, Henri IV, Louis XIV et les deux Napoléon... Louis XV est souvent omis, en partie à cause de l’emploi durant un siècle de l’expression « style Louis XV », que l’on a bien du mal à remplacer par « néo-classicisme » : à Paris, ce style commence avec la Fontaine des Quatre saisons, en 1734, quarante ans avant la mort de Louis XV...

    2Il était d’autant plus tentant de baptiser les réalisations du Bienaimé du nom de son successeur que la plupart datent de la fin du règne : non pour des motifs financiers, mais en raison du goût peu à peu affirmé par le souverain pour les entreprises d’intérêt public. Pourtant, depuis sa jeunesse, Louis XV s’était attaché aux bâtiments. Dès 1724 (il avait quatorze ans), l’Allemand Balthazar Neumann écrivait : « M. de Cotte est constamment avec le roi... »1. Le souverain manifestait des goûts artistiques solides et du goût tout court. « Le roi, écrit d’Argenson en 1739, fait continuellement dessiner devant lui le jeune Gabriel »2. Et l’architecte Trouard déclare ses connaissances en architecture « aussi sûres qu’étendues »3. Facultés connues des courtisans qui le consultaient sur leurs projets, comme le duc de Croÿ : « Le roi aimait beaucoup les plans et le bâtiment... Je lui fis un croquis de ma position. Il dessina ses idées longtemps lui-même avec M. Gabriel »4.

    3L’impulsion architecturale du roi ne se manifesta que tard dans la capitale, dans la seconde partie de sa vie surtout. Peut-être faut-il y voir une nouvelle preuve du mûrissement tardif du souverain, évolution dont, dans le domaine de la grande politique, le renversement des alliances, la réforme des Parlements, l’annexion de la Corse, la constitution du « triumvirat » sont des étapes bien connues.

    Les Invalides

    4Il est significatif de la fidélité du jeune roi à la tradition louis-quatorzienne que son premier chantier parisien soit en quelque sorte exterritorial : les Invalides, visités en 1748. Depuis que l’on avait renoncé aux ailes en quart de cercle projetées de part et d’autre du dôme, restaient deux grands terrains encadrant la cour, aux angles du boulevard des Invalides et de l’avenue de La Tour-Maubourg. Vers 1730, on décida de construire sur le premier un bâtiment pour la boulangerie et de tracer de l’autre côté un jardin. Mais, préoccupation bien dans l’esprit du temps, on voulut adoucir la rigueur du quadrilatère, ce qui a donné le bâtiment en angle obtus de l’est5.

    5Par ailleurs, les officiers invalides, se trouvant mal logés, préféraient renoncer à demeurer ici. Sur instructions du roi de 1749, Jules-Robert de Cotte leur construisit en 17506, sur le boulevard de La Tour-Maubourg, une élégante aile qui a conservé son fronton et ses boiseries. Le roi se préoccupa également de poursuivre le décor : le grand fronton nord n’avait jamais été sculpté. Guillaume Coustou, en 1733, y figura Louis XIV à cheval entre la Justice et la Prudence et encadra le portail de deux figures, Mars et Minerve7. Dans les chapelles de l’église du dôme, le roi fit remplacer des statues de plâtre par des marbres8.

    Le cabinet du roi

    6Dès sa première jeunesse, Louis XV avait vu se développer une autre institution royale, la Bibliothèque. En 1721, l’ancien palais Mazarin lui avait été attribué et le vieux Robert de Cotte, premier architecte, construisit à partir de 1731 l’aile que l’on voit maintenant au fond de la cour avec, au rez-de-chaussée, la salle de lecture (Manuscrits), qui donne une bonne idée d’une bibliothèque au siècle des Lumières.

    7Les travaux n’étaient pas terminés que le roi, en 1733, prit une décision que l’on peut qualifier d’intérêt public : le transfert à Paris du cabinet royal des Médailles, installé par Louis XIV à Versailles, à la fois pour gagner de la place et pour faciliter le travail des érudits. Robert de Cotte eut le temps, avant de prendre sa retraite en 1734, de jeter les plans d’un nouveau bâtiment en bordure de la rue de Richelieu, se raccordant à l’hôtel de Nevers par l’arcade Colbert. Jules-Robert de Cotte, directeur de la Monnaie et des Médailles, réalisa cette construction et y installa en 1741, au-dessus de l’arcade, le Cabinet du roi, décoré par Boucher, Van Loo et Natoire, avec deux portraits de Louis XIV et Louis XV. On sait que l’arcade fut détruite en 1865, mais que l’ensemble décoratif fut plus tard remonté à l’intérieur de l’actuel Cabinet des Médailles9.

    La Chambre des comptes

    8Le bâtiment de la Chambre des comptes, situé dans la cour de la Sainte-Chapelle, avait été incendié, le 27 octobre 1737, et le premier architecte, Jacques V Gabriel, avait été chargé de le rebâtir10, par arrêt du Conseil du roi du 11 mars 173811. De cet édifice, détruit sous la Commune, ne nous restent que les statues de la Prudence et de la Justice, par Adam le cadet (Carnavalet).

    9Ce fut le dernier chantier de Jacques V Gabriel, mort le 23 avril 1742. Quelques jours plus tard, Orry, directeur général des Bâtiments, donnait sur ordre du roi sa succession comme Premier architecte à son fils Ange-Jacques Gabriel. Louis XV, nous l’avons vu, connaissait bien cet homme de douze ans son aîné et s’accordait avec lui : secrets et réservés l’un et l’autre, ils gardaient le silence sur leurs projets.

    La place Louis XV

    10Sans refaire ici l’histoire de la place Louis XV, notre Concorde, il faut souligner l’intérêt porté de bout en bout par le roi à cet ensemble monumental, à travers les initiatives concurrentes du prince de Conti, des d’Argenson, du Prévôt des marchands Bernage, auxquelles il opposait souvent le silence, quitte à redresser la barre, parfois brutalement. Il faut examiner de près les dates. Le 27 juin 1748, le Bureau de la Ville décidait d’ériger une statue à Louis XV et, le même jour, Tournehem, directeur général des Bâtiments, invitait l’Académie d’Architecture à organiser un concours sur l’emplacement et l’ordonnance d’une nouvelle place. La Ville, pour sa part, s’était gardée de parler d’autre chose que d’une statue, souhaitant évidemment que la place, si place il y aurait, fut laissée à l’initiative et à la charge du roi.

    11Qui était l’initiateur de cette entreprise ? Sans doute le prince de Conti, qui souhaitait vendre son hôtel de la rive gauche (à l’emplacement de la Monnaie)12 pour établir la nouvelle place. Le roi sembla donner son accord et ordonna au Prévôt des marchands de faire toiser le terrain. Mais le magistrat fut, semble-t-il, « retourné » par d’Argenson, qui s’est vanté d’avoir pensé dès 1748 à l’emplacement finalement choisi et de son côté, le roi, s’apercevant du rôle qu’on lui avait fait jouer, se rétracta.

    12Pendant ce temps, les candidats se manifestaient. Le roi écarta vite les projets nécessitant des expropriations onéreuses13. Commença alors une longue discussion, au cours de laquelle Conti revint à la charge. Il semble que, dès 1749, le choix du roi se soit porté sur l’emplacement actuel, mais il temporisa, démarche qui lui était habituelle : « On m’a conté, écrit d’Argenson le 23 août 1749, l’assemblée qui se tint à Compiègne, où étaient M. de Tournehem des Bâtiments, le duc de Gesvres, le Prévôt des marchands, mon frère et le contrôleur général, qui apporta un nouveau projet magnifique. Le roi les ayant vus, ne dit mot et se leva. » En revanche, il approuva le modèle présenté par Bouchardon pour la statue équestre et le marché fut passé avec le sculpteur le 23 octobre 1749.

    13La création de l’École militaire en 1751 retarda encore la décision, mais l’arrivée d’un nouveau directeur général des Bâtiments, Abel-François Poisson de Vandières, donna l’occasion de reprendre l’affaire : « Louis XV voulait que l’on cessât de l’importuner avec des projets successifs où tout était toujours remis en cause : choix du terrain, caractère des édifices à construire, financement de l’opération, responsabilités réciproques de la Ville et de la Couronne »14. En janvier 1753, parlant cette fois en maître, il ordonna à Vandières de signifier aux architectes qu’il avait choisi le terrain situé entre Tuileries et Champs-Elysées et d’organiser un nouveau concours. En mai, il rendit visite à Bouchardon pour juger de sa statue.

    14Des dix-neuf projets nouveaux présentés, aucun ne parut complètement satisfaisant au roi et à Vandières et ce dernier déclara même le terrain inutilisable. Mais Louis XV tint bon et c’est alors qu’Ange-Jacques Gabriel fut chargé d’exécuter son projet. Il présenta bientôt au roi deux dessins, dont le premier, approuvé par Louis XV à Compiègne le 20 juillet 1753, était assez inspiré du projet de Boffrand, ce qui explique la phrase d’Argenson : « Le roi, parmi plusieurs dessins, a choisi celui du vieux Boffrand ». Ce dernier avait proposé de dégager l’espace, sans obturer les perspectives par des bâtiments, mais avec deux axes nord-sud parallèles, l’un étant marqué par un pont. Le projet définitif, mis au point après la mort de Boffrand et présenté par Vandières devenu marquis de Marigny, fut examiné par le roi, qui commanda une maquette à l’échelle de deux pouces par toise. Il l’approuva le 9 décembre 175515 : le projet ne comptait plus qu’un axe nord-sud. Louis XV céda le terrain à la Ville en juin 1757, la statue et la place furent inaugurées six ans plus tard.

    15Sous la direction du service des Bâtiments fut exécuté, entre 1769 et 1774, le décor intérieur du Garde-meuble, dont nous restent les vantaux de porte sculptés et certaines armoires de boiserie, maintenant au château de Vincennes. Le dernier chantier de la place fut l’aménagement en 1770, pour Marie-Antoinette dauphine, d’un petit appartement dont nous reste une partie de la chambre avec un décor, un peu archaïsant pour l’époque et témoignant d’un style rocaille qui n’avait pas dit son dernier mot.

    16Et l’intérêt porté par Louis XV durant plus de vingt ans à cette entreprise se manifeste par son souci de préserver et d’aménager les abords de la place. Depuis 1743, le Palais-Bourbon était inoccupé et, vers 1750, on parlait de le démolir. Le roi l’acheta pour en faire l’hôtel des Ambassadeurs extraordinaires, puis le céda en 1754 au prince de Condé, mais sous condition que ce dernier n’en modifierait pas l’aspect extérieur. Entre ce palais et la place, Gabriel avait prévu un pont situé orthogonalement à cette dernière et non au Palais-Bourbon. Louis XV approuva le premier projet de Perronet pour cet ouvrage, qui ne sera entrepris qu’en 1782.

    17A l’est de la place, les Champs-Elysées avaient été aménagés par le duc d’Antin, qui avait mené en 1729 la perspective jusqu’au sommet de la colline de l’Etoile. Aux abords de l’avenue, se dressait l’hôtel d’Evreux, propriété depuis 1753 de Mme de Pompadour qui le légua au roi en 1763 pour devenir la résidence de son petit-fils le comte de Provence. Le roi, qui avait le sens des convenances, refusa le legs, mais acheta en 1764 la demeure pour en faire l’hôtel des Ambassadeurs extraordinaires en remplacement du Palais-Bourbon.

    18En 1770-1772, Marigny continua la perspective jusqu’à la Seine, sur laquelle Perronet jeta le pont de Neuilly. Le roi présida son « décintrement » le 22 septembre 1772. Au nord de la place, on souhaitait un édifice dans la perspective de la rue Royale. Le 21 juin 1757, Louis XV décida que ce serait une église, remplaçant la Madeleine de la Ville l’évêque : « L’intention de Sa Majesté, lit-on dans le devis, est que le portail de ce pieux édifice serve à décorer et à terminer agréablement le fond de la rue Royale ». Le roi approuva le projet de Contant d’Ivry le 24 février 1763 et posa la première pierre de l’édifice le 3 août suivant. On sait qu’il ne fut jamais achevé et plus tard remplacé par l’actuel, mais Louis XV avait imprimé sa marque sur ce quartier.

    L’École militaire

    19Si l’idée de l’Ecole militaire n’est pas de Louis XV lui-même, il l’a vue naître, chez Mme de Châteauroux puis chez Mme de Pompadour, elle-même poussée par Pâris-Duvernay. La marquise était inspirée par deux sentiments : 1751 devait être année jubilaire et « une fondation charitable marquerait le retour du roi et de sa maîtresse à une conduite réglée par la discipline chrétienne » (J. Ducros) ; dans l’esprit de l’amie du roi, l’École militaire serait à la fois pour Louis XV ce que les Invalides avaient été pour Louis XIV et pour elle-même ce que Saint-Cyr avait été pour Mme de Maintenon16.

    20Louis XV avait été d’autant plus rapidement convaincu qu’il souhaitait récompenser la noblesse, déçue de la « bête » paix d’Aix-la-Chapelle, de son dévouement durant la guerre de Succession d’Autriche. Dès l’automne 1750, Gabriel remettait des plans grandioses (la surface prévue était presque le triple des Invalides), qui devront plusieurs fois être révisés^ à la baisse et, le 13 juillet 1751, le roi signait l’édit de fondation de l’École.

    21Le premier bâtiment construit (1754-1755) fut celui de la cour, avec la chapelle des élèves. En 1756, les travaux étaient suffisamment avancés pour loger les premiers de ceux-ci. Mais, trois ans plus tard, faute de fonds, les travaux s’arrêtèrent une première fois, ce que constata Louis XV venu visiter les lieux en 1760. Ils repartirent péniblement pour s’arrêter, pensait-on définitivement, en 1764. Mais quatre ans plus tard, Gabriel présenta à Choiseul un nouveau plan réalisable par tranches, que le roi approuva. L’activité reprit et Louis XV posa la première pierre de la chapelle le 5 juillet 1769. Ainsi s’éleva le bâtiment central, orné de statues de la Force, de la Paix, de la France et de la Victoire, celle-ci sous les traits de Louis XV. Nous avons perdu le monument du roi, par Lemoyne, qui se dressait dans la cour.

    Le Louvre de Louis XV

    22Le palais royal était à l’abandon : bâtiments inachevés et envahis de parasites, cour carrée obstruée de baraquements… Les projets successifs d’installation de l’Hôtel de ville, de la Bibliothèque, du Grand conseil n’aboutirent pas. Mais, en 1754, la chute d’un morceau de corniche, endommageant les écuries de la reine, montra la gravité de la situation. Marigny fit approuver par le roi un plan de restauration exécutable en quatre ans. Ordre fut donné – Louis XV précédant sur ce point Napoléon – d’expulser les occupants de la cour carrée et de détruire leurs maisons. L’évacuation commença et la démolition fut entreprise, mais l’opération n’était pas achevée à la fin de l’Ancien Régime.

    23Les travaux du palais reprirent assez modestement. On restaura la colonnade17 et l’on envisagea de terminer la façade située au revers : soit attique, comme à l’aile Lescot, soit second étage comme dans la partie nord. Marigny, approuvé par le roi, se prononça pour le second, et Gabriel et Soufflot achevèrent la façade, où Coustou sculpta au fronton un globe fleurdelysé supporté par deux génies. Enfin, Soufflot établit un guichet à la base de l’aile nord.

    La Monnaie

    24Les bâtiments de la Monnaie étaient vétustes et exigus : un arrêt de 1755 permit l’achat des maisons voisines et Boullée dessina un projet pour le nouvel établissement, que la paix retrouvée en 1763 allait permettre d’envisager. Mais l’entreprise de la place Louis XV ayant pris forme, le roi ordonna par lettres patentes du 7 janvier 1765 que son hôtel des Monnaies fut réinstallé dans les bâtiments ouest. Jacques-Denis Antoine, fils de charpentier inconnu de trente-trois ans, fut dès cette époque désigné et se mit à l’oeuvre18. De mai à décembre 1766, terrassements et sous-oeuvre furent exécutés. Cependant ce transfert dans un quartier peu peuplé aurait désorganisé le commerce des orfèvres, qui protestèrent. Louis céda, comme cela lui arrivait souvent, sans que l’on sache toujours s’il se rendait aux arguments présentés ou répugnait à imposer sa volonté.

    25Par ailleurs, le prince de Conti était quand même parvenu à faire acquérir son hôtel par la ville et l’on reprit alors l’idée déjà lancée en 1750 par l’abbé de La Grive d’un nouvel hôtel des Monnaies en face du précédent, de l’autre côté du fleuve. Le 18 septembre 1767, le roi ordonnait l’opération. Contrairement à ce que l’on a dit, il n’y eut pas de concours19 mais plusieurs projets furent présentés, dont un de J.D. Antoine, qui fut retenu. La première pierre posée en 1771, la façade sur le quai fut achevée en 1773 et tout le bâtiment en 1777. La cour fut ornée des bustes des quatre rois, dont Louis XV.

    L’Académie de Chirurgie

    26On retrouve ici la volonté de Louis XV, qui patronnait la compagnie, créée en 1731, et entendait favoriser une activité ne bénéficiant jusque-là d’aucune reconnaissance officielle mais lui paraissant plus active et entreprenante que la médecine20. Un arrêt du conseil du 7 décembre 1768 décida la construction du siège de l’Académie, confiée, grâce à la protection du roi, à un architecte non Prix de Rome, exception notable, Jacques Gondoin, qui présenta des plans grandioses : « L’École de Chirurgie étant un monument de la bienfaisance du roi doit porter un caractère de magnificence ». Le monarque adopta le projet en 1769 et les travaux commencèrent deux ans plus tard, pour s’interrompre bientôt, faute de fonds. Louis XVI relancera le chantier, qui s’achèvera en 1786, mais c’est à juste titre que Louis XV fut figuré sur le grand bas-relief de Berruer de l’entrée21. Sous la Révolution, une figure allégorique y sera substituée.

    L’Odéon

    27C’est encore Louis XV que l’on trouve à l’origine du premier théâtre moderne. Depuis longtemps, le besoin se faisait sentir d’une nouvelle Comédie française pour remplacer la vétuste salle de d’Orbau. Marigny, en 1761, projeta de la reconstruire aux frais du roi, en laissant aux comédiens le soin de l’aménager. On songea une fois de plus à l’hôtel de Conti, puis au carrefour Buci, mais la solution fut trouvée grâce à une nouvelle spéculation princière. Comme Conti à la Monnaie, le prince de Condé songeait à lotir son hôtel situé au nord du Luxembourg : préludes aux opérations que mèneront par la suite le duc d’Orléans au Palais-Royal et le comte de Provence au jardin du Luxembourg.

    28A ces fins, Condé demanda à Louis XV la cession du Luxembourg. Le roi refusa, mais offrit de lui vendre le Palais-Bourbon, comme nous l’avons vu. L’hôtel de Condé ainsi sacrifié, le gouvernement royal réussit à inclure le nouveau théâtre dans l’opération : emplacement proche de l’ancienne salle et qui s’inscrivait dans un quartier nouveau conçu en fonction du nouvel édifice. Peyre et Wailly, désignés par Marigny en 1767, présentèrent un premier projet le 31 décembre 1769 et un autre en mai 177022, tous deux approuvés successivement par le roi, qui acquit le terrain en 1773. Les travaux ne commenceront qu’en 1778.

    L’abbaye Sainte-Geneviève

    29Louis XV a-t-il vraiment, au cours de sa maladie à Metz en 1744, émis le voeu, s’il en réchappait, de reconstruire l’église abbatiale Sainte-Geneviève ? Une telle pensée n’a évidemment pas été enregistrée, mais, en novembre suivant, le roi promit effectivement aux Génovéfains d’édifier une nouvelle église. La promesse resta dans l’air dix ans durant et c’est seulement en 1754 que Louis XV décida l’opération, dont il voulait faire une manifestation éclatante de la foi du royaume, dans son désir permanent de continuité monarchique : l’École militaire et Sainte-Geneviève seraient les deux « grands travaux » successeurs des Invalides dans leur rôle militaire et religieux. On remarquera que les trois grandes entreprises « louis-quinziennes » à Paris, École militaire, place Louis XV et église Sainte-Geneviève, « exaltations des trois ordres » dit Daniel Rabreau, ont été entamées à peu près à la même époque.

    30Sans raconter ici l’histoire du Panthéon, on voudrait seulement y souligner le rôle du roi : décision de principe (10 novembre 1754), financement, accord, choix de Soufflot au détriment de Gabriel (6 janvier 1755), examen et aval des projets successifs, en particulier celui du 2 mai 1757 qui comportait l’église et la place23. Le 6 septembre 1764, au cours d’une grande cérémonie24 devant une toile peinte figurant le futur péristyle, Louis XV visitait la crypte terminée et posait la première pierre du maitre-autel. Le monument s’éleva tel que le roi en avait approuvé le dernier projet.

    D’autres églises

    31Le roi manifesta aussi son intérêt pour l’achèvement ou la construction de nouveaux sanctuaires paroissiaux. A Saint-Sulpice, l’église avait été enfin consacrée en 1745, bien que la façade ne fut pas terminée, mais l’édifice allait subir de nouvelles aventures. Servandoni mourut en 1766, avant d’élever les tours25, et c’est alors que le roi demanda à l’Académie d’Architecture d’examiner s’il fallait poursuivre la construction sur les plans du défunt. Elle se prononça favorablement en 1768, mais ce ne sera pas la fin des contre-temps.

    32Louis XV songeait aussi à la desserte des nouveaux quartiers nord. Il donna en 1751 un terrain pour la création d’une église paroissiale au faubourg du Roule. Les marguilliers échangèrent ce terrain contre un autre, pour lequel on demanda des plans au jeune Chalgrin. Plans approuvés en 1768 par l’Académie d’Architecture qui les jugea « conformes aux bonnes règles » et la construction de Saint-Philippe du Roule, première église de plan basilical, débuta en 1774.

    33En revanche, on ne parvint pas à reconstruire l’Hôtel-Dieu. Boffrand avait bien commencé en 1746 la construction de l’orphelinat, qu’Haussmann jettera bas, et conçu en 1752-56 un plan général de reconstruction, mais l’affaire fut longtemps abandonnée. En mai 1773, Louis XV décidait par lettres patentes la reconstruction de l’Hôtel-Dieu sur un emplacement excentré à déterminer : c’était la solution que repoussera Haussmann. Mais le projet n’aboutit pas.

    Collège de France

    34Malgré les adjonctions faites au cours des temps au bâtiment commencé sous Louis XIII, ce dernier était tellement insuffisant et vétuste que les cours avaient lieu dans une baraque en planches, à l’étonnement des étrangers attirés par le grand renom du Collège. On se décida à le reconstruire, en confiant les travaux à Chalgrin. La première pierre fut posée le 22 mars 1774, deux mois avant la mort de Louis XV, dont le buste sera placé sur la façade. Le portail, avec ses deux frontons sculptés par F.-J. Duret, un peu transformés sous Louis-Philippe, et les bâtiments de la cour d’honneur offrent encore à peu près l’aspect connu par Chalgrin.

    35Bilan impressionnant donc, que l’oeuvre monumentale de ce règne à Paris. Il soulève deux questions : celle de la volonté même du roi et celle de son influence sur l’évolution du style. Si certaines réalisations (Collège de France, casernes)26 semblent d’initiative administrative, émanant de la Direction des Bâtiments, mais bien sûr approuvées et ordonnées par le roi, nous pensons avoir montré que sur les principaux chantiers, place Louis XV, École militaire, Académie de Chirurgie, Monnaie, Sainte-Geneviève, l’action et par moments l’obstination du souverain furent déterminantes. Il semble que Louis XV se soit davantage investi que Louis XIV dans les travaux parisiens. Dans ce domaine Marigny, plus soutenu par le roi et plus longtemps, mais aussi plus surveillé, a joué un moindre rôle que Colbert.

    36Par ailleurs, l’importance des bâtiments publics (enseignement, théâtre, casernes, ponts) marque en ce règne une évolution sociale qui se poursuivra sous le suivant. Et l’on pourrait presque soutenir que Louis XV fut, sinon le créateur, au moins le promoteur du style longtemps nommé « Louis XVI ». Ce souverain qui, dans sa jeunesse, se plaisait à dessiner des boiseries rocaille toutes en volutes, qui avait fait construire par Gabriel le Pavillon français de Versailles, s’est vite converti aux lignes droites et aux ordres antiques, et ce en précurseur. Faut-il y voir l’influence de Gabriel ou le résultat d’une réflexion en commun, au cours de leurs innombrables séances de travail ? Et le roi dépassera même l’architecte dans cette voie, en confiant à Soufflot la constrution de Sainte-Geneviève, avant de s’intéresser à Ledoux27. Louis XV fut un des grands constructeurs de Paris. Il faut lui rendre, parmi d’autres, cette justice.

    Notes de bas de page

    1 – Die Briefe Balthazar Neumanns, éd. Lormeyer, 1911.

    2 – Journal du marquis d’Argenson, éd. Rathery.

    3 – Arch. nat., 01 1914-2.

    4 – Journal du prince de Croÿ (11 janvier 1754), Paris, 1906.

    5 – Le jardin de l’intendant, placé symétriquement (angle Tourville-La Tour-Maubourg), reçut le même tracé en angle obtus, qui n’a pas été respecté lors de la reconstitution de ce jardin, dans les années 1980.

    6 – Dates données par B. Jestaz, L’hôtel et l’église des Invalides, Paris, 1990. Cependant, ces nouveaux bâtiments figurent sur le plan général de l’édifice de 1747 (cuivre au Musée de l’Année).

    7 – Détruit sous la Révolution et restitué en 1816.

    8 – Nous restent Sainte Paule par Allegrain et Sainte Eustochie par Monnot, toutes deux dans la chapelle de Saint-Ambroise, ainsi que Saint Jérôme par L.-S. Adam à Saint-Roch et une Vierge à l’enfant par Pigalle à Saint-Eustache.

    9 – On sait moins qu’une partie du décor d’origine a subsisté dans l’aile restante de l’hôtel de Nevers, 12 r. Colbert.

    10 – Reconstruction aux frais du roi pour le gros oeuvre, le décor intérieur étant laissé à la charge de M.M. de la Chambre.

    11 – Arch. nat., EN 1146 A.

    12 – « C’est M. le prince de Conti qui a mis tout cela en branle » (Journal de d’Argenson).

    13 – Terme impropre bien sûr, le droit d’expropriation n’ayant été institué que sous Louis-Philippe ; le roi était réputé maître de tout le sol de son royaume, ce que l’on appelait le domaine éminent, les particuliers en ayant l’utilisation, le domaine utile. Par lettres patentes, le souverain pouvait exercer le retrait de ce dernier et donc l’utiliser. Procédure rarement employée, les propriétaires étant à la fois intimidés par le pouvoir royal et intéressés par les indemnités offertes.

    14 – J. Ducros, « La place Louis XV », Les Gabriel, Paris, 1982.

    15 – Nous ne pouvons suivre l’hypothèse de J. Ducros, selon laquelle le roi n’aurait vraiment compris qu’à cette date « l’intrigue de la pièce ». Les interventions de Louis XV sur ce dossier, depuis le début, montrent qu’il l’a suivi de bout en bout, même si sa pensée a évolué.

    16 – La favorite ne manquait pas de « rappeler le parallèle entre son rôle personnel dans la création de cette école pour les garçons nobles nés sans biens et celui de Mme de Maintenon, qui avait voulu Saint-Cyr pour les filles » (Daniel Rabreau).

    17 – L’importance de ce chantier est soulignée par le fait que c’est le plan de la Colonnade que tient Marigny dans son portrait par Roslin de 1761 (Versailles).

    18 – Comme le prouve un document faisant allusion aux « plans et dessins de M. Antoine, architecte, expert-juré du roi », cité par F. Mazerolle, L’hôtel des Monnaies.

    19 – Comme l’a montré M. Mosser, « Jacques-Denis Antoine, architecte créateur », l’Institut de la Monnaie, deux palais pour un quai, dir. G. Gille, Paris, 1990. Le nouveau projet d’Antoine s’inspira, comme l’a montré J.-M. Pérouse de Montclos, de ceux de Boullée.

    20 – Pourtant, les médecins parisiens avaient fait, en 1744, reconstruire par Barbier de Blinière leur amphithéâtre, qui subsiste rue de la Bûcherie.

    21 – Salon de 1773.

    22 – Le dessin est à Carnavalet.

    23 – La Faculté de droit, qui marquait l’angle sud de cette dernière, fut commencée en 1763.

    24 – Représentée dans un tableau de Machy (Carnavalet).

    25 – C’est en 1752 qu’il avait conçu son projet de place devant l’église et élevé la maison qui subsiste.

    26 – Pour affranchir les habitants du logement des gens de guerre, Louis xv fit construire des casernes et corps de garde pour les Suisses et les Gardes-françaises. Il en reste celle de Rueil par Charles-Axel Guillaumot (1756) et des vestiges des casernes de la Nouvelle France (rue du Faubourg Poissonnière) et de la rue Mouffetard, oeuvre de Le Camus de Mézières.

    27 – Le roi approuva, en 1773, le projet de Ledoux pour les salines de Chaux.

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    Georges Poisson

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    1 – Die Briefe Balthazar Neumanns, éd. Lormeyer, 1911.

    2 – Journal du marquis d’Argenson, éd. Rathery.

    3 – Arch. nat., 01 1914-2.

    4 – Journal du prince de Croÿ (11 janvier 1754), Paris, 1906.

    5 – Le jardin de l’intendant, placé symétriquement (angle Tourville-La Tour-Maubourg), reçut le même tracé en angle obtus, qui n’a pas été respecté lors de la reconstitution de ce jardin, dans les années 1980.

    6 – Dates données par B. Jestaz, L’hôtel et l’église des Invalides, Paris, 1990. Cependant, ces nouveaux bâtiments figurent sur le plan général de l’édifice de 1747 (cuivre au Musée de l’Année).

    7 – Détruit sous la Révolution et restitué en 1816.

    8 – Nous restent Sainte Paule par Allegrain et Sainte Eustochie par Monnot, toutes deux dans la chapelle de Saint-Ambroise, ainsi que Saint Jérôme par L.-S. Adam à Saint-Roch et une Vierge à l’enfant par Pigalle à Saint-Eustache.

    9 – On sait moins qu’une partie du décor d’origine a subsisté dans l’aile restante de l’hôtel de Nevers, 12 r. Colbert.

    10 – Reconstruction aux frais du roi pour le gros oeuvre, le décor intérieur étant laissé à la charge de M.M. de la Chambre.

    11 – Arch. nat., EN 1146 A.

    12 – « C’est M. le prince de Conti qui a mis tout cela en branle » (Journal de d’Argenson).

    13 – Terme impropre bien sûr, le droit d’expropriation n’ayant été institué que sous Louis-Philippe ; le roi était réputé maître de tout le sol de son royaume, ce que l’on appelait le domaine éminent, les particuliers en ayant l’utilisation, le domaine utile. Par lettres patentes, le souverain pouvait exercer le retrait de ce dernier et donc l’utiliser. Procédure rarement employée, les propriétaires étant à la fois intimidés par le pouvoir royal et intéressés par les indemnités offertes.

    14 – J. Ducros, « La place Louis XV », Les Gabriel, Paris, 1982.

    15 – Nous ne pouvons suivre l’hypothèse de J. Ducros, selon laquelle le roi n’aurait vraiment compris qu’à cette date « l’intrigue de la pièce ». Les interventions de Louis XV sur ce dossier, depuis le début, montrent qu’il l’a suivi de bout en bout, même si sa pensée a évolué.

    16 – La favorite ne manquait pas de « rappeler le parallèle entre son rôle personnel dans la création de cette école pour les garçons nobles nés sans biens et celui de Mme de Maintenon, qui avait voulu Saint-Cyr pour les filles » (Daniel Rabreau).

    17 – L’importance de ce chantier est soulignée par le fait que c’est le plan de la Colonnade que tient Marigny dans son portrait par Roslin de 1761 (Versailles).

    18 – Comme le prouve un document faisant allusion aux « plans et dessins de M. Antoine, architecte, expert-juré du roi », cité par F. Mazerolle, L’hôtel des Monnaies.

    19 – Comme l’a montré M. Mosser, « Jacques-Denis Antoine, architecte créateur », l’Institut de la Monnaie, deux palais pour un quai, dir. G. Gille, Paris, 1990. Le nouveau projet d’Antoine s’inspira, comme l’a montré J.-M. Pérouse de Montclos, de ceux de Boullée.

    20 – Pourtant, les médecins parisiens avaient fait, en 1744, reconstruire par Barbier de Blinière leur amphithéâtre, qui subsiste rue de la Bûcherie.

    21 – Salon de 1773.

    22 – Le dessin est à Carnavalet.

    23 – La Faculté de droit, qui marquait l’angle sud de cette dernière, fut commencée en 1763.

    24 – Représentée dans un tableau de Machy (Carnavalet).

    25 – C’est en 1752 qu’il avait conçu son projet de place devant l’église et élevé la maison qui subsiste.

    26 – Pour affranchir les habitants du logement des gens de guerre, Louis xv fit construire des casernes et corps de garde pour les Suisses et les Gardes-françaises. Il en reste celle de Rueil par Charles-Axel Guillaumot (1756) et des vestiges des casernes de la Nouvelle France (rue du Faubourg Poissonnière) et de la rue Mouffetard, oeuvre de Le Camus de Mézières.

    27 – Le roi approuva, en 1773, le projet de Ledoux pour les salines de Chaux.

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    Poisson, G. (1994). Le Paris de Louis XV. In M. Balard, J.-C. Hervé, & N. Lemaitre (éds.), Paris et ses campagnes sous l’Ancien Régime (1‑). Éditions de la Sorbonne. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.66199
    Poisson, Georges. «  Le Paris de Louis XV ». In Paris et ses campagnes sous l’Ancien Régime, édité par Michel Balard, Jean-Claude Hervé, et Nicole Lemaitre. Paris: Éditions de la Sorbonne, 1994. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.66199.
    Poisson, Georges. «  Le Paris de Louis XV ». Paris et ses campagnes sous l’Ancien Régime, édité par Michel Balard et al., Éditions de la Sorbonne, 1994, https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.66199.

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    Format

    Balard, M., Hervé, J.-C., & Lemaitre, N. (éds.). (1994). Paris et ses campagnes sous l’Ancien Régime (1‑). Éditions de la Sorbonne. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.65989
    Balard, Michel, Jean-Claude Hervé, et Nicole Lemaitre, éd. Paris et ses campagnes sous l’Ancien Régime. Paris: Éditions de la Sorbonne, 1994. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.65989.
    Balard, Michel, et al., éditeurs. Paris et ses campagnes sous l’Ancien Régime. Éditions de la Sorbonne, 1994, https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.65989.
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