1A l’origine de ma démarche de prosopographe se trouve la conviction que tout individu faisant partie d’une population a quelque chose à m’apprendre sur cette population et, plus généralement, sur la société au sein de laquelle il vivait. Dans cette déclaration très ordinaire, le mot « population », certes immédiatement compréhensible, est le seul terme qui prête à discussion. Qu’est-ce donc que cette population dont je souhaite connaître tous les éléments qui la composent parce qu’elle s’est imposée à moi comme un important objet d’étude ?

2A partir du moment où je renonce à examiner tous les hommes qui peuplent la planète et où je suis décidée à passer plusieurs années de mon existence à collectionner les biographies de centaines ou de milliers d’individus, j’ai évidemment tout intérêt à savoir exactement où et comment diriger mes efforts, c’est-à-dire à donner une définition claire et discriminante du groupe social que j’entends étudier. Il en va du temps et de l’énergie que je vais dépenser, mais il en va aussi et surtout de la qualité et de la fiabilité de mon travail.

3Toute personne qui utilisera mes résultats devra en effet savoir exactement de qui et de quoi je parle. Cela est valable non seulement pour la population que j’étudie, mais encore pour les sous-groupes ou les catégories plus larges dans lesquels je serai amenée à classer chacun des individus composant ladite population. Si je ne suis pas en mesure d’en donner une claire définition, quelle assurance pourrai-je donner – et avoir – que mes critères d’appréciation n’ont pas varié au cours du travail ?

4Certaines catégories sont certes plus aisées à définir que d’autres. Les membres d’un corps ou d’une institution soumis à des règles de réception sont de ceux-là, et il est peut-être sage de commencer par eux nos études de prosopographie médiévale. Mais notre approche ne peut qu’être plus large. Par exemple, si je choisis de m’intéresser aux chanoines de tel chapitre entre telle date et telle date, je ne pourrais me dispenser de chercher à savoir si chacun d’entre eux était noble, ou humaniste, ou encore partisan de tel ou tel prince, toutes caractéristiques dont il me revient de dire à quoi et comment je les reconnais dans ce contexte précis.

5Si je respecte scrupuleusement cette discipline de m’en tenir à l’étude de ce que j’ai clairement et préalablement défini, rien ne m’interdit de m’atteler à des portions moins organisées de la société. Mais au fur et à mesure de mes dépouillements, j’aurai constamment à me poser cette question : cet individu doit-il ou ne doit-il pas entrer dans ma population ? Il est clair que la plus ou moins grande facilité que j’aurai à répondre à cette interrogation dépend des connaissances que j’aurai de sa biographie. A la limite, il faudrait s’imposer de ne travailler que sur un secteur – ou des sources – dont tous les individus auraient été dénombrés et nantis d’une notice biographique !

6Une telle exigence a de quoi décourager, mais il est sûr qu’il est fort risqué de s’aventurer sur un terrain mal repéré. Prenons encore un exemple. Pour traiter le problème du rôle joué par les Français au concile de Pise, il m’a fallu proposer une définition du « Français » (ce qui n’est pas si aisé) puis examiner chacun des participants du concile pour savoir s’il répondait ou non à cette définition1. Si j’ai pu effectuer ce travail, c’est évidemment parce que je disposais d’une liste suffisamment fiable de tous les Pères du concile. En amont de cette recherche se situait donc un autre travail, sans doute plus austère, qui avait consisté à me procurer les listes aujourd’hui conservées, à les comparer, à les critiquer, bref à procéder au dénombrement d’une population plus large.

7Ainsi, avant même de chercher à circonscrire, il était indispensable d’avoir dénombré. Telle est la dure loi de la méthode prosopographique.

8Pour le domaine qui est le mien, l’Eglise de France à la fin du Moyen Age, chacun sait que la situation en matière de dénombrement n’est pas satisfaisante. Des travaux d’histoire comparative menés à partir des chanoines des chapitres cathédraux de plusieurs pays européens m’ont récemment amenée à constater qu’on pouvait assurément mieux faire. En Angleterre, où les sources sont certes beaucoup mieux conservées, en Allemagne, en Suisse, des listes de chanoines sont établies ou en cours d’établissement. Pour les diocèses français, même les dignitaires ne sont généralement pas répertoriés. Cela est d’autant plus regrettable que, dans de nombreuses sources, les personnes ne sont désignées que par leur titre ecclésiastique : elles demeurent ainsi, dans la plupart des cas, parfaitement anonymes.

9C’est pourquoi j’ai pris l’initiative de lancer un programme de dénombrement des notables diocésains, dans les limites de la France actuelle, pour les XIII^e, XIV^e et XV^e siècles. Agréé par le CNRS sous le nom de Fasti Ecclesiae gallicanae, il entend se mettre sous le double patronage de la vénérable Gallia christiana pour ce qui est de l’attention portée à la vie des hommes, et des Fasti Ecclesiae anglicanae pour ce qui est de l’extension du champ couvert et de la persévérance dans les efforts d’amélioration.

10L’objectif poursuivi est, dans un premier temps, d’établir des listes de noms. Elles seront ultérieurement accompagnées des éléments biographiques qui auront pu être collectés sur chacun des individus. Les personnes à recenser ne sont pas autrement désignées que sous le terme vague – et très médiéval – de « notables ». Bien que le diocèse soit un cadre de collecte apparemment uniforme, il faut en effet compter avec les différences dans le développement et l’évolution des institutions qui se traduisent par la multiplicité et la plasticité des dénominations. A l’intérieur de chaque diocèse en revanche, les individus seront classés et « étiquetés » en fonction du titre qui leur était dévolu.

11Les médiévistes qui sont confrontés à des problèmes d’identification savent les services que leur rendront ces listes. Mais la perspective de réaliser un outil de travail utile à la communauté des historiens n’est assurément pas la seule motivation de l’entreprise. Pour chacun des collaborateurs attelés à réaliser une pièce de ce puzzle géant, l’espoir de disposer d’une base de départ solide et étendue pour l’étude de l’emprise sociale de l’institution ecclésiale en France est un puissant stimulant. Les résultats partiels récemment obtenus pour quelques communautés canoniales n’ont fait qu’aiguiser l’appétit d’en savoir plus. On ressent plus que jamais le besoin de comparer et de situer « sa » population dans un ensemble plus grand. Des hypothèses viennent à l’esprit qu’on veut pouvoir tester.

12 Pour ma part, à l’heure actuelle, j’attends des études prosopographiques qui pourront être menées à la suite de ce travail de dénombrement qu’elles fournissent des éléments de réponse aux deux problèmes majeurs que voici :

13– quelle place revint à la noblesse dans la société française à la fin du Moyen Age ?

14– Quelle fut la portée du transfert de la papauté en Avignon sur l’évolution de l’institution ecclésiale ?

1. La noblesse

15Au point de départ de mes interrogations sur la noblesse se trouvent les résultats obtenus pour le chapitre de Laon2. De la mi-XII^e au début du XV^e siècle, on constate en effet que la proportion des chanoines connus pour être d’origine noble est toujours inférieure à 20 %. Le chapitre ne saurait donc apparaître comme une chasse gardée de la noblesse ; mais si l’on considère que les nobles formaient une petite minorité de la société française (aux environs de 5 % ?), on se dit qu’ils n’y étaient cependant pas si mal représentés.

16En revanche, par rapport à la situation prédominante – quand ce n’est pas l’exclusivité, comme à Strasbourg –, que s’était réservée la noblesse dans les chapitres des pays d’Empire3, la place qui lui était faite à Laon paraît singulièrement réduite. L’impression est la même face au chapitre de Cracovie (60 % de nobles au XV^e siècle) ou à celui de Roskilde (50 % de nobles entre 1300 et 1530) et il n’y a guère que les chapitres anglais pour présenter des proportions de nobles inférieures à la moitié, le chiffre le plus bas étant atteint à Exeter où, entre 1300 et 1455, les fils de familles baroniales ou chevaleresques représentaient 13 % des effectifs4.

17On dispose encore de trop peu de données chiffrées sur les autres chapitres français pour bien situer le cas de Laon dans l’ensemble du royaume de France. Néanmoins (si l’on excepte les chapitres des provinces orientales plus ou moins restées dans l’orbite impériale, tel celui de Lyon, noble à 100 %) les observations concordent pour ne pas faire de Laon une curiosité. A Tournai, au XIII^e siècle, les chanoines connus pour être nobles étaient à peine plus nombreux qu’à Laon5. A Cambrai, ville que son statut faisait pourtant pencher vers l’Empire, ils n’étaient que 23 % entre 1357 et 14266. On a en outre fait remarquer que la grande noblesse picarde, et singulièrement la famille des comtes de Ponthieu, ne s’était guère souciée de placer ses fils dans les stalles amiennoises7. Pareillement, celle de Bourgogne n’avait pas davantage monopolisé les prébendes du duché8. Ainsi, dans l’Occident chrétien, la faiblesse du recrutement dans la classe traditionnelle des privilégiés pourrait donc caractériser les cathédrales de France.

18Face à ces importantes variations des effectifs nobles au sein des chapitres européens, l’historien cherche évidemment des explications. Deux concomitances me semblent en l’occurrence porteuses de causalité.

19Au chapitre de Laon – et, comme tout le laisse supposer, dans les autres chapitres français – tandis que diminuait le nombre des chanoines nobles, celui des chanoines riches de titres universitaires et d’expérience acquise au service de la royauté ne faisait qu’augmenter. Appartenir à la noblesse et servir le roi sont en revanche deux caractéristiques qu’on a beaucoup plus de chances de rencontrer ensemble, chez un même chanoine, à York et, plus encore, à Roskilde. Quant aux nobles de l’Empire, c’étaient eux qui, le plus souvent, détenaient le pouvoir politique9. Si, comme on peut en formuler l’hypothèse, l’importance de la représentation de la noblesse dans les chapitres cathédraux dépendait de son aptitude à participer au gouvernement des hommes, il faudrait en conclure que le roi de France se passa très largement de ses services pour organiser son Etat. Bien plus qu’ailleurs, l’alliance de la cléricature et de la royauté se serait réalisée avec le concours des gens du commun, plus attirés que les privilégiés de naissance par la formation intellectuelle dispensée dans les universités.

20Dans le même temps, on relève que les clercs français étaient parvenus à s’assurer une situation prédominante au sein de la hiérarchie du monde catholique, aux dépens des prélats d’origine italienne. Avant même l’installation des papes en Avignon, l’accession au souverain pontificat du très roturier champenois, Jacques Pantaléon, sous le nom d’Urbain IV, avait favorisé le courant guelfe et les entreprises angevines en Italie du Sud. Puis, avec le transfert de la papauté en Provence, le Sacré collège s’était peuplé d’hommes de petits lignages qui avaient fréquenté les universités et servi le roi de France10.

21On est d’autant plus fondé à mettre ces faits en relation que, au XV^e siècle, le vent tourne. Dans les quelques chapitres pour lesquels on possède des données chiffrées, les chanoines nobles apparaissent nettement plus nombreux qu’auparavant. Entre 1370 et 1500, 33 % des chanoines de Rouen appartenaient à la noblesse ou à des familles anoblies11. A Paris, entre 1450 et 1550, une moitié des chanoines se recrutait parmi les clercs d’Ile de France ou des Pays de la Loire qui étaient issus de milieux de notables ou d’anoblis au service du roi, tandis que la petite noblesse des autres régions de France alimentait l’autre moitié du contingent12. Plus tard encore, au XVI^e siècle, les fils des familles répertoriées dans l’Armorial chartrain représentaient plus de 50 % des chanoines de la capitale beauceronne13.

22Or à la même époque, la papauté se réitalianisait, et l’occupation anglaise, tolérée ou favorisée par de nombreux ecclésiastiques semblables à Pierre Cauchon, conduisait Charles VII à rechercher des appuis dans les milieux lyonnais, c’est-à-dire dans une région encore soumise au régime de recrutement canonial, favorable à la noblesse, établi durant son rattachement à l’Empire14. Pourrait-on aller jusqu’à parler d’une « réaction » nobiliaire dans l’ensemble du royaume pour la fin du XV^e et le XVI^e siècle ?

2. La papauté d’Avignon

23Pour qui cherche à périodiser l’histoire, il est facile d’isoler les décennies qui ont vu une lignée de papes français sans précédent délaisser Rome pour aller s’installer aux marches du royaume de France. Mais l’expression « papauté d’Avignon » sous-entend en outre que cette période a été marquée par des caractéristiques quant au fonctionnement des institutions pontificales, qui lui sont propres et qui la démarquent par rapport aux périodes précédente et suivante. C’est ainsi qu’aux papes d’Avignon est accolée l’image d’une monarchie bureaucratique centralisée qui fonctionnait à l’échelle de la chrétienté par l’intermédiaire du système bénéficial.

24Les temps qui précèdent ont en revanche un contour et des traits beaucoup plus flous. L’institution ecclésiale est réputée avoir connu un moment d’équilibre, face aux « abus » introduits par les papes avignonnais ; le transfert en Avignon est perçu comme une rupture sans qu’on sache véritablement en quoi a consisté le changement. Après 1378, c’est le règne du schisme, le désordre intégral, où la description des événements prend le pas sur celle des institutions. L’avènement de Martin V est ensuite salué comme la fin de la tourmente ; lui et ses successeurs se voient crédités d’une oeuvre de reconstruction qui pourrait faire penser que le schisme a fait table rase de l’édifice avignonnais.

25Une patiente et minutieuse étude des modalités des provisions des bénéfices séculiers les plus en vue devrait permettre de mieux situer l’épisode avignonnais dans la longue durée. Les habituelles bornes chronologiques demandent à être transgressées pour qu’on puisse mieux percevoir les continuités. A titre d’hypothèse de travail, je voudrais esquisser les grandes lignes de l’évolution, telle quelle m’apparaît aujourd’hui, au vu des indications que fournissent les quelques enquêtes déjà réalisées.

26Lorsque Bertrand de Got est devenu le pape Clément V, le processus de centralisation des bénéfices aux mains des souverains pontifes était certainement déjà fortement engagé. Les chapitres comportaient un nombre élevé de prélats étrangers à la région qui devaient à des collations pontificales d’avoir été admis dans les prébendes. C’était le cas à Laon, à Tournai, à Amiens15. Guillaume de Mâcon se plaignait, en 1295, de ne pas pouvoir faire entrer dans son chapitre d’Amiens les nobles et les lettrés méritants du diocèse. La situation était tellement générale que Guillaume Le Maire, évêque d’Angers, fut chargé d’exposer les doléances du corps épiscopal au concile de Vienne16. On ne peut plus dire actuellement le tableau avait été trop noirci. Reste à savoir sous quels papes du XIII^e siècle, et selon quelles modalités, le phénomène prit naissance et se développa.

27La France, cela est également certain, n’était pas le seul pays à accueillir une forte proportion de chanoines italiens dans ses prébendes canoniales, à la fin du XIII^e siècle. Les bénéfices anglais étaient aussi très convoités en Curie17. Tout comme leurs prédécesseurs, les papes d’Avignon avaient continué à distribuer des bulles de collation pour tous les diocèses de la chrétienté ; mais, comme le montrent bien les comptages de Lucien Caillet pour le temps de Jean XXII, ceux de France ont été infiniment plus sollicités que les autres d’ouvrir leurs portes aux fonctionnaires et protégés pontificaux18.

28Dans le cours du XIV^e siècle, l’espace français s’est ainsi peu à peu singularisé. Ont joué dans ce sens, d’une part la connivence certaine qui s’est instaurée entre les papes et les princes français par l’entremise des suppliques déposées en Curie par les solliciteurs, d’autre part la résistance croissante des autorités laïques et religieuses dont dépendaient les autres diocèses devant l’afflux des provisions pontificales. Si l’organisation de l’Eglise nationale d’Angleterre par l’entremise des divers édits royaux sur les provisions ecclésiastiques est bien connue, les phénomènes de rejet individuel qui se sont manifestés dans d’autres régions ont en revanche moins retenu l’attention. Il s’agit pourtant du même réflexe de défense. Que ce soit dans l’Empire ou en Scandinavie, ils sont ainsi fort nombreux les postulants munis de bulles qui ont été fort poliment reçus par les autorités capitulaires mais constamment ajournés pour leur réception dans une prébende.

29La formidable centralisation des bénéfices dans les mains du pape à laquelle on était parvenu, en France, à l’époque du schisme, explique le traumatisme causé par la politique de « soustraction d’obédience ». Promulguée par Charles VI pour résister à un pape aragonais dont les vues ne collaient plus aussi bien à celles de la couronne, elle permit à l’Eglise de France de prendre une conscience douloureuse de son identité et de son originalité. A l’inverse, la décision tout aussi unilatérale de Sigismond de soustraire la Hongrie à l’obéissance due à Boniface IX, en 1403, ne rencontra aucune résistance dans le clergé hongrois19. L’acte rappelait en effet que les rois de Hongrie disposait d’un droit de patronage général sur les bénéfices du royaume. Vue la faiblesse de l’emprise pontificale sur la hiérarchie hongroise, la proclamation ne parut nullement subversive.

30Sandor Csernus, qui vient fort opportunément de rappeler aux médiévistes occidentaux cet épisode oublié de l’histoire du camp urbaniste, a proposé de voir dans la soustràction d’obédience une « doctrine de politique internationale » : celle qui a prévalu au XV^e siècle avec la généralisation des concordats passés entre le Saint-Siège et les princes européens. Venant d’un médiéviste qui ne peut être soupçonné de chauvinisme français, cette proposition a le considérable mérite de resituer les efforts de l’Eglise gallicane pour affirmer son autonomie dans un contexte général. Le gallicanisme perd, de ce fait, la connotation agressive et revencharde qu’on lui prête traditionnellement.

31Après le concile de Constance en effet, pour la France, le « retour à l’unité » n’était guère concevable sans son réalignement sur le régime commun, et il conviendrait de se demander si le problème s’est posé de la même manière dans les deux morceaux du royaume écartelé : de façon quelque peu paradoxale, il était sans doute plus facile au régent anglais qu’au dauphin de France de se montrer « gallican » ! Si le pontife romain put résister si longtemps à la demande française – ainsi que le montrent les inextricables luttes d’influence qui entourent les élections épiscopales et les entrées dans les chapitres au cours du XV^e siècle – c’est que la France elle-même était divisée.

32Une fois réalisé ou plus avancé un dénombrement général des notables diocésains, on pourra envisager d’étudier ces deux questions, la place de la noblesse et la portée de l’épisode avignonnais, à partir d’études prosopographiques bien ciblées. Dès à présent, on peut s’essayer à définir des angles d’approche particulièrement favorables. Un sympathique précurseur, il y a tout juste 100 ans, a eu une idée fort judicieuse : établir quels étaient les chanoines de Reims le jour du sacre de Charles V1120. L’entreprise n’était pas trop difficile parce le chapitre de Reims avait fait l’objet d’un dénombrement systématique au XVIII^e siècle. Mais les indications biographiques qui accompagnent la liste desdits chanoines laissent le lecteur sur sa faim, car elles ne donnent que trop rarement des indications sur les origines sociale ou géographique et sur les antécédents avant l’entrée au chapitre de Reims.

33Pourrions-nous en dire davantage aujourd’hui ? Certainement, mais au prix d’efforts considérables pour réunir des informations très dispersées. C’est pourquoi, l’entreprise. de dénombrement qui vient d’être lancée sera accompagnée d’un stockage des informations immédiatement disponibles : au niveau des personnes et au niveau des bénéfices, afin de s’adapter à la situation générale de cumul. Mais la production de notices biographiques ne pourra intervenir qu’au bout d’un patient labeur d’accumulation.

34Après cette rapide présentation des enjeux du programme « Fasti Ecclesiae gallicanae », les limites de la prosopographie m’apparaissent très clairement : elles sont à rechercher dans la longueur et la persévérance que requièrent les travaux préliminaires. Toute recherche menée à l’aide de cette méthode est une oeuvre de longue haleine, qu’il est recommandé de ne pas entreprendre seul. En ce qui concerne les Fasti, le CNRS a permis que le projet devienne l’affaire de toute la communauté des médiévistes ; mais aura-t-il la constance de la Germania sacra dans l’octroi de son soutien ? Quant à la responsable du programme, il lui faudra veiller à ce que ne retombe pas, une fois passé le premier élan, l’intérêt qui a rassemblé tant de bonnes fées autour du berceau de ce nouveau-né.