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WEB ou Cd-Rom ?

p. 55-61


Texte intégral

1“Quel disque dur (ou quelle disquette) pour l’enseignement et la recherche en histoire ?”. Voici une question qui ne se pose pas et qui ne s’est jamais posée à l’historien. On prend les machines, leurs accessoires et les fournitures comme ils viennent. Ils font partie d’une technologie dont nous ne maîtrisons guère que les coûts, et encore.

2Le CD-ROM pourtant fonctionne différemment. Gravé une seule fois, de manière définitive, il s’apparente plus à un livre qu’à un quelconque support informatique neutre. Il cherche à s’adapter à une situation précise, du point de vue de la chronologie et de l’air du temps, du point de vue de la thématique, ou encore de celui de la situation didactique qu’il veut supporter. Qui plus est, il jouit (ou devrait jouir) d’une situation particulière du fait du contenu scientifique qui est le sien. Enfin, son mode de distribution s’apparente tout-a-fait à celui d’un livre, le nombre d’exemplaires réalisés et vendus étant (au moins en théorie) contrôlé.

3Le WEB, raccourci de WORLD WIDE WEB, ou “toile d’araignée mondiale”, peut-être rapproché de nombreuses manières de ce type de support, et permet de diffuser le même type de documents (textes et hypertextes, images, sons, vidéo...). Mais il est aussi une alternative au livre, permettant une très large et très libre diffusion auprès d’un énorme public, à une vitesse défiant toute concurrence. La valeur scientifique des données mises à disposition peut également, parfois, être importante. La différence majeure réside sans doute dans la possibilité de mettre constamment à jour les informations qu’il fournit, et dans son ouverture auprès d’un très (trop ?) large public.

4Mon intention dans ce bref survol comparatif de ces deux outils, est de fournir une chek-list, une série d’éléments qui me paraissent indispensables pour la conception, la mise en oeuvre et la fabrication d’un CD-ROM ou d’un site WEB. Cette liste ne peut prétendre à l’exhaustivité, dans un domaine qui évolue à grande vitesse, mais elle pourra peut-être asseoir la réflexion de ceux qui doivent faire face à ce type de tâche. Elle est le fruit des quelques expériences, achevées ou parfois en cours, que j’ai pu analyser de près ces derniers mois. Mais il est bien entendu que la grande majorité des expériences historiques dans ce domaine échappe à ma connaissance.

5Cette liste se préoccupe très peu de problèmes techniques, dans la mesure où c’est dans ce domaine que les changements sont le plus rapides et le plus difficiles à suivre.

6J’essaye également toujours d’insister sur la spécificité de l’histoire, que ce soit du point de vue de la discipline et de ses techniques, imposées par les professionnels, de celui de la didactique, imposée par les programmes des classes secondaires ou supérieures, ou de celui de la matière, imposé par l’esprit scientifique qui nous anime tous.

7Je refuse, enfin, de prendre parti pour CD-ROM ou WEB. Le cas général et la statistique ne me paraissent en la matière pas utiles, et le cas de chaque historien, de chaque type de source ou de chaque type de financement doit primer. J’essaye seulement de fournir aux indécis un tableau précis des possibilités de chacune de ces deux techniques.

Premières questions : pourquoi et pour qui ?

8Voilà deux questions posées suffisamment peu pour qu’on y doive revenir, aussi bien dans le cas des CD-ROM que dans celui des sites WEB. Dans “pourquoi” se déguisent d’innombrables questions plus précises.

9Un site ou un CD-ROM sur La Méditerranée au temps de Charles Quint est-il utile ? Ne double-t-il pas un livre ou autre support déjà existant ? Si oui, qu’apporte-t-il de plus, et ce qu’il apporte justifie-t-il une tel travail ?

10Un grand nombre de sites WEB ou de CD-ROM naît de la conjonction de volontés d’innovation et de “contenus” d’ordres divers (sources, textes, images, histoire locale...). Mais souvent l’interrogation de départ est limitée, ou bien ne repose que sur l’esprit d’émulation (faire comme ou faire mieux que la commune, le département ou l’association d’à côté), et non sur une réflexion scientifique d’historiens.

11La question “pour qui ?” est également très importante. Le site s’adresse-t-il à un public ciblé (élèves de seconde, enseignants en formation, chercheurs...) ou au grand public, celui du WEB, par exemple ? L’utilisation par ce public est-elle personnelle, ludique ou d’auto-formation, ou bien vise-t-elle une utilisation en complément d’un manuel, une utilisation documentaire scientifique (dictionnaire du Maitron), une activité ludique à plusieurs, le contrôle des connaissances après un cours suivi dans une structure de formation ? Ces questions, qui peuvent paraître évidentes, sont pourtant rarement posées, à telle enseigne qu’une enquête en cours à l’Université de Roma la Sapienza (par Luigi CAJANI et Stefano LARICCIA), semble montrer qu’au niveau européen, la structure des logiciels didactiques en histoire est souvent très semblable, non par nécessité mais par facilité, et qu’en tout cas le problème est rarement posé en phase de conception.

12Du point de vue de la didactique, le CD-ROM ou le site WEB peuvent-être des outils de travail, en tant que support de cours, mais ils peuvent également être considérés un objectif. L’enseignement d’informatique en Licence d’histoire à Paris I, pour 1997-1998, devrait permettre la réalisation d’un CD-ROM, sur un thème à déterminer, alors que l’enseignement pour des étudiants plus avancés aboutira, on l’espère, à la réalisation d’un site WEB pour l’association Histoire et Informatique. La facilité d’utilisation et le peu de prix que coûtent les outils de gravage et les logiciels de conception les mettent à la portée de tous. On peut de cette manière réintroduire une pédagogie par objectif très efficace à l’usage, puisque la réalisation de quelque chose de concret comme un CD-ROM ou un site WEB est très motivante pour tous les acteurs.

13La question de l’évaluation se pose également avec force, à deux niveaux. Qui peut, et comment, évaluer le projet en cours d’élaboration ? Et le site WEB ou le CD-ROM peut-il permettre une évaluation des connaissances avant, pendant et après le passage de l’utilisateur ?

14L’évaluation du projet de manière continue doit certes porter sur le contenu scientifique, mais aussi sur la forme technique et l’ergonomie, le choix des technologies, etc... Elle doit bien évidemment viser la parfaite adéquation entre le pourquoi et le pour qui qui auront été définis auparavant. Elle forcément une incidence sur la composition de l’équipe qui réalise le projet.

15L’évaluation de l’utilisateur, particulièrement utile en milieu scolaire, amène à se poser des questions sur le contenu du contrôle des connaissances acquises. Faut-il un contrôle général et final, sur l’ensemble du site WEB ou du CD-ROM, un contrôle personnalisé en fonction du parcours de l’utilisateur, un contrôle partie par partie, un contrôle sur les savoir-faire mis-en-oeuvre sur le site ? Faut-il que ce contrôle soit automatisé, ou bien faut-il que l’enseignant intervienne de l’extérieur ?

16Dernière question proposée ici, mais la liste est loin d’être exhaustive, celle du nombre. La grande majorité des sites WEB et des CD-ROM dans notre domaine est destinée à l’utilisation par une personne seule, plutôt dans un cadre documentaire que dans un cadre strictement didactique. Si l’utilisation multiple est envisagée, c’est seulement dans le cadre de dialogues via Internet, sur des thèmes spécifiques. Pourtant la situation didactique le plus souvent rencontrée est celle de l’enseignant face à la classe. Il-y-a là une contradiction qu’il serait intéressant de dépasser. Sans doute, à l’aide des technologies de l’INTRANET, avec leur grandes possibilités d’interactivité, il sera possible de franchir ce cap.

17Comme de juste, il n’est pas question pour moi de fournir des réponses. Mais je pense que ces questions peuvent aider à réfléchir à la mise en place d’un projet sur informatique, et permettre autant que possible d’aller plus loin que ce qui a été réalisé jusqu’ici.

La réalisation effective

18Je ne peux pas, sinon à titre d’exemple ponctuel, fournir de données techniques, et aider au choix de tel ou tel logiciel. Trop de rapidité dans l’évolution des technologies et trop de différences entre historiens, sources historiques et démarches pédagogiques sont un frein notable pour ce faire. Mais il m’a semblé qu’il était possible, sous forme de tableau, de réaliser un mémorandum, une liste de contrôle, qui permit, sinon de ne rien oublier, en tout cas de comparer une maximum de choses entre les deux types de réalisation, site WEB ou CD-ROM.

19Je me permets ici de signaler la naissance prochaine d’un site WEB, CHIRON, réalisé par un groupe d’universitaires et enseignants, italiens, français, allemands et belges, soutenus par la Communauté Européenne, sur le serveur de l’université Paris VII. Son but est de mettre à disposition, après les avoir testés ou conçus directement, tous les matériaux, logiciels, livres, videos, etc... qui ont trait à la didactique de l’histoire et des sciences humaines, dans leurs pays respectifs. Le lecteur y trouvera des informations nombreuses, en complément à ce qui est ici décrit.

Etapes de création de site
WEB ou CD-ROM
WEBCD-ROM
Choix des documents mis à dispositionN’importe quel type de document (texte, image, son). Attention aux temps de chargement, souvent très longs.
Certains logiciels de développement (JAVA) permettent de compresser et de décompresser les données en temps réel.
N’importe quel type de document (texte, image, son). La seule limitation est celle de la place sur le
CD. Cet élément devrait devenir peu contraignant avec l’apparition des
DVD, CD-ROM haute capacité.
Droits des documentsLe WEB est un système ouvert. Il est (presque) impossible d’y protéger un texte ou une image. Les droits doivent être très très bien suivis, si on ne veut pas de problème.Même fonctionnement que pour un livre. Le CDROM est unique et (plus ou moins) contrôlable, donc pas de différences.
Attention, l’auteur, le propriétaire, le photographe, le service d’archives ou la bibliothèque, tous ont des droits.
WEBCD-ROM
LogicielsPresque tous les logiciels multimédia du marché peuvent de produire des pages WEB (HTML), c’est à dire des pages de texte.
Les pages WEB ne sont pas des programmes spécifiques à votre serveur. Pour réaliser des programmes, il faut des logiciels ad hoc et des connaissances techniques sûres.
Problèmes de droits sur les logiciels utilisés et accessibles aux utilisateurs du réseau (logiciels complets ou run-time).
Tous les logiciels sont possibles (PC ou MAC), et tout développement spécifique.
L’intégration dans votre
CD-ROM de logiciels extérieurs, en partie (run-time) ou en entier, vous contraint à payer des droits proportionnels à la quantité de CD-ROMs produits.
L’utilisation de logiciels courants sur toutes les machines (Netscape,
MS Word, MS Access,
MS Excel,...), sans les intégrer au CD-ROM, peut permettre de fortes économies de droits.
UtilisationLa lenteur de certains serveurs peut pénaliser l’utilisation de supports d’enseignement en ligne.
Accentué si le nombre d’utilisateurs simultané est important.
Mais, en utilisation fermée par exemple (INTRANET), limitée à une seule classe, les simples fonctionnalités standard de Netscape, permettent une exploitation très intéressante. Toute la gestion des fonctionnalités du réseau est incluse dans
Netscape et autres logiciels Internet.
L’utilisation en est aisée puisque toutes les machines vendues actuellement sont équipées en lecteurs. Mais l’utilisation en classe est difficile, puisqu’il est rare qu’un établissement possède suffisamment d’exemplaires pour un travail de groupe. Une structure en réseau avec un lecteur de CD-ROM partagé est une bonne solution. Parfois, l’accès simultané par plusieurs élèves au même CD-ROM pose problème et ralentit le travail.
Prévoir toujours une utilisation en réseau.
WEBCD-ROM
Mise-à-jourCette technique permet le suivi, y compris quotidien, si on le souhaite et on en a les moyens. Les informations sont contenues et modifiées en un seul endroit, accessible de partout. La mise-à-jour est donc d’une grande facilité.La mise-à-jour d’un
CD-ROM demande de regraver la totalité des disques distribués. Elle est donc difficile, ne peut être que périodique, et ne vaut la peine que si la distribution (la vente par exemple) est un succès.
VendreUn site WEB n’est évidemment pas vendable.
Il est actuellement possible, via différents moyens, d’en limiter l’accès, aux seuls utilisateurs payants, par exemple. Mais de manière générale, l’accès payant est mal vu dans le cadre de l’Education Nationale, ce qui paraît assez normal.
Dans ces conditions, la répercussion des coûts de fabrication sur l’utilisateur est assez difficile, ce qui implique un financement en amont (Education
Nationale, CNRS, CEE, ou bienfaiteur quelconque !).
Un CD-ROM se vend comme un livre, à la fiscalité près, qui est très supérieure pour le
CD-ROM.
Les circuits de distribution se multiplient, mais si la vocation de votre produit est essentiellement didactique, il sera dur de vous faire connaître.
En tout cas la repercussion des coûts de fabrication sur l’utilisateur est possible.
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