Chapitre VII. Portrait de famille
p. 225-274
Texte intégral
On nous a tant parlé des avantages du commerce et de la circulation que le noble commence à regarder un banquier et un commerçant presque comme son égal pourvu qu ’il soit très riche.
Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet
De l’influence de la Révolution de l’Amérique sur l’Europe, 1787.
1Des dernières décennies du xvie siècle à la Révolution, la dynastie Le Couteulx s’est fortement enrichie, plusieurs membres des différentes branches étant devenus millionnaires en livres dans la seconde moitié du xviiie siècle. Cet enrichissement leur a permis de s’adonner à des dépenses somptuaires, d’acheter des biens immobiliers, maisons urbaines ou châteaux avec de grands domaines. Grâce à leur fortune, certains d’entre eux ont acquis des offices de judicature plus ou moins prestigieux. D’autres sont entrés dans le second ordre, celui de la noblesse, en achetant des charges de secrétaires du roi ou en bénéficiant des lettres d’anoblissement accordées par la monarchie. Mais cette accession à la noblesse, d’ailleurs imparfaite, n’a pas fait abandonner pour la très grande majorité des Le Couteulx le monde des affaires et ils n’ont donc pas « trahi » la bourgeoisie.
2La dynastie Le Couteulx a connu pendant l’Ancien Régime une montée sociale régulière et quasiment ininterrompue en raison de l’accroissement de sa fortune comme le démontrent les apports des membres masculins de la famille lors de leurs mariages, les dots des filles Le Couteulx, celles des épouses des dirigeants des sociétés Le Couteulx et leur fortune au moment de leurs décès.
3Les premiers apports au mariage d’un membre de la dynastie Le Couteulx que nous connaissons sont ceux de Nicolas I, le fils aîné de Jean IV et de Marie Barbot. Né en 1621 à Rouen, venu à Paris où il est devenu marchand-drapier, il fait partie en 1650 avec son père et deux de ses frères de la société Le Couteulx. En 1651, à l’âge de trente ans, il épouse Jeanne Géhénault, la fille d’un trésorier de l’abbaye de Chelles. Ses apports s’élèvent d’après son contrat de mariage à 22 000 lt. dont 10000 lt. entrent dans la communauté1. Deux ans plus tard, son frère Jacques III convole à son tour mais son contrat de mariage a disparu2. Puis c’est ensuite deux autres frères qui se marient. Antoine I et Étienne I qui dirige la branche rouennaise sont âgés respectivement de 29 et de 36 ans. Antoine I dispose en 1657 de 40 000 lt. dont 22 000 lt. vont entrer dans la communauté tandis que le contrat de mariage d’Étienne I mentionne que 50000 1t. vont entrer dans la communauté3. À la fin du 17e siècle, c’est 50000 1t. qu’apporte Barthélemy II le fils d’Antoine I dont 18 000 lt. entrent dans la communauté tandis que 32000 lt. sont stipulées propres. Son cousin Jean-Étienne I le fils de Jacques III qui a été chargé de diriger la maison rouennaise, mais qui épouse une Parisienne, apporte 90000 lt.4.
4Au début du xviiie siècle, les apports au mariage des Le Couteulx dépassent désormais la centaine de milliers de livres. C’est le cas lors de l’hymen d’Étienne III Le Couteulx, le fils d’Étienne I, qui annonce lors de la signature de son contrat de mariage qu’il possède 272478 It. 5 s. dont 231478 lt. en billets et en deniers comptants, 16000 lt. en constitutions de rente et 25 000 lt. représentant la valeur de trois maisons qui lui appartiennent à Rouen. Il est vrai qu’il vient de « bénéficier » de la succession de son père, décédé en 1698, près d’un tiers de siècle après son mariage5.
5Une dizaine d’années plus tard, en 1711, un autre fils d’Antoine I, Jean X, marchand-mercier et dirigeant de Le Couteulx et Cie de Paris, annonce posséder au moment de son mariage 314000 lt. dont 157000 lt. représentant ses fonds dans la société6.
6 Les fonds des futurs mariés Le Couteulx ont-ils diminué ensuite ? C’est ce que pourrait laisser penser le contrat de Jacques VII, un fils de Jean-Etienne I. Parti à Cadix en 1724, de retour à Paris pour se marier en 1734, il déclare que ses biens se limitent, si l’on peut dire, à 100000 lt. soit 60000 1t. en avancement d’hoirie, 10000 lt. que ses parents lui accordent en supplément et 30000 lt. provenant des profits que le sieur futur époux a faits dans son commerce à Cadix, mais il ajoute qu’il dispose également de marchandises, crédits et fonds à Cadix et autres villes étrangères, ce qui permet d’estimer que ses biens dépassent les 100000 lt.7.
7Un de ses cousins, Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx lui aussi récemment revenu de Cadix, âgé de 32 ans lorsqu’il se marie, annonce que ses biens s’élèvent à 150000 lt. composés pour la plus grande partie de marchandises, crédits et fonds dont il dispose dans « sa société de famille en France et le surplus provenant de pareils effets dans la société de Cadix ainsi que dans son compte créditeur ». Il ajoute cependant qu’il doit déduire un certain nombre de dettes passives dont 50000 1t. qu’il a reçu de son père Barthélemy I, représentant une partie de la succession de l’héritage de sa mère. N’y a-t-il pas là aussi une sous-estimation8 ?
8Les apports de Jacques-Jean le Couteulx du Molay, lui aussi ancien de Cadix, paraissent plus proches de la réalité, mais il est vrai que son mariage a eu lieu en 1769, quelques mois après le décès de son père Jacques VIL Fils unique de ce dernier, il a hérité de la totalité de celui qui fut le fondateur de la maison de Cadix et dirigea celle de Paris pendant une quarantaine d’années. Jacques-Jean âgé de 28 ans quand il épouse une Le . Couteulx, affirme que ses biens mobiliers et immobiliers se montent à 1 098 301 lt. 8 s. 1 d.9. C’est sans doute la somme la plus élevée qu’ait déclarée lors de son mariage un des dirigeants parisiens de Le Couteulx et Cie, son cousin Laurent-Vincent lui aussi revenu de Cadix pour diriger la maison parisienne n’apportait lors de son mariage que 800 000 lt. consistant en 150000 lt., représentant sa part dans une propriété familiale située dans le Vexin Normand et 650000 lt., évaluation qu’il donnait de ses fonds dans les maisons de Cadix et de Paris, ainsi que des bonnes actions et des intérêts sur divers vaisseaux et autres entreprises maritimes10.
9Il est beaucoup moins aisé de parvenir à établir les apports au mariage des membres des sociétés Le Couteulx qui ont convolé dans la ville de Rouen ou en Normandie, même s’ils sont ensuite retournés à Paris pour se mettre à la tête de la branche parisienne. On ne dispose en effet que de très peu de contrats de mariage et ceux-ci, à cause de la coutume normande, n’évoquent jamais les biens du futur11. Ils apportent cependant quelques indications sur les dots que reçoivent les filles de la dynastie. Le plus souvent, le montant de ces dots est inférieur à celles des filles Le Couteulx qui habitent Paris sans parler de celles qui n’appartiennent pas aux sociétés Le Couteulx et Cie pratiquant le négoce et la banque.
10En Normandie comme à Paris on constate une progression régulière. Élisabeth Le Couteulx, la fille de David I épouse en 1621 le marchand Louis Le Carpentier. Son père lui donne 8000 lt. et il y ajoute « trois robes, trois cottes et du linge »12. On ne connaît pas les dots qu’ont obtenues les filles de Jean IV Le Couteulx et il faut attendre les dernières décennies du xviie siècle pour obtenir des indications chiffrées. Geneviève Dufour, la veuve de Jean VIII, longtemps associée de Le Couteulx maria trois de ses filles à des officiers de judicature. Deux d’entre elles reçurent en dot 66000 lt. tandis que la troisième bénéficia de 80000 lt.13. Ces chiffres déjà considérables furent dépassés en 1704. La veuve d’Étienne I, Catherine Le Brest, apporta 100000 lt. à l’une de ses filles qui épousait un conseiller du Parlement de Rouen14.
11Par la suite, cette somme importante ne fut pas atteinte et les filles Le Couteulx lorsqu’elles se mariaient, disposaient d’une dot au-dessous de 100000 lt., mais souvent supérieure à 50000 lt. En 1720, Marie-Louise Le Couteulx, une des filles de Jean-Étienne I, qui épouse un négociant de Rouen Romain-Jacques-Pierre Rolland lui apporte une dot de 60000 lt. et une autre sœur, Catherine-Françoise, qui se marie avec un maître ordinaire de la Cour des Comptes de Rouen, obtient également 60000 lt., tandis qu’une troisième sœur Marie-Rose-Anne qui convole en 1740 avec un receveur général des fermes, Nicolas Gaillard, lui apporte 70000 lt. en dot15.
12Le frère de Jean-Étienne I, Barthélemy I fournit les mêmes sommes à deux de ses filles qui se marient en 1737. Marie-Geneviève qui épouse le sieur de Vauville apporte une dot de 60000 lt. et Marie-Anne qui s’unit avec le sieur de Marolles bénéficie d’une dot de 70000 lt.16.
13Dernier contrat de mariage dans lequel figure une fille Le Couteulx de Rouen, c’est celui d’Anne Le Couteulx, la fille d’Antoine IV Le Couteulx de Verclives et maire de la ville, qui épouse Jean-Barthélemy Le Couteulx en 1775. Elle lui apporte 646983 livres 6 s 9 d, mais encore une fois ce n’est pas une dot que lui concède son père, mais pour l’essentiel des héritages de sa mère et de son grand-père Romain-Jacques-Pierre Rolland17.
14Dans la capitale du royaume, les premiers contrats de mariage concernant des filles Le Couteulx n’apparaissent que dans la seconde moitié du xviie siècle et le montant des dots va également connaître une montée régulière. En 1680, Marguerite Le Couteulx, une fille de Jacques I, épouse le marchand-drapier Charles Gérault et lui apporte 30000 lt. Quelques années plus tard, en 1689, une autre sœur qui épouse Michel Bachelier, le fils d’un marchand-drapier, bénéficia d’une dot de 32000 1t.18. Au cours des premières décennies du xviiie siècle, les Le Couteulx peuvent accorder à leur progéniture féminine des dots qui dépassent les 50000 lt., mais ces sommes sont considérablement inférieures à celles que donnent à leurs filles les grands négociants malouins, ce qui indique la différence de fortune entre un Danycan de l’Épine qui commerce avec la Chine et la Mer du Sud et des banquiers parisiens. Danycan, en effet, octroie en 1704 276000 lt. comme dot à l’une de ses filles et 500 000 lt. l’année suivante à une autre alors que Marguerite Charlotte, une fille de Barthélemy II Le Couteulx, banquier et secrétaire du roi qui s’unit avec Jacques Régnault reçoit une dot de 60000 1t., Marguerite Catherine, une fille de Jean X Le Couteulx, se voit accorder une dot de 80000 1t. quand elle va se marier avec le marchand-drapier Jacques-René Devin19. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, ce sont les 100000 lt. qui sont dépassées en 1769. Geneviève Sophie qui a perdu son père quelques années plus tôt, se marie avec un membre de la dynastie, Jacques-Jean le Couteulx du Molay. Sa mère est en état de lui donner une dot de 170000 lt20.
15Les dots apportées par les épouses des dirigeants des maisons Le Couteulx de la fin du xvie siècle aux premières années de la Révolution prouvent la croissance quasi régulière de la richesse de la dynastie étant entendue que les dots des filles de la capitale sont plus élevées que celles de la ville de province, en tout cas au xviiie siècle.
Montant des dots des épouses parisiennes des dirigeants de Le Couteulx et Cie
Époux | Épouse | Date du contrat |
Montant de la
dot |
Jacques I | Catherine Lustin | 08-10-1613 | 5 400 lt. |
Robert II Le Vavasseur | Michèle Lustin | 28-07-1630 | 7 000 1t. |
Robert II le Vavasseur | Renée Duchesne | 25-01-1637 | 10000 lt. |
Nicolas I Le Couteulx | Jeanne Géhénault | 02-07-1651 | 20000 lt. |
Jacques I Le Couteulx | Madeleine Le Brest | 23-07-1653 | ? |
Antoine I Le Couteulx | Marguerite Le Brest | 29-07-1657 | 18000 lt. |
Étienne I Le Couteulx | Catherine Le Brest | 22-08-1666 | 24 000 lt. |
Barthélemy II Le Couteulx | Charlotte de Bemy | 23-04-1690 | 30000 lt. |
Jean Étienne I Le Couteulx | Marie-Françoise Dura | 09-11-1698 | 40000 lt. |
Jean X Le Couteulx | Catherine Brochant | 18-05-1711 | 60000 lt. |
Barthélemy III Le Couteulx | Marie-Madeleine Guider | 12-04-1723 | 60000 1t. |
Jacques Vil Le Couteulx | Catherine-Paule Le Couteulx | 18-07-1734 | 80000 1t. |
Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx | Olympe-Hélène Paleme | 09-03-1748 | 100000 lt. |
Jacques-Jean Le Couteulx | Geneviève-Sophie Le Couteulx | 07-01-1769 | 170000 lt. |
Laurent-Vincent Le Couteulx | Charlotte-Françoise Pourrai | 30-01-1785 | 400000 lt. |
Montant des dots des épouses normandes des dirigeants de Le Couteulx et Cie
Époux | Épouse | Date du contrat |
Montant
de la dot |
David I Le Couteulx | Élisabeth Haillet | 28-07-1598 | 3000 lt. |
Antoine III Le Couteulx | Louise Catherine Boette | 28-07-1708 | 30000 lt. |
Barthélemy I Le Couteulx | Marie Anne Boette | 07-09-1712 | 30000 lt. |
Antoine IV Le Couteulx | Marie Françoise Rolland | 14-01-1750 | 100000 lt. |
Antoine IV Le Couteulx | Marie Geneviève Pommeraye | 28-09-1758 | 50000 1t. |
Antoine IV Le Couteulx | Marie Louise Aimée Le Couteulx | 27-09-1762 | 80000 1t. |
Jean-Barthélemy Le Couteulx | Anne Le Couteulx | 06-06-1775 | 646 983 lt. |
Barthélemy-Jean-Louis | Marie-Madeleine Le Boucher | 20-12-1779 | 80000 Lt |
Le Couteulx | + héritage | ||
Jean-Barthélemy Le Couteulx | Catherine Charlotte Forment de Formentot | 29-07-1784 | 200 000 lt. |
Barthélemy-Pierre Le Couteulx | Louise Foache | – 10-1791 | 300 000 lt. |
16 Ainsi les dots des épouses parisiennes des associés de Le Couteulx et Cie ont été multipliées par 74 en 172 ans tandis que celles de leurs épouses rouennaises ont augmenté de 100 fois en 193 ans. Mais dès les années 1630, les Le Couteulx de Paris appartenaient déjà à une minorité très riche puisqu’on 1637, 7,84 % des épouses apportaient une dot égale ou supérieure à 5000 lt. et 1,04 % à 100000 lt. et plus21.
17Enfin, un dernier élément qui permet de constater l’enrichissement régulier des Le Couteulx pendant l’Ancien Régime est constitué par leur fortune au moment de leur âge mûr et surtout au moment de leur décès, même si les inventaires après décès, beaucoup plus nombreux d’ailleurs dans les archives notariales parisiennes que rouennaises, fournissent essentiellement les évaluations des biens mobiliers avec d’ailleurs une tendance à abaisser leur valeur22.
18Au milieu du xviie siècle, Jean IV qui meurt en 1651 et son frère Jacques I qui disparaît l’année suivante laissent une fortune d’environ 100000 lt. chacun23. Leur fils et neveu Nicolas I qui a disparu quelques semaines après son père abandonne 27 811 1t. dont 970 1t. de biens mobiliers, 324 1t. de deniers comptants et 26517 lt. représentant le montant de ses actifs dans la société Le Couteulx24.
19Quelle fut la fortune des dirigeants de la firme Le Couteulx au xviiie siècle ? Quelques années après la mort de Barthélemy II Le Couteulx en 1721, son patrimoine est alors évalué à 648301 lt. dont les deux tiers consistent, dans ses fonds soit 440610 lt. dans la société Le Couteulx et Cie25. En 1738, son cousin Jacques VI disparaît à son tour. Il est célibataire et n’a donc pas d’enfants. Ses biens qui seront partagés en faveur de trois héritiers qui auront chacun un lot dont le numéro sera inscrit sur un morceau de papier mis dans un chapeau et que tirera un jeune garçon qui passait par la rue Montorgueil se montaient à 792 806 lt. 14 s. 6 d. dont 342 857 lt. 3 s. représentant ses fonds dans les sociétés de Paris et de Rouen, auxquels s’ajoutent sa participation de 72365 1t. et 5 s. 5 d. dans celle de Cadix, des maisons à Paris et à Saint-Just près de Vemon où les associés se réunissaient chaque année, de nombreux titres de rentes et plusieurs promesses dont l’une de 32000 lt. due par Barthélemy III le fils de Barthélemy 1126.
20Une vingtaine d’années plus tard, Barthélemy I, le fils de Jacques III Le Couteulx et de Madeleine Le Brest, disparaît en 1757 à l’âge de 82 ans. Comme il vivait à Rouen, un inventaire à l’amiable fut établi, c’était souvent une tradition dans la capitale normande, mais le partage de ses biens fut enregistré devant un notaire parisien. Sa fortune était évaluée à 439206 lt. 6 s. 9 d. dont il fallait ôter des dettes passives soit 10098 lt. À cause de son grand âge, il n’appartenait plus à Le Couteulx et Cie et ne possédait plus de fonds dans la société mais il avait prêté des sommes importantes à deux de ses fils, Jean-Jacques-Vincent et Antoine-Louis soit 161868 lt. en cinq billets auxquels s’ajoutaient des billets dits « à volonté » d’un montant de 35 162 lt. Ses autres biens étaient constitués par des maisons à Rouen, Paris et Saint-Just, des meubles meublants, de l’argenterie d’une valeur de 17462 lt. et des deniers comptants trouvés dans son cabinet atteignant 2580 lt.27. La même année, son frère Jean-Étienne I Le Couteulx est décédé. Aucun inventaire après décès n’a été établi mais ses deux fils encore en vie, Jacques VII et Jean-Étienne II se sont partagé ses contrats de rente d’une valeur de 33 593 lt. 6 s, ce qui au dernier vingt représente un capital de 671 860 lt. et il est indiqué que les deux frères s’étaient déjà répartis ses autres biens, à savoir les meubles et les effets mobiliers, sa maison du Hautot-sur-Seine près de Rouen et les héritages en dépendant28.
21Le premier Le Couteulx qui semble avoir une fortune dépassant le million de livres s’appelle Jean X qui a disparu en 1750 après avoir quitté la société depuis plusieurs années29. Il aurait laissé 1 115 103 lt. 18 d. dont il fallait enlever les dettes passives d’un montant de 3 658 lt. 6 s. 6 d. Mais les biens de Jean-Jacques-Vincent, le fils de Barthélemy I, mort en 1765 à l’âge de 49 ans sont mieux connus que ceux de son parent Jean X, lui qui avait bénéficié de 143 035 lt. de l’héritage de son père, dispose lors de son décès d’une masse générale à 1 139295 lt. 16 s, compte non tenu du passif30. Près du tiers de ses actifs sont représentés par ses fonds dans les sociétés de Rouen et de Paris (300000 lt.) et de Cadix (60800 lt.). S’y ajoutaient un intérêt de 1/48e dans le vaisseau Saint François Xavier parti pour la Vera-Cruz (21387 lt.), un autre intérêt de 1/64e sur un navire négrier Le Mesnil sous la direction de Grandclos-Meslé de Saint-Malo (3 659 lt.), un prêt à la grosse des navires le Penthièvre et l’Éléphant appartenant à la Compagnie française des Indes Orientales partis pour la Chine (7 849 lt.), un prêt à la grosse de 2000 pf consenti à Antonio de Zulastra (7797 lt.), un compte courant créditeur dans la société Le Couteulx et Cie s’élevant à 314200 lt., une moitié de la terre et seigneurie d’Hacqueville et de Richeville dans le Vexin Normand qu’il avait acheté avec son frère Antoine-Louis pour 170000 lt., le quart de la valeur du siège social de Le Couteulx et Cie rue Montorgueil. Il s’y ajoutait les meubles meublants d’une valeur de 26410 lt. (dans l’inventaire après décès ils étaient évalués à 21 128 lt. mais on y avait ajouté une crue de 5 822 lt. soit 27,5 % de plus), de la vaisselle d’argent pour 14531 lt. Ses habits et son linge étaient estimés à 7 294 lt. tandis que ses deniers comptants, du moins ceux que le notaire avait pu retrouver, représentaient une somme très faible soit 941 lt. 9 s.
22Son cousin Jacques VII Le Couteulx du Molay (il avait acheté ce domaine en 1757) ne tarda pas à le suivre dans la tombe. Il mourut en 1768 sur le chemin qui le conduisait à sa maison de Hautot. Ses biens dépassaient largement ceux de Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx puisqu’ils atteignaient un actif brut de 1 926968 lt. 1 s. 5 d. dont il fallait ôter les dettes passives d’un montant de 156288 lt. auxquelles s’ajoutaient les reprises dues à ses fils Jacques-Jean qui se montaient à 412 116 lt. 12 s. 6 d. Son actif net était donc de 1 344755 lt. 10 s, la plus grande fortune d’un membre de la dynastie au xviiie siècle31.
23La valeur de ses meubles meublants, de ses pendules et de ses carrosses était évaluée à 27777 lt. 15 s., son argenterie à 32338 lt., ses bijoux et ses boutons de chemise en métal précieux à 2448 lt., ses livres à 3000 lt. Ses différents comptes courants dans la maison Le Couteulx et Cie de Paris atteignaient 434 187 lt. 2 s. tandis que le solde dû par Le Couteulx Terry et Cie de Cadix se montait à 183 876 lt. 3 s. 2 d., il possédait des intérêts en argent à la grosse prêtés à Le Couteulx et Cie de Paris d’une valeur de 82 885 lt. 15 s. 7 d. Sa participation dans l’achat de coton de la Martinique et de la Guadeloupe en association avec un négociant de Bordeaux, Jacques Fanning atteignait 25 126 lt., il possédait des biens fonciers considérables. Il avait acheté le château et la terre du Molay près de Bayeux pour 480000 lt. et les travaux qu’il avait entrepris pour les « remettre à neuf » portèrent cette valeur à 520660 lt. La maison de maître de Hautot ainsi que les terrains d’alentour qui à l’origine avaient appartenu à Jean-Etienne I étaient estimés à 77 129 lt. 19 s. Mais le montant des espèces qu’on avait trouvé dans ses armoires était évalué à 682 lt. 5 s.
24Antoine-Louis Le Couteulx fut le dernier des associés en fonction à disparaître avant la Révolution. Il mourut en 1779 à Nîmes après être revenu des eaux de Barèges. Son inventaire après décès fut comme c’était coutumier, réalisé à l’amiable à Rouen et il ne fut pas conservé, mais on dispose d’une évaluation, sans doute partielle, du partage de ses biens entre ses trois neveux qui furent ses légataires universels, Jean-Barthélemy, Barthélemy-Jean-Louis et Laurent-Vincent. Le montant de ses biens meubles s’élevait à 528693 lt. 16 s. 5 d.32. Mais cette somme ne représentait qu’un minimum puisqu’il était propriétaire d’une grande maison à Rouen et en partie des terres d’Hacqueville et de Richeville. On peut penser que sa fortune devait s’approcher du million de livres. Une grande partie en était constituée par son compte de fonds dans les sociétés de Rouen et de Paris (342269 1t. 2 s. 6 d.) et à Cadix (19030 lt.). Ses biens meublants étaient estimés à 60 155 lt. 3 s. et il bénéficiait des fermages de ses propriétés à recevoir pour les années 1778 et 1779 (29200 lt.) et des titres de rentes (75721 lt.).
25Les fortunes des Le Couteulx, telles que les partages des successions nous l’indiquent, sont considérables à la fin du règne de Louis XV ou au début de celui de Louis XVI puisqu’elles sont proches ou dépassent le million de livres. Il est vrai qu’elles sont inférieures à celles de la haute aristocratie nobiliaire ainsi qu’à celles de plusieurs négociants ou banquiers du royaume. Jacques Necker ne dispose-t-il pas quand il quitte sa maison de banque d’environ sept millions de livres, le banquier parisien Jean-Robert Tronchin abandonne en 1788 trois millions et demi de livres tandis que le grand négociant nantais Guillaume Bouteiller aurait possédé huit millions de livres vers 178933. Mais si on totalisait les fortunes des cinq associés de Le Couteulx et Cie en 1788, Jacques-Jean, Barthélemy-Jean-Louis, Laurent-Vincent, Jean-Barthélemy (celui-ci déclare que sa fortune en 1791 atteignait un actif net de 1675 000 lt. dont 400000 lt. de fonds dans ses sociétés de France et de Cadix), 660000 lt. représentant sa propriété de Farceaux, 300000 lt. celle de Canteleu et 330000 lt. celle de Catillon près de Neufchâtel en Bray appartenant à son épouse, Antoine IV Le Couteulx de Verclives (sa fortune « présumée » en 1793 serait de 1 500000 lt.), on peut penser qu’elles dépassent les cinq millions et qu’ils font partie des plus fortunés des hommes d’affaires de la France de la fin de l’Ancien Régime34.
26Cette grande richesse est essentiellement le fait des dirigeants des sociétés de commerce et de banque Le Couteulx. Ceux qui ont choisi d’autres voies disposent de fortunes beaucoup plus modestes comme le tendraient à prouver les dots que leurs futures épouses leur apportent. Au xviie siècle, Madeleine Bourlon qui épouse en 1644 Jacques II Le Couteulx, le fds de Daniel I marchand-drapier comme son père, mais n’appartenant pas à Le Couteulx et Cie dispose d’une dot de 6000 1t. dont 2400 lt. en « marchandises de draperie » et de 3 600 lt. constituées en une rente de 200 lt.35. Une quarantaine d’années plus tard, Armand-Jean Le Couteulx, marchand-drapier également, reçoit en 1683 lorsqu’il épouse Denise de La Balle, fille d’un marchand-drapier, une dot de 10000 lt.36. Au xviiie siècle, Jacques-Étienne Le Couteulx, un descendant de Guillaume I, trésorier de l’extraordinaire des guerres à Honfleur qui se marie en 1722 avec Catherine Le Monnier obtient de celle-ci la promesse qu’elle lui fournira 3 000 lt. en meubles et bijoux37. L’analyse des mariages des Le Couteulx hommes d’affaires permet, non seulement de mettre en lumière leur enrichissement constant tout au long des xviie et des xviiie siècles, mais également de percevoir ce que sont leurs stratégies familiales tout en n’omettant pas de distinguer celles des garçons et celles des filles. Les enfants mâles épousent le plus souvent des femmes appartenant à des familles commerçantes, surtout des marchands-drapiers, même après l’abandon de cette profession par la dynastie. En 1613, Jacques I épouse une fille de Jacques Lustin, marchand-drapier-chaussetier. Il en va de même de son neveu Jacques III qui épouse en 1653 une fille de Barthélemy Le Brest, marchand-drapier également. Un des fils de Jacques III, Jean Étienne I devint en 1698 le gendre de Jean Duru, autre marchand-drapier. Son cousin Barthélemy II, quelques années plus tôt, en 1690, avait épousé Charlotte Lucrèce de Berny qui appartenait à la grande dynastie des de Bemy, faisant partie du sommet de la hiérarchie des marchands-drapiers de la rue Saint-Honoré. Et le fils de Barthélemy II et de Charlotte Lucrèce de Bemy alors que son père avait acquis en 1706 une charge de secrétaire du roi qui l’anoblissait, ne dérogea pas à la tradition familiale : en 1723, il se maria avec Marie-Madeleine Guiller, fille d’un marchand-drapier.
27La continuité du rapprochement conjugal des Le Couteulx avec des familles appartenant au commerce de la draperie peut étonner puisque les Le Couteulx sont devenus banquiers en 1671 mais on peut considérer que le nombre des banquiers est très limité à Paris et encore plus à Rouen, et que la plupart sont d’origine suisse... Il faudra attendre 1785 pour voir un Le Couteulx s’unir avec une fille de banquier : le 14 janvier 1785, Laurent-Vincent Le Couteulx épousera Françoise Charlotte Pourrat, fille du banquier Louis Pourrat38.
28S’il survient que des filles épousent des marchands-drapiers ou des hommes d’affaires comme c’est le cas en 1680 de Marguerite, une fille de Jacques III, qui est unie avec Charles Gerault marchand-drapier ou d’une autre Marguerite, fille de Jean X, qui devient, en 1729, l’épouse de Jacques-René Devin, le fils de Jacques Devin, l’un des plus grands marchands-drapiers parisiens de l’époque, propriétaire d’une boutique, rue Saint-Honoré, ayant pour enseigne le Grand Couronné, ce sont les membres des professions juridiques qui sont recherchés. Si la première fille de David I Le Couteulx a épousé un marchand, les deux autres, il est vrai après la mort de leur père, s’unissent en 1624 et en 1626 à un avocat et à un huissier de justice. Ensuite, les Le Couteulx notamment ceux de Rouen devenus plus riches entendent faire convoler leurs filles avec des membres des cours souveraines, Parlement ou Chambre des Comptes. C’est ainsi qu’après la mort de Jean VIII, deux de ses filles vont épouser des conseillers du Parlement de Normandie, Guillaume le Diacre, sieur des Essars et Louis Le Roux de Tilly et que la veuve de ce dernier se remarie ensuite avec Henri Bigot baron de Monville également membre du Parlement de Normandie. Le frère de Jean VIII, Jacques III parvient à faire épouser en 1677 une de ses filles avec un maître ordinaire de la Chambre des Comptes de Rouen, Jean-Baptiste Bulteau, dont le père, il est vrai, était un marchand. Enfin, deux des filles d’Étienne I, un autre frère de Jean VIII et Jacques III vont épouser deux conseillers du Parlement de Rouen, de Vigneral et Joseph-Alexandre Paviot39. Ces mariages ont eu lieu après le décès d’Étienne I, daté de 1698, et on peut penser que leur mère qui disposait d’une belle fortune n’était sans doute pas tenue de renforcer l’entreprise dont son époux avait été un des dirigeants.
29Sous le règne de Louis XV, la pratique de vouloir unir des filles appartenant à la dynastie Le Couteulx avec des officiers de justice est poursuivie. Des membres du Parlement de Rouen, de la Chambre des Comptes de Paris acceptent de convoler avec elles. Quant aux autres membres de la famille, qui ne font pas partie des maisons de commerce et de banque, ils adoptent la même perspective : leurs filles épousent des receveurs généraux des rentes ou des notaires, ce qui est parfois très gratifiant : en novembre 1756, lorsqu’une des filles de Barthélemy III Le Couteulx qui a quitté la société Le Couteulx et Cie plus de dix ans auparavant, Élisabeth se marie avec un notaire parisien, Jean Simon Thomas Vanin, le contrat est signé par Monseigneur le duc d’Orléans, le marquis d’Argenson, secrétaire d’État aux Affaires Étrangères, le marquis de Paulny, secrétaire d’État à la guerre, Joly de Fleury procureur général du Parlement de Paris, M. de Silhouette, chancelier de Mgr le Duc d’Orléans, l’abbé Terray, conseiller du Parlement, Mr. Gilly, directeur de la Compagnie des Indes40.
30Les membres de la dynastie Le Couteulx ont-ils épousé des nobles ? Quelques filles y sont parvenues mais aucune d’entre elles n’a pu s’unir à un membre de la noblesse possédant un titre de comte, marquis ou duc. Le plus élevé dans la hiérarchie nobiliaire fut le noble de robe Henri Bigot baron de Monville, fils d’un président du Parlement de Normandie et membre du Parlement lui-même, qui accepta d’épouser Marie-Catherine, une des filles de Jean VIII et de Geneviève Dufour. La plupart d’entre elles doivent se contenter d’épouser des écuyers possédant un titre de seigneur tels Pierre de Toumebue seigneur de Livet, Guillaume-François de Boislard seigneur de Vauville, Pierre de Piperey seigneur de Marolles, tous établis en Normandie. Quant aux fils, il semble bien qu’à l’exception de Jean-Barthélemy Le Couteulx de Canteleu qui après le décès de sa première épouse se soit remarié avec Charlotte Alexandrine Formont Cléronde de Sermentot, fille de feu Philippe René Formont de Cléronde, chevalier de Sermentot et de Gilette Catherine d’Arthenay et dont un des frères possède le titre de comte de Sermentot, aucun autre Le Couteulx n’épousera une femme appartenant à la noblesse41.
31Un autre aspect du comportement matrimonial des Le Couteulx, essentiellement au xviie siècle, fut le désir de resserrer leurs liens avec une famille marchande en multipliant les unions avec elle. C’est le cas des Lustin : en 1606, Daniel I épouse Marie Lustin, en 1613, Jacques I s’allie à Catherine Lustin, en 1630, Robert II Le Vavasseur, neveu des deux frères, se marie avec Michèle Lustin. Ce même procédé existe avec la famille Le Brest : Jacques III convole en 1653 avec Madeleine Le Brest, en 1657, un de ses frères Antoine I s’unit avec Marguerite Le Brest, enfin, en 1666, Étienne I vient de Rouen pour s’unir avec Catherine Le Brest qui l’accompagnera dans la ville normande.
32L’union avec les de Berny ne s’explique pas uniquement par la volonté des Le Couteulx de s’appuyer sur cette grande famille de marchands-drapiers. En effet, si Barthélemy II épouse en 1690 Charlotte Lucrèce de Berny dont les parents sont toujours des marchands-drapiers établis rue Saint-Honoré, ce n’est plus le cas en 1702 quand Étienne III, le fils d’Étienne I, se marie avec Marguerite de Bemy, une sœur de Charlotte Lucrèce. Les de Berny ont abandonné en 1694 leur négoce pour une charge de secrétaire du roi et Étienne III ne prend pas la succession de son père à la tête de Le Couteulx et Cie, mais acquiert aussi une charge de secrétaire du roi. Ce mariage n’a donc pas pour objectif de renforcer mutuellement deux sociétés, mais sans doute de lier encore plus deux familles.
33Au xviiie siècle, les Le Couteulx adoptent un autre comportement. Ils vont assez fréquemment se livrer à des unions consanguines tant à Rouen qu’à Paris. Dans la capitale du royaume, Jacques VII Le Couteulx, un fils de Jean-Étienne I, revenu de Cadix, s’unit à Catherine-Paule Le Couteulx, la fille de Jean X, un cousin de Jean-Étienne I, et de Catherine Brochant. En 1769, Jacques-Jean, le fils de Jacques VII, épouse Geneviève-Sophie Le Couteulx une fille de Jean-Jacques-Vincent, décédé quelques années plus tôt. Et cette pratique se poursuivra après la Révolution : le 14 messidor an XII (3 juillet 1804) un contrat de mariage est signé entre Jacques-Félix, le fils de Jacques-Jean et Alexandrine-Sophie, une des filles de Barthélemy-Jean-Louis Le Couteulx. Ces mariages consanguins se sont donc déroulés sur trois générations42.
34Ce comportement n’est pas propre aux Le Couteulx de Paris. Ceux de Rouen ne s’en effrayent pas. En 1750, Antoine IV Le Couteulx se marie avec Marie-Françoise Rolland, une fille de Romain Jacques Pierre Rolland et de Marie-Louise Le Couteulx, cette dernière étant une des filles de Jean-Étienne I Le Couteulx. Son épouse ayant disparu prématurément, Antoine IV se remarie en 1758 avec Geneviève Pommeraye, une fille de Louis Pommeraye et de Marie-Catherine Le Couteulx, fille de Barthélemy I Le Couteulx et de Marie-Anne Boette. Cette deuxième épouse vit encore moins longtemps que la première. Antoine IV va donc se remarier une troisième fois. Qui choisit-il ? Louise-Aimée Le Couteulx, une fille de Thomas-Barthélemy alors conseiller au Parlement de Normandie et fils de Barthélemy I. Le petit-fils de ce dernier, Jean-Barthélemy ne se comportera pas autrement. En 1775, Anne Le Couteulx, la fille d’Antoine IV dont Jean-Barthélemy est devenu l’associé dans la maison de commerce de Rouen accepte de l’épouser, Jean-Barthélemy déclarant qu’il a fréquenté Anne Le Couteulx depuis quatre ans et qu’« il épouse sa parente en raison de conformité d’humeur et d’attachement »43. Ces mariages consanguins furent autorisés sans difficulté par l’Église catholique. Cette dernière, accorda du moins à Rouen, une dispense des empêchements canoniques. Après avoir obtenu une bulle du pape, Antoine IV se vit accorder par le vicaire de l’archevêque de Rouen, en 1758, l’autorisation de se marier sans publication de bans. Il en alla de même en 176144.
35Ces nombreux mariages consanguins ont-ils eu des répercussions sur la santé des membres de la famille Le Couteulx. Il ne le semble pas. Les Le Couteulx ont perdu comme la plupart des familles françaises des enfants en bas âge. Mais un grand nombre de ceux qui ont survécu aux maladies de la petite enfance ont connu une belle longévité. Nombreux parmi eux ont dépassé la soixantaine. C’est le cas de Guillaume I (1538-1611) décédé à l’âge de 73 ans, de Daniel I (1579-1657) qui meurt à 78 ans, de Jean IV (1583-1651) qui disparaît à 68 ans, de Jacques I (1585-1652) qui s’éteint à 67 ans. Il en va de même de Jacques III (1626-1711) qui atteint l’âge respectable de 85 ans, de son frère Antoine I (1628-1698) décédé à 70 ans, le même jour qu’Étienne I (1630-1698) qui « n’a que » 68 ans. Les enfants de Jacques I, Antoine I et Etienne I ne sont pas pour la plupart morts très jeunes. Jean-Étienne I (1659- 1757) succombe à l’âge respectable de 87 ans tandis que son frère Barthélemy I (1665-1757) passe de vie à trépas à l’âge de 82 ans. Quant aux derniers dirigeants de la maison de banque, Jacques-Jean (1740-1823) meurt à 83 ans et Jean-Barthélemy, qui a vu le jour en 1746, avait 72 ans quand il meurt en 1818. Il est vrai que Barthélemy-Jean Louis et Laurent-Vincent comme leur père Jean-Jacques-Vincent n’ont pas atteint la cinquantaine. Ils sont morts respectivement à 47 et 40 ans, leur père ayant disparu à 49 ans. Toutefois le seul Le Couteulx qui a subi un lourd handicap s’appelait Jean-Jacques Le Couteulx, sourd et muet de naissance, il avait été interdit pour cette raison, mais comme c’était le fils de Jean X Le Couteulx et de Catherine Brochant, on ne peut affirmer que son infirmité avait pour cause une consanguinité qui n’existait pas entre les deux parents45.
36Comment les Le Couteulx ont-ils utilisé leur fortune qui a connu une augmentation régulière ? On peut penser que jusqu’aux premières décennies du xviiie siècle, leurs profits étaient utilisés surtout pour accroître les fonds propres des maisons de commerce et de banque de Paris et de Rouen, puis d’établir une société en commandite à Cadix disposant d’un capital relativement élevé. Mais ensuite, les dirigeants de Le Couteulx et Cie y renoncent alors que leurs profits continuent à augmenter comme le démontre la croissance de leurs richesses. Ils vont se tourner vers l’achat de biens mobiliers et surtout immobiliers même s’ils en possédaient déjà, surtout en Normandie.
37 Il semble que Laurent II Le Couteulx ait été propriétaire après son arrivée à Rouen dans les premières décennies d’une maison rue de l’Épicerie et que son troisième fils, Jean III, en ait hérité et en était encore possesseur en 1608-160946. On connaît mieux la maison achetée par le fils aîné de Laurent II, Guillaume I, à la fin du xvie siècle ou au début du xviie siècle située rue Malpalu qui donnait sur le parvis de l’église Saint Maclou et où logeaient les marchands les plus riches de la paroisse Saint Maclou. Après sa mort, en effet, cinq de ses fils « héritiers en partie de feu Guillaume Le Couteulx » acceptent de céder leur part dans la maison à David leur frère aîné moyennant le versement à chacun d’entre eux de 1 200 lt.47. On peut donc évaluer le prix de la maison à 7 200 lt. Pendant tout le xviie siècle, les Le Couteulx poursuivent leurs achats immobiliers. En 1620, Guillaume II, encore marchand, achète une maison, paroisse Sainte-Croix, consistant en deux corps de logis moyennant 8 000 lt.48. L’année suivante, le même Guillaume II acquiert de Robert de Griffon une maison sise en la paroisse Saint-Nicolas composée de deux boutiques, une salle, deux chambres, pour le prix de 3 400 lt.49.
38Son frère Jean IV, un des dirigeants de Le Couteulx et Cie, n’est pas en reste. En 1629, l’oncle de son épouse, Étienne Barbot, lui vend une petite maison située paroisse Saint-Hilaire à l’Est de la ville consistant en deux petits corps de logis donnant sur une cour avec un jardin contre 1 500 lt.50. À sa mort, survenue en 1651, Jean IV possède une maison rue Malpalu qu’il a achetée le 22 décembre 1650 à Jacques Alexandre, plusieurs autres, Cour Rebault paroisse Saint-Maclou, une masure paroisse Saint-Hilaire, deux autres Faubourg Saint-Sever alors qu’il vient d’en vendre une autre, rue Malpalu, comprenant une boutique, un ouvroir et une chambre à Pierre Bezuquet marchand-drapier pour 2400 lt., maison qu’il avait achetée en 1642 et qu’il demeure en location dans une maison située rue Damiette en face de l’église Saint-Maclou, cette rue étant à cette époque une des artères les plus somptueuses de Rouen51.
39Aucune maison achetée à Rouen par les Le Couteulx avant les dernières décennies au xviie siècle n’a dépassé le prix de 10000 lt. Il en va autrement ensuite. En 1680, quand Etienne I Le Couteulx achète en son nom et en celui de ses deux frères à Luc Fermanel, un prêtre directeur des séminaires des missions étrangères à Paris et qui est membre de la famille Fermanel, qui, au xviie siècle, appartenait au sommet de la hiérarchie marchande rouennaise, une grande maison rue de l’Épicerie paroisse Saint-Denis, au cœur de la ville, comprenant deux corps de logis séparés par une cour, plusieurs autres bâtiments non précisés et deux caves, il la paye 19 000 lt.52.
40En 1699, les Le Couteulx procèdent à une nouvelle acquisition. Henri Henriquez, conseiller au Parlement de Normandie leur a vendu pour 39000 lt. une maison située rue aux Ours, parallèle à la rue du Grand Horloge. Elle est décrite de la façon suivante : quatre corps de logis dont l’un est sur le devant de la rue, comprenant des cuisines, des salles, des chambres, des « appartements », des caves et une cour au centre53
41Vingt ans plus tard, en juillet 1719, les Le Couteulx de Rouen et de Paris font l’acquisition d’une nouvelle maison toujours rue aux Ours et adjacente à celle qu’ils possédaient consistant en plusieurs corps de logis et cours avec des « cabinets, des chambres et des greniers dépendant de la dite maison », le vendeur Antoine Asselin, un marchand reçoit 40000 lt. plus un pot de vin de 500 lt. et 1400 lt. pour le principal d’une rente attachée à la maison54.
42Cet ensemble de corps de logis demeurera pendant des dizaines d’années une propriété indivise possédée par les associés rouennais et parisiens de Le Couteulx et Cie. En 1783, les associés décidèrent par le biais d’un contrat de licitation de le vendre à un membre de la famille qui en serait le plus offrant dans le cadre d’une vente aux enchères. Mis à prix 90000 lt., l’ensemble immobilier tomba entre les mains d’Antoine IV Le Couteulx qui y vivait depuis longtemps, pour le prix de 105 000 lt.55. Cette somme était évidemment beaucoup plus considérable que celles que les bourgeois de Rennes dépendaient pour leurs plus grosses transactions immobilières qui ne dépassaient pas les 20000 lt. dans leur ville56.
43La branche parisienne a tardé avant d’acheter dans la capitale ses premiers bâtiments. Elle ne l’a fait qu’en 1729. Auparavant, elle louait ses sièges sociaux, mais en investissant des sommes de plus en plus élevés dans ses locations.
44Si Daniel I Le Couteulx avait commencé à s’établir sur la rive gauche d’abord sur le Pont Saint-Michel puis rue Saint-André-des-Arts, son frère Jacques I associé de David I puis de Jean IV habita d’abord rue Saint-Denis dans la paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois sur la rive droite, dans une maison à l’enseigne de l’Échiquier d’Or. En 1632 au plus tard, il déménageait et gagnait avec son neveu et associé Robert II Le Vavasseur la paroisse Saint-Eustache où les marchands furent toujours très nombreux : il louait une maison rue de la Grande-Truanderie, en face du Puits d’Amour, appartenant à Louis de Creil, bourgeois de Paris. La maison comprenait deux corps de logis séparés par une cour, un jardin avec des arbres fruitiers, un puits... La compagnie Le Couteulx et Cie était suffisamment à l’aise pour payer 600 1t. par an57. En 1650, on l’a vu, Jacques I la quitte pour une maison encore plus luxueuse, rue Neuve-Saint-Honoré qui est devenue une des rues principales d’un quartier qui a vu le jour après l’édification de la nouvelle porte Saint Honoré58. Cette maison dont le bailleur est Christophe Maillet, receveur général de l’ordre du Saint Sépulcre, se compose d’un corps de logis, une cour dans laquelle existe une écurie pour six chevaux, un « hangar » pour mettre carrosse, une cuisine, deux caves. Dans le logis proprement dit on trouve une grande salle, un petit cabinet, une autre grande salle ayant vue sur le jardin, deux grandes chambres et deux autres cabinets. Coût du loyer : 900 lt.59. En 1660, la veuve de Jacques I Le Couteulx qui demeurait dans ce qui était intitulé troisième corps de logis racheta l’ensemble immobilier qui contenait deux autres corps de logis. Le troisième corps de logis était mieux présenté. Grande cour avec écurie, grande et petite salle, cellier et cave au-dessous, deux chambres, garde-robe et cabinet au 1 er étage, deux salles et garde-robe et cabinet au 2e étage, un grand grenier et deux aisances dont l’une sous l’escalier, un garde-manger. Dans un premier jardin, il y a une salle à claire-voie couverte d’ardoises après lequel on trouve un grand jardin potager avec des arbres fruitiers. Pour l’acquisition de l’ensemble, la preneuse donna au bailleur Christophe Maillet une rente de 1 925 lt. qui lui appartenait60.
45Les neveux de Jacques I sont restés rue de la Grande-Truanderie. Mais, en 1652, Robert V Le Vavasseur abandonne la société Le Couteulx et Cie. Toujours marchand-drapier, il acquiert toujours rue de la Grande-Truanderie une maison à l’enseigne de l’Image Saint-Jacques pour 8000 lt., ce qui permet de penser qu’il s’agit d’une maison modeste61. Les cousins de Robert II Le Vavasseur continuèrent à demeurer locataires parvenant à sous-louer une partie de leur immeuble. Mais, en 1671, ils s’abandonnèrent pour en louer une autre toujours située rue de la Grande-Truanderie. Elle consistait en deux corps de logis, l’un sur le devant, l’autre sur le derrière. Au milieu du corps de logis donnant sur la rue, il y avait une petite porte (et non une porte cochère), ce qui pouvait faire penser que les Le Couteulx n’étaient pas encore au sommet de la hiérarchie sociale puisque d’après un étranger venu à Paris à la fin du xviie siècle, toutes les maisons appartenant à des personnes distinguées, étaient construites avec des portes cochères. La description de l’intérieur des corps de logis fut elliptique car les Le Couteulx disaient bien les connaître pour les avoir vus et visiter. Le loyer était fixé à 1 300 lt. par an62.
46Quelques années plus tard, Le Couteulx et Cie changeait à nouveau de siège social sans quitter la rue de la Grande-Truanderie. Elle gagnait une maison récemment construite sous l’autorité de Joachim de Seiglière de Boisfranc, chancelier du duc d’Orléans, frère unique du souverain. Le prix de la location se montait à 2000 lt. par an, ce qui apparaît comme très élevé puisque Samuel Bernard qui avait loué en 1701 une maison rue Mauconseil appartenant à Joachim de Seiglière ne payait que 1 400 lt. de loyer annuel. Il est vrai qu’il n’était pas encore devenu le grand financier de la monarchie63.
47En 1721, les Le Couteulx abandonnèrent la rue de la Grande-Truanderie pour la rue Mauconseil, peut-être pour s’installer dans une maison appartenant aux de Bemy, mais ils n’y demeurèrent que quelques années, puisqu’on 1729 ils procédèrent à leur première acquisition parisienne.
48Jean X et Jacques VI qui dirigeaient avec Barthélemy III, Le Couteulx et Cie acquirent une grande maison rue Montorgueil appelée l’Hôtel d’Auch, ainsi que deux maisons adjacentes, l’Hôtel d’Auch fut vendu par adjudication en 1729 à un certain Chaumat, avocat au Parlement de Paris, qui n’était comme il le déclara que le prête-nom de Jacques VI et Jean X Le Couteulx. Les Le Couteulx ne se contentèrent pas de débourser par l’intermédiaire de leur prête-nom 173 780 1t. 18 s pour l’achat, ils ajoutèrent 103 386 lt. 15 s 2 d, ce qui représentait le montant des réparations et des embellissements de leur nouveau siège social, soit au total plus de 277 000 lt.64.
49Les partages des successions de Jacques VI Le Couteulx et de Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx peuvent donner une idée de ce que pouvait être l’Hôtel d’Auch. On y entrait par une porte cochère donnant sur la rue Montorgueil, sur le côté gauche se trouvait une boutique, au centre une grande cour avec plusieurs bâtiments de deux étages au dessus du rez de chaussée avec greniers, séparés par une « avenue », en face de « l’avenue » le grand corps de logis dans lequel on entrait par un vestibule qui conduisait au jardin, à droite et à gauche du vestibule étaient situés les comptoirs, la caisse et les bureaux de la compagnie. Au premier étage, cinq grandes pièces donnaient sur le jardin et cinq autres sur la cour. Au second étage, on rencontrait huit petites chambres qui donnaient sur un corridor. Il existait d’autres dépendances. Enfin, derrière le grand corps de logis s’étendait un jardin d’une superficie de trois quarts d’un arpent soit environ 1/3 d’hectare65.
50L’inventaire après décès de Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx donne quelques précisions supplémentaires et tient compte des changements qui se sont produits dans l’Hôtel d’Auch depuis une trentaine d’années. Il est signalé des caves, une cuisine, au premier étage une salle à manger ayant vue sur la cour, un office attenant à la salle à manger, une chambre où couchait le défunt, une autre chambre où dormaient ses filles mineures, un petit cabinet, une salle de bains, une autre chambre pour le fils aîné de Jacques-Jean-Vincent, la chambre de la demoiselle Mallot, femme de chambre, l’antichambre de l’appartement d’un autre fils de Jean-Jacques-Vincent, au second étage, une chambre ayant vue sur la cour, deux salons, un cabinet du défunt, une chambre de domestique, un autre cabinet. Dans les combles appelés troisième étage, plusieurs chambres de domestiques, un garde-meuble, un grenier. Cette description est sans doute incomplète car une partie de l’hôtel est également habitée par Jacques V1166.
51Depuis longtemps, les enfants de la bourgeoisie d’affaires possèdent leur propre chambre. Plus récente est l’existence d’une salle de bains qui n’était pas mentionnée en 1738. Située au premier étage, elle comprend un marchepied à quatre échelons, un balai de crin, un fauteuil d’aisance garni de son seau de fayence, une couchette et une baignoire de cuivre rouge avec deux robinets de porcelaine, une chaudière de cuivre rouge dans son châssis de plâtre garni de son fourneau, d’un réservoir et de tuyaux de plomb, l’ensemble étant évalué à 300 1t. Au second étage, il existe un cabinet servant de toilette (sans doute destinée aux domestiques) dans lequel sont installées une table de toilette, une chaise de propreté garnie d’un seau de fayence et dans la chambre des filles Le Couteulx figure une chaise d’aisance garnie également d’un seau.
52Les maisons rouennaises appartenant à la famille Le Couteulx disposent également de nombreuses pièces mais elles ont un aspect plus agreste. C’est le cas de celle de la rue de l’Epicerie haute de trois étages avec un grenier. Au rez-de-chaussée est installé le comptoir, au premier étage plusieurs chambres dont celle du mari et celle de la femme, plusieurs petites chambres au second étage, un galetas, un grenier et la chambre des laquais au troisième étage. Dans la cave, 12 muids de vin et comme on est en Normandie une pipe de cidre. Derrière le bâtiment s’étend un jardin avec au fond un autre petit bâtiment dans lequel on trouve un salon avec deux lits de bois et un petit lit de camp, enfin au-dessous de ce salon, une serre où l’on a installé 18 orangers dont 16 en carré et 2 en pots, ainsi que deux figuiers et une écurie dans laquelle on découvre « une vache de poil rouge »67.
53Quant à la maison de la rue aux Ours d’après l’inventaire après décès d’Antoine IV Le Couteulx daté de 1810, on y décrit le corps de logis à trois étages comportant de nombreuses chambres, antichambres et cabinets et au 3e étage plusieurs chambres en mansarde ainsi qu’un grenier, une lingerie et un garde-meuble68.
54Les Le Couteulx ne se sont pas contentés d’utiliser une partie de leur fortune pour acquérir des habitats urbains. Comme beaucoup d’autres bourgeois fortunés, ils se sont tournés vers l’achat de maisons de campagne, et plus tardivement de châteaux avec le plus souvent de grands domaines fonciers les environnant. Une nouvelle fois, on peut constater la différence entre les acquisitions du xviie siècle qui ne dépassent pratiquement jamais les 10000 lt. et celles du xviiie siècle où il est fréquent qu’ils s’engagent dans des dépenses supérieures à 100000 lt.
55Au moment de son décès en 1611, Guillaume I Le Couteulx possédait plusieurs biens fonciers dans un hameau appelé le Bout du Bosc dans la paroisse de Saint-Jean-du-Cardonnay, au nord de Rouen. Il s’agissait de plusieurs clos de bois de hêtres dont l’un d’une superficie de deux acres et demi sur le chemin du Roy de Rouen à Caudebec, de plusieurs pièces de terres dont l’une d’une superficie de trois verges et sept perches, et enfin d’une masure avec maison, étable, grange, four et une terre de labour d’une acre quatre perches69.
56Un de ses neveux, Guillaume III, demeurant à Rouen comme marchand-teinturier avait, quant à lui, acquis dans le hameau du Pot de Beurre près de Barcntin, une masure et des terres labourables quelques mois avant sa mort70.
57Les Le Couteulx de Paris ont également fait quelques acquisitions d’un prix peu élevé. Daniel I Le Couteulx a payé 4000 1t. pour une maison et un jardin à Guyancourt près de Versailles, mais il s’agissait d’y loger son fils Daniel II devenu curé de cette paroisse. Quand Daniel II abandonnera la paroisse de Guyancourt pour celle de Saint-Leu-Saint-Gilles à Paris, elle sera louée à un habitant du Bue moyennant 75 lt. par an71.
58Son frère Jacques I adoptera le meme comportement. Il achètera une ferme d’Orgerus, le village de la famille de son épouse, avec cent arpents de terres labourables coûtant 6000 lt. Surtout en 1640, il avait acquis une maison à Courbevoie comportant une salle, deux grandes chambres au-dessus, un galetas, au-dessous du corps de logis, une cave avec un pressoir. Dans une cour, il y avait des pieds de vigne et une allée plantée d’arbres. Il avait versé pour l’obtenir à Nicolas Dubois, receveur des rentes de l’Hôtel de ville de Paris, une rente de 400 lt. plus une soulte de 600 1t. payée en pistoles d’Espagne. Cette maison de campagne demeurera entre les mains de la dynastie Le Couteulx pendant près d’un siècle même si une partie des terres plantées en vignes seront louées à des vignerons de Courbevoie72.
59Les Le Couteulx s’y rendent relativement souvent, c’est du moins ce qu’on peut penser à la lecture de l’inventaire après décès d’Antoine I Le Couteulx73.
60Comment se présente cette maison de campagne près de soixante ans après son achat ? On y trouve une cuisine, une salle ayant vue sur le jardin, une dépense où l’on rangeait les provisions, une grande chambre avec une couche à hauts piliers, orné de plusieurs tableaux prisés 200 lt., une petite chambre ayant vue sur le jardin, au premier étage un « appartement » avec deux couches et un « grand billard de bois couvert de drap vert » prisé 100 1t. et plusieurs petites chambres avec des couches. Au-delà du jardin existe un pavillon neuf avec plusieurs chambres dont l’une est occupée par un lieutenant d’une compagnie suisse. Le total des biens mobiliers de la maison de Courbevoie est estimé à 3 033 lt.74.
61Au xviiie siècle, les achats de biens fonciers opérés par les Le Couteulx de Pari ou de Rouen augmentent considérablement. Jean-Étienne I et Barthélemy I qui se sont fait appeler respectivement, au cours des premières décennies du siècle, Le Couteulx des Aubris et Le Couteulx de la Noraye ont sans doute acheté des fermes portant ces appellations sans qu’on en soit certain75. En revanche, le premier nommé a effectivement acquis une maison avec des terres à Hautot-sur-Seine dominant la vallée du fleuve. Son fils Jacques VII en héritera et lors de sa mort, en 1768, la maison avec le jardin sera prisée à 30000 lt. auxquels on ajoutera 10000 lt. représentant les meubles meublants76. De son côté, Barthélemy I acheta à un conseiller du Parlement de Normandie, en 1715, « une maison cour et jardin et autre bâtiment » dans la paroisse de Saint-Martin d’Oissel au bord de la rivière Seine plus une portion d’île appelée l’île de Saint-Martin pour le prix de 7500 It. dont 6500 1t. pour les héritages et 1 000 lt. pour les meubles meublants77. Un autre dirigeant de la branche rouennaise, Antoine III fit l’acquisition en 1740 d’un héritage situé au hameau de Dieppedalle, dans la paroisse de Canteleu à l’Ouest de Rouen78. Antoine II, un fils de Jacques III et de Madeleine Le Brest avait été un temps marchand à Rouen. Au début des années 1720, il abandonna sa profession, devint héraut d’armes et se retira à Saint-Just près de Vernon où il acheta une maison close de murs avec jardin et des bois79. C’est dans ce même village qu’un de ses frères, dirigeant de la maison de Paris, acquit en 1729 une propriété située rue des Moulins comprenant une maison et ses dépendances, des terres labourables et des vignes pour 3 500 lt.80. C’est probablement dans cet endroit que selon l’avocat P.N Berryer qui fut à leur service pendant la Révolution et l’Empire que les dirigeants Le Couteulx avec leurs familles se rencontraient pour procéder à un inventaire annuel81.
62Le premier grand achat fut opéré par Barthélemy III en 1752 qui avait déjà quitté Le Couteulx et Cie, mais qui continuait à effectuer des opérations de banque. Il acquit pour 130000 lt. auxquelles il fallait ajouter 4200 lt. pour les effets mobiliers, les terres et seigneurie du Vertron situées dans la paroisse de Montaches, près de Sens. Château, cour, basse-cour, jardins et parcs fermés, maisons et bâtiments, moulins, tuilerie, four à chaux, trois étangs, soixante-dix-neuf arpents de prés et de pâtures, deux cent quatre-vingt-quatorze arpents de bois, quatre cent trente-quatre arpents de terres labourables plus des friches, tel était l’ensemble considérable de la propriété dont Barthélemy III Le Couteulx qui désormais allait s’appeler Le Couteulx du Vertron devenait propriétaire82.
63En 1754, ce fut au tour d’Antoine-Louis, revenu de Cadix, de procéder à un achat d’un héritage dans la paroisse de Saint-Martin de Canteleu, toujours à l’Ouest de Rouen, consistant en maison, masures et autres bâtiments à différents usages, jardins, une pièce de terre de 15 acres, bois, taillis et arbres de haute futaie pour 30000 lt., somme qui fut portée l’année suivante à la suite d’une contestation d’un parent du vendeur à 34761 lt. 8 s83.
64Après la délivrance de lettres d’anoblissement à deux membres de la famille en 1756, les achats se multiplièrent à des prix de plus en plus élevés car il s’agissait souvent d’une seigneurie comportant un château. Jacques VII acheta en 1757 au duc et à la duchesse de Chaulnes la terre, seigneurie et châtellenie du Molay, située en Basse-Normandie près de Bayeux, non loin de la mine de Littry mise en activité en 1744. Cette propriété consistait en un ancien château composé de plusieurs édifices avec une chapelle, murs, tours, fosses et pont-levis, basse-cour dans laquelle il y avait plusieurs bâtiments à divers usages, un colombier, un potager clos de murs, des terres labourables, des herbages et des pâturages. Devenu désormais Le Couteulx du Molay, Jacques Vil récupérait des droits de banalité sur des moulins à eau et à vent situés dans plusieurs paroisses, des droits de moyenne et de basse justice, de présentation à la cure de la paroisse du Molay, de chasse et de pêche. Le coût était énorme. Jacques VII devait payer 480000 lt., ce qu’il parvint à faire le 10 juillet 1757, soit moins d’un mois après la signature du contrat de vente ayant emprunté seulement 76000 lt. soit 50000 lt. au marquis de Montataire et 26000 lt. à Jacques Mouthiers, lieutenant général du bailliage de Pontoise. Cela témoignait de la formidable richesse des Le Couteulx au milieu du xviie siècle84. Dix jours plus tard, son frère Jean-Étienne II, héritier comme lui de Jean-Étienne I, qui n’était plus négociant, mais qui avait acheté un office de Trésorier du Bureau des Finances de la généralité de Rouen faisait l’acquisition des terres, fiefs et seigneurie du Puy de la Vallée, Froissy, Provinlieu, Beaulieu, domaines situés en Picardie et consistant en un ancien château situé au Puy, jardin, fermes, métairies, moulin à vent, domaines et terres labourables, bois, rentes et redevances « tant en argent qu’en grains, volailles et autres champarts, corvée, droits de moyenne et haute justice ». Il devait payer au vendeur, le marquis de Saint-Vallier, 145000 lt. dont 100000 lt. en espèces immédiatement et le solde en juillet prochain85.
65Ces types d’achat vont se poursuivre très régulièrement. Parfois ils ne représentent que somme relativement faible. C’est le cas lorsque le conseiller au Parlement de Normandie, Thomas-Barthélemy Le Couteulx achète une petite maison avec jardin à Oissel contre 500 lt.86. Mais le plus fréquemment ce sont des dizaines de milliers de livres, voire des centaines de milliers qui sont investis dans l’achat de biens fonciers. C’est ainsi qu’en 1760, deux des dirigeants des sociétés de Paris et de Rouen, Jean-Jacques-Vincent et Antoine-Louis font l’acquisition en commun d’un domaine situé à l’Est de Rouen dans le Vexin normand. Il s’agit du fief, seigneurie et châtellenie d’Hacqueville et Richeville qui appartenait à Jean-Baptiste Fauvel, chevalier, seigneur de Hacqueville et Richeville, demeurant à Rouen. Cette propriété est immense. Qualifié de plein fief de haubert avec au centre un ancien château et plusieurs bâtiments avec un pressoir dont les vassaux seront tenus d’utiliser quand il sera rebâti comme ils doivent payer les deniers et en grains le champart. Mais il existe également un domaine non fieffé avec un château, des masures, des jardins d’une surface de 23 acres auxquels s’ajoutent 333 acres de terres labourables et 40 acres de bois taillis.
66Outre les rentes dont bénéficient désormais les Le Couteulx en tant que propriétaires de la seigneurie, ils vont disposer de plusieurs fermages. Cela explique sans doute qu’ils n’ont pas hésité à payer à Jean-Baptiste Fauvel la somme de 291 320 lt. dont une partie sera d’ailleurs versée aux créanciers du vendeur87.
67Une partie de cette propriété sera rapidement affermée. En 1766, par exemple, Antoine-Louis conclut un contrat avec deux « laboureurs » les frères Brunet déjà fermiers lorsque Jean-Baptiste Fauvel était propriétaire. Il leur loue une ferme d’Hacqueville constitué d’un manoir près de l’ancien château, des pièces de terre dont l’une de 17 acres, 1 verge 10 perches pour 9500 lt. pour une durée de neuf ans88.
68En 1768, les Le Couteulx procédèrent à deux nouveaux gros achats de biens fonciers. En avril, Antoine IV Le Couteulx achetait la terre et seigneurie de Verclives, non loin d’Hacqueville, à Philippe de Vieilzmaisons, seigneur de Verclives. Ce domaine consistait en un château couvert d’ardoises, une cour d’honneur, une ancienne chapelle transformée en une maison pour un jardinier, un four, une basse-cour, un colombier bâti en briques, trois écuries, deux remises, deux petites étables, des greniers à blé, le tout, y compris les glaces et lambris du château, valait 132400 lt.89.
69Le 13 octobre, c’était au tour d’Antoine-Louis et de Hélène-Olympe Paleme, la veuve de Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx de s’emparer des terres et seigneuries de Farccaux, Suzay, Neuville, Harcourt, Bonnemare et Villers situés non loin de Hacqueville. Ils devaient verser au marquis et à la marquise de Romé 410600 lt. pour un domaine non fieffé consistant en un château bâti et édifié depuis environ cent cinquante ans, une cour d’honneur, basse-cour, écuries, remise, volière, logements de concierge et de jardinier, jardin potager, un parc planté en futaie, le tout d’une superficie de 13 acres, 2 verges. S’y ajoutaient près du château une masure avec maison de fermier, écuries, colombier, granges, pressoir, fournil et autres bâtiments dont un château qui avait été démoli et dont il restait sans doute quelques débris. Bien entendu, le domaine comprenait également des terres labourables dont 96 acres et 6 perches dans la paroisse de Farceaux, tandis que dans la seigneurie de Suzay on relevait une maison, des granges, un pressoir, un enclos planté d’arbres fruitiers, le tout d’une surface de 5 acres et 60 perches, auxquels s’ajoutaient outre un moulin et une maison de meunier, des terres cultivables d’une superficie de 181 acres et 11 perches. Quant au domaine fieffé, il s’étendait sur 600 acres ou environ dont les vassaux seraient contraints de payer diverses rentes et le champart.
70Les Le Couteulx allaient venir souvent au château de Farceaux qui était décrit comme comprenant la chambre du marquis, celle d’un valet de chambre, une salle à manger, une salle « brune », une chambre en entresol sous le petit escalier, au premier étage plusieurs chambres baptisées le Printemps, l’Été, F Automne, l’Hiver avec des cabinets de toilettes et des garde-robes. Au deuxième étage, plusieurs chambres et cabinets, une salle de billard. Les deux Le Couteulx payèrent 310600 lt. comptant et s’engagèrent à régler le solde en deux années avec un intérêt de 4 %, ce qui fut réalisé90.
71Jusqu’au début des années 1770, la majeure partie des acquisitions de domaines fonciers ou de seigneuries réalisées par les Le Couteulx de Rouen ou de Paris se situaient en Normandie. À partir de cette décennie on assista à une modification de la stratégie foncière. Si les Le Couteulx de Rouen continuèrent à agrandir leurs propriétés dans leur province, ceux de Paris décidèrent de se tourner vers l’Ile-de-France, le plus souvent après leur mariage, la dot de leurs épouses ne pouvant que faciliter leurs transactions.
72Jacques-Jean Le Couteulx du Molay s’était marié en 1769. Déjà propriétaire par héritage de son père du domaine du Molay, il acheta en 1771 à la veuve de Henry-François d’Aguesseau, conseiller d’État, la terre, fief et seigneurie de la Malmaison située dans la paroisse de Rucil sur la route de Paris à Saint-Germain-en-Laye dont l’élément essentiel était un château entouré d’un jardin et d’un parc. Le château de la Malmaison tel qu’il est décrit en 1771 lors du contrat de vente des meubles comprend des offices, une cuisine, une avant-cuisine, une salle à manger, une petite antichambre, une grande chambre, un boudoir, deux commodités à l’anglaise, une antichambre, une chapelle, deux salons, une autre commodité, dix-sept chambres plus petites, deux entresols. Dans le parc sont placés quatorze statues grandes comme nature, dix-huit vases, vingt bancs de pierre, une serre, une loge de concierge. Le château et le parc coûtent 180000 lt. dont 51 000 It. sont payés en louis, le reste en contrats de rente tandis que le prix des meubles y compris ceux qui sont dans la loge du concierge et les objets placés dans le parc valent 40000 1t.91. Jacques-Jean Le Couteulx du Molay ne se contenta pas d’acheter le domaine de la Malmaison. Il entendit mettre la demeure au goût du jour en agrandissant le château, en y faisant construire deux ailes de part et d’autre. Il y ajouta un jardin à l’anglaise avec de très nombreux arbres et des plantes d’origine étrangère très rares. Sur la partie sud du parc, il y fit construire une tour de forme carrée et de quatre étages où furent implantés un cabinet d’histoire naturelle et un pavillon de forme octogonale92. Ces embellissements furent sans doute très coûteux.
73Rentré de Cadix en 1779 et ayant épousé cette même année, Marie-Madeleine Le Boucher, Barthélemy-Jean-Louis Le Couteulx décida de se tourner vers l’Est de la capitale, c’était une première, pour y établir une résidence campagnarde. C’est à Noisy-le-Grand qu’il acheta à la marquise de Béthune, un château composé de six appartements et le domaine de Villeflix qui dominait la Marne avec un parc de 50 arpents, 38 arpents de bois taillis, un corps de ferme, 75 arpents de terres labourables et 20 arpents de prés, le tout pour 200000 lt. Comme l’avaient fait avant lui d’autres Le Couteulx, il accepta de recevoir les meubles meublants appartenant à la marquise, ce qui lui occasionna une dépense supplémentaire de 14382 lt. 14 s93.
74Laurent-Vincent, le frère de Barthélemy-Jean-Louis, après son retour de Cadix s’était marié en 1785. Deux ans plus tard, il procéda à l’acquisition du château de Voisins, situé à Louveciennes, non loin de la Malmaison. Ce château est présenté comme une grande maison avec une entrée de porte cochère sur une grande place. Ce domaine de Voisins comprend un bâtiment principal et plusieurs autres bâtiments, sans doute plus petits, plusieurs cours et une basse-cour, un jardin potager, un parc, il existait une douzaine d’arbres plantés en quinconce en face d’une grille. La marquise de Castellane qui l’avait acheté au duc de Chartres réclamait 90000 lt. à Laurent-Vincent. Celui-ci accepta ce règlement mais il dut payer des intérêts car la somme fut payée le 30 juin 1787 alors que le contrat avait été signé le 16 mars et les meubles meublants estimés à 30000 lt. Il déboursa en tout 121 168 lt. 2 s 6 d94.
75En 1788, Jean-Barthélemy Le Couteulx se rendit à Paris pour prendre la direction de la branche parisienne. Pendant son séjour à Rouen il avait acquis des biens fonciers notamment à Canteleu suivant en cela Antoine-Louis qui en 1777 et 1778 avait fait l’acquisition dans la paroisse de Canteleu des bois et des terres dans le hameau de Croisset pour 5 500 1t. et une grande prairie dans la banlieue de Rouen pour 14400 lt.95. Après la mort d’Antoine-Louis en 1779, à la suite d’une licitation entre ses trois héritiers, Jean-Barthélemy, Barthélemy-Jean-Louis et Laurent-Vincent, ses propriétés de Canteleu furent mises aux enchères. Mises à prix à 50000 lt. au commencement, elles revinrent à Jean-Barthélemy, le dernier enchérisseur pour 66000 lt.96.
76Quelques mois plus tard en décembre 1780, Jean-Barthélemy, par l’intermédiaire d’Antoine IV Le Couteulx de Verclives devint possesseur de la terre et seigneurie de Canteleu, celle de Bapaume, le fief et la châtellenie de Croisset, ce qui lui revint à 165 000 lt.97.
77En 1789, Jean-Barthélemy fut élu député du Tiers État à Rouen. Quand l’Assemblée constituante se sépare en 1791, il essaie de redresser sa maison de banque qui, semble-t-il, est dans une position difficile. Cela ne l’empêche pas d’acheter en 1792 à Laurent Grimod de la Reynière, ex-marquis de la Reynière, une maison située à Auteuil près de Paris consistant en plusieurs bâtiments, un jardin de 18 arpents ou environ, un arpent cinquante-deux perches faisant partie du Bois de Boulogne et trente-deux arpents situés dans la paroisse ainsi que les meubles meublants. Ces derniers lui coûteront 10000 lt. tandis que pour le reste il devra verser au vendeur une rente annuelle de 4000 lt.98.
78Au cours du xviiie siècle, les Le Couteulx ont acquis leurs domaines surtout en Normandie et dans la région parisienne. Pourtant l’un d’entre eux, Jacques-Jean Le Couteulx du Molay s’est approprié pendant quelques années une propriété aux Antilles. Entré dans une société en 1776 comprenant avec lui le chevalier de Kersaint, lieutenant de vaisseau et Charles Meulan, receveur général des finances de la généralité de Paris, il avait pris part à l’achat en octobre 1777 d’une habitation sucrière située au quartier du Lézard, paroisse du Lamentin à la Martinique, comprenant des bâtiments, des maisons où demeuraient « des nègres tant grands que petits », des chevaux, des bêtes à corne et des ustensiles de manufactures mais qui sera revendue en 1783 à un habitant du Bourg Saint-Pierre de la Martinique pour 185 000 lt., étant entendu « que les barriques de sucre demeureront à la disposition de Jacques-Jean Le Couteulx jusqu’au premier janvier 1784 »99. Il est vrai que cette propriété n’avait pas donc la même finalité que les domaines patrimoniaux achetés par les Le Couteulx dans la France métropolitaine : elle devait essentiellement fournir du sucre et des denrées coloniales à la société Le Couteulx et Cie.
79 Entre 1754 et 1787, les dirigeants en activité dans la société Le Couteulx et Cie (Jacques VII, Antoine-Louis, Jean-Jacques-Vincent, Jacques-Jean, Barthélemy-Jean-Louis, Laurent-Vincent, Jean Barthélemy) ont investi au minimum plus de 1 800000 lt. dans la terre, soit environ 60000 1t. en moyenne par an, soit énormément plus que les bourgeois de Rennes100. Mais pas un seul, même anobli, n’en profita pour abandonner ses activités de négociant-banquier.
80Les achats de biens fonciers ne sont pas les seuls auxquels s’adonnent les Le Couteulx. Ils pratiquent aussi ce qu’à la suite de Thorstein Veblen, André Lespagnol appelle la consommation ostentatoire101. Il s’agit de l’argenterie représentée par de la vaisselle d’argent, des chandeliers, des jetons, des sucriers, des salières. Les bijoux appartiennent également à cette consommation ostentatoire ainsi que les horloges ou les montres et parfois les deniers encore que, bien souvent, les héritiers les font disparaître avant que le notaire ne commence l’inventaire après décès.
81Lorsque décède en 1625 Marie Lustin, l’épouse de Daniel I Le Couteulx, le couple ne possède pas d’argenterie, mais de la vaisselle d’étain. Les bijoux de la disparue se limitaient à un petit diamant et à un collier. Un quart de siècle plus tard, Nicolas I Le Couteulx et Jeanne Géhénault sont déjà beaucoup mieux lotis. Au moment de son mariage en juillet 1651, Jeanne Géhénault avait apporté de la vaisselle dans la communauté entre époux, elle ne fut donc pas inventoriée lors du décès de Nicolas I, mais le notaire inscrivit dans la minute trois anneaux et deux petits diamants, une paire de couteaux d’Angleterre à manche d’argent et des deniers comptant au total 324 lt.102.
82Cette somme ne représente que peu de choses si on la compare aux richesses de l’oncle Jacques et de la tante Catherine Lustin : 68 marcs d’argent, tel est le poids d’un bassin rond, d’un coquetier, d’une aiguière, de vingt cuillères, le tout d’une valeur de 2053 lt. En revanche l’anneau et les petits diamants sont prisés à 46 lt. Mais la valeur des deniers comptants atteint 3 000 lt.103.
83Si on analyse près d’un demi-siècle plus tard l’argenterie d’Antoine I Le Couteulx disparu en 1698, on n’est pas étonné de constater l’augmentation de la valeur de celle-ci. Une partie de la vaisselle d’argent est prisée à 2715 lt., mais il faut y ajouter une autre partie composée de deux bassins, d’assiettes, d’un grand plat, de 47 cuillères, de sucriers, d’un vinaigrier, de deux douzaines de couteaux. Antoine I Le Couteulx possédait également 111 jetons d’argent valant 5 357 lt. Mais il avait acquis également six médailles d’or évalué à 500 lt. Enfin dans une des chambres une pendule sonnante était estimée à 60 lt. Mais on n’avait retrouvé aucun denier104.
84L’augmentation de la valeur de l’argenterie possédée par les Le Couteulx au siècle suivant ne saurait étonner. En 1721, l’inventaire établi après la mort de Barthélemy II Le Couteulx indique que lui et sa femme Charlotte Lucrèce de Berny avaient réuni des petites cuillères à café, des aiguières, des coquemars, une huilière, deux salières, une dizaine de couteaux d’Angleterre, le tout d’une valeur de 3 581 lt. Les 169 jetons d’argent en leur possession représentaient la somme de 9527 lt. 11 s. Deux pendules sonnantes dont l’une à répétition fabriquée par l’horloger Coqueret valant à elle seule 200 lt., une montre dans une boîte au prix de 40 lt., un anneau d’or, des diamants et « dans l’armoire du défunt au bureau qu’il occupait au comptoir de la maison » on avait trouvé 339 louis d’or de la nouvelle fabrique d’une valeur unitaire de 45 lt., soit un total de 12 225 lt.105.
85Son cousin Jacques VI demeuré célibataire ne possédait ni bijoux ni deniers, ce qui peut être contesté. Mais la valeur de sa vaisselle d’argent atteignait 3 955 lt. 5 s. 9 d. et il disposait d’une petite pendule fabriquée par Balazard, un horloger parisien, qui malgré sa petite taille, était estimée à 150 lt.106.
86Le frère de Barthélemy II, marié à Catherine Brochant, décédé en 1750 avait davantage investi dans la consommation ostentatoire. Son argenterie était considérable : 28 plats, 6 douzaines d’assiettes, une cuiller à soupe, 4 cuillères à ragoût, 60 fourchettes (ce type de couvert n’était pas mentionné dans les inventaires précédents), vingt flambeaux et 337 jetons d’argent, le total s’élevant à 25 542 lt. Les deniers comptants de cet homme retiré des affaires représentaient une somme très élevée. Ils étaient constitués par 564 louis d’or de 24 lt., dix demi-louis, de cinq sacs contenant 200 écus d’argent, soit 1 200 lt., deux autres sacs rassemblant 334 lt., 2 sacs dans lesquels étaient renfermés 66 écus de 3 livres, soit 198 lt. En y ajoutant une médaille d’or valant 150 lt., l’ensemble des deniers était prisé à 20904 lt.107.
87C’est sans aucun doute Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx et son épouse Hélène-Olympe Palerne qui ont disposé d’un luxe que fort peu de négociants parisiens ou provinciaux auraient été en mesure de s’octroyer. Dans sa cave de la rue Montorgueil, étaient entassés des quantités considérables de vins de diverses origines. On y recelait 117 carafons remplis de vin d’Avallon, 282 carafons de vin blanc, 600 carafons remplis de vin de Malaga, de Chypre, de Xérès, de la Manche et de Rota (son séjour à Cadix n’y était pas pour rien), 70 carafons de gros verre remplis de vins de champagne blanc, 198 carafons de Nuits, 60 carafons de vin rouge, de Côte Rôtie, le tout évalué à 2 548 lt.
88Dans une armoire étaient rangés 21 assiettes et 5 compotiers en porcelaine des Indes et 2 sucriers de porcelaine de Saint-Cloud. Mais Jean-Jacques-Vincent n’avait pas délaissé l’argenterie au profit d’objets en porcelaine. Elle était composée de 4 douzaines d’assiettes pesant 117 marcs à 48 lt. 6 s le marc, 4 plats d’entrée, 4 plats d’entremets pesant 47 marcs, 38 cuillères à sucre et à café. Il fallait y ajouter 8 grands et 2 petits flambeaux d’argent, une cafetière, un réchaud sur trois pieds, un porte-hucher, 26 couteaux d’argent, le tout avec les jetons d’argent valant 14527 lt.
89Lui et son épouse possédaient de nombreux bijoux et des montres. Jean-Jacques-Vincent possédait une paire de boucles d’argent (20 lt.), une bague en or (15 lt.), une montre à répétition faite par Pierre Houmoy, horloger de Paris, avec une chaîne et une clef d’or (400 lt.), une épée avec un crochet d’argent et un ceinturon de soie (30 lt.).
90Les bijoux de son épouse étaient plus nombreux et plus coûteux. Parmi ceux-ci, on trouvait une bague en or garnie de 12 brillants (700 lt.), une paire de boucle d’oreilles avec 900 brillants (1 400 lt.), la valeur totale des bijoux de Hélène-Olympe s’élevait à 2710 1t. À ces bijoux s’ajoutaient trois médailles d’argent, deux provenant de la Chambre de Commerce de Normandie et la troisième représentant Louis XV.
91On peut affirmer que certains meubles et certains vêtements faisaient partie de la consommation ostentatoire en raison de leur prix. Jean-Jacques-Vincent dormait dans un lit à colonnes de cinq pieds de large prisé à 900 lt. Il disposait de 6 douzaines de chemises de toile fine, de 6 douzaines de mouchoirs des Indes, de 36 cols de mousselines, de 56 paires de manchettes, de plusieurs habits de velours de satin noir, de 2 redingotes, de 5 perruques... pour une valeur de 1 050 lt. Son épouse possédait 6 jupes, 12 camisoles de toile, 21 robes juxtaposées à des jupes valant à elles seules 2000 lt., 4 paires de manchettes avec trois rangs de mousselines estimées à 800 lt.108.
92Quant à Jacques VII Le Couteulx du Molay, le montant de ses meubles meublants, pendules, carrosse... était prisé à 27777 lt. 15 s, son argenterie à 32338 lt. 3 s. Ses bijoux, boutons d’argent, épée à 2448 1t. tandis que les bijoux de son épouse, Catherine-Paule étaient prisés 3 000 lt., mais on ne retrouvait dans ses armoires que 612 lt. 5 s de deniers comptants109.
93 Les investissements des Le Couteulx dans les biens culturels sont, ce n’est pas étonnant, beaucoup moins élevés. Ils dépassent rarement, même au xviiie siècle, le millier de livres. Ils ne semblent pas avoir été des amateurs de musique. Si Nicolas I, au moment de son décès, possédait une épinette, c’est-à-dire un instrument de musique à clavier « garnie de ses cordes posée sur son pied de bois de chêne » et prisée 30 lt., il faudra attendre la fin du xviiie siècle pour trouver dans les biens meubles de la dynastie un autre instrument de musique. L’inventaire après décès de Charlotte Pourrai, veuve de Laurent-Vincent Le Couteulx, établi en 1795, mentionne un piano d’Érard valant 10000 lt., somme considérable mais sans doute liée à l’inflation du temps de l’assignat110.
94Les Le Couteulx en revanche comme un grand nombre de Parisiens qui en ont les moyens sont friands de tableaux et de tapisseries. Ces dernières sont d’origine variée. Au xviie siècle elles sont qualifiées de tapisseries de Bergame, de Flandres et même de Turquie. En raison de leurs origines normandes, ils ont garni leur logis de la rue de la Grande-Truanderie de tapisseries de Rouen. Au xviiie siècle, on voit apparaître rue Montorgueil de nombreuses tapisseries d’Aubusson et Jean-Jacques-Vincent a acquis des paravents chinois. Rares sont les Le Couteulx qui ne possèdent pas quelques tableaux sur bois ou sur toile au xviie siècle, sur toile exclusivement au xviiie siècle accompagnés souvent de plusieurs estampes. Trois tableaux étaient en possession de Daniel I Le Couteulx en 1625, Jean-Jacques-Vincent en 1765 en laissait sept plus dix-sept estampes sous verre. Quant à Jean-Armand Le Couteulx et sa sœur Marguerite disparus à quelques jours d’intervalle, ils en abandonnaient trente-deux111.
95Mais ces tableaux n’étaient pas de la qualité de la collection de Jacques I, lequel avait su faire l’achat d’œuvres de Charles Le Brun, Claude Le Lorrain, Gaspard Dughet. Le plus souvent, il s’agissait de tableaux religieux, de paysages, un Louis XIV, et de plus en plus de tableaux de famille qui, en conséquence n’étaient pas prisés et dont les auteurs n’étaient pas indiqués112. Toutefois, on sait que Jacques-Jean le Couteulx du Molay a fait peindre sa femme et un de ses enfants par Élisabeth Vigée-Lebrun113. Et il est possible que les quatre petits tableaux intitulés les Quatre saisons mentionnés dans l’inventaire de Jean X Le Couteulx en 1750 aient eu pour auteur Joseph Vernet.
96Plus que les instruments de musique ou les tableaux, les Le Couteulx se sont passionnés pour les livres et comme les autres Français en ont acheté davantage au xviiie qu’au xviie siècle. Mais cette croissance ne dépend pas uniquement de l’augmentation de leur fortune et de leur volonté d’apparaître comme des bibliophiles. En effet, la lecture est une pratique qui dépend d’un goût individuel114. En conséquence, même si Daniel I Le Couteulx était détenteur d’un seul ouvrage en 1625, une Bible et que Antoine-Louis Le Couteulx dirigeant de la branche rouennaise, décédé en 1779, en possédait 3 540 dont on ignore tout, la croissance des bibliothèques des Le Couteulx n’a pas été régulière. Si Jacques I en possède près de deux cents en 1652 et son neveu une cinquantaine au milieu du xviie siècle, les frères de ce dernier Antoine I et Étienne I n’en ont pas fait une grande consommation. Les livres du Rouennais Étienne I sont au nombre de 19 « quatre grands in-folio et quinze petits de différents auteurs »115. Quant à l’inventaire après décès d’Antoine I Le Couteulx, aucun livre n’est mentionné que ce soit dans la maison de la rue de la Grande Truanderie que dans celle de Courbevoie116. La bibliothèque de Barthélemy II Le Couteulx est un peu mieux achalandée puisqu’elle contient 80 volumes « traitant de différents sujets »117.
97Mais dans les décennies qui suivent, le nombre des ouvrages dans les bibliothèques constituées par les Le Couteulx avoisine ou dépasse les cinq cents volumes. Jean-Jacques-Vincent en a laissé 799 auxquels s’ajoutent 9 cahiers d’arts et métiers, le tout estimé à 1 161 lt. Jean-Armand Le Couteulx, ancien marchand-drapier en laissait en 1775, 702 avec en plus 33 liasses de journaux, d’une valeur totale de 417 lt. Et c’est Antoine-Louis comme on l’a vu qui fut le plus grand bibliophile de la dynastie. Ses 3 540 ouvrages furent prisés 7 859 lt. 5 s.
98Que lisent les Le Couteulx ? Il est difficile de le savoir car le plus fréquemment les notaires n’inscrivent dans leurs minutes qu’une partie des titres, voire aucun. Il semble cependant qu’il y ait eu un intérêt différent entre les hommes et les femmes de la famille. Ces dernières s’orientent surtout vers les livres religieux. C’est le cas de Charlotte-Lucrèce de Bemy, la veuve de Barthélemy II qui, sur ses 54 volumes, a acheté une majorité de livres de dévotion comme l’Année Chrétienne, l’Histoire ecclésiastique, Les Sermons pour l’Avent et le Carême du Père Bourdaloue et ceux du Père Massillon. Elle semble par ailleurs avoir manifesté quelque sympathie pour le jansénisme. En effet, dans sa bibliothèque, on a répertorié outre un Missel de Monseigneur de Noailles, l’archevêque de Paris, qui avait manifesté pendant la Régence une certaine sympathie pour le jansénisme, la Bible de Lemaistre de Sacy118. Il en va de même de Marguerite-Martine-Catherine Le Couteulx, une fille d’Antoine III et de Louise-Catherine Boette, veuve de Jacques Botereau, un négociant rouennais.
99La majorité des 56 ouvrages qui sont dans sa bibliothèque ont un caractère religieux comme l’ Année Chrétienne, les Maximes chrétiennes, les Sermons de Bourdaloue, les Exercices de l’abbé Clément, les Catéchismes de Montpellier, la Sainte Bible, l’Ecclésiaste119 et Marguerite Le Couteulx la sœur de Jean-Armand détient 48 volumes « traitant de sujets de dévotion ».
100En revanche, l’éventail de la bibliothèque de son frère Jean-Armand est beaucoup plus varié. À côté de l’Histoire de France de Mezeray, un best-seller de l’Ancien Régime, on trouve une Histoire des hommes illustres, les Voyages de Tavemier, les Commentaires de César, l’Histoire d’Alexandre de Quinte-Curce, un Dictionnaire des Cas de Commerce. Ses ouvrages religieux sont cependant assez nombreux comme les Lettres de Monsieur Arnauld et deux Bibles de Lemaistre de Sacy, ce qui tend à démontrer son penchant pour le jansénisme120. Les lectures de Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx sont très différentes. Ce député du Commerce possède bien quelques livres religieux comme les Sermons de Bourdaloue, toujours eux, et les Figures de la Bible, mais ils sont très minoritaires par rapport aux ouvrages littéraires, commerciaux et scientifiques français et parfois étrangers. Parmi ceux-ci, on peut relever les Théâtres de Corneille, de Destouches, de Regnard, les Lettres de Madame de Sévigné, une Poétique Française, le Quichotte de Cervantes. Il a également fait l’acquisition d’ouvrages de philosophies du xviiie siècle comme l’Esprit des Lois de Montesquieu ou les Œuvres de Voltaire. Il est également détenteur de l’Encyclopédie, de plusieurs ouvrages sur l’économie (Le Parfait négociant de Jacques Savary, un Dictionnaire du Commerce, les Éléments du commerce, le Règlement des Manufactures, un Essai sur les Monnaies, un Dictionnaire de l’Agronomie, des cahiers des Arts et métiers). Il est également intéressé aux sciences puisqu’on relève dans sa bibliothèque l’Algèbre de Clairaut, le Traité de physique de l’abbé Nollet, à la législation et au droit avec les Principes du droit public, les Ordonnances des rois de France, le Traité de la Police. L’orthographe et la grammaire l’ont intéressé puisqu’on recense un Traité de l’orthographe et une Grammaire anglaise sans doute nécessaire pour ses opérations commerciales. Enfin, il a rassemblé les feuilles de Fréron, c’est-à-dire son Histoire littéraire121.
101Plusieurs Le Couteulx sont donc de grands lecteurs. Sont-ils des auteurs ? Avant 1789, il semble qu’on doive répondre par la négative. Certes Barthélemy-Étienne, un fils de Barthélemy III et de Marie-Madeleine Guiller a fait publier en 1741 sa thèse de droit rédigée en latin. Quant à Dom Charles Le Couteulx il a longtemps préparé une vie de Saint Bruno et une histoire de l’ordre des Chartreux, mais elle ne sera publiée qu’au xixe siècle122. Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx aurait, si l’on en croît un de ses biographes, rédigé deux ouvrages Un traité sur la suppression des douanes intérieures demeuré manuscrit alors qu’un Traité des Monnaies aurait été édité123. L’auteur de ce dernier ouvrage est en réalité Macé de Richebourg, mais il est vraisemblable que Jean-Jacques-Vincent qui l’employait a contribué à l’élaboration d’un travail sur les monnaies étrangères. En effet, dans une lettre adressée à l’intendant des Finances Trudaine de Montigny, Macé de Richebourg indiquait qu’après avoir passé 13 ans à Cadix, il était revenu à Paris où il n’avait pas « cessé de travailler avec Mr de la Noraye et que ce dernier avait bien voulu par amitié pour lui l’aider à perfectionner les connaissances qu’il avait acquis (sic)... en guidant et réformant son travail »124. Quant à Barthélemy-Jean-Louis Le Couteulx on ne dispose pas de certitudes sur sa participation à des opuscules attaquant Mirabeau et défendant François Cabarrus.
102De même, on ne dispose que de quelques rares indications sur la formation intellectuelle et commerçante des Le Couteulx. On ignore par exemple si les jeunes enfants Le Couteulx ont été envoyés au xviie siècle dans le collège des Jésuites à Rouen. On sait seulement qu’une fois devenus adolescents, un certain nombre d’entre eux sont entrés en apprentissage. C’est le cas de Jean VII qui est accepté à l’âge de 16 ans comme apprenti par Bonnaventure Brillet, un marchand-drapier, de Jacques III qui débute son apprentissage auprès de son oncle Jacques I en 1647 à 21 ans. Antoine I adopte le même comportement comme les enfants de ces deux frères, Barthélemy II ou Jean X. Au cours du xviiie siècle, la mise en apprentissage est probablement abandonnée, du moins à Paris. Il semble que les jeunes Le Couteulx, après avoir été envoyés en nourrice comme Laurent-Vincent, soient remis à des précepteurs, en règle générale des ecclésiastiques, qui sont chargés de leur donner une première éducation125. Ensuite, ils entrent au collège comme Jean-Barthélemy ou Jacques-Jean qui sera le condisciple de Simon-Emmanuel-Julien Lenormand au collège parisien de Plessis126. Ensuite ils partent pour Cadix, le premier l’ayant effectué étant en 1724 Jacques VII, alors âgé de 18 ans. C’est au même âge que Jean-Barthélemy est présent dans le port andalou en tant qu’« apprenti » dans la société Le Couteulx Terry et Cie127. Le fds de l’avocat François-Étienne-Leonor Le Couteulx, Louis Le Couteulx, qui fut reçu à la Malmaison en 1776 par les dirigeants de Le Couteulx et Cie qui voulaient l’envoyer à Cadix avait 20 ans128.
103Lorsqu’ils quittent l’Espagne, ils n’ont pas encore dépassé la trentaine et ils ne rentrent pas immédiatement à Rouen ou à Paris. Ils font un tour d’Europe gagnant les principales places commerciales avec lesquelles Le Couteulx et Cie est en relation. Ainsi Jean-Barthélemy va partir pour le Portugal, l’Angleterre et les Provinces-Unies avant de revenir à Rouen. Le second fils de Jean-Étienne I, Jean-Étienne II passa les premières années de sa jeunesse en Amérique puis il gagna la Hollande129. Une fois à la tête des sociétés de Paris et de Rouen, il leur arrive de quitter leurs bureaux pour effectuer de nouveaux voyages. C’est le cas de Jacques-Jean Le Couteulx qui, quittant la capitale en 1772 pour « faire un voyage au long cours » donne une procuration à son associé Jean-Baptiste-Étienne Le Couteulx pour administrer les affaires de la société. Partait-il pour les Antilles ?130.
104Ce type de formation et leur fortune les ont conduits sans doute à vouloir rencontrer des hommes talentueux, surtout lorsqu’à partir des années 1770 ils disposaient de « folies » près de Paris où ils pouvaient les recevoir avec faste. Élisabeth Vigée-Lebrun raconte qu’elle passa en 1788 quinze jours à la Malmaison où elle fut reçue par la comtesse (sic) Le Couteulx du Molay131. Elle y rencontra notamment l’abbé Delille, membre de l’Académie et considéré alors comme le plus grand poète français du xviiie siècle. C’était l’homme éminent au salon que Geneviève-Sophie Le Couteulx du Molay tenait les lundis en s’efforçant de faire voir la richesse de ses ameublements et le goût de sa table. Elle aimait portraiturer l’abbé Delille la plume à la main132.
105Parmi les autres hommes d’esprit qu’elle voulait recevoir figurait selon Élisabeth Vigée-Lebrun, le comte Olivares (resic) en réalité Pablo de Olavide alias le comte de Pilos. C’était un des grands hommes des Lumières espagnoles qui avait été victime de l’inquisition et qui était parvenu à s’enfuir en France au début des années 1780133. Il était très proche de Geneviève-Sophie qui pour faire plaisir à celui qui avait créé une colonie agricole dans la Sierra Morena avait placé dans un chemin situé dans le haut du parc de la Malmaison une pancarte sur laquelle était inscrite « Sierra Morena ». Plusieurs écrivains fréquentaient également le salon de Madame du Molay comme Grimm, Suard, Morellet, le poète italien Alfieri auteur de l’ouvrage De la tyrannie, Bernardin de Saint-Pierre...134. Jacques-Jean Le Couteulx recevait également une grande actrice Louise-Rosalie Dugazon avec laquelle il aurait eu des relations intimes. Il était également proche de l’explorateur Jean-François de la Perouse, capitaine de vaisseau qui avait participé à la guerre d’indépendance américaine. En 1781, il écrivait à sa mère depuis Boston qu’il avait envoyé une procuration à Le Couteulx du Molay, banquier à Paris « qui est un de mes amis et voudra bien se charger de mes affaires »135. La Perouse était également lié à Laurent-Vincent Le Couteulx et à son épouse Charlotte et c’est sans doute à Laurent-Vincent, lequel avait été son représentant pour l’achat des actions de la Fonderie de Romilly qu’il avoua en 1788 alors qu’il explorait le Pacifique « son extrême fatigue et son indéniable délabrement physique »136.
106Parmi ceux qui se rendaient à Louveciennes, le domaine de Laurent-Vincent et de Charlotte figuraient le peintre Jacques-Louis David qui peignit sans doute en 1786 Charlotte et sa sœur la comtesse Hocquart et surtout à partir de 1789 le poète André Chénier pour qui Charlotte devint Fanny et qui lui suscita des sentiments très tendres137.
107À la différence de la plupart de ceux qui accueillaient dans leurs salons écrivains et artistes, les Le Couteulx ne se contentaient pas d’avoir avec ces derniers des relations mondaines, ils nouaient avec eux des relations financières. Ce fut le cas de l’abbé Jacques Delille, commanditaire de l’abbaye de Saint-Severin à Paris qui, lors d’un passage à Marseille donna une procuration à Jacques-Jean Le Couteulx du Molay pour « gérer et administrer tant activement que passivement tous ses biens et affaires... attachés à la dite Abbaye ». La Perouse avant de partir en 1785 pour le Pacifique, avait accordé une nouvelle procuration à Le Couteulx et Cie et on peut penser qu’il avait obtenu d’elle un prêt avant son départ. Quant à Pablo de Olavide qui avait été pendant quelque temps en rapport avec le banquier de Cour Laborde, non seulement il devint actionnaire de la Fonderie de Romilly, mais il participa sous la direction de Le Couteulx aux spéculations sur les rentes viagères dans les dernières années de l’ Ancien Régime138.
108Tenir un salon, cela fait partie de ce qu’on appelle la sociabilité éclairée. Appartenir à une académie en serait également un signe. Mais comme la grande majorité des négociants les Le Couteulx de Paris ou de Rouen n’ont voulu y entrer même si Antoine-Louis Le Couteulx était un proche de Louis-Alexandre Damboumey, secrétaire perpétuel de l’Académie de Rouen et qui s’était adonné aux recherches portant sur l’art de la teinture139. En revanche, comme de nombreux membres de la bourgeoisie d’affaires, les Le Couteulx avaient adhéré à la Franc-Maçonnerie. Jacques-Jean et Barthélemy-Jean-Louis firent partie de la loge des Amis réunis qui comprenait de nombreux financiers et banquiers comme Jean-Jacques Laborde, Nicolas Olive, Baudart de Saint-James ou Pache. Ils étaient également membres depuis 1785 de la Société Olympique où avaient lieu des concerts musicaux. Un de leurs parents Barthélemy-Etienne Le Couteulx de Vertron était membre de la Bonne Union et de Thalie et leur ami Eugenio Izquierdo appartint à la loge des Neuf sœurs. À Rouen, un Le Couteulx appartint à la loge des Bons Amis sans qu’on puisse assurer qu’il s’agisse de Jean-Barthélemy Le Couteulx ou ce qui paraît plus vraisemblable de Le Couteulx de Caumont140.
109Enfin, toujours dans les années 1780, au moins deux Le Couteulx adhérèrent à la Société philanthropique créée en 1780 et dont faisaient partie une vingtaine de banquiers parisiens et au moins huit femmes de la dynastie Le Couteulx devinrent des adhérentes de la société de la Charité maternelle141.
110Protestants, les Le Couteulx l’ont été dans la seconde moitié du xvie siècle. Lorsqu’ils ont abandonné la religion de Calvin, ils sont devenus pour la plupart d’ardents partisans de la Réforme catholique qui atteint son apogée au xviie siècle tandis qu’au xviiie siècle, ils ont pris comme beaucoup d’autres, quelques distances vis-à-vis du catholicisme.
111On a vu qu’une des branches Le Couteulx, celle des descendants de Guillaume I avait abandonné le protestantisme, sans doute dans les premières années du xviie siècle. Une autre branche, celle des héritiers de Jean III et de Marie Haillet a, en partie, résisté plus longtemps à ce délaissement. Le fils aîné de Jean III, Jean VI demeura huguenot et épousa en 1615 Françoise Duhamel une femme d’une grande beauté et d’un bel esprit qui était, si l’on en croit son neveu Dom Charles Le Couteulx « fort instruite dans sa fausse religion »142. Jean VI comme sa femme moururent « impénitents » mais un de leurs enfants parti à Paris se convertit au catholicisme sous l’influence de Catherine Lustin, mais envoyé par son père en Hollande « il s’y pervertit derechef » et à son retour en France, il épousa Anne Alix, une protestante143. Mais déjà un autre fils de Jean III et de Marie Haillet, Guillaume III, rompit avec le protestantisme et épousa Catherine Henry, la fille d’un marchand de Rouen originaire des Flandres et qui était très catholique144. Un enfant de ce couple, Nicolas, devint profès en 1661, entra dans l’ordre de Saint Bruno et changea de prénom lorsqu’il arriva dans la Chartreuse de Gaillon en prenant celui de Charles145.
112Dom Charles Le Couteulx n’était pas le premier de la dynastie à s’engager dans l’état ecclésiastique. Il semble que ce fut Daniel II, le fils de Daniel I, qui reçut en 1640 de son père, reconnaissant « l’inclination de Mr Daniel Le Couteulx son fils aisné de se faire ecclésiastique... et ne voulant destoumer d’une si bonne et sainte résolution » une rente de 200 lt. pour satisfaire la constitution canonique de l’Église146. Et l’on sait que l’un des fils de Jacques I, Jacques IV après être allé à Rome sans doute pour le jubilé de 1650 se retira chez les Pères de l’Oratoire.
113Nombreux furent ceux de la génération suivante des Le Couteulx qui adoptèrent ce même comportement. Jean VII marchand-drapier eut deux fils d’une mère différente. Le premier lui succéda mais le second, Pierre, bachelier en Sorbonne, quitta Paris pour la Normandie où il devint curé de la paroisse de Fry. De nombreux enfants de Jacques III et d’Antoine I entrèrent dans les ordres. Ce fut le cas de Marie-Madeleine, une fille de Jacques III et de Madeleine le Brest qui fut religieuse à Argenteuil, de cinq enfants au moins d’Antoine I et de Marguerite le Brest sur les onze qui ne moururent pas en bas âge. Marie-Catherine, Élisabeth et Charlotte firent profession au couvent de Sainte-Marie, rue du Bac tandis que Daniel III et Philippe entrèrent à l’Hôtel-Dieu de Provins147. Un autre frère, Étienne I eut une fille Marguerite qui devint également religieuse.
114Des membres des autres branches de la famille Le Couteulx entrèrent également dans les ordres. Deux d’entre eux se détachent par l’importance de leur rôle. Il s’agit de Dom Charles Le Couteulx, le fils de Guillaume III, et de Étienne-Joseph, fils de Nicolas II Le premier était né à Rouen en 1639, il fit profession en 1661 et devint prieur de la Chartreuse de Gaillon en 1694. Ce fut un correspondant de dom Jean Mabillon qu’il remercia de lui avoir appris la publication de ses Annales. De son côté, il préparait, c’est ce qu’il écrivait en 1702 « dans la solitude et depuis plus de trente-cinq ans, une histoire de l’ordre de Saint Bruno ». Il avait commencé à la rédiger à partir d’un grand nombre de mémoires qu’il avait rassemblé148. Un autre Le Couteulx, Étienne-Joseph, arrière-petit-fils de Guillaume II et de Madeleine Besnières, né en 1667 ou en 1669 à Rouen, entra dans l’ordre des Jésuites. En 1701, il quittait la France pour la Chine où la Compagnie de Jésus tentait de convertir les Chinois au catholicisme non sans quelques résultats. Arrivé à Canton en septembre 1701 et devenu Étienne-Guillaume, il y séjourna quelque temps puis pénétra à l’intérieur de l’Empire céleste149. Il commença par établir une mission à Kuei-Yang, la capitale de la province du Kuei-Chou. Il y acheta une maison en 1706, mais en fut chassé l’année suivante. Ses supérieurs l’envoyèrent alors dans la province du Hou-Nan où pendant dix-huit ans il forma « une chrétienté très nombreuse et très fervente ». Chassé de sa mission par un édit de l’Empereur qui reléguait les missionnaires à Canton, il y repartit clandestinement en passant par Han-Keou où il acheta une barque. C’est à l’intérieur de celle-ci qu’il recevait les fidèles ainsi qu’il écrivait à ses supérieurs « Vers le soir un grand nombre de chrétiens qui montaient ou descendaient la rivière s’arrêtaient pour venir passer une partie de la nuit dans ma barque pour y faire leurs dévotions »150. Il fut occupé pendant plusieurs nuits à entendre les confessions et à dire la messe. Il baptisa soixante-dix catéchumènes et entendit les confessions de cent trente personnes. Il donnait à lire aux chrétiens chinois le livre du père Ricci qui avait été l’introducteur des Jésuites en Chine. La persécution contre les chrétiens chinois s’accentuant, il fut obligé de revenir à Canton mais tombé malade, il mourut le 8 août 1731 et son corps fut ramené à Canton.
115 Au xviiie siècle, le Siècle des Lumières, le nombre des Le Couteulx qui deviennent clercs, séculiers ou réguliers diminuent considérablement. On ne peut citer que Marguerite Le Couteulx, une fille d’Antoine III et de Louise-Catherine Boette qui entre en 1728 dans le monastère de Sainte-Marie, rue Beauvoisine, à Rouen. Encore fait-elle profession à cause de sa « complexion infirme et délicate »151. Ce renoncement est-il dû à la diminution du nombre d’enfants dans les familles Le Couteulx ou bien est-ce une conséquence d’un début du détachement au catholicisme ?
116Cette prise de distance est néanmoins limitée y compris dans la première moitié du siècle des Lumières. En effet, un certain nombre de chefs de famille de la dynastie Le Couteulx se chargent de l’administration des fonds affectés à l’entretien de l’église de leur paroisse. Parmi les trésoriers ou les marguilliers des fabriques ecclésiastiques, on peut citer à Paris, Barthélemy III Le Couteulx qui fait partie avec son fils Barthélemy-Etienne des marguilliers de Saint-Eustache et à Rouen Jean-Etienne I trésorier de la paroisse Saint-Pierre-du-Châtel où est située la rue aux Ours en 1704-1705, puis deux Antoine Le Couteulx respectivement en 1711-1712 et 1712-1713, enfin Barthélemy I en 1716-1717 et qui le sera également dans la paroisse Saint-Denis où se trouve la rue de l’Épicerie, en 1732 ainsi que l’avocat Jean-Baptiste-Étienne Le Couteulx dans celle de Saint-Nicaise en 1753152.
117Cependant on ne saurait le nier, c’est d’ailleurs un phénomène général comme l’a démontré M. Vovelle, qu’il existe un recul au cours de la seconde moitié du xviiie siècle de la pratique religieuse des Le Couteulx. On n’en trouve plus qui soient marguilliers ou trésoriers des fabriques (aucun document n’a pu être recueilli) et les testaments, il est vrai peu nombreux dans les archives notariales indiquent bien qu’il existe une prise de distance vis-à-vis du catholicisme. Si on compare ceux de Jacques I Le Couteulx en 1652, de sa femme Catherine Lustin en 1677 ou même celui de Geneviève Dufour de 1712, veuve de Jean VIII avec celui d’Antoine-Louis Le Couteulx datant de 1778 ou de Hélène-Olympe Paleme, la veuve de Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx rédigé en 1805, on prend conscience d’un début de détachement qui se produit.
118Jacques I Le Couteulx malade de corps mais sain d’esprit, dicte ses dernières volontés au « nom du Père, du Fils et du Saint Esprit » il reprend une des formules traditionnelles de l’époque « en tant que véritable chrétien et fidèle catholique »153 et recommande son âme à Dieu le créateur et implore la Vierge et tous les Saints. Il demande à être inhumé dans le couvent des Grands-Augustins sur la rive gauche, réclame qu’on célèbre huit messes par mois pendant vingt ans et lègue de nombreuses sommes aux quatre ordres mendiants154. Un quart de siècle plus tard, le testament de sa veuve témoigne de sa foi profonde. Il débute ainsi « Au nom du Père, du Fils, du Saint Esprit » et après avoir demandé pardon au Seigneur et l’avoir supplié de lui faire miséricorde, elle supplie également « la glorieuse Vierge, saint-Joseph, sainte-Catherine sa patronne, les Anges et toute la Cour céleste ». Elle remet son esprit et son âme, à l’imitation du Sauveur, entre les mains de son Père éternel. Elle laisse son corps « à la disposition de la Sainte Église dans la foi apostolique et romaine ». Elle demande à être inhumée dans l’Eglise Saint-Roch à côté de son fils mais refuse tout son de cloche. Elle souhaite que mille messes soient célébrées pour elle et que des legs soient versés à l’Hôtel-Dieu de Paris, à l’Hôpital général, à la Charité d’Orgerus et à la confrérie du Rosaire...155.
119En 1712, Geneviève Dufour gisant au lit « recommande son âme à Dieu, Jésus Christ fils unique, la Sainte Charité et de lui pardonner les pêchés qu’elle a commis priant la glorieuse et très Sainte Vierge comme mère de Dieu, Sainte Geneviève sa patronne et tous les Saints du Paradis de vouloir intervenir ». Elle souhaite que son corps soit inhumé dans une chapelle de l’Église Saint-Maclou et comme Catherine Lustin qu’il n’y ait aucune communion ni son de cloches lors de son inhumation156.
120Le contenu des testaments d’Antoine-Louis et de Hélène-Olympe Palerne est bien différent. Celui des dirigeants de Le Couteulx et Cie de Rouen daté du 15 octobre 1778, commence par l’expression suivante « Au nom de Dieu » et c’est la seule référence au christianisme : pas de demande d’être inhumé dans une église ou un couvent, pas de réclamation de messes, pas de legs à des ordres religieux, il se contente d’exhorter son légataire « à faire quelques aumônes aux pauvres des paroisses que j’habite »157.
121Sa belle-sœur Hélène-Olympe Palerne a rédigé son testament et l’a déposé en 1807. Il commence par la formule habituelle « Au nom du Père, du Fils, du Saint Esprit » mais pas de demande de messes, pas de désir d’être inhumée dans une église ou un monastère158. Son état d’esprit est beaucoup plus proche de celui d’Antoine-Louis que de Jacques I, Catherine Lustin ou Geneviève Dufour.
122 Leur appartenance au catholicisme au début du xviie siècle et surtout leur enrichissement régulier pendant les deux derniers siècles de l’Ancien Régime les auraient-ils conduits à abandonner le règne de la marchandise ? Bien entendu, c’est par la négative qu’on doit répondre même si certains d’entre eux ont pu être tentés de le faire.
123Il existait deux voies pour sortir de la marchandise. La première consistait à acheter un office et à entrer dans le monde de l’administration publique ou judiciaire. La seconde, et on pouvait s’appuyer sur la première voie, avait pour objet d’entrer dans le second ordre, celui de la noblesse. Mais ni l’une ni l’autre n’ont entraîné les Le Couteulx, sauf exception, à « trahir » la bourgeoisie ». Un avocat ou son fils pouvait revenir dans les bureaux de Le Couteulx et Cie et être anobli n’apparaissait pas pour les dirigeants de la société un prétexte pour se retirer des affaires.
124Il semble que le premier Le Couteulx qui ait acheté un office l’ait fait en 1625. Il s’agissait probablement de Guillaume III, un fils de Jean III et de Marie Haillet, qui acheta moyennant 1 100 1t. l’office de receveur général des gages des officiers présidiaux de la généralité de Rouen159.
125Deux fils de Guillaume II, Nicolas et Étienne II devinrent des avocats au Parlement de Normandie tandis que Nicolas Le Couteulx de Bourseville obtint en 1710 l’office de « contrôleur garde ancien alternatif et triennal de mesurage et envoy des sels à Rouen » moyennant 8000 lt.160, un petit-fils de Guillaume II, Jacques-Étienne quittera Rouen pour Honfleur où il deviendra trésorier de l’Extraordinaire des guerres et assesseur de l’amirauté du port161. Deux de ses fils, Jean-Baptiste-Étienne et François-Léonor-Benoît, commenceront leur carrière professionnelle comme avocats au Parlement de Normandie. Le second achètera ensuite en 1751 l’office de substitut du procureur du roi au Parlement de Normandie, charge dont il démissionnera en 1768162. Quant à Jean-Baptiste-Étienne, il quittera le monde de la justice, on l’a vu, pour prendre à partir de 1767, la direction de Le Couteulx et Cie de Paris. Quant au fils de l’un et l’autre, ils passeront quelques années dans la société en commandite de Cadix où Étienne Le Couteulx Desmuttes, le fils de Jean-Baptiste-Étienne mourra en 1793 tandis qu’Étienne Le Couteulx de Caumont ira faire fortune aux États-Unis. Certains descendants de Jean IV Le Couteulx et de Marie Barbot ont souhaité quitter le négoce ou la banque. Ce fut le cas du fils de Jacques III, Antoine II, qui, après avoir exercé pendant plusieurs années la profession de négociant à Rouen grâce à l’aide financière de ses parents, mais sans entrer dans la branche rouennaise, abandonna Rouen pour se retirer à Saint-Just près de Vemon après être devenu héraut d’armes du Roussillon. C’est le cas de Jean-Étienne II, fds de Jean-Étienne I, négociant à Rouen qui acheta une charge de Trésorier de France au bureau des Finances de Rouen en 1751. Mais, à l’inverse, il arrive que le fils d’un titulaire d’une charge importante ne suive pas les traces de son père et demeure aux affaires. C’est le cas de Jean-Barthélemy Le Couteulx, fils de Thomas-Barthélemy. Barthélemy I, le père de Thomas-Barthélemy, qui avait pendant de nombreuses années dirigé la maison de Rouen. Deux de ses enfants, Jean-Jacques-Vincent et Antoine-Louis partirent pour Cadix puis revinrent en France pour diriger les branches rouennaise et parisienne. Thomas-Barthélemy s’engagea dans une autre direction, en 1739, il avait vingt-cinq ans, il acquit grâce à son père une charge de conseiller du Parlement de Normandie puis en 1767, cela lui coûta 280000 lt., il acheta l’office de premier président de la Cour des Comptes Aides et Finances de Normandie163. Or, son fils Jean-Barthélemy, né en 1746, était à cette date parti depuis plusieurs années à Cadix où il était apprenti en 1764 chez Le Couteulx Terry et Cie. Quelques semaines après que Thomas-Barthélemy soit devenu premier président de la chambre de cette Cour, un sommet jamais atteint par un autre Le Couteulx, Jacques-Jean Le Couteulx qui dirigeait la maison de Cadix écrivait la lettre suivante à son « cher cousin » :
« Etant sur le point de renouveler notre société de Cadix dont je suis le chef, au mois de mai prochain et les intentions de votre fils paraissant être de suivre votre volonté quant au choix de son état pour l’avenir, je vous prie de me faire part de vos intentions ».
126La réponse de Thomas-Barthélemy fut sans surprise. Avant de se décider, son fils devait le voir à cause de la déférence qu’un fils devait à son père. Même s’il déclarait qu’il lui laissait toute liberté de choisir son état, il n’en affirmait pas moins qu’il était en mesure de faire son droit et donc de quitter la carrière négociante164.
127Or, malgré les souhaits de son père, Jean-Barthélemy ne renonça pas à ses activités de négociant et il s’en félicitera pendant son incarcération pendant la Terreur, déclarant ne pas avoir choisi la magistrature comme son père165. En 1775, il était devenu l’un des dirigeants de la maison de Rouen et prit le contrôle de celle de Paris en 1788.
128Etre profondément catholique, posséder une grande fortune, cela peut être la possibilité d’abandonner le Tiers-État, de « trahir » la bourgeoisie pour entrer dans le second ordre, celui de la noblesse. On peut acheter un office conférant l’anoblissement, mais cela devient de plus en plus difficile à l’exception de celui de conseiller-secrétaire du roi qui confère la noblesse personnelle avec le titre d’écuyer, ce qu’on appelle fréquemment « savonnette à vilain » ou d’obtenir des lettres de noblesse qui récompensent les mérites personnels. Devenir noble ne signifie pas forcément qu’on abandonne la carrière du négoce166. Mais un noble commerçant issu de la bourgeoisie se situe au bas de la hiérarchie nobiliaire. Il en est conscient, n’ignore pas que la noblesse d’épée, l’aristocratie nobiliaire ne le considère pas comme un égal, et bien souvent cette acquisition de la noblesse lui laisse des sentiments mitigés. Ce fut le cas des Le Couteulx.
129Étienne III fut le premier membre de la dynastie à acheter une charge de conseiller-secrétaire du roi167. Son père, Étienne I, le dirigeant de la maison de Rouen était mort en 1698 lui laissant une part d’héritage s’élevant à plus de 250 000 lt. En 1702, il n’avait que vingt-deux ans et il n’appartenait pas à Le Couteulx et Cie. Cette année-là, après avoir épousé Marguerite de Bemy dont les parents ont quitté la marchandise en s’anoblissant, il acheta en septembre une charge de conseiller-secrétaire du roi168. Il devra, à plusieurs reprises, apporter des fonds supplémentaires en raison des augmentations de finances imposées par la monarchie, soit 10 000 lt. en 1715, 10 666 lt. 13 s 4 d en 1731, 19333 lt. 6 s 8 d en 1744. Ayant renoncé à s’engager dans les activités marchandes, devenu doyen de la compagnie des secrétaires au roi, il vivra de ses gages de secrétaire, mais surtout des titres de rentes et des loyers des maisons qui appartenaient à son père. Il ne semble pas qu’il ait désiré se distinguer par un style de vie nobiliaire. En tout cas il n’a jamais acheté à Paris un hôtel ou une grande maison, mais s’est contenté de louer une maison rue du Petit-Lion où il mourra en 1754, pour 2000 lt. par an169.
130Le comportement d’un de ses cousins, Barthélemy II fut différent du sien. Certes, quelques années après lui, pendant la guerre de Succession d’Espagne au cours de laquelle, Louis XIV pour obtenir de l’argent avait décidé de créer quarante charges de secrétaire du roi par un édit de mars 1704, il devint en 1706 secrétaire au roi en payant 70000 lt.170. Mais cela ne le conduisit pas pour autant à abandonner la maison de banque parisienne dont il était associé depuis plusieurs années. Il se contenta simplement d’ajouter sur les livres-comptables de Le Couteulx et Cie après son nom, son titre de secrétaire du roi. Après sa mort, son fils Barthélemy III lui succéda. Sur les minutes notariales, il se définissait comme écuyer, premier stade de l’ordre de la noblesse, mais il demeurait marchand-banquier. Et lorsqu’il abandonna en 1745 Le Couteulx et Cie, ce ne fut pas pour vivre noblement mais pour s’engager dans d’autres types d’affaires.
131Un des frères de Barthélemy II, Antoine III acheta également une charge de secrétaire du roi mais plus d’une quarantaine d’années après lui, en 1749, alors qu’il avait 69 ans et qu’il avait sans doute, à cause de son grand âge, abandonner sa société171.
132Il ne profita de sa qualité d’anobli que pendant quatre années. À sa mort, en 1753, son fils Antoine IV Le Couteulx, futur de Verclives récupéra l’office sans pour autant abandonner les comptoirs de la rue aux Ours. Puis, il accepta en 1777 de revendre cette charge à Simon-Emmanuel-Julien Lenormand, revenu de Cadix et qui allait devenir un des principaux financiers des dernières années de la monarchie louis-seizième172.
133L’autre grand moyen de s’anoblir était d’obtenir des lettres patentes de la monarchie qui entendait récompenser des négociants qui avaient contribué au développement de l’économie du royaume ou qui avaient aidé financièrement le pouvoir. En 1756, l’année où fut publiée la brochure de l’abbé Coyer, Jean-Étienne I Le Couteulx âgé de 87 ans, père de cinq enfants et son frère Barthélemy I âgé de 80 ans, père de six enfants étaient anoblis173. Les raisons avancées par le gouvernement de Louis XV furent explicitées dans un texte de Versailles datant du mois de mars 1756.
« Le commerce a toujours été regardé comme une des sources les plus sûres et les plus fécondes de la force et de la puissance des Etats et l’importance dont il est de le protéger et de l’étendre est une des maximes les plus essentielles du gouvernement, attentif que nous sommes à le rendre florissant, nous avons donné à cet objet un rang distingué parmi ceux qui partagent notre application ».
134La monarchie française, si elle se félicitait dans cet opuscule d’avoir vu le nombre des négociants augmenter, ne s’inquiétait pas moins du fait que « la plupart des familles qui s’adonnent au commerce ne l’envisagent que comme un moyen de passer à des emplois, qui décorés de titres et de prérogatives, leur paraissent communiquer un état plus honorable ». La monarchie française s’inquiétait donc de ce qu’on ne considérait pas encore comme une « trahison » de la bourgeoisie. Après avoir rappelé que Louis XIV avait autorisé le commerce de gros à la noblesse sans que cela aboutisse à la dérogeance, il était ensuite indiqué que le gouvernement royal avait décidé de faire connaître les familles qui s’étaient signalées dans le commerce et qui l’avaient pratiqué pendant des siècles, ce qui était, bien entendu, le cas de Le Couteulx. En conséquence, pour encourager les autres négociants à ne pas quitter le monde des affaires, la monarchie sensible « à la probité et à l’intelligence » des Le Couteulx décidait d’anoblir les « chers Jean-Étienne et Barthélemy Le Couteulx » issus d’une famille de Normandie qui depuis plus de trois siècles exerçait de père en fils sans interruption le commerce maritime tant dans le royaume que dans les nations les plus éloignées, et qui de tout temps a fourni des sujets distingués dans les juridictions consulaires de Paris et de Rouen et dans les charges municipales.
135Après avoir indiqué qu’une branche aînée, celle de Jean, le frère de Laurent I, possédait les terres de Bois-L’Évêque, d’Obville et de Genouville et qu’elle fut anoblie en 1505, affirmation indémontrable, le texte décrivait ensuite l’activité des deux frères « entrés dans leur jeunesse dans la carrière que leurs ancêtres leur avaient ouverte et qu’après avoir formé des établissements dans plusieurs états maritimes... ils se sont mis d’entretenir d’utiles correspondances dans toutes les parties de l’Univers ». C’étaient ces grands mérites qui expliquaient que le monarque avait décidé de les élever l’un et l’autre à l’état de la noblesse. Pour le souverain, les Le Couteulx étaient un modèle qui devait inspirer « les autres familles de notre royaume »174.
136Cette continuité pendant plusieurs siècles de l’attachement au commerce des Le Couteulx était-elle la seule raison qui motivait l’anoblissement des Le Couteulx ? Une autre explication fut avancée. Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx, dirigeant de la branche parisienne et qui était devenu depuis quelques années député au commerce de Paris, aurait avancé en 1755 des fonds à Pâris de Montmartel le banquier de Cour en lui achetant des rescriptions. Pour le remercier, on aurait proposé de lui octroyer l’ordre de Saint-Michel, mais il aurait déclaré qu’il préférait qu’on accorde à son père et à son oncle des lettres d’anoblissement175.
137Cela fut accueilli avec satisfaction par l’abbé Coyer qui, en 1757 publia un autre ouvrage après la Noblesse commerçante daté de 1756. Après avoir qualifié les Le Couteulx de Crésus à l’instar des Montaudoin, des Eon de la Baronnie ou des Magon, il se réjouissait de leur anoblissement « pour leurs travaux distingués » et leur longue persévérance dans le commerce176.
138Huit ans plus tard, deux autres Le Couteulx reçurent des lettres d’anoblissement datées de Versailles en juillet 1764. Il s’agissait de deux frères avocats au Parlement de Normandie, Jean-Baptiste-Étienne et François-Leonor-Benoît Le Couteulx. La monarchie pour expliquer cette décision mettait en avant sa volonté « d’encourager les talents et la vertu en récompensant par des marques d’honneur ceux de nos sujets qui se sont distingués par leur zèle pour le bien public »177. Cette justification semble peu convaincante. Jean-Baptiste-Étienne et François-Leonor-Benoît étaient des provinciaux qui ne s’étaient guère illustrés par des actions d’éclat. Il s’agissait sans doute d’honorer une nouvelle fois la dynastie Le Couteulx d’autant plus que depuis 1763 L’Averdy, un parent des Le Couteulx, était devenu contrôleur général des Finances.
139Comment la branche négociante des Le Couteulx accueillit-elle son anoblissement ? Apparemment de manière ambivalente. Les Le Couteulx affirmèrent à plusieurs reprises que devenir nobles n’avait pour eux guère d’importance, mais leur comportement se modifia notamment en se livrant à une série d’achats de seigneuries.
140Pendant la Terreur, alors que plusieurs Le Couteulx étaient emprisonnés, les femmes de Laurent-Vincent et de Jean-Barthélemy, dans une lettre au Comité de Salut Public affirmèrent que leurs maris « n’avaient jamais songé à s’élever au-dessus de la classe jadis appelée Tiers-État », qu’ils avaient « préféré aux futiles distinctions, recherchés par la vanité l’avantage de se rendre constamment utiles à leur patrie ». Et elles ajoutèrent qu’un de leurs pères (Jean-Jacques-Vincent) avait rendu des services que le gouvernement de Louis XV récompensa en leur donnant des lettres de noblesse. Mais « les principes de cette famille furent de ne pas profiter d’une faveur qu’elle n’avait point sollicité ». Les épouses Le Couteulx donnèrent deux exemples, qui selon elles, démontraient que les Le Couteulx avaient refusé de se prévaloir de leur titre honorifique. D’une part, tous les enfants furent élevés dans une maison de commerce, d’autre part, lorsque l’abbé Terray, contrôleur général des Finances, leur demanda de se conformer à l’arrêt du Conseil qui imposait une taxe sur tous les nouveaux anoblis, ils répondirent qu’ils s’y refusaient absolument, qu’ils ne feraient aucun sacrifice pour garder des lettres qu’ils n’avaient pas sollicité et qu’ils n’avaient reçues que comme témoignage d’estime. Ils étaient prêts à rendre leurs lettres de noblesse mais Terray renonça à ses exigences178.
141Que les Le Couteulx aient voulu pendant la Révolution montagnarde vouloir démontrer qu’ils n’appartenaient pas à une caste, la noblesse, poursuivie par une série de lois répressives est parfaitement compréhensible. Mais dès 1756, les dirigeants de Le Couteulx et Cie de Paris dans une lettre adressée à la maison Roux de Marseille, manifestaient leur peu d’intérêt pour l’anoblissement de Jean-Étienne I et de Barthélemy I.
142« Le général du commerce doit certainement prendre plus de part que nous à l’événement sur lequel vous voulez bien nous adresser des compliments. Il paraît qu’on a voulu donner à ce même commerce une preuve de la considération que l’on doit avoir pour cet état et le hasard seul a fait jeter les yeux sur notre famille plutôt que sur un grand nombre d’autres qui auraient mieux mérité la même grâce à toutes sortes de titres. On l’a fait sans nous consulter et c’est aussi sans notre aveu que le Ministre a fait annoncer et publier cette nouvelle dans une grande partie des papiers publics qui se distribuent journellement », et ils concluaient qu’ils auraient voulu empêcher ces publications et qu’en définitive, cet anoblissement était un « petit événement »179.
143Pourtant, les Le Couteulx ne dédaignèrent pas leur anoblissement. Dès septembre 1756, Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx, un des correspondants de la maison Roux, député du commerce de Paris, déclarait devant notaire qu’il n’avait jamais fait et qu’il ne faisait pas le commerce de la draperie, qu’il n’entendait point se servir à l’avenir de la qualité de marchand-drapier. Il réclamait en conséquence que son nom soit enlevé du tableau du corps des marchands-drapiers et qu’il ne soit plus sujet à la capitation180. Les deux octogénaires de Rouen, Jean-Étienne I et Barthélemy I adoptèrent la même attitude en s’appuyant sur leur anoblissement. Le 19 novembre 1756, Jean-Étienne I « écuyer, ancien échevin et ancien juge-consul » déclarait devant notaire que pour se conformer à ce qui était pratiqué par les autres négociants de Rouen qui, comme lui, faisaient le commerce de gros, il s’était fait recevoir dans le corps des marchands-merciers et drapiers, mais que désormais devenu noble et parce que Louis XV dans un édit donné à Versailles en décembre 1751 autorisait les nobles « à faire le commerce de gros sans qu’ils soient obligés d’être d’aucun corps de marchands », il réclamait au bureau du corps des marchands-merciers et drapiers que son nom soit retiré du registre. Cette même demande fut présentée le même jour par Barthélemy I et Antoine IV Le Couteulx, ce dernier étant anobli en tant que secrétaire du roi181.
144 Désormais, les Le Couteulx prirent le titre d’écuyer et parfois même celui de chevalier. Ayant acheté des seigneuries, celles du Molay, de Hacqueville et Richeville, de Verclives, de Farceaux, de la Malmaison, de Canteleu, ils se firent désigner comme seigneurs dans les actes notariaux. Mais se sentaient-ils vraiment les égaux des nobles de vieille souche ? Il est significatif de constater que Jean-Barthélemy Le Couteulx, seigneur de Canteleu, Croisset et autres lieux et écuyer fut désigné comme représentant du Tiers-État lors de la création en 1787 de l’Assemblée provinciale de Normandie dans la commission intermédiaire chargée de gérer en partie la province. La monarchie considérait-elle tous les écuyers comme membres de la noblesse ?182. Et il n’est pas surprenant de constater qu’en 1789 à la veille des États-Généraux les Le Couteulx, cette fois-ci déclarés nobles, affirmèrent qu’ils étaient membres du Tiers-État et s’en prirent à la noblesse.
Notes de bas de page
1 A.N.M.C. Et. LXI/216. 2 juillet 1651.
2 A.N.M.C. Et. X. 29 juillet 1653. Il est mentionné dans le répertoire du notaire.
3 A.N.M.C. Et. LXXXV/172. 29 juillet 1657 et LXXXV/180. 22 août 1666. Contrats de mariage d’Antoine I et d’Etienne I Le Couteulx.
4 A.N.M.C. Et. C/394. 24 avril 1690. Contrat de mariage de Barthélemy I Le Couteulx, A.N.M. et LXXX/493. 9 novembre 1698. Contrat de mariage de Jean Étienne I Le Couteulx.
5 A.N.M.C. Et. C/451. 27 janvier 1702. Contrat de mariage d’Étienne III Le Couteulx. Il n’intégrera pas la société Le Couteulx.
6 A.N.M.C. Et. XLIV/200. 18 mai 1711. Contrat de mariage de Jean X Le Couteulx. Ce dernier est âgé de 43 ans et il est depuis longtemps à la tête de Le Couteulx et Cie.
7 A.N.M.C. Et. XXIX/420. 17 août 1734.
8 A.N.M.C. Et. CXV/572. 9 mars 1748.
9 A.N.M.C. Et. XCV111/582. 5 janvier 1769. Contrat de mariage Jacques-Jean Le Couteulx.
10 A.N.M.C. Et. XC/514. 30 janvier 1785. Contrat de mariage Laurent-Vincent Le Couteulx et Charlotte Pourrai.
11 J.-C. Perrot, « Note sur les contrats de mariage normands » dans A. Daumard et F. Furet, Structures et relations sociales à Paris au xviiie siècle, Paris, 1961, pp. 95-97.
12 A.D.S.M. 2 E 1/2135. Contrat de mariage d’Elisabeth Le Couteulx, 16 janvier 1621.
13 Archives Le Couteulx.
14 A.D.S.M. 2 E 11/17. 10 avril 1704. Contrat de mariage Elisabeth Thérèse Le Couteulx et Joseph-Alexandre Pavot de la Hauteville.
15 A.D.S.M. 2 E/13/34. 14 mai 1720 , 2 E 13/44. 14 août 1730 , 2 E 13/54. 10 mars 1740.
16 A.D.S.M. 2 E 13/51. 7 mai et 16 novembre 1737.
17 A.D.S.M. 2 E 2/110. 6 juin 1775. Contrat de mariage Jean-Barthélemy Le Couteulx et Anne Le Couteulx.
18 A.N.M.C. Et. X/186. 8 septembre 1680. A.N.M.C. Et. XV/315. 10 février 1689, la dot est payée en louis d’or et pistoles d’Espagne.
19 Sur les dots des filles des négociants de Saint-Malo, cf. A. Lespagnol, op. cit., t. II, p. 729. Sur le mariage de Marguerite Charlotte, A.N.M.C. Et. LXVI/326. 8 décembre 1710, sur celui de Marguerite Catherine A.N.M.C. Et. XXIX/394. 6 juillet 1729.
20 A.N.M.C. Et. XCVIII/582. 5 janvier 1769.
21 Les contrats de mariages des Le Couteulx se trouvent dans les minutes notariales de Paris (Ets. X, XXIX, XXXV, LVIII, XCVIII, de Rouen 2 E 2/2 et 2 E 2/13). Sur le montant des dots à Paris en 1637, cf. R. Mousnier, Recherches sur la stratification sociale à Paris..., Paris, 1976, p. 98. Sur celles de 1749, cf. A. Daumard, F. Furet, Structures et relations sociales à Paris au xviiie siècle, Paris, 1961, P- 73. Les apports d’au delà 100000 lt. ne représentent que 2,2 % du total.
22 A. Pardailhé-Galabrun, op. cit., p. 121.
23 A.D.S.M. 2 E 1/2644. 16 octobre 1653. Lots et partage de Jean IV Le Couteulx. A.N.M.C. et XX/351. 14 mars 1678. Partage de la succession de Jacques I.
24 A.N.M.C. Et. LXI/217. 1 avril 1652. Inventaire après décès de Nicolas I Le Couteulx, A.N. M. C, et LXI/219, 6 mars 1653. Accord entre Jeanne Géhénault veuve Nicolas I Le Couteulx et Jean VIII, Jacques III, Antoine I et Etienne I, frères de Nicolas I.
25 A.N.M.C. Et. XXIX/404. 1er septembre 1731. Compte de liquidation d’Antoine-Jacques Le Couteulx et de ses enfants.
26 A.N.M.C. Et. XXIX/440. 3 juillet 1738. Partage des biens de Jacques VI Le Couteulx.
27 A.N.M.C. Et. XCV111/539. 19 juillet 1757.
28 A.N.M.C. Et. XCV111/539. 13 juillet 1757.
29 A.N.M.C. Et. XCV111/512. 26 décembre 1750.
30 A.N.M.C. Et. XCVIII/570. 17 janvier 1766. Partage de la succession de Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx.
31 A.N.M.C. Et. XCVIII/581. 21 novembre 1768. Succession et partage de Jacques VII Le Couteulx du Moley.
32 A.N.M.C. Et. XCVIII/635. 30 juillet 1780. Partage de la succession d’Antoine-Louis Le Couteulx.
33 P. Léon, « Les nouvelles élites » dans Histoire économique et sociale de la France (F. Braudel, E. Labrousse, dirs), Paris, 1970, t. II, p. 631.
34 Sur les biens de Jean-Barthélemy Le Couteulx en 1791. Cf. Archives Le Couteulx. Ma fortune en 1791... Sur celle de Le Couteulx de Verclives, seul dirigeant de la branche rouennaise depuis 1788. Cf. P. Dardel, Commerce, industrie et navigation à Rouen et au Havre au xviiie siècle, Rouen, 1966, p. 388. « Emprunt de deux millions effectué par la ville de Rouen... 16 septembre 1793. La maison la plus riche de Rouen serait celle de Delahaye frères avec une fortune présumée de 2 500 000 lt.
35 A.N.M.C. Et. X/91. 11 septembre 1644. Contrat de mariage Jacques II Le Couteulx – Madeleine Bourlon.
36 A.N.M.C. Et. IX/582. 29 octobre 1711. Inventaire après décès. Le contrat de mariage a disparu.
37 A.D.S.M. 2 E 7/182. 11 juin 1732. Inventaire après décès de Jacques-Etienne Le Couteulx. Papiers.
38 Barthélemy-Jean-Louis Le Couteulx et c’est une exception a épousé en 1779 Marie-Madeleine Le Boucher, la fille d’un trésorier de France au Bureau des Finances de la généralité de Rouen.
39 Sur ces mariages, cf. H. et O. Frondeville, Les conseillers du Parlement de Normandie, Rouen, t. IV, 1970, pp. 381, 424, 470, 474, 561, 566.
40 A.N.M.C. Et. XCVIII/536. 23 novembre 1756. Il est vrai que ces personnages sont les témoins de l’époux et que la dot d’Elisabeth ne s’élève qu’à 50000 lt. si l’on peut dire.
41 A.D.S.M. 2 E 2/125. 23 septembre 1784. Contrat Jean-Barthélemy Le Couteulx et Charlotte Alexandrine Formont de Cléronde de Sermentot. Il est vrai que les Formont étaient une grande famille marchande à la fin du xviie et au début du xviiie siècle.
42 A.N.M.C. Et. XXIX/420. 17 août 1734. Contrat de mariage Jacques VII et Catherine-Paule Le Couteulx, A.N.M.C. Et. XCVIII/582. 5 janvier 1769. Contrat de mariage Jacques-Jean et Geneviève-Sophie Le Couteulx. A.N.M.C. Et. CXVIII/704, 14 messidor an XII (3 juillet 1804). Contrat de mariage Jacques-Félix et Alexandrine-Sophie Le Couteulx.
43 A.D.S.M. 2 E 10/78. 14 janvier 1750. Contrat de mariage Antoine IV Le Couteulx et Marie-Françoise Rolland, A.D.S.M. 2 E 13/64. 9 décembre 1758. Contrat de mariage Antoine IV Le Couteulx et Geneviève Pommeraye, A.D.S.M. 2 E 13/66. 27 septembre 1762. Contrat de mariage Antoine IV Le Couteulx et Louise-Aimée Le Couteulx, 2 E 2/110. 6 juin 1775. Contrat de mariage Jean-Barthélemy Le Couteulx et Anne Le Couteulx.
44 A.D.S.M.G 6189. Actes du 30 octobre 1758 et du 22 juin 1762.
45 A.N.M.C. et CXV/1045. 2 floréal an VIII (22 avril 1800). Inventaire après décès de Jean-Jacques Le Couteulx. La sentence d’interdiction a été prononcée en 1754.
46 A.D.S.M. 8 F 7. Fonds Vanier.
47 A.D.S.M. 2 E 1/2103. 3 janvier 1613.
48 A.D.S.M. 2 E 1/2133. 18 juillet 1620. Achat à Louis de Fenay.
49 A.D.S.M. 2 E 1/2136. 20 avril 1621. Achat à Robert du Griffon. Guillaume est intitulé bourgeois-marchand demeurant paroisse Sainte Croix-Saint Ouen.
50 A.D.S.M. 2 E 1/2171. 21 avril 1629.
51 A.D.S.M. 2 E 1/2470. 3 février 1651. Vente à Pierre Bezuquet, 2 E 1/2644. 16 octobre 1653. Lots et partage de la succession de Jean IV Le Couteulx.
52 A.D.S.M. 2 E 1/2750. 5 août 1680. Etienne I en deviendra en 1682 l’unique propriétaire Jacques III et Antoine I lui revendront leurs parts moyennant 12 966 lt. 13 s. 4 d. Cf. A.D.S.M. 2E 1/2759, 30 janvier 1682.
53 A.D.S.M. 2 E 12/25. 11 décembre 1699.
54 A.D.S.M. 2 E 13/32. 14 juillet 1719.
55 A.D.S.M. 2 E 2/124. 22 avril 1783. Licitation de la maison de la rue aux Ours.
56 Ph. Jamoux, Les Bourgeois et la terre. Fortunes et stratégies foncières de Rennes au xviie siècle, Rennes, 1996, p. 148.
57 A.N.M.C. Et. XXXV/128. 14 février 1632.
58 J.-P. Babclon, Demeures parisiennes sous Henri IV et Louis XIII, Paris, 1991, p. 46.
59 A.N.M.C. Et. XX/272. 5 mai 1650.
60 A.N.M.C. Et. XVI/434. 10 décembre 1660.
61 A.N.M.C. Et. XX/280. 31 août 1653. Vente par Louis Béguin contrôleur du roi pour le bétail à pied fourchu.
62 Sur les portes cochères parisiennes. Cf. M. Lister, A. Journey to Paris in the year 1698, London, 1702, p. 8 , sur le contrat de location, A.N.M.C. Et. LXI/253. 2 octobre 1671.
63 A.N.M.C. Et. CX111/222. 30 septembre 1706. Inventaire après décès de Joachim de Seiglière de Boisfranc.
64 A.N.M.C. Et. XXIX/408. 7 mai 1732. Reconnaissance d’acquisition par Jacques VI et Jean X Le Couteulx. Lors de la licitation en 1777 au profit de Catherine Paule Le Couteulx, la mère de Jacques-Jean Le Couteulx, l’Hôtel d’Auch lui sera abandonné moyennant 250000 lt. Cf. A.N.M.C. et XCVIII/622. 9 juin 1777.
65 A.N.M.C. Et. XXIX/440. 3 juillet 1738. Partage de la succession de Jacques VI Le Couteulx.
66 A.N.M.C. Et. XCVIII/569. 4 décembre 1765. Inventaire après décès de Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx.
67 A.D.S.M. 2 E 2/13. 14 novembre 1698. Inventaire après décès de Etienne I Le Couteulx.
68 A.D.S.M. 2 E 2/158. 10 décembre 1810. Inventaire après décès d’Antoine IV Le Couteulx.
69 A.D.S.M. 2 E 1/2111. 10 janvier 1615. Lots et partage de la succession de Guillaume I Le Couteulx.
70 A.D.S.M. 2 E 1/2470. 14 janvier 1651. Lots et partage de Guillaume III Le Couteulx époux de Marie Dufour. L’achat date du 5 avril 1650.
71 A.N.M.C. Et. LX1/211. 22 juin 1649.
72 Sur l’achat de cette maison de Courbevoie. A.N.M.C. Et. LXI/193. 12 juin 1640. Au début du xviiie siècle la veuve d’Antoine I Le Couteulx l’abandonne à son fils Barthélemy I contre 8000 lt. A.N.M.C. Et. XV/405. 9 septembre 1706 qui la délaissera en 1739.
73 A.N.M.C. Et. XV/363. 26 novembre 1698.
74 A.N.M.C. Et. XV/363. 26 novembre 1698.
75 Les Aubris se trouvent dans le bailliage de Montfort-L’Aumaury non loin d’Orgerus et il existe une ferme du nom de La Noraye à l’Ouest de Saint-Just près de Vernon.
76 A.N.M.C. Et. XCVIII/581. 21 novembre 1768.
77 A.D.S.M. 2 E 7/49. 25 février 1715. Vente par Jean-Pierre Dufour à Barthélemy Le Couteulx. L’héritage c’est une propriété.
78 A.N.M.C. Et. I/400. 6 juillet 1740. Vente par la marquise de Flavacourt.
79 A.N.M.C. Et. XCV111/541. 2 mars 1758. Partage de la succession d’Antoine III Le Couteulx.
80 A.N.M.C. Et. XXIX/395. 25 octobre 1729.
81 P.N. Berryer, Souvenirs..., Paris, 1839, t. II, p. 320.
82 A.N.M.C. Et. XCVIII/517. 9 février 1752.
83 A.D.S.M. 2 E 13/62. 30 août 1754. Vente par Jean-Baptiste Heulter marchand de Rouen, 2 E 13/69. 22 octobre 1755. Augmentation du prix à la demande d’un parent du vendeur.
84 A.N.M.C. Et. XCVIII/538. 13 Juin 1757 avec ajout du 10 juillet 1757. Achat de la terre du Molay.
85 A.N.M.C. Et. XCVIII/538. 13 juin 1757.
86 A.D.S.M. 2 E 13/65. 29 janvier 1759.
87 A.D.S.M. 2 E 2/81. 12 novembre 1760. En réalité les deux Le Couteulx versent immédiatement 33 145 lt. 10 s au vendeur plus une rente de 3 150 lt. 4 s 6 d et s’engagent à payer comptant aux créanciers de Fauvel 195 150 lt.
88 2 E 2/93. 18 décembre 1766. Antoine-Louis se fait fort de Hélène-Olympe Paleme veuve de Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx.
89 2 E 2/96. 2 avril 1768. Comme la grande maison de Hautot, le château de Verclives n’a pas disparu.
90 A.N.M.C. Et. CXVIII/562. 13 octobre 1768. En 1776, Hélène-Olympe cédera sa part dans le domaine de Farceaux à Antoine-Louis contre 220000 lt., soit la moitié de sa valeur estimée à 440000 lt. AD. S.M. 2 E 2/113. 20 août 1776.
91 A.N.M.C. Et. XCV111/590. 23 mars 1771.
92 B. Chevallier, La Malmaison, château et domaine des origines à 1904, Paris, 1989, p. 28.
93 A.N.M.C. Et. XCVIII/643. 22 février 1782.
94 A.N.M.C. Et. XCV111/668. 28 mars 1787. Somme payée le 30 juin 1787.
95 A.D.S.M. 2 E 2/114. 23 mai 1777 , 2 E 2/116. 30 mai 1778.
96 A.N.M.C. Et. XCVIII/633. 14 mars 1780.
97 A.D.S.M. 2 E 2/119. 16 décembre 1780. En 1792, définitivement installé à Paris il vendra ses domaines de Canteleu à son parent Barthélemy-Pierre le fils d’Antoine IV Le Couteulx de Verclives pour 133 000 lt.
98 A.N.M.C. Et. XCVIII/692. 26 mai 1792.
99 A.N.M.C. Et. XCVIII/651.27 novembre 1783.
100 Ph. Jamoux, op. cit., p. 293.
101 A. Lespagnol, op. cit., t. II, p. 735.
102 A.N.M.C. Et. LXI/217. 11 avril 1652. Inventaire après décès de Nicolas I Le Couteulx.
103 A.N.M.C. Et. LXI/219. 22 avril 163. Inventaire après décès de Jacques I Le Couteulx.
104 A.N.M.C. Et. XV/363. 26 novembre 1698. inventaire après décès d’Antoine 1 Le Couteulx.
105 A.N.M.C. Et. XV/520. 19 août 1721. Inventaire après décès de Barthélemy II Le Couteulx.
106 A.N.M.C. Et. XXIX/437. 20 janvier 1738. Inventaire après décès de Jacques VI Le Couteulx.
107 A.N.M.C. Et. XCV111/507. 19 février 1750. Inventaire après décès de Jean X Le Couteulx.
108 A.N.M.C. Et. XCVIII/569. 4 décembre 1765. Inventaire après décès de Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx.
109 A.N.M.C. Et. XCVIII/581. 21 novembre 1768. Partage de la succession de Jacques VII Le Couteulx du Molay.
110 A.N.M.C. Et. CXVII/980. 18 nivôse an IV (8 janvier 1796). Inventaire après décès de Charlotte Pourrai. Très peu de Parisiens à l’exception des musiciens possèdent au XVIIe et au xviiie siècle des instruments de musique. Cf. A. Pardailhé-Galabrun, op. cit., p. 423.
111 A.N.M.C. et XXVI/632. 19 juin 1775. Inventaires après décès de Jean-Armand Le Couteulx et Marguerite Le Couteulx.
112 Au xviiie siècle les amateurs de tableaux qui au siècle précédent achetaient des tableaux religieux se tournent vers les portraits de famille. J.P. Rioux, J.F. Sirinelli (dirs), Histoire culturelle de la France, t. II A. Croix et J. Quéniart, Paris, 1997, p. 311.
113 E. Vigée-Lebrun, Souvenirs, Paris, 1828. En 1780 du Molay fils, en 1788 Madame du Molay, pp. 330 et 335.
114 M. Pinçon, M. Pinçon-Chariot, Grandes fortunes, Paris, 1998, p. 197.
115 A.D.S.M. 2 E 2/23. 14 novembre 1698. Inventaire d’Etienne I Le Couteulx. Certains marchands rouennais à la fin du xviie siècle en possèdent plus de cent. Cf. J. Quéniart, Culture et société urbaine dans la France de l’Ouest au xviiie siècle, Paris, 1978, p. 286.
116 A.N.M.C. Et. XV/363. 26 novembre 1698. Inventaire d’Antoine I Le Couteulx.
117 A.N.M.C. Et. XV/520. 19 août 1721. Inventaire après décès de Barthélemy Le Couteulx.
118 A.N.M.C. Et. XCVIII/524. 28 novembre 1753. Inventaire après décès de Charlotte Lucrèce de Bemy.
119 A.D.S.M. 2 E 2/131. 18 janvier 1790. Inventaire après décès de Marguerite-Martine-Catherine Le Couteulx. Elle a également dans sa bibliothèque Une Vie de Philippe d’Orléans et 14 volumes de divers sujets.
120 A.N.M.C. Et. XXVI/632. 19 juin 1775.
121 A.N.M.C. Et. XCV111. 4 décembre 1765. Inventaire après décès de Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx.
122 Bartolomeo-Stéphane Le Couteulx, Theses philosophicae, Paris, 1741, 12 p., Carolo Lecouteulx, Annales ordinis cartusiensis ab anno 1084 ad annum 1429, Monstrolie, 1888.
123 P. Le Verdier, op. cit., p. 223.
124 A.N. F/12/1692. Macé de Richebourg à Trudaine de Montigny. 6 septembre 1766. L’ouvrage de Macé de Richebourg, Essai sur la qualité des monnaies étrangères, Paris, 1764.
125 Archives Le Couteulx, Généalogie de 1754.
126 S. Lenormand, Histoire jusqu ’en 1838 de Simon Lenormand, Poitiers, 1839, p. 40.
127 A.H.N. Estado leg 629.
128 G. Daridan, op. cit, p. 12.
129 Archives Le Couteulx, Généalogie de 1786.
130 A.N.M.C. Et. XCVIII/598. 21 mai 1772.
131 E. Vigée-Lebrun, op. cit., p. 253.
132 E. et S. de Concourt, La femme au xviiie siècle, Paris, 1882 (nouvelle édition), pp. 68-69.
133 P. Defoumeaux, Pablo de Olavide ou L’Afrancesado (1725-1803), Paris, 1959, p. 99.
134 B. Chevallier, op. cit., p. 23.
135 B.N.M.F. 9424 cité par J. Dunmore et M. de Brossard (éds), Le voyage de la Perouse. Récits et documents, originaux, Paris, 1980, t. I, p. 42.
136 J. Dunmore, M. de Brossard, op. cit., t. I, p. 91.
137 Sur Jacques-Louis David et les deux filles de Louis Pourrat. Cf. Ph. Bordes, Le serment du Jeu de Paume de Jacques-Louis-David, Notes et documents des Musées de France, Paris, 1983, p. 23 , Sur les relations entre Charlotte Le Couteulx et André Chénier, cf. G. Walter, André Chénier, son milieu, son temps, Paris, 1947, p. 238.
138 A.N.M.C. Et. XCVIII/656. 3 novembre 1784. Procuration de l’abbé Jacques Delille à Jacques-Jean Le Couteulx du Molay, A.N.M.C. Et. XCVIII/656. 12 décembre 1784. Procuration de La Perouse à Jacques-Jean et Barthélemy-Jean-Louis Le Couteulx. M. Defoumeaux, op. cit., p. 407.
139 Sur la liste des membres de l’Académie dont aucun Le Couteulx ne fait partie. Cf. A. Caron, Liste générale des membres de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et arts de Rouen, Rouen, 1903. Sur la présence très limitée des négociants dans les Académies. Cf. D. Roche, Le siècle des Lumières. Académies et académiciens provinciaux, Paris, 1978, 2 vol. Sur Damboumey et les Le Couteulx. Cf. A.N. F/4/1032. Lettre de Damboumey à Joly de Fleury, 31 décembre 1782 où il déclare avoir l’appui d’un Le Couteulx pour qu’on lui accorde une récompense pour se travaux sur l’art de la teinture. Mais un Le Couteulx fait partie de la Société d’Agriculture de Rouen.
140 D. Ligou, Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie, Paris, 1991, pp. 626-627-645. Sur les Francs-Maçons de Normandie et les Le Couteulx, cf. E. Saunier, Révolution et sociabilité en Normandie au tournant des xviiie et XIX siècles. 6000 Francs-Maçons de 1740 à 1820, Rouen, 1998, p. 198.
141 C. Duprat, Le Temps des Philanthropes, Paris, 1993, pp. 75-79.
142 Archives Le Couteulx. Dom Charles Le Couteulx, Remarques...
143 Idem.
144 A.D.S.M. 5 BP 372. Le mariage eut lieu le 26 juin 1636 et la formule du contrat fut « en face de notre Sainte Mère l’Eglise catholique apostolique et romaine ».
145 Dom Charles Le Couteulx. Remarques...
146 A.N.M.C. Et. LVIII/72. 17 novembre 1640.
147 A.N.M.C. Et. XV/405. 9 septembre 1706. Liste des enfants de la veuve d’Antoine I Le Couteulx.
148 B.N.M.E 20941 f. 104-105. Lettres de Dom Charles Le Couteulx, Gaillon 7 août 1702 à Dom Jean Mabillon et Dom Thierry Ruinard le 7 décembre 1703.
149 J. Dehergne, Répertoire des Jésuites de Chine de 1552 à 1800, Paris, 1973, p. 147.
150 Lettres édifiantes et curieuses écrites des missions étrangères par quelques missionnaires de la Compagnie de Jésus, Paris, 1736, t. XX, pp. 105, 120.
151 A.D.S.M. 2 E 4/55. 20 août 1728. Donation d’une rente par Antoine III. Les soeurs de Marguerite ont le droit de rendre visite à celle-ci deux fois par an.
152 A.N.M.C. Et. LXXXII/444. 26 décembre 1755. Compte-rendu de la réunion des marguilliers de Saint Eustache, A.D.S.M.G. 7332 Comptes des fabriques de Saint-Pierre-du-Châtel. G 6401 Comptes de la fabrique de Saint-Denis, G. 7223 Comptes de la fabrique de Saint-Nicaise.
153 P. Chaunu, La mort à Paris 16e, 17e, 18e siècles, Paris, 1984, p. 422.
154 A.N.M.C. Et. LXI/218. 15 septembre 1652. Testament de Jacques I Le Couteulx.
155 A.N.M.C. Et. LX1/264. 22 mai 1677.
156 A.D.S.M. 2 E 2/53. 9 août 1712.
157 A.D.S.M. 2 E 2/119. 28 septembre 1779. Copie du testament d’Antoine-Louis fait à Rouen le 15 octobre 1778.
158 A.N.M.C. Et. CXVIII/1016. 5 février 1807. Dépôt du testament de Hélène-Olympe Palerne, veuve Le Couteulx.
159 A.D.S.M. 2 B. 88 f° 139. Cela lui fut octroyé par Louis XIII depuis Fontainebleau le 31 août 1625. D’après Dom Charles Le Couteulx. Remarques... il était devenu catholique et aurait été ruiné par les taxes sur sa charge. Il mourut en 1649.
160 A.D.S.M. 2 E 7/47. 26 août 1710. Vente d’office.
161 A.D.S.M. 2 E 7/82. 11 juin 1732. Inventaire après décès de Jacques-Etienne Le Couteulx.
162 A.D.S.M.C. 2308.
163 Archives Le Couteulx. Copie de la minute de l’étude Vanin de Paris du 28 novembre 1767. Elle manque en place.
164 Archives Le Couteulx. Jacques-Jean Le Couteulx à Thomas-Barthélemy Le Couteulx. 12 janvier 1768. Copie de la lettre de Thomas-Barthélemy à Jacques-Jean. Sans date.
165 A.N.W 437. Déclaration de Jean-Barthélemy Le Couteulx.
166 G. Richard, Noblesse d’affaires au xviiie siècle..., p. 267.
167 Sur les secrétaires du roi. Cf. Ch. Favre-Lejeune, Les secrétaires du roi de la grande chancellerie de France. Dictionnaire biographique et généalogique, Paris, 1986.
168 Il l’a acheté en septembre 1702. Cf. Et. LVII/411. 8 juillet 1754. Inventaire après décès d’Etienne. Papiers. La lettre d’expédition de l’office date du 26 septembre 1702.
169 Idem.
170 A.N.M.C., C. 467. 4 août 1706. Achat d’un office de secrétaire du roi par Barthélemy I Le Couteulx.
171 Ch. Favre-Lejeune, op. cit., t. II, p. 82.
172 Ch. Favre-Lejeune, op. cit., t. II, p. 821 et 865.
173 G. Arundel de Condé, Dictionnaire des anoblis normands, Paris, 1976, p. 256.
174 Idem.
175 Archives Le Couteulx.
176 Abbé Coyer, Développement et Défense de la noblesse commerçante, Paris, 1757, p. 149.
177 A.D.S.M. 3 BP 6 f° 274. 13 août 1764. Lettres d’anoblissement de Jean-Baptiste-Etienne et François-Leonr-Benoît Le Couteulx.
178 A. N. AA 45 (1351). Les citoyennes Le Couteulx au Comité de Salut Public (1794). Cette argumentation fut reprise par l’avocat P.N. Berryer dans ses Souvenirs, 1839, t. Il, p. 324. D’après lui, le dirigeant de Le Couteulx et Cie aurait retrouvé les lettres de noblesse dans les archives de la maison et les auraient renvoyé au ministre.
179 A.C.C.M., LIX. 480. Le Couteulx et Cie de Paris à Roux frères de Marseille, 30 avril 1756.
180 A.N.M.C. Et. XCVIII/534. 10 septembre 1756. Déclaration de Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx.
181 A.D.S.M. 2 E 13/63. 19 novembre 1756. Renonciation de maîtrise de Jean-Étienne I Le Couteulx, renonciation de maîtrise d’Antoine IV et Barthélemy I Le Couteulx, Antoine IV venait de succéder à son père mort en 1753.
182 G. Coeuret, L’Assemblée provinciale de Haute-Normandie, Paris, 1927, p. 34. Déjà en 1614-1615, une vingtaine d’écuyers furent nommés représentants du Tiers-État lors de la réunion des États Généraux. Cf. J.M. Hayden, France and the estâtes general of 1614, Cambridge, 1974, pp. 266-283.
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