Capitalisme et catholicisme dans la France moderne
|Chapitre IV. Cadix, enfin
Texte intégral
« Il faut maigre soy se conformer à la conjoncture et il est de prudence de se tirer doucement des engagements où l ’on se trouve pour ensuite se tenir tranquille et ne rien entreprendre jusqu ’à un changement favorable dans le commerce ».
Guillaume dogues, négociant à Cadix, 8 mai 1731
1C’est à partir des premières années de la décennie 1720 que l’on assiste, en France mais aussi dans une grande partie de l’Europe, à un renversement de la conjoncture et à la mise en place d’une croissance économique qui se maintient, en dépit de quelques retournements conjoncturels limités, jusqu’aux années 1770. Les facteurs de cette tendance à la hausse de l’économie sont fort nombreux. En premier lieu, les conflits européens au xviiie siècle sont d’une moindre ampleur que ceux qu’avait connus l’Europe au siècle précédent. En particulier, pendant le ministère Fleury, de 1726 à 1743, la France est demeurée en paix à l’exception de son entrée dans la guerre de Succession de Pologne d’une ampleur fort limitée. À partir de 1741, il est vrai, la monarchie française s’est engagée dans des guerres plus sérieuses mais qui sont moins coûteuses que celles que menait Louis XIV dans les dernières décennies de son règne d’autant plus qu’elle dispose désonnais d’alliés. Certes, toute guerre a pour conséquence des problèmes financiers mais ils sont moins dramatiques qu’autrefois, sauf ceux résultant de la guerre d’indépendance américaine. Certes, la hausse des dépenses conduit l’État royal à vouloir trouver de nouvelles sources de financement mais la fiscalité ne connaît qu’une hausse modérée et cette pesée moins lourde ne met pas en cause le maintien et même la hausse de la consommation. Autre facteur favorable, bien connu, c’est la disparition des grandes famines même si des disettes frappent un certain nombre de provinces françaises. Par ailleurs, la réussite à partir de 1726 de la stabilité de la monnaie métallique, laquelle se maintiendra pour l’essentiel jusqu’en 1789 favorise une croissance saine même si elle a privé certaines entreprises de profits nés des manipulations monétaires dont la monarchie était habituée au xviie siècle ainsi que les gains obtenus grâce aux négociateurs des lettres de change. Toutefois, la croissance des échanges de la France avec les pays étrangers contribue à l’augmentation du nombre des traites et des remises qui circulent de place en place. Le profit par unité est sans doute moins élevé qu’auparavant mais la quantité, en forte augmentation, du nombre des lettres de change permet sans doute de compenser cette baisse.
2Dans ce cadre général plus avenant, Le Couteulx et Cie peut continuer ses activités de maison de banque et de maison de commerce en connaissant beaucoup moins de risques. Toutefois, elle entend élargir ses liaisons avec l’étranger en s’efforçant de créer des établissements à l’étranger dont les dirigeants de Paris et de Rouen deviennent des commanditaires. Le plus beau fleuron sera pour eux leur maison de Cadix.
- 1 A.C.C.M., LIX/487. Barthélemy III Le Couteulx à la maison Roux de Marseille, 21 janvier 1745.
- 2 A.N.M.C. Et. XV/680. 18 février 1750. Barthélemy III Le Couteulx remet 63 000 à Jean Pâris de Montm (...)
- 3 A.N.M.C. Et. CXV/951. 31 août 1786. Inventaire après décès de Barthélemy III Le Couteulx. Papiers.
3Les deux piliers de Le Couteulx et Cie pendant la plus grande partie du xviiie siècle demeurent les branches de Paris et de Rouen. Leur direction est toujours occupée uniquement par les membres de la famille, les uns nés dans la capitale, les autres en Normandie sans que leur lieu de naissance leur interdise de changer de cité. À Paris, jusqu’en 1738, la maison est tenue solidement en mains par deux fils de Jacques III et d’Antoine I, Jacques VI et Jean X. Après la mort de Jacques VI en 1738 et le départ en retraite de Jean X (lorsqu’il meurt en 1750 il n’est plus associé de Le Couteulx et Cie), la société parisienne passe sous le contrôle de Jacques VII, le fils du dirigeant de la branche rouennaise Jean-Étienne I et de Marie-Françoise Duru et de Barthélemy III, fils de Barthélemy II décédé en 1721 et de Charlotte Lucrèce de Bemy. En 1745, ce dernier quitte la société « par crainte de trop d’engagements »1. En réalité, il n’abandonne en aucune façon le monde des affaires ni même tout lien avec Le Couteulx et Cie. Il entre dans une autre société en compagnie d’un négociant rouennais Jacques Botereau qui a épousé une Le Couteulx lequel est un fournisseur de bois et de gréements de la marine royale. Cette société appelée du Bois de Bonnetable contrôle effectivement une forêt située dans le Maine près de Bonnetable achetée au duc de Chevreuse2. La société pourra ainsi disposer d’importantes quantités de bois destinées à être envoyées à l’arsenal de Brest. Mais Barthélemy III n’abandonne pas pour autant une de ses activités de banquier continuant à effectuer le placement des emprunts d’État auprès de clients français ou étrangers à qui il envoie des arrérages de rentes, moyennant une commission. Bien que s’étant séparé de Le Couteulx et Cie, il continuera pendant plusieurs années à la représenter avant de travailler pour son propre compte, et ce jusqu’à son décès en 1786. Bien qu’âgé de 88 ans, il était toujours en rapport avec plusieurs détenteurs de rentes comme Comélis Van Colen d’Amsterdam, Maria François Gilbert, veuve de Nicolas Magon de Saint-Malo, Madame la comtesse d’Asson...3.
- 4 A.D.S.M. 2 E 2/97. 9 juillet 1767. Procuration de Jean-Baptiste-Étienne Le Couteulx à François-Leon (...)
4Après son départ, il fut remplacé par Jean-Jacques-Vincent, un fils de Barthélemy I. Né à Rouen, Jean-Jacques-Vincent avait passé plusieurs années à Cadix et une fois revenu à Paris, il deviendra jusqu’à sa mort prématurée en 1765, il n’avait que quarante-neuf ans, la grande figure de la maison parisienne, étant également député du commerce de Paris. Sa disparition suivie trois années plus tard par celle de Jacques Vil né à Rouen et ayant travaillé également à Cadix, posera un grave problème à la direction de Le Couteulx et Cie. Les enfants de Jean-Jacques-Vincent étaient trop jeunes pour le remplacer alors que le fils de Jacques VII, Jacques-Jean dirigeait la firme de Cadix. On fit venir ce dernier à Paris. Auparavant, on avait décidé de faire appel à Jean-Baptiste-Étienne Le Couteulx qui, à cette date, n’avait aucune expérience des affaires. En effet, comme son grand-père, Étienne II Le Couteulx, comme son frère François-Léonor-Étienne, il appartenait au monde de la justice. Alors que son frère était avocat du roi aux requestes au Palais, il avait embrassé depuis plusieurs années la profession d’avocat au Parlement de Rouen. Jean-Baptiste-Étienne accepta la proposition qu’on lui avait présentée, confia à son frère le soin de gérer ses biens à Rouen et gagna en 1767 la maison de Paris qu’il dirigea en compagnie de Jacques-Jean Le Couteulx devenu du Molay depuis que son père avait acheté un domaine de ce nom près de Bayeux, jusqu’au début des années 1780. Ainsi, un membre de la profession judiciaire pouvait s’orienter vers le monde de la banque et du négoce sans avoir le sentiment de rétrograder dans la hiérarchie sociale4.
5La branche rouennaise de Le Couteulx et Cie sera longtemps dirigée par Jean-Étienne I, son frère Barthélemy I et leur cousin Antoine III. Puis, à partir des années 1740 ou 1750, ils seront remplacés par leurs descendants qui avaient, pour certains, débuté leur carrière à Cadix. Antoine-Louis, un des fds de Barthélemy I sera en fonction jusqu’à sa mort en 1779 associé avec le fils d’Antoine III, Antoine IV Le Couteulx de Verclives et ils seront rejoints dans les années 1770 par Jean-Barthélemy Le Couteulx, petit-fils de Barthélemy I et fils de Thomas-Barthélemy, conseiller du Parlement de Normandie, puis premier président de la Cour des Comptes, Aides et Finances de la même province.
- 5 H. Lüthy, op. cit., t. II, p. 174.
- 6 Sur le montant du capital de Le Couteulx et Cie, on peut s’appuyer sur les inventaires après décès (...)
6Au cours du xviiie siècle, la société a connu un certain nombre de modifications. Chaque nouvel associé n’apportait plus que 300000 lt. au lieu des 400000 lt. que chacun d’entre eux avait apporté en 1720, somme sans doute due, à cette date à l’inflation provoquée par le système de Law. Comme le nombre des associés, en raison de la baisse de la fécondité de la famille Le Couteulx, on ne trouve plus une dizaine et plus d’enfants issus de chaque couple au xviiie siècle, contrairement au siècle précédent, diminue, le capital social s’est établi selon les périodes entre 1 200000 lt. et I 500000 lt. Leurs fonds sont donc désormais inférieurs à ceux, par exemple, de Tourton et Baur qui, en 1783, atteignent 2000000 1t.5. Mais cette diminution n’a en rien affaiblit la société qui bénéficiait d’une telle longévité qu’elle disposait de la plus grande confiance de ses partenaires6.
- 7 A.C.C. M. LIX/480. 18 octobre 1758. Le Couteulx et Cie de Paris à Roux « Nous n’avons jamais été da (...)
7Accepte-t-elle encore des dépôts comme c’était le cas au xviie siècle ? Dans plusieurs lettres adressées à la maison Roux de Marseille, un de ses principaux partenaires français, elle affirme qu’elle les refuse, car elle disposerait de fonds considérables qu’elle ne parvient pas à faire fructifier7.
8Les rapports entre l’établissement de Rouen situé depuis la fin du xviie siècle au centre de la ville, rue des Ours et celui de Paris qui, après avoir quitté la rue la Grande-Truanderie au début des années 1720 pour la rue Mauconseil, acheta en 1729, c’était une première, un immeuble appelé Hôtel d’Auch, rue Montorgueil, pour 129 000 lt. semblent s’être modifiés. C’est la branche parisienne qui l’emporte sur celle de Rouen du moins si l’on prend en considération la procuration accordée aux associés de Rouen en 1746 par Jacques VII Le Couteulx dirigeant de Paris. Par ce texte il autorise :
- 8 A.D.S.M. 2 E 13/58. 14 avril 1746. Procuration de Jacques VII à Antoine III, Antoine IV et Jean Éti (...)
« Antoine, Antoine fils et Jean Etienne négociants à transporter en tous lieux et au besoin faire tous achats et ventes de marchandes, signer toutes lettres de change, tirer toutes les sommes que les dits sieurs procureurs jugeront à propos tant sur Messieurs Le Couteulx et Cie de Paris que sur tous autres de ses correspondants tant en France qu’à l’étranger... en cas de non paiement, poursuivre les débiteurs, en cas de faillite, se présenter à toutes assemblées de créanciers... »8.
- 9 Ch. de S. Montesquieu, Œuvres complètes, Paris, 1964. Mes pensées, p. 1064. D’après l’auteur des Le (...)
- 10 Sur ces liens avec ces hommes d’affaires. Cf. A.C.C.M., LIX, fonds Roux, les minutes notariales des (...)
9Les activités de Le Couteulx et Cie sont toujours très diverses bien que l’établissement parisien semble avoir abandonné le commerce des marchandises encore que Montesquieu nous apprend qu’elle a fait dans la première moitié du xviiie siècle des achats de réglisse9. Elle continue à négocier en tant que maison de banque, les lettres de change, seule ou en participation avec des partenaires français ou étrangers, lesquels appartiennent au sommet de la hiérarchie du monde des affaires comme Jean Baptiste Honoré Roux de Marseille, Isaac Nunez Tavares de Bayonne, Daniel et Philippe Cantillon de Londres, André Pels et Cie d’Amsterdam, Joyes et Darcy et Drouilhet et Cie de Madrid... Il leur arrive également d’être en contact avec de grands aristocrates comme le duc de Penthièvre10.
- 11 « Liste de divers négociants et fabricants auxquels on peut avec confiance s’adresser » par Massieu (...)
10Ses opérations sur les lettres de change auraient été limitées selon le négociant de Caen Massieu l’aîné et fils parce qu’elle n’acceptait jamais les lettres de change du moins c’est ce qu’on disait, mais il ne semble pas que cette affirmation corresponde à la réalité. En effet, dans un ouvrage intitulé Méthode pour apprendre à tenir les livres en partie double daté de 1745 on lit « J’ai trouvé dans ma caisse... une lettre de change de 12 500 lt. acceptée par les sieurs Le Couteulx payable le 15 mai prochain »11.
- 12 Parmi les étrangers, on peut signaler Isaac de Pinto, l’économiste hollandais qui a acheté des rent (...)
11Une de ses activités les plus absorbantes consiste à placer les économies d’un très grand nombre de provinciaux et d’étrangers dans l’achat de rentes viagères et perpétuelles sur l’Hôtel de ville, sur les aides et les gabelles, sur les tontines. Elle reçoit de ses clients des quantités impressionnantes de pièces : procurations, certificats de vie, de notoriété, de sépultures qu’elle place chez ses notaires. Ceux qui font appel aux Le Couteulx pour placer leur argent demeurent dans la plupart des provinces françaises, Normandie, Bretagne, Guyenne, Provence, Flandre et dans divers pays étrangers : Angleterre, Province-Unies, Pays-Bas, Autriche, Espagne...12. Recueillir les arrérages des rentes est une tâche ingrate et pénible, cela explique qu’elle fait appel à des bourgeois de Paris comme Nicolas Servin, Antoine Groslier-Desmaisons et même Barthélemy III Le Couteulx lorsque ce dernier a quitté la société. Il lui arrive même de s’adresser à une société, celle de Leonor-Agnès-Jacques Le Moyne de Bretot.
- 13 A.N.M.C. Et. XCV111/525. 5 janvier 1754.
- 14 A.N.M.C. Et. XCV111/612. 12 août 1775.
12En 1754, Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx avait donné pouvoir à Le Moyne de Bretot de recevoir pour lui et en son nom les arrérages échues et à échoir de rentes perpétuelles appartenant à Thomas King de Londres et Henri Pareaux négociant de Rotterdam13. Or Lemoyne de Bretot « ancien syndic des tontines » avait créé avec Jacques Lasnier, bourgeois de Paris lequel a été également au service des Le Couteulx et son fds Marie Louis Leonor Lemoyne de Bretot, une société pour « raison de toute la recette des rentes sur le Roy ». Cette société remplaçait celle que Leonor-Agnès-Jacques Le Moyne de Bretot avait fondée avec Biard de Saint Aubin et qui avait été dissoute à la mort de ce dernier14.
- 15 A.N.M.C. Et. XCV111/613. 16 octobre 1775. L’inventaire après décès de Leonor-Agnès-Jacques Lemoine (...)
13Quelques semaines après la fondation de la société, Leonor-Agnès-Jacques Lemoyne de Bretot mourut. Dans ses papiers, on trouva une liasse de 91 pièces « servant d’acquits produits par Messieurs Le Couteulx concernant la rente que le dit feu Lemoine faisait pour différents particuliers dont il était chargé par la maison Le Couteulx et qu’il versait dans leur caisse ». Une autre liasse comportait le montant des sommes remises par feu Lemoine de Bretot pendant l’année 1774, tandis que son associé Jacques Lasnier remettait, après sa mort, les sommes dues, dans la caisse des Le Couteulx15.
14Sur tous ces arrérages de rentes, Le Couteulx et Cie prélève une modeste commission, mais étant donné leur grand nombre, leur total doit représenter une part non négligeable de leurs profits.
- 16 A.C.C.M., LIX/480. 18 octobre 1758. Le Couteulx et Cie de Paris à Roux de Marseille.
15Ne se contentant pas de placer dans les rentes, les sommes qu’on leur envoie, Le Couteulx et Cie les dirige vers les rescriptions de l’État avec un intérêt de 6 % ou des billets de la Ferme générale qui rapportent 5½ %. Dans ce cas ainsi qu’elle l’indique à la maison Roux à qui elle propose de lui faire passer 50000 1t. leur commission s’élèverait à un quart pour cent, ce qui n’est pas très élevé16.
- 17 A.N.M.C. Et. XV/629. 15 janvier 1743.
16Une autre activité prenante mais qui peut rapporter consiste à opérer la liquidation d’une société en suspension de paiements. Le Couteulx et Cie s’est chargé en 1742 de récupérer les créances dues à De La Rue et Cie, originaire de Rouen et qui avait comme elle, établie une branche à Paris. Victime de la crise bancaire de 1740, laquelle avait entraîné la chute de plusieurs grands établissements de Londres et d’Amsterdam, elle chargea Le Couteulx et Cie de prendre contact avec ses débiteurs parisiens, provinciaux et étrangers et de recouvrer ses créances. Le Couteulx et Cie parvint à faire transférer à la société en liquidation 795 023 lt. 19 s 9 d et perçut une commission de ½ %, ce qui lui rapporta 1916 lt. 12 sols, somme non négligeable17.
- 18 P. Dardel, Commerce, industrie et navigation à Rouen et au Havre..., p. 38. Le nombre des souscript (...)
- 19 A.N. Z/1/a 914. Lettre adressée à Gabriel Prévost le 27 juin 1758.
17Pendant les conflits maritimes et c’est le cas pendant la guerre de Sept Ans, Le Couteulx et Cie se donne pour fonction de rassembler les souscriptions de tous ceux qui entendent investir dans des parts de navires. Lorsque la Chambre de commerce de Normandie dont les Le Couteulx de Rouen font partie décida en 1756 de constituer une société au capital de 1 200000 lt. destinée à l’achat ou à la construction de douze frégates ou corsaires, les souscriptions devaient être remises à Le Couteulx et Cie de Paris18. La maison de banque parisienne associée avec d’autres grandes maisons de banque parisienne comme Tourton et Baur et Jean Cottin l’aîné va vouloir obtenir la participation de plusieurs Parisiens dont Gabriel Prévost à l’intéressement de plusieurs frégates dont les principaux dirigeants sont Le Breton de Blessin Dessaudrais Sebire de Saint Malo et Perrée frères de Granville. Ceux qui voudront acquérir des parts pourront s’adresser à Le Couteulx et Cie qui a « bien voulu se charger de recevoir les souscriptions de ceux qui auront recours à eux et de leur en délivrer des actes de société signés des sieurs Perrée »19.
18Faute de pouvoir étudier les livres de comptes de Le Couteulx et Cie, il est impossible de pouvoir établir le montant des profits de la firme. On peut penser qu’en tant que maison de banque, ce sont ses commissions qui en fournissent une partie majeure. La commission est le plus souvent d’un montant de ½ % à laquelle s’ajoute un courtage. C’est au moins ce qu’on peut conclure d’une lettre de la maison parisienne adressée à la maison Roux de Marseille.
- 20 A.C.C.M. L1X/473. 1er novembre 1734. Le Couteulx et Cie de Paris à Roux de Marseille. Les piastres (...)
« Nous consentons avec plaisir que pour les affaires de banque nous nous traiterons mutuellement à 1/2 % pour commission et garantie, en outre le courtage à 1/3 et 1/2 % pour les parties qui n’exigent pas de garantie comme sont les piastres que payons pour vos grâces à domicile. Quand aux retours provenant des ventes de parties nous consentons à 3/4 % pour commission et garantie des remises... »20.
- 21 A. Mercédès Azcona Guerra, « Une entreprise navarraise dans le réseau commercial de la France Mérid (...)
- 22 A. Mercédès Azcona Guerra, Comercio y comerciantes en la Navarra del siglo XVIII, Pampluna, 1996. p (...)
- 23 Inventaire de Martin de Larrainzar (1766) cité par A. Mercédès Azcona Guerra, op. cit., p. 73.
19La maison rouennaise quant à elle, si elle est également considérée comme étant un établissement bancaire, joue le rôle essentiel dans les achats et les ventes de marchandises. Elle importe, comme sous le règne de Louis XIV, des matières premières destinées à l’industrie textile française. Rouen demeure toujours le premier importateur de laines d’Espagne et Le Couteulx et Cie, comme Midy et Cie, Planté et Cie ou Jean Nicolas Ribard en font venir de grandes quantités. La maison rouennaise est en relation avec des fournisseurs de laines espagnoles, en particulier ceux de Pampelune, la capitale de la Navarre. Parmi eux, Juan Angel Vidarte est en relation avec eux jusque dans les années 1760, ainsi qu’avec une maison de Bayonne (Pierre et Dominique Poydenot) et une de Toulouse, les frères Joulia21. Après cette date, si la firme de Pampelune élargit le nombre de ses partenaires français elle continue jusqu’à la Révolution à fournir des laines à Le Couteulx et Cie de Rouen22. Autre grand fournisseur navarrais, c’est Martin de Larrainzar qui, outre la branche rouennaise, a pour clients des négociants de la même ville ainsi qu’à Laval, Bordeaux, Orléans, Bayonne, Lille, Gand, Londres, Amsterdam et Hambourg23.
- 24 A.D.S.M. 15. J. 49. Papiers Grandin d’Elbeuf. Grandin d’Elbeuf à Le Couteulx et Cie de Rouen, 21 ma (...)
- 25 A.C.C. M. LIX/481. 4 mai 1741. Le coton venu de Marseille est apporté à Rouen par un navire malouin
20Ces laines, Le Couteulx et Cie continue de les redistribuer dans plusieurs centres drapiers français comme ceux de Sedan et d’Elbeuf où elle en fait parvenir à une des plus grandes manufactures de la ville normande, Pierre Grandin l’aîné. En mai 1778, la firme elbeuvienne adresse à Le Couteulx et Cie de Rouen qui leur a livré deux balles de laines par l’intermédiaire d’un certain Bizet deux effets sur Lisieux et Paris d’un montant de 1360 lt., somme à valoir sur la valeur des deux balles24. Comme depuis le début du xviiie siècle la Normandie fabrique des toiles appelées « siamoises » mélange de fil de coton et de fil de laine, Le Couteulx et Cie importe, comme elle le faisait déjà à la fin du xviie siècle du coton qu’elle fait venir du Levant par l’intermédiaire de la maison Roux de Marseille, mais elle a trouvé un autre centre de production, les Antilles françaises qui étendent leurs cultures du coton25.
21Si elle continue à faire venir en France de grandes quantités de soude, elle semble hésiter à s’engager dans le commerce du blé. Il lui arrive de s’associer pour quelques achats à la maison de Londres, Daniel et Philippe Cantillon, mais d’un autre côté, elle assure à Roux de Marseille que c’est devenu une branche de commerce périlleuse étant donné les variations brusques du prix des céréales, ce qui peut occasionner des pertes sévères. Ces céréales, elle préfère les acheter en Bretagne car d’après ce que déclare la branche parisienne :
22Pour assurer ses transactions avec les grandes places étrangères, les Le Couteulx avaient pendant longtemps disposé de commissionnaires. Mais, au xviiie siècle, ils vont mettre en place des établissements qu’ils commanditeront, l’un à Amsterdam, l’autre, le plus puissant, à Cadix.
23Dès la première moitié du xviie siècle, Le Couteulx et Cie, on l’a vu, était en relations avec Amsterdam, le premier port et la première place financière de l’Europe. Mais il faudra attendre 1762 pour qu’elle décide, après les dernières hostilités de la guerre de Sept Ans, de fonder une maison de commerce qu’elle commanditera.
- 27 A.N.M.C. Et. XXVI/628. Partage-succession de Denise Le Couteulx veuve de Denis de France. 31 mars 1 (...)
- 28 Sur de France et Botereau, cf. Ch. Carrière, « Image du capitalisme hollandais au xviiie siècle. Le (...)
24Cette société sous la raison de France et Botereau, est dirigée par deux associés Armand-Jacques de France et Jean-Alexandre Botereau, tous deux apparentés aux Le Couteulx. Armand-Jacques de France est le fils d’un marchand-drapier parisien Denis de France qui a épousé Denise Le Couteulx, descendante de Guillaume II Le Couteulx. Quand à Jean-Alexandre Botereau, il a pour parents Jacques Botereau négociant de Rouen, d’origine lyonnaise et Marguerite Catherine Le Couteulx, fille d’Antoine III Le Couteulx et de Catherine Boette. Tous les deux ont pendant une douzaine d’années été commis dans des sociétés amsterdamoises. Puis, grâce à une commandite de Le Couteulx et Cie et des prêts de leur famille, Armand-Jacques de France a reçu en 1762 l’équivalent de 15 000 florins soit 33 531 lt. 12 s. 10 d. de sa mère27, ils peuvent fonder leur propre société qui entend tout en privilégiant le commerce des marchandises s’impliquer dans les assurances et la négociation des lettres de change. De France et Botereau devient une maison solide même si elle n’atteint pas la puissance de sociétés telles Hope et Cie, Horneca Hogguer ou même Echenique Sanchez d’origine espagnole28. En 1771, Armand-Jacques de France désireux de revenir en France abandonne sa firme. Jean-Alexandre Botereau devient le principal dirigeant d’une société qui prend le nom de Botereau et Cie que les Le Couteulx auraient cessé de commanditer, ce qui n’est pas certain et qui demeurera très proche des branches rouennaises et parisiennes jusqu’à la Révolution.
- 29 J.F. Labourdette, op. cit., p. 525.
- 30 A.N.A.E./B/1/647. 23 octobre 1690. D’Esneval, ambassadeur de France à Seignelay, secrétaire d’État (...)
25La quasi-filiale de Cadix sera, elle, contrôlée par les maisons mères sans la moindre interruption de 1724, date où elle voit le jour à 1793, moment où la monarchie espagnole l’oblige à cesser ses activités comme conséquence de la guerre menée entre elle et la France révolutionnaire. Le Couteulx et Cie avait acquis depuis de nombreuses années des liaisons commerciales avec la Péninsule Ibérique. Deux marchands de Lisbonne, Louis Martin et François André étaient en rapports étroits avec eux et pour exporter du bois de Brésil en Angleterre pendant la guerre de la Ligue d’Augsbourg sans que leurs bâtiments soient capturés, ils avaient fait appel à l’aide de Le Couteulx et Cie de Rouen29. Dans la capitale du Portugal, on les considérait avec Poquelin et le Portugais naturalisé français de Mouras comme « les marchands de Paris les plus accrédités »30. Quant à Cadix, ils sont déjà en rapport avec des marchands français qui y sont établis depuis la décennie 1680. Pourtant alors que depuis la paix des Pyrénées en 1659 et surtout depuis l’avènement de Philippe V le petit-fils de Louis XIV, la colonie marchande française, installée dans le port andalou a fortement augmenté en nombre, les Le Couteulx ont fait preuve d’une certaine retenue.
26Depuis 1680, Cadix est devenue à la place de Séville la seule tête de pont du commerce maritime entre la métropole espagnole et son empire colonial américain. La ville qui bénéficiait du monopole commercial connut une forte croissance démographique. Elle atteignit une quarantaine de milliers d’habitants au début du xviiie siècle et dépassa les soixante-quinze mille au début des années 1790. Elle devint au cours du siècle des Lumières un des plus grands ports européens à cause de l’augmentation du volume et de la valeur de son commerce maritime. Venaient d’Amérique des « fruits » comme la cochenille, l’indigo, le cacao, les cuirs et surtout des espèces métalliques, les piastres. Comme l’Espagne était incapable de produire des produits fabriqués de qualité comparable à ceux des pays de l’Europe de l’Ouest, arrivaient dans le port andalou, des tissus de laine, des toiles de lin, des soieries, de la quincaillerie, de la mercerie et du papier en provenance de la France, des Provinces-Unies, de l’Angleterre, de la Silésie et de Gênes essentiellement qui étaient ensuite réexportés vers l’Amérique espagnole.
- 31 A. Girard, Le commerce français à Séville et à Cadix au temps des Habsbourg, Paris, 1932.
27Il semble que très tôt, en tout cas, dès la fin du xviie siècle, la France était devenue le premier partenaire de l’Espagne31. Ces liens commerciaux étroits ne pouvaient que conduire à l’établissement d’hommes d’affaires français à Cadix. En 1700, dernière année du règne de Charles II, trois ans après la paix de Ryswick, on comptait vingt-neuf négociants français dans le port andalou et en 1713 après la fin de la guerre de Succession d’Espagne ils auraient été au nombre de quatre-vingt.
- 32 Di. Ozanan, « La colonie française à Cadix au xviiie siècle d’après un document inédit (1777) » dan (...)
- 33 Bibliothèque Arsenal Man. 4068. Mémoire de Patoulet cité par M. Morineau, Incroyables gazettes et f (...)
28L’origine des hommes d’affaires français présents à Cadix à cette date était très diversifiée. On comptait de nombreux Malouins comme les Magon présents depuis le début du xviie siècle, des Marseillais, des Orléanais, des Lyonnais, des Rouennais. Plusieurs maisons de commerce gaditanes avaient pour dirigeants des hommes venus de la Haute-Normandie. Parmi eux on trouvait Louis Hays qui dut suspendre ses paiements en 1715, Gilles Pain, Guillaume Sarsfield un Irlandais qui avait vécu à Rouen avant de gagner la Basse-Andalousie et surtout les frères Desportes dont la société en 1724 appartenait à la première classe des maisons françaises32. Cette importance des négociants rouennais présents à Cadix avait pour cause l’intensité des relations commerciales entre le port normand et le port andalou qui en recevait d’importantes quantités de tissus de laine et des toiles blancards d’un montant dépassant plusieurs millions de livres33.
- 34 A.N.A.E./B./1/230. Mémoire du Consul de France à Cadix Partyet fils, 17 septembre 1725.
29Pourquoi les Le Couteulx ont-ils tardé à suivre l’exemple de leurs homologues rouennais alors qu’ils envoyaient des toiles et des dentelles à la maison de Jean-Baptiste Legendre en 1683 et 1684 ? On ne saurait répondre. Peut-être que leur prudence coutumière les aurait dissuadé de franchir le pas et auraient-ils craint pendant la guerre de Succession d’Espagne alors que Cadix était menacée par les flottes anglaises et hollandaise qu’ils auraient subi des pertes importantes au cas où des navires français et espagnols auraient été capturés par leurs ennemis. Après la paix de 1713, les relations entre la France du Régent Philippe d’Orléans et celle de Philippe V étaient détestables et un conflit éclata entre les deux pays qui interrompit pendant quelque temps les échanges entre les deux pays, alors qu’en 1717 une escadre espagnole s’emparait dans la Mer du Sud de plusieurs bâtiments malouins et rouennais. Dernière avanie, en 1720, la peste qui éclata à Marseille permit à Philippe V d’interdire tout commerce entre la France et l’Espagne. Ce n’est qu’en 1723 que cette prohibition fut levée34. Désormais jusqu’en 1793, les relations allaient, entre les anciens adversaires, devenir plus cordiales, ce qui conduisit enfin les Le Couteulx à fonder une société à Cadix.
- 35 A.H.P. C. Et. 19/4452. 14 mars 1723. Testament d’Antoine Lenormand.
30En 1723, arrive à Cadix, un jeune marchand normand nommé Antoine Lenormand, né en 1696 à Fresles près de Neufchâtel-en-Bray, de Christophe Lenormand et de Anne Le Masson. Il avait d’abord séjourné quelques mois à Lisbonne avant de gagner le port andalou. Il se prétend homme d’affaires bien qu’il ignore l’espagnol ainsi qu’il le déclare alors qu’il est gravement malade et qu’il est contraint de faire rédiger son testament par un interprète. Il travaille pour un certain Torner et sa fortune est fort modeste puisqu’il déclare que les seuls biens qu’il possède consistent en un peu de linge déposé dans une malle35.
- 36 A.N.M.C. Et. LXXVII/307. 23 décembre 1765. Célébration du mariage de Christophe Lenormand le 6 avri (...)
31Une fois rétabli, il reprend ses activités et entame des négociations de lettres de change avec Le Couteulx et Cie. Il les connaissait parfaitement puisque lors du mariage en 1717 de son frère Christophe Lenormand dans l’église de Saint-Pierre-du-Châtel auquel il avait assisté, Jean-Etienne I Le Couteulx était présent et représentait le futur marié qui avait perdu son père36. Toutefois, on ne saurait affirmer explicitement que Le Couteulx et Cie avait envoyé Antoine Lenormand dans la Péninsule ibérique en tant que précurseur de la firme qu’elle aurait entendu fonder. Pourquoi n’aurait-elle pas fourni à son futur associé des fonds lui permettant de s’assurer une honnête aisance et de se livrer à des opérations d’envergure ? Aussi peut-on penser que c’est parce qu’Antoine Lenormand était déjà présent et qu’il commençait à emmagasiner une certaine expérience des activités de la place de Cadix que les Le Couteulx, un peu plus d’une année après l’arrivée d’Antoine Lenormand, décidèrent d’envoyer un membre de la famille chargé de créer et de prendre en mains une troisième branche Le Couteulx.
- 37 A.N.M.C. et XV/534. 12 juillet 1724.
- 38 Sur ces Magon, Cf. A. Lespagnol, « Modèles éducatifs et stratégies familiales dans le milieu négoci (...)
32En juillet 1724, Jacques VII Le Couteulx, un des fils de Jean-Etienne I Le Couteulx et de Marie-Françoise Duru, âgé de dix-huit ans, il était né en 1706, passe par Paris. Son oncle Jacques VI, le chef de la maison parisienne, lui remet 60000 1t. en « avancement d’hoirie » au nom de Jean-Étienne I, son neveu « estant sur le point de partir pour aller s’établir à Cadix ». Les 60000 1t. devaient lui faciliter « son établissement dans la dite ville »37. C’était une pratique courante à cette période. Lorsque les parents d’un de leurs enfants qui désirait se lancer dans le commerce voulaient l’aider, ils lui fournissaient une somme qui serait déduite de sa part de l’héritage familial. Ce fut par exemple le cas des jeunes Nicolas et Guillaume Magon qui partirent pour Cadix en 1713 rejoindre les autres membres de leur famille qui dirigeaient leur maison espagnole. Toutefois chacun des deux ne disposa que de 15 000 lt. soit quatre fois moins que Jacques Le Couteulx38. Mais il est vrai que les Magon entraient dans une société depuis longtemps existante alors que pour Jacques VII il s’agissait d’un démarrage.
- 39 Di. Ozanam, op. cit., « Liste des maisons de commerce... ».
33 Présent dans les derniers mois de 1724 à Cadix, Jacques VII Le Couteulx fonde sa maison au début du mois de novembre ayant pour raison « Jacques Le Couteulx le Jeune et Cie » avec comme second gérant et associé Antoine Lenormand. Au cours de ses premières années d’activité, cette maison ne fait pas partie du sommet de la hiérarchie commerciale de la nation française de Cadix. En décembre 1724, lorsque le Consul de France dans la ville désigne les nations commerçantes comportant 65 maisons en quatre classes, elle ne fait partie que de la seconde classe alors qu’il en existe vingt qui appartiennent à la première classe dont deux maisons d’origine rouennaise, celle de Gilles Pain et de Desportes frères39.
- 40 A.N.M.C. Et. XXIX/437. 20 janvier 1738. Inventaire après décès de Jacques Le Couteulx. Papiers. Le (...)
- 41 R. Chamboredon, Fils de soie sur le théâtre des prodiges du commerce. La maison Gilly-Fornier à Cad (...)
- 42 A.D.M.C. Et. XCVIII/569. 4 décembre 1765. Inventaire après décès de Jean-Jacques-Vincent Le Couteul (...)
34A partir des années 1730, elle devient une maison de première classe. C’est la conséquence de la valeur de son capital tel qu’il est constitué lors du renouvellement de son contrat en date du 29 et du 30 octobre 1730 et du 25 janvier 1731. La société toujours dirigée par Jacques VII Le Couteulx et Antoine Lenormand est commanditée par plusieurs dirigeants des branches rouennaise et parisienne. Parmi eux, le chef de Le Couteulx et Cie de Paris, Jacques VI y est intéressé en commandite pour « quatre-cinquantième ». Or son fond dans la société de Cadix atteint 12000 piastres. Le capital total est donc de 150000 piastres, ce qui représente environ 600000 lt.40. En 1736, lorsque le Consul de France établit une nouvelle liste des maisons de commerce de la nation française, Le Couteulx Lenormand et Cie, c’est sa nouvelle raison, est entrée dans le petit nombre, neuf au total, des membres de la première classe. Elle y demeurera jusqu’à la Révolution. Il est possible cependant que son capital ne soit pas le plus élevé des grandes maisons françaises du port andalou. En 1771, les dix maisons les plus riches totalisaient un capital global de deux millions de piastres et la maison Gilly-Fomier d’origine nîmoise qui disposait d’un capital de 90000 piastres en 1756, l’éleva à 130000 en 1768 puis à 200000 en 1773 et 300000 en 17 7 641. Or, les Le Couteulx n’ont pas désiré accroître leur capital. En effet lors du renouvellement du contrat privé de la maison de Cadix le 24 février 1764, un des commanditaires parisiens Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx y participe pour 16000 piastres représentant 4/38e du capital qui est fixé à 152 000 piastres42.
35 Il est vrai que ses fonds propres sont supérieurs à son capital puisqu’elle bénéficie de dépôts. C’est ainsi qu’un des commis de la maison de Paris, Barthélemy Le Cointeur-Dumas affirme avoir placé 1 500 1t. dans les mains de Le Couteulx Lenormand et Cie et que Charlotte Lucrèce de Bemy, la veuve de Barthélemy II Le Couteulx a pris des parts au début des années 1740, dans des bâtiments français qui, pendant la guerre de l’Oreille de Jenkins ont été autorisés à se rendre à Carthagène des Indes.
36La quasi-totalité des futurs dirigeants des branches françaises viennent désormais passer un certain nombre d’années à gérer le comptoir gaditan. Jacques VII Le Couteulx, le fondateur arrivé en 1724, qui se marie en 1734 revient en France pour diriger la firme parisienne. Il est remplacé par son frère Barthélemy-Félix et par ses cousins Jean-Jacques-Vincent et Antoine-Louis, les fils de Barthélemy I. А̀ leur tour, après quelques années ils regagnent Rouen et Paris et c’est au tour de Jacques-Jean, le fils du fondateur puis Jean-Barthélemy dont le père était conseiller du Parlement de Normandie, de les remplacer puis leur succèdent les fils de Jean-Jacques-Vincent, Barthélemy-Jean-Louis et Laurent-Vincent dans les années 1770. Ils commencent donc leur apprentissage dans le comptoir de la société situé à partir des années 1750 calle des Flamencos Borrachos (les Flamands ivres), puis deviennent associés-gérants avant de regagner la France. Aucun d’entre eux ne s’établit définitivement à Cadix.
- 43 En 1751 il en fait partie avec Antoine et Jean Lenormand.
- 44 A.N.M.C. Et. XCVIII/569. 4 décembre 1765. Inventaire après décès de Jean-Jacques-Vincent Le Couteul (...)
37Contrairement aux règles qui s’imposent dans les maisons de Rouen et de Paris où seuls les membres de la dynastie entrent dans l’entreprise, la quasi-filiale gaditane accepte des parents éloignés et mêmes des individus n’ayant aucun lien familial avec eux, mais qui sont originaires de Normandie. Antoine Lenormand va demeurer plusieurs décennies à la tête de la société qui entre 1730 et 1756 adopte la raison Le Couteulx Lenormand et Cie. Son frère Jean, puis son fils Simon-Emmanuel-Julien et le cousin de ce dernier Pierre Lenormand entrent dans la société. Les Le Couteulx accepteront même la participation dans leur firme d’un homme d’affaires d’origine irlandaise, Dominique Terry, né à Limerick, et qui appartenait à une famille ayant établit deux sociétés à Malaga et à Cadix. « Domingo » Terry entrera dans la société sans doute au début des années 175043 et les Le Couteulx accepteront que la raison de leur maison, devienne à partir de 1756 Le Couteulx Le Normand Terry et Cie. En 1764, Antoine Lenormand ayant cessé d’en être le gérant et se contentant d’en être un simple commanditaire, elle prend le nom de Le Couteulx Terry et Cie. A cette date elle compte quatre gérants Jacques-Jean et Jean-Barthélemy Le Couteulx, Dominique Terry et Pierre Louis Martin Desportes qui appartient sans doute à la famille Desportes, laquelle a disparu à Rouen comme à Cadix vers les années 1750 à la suite d’une suspension de paiements et quatre commanditaires qui, outre Antoine Lenormand, sont Jacques VII et Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx demeurant à Paris, Antoine-Louis vivant à Rouen44. En 1768, Dominique Terry décidera de se retirer de la firme pour former avec son fils une société portant son seul nom et il sera remplacé quelque temps plus tard par Pierre Lenormand.
- 45 A.N.A.E./B./I./263. 4 avril 1746. Partyet à Maurepas.
38Membre de la première classe depuis le début des années 1730, la maison Le Couteulx n’est pas considérée cependant comme une de toutes premières firmes de la place de Cadix. En effet dans un rapport adressé au ministre de la Marine Maurepas, le consul Partyet écrit en 1746 que sur les douze maisons de première classe les plus riches sont celles de « Casaubon Béhic, Masson, Walsh, Handricx, Sobia et Vande et Cayla, Solier frères Verdun et Cie. Ces dernières règlent principalement le prix du change ainsi que celle des sieurs Le Couteulx qui est considérable pour cette partie du commerce »45. On constate ainsi la spécificité de la maison Le Couteulx qui n’est pas vue comme une société recevant le plus de marchandises par rapport à ses homologues françaises. Plusieurs d’entre elles ont bien des maisons mères en France comme Casaubon Béhic et Cie liée à Casaubon de Bayonne ou Magon le Fer frères attachée à Magon La Balue de Saint-Malo mais aucune d’entre elles n’a de liens aussi étroits que la maison de commerce Le Couteulx de Cadix avec sa maison de banque parisienne. C’est seulement dans les années 1750 que Jean-Baptiste Magon de la Balue quittant Cadix pour aller s’établir à Paris, y deviendra un des plus puissants financiers de la capitale.
- 46 A.H.P. C. Et. 25. 5759. 6 décembre 1765. Les pouvoirs sont accordés en cas d’absence ou de maladie (...)
39Pourtant si Le Couteulx de Cadix privilégie les transactions sur les traités et remises, cela ne signifie en aucune manière qu’elle ne s’adonne pas à de multiples opérations. C’est ce que montre la procuration délivrée en 1765 par Jacques-Jean Le Couteulx et « Domingo » Terry à Jean-Barthélemy Le Couteulx et Pierre Louis Martin Desportes à qui ils accordent en leurs noms et celui des autres associés commanditaires le pouvoir de se livrer aux achats de marchandises, fruits et autres effets, de signer des contrats à la grosse aventure, d’affréter des navires, d’obtenir des douanes les trésors et les fruits...46.
- 47 Arnail Fomier à Barthélemy Fomier, 5 janvier 1768 cité par R. Chamboredon, op. cit., note 1382, p. (...)
- 48 A.D.I et V. Fonds Magon 11 J. 20. Magon La Blinaye à Le Couteulx et Cie de Paris le 26 novembre 175 (...)
- 49 Idem. Magon La Blinaye à Le Couteulx et Cie de Paris. 11 décembre 1753.
40En ce qui concerne les marchandises, si l’on en croit un des dirigeants de la maison Fomier, le commerce réalisé par la maison Le Couteulx se fait avec « poids et mesures »47 c’est-à-dire avec beaucoup de discernement. Comme les autres négociants de Cadix, la maison Le Couteulx s’oriente vers trois types d’opérations : en premier lieu, elle importe des produits manufacturés français dont une partie est vendue sur place, une autre expédiée aux Indes espagnoles. Ce sont surtout des produits textiles, des toiles et des draperies essentiellement. Les toiles acquises par les Le Coutculx proviennent pour une part de la Normandie, ce sont les blancards et les fleurets, mais devenues de qualité médiocre, les meilleurs fils de lin étant désormais utilisés pour la fabrique des siamoises qui n’ont que de faibles débouchés en Espagne et dans ses colonies, de plus en plus, ce sont les toiles de Bretagne que Le Couteulx et Cie de Cadix s’efforce d’acquérir. Pendant plusieurs années, elle s’adresse à la maison Magon la Blinaye de Saint-Malo pour en obtenir. Ainsi en novembre 1752, Jacques Le Couteulx, le dirigeant de la maison de Paris lui achète cent pièces de toiles en deux ballots à 40 sols l’aune qui doivent être envoyés à Cadix48. Une petite partie des toiles sera expédiée avant la fin de l’année depuis Saint-Malo à bord du navire Le Vigilant, l’année suivante, Le Couteulx et Cie achète à nouveau des toiles au négociant malouin, il s’agit de 10 balles de toiles étroites et larges d’une valeur de 8032 1t. 12 s.49.
- 50 Idem. Magon La Blinaye à Le Couteulx et Cie. 18 mai 1753.
- 51 A.D.I et V. Fonds Magon 11 J. 21 Magon La Blinaye à Le Couteulx et Cie de Paris. Lettres du 10 févr (...)
41La maison Le Couteulx de Paris, cette même année, a fait envoyer 400 pièces de toiles de Bretagne par l’intermédiaire de la maison Magon à Le Couteulx Lcnormand et Cie pour son compte. La maison de Saint-Malo ajoute qu’elle expédie à la maison gaditane des toiles pour son propre compte et qu’elle espère en tirer un bénéfice de 10 %50. En 1754, Jacques VII Le Couteulx commande à nouveau à la maison Magon des toiles de Bretagne d’un volume de 4 balles contenant 200 pièces Bretagnes larges d’une valeur de 5 840 lt. 9 s. 2 d. qui doivent être envoyées à Le Couteulx Lenormand et Cie de Cadix, auxquelles s’ajoutent 3 balles que l’associé de Jacques VII, Jean-Jacques-Vincent fait expédier en Andalousie : enfin, à la fin de l’année, Jacques VII procède à un nouvel achat de 3 balles destinées au même endroit et que sa maison de Cadix doit écouler51.
- 52 Il s’agit peut-être du fermier général Dangé qui s’est associé avec Grandclos-Meslé et Le Couteulx (...)
- 53 A.N. Z/1/a 916. Grandclos-Meslé de Saint-Malo à Gabriel Prévost de Paris, le 1er janvier 1773. Gran (...)
42Dans les années 1770, c’est avec une autre maison malouine, celle de Grandclos-Meslé, que la maison de Cadix s’associe pour l’achat de toiles de Bretagne. Pour éviter la concurrence dans les achats, ce qui provoquait la hausse des prix des toiles, les Le Couteulx soldèrent plusieurs petits comptes en participation avec d’autres négociants malouins et proposèrent à Grandclos-Meslé « d’entrer avec eux dans un compte à demi ». Au départ, chacun d’eux devait placer 100000 1t. mais d’après Grandclos-Meslé « un capitaliste est depuis venu rejoindre en tiers pour 100/m lt52. Le compte passa donc à 300000 lt. Mais Grandclos-Meslé envisageait d’ouvrir un autre compte d’achat de toiles. Un certain M.F. Rocher voulait placer 20000 lt. et Grandclos-Meslé proposait à Gabriel Prévost le trésorier des Ponts et Chaussées, de déposer une certaine somme, le négociant malouin espérait que les Le Couteulx de Cadix voudraient avoir une part dans ce nouveau compte. Dans ce cas elle en serait la maîtresse et ajoutait-il « ce sera toujours à elle que je consignerais ces toiles pour être vendues à Cadix »53.
- 54 A.N. Z/l/a 916. Compte en vente frais et net produit de 39 balles de « Bretagnes ». 8 octobre 1773 (...)
43Un premier envoi de toiles a lieu au début du printemps de 1773. Plusieurs dizaines de balles sont chargées à bord de deux bâtiments La duchesse de Duras et l’Amphitrite dont Grandclos-Meslé annonce l’arrivée à Cadix dans une lettre à Gabriel Prévost datée du 25 avril 1773. Trente-neuf balles vont être vendues rapidement à des négociants de Cadix, mais également à des homologues de Grenade. Les acheteurs disposent de six mois pour payer leurs toiles, au-delà, ils doivent payer un intérêt de 3 %. Les plus grands acquéreurs sont des Gaditans français ou espagnols comme Juan Peregrino qui a acheté 900 pièces étroites pour une valeur de 20475 réaux de plata, Juan Agustin Ustariz qui en a reçu 400 d’un coût de 10400 réaux de plata et Délayé Dufoo, pour 11 600 réaux de plata, a obtenu 400 pièces larges. En tout, les trente-neuf balles dont trente et une étroites et huit larges ont été vendues pour un total de 93 130 réaux de plata. Sur cette somme il faut déduire les coûts des frets, les droits de douane et la commission de 3 % sur la vente qu’obtient Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie de Cadix ainsi que ½ % de courtage et ½ % de magasinage. La maison de Cadix percevait donc 3 725 réaux de plata à quoi s’ajoutait sa part dans le profit net de la vente des toiles qui, d’après Grandclos-Meslé s’élevait à environ 13 %54.
- 55 A.N.Z 1 a 916. Grandclos-Meslé à Gabriel Prévost. 12 septembre 1773.
44Les Le Couteulx de Cadix ayant manifesté « leur entière satisfaction » pour le premier envoi de Grandclos-Meslé, celui-ci en organisa un second. 67 balles de toiles « Bretagnes » furent chargées sur son navire Le Sévère. Le 12 septembre 1773, Grandclos-Meslé annonçait à Gabriel Prévost qui s’était à nouveau engagé dans la vente des toiles que son navire était arrivé à Cadix depuis un mois et les Le Couteulx lui avait marqué » leur contentement » pour la partie des toiles qu’il leur avait envoyé par le navire, qu’il ne leur restait plus que quelques unes à vendre et que toutes celles qui l’avaient été permettaient de réaliser « un très bon bénéfice ». Et ils l’invitaient à continuer ses achats car la flotte venue de la Vera Cruz arriverait en février et mars avec des richesses considérables, c’est-à-dire des piastres, et que « les toiles trouveront conséquemment un débouché avantageux »55.
- 56 A.N.Z 1 a 916. Compte de ventes de 109 balles. 18 août 1776. 271 644 reaux de plata représentent en (...)
45Grandclos-Meslé qui admirait « l’activité et l’intelligence de ces Messieurs » (Les Le Couteulx) suivit leurs conseils. En octobre 1773, il chargea 53 balles sur deux navires l’Andalousie et le Printemps, et les expéditions continuèrent au moins jusqu’en 1776. Entre octobre 1774 et mars 1776, 109 balles auraient été vendues dont 88 étroites et 21 larges pour un montant de 271 644 réaux de plata, la commission et le magasinage rapportant 3 ½ % à la maison Le Couteulx soit 10366 réaux de plata 23 maravedis56.
- 57 A.N.M.C. Et. XCVIII/570. 11 janvier 1766 , ACCM, LXI, 824. Le Couteulx et Cie de Cadix à Roux. 25 o (...)
46Le Couteulx de Cadix s’adonne également au commerce des draperies, sans doute en moindre quantité que celui des toiles. Dans les années 1760, elle achète 36 pièces de bayettes à la maison Garnier de Beauvais pour la somme de 10577 lt. En 1771, elle s’adresse pour obtenir dix pièces de draps à une manufacture du Languedoc située à Pennautier. Enfin, en participation avec plusieurs sociétés, Van Robais et neveu d’Abbeville et Veuve Feray et Massieu du Havre, elle fait venir 250 pièces de draps d’Abbeville de la manufacture de draperies Van Robais considérée comme une des plus prestigieuses de la France57.
- 58 R. Chamboredon, op. cit., t. II, p. 337.
- 59 ACCM. LIX, 824. Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie, Cadix, à Roux de Marseille, 14 août 1772. (...)
- 60 R. Chamboredon, op. cit., t. I, p. 227.
47Comme la plupart des maisons françaises de Cadix, la firme Le Couteulx réexporte vers l’Europe des produits venus de l’Amérique espagnole qu’on nomme les « fruits des Indes ». Parmi ceux-ci, les produits tinctoriaux, avant tout la cochenille, d’origine mexicaine essentiellement qui permet de donner aux tissus une très belle couleur rouge, sont très recherchés. Parmi les acheteurs, on trouve la maison Roux de Marseille, cette ville semblant être le principal débouché de ce type de marchandises si l’on en juge par les transactions opérées par la maison Fornier de Cadix58. On peut donner plusieurs exemples. En septembre 1733, Le Couteulx Lenormand et Cie expédie à la maison marseillaise deux zurrons de cochenille qu’Honoré Roux est chargé de vendre pour son compte. Une quarantaine d’années plus tard, en 1772, alors que se développe une énorme spéculation sur la cochenille dans plusieurs pays d’Europe et que plusieurs places commerciales s’en sont fait envoyer entre 1400 et 1800 zurrons, Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie en achète une forte quantité, 140 zurrons, déplore-t-elle – un prix très élevé à cause de la spéculation qui est en cours59. Parfois la maison de Cadix s’associe pour des opérations sur la cochenille à d’autres maisons de la place. Ainsi en 1770, c’est avec Fomier frères qu’elle opère en compagnie pour écouler ce fruit des Indes60.
- 61 Cologan de Santa Cruz de Tenerife à Le Couteaulx (sic) Lenormand Terry et Cie, 2 juillet et 17 août (...)
48La maison Le Couteulx et Cie ne se limite pas à vendre des marchandises provenant de l’Empire espagnol. Il lui arrive d’exporter des denrées alimentaires produites en Espagne. En 1765, Le Couteulx, Lenormand Terry et Cie ont passé commande à la maison d’origine irlandaise de Santa Cruz de Tenerife, Cologan, de six pipes de vin de malvoisie, un des vins de grande qualité produit aux Canaries et qui sont envoyés à la Cour de France61.
- 62 A. Garcia-Baquero Gonzalès, La Carrera des Indias. Histoire du commerce hispano-américain (xvie-xvi (...)
- 63 M. Morineau, Incroyables gazettes et fabuleux métaux. Les retours des trésors américains d’après le (...)
49De tous les produits qui font l’objet d’échanges entre Cadix et le reste de l’Europe, ce qui intéresse le plus les différentes raisons Le Couteulx du port andalou, ce sont les espèces métalliques, en particulier les piastres qui, pendant tout le siècle, représentent la valeur la plus élevée de toutes les marchandises qui proviennent de l’Amérique espagnole, même si leur pourcentage a tendance à diminuer au fil du temps62. Entre 1721 et 1725, au moment où naît la première maison Le Couteulx, il arrive à Cadix en moyenne annuelle pour 13,3 millions de piastres, soit l’équivalent approximatif de 66,5 millions de livres tournois. Au cours de la période 1771-1775, dernier quinquennat au cours duquel Cadix conserve le monopole quasi-total des échanges de la métropole avec son Empire, il arrive dans le port en moyenne annuelle pour 15,1 millions de piastres, ce qui correspond à environ 75,5 millions de lt.63. Or, une grande partie de ces métaux précieux repartent ensuite vers l’Europe. Ces exportations massives s’expliquent en premier lieu par la nécessité qu’a l’Espagne de compenser ses déficits avec ses principaux partenaires commerciaux européens, la France en premier lieu, les Provinces-Unies, l’Angleterre, Gênes et « l’Allemagne ». Mais, par ailleurs, les piastres sont des marchandises qu’on achète pour les réexporter vers les Indes Orientales ou le Levant, ou pour les transformer en monnaie nationale dans les Hôtels de monnaie. Le plus souvent, l’État espagnol autorise ces exportations à condition que ceux qui les pratiquent versent une taxe en moyenne de 4 %. Mais cela engendre des profits très réduits pour les exportateurs, ce qui en conduit un certain nombre à pratiquer une contrebande massive. Les grandes maisons françaises affirment ne pas s’y livrer, mais ce n’est pas toujours le cas.
- 64 ACCM. LIX. 824. Barthélemy Le Couteulx et Cie, Jacques, Louis, Laurent Le Couteulx et Cie à Roux de (...)
- 65 ACCM LIX, 824. Le Couteulx le Jeune et Cie à Roux de Marseille. 1er février 1729.
50 Ainsi Le Couteulx et Cie de Cadix qui déclare refuser de s’engager dans les exportations clandestines de piastres, en 1777, elle déclare par exemple que la branche des matières est impraticable pour ceux qui ne suivent pas le commerce par contrebande et « qu’une maison qui se respecte ne doit pas s’exposer »64 n’en utilise pas moins des mots codés comme par exemple celui de « vanilles » pour désigner les piastres qu’elle expédie à la maison Roux de Marseille. Ainsi déclare-t-elle en 1729 que les « vanilles » sont tombées à 48 lt. 10 s. « sans demande »65.
- 66 ACCM LIX, 844. Lettres de Antoine Strabony à J.B.M. Roux. 8 février 1729, 1er mars 1731, 24 mars 17 (...)
51Entre 1729 au moins et 1777, la maison Le Couteulx enverra à son partenaire marseillais, avec parfois des interruptions qui s’expliquent par des variations de change qui réduiraient le profit des opérations, plusieurs dizaines de milliers de piastres. Ces envois s’effectuent d’une façon constante. Chaque millier de piastres est rassemblé dans un sac et il peut y en avoir plusieurs. Ces sacs sont chargés à bord d’un bâtiment qui part pour Marseille et le connaissement est expédié au moins entre 1729 et 1735 au nom de la firme Le Couteulx par un certain Antoine Strabony dont on ignore le rôle exact, mais dont on peut penser qu’il facilite la contrebande qui s’est mise en place66.
- 67 ACCM. LIX, 824. Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie de Cadix à Roux de Marseille. 21 juin 1771
52Ces opérations peuvent se faire soit en exclusivité pour les Le Couteulx, soit en participation ainsi que le montre une correspondance de la maison de Cadix avec Roux : « Mrs Le Couteulx et Cie (de Paris) avaient déjà entretenu notre sieur Barthélemy (il s’agit de Jean-Barthélemy) sur leur inclination à profiter de l’arbitrage des piastres qui se fait entre nos deux places et lui ont donné en avance leur consentement pour toutes les occasions qu’il se présentera. D’après votre exposé nous débatterons pour vous faire des envois de compte de 1/3 entre vous, notre maison à Paris et nous de PS 6000 par un bon navire marchand qui doit mettre à la voile pour chez vous au commencement du mois prochain et nous en tirerons le montant sur notre maison de Paris qui sera bientôt rempli par vos remises sur le produit de 40 à 50 jours de pair sans commission sans assurance, la saison actuelle nous permettant de les éviter. Le profit deviendra encore plus satisfaisant lorsque notre change sur Paris sera fixé à un taux plus favorable »67.
- 68 ACCM LIX, 484, Le Couteulx et Cie de Paris à Roux de Marseille. 20 août 1772. De son côté, la maiso (...)
53Comme un millier de piastres représente une valeur de 5 000 1t. auquel il faut ajouter le coût du sac, un courtage et les 4 % si on refuse d’agir en contrebande les 6000 piastres correspondent à près de 35 000 lt. En 1772, dans les premiers mois de l’année, la maison Le Couteulx enverra à Roux de Marseille 31 000 piastres sur un bâtiment, ce qui atteint un montant de 207 242 1t. 2 sols68. Ces quantités importantes permettent donc à la firme d’obtenir des profits non négligeables, même si chaque piastre vendue en France rapporte très peu.
54Ces opérations sur les piastres s’intégrent dans les activités bancaires des différentes branches Le Couteulx et Cie. On a déjà constaté que celle de Cadix s’y consacrait tout particulièrement avec les autres grandes maisons de la place telles que :
- 69 Ces différences de cotation existaient déjà en 1729. Cf. M. Gutzatz, R. Squarzoni, « La cotation de (...)
« Casaubon Béhic et Cie, Cayla Solier frères et Verdun ou Sobia et Vande et Cie qui réglaient le prix du change toutes ces maisons donnant ordinairement leurs lettres à un demi-sol, moins que le reste de la place, ce qui traduisait la confiance et le crédit qu’on avait dans leur papier »69.
- 70 A. N. AE/B/1/263. Rapport du Consul de France à Cadix. 4 avril 1746.
55Toutefois, les grandes maisons de la place andalouse et Le Couteulx et Cie ne fait pas exception, n’étaient pas totalement maîtresses du change. En effet, quand les exportations de piastres étaient massives, le taux de change augmentait. Ainsi, quand Casaubon Béhic et Cie, la maison commissionnaire de la Compagnie Française des Indes Orientales, procédait à la demande de celle-ci à des achats de piastres dont elle avait besoin pour régler ses achats en Inde ou en Chine, elle était obligée d’augmenter la cotation du change sous la pression du reste du monde du commerce qui lui procurait ses espèces métalliques70.
- 71 Sur ce prêt à la grosse. Cf. Ch. Carrière, « Renouveau espagnol et prêt à la grosse aventure (Cadix (...)
56Une autre activité plus bancaire que commerciale consistait pour les principales maisons françaises de Cadix à financer le commerce colonial grâce à la technique du prêt à la grosse aventure. Ce mode de financement, très ancien, consistait à prêter de l’argent à un commerçant espagnol qui achetait des marchandises à Cadix et les expédiait vers l’Amérique espagnole. Au cas où le bâtiment qui transportait les marchandises était victime d’une avarie ou d’un naufrage, l’emprunteur ne devait rembourser qu’une partie du prêt qui lui avait été consenti, voire rien du tout si toute la cargaison était engloutie. Au cas où, au contraire, le navire arrivait à bon port sans aucune perte, il devait rembourser les sommes prêtées auquel s’ajoutait un intérêt souvent élevé, notamment pendant les périodes de conflits. C’est ce qu’on dénommait le prêt à un risque (riesgo), le négociant espagnol pouvait également adopter une opération analogue pour les marchandises ou les espèces métalliques qu’il parvenait à rapporter des Indes espagnoles. Dans ce cas, il s’agissait d’un prêt à deux risques71.
57En théorie, ce financement devait être assuré par des Espagnols et pour le contrôler il fut obligatoire de le faire enregistrer, à partir de 1760, dans la comptabilité du Consulat des marchands commerçant avec les Indes. Mais en raison des faibles moyens financiers des négociants ou des « capitalistes » espagnols pendant une grande partie du xviiie siècle, ceux qui expédiaient des marchandises vers l’Amérique faisaient appel aux étrangers, et surtout aux négociants français de Cadix. Pour éviter d’être poursuivis par les autorités espagnoles, ces derniers s’adressaient à des intermédiaires ou prête-noms espagnols, les testaferos, ou à des Français ou des Françaises naturalisés espagnols ou nés dans le pays où leurs parents s’étaient établis. Les enfants d’étrangers qui avaient résidé en Espagne pendant une longue période étaient considérés comme sujets espagnols et ces jenizaros comme on les appelait, pouvaient commercer librement avec l’Amérique coloniale espagnole.
- 72 A. H. RC. Et. 19/4514, dépôt du testament de Jean Lenormand. 12 janvier 1776.
- 73 A.H.P. C. Et. 19/4497. 28 juillet 1759. Pouvoir de Claire Lenormand à Antoine Lenormand.
58Les Le Couteulx qui ne demeuraient que quelques années à Cadix avant de revenir en France, n’ont jamais songé à se marier en Espagne ou à se faire naturaliser espagnols. Les Lenormand ont adopté un comportement différent. Ils sont demeurés pendant des décennies à Cadix. C’est le cas d’Antoine arrivé en 1723 et qui disparaît après 1773 après y être demeuré une cinquantaine d’années. Son frère, Jean Lenormand, déjà présent en 1725 et associé-gérant dans les années 1730 meurt en 1775 à Chiclana, la résidence de campagne des négociants français72. Si Jean Lenormand demeura jusqu’à son décès célibataire, Antoine Lenormand a épousé en 1732 Françoise Le Montonnois, la fille d’un négociant français de Cadix, Claude Le Montonnois, originaire de Saint-Malo. Le couple eut quatre enfants, trois filles et un garçon. Simon-Emmanuel-Julien entra en 1759, grâce à un don de 12000 piastres de son père, dans la maison Le Couteulx Lenormand Terry et Cie, mais après avoir fondé sa propre entreprise, il regagna la France en 1776. Antoine Lenormand va utiliser une de ses filles, Claire Lenormand, en faisant d’elle alors qu’elle était âgée d’une vingtaine d’années, une négociante susceptible d’entrer en relation avec les Indes espagnoles. En 1759, le père et la fille signent un contrat qui permet à Claire de pouvoir récupérer toutes les sommes d’argent et les marchandises qu’on lui remettra d’Amérique en vertu des connaissements qu’elle aura signés avec des négociants et des capitaines espagnols. La fille accorde à son père le pouvoir de disposer en son nom et pour son compte des marchandises à destination de l’Amérique. Enfin, et surtout, Antoine Lenormand pourra accorder au nom de Claire Lenormand des prêts à la grosse aventure sans qu’il soit nécessaire de limiter le montant des risques, à partir des sommes d’argent censés appartenir à la fille de l’associé de Le Couteulx Lenormand Terry et Cie73.
- 74 A.H.P. C. Et. 19/4497. 3 septembre 1759. Accord Catherine Béhic – Domingo Troguero de Rivera. Parmi (...)
59Antoine Lenormand n’a pas été le seul à profiter de l’appartenance de sa fille à la nation espagnole pour en faire bénéficier sa maison de commerce. Ce fut également le cas de Casaubon Béhic et Cie. Catherine Béhic qui avait épousé Jean Bonneval devint également une « négociante » espagnole. Elle conclut plusieurs contrats avec l’Espagnol Domingo Troguero de Rivera qui expédia en direction des Indes entre 1749 et 1758 des marchandises d’un montant de 14278 305 réaux de plata, soit environ 3 600000 lt. et qui signa 21 contrats à la grosse aventure d’un montant total de 269862 piastres. Les factures et les contrats à la grosse conclus théoriquement par lui étaient en fait la propriété de Catherine Béhic et donc de Casaubon Béhic et Cie74.
- 75 Ch. Carrière, op. cit. Contrat de grosse à deux risques pour le Pérou, pp. 250-251.
- 76 Ch. Carrière, op. cit. Contrat de grosse à deux risques pour le Pérou, pp. 250-251.
60Claire Lenormand a-t-elle vraiment participé aux opérations portant sur les contrats à la grosse ? On ne dispose d’aucune information sur ce point75. En 1772, la maison Le Couteulx qui, il est vrai, s’était séparée d’Antoine Lenormand fit appel à un dénommé « Pedro Felipe » Venel, auquel on accola le terme de pro forma, ce qui semble-t-il n’entraînait aucune conséquence juridique pour lui. Or ce Venel devait être le descendant d’un autre Venel qui avait appartenu à la fin du règne de Louis XIV à la société française de Cadix, Sarsfield et Venel très liée à Samuel Bernard76.
- 77 Sur Fomier frères. Cf. R. Chamboredon, op. cit., t. II, p. 337.
- 78 J. Cavignac, Jean Pellet commerçant en gros 1694-1772, Paris, 1967, p. 232.
61Grâce à ces procédés, les maisons françaises, ce fut le cas non seulement de Casaubon Béhic et Cie, de la maison Le Couteulx, mais également de Fomier frères, qui pourtant entendait se consacrer en priorité à l’importexport des marchandises, furent de grands pourvoyeurs de contrats à la grosse77. On ne dispose malheureusement pas, contrairement à ce qui existe pour la maison Fornier, des données nombreuses sur les prêts à la grosse conclus par la maison Le Couteulx. Il est cependant possible d’en indiquer quelques-uns. Ainsi, en 1748, elle est entrée en contact avec Jean Pellet de Bordeaux, un grand négociant de la place girondine, lié au commerce colonial avec les Antilles à qui elle a cédé deux contrats de grosse aventure sur deux navires partant de Cadix vers Montevideo et le Chili d’un montant total de 12 341 piastres. Quelques années plus tard en 1754, elle cède à Jean Pellet un prêt à risque conclu avec deux négociants espagnols, Juan Francesco de Basurco et Pedro de Arriaga disposant d’un navire s’apprêtant à gagner les Mers du Sud78.
- 79 P.F. Venel fut créancier de 17 contrats à la grosse entre 1760 et 1824. Cf. A.M. Bernai Rodriguez, (...)
- 80 A.C.C. M. LIX/824. Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie à Roux de Marseille. 21 janvier 1772.
- 81 A.C.C. M. LIX/824. Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie à Roux de Marseille. 14 mai 1773. Rappe (...)
62Au début des années 1770, une des plus grandes maisons de commerce espagnoles de Cadix, Ustariz hermanos fait appel à Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie en utilisant comme prête-nom « Pedro Fhelipe » Venel79, la maison française proposa à son grand partenaire marseillais J.H. Roux de placer 2 000 piastres dans un contrat à la grosse en faveur de PF. Venel daté de 1771, qui devait prêter en tout 178000 piastres, soit plus de 700000 lt. à Ustariz hermanos portant sur de l’eau de vie, du vin, du goudron, des livres et des produits textiles expédiés à Lima. Au retour, le prêt à deux risques consenti par la maison Le Couteulx via P.F. Venel portait sur l’or, l’argent et des fruits des Indes. Le taux d’intérêt était fixé à 36 %. Sur ce profit que devait retirer la maison Roux, la société de Cadix prélevait un courtage de 2,5 %80. L’année précédente, Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie participait à l’octroi d’un autre prêt à Ustariz hermanos d’un montant total de 151 000 piastres pour des marchandises chargées sur un navire qui devait se rendre à la Vera-Cruz. En fait, elle faisait appel à des sous-traitants français et la maison Roux accepta de s’engager pour 19754 réaux de plata, soit approximativement 2 100 piastres81.
- 82 A.C.C. M. LIX/824. Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie à Roux de Marseille. 15 septembre 1772.
63La chute de Ustariz hermanos en 1772 n’interrompit pas les opérations de la maison Le Couteulx consacrées aux prêts à la grosse. En septembre 1772, elle proposait à la maison Roux un intérêt dans un placement à la grosse qu’elle avait traité avec Manuel Rivero et fils. Cette maison qui prévoyait d’envoyer cette année deux bâtiments vers la Mer du Sud dont l’un le Gallardo de 476 ½ tonneaux recevrait 30000 piastres, moyennant un intérêt à 34 % à deux risques d’aller et retour82.
- 83 A.N. 20 A Q 2. Journal de Pierre Feray. 10 et 20 mai 1776.
- 84 A.M. Bemal-Rodriguez, op. cit., pp. 459-460. Liste de ceux qui ont accordé des contrats à la grosse (...)
64Enfin, en 1776, la maison Le Couteulx de Cadix plaçait auprès de Pierre Feray de Rouen 4000 piastres dans un contrat à la grosse aventure sur un navire espagnol appelé la Galga avec une prime de 26 %. Puis, elle obtient que Pierre Feray prenne le 1/5e d’un prêt à risque maritime d’un montant de 4288 piastres accordé à Martin de Aguirre83. Et en dernier lieu, pour l’année 1776, la société Pierre Feray accepta de participer à plusieurs contrats à la grosse proposés par la maison Le Couteulx en faveur de D.T. Terry et Cie dont l’un des dirigeants était l’ancien associé-gérant de la firme française et qui après l’avoir quitté avait fondé avec son fils une nouvelle entreprise qui s’était engagée considérablement dans les contrats à la grosse en ayant conclu 81 entre 1768 et 1792 pour un montant total de 968010 piastres. Sans doute s’appuya-t-elle sur une maison où Domingo Terry avait été longtemps présent84.
65Si en temps de paix, seuls les Espagnols et les étrangers naturalisés peuvent participer au commerce avec les Indes espagnoles, il en va autrement en période de guerre, surtout quand la monarchie bourbonienne s’oppose à des pays comme l’Angleterre ou les Provinces-Unies disposant de flottes de guerre capables de bloquer les relations maritimes entre la métropole et ses colonies, en capturant un grand nombre de bâtiments espagnols. Ce fut le cas pendant la guerre de Succession d’Espagne où devant les menaces anglo-hollandaises, Philippe V autorisa non sans hésitation et retours en arrière, le plus souvent à des négociants malouins de faire parvenir grâce à leurs bâtiments des marchandises en Amérique espagnole et à revenir de l’Empire colonial avec des quantités considérables de métaux précieux et d’espèces métalliques. À nouveau, pendant la guerre dite de l’Oreille de Jenkins menée par l’Espagne contre l’Angleterre de 1739 à 1748, Philippe V, puis son successeur Ferdinand VI, furent contraints d’adopter le même comportement. Des raids comme ceux de l’amiral anglais Anson contre plusieurs ports américains comme celui de Carthagène des Indes, la capture de nombreux bâtiments espagnols, dont le galion de Manille, chargés d’importants trésors conduisirent le gouvernement espagnol à mettre fin au système de convois qui fut remplacé par des navires de registre pouvant naviguer de manière isolée et à autoriser les navires des pays neutres à participer aux échanges entre l’Europe et les colonies espagnoles. Or, la France qui combattait l’Autriche depuis 1741 n’entra en guerre contre l’Angleterre qu’en 1744. Pendant cinq ans, elle bénéficia de sa position de neutralité dans le conflit hispano-britannique. Et même après sa rupture avec l’Angleterre, des bâtiments français, malgré les périls continuèrent à tenter de maintenir des liaisons avec l’Amérique hispanique.
66De nombreux bâtiments français partirent donc entre 1739 et 1748 pour les Amériques espagnoles. On en aurait compté une quarantaine qui se rendirent à la Vera-Cruz, le principal port de la Nouvelle Espagne. D’autres gagnèrent la Terre Ferme à Carthagène, le Rio de la Plata à Buenos-Ayres ou Montevideo et la Mer du Sud à Valparaiso, Concepcion et Callao. Il ne s’agissait pourtant pas d’une simple réédition de ce qui s’était produit pendant la Guerre de Succession d’Espagne. En effet, si les négociants malouins sont toujours présents dans ce type d’échanges, ils n’en sont plus les promoteurs ni les principaux bénéficiaires. Désormais, ce sont les négociants français de Cadix qui occupent la première place. Après avoir versé une contribution élevée, elle atteint parfois 150000 piastres, à l’administration espagnole pour obtenir l’autorisation d’envoyer des navires, ils affrètent des vaisseaux français dont la plupart sont enregistrés à Marseille, Nantes et Saint-Malo. Puis ils rassemblent des cargaisons qu’ils chargent à bord des bâtiments qui ont mouillé, pour la plupart, à Cadix. Ce sont eux, bien entendu, qui assurent le financement des expéditions par le biais des prêts à la grosse aventure et en conséquence, ce sont eux qui en retirent les profits les plus considérables.
- 85 A. Garcia-Baquero Gonzalès, Cadix y el Atlantico, Sevilla, 1976, t. I., p 172, H. Ternaux-Compans, (...)
67D’après A. Garcia-Baquero Gonzalès, 201 navires marchands, entre 1739 et 1748, auraient quitté Cadix pour l’Amérique espagnole dont 100 seraient arrivés en Nouvelle Espagne et 61 en Terre Ferme. Il est difficile de déterminer combien ces navires français en auraient fait partie, mais ils doivent être fort nombreux. En effet, selon M. Ternaux-Compans, entre 1740 et 1756, 40 bâtiments français seraient entrés à la Vera-Cruz, le premier qui aurait jeté l’ancre dans le grand port de la Nouvelle Espagne l’aurait fait en juin 174085.
- 86 Sur le trafic français en direction de la Mer du Sud, cf. A. Lespagnol, op. cit., C.D. Malamud, Cad (...)
68Les expéditions françaises ne se limitaient pas à gagner la Nouvelle Espagne, la Terre Ferme ou le Rio de la Plata. Plusieurs navires français gagnèrent la Mer du Sud, mais en petit nombre si on compare les arrivées de navires français pendant la Guerre de Succession d’Espagne et celles qui se produisirent entre 1739 et 1748. Il y en eut moins d’une dizaine alors qu’entre 1695 et 1725 on en compta 18186.
- 87 A.N.F 12. 1651.
69Les expéditions furent financées par des négociants des ports français, ce fut le cas du Raphaël appartenant à Baillon de Blancpignon devenu le chevalier Baillon, un malouin qui était en relations anciennes avec les Le Couteulx, la Marquise d’Autun appartenant à De La Sandre, Le Fer de Saint-Malo et à des négociants de Cadix comme Casaubon Béhic et Cie qui acheta deux bâtiments Le Condé et l’ Alcyon, et qui affréta le Raphaël appartenant au chevalier Baillon qui l’avait envoyé avec l’appui de son beau-frère, Claude Le Montonnois, négociant de Cadix, et également beau-frère d’Antoine Lenormand à Carthagène des Indes87. D’autres maisons françaises de Cadix comme Verduc Vincent et Cie ou Magon Le Fer frères se lancèrent dans ce type d’opérations.
- 88 A. N. AE/B/1/264. 30 novembre 1747.
- 89 AN. MC Et. /XCVIII/524. 28 novembre 1753. Inventaire après décès de Charlotte-Lucrèce de Bemy.
- 90 A.N. F/12/1652. Casaubon Behic et Cie au chevalier Baillon. 3 août 1745.
70 Quelle fut l’activité de la maison Le Couteulx ? Il est difficile, faute d’informations, de se prononcer. Il semble qu’elle n’ait guère participé à des expéditions à destination de Vera-Cruz puisqu’elle protesta en 1747 en compagnie d’autres sociétés françaises de Cadix contre ce qui fut désigné comme étant le monopole des sociétés Casaubon Béhic et Cie et Cayla Solier et Cie, refusant d’être exclue de ce commerce qui rapportait de gros profits88. Elle a sans doute obtenu de pouvoir s’engager dans des expéditions en direction de Carthagène puisque Charlotte-Lucrèce de Bemy, la veuve de Barthélemy II Le Couteulx, possédait des intérêts sur trois navires dont d’ailleurs l’un fut capturé lors du siège du port par l’amiral Anson89. Le chevalier Baillon lui avait également proposé d’affréter, en compagnie de Casaubon Béhic et Cie un de ses navires le Gabriel Marie en direction des Indes espagnoles, mais ce bâtiment fut finalement envoyé vers la Martinique, Le Couteulx Lenormand et Cie ayant chargé un certain nombre de marchandises dont cinquante paquets de cercles de bois d’une valeur totale de 21 329 réaux de plata90.
- 91 A. Garcia-Baquero Gonzales, Cadiz y et Atlantico..., t. II, p. 23. Diego Thomas est peut-être le ca (...)
- 92 A. Guimera Ravina, op. cit., p. 195.
- 93 M. Morineau, op. cit., p. 385.
71Enfin, on sait que la maison Le Couteulx de Cadix participa à la mise-hors d’un bâtiment le Hector d’un tonnage de 398 tx 3/5 appartenant à un certain « Diego Thomas » et qui partit pour la Mer du Sud en 174591. Après avoir gagné Guyaquil, il était ancré en 1746 dans l’avant-port de Lima, puis revint en direction de l’Europe. Par crainte de se voir capturé par les Anglais, son capitaine décida de se réfugier, en 1747, à Sainte-Croix de Tenerife et d’y débarquer une cargaison comprenant 1 850000 piastres, 700 charges de cacao et d’autres effets, le tout étant placé sous la garde de la société Cologan. Celle-ci entra donc en correspondance avec les sociétés françaises de Cadix intéressées dans la cargaison de l’Hector. Il s’agissait de Casaubon Béhic et Cie, de Magon Le Fer frères, de Verduc Vincent et Cie et de Le Couteulx Lenormand et Cie92. Les maisons françaises obtinrent qu’un navire de guerre portugais puisse charger les piastres et les marchandises et arrive à Lisbonne le 25 avril 1748 en attendant que sa précieuse cargaison soit transférée à Cadix93.
- 94 Comte A. Beugnot, Mémoires, Paris, 1866. t. I, p. 311. A.M.A.E.A.D.A. Nantes 257. 3 février 1748. A (...)
72La participation de la maison Le Couteulx à ces opérations, même si elle a été inférieure à celle de Casaubon Béhic et Cie, de Verduc Vincent et Cie, de Cayla Solier et Cie ou de Magon Lefer frères, lui a permis de réaliser des profits élevés qu’on ne peut certes, faute de documents, évaluer. Mais elle permet de comprendre les propos tenus quelques décennies plus tard par le comte Beugnot pour qui « la très belle fortune des Le Couteulx avait été fondée par le Le Couteulx qu’on appelait Don Luis ». Il s’agissait d’Antoine-Louis qui dirigea la maison de Cadix durant toute la décennie 1740 et qui, grâce à ses talents, fut le premier membre de la famille à être élu député de la nation française de Cadix en 1748. Antoine-Louis suscitait l’admiration du Consul de France à Cadix qui déclara que Antoine-Louis Le Couteulx s’était acquitté de sa charge « avec autant de capacité que de zèle ayant peu de nos négociants plus propres que lui à la bien remplir par la parfaite connaissance qu’il a des intérêts de la nation, de notre commerce, de nos privilèges »94.
- 95 A.N.A.E. B/I/270. De Varennes à Rouillé, 16 juillet 1753. Cité par Di. Ozanam, op. cit., p. 273.
73La maison Le Couteulx de Cadix a donc bénéficié, mais sans doute moins que d’autres, de la rupture temporaire du monopole commercial espagnol pendant la guerre de l’Oreille de Jenkins. Mais elle n’est pas encore parvenue à atteindre le sommet de la hiérarchie commerçante française de Cadix. On s’en aperçoit quand en 1753, plusieurs entreprises françaises dont Girardon Jogues Feyt et Cie doivent suspendre leurs paiements et qu’on fait appel à plusieurs grandes maisons de la place pour en sauver une partie. Si Casaubon Béhic et Cie, Cayla Solier Cabanes et Cie, Vincent Verduc et Cie, Magon Lefer frères, Masson et Cie et Gilly frères apportent leur caution, Le Couteulx Lenormand et Cie ne s’y joint pas95. Une autre preuve de cette position seconde est apportée par les données de l’Unica Contribuciôn. Le marquis de La Ensenada, principal ministre de Ferdinand VI a voulu procéder à une réforme fiscale qui aurait permis de supprimer les très nombreux impôts que payaient les non-privilégiés et de les remplacer par un impôt unique. Pour y parvenir, il a ordonné l’exécution d’une enquête permettant de connaître les revenus de ceux qui allaient être assujettis à l’Unica Contribuciôn. En principe, en vertu des traités signés entre l’Espagne et un certain nombre de pays étrangers dont la France, la plupart des négociants étrangers ne devaient pas être soumis à cette imposition, mais le gouvernement espagnol désira connaître le montant de leurs profits.
- 96 A. Garcia-Baquero Gonzales (ed.), Cadix 1753 segun las respuetas generales del Catastro de La Ensen (...)
74Cette enquête démontra qu’au milieu du xviiie siècle, la place de Cadix était toujours dominée par les négociants étrangers et en premier lieu par les Français. Sur les 529 négociants de la place, les Français étaient au nombre de 108 contre 285 Espagnols, 49 Italiens et 44 Irlandais, mais les gains annuels de la communauté commerçante française atteignait 10657 750 réaux vellon sur un total de 23 149 110 réaux vellon soit 46 % des profits de l’ensemble du monde du négoce gaditan alors que celui des Espagnols ne se montait qu’à 4060680 réaux vellon96. Le profit moyen de chaque négociant français serait donc de 98673 réaux vellon, soit environ 24668 lt. contre 14248 réaux vellon soit 3 562 lt. pour les Espagnols.
75Ces chiffres doivent être considérés avec précaution, surtout en ce qui concerne les Espagnols car eux devaient payer l’impôt unique. Ils ont certainement déclaré des revenus inférieurs à la réalité pour éviter un lourd préjudice. C’était pour eux une nécessité absolue de masquer leurs vrais bénéfices. Il est probable que les Français ont également pratiqué une sous-évaluation de leurs gains, mais elle fut sans doute moins forte.
- 97 A.G.I. 892 bis. Vérification de 1771. En fait on s’est contenté de reprendre les données de 1753 pu (...)
- 98 A.N.M.C. Et. XXIX/437. 20 janvier 1738. Inventaire après décès de Jacques VI Le Couteulx. Papiers. (...)
76On dispose également des profits obtenus par chaque maison de commerce97. 18 maisons françaises déclarent avoir gagné, sans doute l’année précédente, au moins 10000 pesos de 128 quartos soit environ 36000 à 37000 lt. Arrivent en tête Casaubon Béhic et Cie (40000 ps) et Cayla Solier et Cie (40000 ps) suivis par Simon Gilly et Cie (36000 ps), Vincent Verduc et Cie (36000 ps), Masson et Cie (35000 ps) et Magon Lefer frères (30000 ps). Antoine Lenormand n’a déclaré pour Le Couteulx Lenormand et Cie qu’un profit de 18 000 ps, ce qui en fait la neuvième maison française dépassée également par deux maisons britanniques celles de A. Butler (25 000 ps) et de Carey et Langton (20000 ps). Le taux de profit de la maison Le Couteulx atteindrait, si le profit déclaré correspondait au profit réel, un taux de l’ordre de 12 %, le capital de la maison tournant autour de 150000 ps. Or, quelques décennies plus tôt, Jacques VI Le Couteulx associé-commanditaire de Le Couteulx Lenormand et Cie de Cadix qui avait placé 12000 ps soit environ 45 600 lt. dans le contrat de société prévue pour six années avait été crédité pour la période 1732-1737 de 148037 réaux de plata 24 maravedis de profits, ce qui correspondait approximativement à 70317 lt. soit un profit moyen annuel de 11 719 lt. donc un taux de 25 %98. Faute d’autres documentations, on ne peut tirer aucune conclusion de l’abaissement du taux de profits entre les années 1730 et les années 1750, même si la période de l’après-guerre est marquée par de sérieuses difficultés. N’y a-t-il pas un grand nombre de faillites de firmes françaises en 1753 ? Il n’est pas impossible que les taux de profits varient fortement d’une année sur l’autre étant donné que les flottes parties vers l’Amérique espagnole ne reviennent pas à Cadix chaque année.
- 99 Une piastre forte = 20 1t.
- 100 A.G.S.D.G.R. 2e Remesa 4902. Liste des autorisations d’exportations de piastres accordées par le ma (...)
77 Autre fait qui démontre qu’au milieu du xviiie siècle la maison Le Couteulx n’appartient pas aux très grandes maisons françaises du port andalou, ce sont les demandes d’obtention de permis d’exportation de piastres que la monarchie espagnole peut accorder aux négociants de Cadix. C’est toujours Casaubon Béhic et Cie qui arrive en tête, à la fois parce qu’elle est le commissionnaire de la Compagnie Française des Indes Orientales qui a besoin de piastres pour solder ses achats en Asie et parce qu’elle est au service de la monarchie espagnole qui, dans le cadre du Giro de Letras lui a confié le soin d’effectuer ses paiements à l’étranger. De 1748 à 1754, elle obtient du marquis de la Ensenada, fondateur du Giro de Letras et premier secrétaire d’État de Ferdinand VI des permis d’exportation d’un montant total de 9150000 piastres, soit l’équivalent d’environ 45 750000 lt.99. Elle est suivie par Cayla Solier Cabanes et Cie qui obtient des permis d’exportation pour 2 130000 piastres auxquelles s’ajoutent 900 marcs d’argent. Quant à Vincent Verduc et Cie avec une autorisation d’exporter 680800 piastres plus 1 500 marcs d’argent et Magon Lefer frères bénéficiant d’une autorisation d’exporter 580000 piastres, ils dépassent les 500000. Ce n’est pas le cas d’Antoine-Louis Le Couteulx qui n’a obtenu, pour sa compagnie, en 1750, qu’un seul permis d’un montant de 200000 piastres, soit une somme moins élevée que celle accordée à l’une des plus grandes firmes espagnoles de Cadix Matias de Landaburu qui s’est vu octroyer 280000 piastres100.
- 101 A.H.N. Estado 629 (1). Liste des négociants étrangers, en fait il faut ajouter Domingo Terry associ (...)
78Cette position de brillant second de la maison Le Couteulx est confirmée par la comparaison qu’on peut faire entrer ses effectifs et ceux d’autres maisons françaises. En 1764 le pouvoir espagnol fait dresser la liste de l’ensemble du monde négociant étranger présent en Espagne. Dans la ville de Cadix, c’est avec 19 membres que les maisons Casaubon Béhic et Cie (deux associés, neuf employés, huit domestiques) et Cayla Solier Cabanes et Cie (quatre associés, huit employés et sept domestiques) l’emportent sur toutes les autres et en particulier Le Couteulx Lenormand Terry et Cie qui ne dispose que de douze membres soit deux associés Antoine Lenormand et Jacques-Jean Le Couteulx, un apprenti Jean-Barthélemy, quatre employés aux écritures (Pierre Louis Desportes, Jean-Baptiste et Jean-Laurent Bartibas et « Diego » Fanning) et cinq domestiques101.
- 102 Papiers d’industriels et de commerçants lyonnais (P. Leon dir), Lyon, 1976. Pièce justificative n° (...)
- 103 Sur les faillites des maisons françaises, A.C.C. M. LIX 824, Jacques et Barthélemy Le Couteulx et C (...)
- 104 A.C.C. M. LIX/824. Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie à Roux de Marseille, 24 avril 1772. Eff (...)
79En 1771, la hiérarchie négociante française n’est que fort peu modifiée. La première classe a été divisée en quatre subdivisions et désormais la maison Le Couteulx est entrée dans la première subdivision mais elle est classée derrière Verduc Kerloguen Payan et Cie, Magon Lefer frères et Cie et Cayla Solier Cabanes et Cie alors que Béhic Tannevot et Cie qui a succédé à Casaubon Béhic et Cie est désormais reléguée dans la seconde subdivision, sans doute parce qu’elle a souffert de la disparition en 1769 de la Compagnie Française des Indes Orientales dont elle était le commissionnaire. Quant à Simon et Amail Fomier dont le capital à cette date est de 130000 piastres, elle se trouve dans la quatrième subdivision de la première classe vraisemblablement parce qu’en 1767 la maison Gilly frères Fomier frères dont elle a pris la suite a dû suspendre ses paiements102. Ce ne sera qu’après 1772 que la hiérarchie négociante sera modifiée et que la maison Le Couteulx avec Magon Lefer frères et Cayla Solier Cabanes Jugla et Cie accédera au peloton de tête. Cela ne s’explique pas par la croissance de leurs activités, mais par la vague des faillites qui a déferlé à Cadix en 1772. Deux des premières sociétés françaises Béhic Tannevot et Cie et Verduc Kerloguen Payan et Cie ont dû suspendre leurs paiements. Si la maison Verduc est parvenue à reprendre ses activités alors que Béhic Tannevot et Cie disparaissait définitivement, elle a été affaiblie durablement et elle fera une seconde faillite en 1786. De nombreuses autres maisons françaises sont atteintes par la faillite de Ustariz hermanos. Celle-ci avait conclu avec de nombreuses maisons françaises des contrats à la grosse d’un montant de 1 030 158 piastres. Parmi celles qui lui avaient accordé des prêts à un ou deux risques figuraient Jolif et Cie, Verduc Kerloguen Payan et Cie, Magon Lefer frères, Simon et Amail Fornier, Bonneval Olombel Doemer, Delaville frères, Silvestre Chambovet et Cie103. Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie qui avait également accordé à Ustariz hermanos plusieurs prêts à la grosse en janvier 1772 « tant pour leurs amis que pour eux » avait réussi à échapper à de lourdes pertes parce qu’elle avait obtenu de Juan Agustin de Ustariz, un membre de la famille qui possédait sa propre maison, une garantie qui lui permit de récupérer ses fonds104.
- 105 M. Bustos Rodriguez, Los Comerciantes de la Carrera de Indias en el Cadix del Siglo XVIII (1713-178 (...)
- 106 A.M.A.E.A.D.A. Nantes n° 260. Le Consul de France à Cadix au marquis d’Ossun. 6 avril 1771.
80Il semble bien que dans les années 1770, c’est l’ensemble de la nation française de Cadix qui traverse de sérieuses difficultés. C’est en tout cas ce point de vue du Consul de France à Cadix qui déclarait qu’elle aurait fait au début des années 1770 le même chiffre d’affaires global qu’au lendemain du traité d’Aix La Chapelle alors que le nombre des négociants aurait augmenté dans de fortes proportions. Le chiffre d’affaires de chacune d’entre elles n’aurait pu que diminuer étant donné la stagnation des échanges de Cadix depuis le milieu du xviiie siècle. De plus, le nombre des négociants espagnols qui concurrençaient les Français s’était fortement accru. Il était passé de 287 en 1753 à 489 en 1773105. En outre, le capital de certaines maisons espagnoles dépassait désormais celui de leurs homologues françaises. Par ailleurs, les Espagnols se seraient emparés de deux branches essentielles d’activité toujours d’après le Consul de France : les assurances maritimes, les Espagnols ayant fondé depuis 1763 près d’une dizaine de compagnies d’assurances maritimes par actions et les contrats à la grosse dont ils auraient fourni les trois quarts, assertion sans doute discutable. Il déclarait qu’un autre motif inquiétait les maisons françaises, en l’occurrence l’évolution des taux d’intérêt des contrats à la grosse entre le lendemain de la guerre de l’Oreille de Jenkins et le début de la décennie 1770. Enfin, d’après le Consul de France la divergence des prix entre les produits français et les produits de l’Espagne et de son Empire ne pouvait que rendre plus difficile les activités des maisons françaises. La valeur des toiles françaises était demeurée stable depuis une vingtaine d’années alors que durant la même période celui de la cochenille avait doublé106.
81Tous ces facteurs auraient eu pour conséquence une baisse des profits des maisons françaises. Mais bien que cela soit vraisemblable, cela rendait-il la place de Cadix moins intéressante pour les hommes d’affaires français ? Les profits que l’on obtenait du commerce de Cadix n’étaient-ils pas plus élevés que ceux que l’on percevait en France ? Cela explique sans doute qu’on n’assiste pas à une diminution du nombre des sociétés françaises présentes à Cadix, mais au contraire, à une croissance du nombre des négociants et des marchands venant de l’hexagone. Toutefois, la décision prise par Charles III de mettre fin, en 1778, au monopole du port andalou pouvait constituer une menace dangereuse pour les maisons françaises de Cadix, à commencer par Le Couteulx et Cie puisque des négociants espagnols établis dans d’autres ports de la métropole allaient pouvoir devenir des rivaux redoutables.
Notes
1 A.C.C.M., LIX/487. Barthélemy III Le Couteulx à la maison Roux de Marseille, 21 janvier 1745.
2 A.N.M.C. Et. XV/680. 18 février 1750. Barthélemy III Le Couteulx remet 63 000 à Jean Pâris de Montmartel pour le compte du duc de Chevreuse et en 1751,75 000 lt., le montant total dû par Jacques Botereau s’élevant à 138000 lt.
3 A.N.M.C. Et. CXV/951. 31 août 1786. Inventaire après décès de Barthélemy III Le Couteulx. Papiers.
4 A.D.S.M. 2 E 2/97. 9 juillet 1767. Procuration de Jean-Baptiste-Étienne Le Couteulx à François-Leonor-Etienne Le Couteulx pour gérer, administrer et gouverner tous biens, revenus d’affaires au sieur constituant. Ce n’est pas un cas exceptionnel. Gabriel-Claude Tannevot, avocat au Parlement de Paris, a gagné Cadix pour former avec Béhic, la société Tannevot Béhic et Cie qui a succédé à la grande maison Casaubon Béhic et Cie. Cf. A.N.M.C. Et. XV/819. 10 avril 1767.
5 H. Lüthy, op. cit., t. II, p. 174.
6 Sur le montant du capital de Le Couteulx et Cie, on peut s’appuyer sur les inventaires après décès ou les partages de Jacques VI mort en 1738, A.N.M.C. Et. XXIX/440. 3 juillet 1738. Partage de Jean-Jacques-Vincent disparu en 1765, A.N.M.C. Et. XCVIII/569. 4 décembre 1765 , Inventaire après décès de Jacques VII décédé en 1768, A.N.M.C. Et. XCVIII/581. 20 novembre 1768 , partage de Antoine-Louis mort en 1779, A.N.M.C. Et. XCVIII/635. 30 juillet 1780. Partage.
7 A.C.C. M. LIX/480. 18 octobre 1758. Le Couteulx et Cie de Paris à Roux « Nous n’avons jamais été dans le cas de prendre de l’argent à intérêt ayant par nous mêmes des fonds plus que suffisants pour nos opérations ».
8 A.D.S.M. 2 E 13/58. 14 avril 1746. Procuration de Jacques VII à Antoine III, Antoine IV et Jean Étienne I.
9 Ch. de S. Montesquieu, Œuvres complètes, Paris, 1964. Mes pensées, p. 1064. D’après l’auteur des Lettres persanes, un marchand envoya 10 quintaux de réglisse à un banquier de Paris nommé Le Couteulx. Le Bureau de la Douane confisqua la réglisse parce qu’il trouva 30 pour 100 de poids de plus que la déclaration.
10 Sur ces liens avec ces hommes d’affaires. Cf. A.C.C.M., LIX, fonds Roux, les minutes notariales des études XV, XXIX, LXXVII, XCVIII, etc. Sur ces opérations avec le duc de Penthièvre, cf. J. Duma, Les Bourbon-Penthièvre (1678-1793), Paris, 1995, pp. 236 et 239.
11 « Liste de divers négociants et fabricants auxquels on peut avec confiance s’adresser » par Massieu l’aîné et fils cité par H. Lüthy, op. cit., t. II, p. 79. Méthode pour apprendre à tenir les livres en partie double (1745) cité par J. Meyer, L’armement nantais dans la seconde moitié du xviiie siècle, Paris, 1969, p. 361.
12 Parmi les étrangers, on peut signaler Isaac de Pinto, l’économiste hollandais qui a acheté des rentes créées par l’édit de mai 1751. A.N.M.C. Et. XCVIII/525. 5 mars 1754.
13 A.N.M.C. Et. XCV111/525. 5 janvier 1754.
14 A.N.M.C. Et. XCV111/612. 12 août 1775.
15 A.N.M.C. Et. XCV111/613. 16 octobre 1775. L’inventaire après décès de Leonor-Agnès-Jacques Lemoine de Bretot.
16 A.C.C.M., LIX/480. 18 octobre 1758. Le Couteulx et Cie de Paris à Roux de Marseille.
17 A.N.M.C. Et. XV/629. 15 janvier 1743.
18 P. Dardel, Commerce, industrie et navigation à Rouen et au Havre..., p. 38. Le nombre des souscripteurs d’actions furent trop peu nombreux et la société ne vit pas le jour.
19 A.N. Z/1/a 914. Lettre adressée à Gabriel Prévost le 27 juin 1758.
20 A.C.C.M. L1X/473. 1er novembre 1734. Le Couteulx et Cie de Paris à Roux de Marseille. Les piastres qui arrivent à Marseille viennent de Cadix.
21 A. Mercédès Azcona Guerra, « Une entreprise navarraise dans le réseau commercial de la France Méridionale : les Vidarte 1754-1823 », dansTnna/es du Midi, 1996, octobre-décembre, p. 492.
22 A. Mercédès Azcona Guerra, Comercio y comerciantes en la Navarra del siglo XVIII, Pampluna, 1996. p. 289. Juan Angel Vidarte a également acheté des rentes viagères par l’intermédiaire de le Couteulx et Cie de Paris.
23 Inventaire de Martin de Larrainzar (1766) cité par A. Mercédès Azcona Guerra, op. cit., p. 73.
24 A.D.S.M. 15. J. 49. Papiers Grandin d’Elbeuf. Grandin d’Elbeuf à Le Couteulx et Cie de Rouen, 21 mai 1778.
25 A.C.C. M. LIX/481. 4 mai 1741. Le coton venu de Marseille est apporté à Rouen par un navire malouin.
26 A.C.C. M. LIX/473. 30 octobre 1733. Participation par tiers : 1/3 Philippe et Daniel Cantillon, 1/3 Le Couteulx et Cie de Rouen, 1/3 maison Roux de Marseille.
27 A.N.M.C. Et. XXVI/628. Partage-succession de Denise Le Couteulx veuve de Denis de France. 31 mars 1775.
28 Sur de France et Botereau, cf. Ch. Carrière, « Image du capitalisme hollandais au xviiie siècle. Le miroir marseillais » dans Dutch capitalism and world capitalism. Capitalisme hollandais et capitalisme mondial (M. Aymard éd.), Paris – Cambrige, 1982, p. 181.
29 J.F. Labourdette, op. cit., p. 525.
30 A.N.A.E./B/1/647. 23 octobre 1690. D’Esneval, ambassadeur de France à Seignelay, secrétaire d’État à la Marine. Mais rien ne prouve comme l’affirme J.F. Labourdette, op. cit., note 71, p. 525 qu’un Le Couteulx soit marchand à Lisbonne.
31 A. Girard, Le commerce français à Séville et à Cadix au temps des Habsbourg, Paris, 1932.
32 Di. Ozanan, « La colonie française à Cadix au xviiie siècle d’après un document inédit (1777) » dans Mélanges de la Casa de Velasquez, tome IV, Paris, 1968. Liste des maisons de commerce françaises à Cadix entre 1724 et 1791.
33 Bibliothèque Arsenal Man. 4068. Mémoire de Patoulet cité par M. Morineau, Incroyables gazettes et fabuleux métaux, Paris, Cambridge, 1985, pp. 266.
34 A.N.A.E./B./1/230. Mémoire du Consul de France à Cadix Partyet fils, 17 septembre 1725.
35 A.H.P. C. Et. 19/4452. 14 mars 1723. Testament d’Antoine Lenormand.
36 A.N.M.C. Et. LXXVII/307. 23 décembre 1765. Célébration du mariage de Christophe Lenormand le 6 avril 1717. Pièce déposée par Lemoine de Bretot.
37 A.N.M.C. et XV/534. 12 juillet 1724.
38 Sur ces Magon, Cf. A. Lespagnol, « Modèles éducatifs et stratégies familiales dans le milieu négociant malouin au 17e et 18e siècles : les ambiguïtés d’une mutation » dans Cultures et formations négociantes (F. Angiolini et D. Roche dirs), Paris, 1995, p. 268.
39 Di. Ozanam, op. cit., « Liste des maisons de commerce... ».
40 A.N.M.C. Et. XXIX/437. 20 janvier 1738. Inventaire après décès de Jacques Le Couteulx. Papiers. Le contrat de la société faite pour 6 années et qui commencera le 1er mai 1732 est reproduit en dix originaux, ce qui démontre le nombre important des participants. Il est possible que ses fonds aient été élevés avant 1732 puisqu’on 1729 Le Couteulx Jeune et Cie faisait partie des quatorze maisons de première classe. AM. A.E.A.D.A. de Nantes n° 257. Liste établie le 17 novembre 1729.
41 R. Chamboredon, Fils de soie sur le théâtre des prodiges du commerce. La maison Gilly-Fornier à Cadix au xviiie siècle 1748-1786, Thèse, Toulouse, 1995, t. I, p. 144.
42 A.D.M.C. Et. XCVIII/569. 4 décembre 1765. Inventaire après décès de Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx. Papiers.
43 En 1751 il en fait partie avec Antoine et Jean Lenormand.
44 A.N.M.C. Et. XCVIII/569. 4 décembre 1765. Inventaire après décès de Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx.
45 A.N.A.E./B./I./263. 4 avril 1746. Partyet à Maurepas.
46 A.H.P. C. Et. 25. 5759. 6 décembre 1765. Les pouvoirs sont accordés en cas d’absence ou de maladie des principaux dirigeants de la firme présente à Cadix.
47 Arnail Fomier à Barthélemy Fomier, 5 janvier 1768 cité par R. Chamboredon, op. cit., note 1382, p. 239.
48 A.D.I et V. Fonds Magon 11 J. 20. Magon La Blinaye à Le Couteulx et Cie de Paris le 26 novembre 1752.
49 Idem. Magon La Blinaye à Le Couteulx et Cie de Paris. 11 décembre 1753.
50 Idem. Magon La Blinaye à Le Couteulx et Cie. 18 mai 1753.
51 A.D.I et V. Fonds Magon 11 J. 21 Magon La Blinaye à Le Couteulx et Cie de Paris. Lettres du 10 février, 12 février, 26 juin, 11 octobre 1754.
52 Il s’agit peut-être du fermier général Dangé qui s’est associé avec Grandclos-Meslé et Le Couteulx de Cadix pour envoyer des toiles de Bretagne. Cf. Y. Durand, Les fermiers généraux au xviiie siècle, Paris, 1971, p. 138.
53 A.N. Z/1/a 916. Grandclos-Meslé de Saint-Malo à Gabriel Prévost de Paris, le 1er janvier 1773. Grandclos-Meslé admire beaucoup la maison Le Couteulx de Cadix pour sa « sagesse », son « esprit de candeur et de probité », sa « solidité » déterminée par « la fortune du principal associé de celle de Paris ». Idem.
54 A.N. Z/l/a 916. Compte en vente frais et net produit de 39 balles de « Bretagnes ». 8 octobre 1773 , Idem. Grandclos-Meslé à Gabriel Prévost le 17 novembre 1773.
55 A.N.Z 1 a 916. Grandclos-Meslé à Gabriel Prévost. 12 septembre 1773.
56 A.N.Z 1 a 916. Compte de ventes de 109 balles. 18 août 1776. 271 644 reaux de plata représentent environ 128 525 lt., la piastre de reaux de plata équivalait selon les Le Couteulx à 76 sols.
57 A.N.M.C. Et. XCVIII/570. 11 janvier 1766 , ACCM, LXI, 824. Le Couteulx et Cie de Cadix à Roux. 25 octobre 1771 , A.N. 20 A Q 2, 10 mai 1776. Journal de Pierre Feray de Rouen.
58 R. Chamboredon, op. cit., t. II, p. 337.
59 ACCM. LIX, 824. Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie, Cadix, à Roux de Marseille, 14 août 1772. 1 zurron = 8 arrobes = # 90 kg.
60 R. Chamboredon, op. cit., t. I, p. 227.
61 Cologan de Santa Cruz de Tenerife à Le Couteaulx (sic) Lenormand Terry et Cie, 2 juillet et 17 août 1765 cité par A. Guimera Ravina, Burguesia extrangera y comercio atlantico. La Empresa comercial irlandesa en Canarias (1703-1771), Santa Cruz de Tenerife, 1985, note 91, p. 324.
62 A. Garcia-Baquero Gonzalès, La Carrera des Indias. Histoire du commerce hispano-américain (xvie-xviiie siècles), Paris, 1997, p. 166.
63 M. Morineau, Incroyables gazettes et fabuleux métaux. Les retours des trésors américains d’après les gazettes hollandaises (xvie-xviie siècles), Paris, Cambridge, 1985, p. 483.
64 ACCM. LIX. 824. Barthélemy Le Couteulx et Cie, Jacques, Louis, Laurent Le Couteulx et Cie à Roux de Marseille. 10 octobre 1777.
65 ACCM LIX, 824. Le Couteulx le Jeune et Cie à Roux de Marseille. 1er février 1729.
66 ACCM LIX, 844. Lettres de Antoine Strabony à J.B.M. Roux. 8 février 1729, 1er mars 1731, 24 mars 1731, 4 décembre 1731, 2 juin 1733, 7 juin 1735, 24 septembre 1737.
67 ACCM. LIX, 824. Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie de Cadix à Roux de Marseille. 21 juin 1771.
68 ACCM LIX, 484, Le Couteulx et Cie de Paris à Roux de Marseille. 20 août 1772. De son côté, la maison Fomier exporte chaque année environ 100000 piastres. Cf. R. Chamboredon, op. cit., t. III, p. 565.
69 Ces différences de cotation existaient déjà en 1729. Cf. M. Gutzatz, R. Squarzoni, « La cotation des lettres de change » dans Ch. Carrière, M. Courdurie, M. Gutzatz, R. Quarzoni, Banque et capitalisme commercial. La lettre de change au xviiie siècle, Marseille, 1976, p. 97.
70 A. N. AE/B/1/263. Rapport du Consul de France à Cadix. 4 avril 1746.
71 Sur ce prêt à la grosse. Cf. Ch. Carrière, « Renouveau espagnol et prêt à la grosse aventure (Cadix, 2e moitié du xviiie siècle » dans R.H.M.C., t. XVII, avril-juin 1970, pp. 221-252, A.M. Bernai Rodriguez, La financiacion de la Carrera de Indias. 1492-1824. Dinero y crédito en el comercio colonial espanol en America, Sevilla, 1993, A. Garcia-Baquero Gonzalès, op. cit., pp. 182-184.
72 A. H. RC. Et. 19/4514, dépôt du testament de Jean Lenormand. 12 janvier 1776.
73 A.H.P. C. Et. 19/4497. 28 juillet 1759. Pouvoir de Claire Lenormand à Antoine Lenormand.
74 A.H.P. C. Et. 19/4497. 3 septembre 1759. Accord Catherine Béhic – Domingo Troguero de Rivera. Parmi les filles d’étrangers qui sont créancières de prêts à la grosse, on trouve Catherine Béhic, Jeanne Barthélemy, Marguerite Roubaud, Josefma Pain, Elena Mac Namara, Il existe également une Clara de Garay qui aurait pu être la fille d’Angoine Lenormand ayant épousé un certain J.D. Garay. Cf. M.A. Bernai Rodriguez, op. cit., pp. 358 et 447.
75 Ch. Carrière, op. cit. Contrat de grosse à deux risques pour le Pérou, pp. 250-251.
76 Ch. Carrière, op. cit. Contrat de grosse à deux risques pour le Pérou, pp. 250-251.
77 Sur Fomier frères. Cf. R. Chamboredon, op. cit., t. II, p. 337.
78 J. Cavignac, Jean Pellet commerçant en gros 1694-1772, Paris, 1967, p. 232.
79 P.F. Venel fut créancier de 17 contrats à la grosse entre 1760 et 1824. Cf. A.M. Bernai Rodriguez, op. cit., p. 640.
80 A.C.C. M. LIX/824. Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie à Roux de Marseille. 21 janvier 1772.
81 A.C.C. M. LIX/824. Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie à Roux de Marseille. 14 mai 1773. Rappel du contrat du 24 août 1771.
82 A.C.C. M. LIX/824. Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie à Roux de Marseille. 15 septembre 1772.
83 A.N. 20 A Q 2. Journal de Pierre Feray. 10 et 20 mai 1776.
84 A.M. Bemal-Rodriguez, op. cit., pp. 459-460. Liste de ceux qui ont accordé des contrats à la grosse aventure, la maison qui arrive en tête est celle de Matias Landaburu d’origine basque qui entre 1760 et 1785 a accordé 107 contrats de prêt d’un montant total de 1282 869 piastres.
85 A. Garcia-Baquero Gonzalès, Cadix y el Atlantico, Sevilla, 1976, t. I., p 172, H. Ternaux-Compans, Voyages et relations pour l’histoire de l’Amérique, Paris, 1837-1840, t. X, p. 476.
86 Sur le trafic français en direction de la Mer du Sud, cf. A. Lespagnol, op. cit., C.D. Malamud, Cadix y San Malo en el comercio peruano (1698-1725), Jerez, 1986.
87 A.N.F 12. 1651.
88 A. N. AE/B/1/264. 30 novembre 1747.
89 AN. MC Et. /XCVIII/524. 28 novembre 1753. Inventaire après décès de Charlotte-Lucrèce de Bemy.
90 A.N. F/12/1652. Casaubon Behic et Cie au chevalier Baillon. 3 août 1745.
91 A. Garcia-Baquero Gonzales, Cadiz y et Atlantico..., t. II, p. 23. Diego Thomas est peut-être le capitaine du bâtiment.
92 A. Guimera Ravina, op. cit., p. 195.
93 M. Morineau, op. cit., p. 385.
94 Comte A. Beugnot, Mémoires, Paris, 1866. t. I, p. 311. A.M.A.E.A.D.A. Nantes 257. 3 février 1748. A.N.A.E. B/1/266. M. de Varennes consul de France au secrétaire d’État à la Marine, Cadix, le 12 mai 1749. Antoine-Louis a été élu député en compagnie de Boyetet en février 1748.
95 A.N.A.E. B/I/270. De Varennes à Rouillé, 16 juillet 1753. Cité par Di. Ozanam, op. cit., p. 273.
96 A. Garcia-Baquero Gonzales (ed.), Cadix 1753 segun las respuetas generales del Catastro de La Ensenada, Cadix, 1990, p. 40.
97 A.G.I. 892 bis. Vérification de 1771. En fait on s’est contenté de reprendre les données de 1753 puisque parmi les maisons recensées figurent celle de Girardon Jogues, Feyt et Cie qui a fait faillite en 1753 et n’a pas repris ses activités.
98 A.N.M.C. Et. XXIX/437. 20 janvier 1738. Inventaire après décès de Jacques VI Le Couteulx. Papiers. Dans les années 1760 la société Chancel Pache et Silvestre de Cadix obtient entre le 1er mars 1763 et le 30 septembre 1764 un taux de profit de 16,65 % qui s’abaisse à 4,03 % entre le 1er octobre 1764 et le 31 mai 1767. Cf. M. Zylberberg, Une si douce domination. Les milieux d’affaires français et l’Espagne vers 1780-1808, Paris, 1993, p. 160.
99 Une piastre forte = 20 1t.
100 A.G.S.D.G.R. 2e Remesa 4902. Liste des autorisations d’exportations de piastres accordées par le marquis de la Ensenada.
101 A.H.N. Estado 629 (1). Liste des négociants étrangers, en fait il faut ajouter Domingo Terry associé-gérant, qui en tant qu’irlandais n’est pas mentionné dans la liste des négociants français.
102 Papiers d’industriels et de commerçants lyonnais (P. Leon dir), Lyon, 1976. Pièce justificative n° 4, p. 463. Estat des classes de la nation française à Cadix... 17 juillet 1771.
103 Sur les faillites des maisons françaises, A.C.C. M. LIX 824, Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie de Cadix à Roux de Marseille, 25 février et 15 septembre 1772. Sur celle de Ustariz hermanos, cf. A.H.P.M., 19618, 14 mai 1774. Copie au Concordat de Ustariz hermanos datée du 22 avril 1772.
104 A.C.C. M. LIX/824. Jacques et Barthélemy Le Couteulx et Cie à Roux de Marseille, 24 avril 1772. Effectivement le nom de la maison Le Couteulx ne figure pas dans le concordat de Ustariz hermanos. En 1773 l’entreprise Le Couteulx comporte 15 personnes, soit 5 associés (Jean-Barthélemy Le Couteulx, Pierre Louis Desportes, Pierre Lenormand, Étienne Gaillard et Laurent-Vincent Le Couteulx. Quatre employés et six domestiques. Elle n’est dépassée que par Magon Lefer frères et Cie et la maison Fomier. La maison Simon Lenormand dirigé par Simon-Emmanuel-Julien Lenormand dispose de 2 employés et de 3 domestiques. A.M.C. Padrones n° 1006, année 1773.
105 M. Bustos Rodriguez, Los Comerciantes de la Carrera de Indias en el Cadix del Siglo XVIII (1713-1785), Cadix, 1993, p. 94. Le nombre des négociants français s’est également acc cru, il atteint 213 en 1773 contre 108 en 1753.
106 A.M.A.E.A.D.A. Nantes n° 260. Le Consul de France à Cadix au marquis d’Ossun. 6 avril 1771.
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