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Capitalisme et catholicisme dans la France moderne

 | 
Michel Zylberberg

Chapitre III. Une croissance dans la « crise »

Texte intégral

« Les sieurs Le Couteulx... la plus fameuse banque de France ».
Pierre Le Pesant de Boisguilbert, 4 juillet 1704

1La disparition de Jean IV Le Couteulx mort à Rouen en 1651, celle de Jacques I décédé à Paris en 1652 place à la tête de Le Couteulx et Cie une nouvelle génération qui va devoir faire face à une conjoncture économique difficile au cours de la plus grande partie du règne de Louis XIV et des premières années de son arrière petit-fils. Le Couteulx et Cie aurait pu sombrer comme ce fut le cas d’un grand nombre de maisons de commerce et de banque pendant la seconde moitié du xviie siècle et les premières décennies du xviiie siècle. Non seulement elle sut faire face aux grandes difficultés qui atteignirent le monde des affaires mais elle parvint à devenir une des premières firmes du royaume de France. Sans doute peut-on penser qu’une des causes de sa résistance victorieuse résida dans l’orientation nouvelle qu’elle adopta au début de la décennie 1670 : elle décida de devenir une maison de banque sans abandonner les activités marchandes.

  • 1 Archives Le Couteulx. Généalogie de 1786.
  • 2 A.N.M.C. et L XI/216. 28 septembre 1651. Contrat d’apprentissage de Antoine I Le Couteulx avec Jacq (...)
  • 3 En 1687 il participe en compagnie d’Étienne I à une assemblée de marchands rouennais. A.D.S.M. 1. B (...)
  • 4 A.D.S.M. 2 E 12/19. 12 novembre 1686. Accord Geneviève Dufour – Le Couteulx et Cie.

2En 1650, Jean IV avait associé plusieurs de ses enfants à sa société familiale. Le chef de la branche rouennaise qui avait épousé en 1614 Marie Barbot avait eu de cette union seize enfants, dix garçons et six filles1. Vu le nombre de ses enfants mâles, Jean IV n’avait pas à envisager qu’une de ses filles entre dans Le Couteulx et Cie. De ses dix enfants du sexe masculin, David, Pierre et Gaspard-Guillaume moururent en bas âge, un quatrième, Robert, entra dans les ordres tandis que les six autres s’adonnèrent au commerce. Trois d’entre eux, Jean VIII né en 1624, Antoine I né en 1628 et Etienne I né en 1630 devaient demeurer à Rouen tandis que Nicolas I qui avait vu le jour en 1621, Jacques III et Louis partirent pour la capitale. La mort prématurée de Nicolas I en 1651, quelques mois après son mariage, conduisit Antoine I à le remplacer. En septembre 1651, alors qu’âgé de 23 ans il était associé de Le Couteulx et Cie, il signa un contrat d’apprentissage avec son frère « Jacques Le Couteulx le Jeune marchand-drapier bourgeois de Paris ». Moyennant un versement de 400 lt., il deviendrait au bout de trois ans également marchand-drapier parisien2. De son côté, Louis qui travaillait chez un marchand de soieries parisien regagna la Normandie afin d’aider ses deux frères Jean VIII et Étienne I sans devenir semble-t-il un associé de la société3. Jusqu’en 1660, Le Couteulx et Cie fut donc dirigée par un quatuor d’hommes. Cette année-là, Jean VIII disparut alors qu’il n’avait que trente-six ans ne laissant que trois filles. Ses partenaires acceptèrent que son épouse Geneviève Dufour qui appartenait à une grande famille marchande rouennaise entra dans leur société. Ce fut une exception : aucune autre femme n’eut jusqu’au début du xixe siècle le privilège de participer à la direction de la maison familiale même si certaines des membres de la dynastie y investirent des fonds. Geneviève Dufour demeura associée jusqu’en 1681 date où elle se retira en laissant 40 000 lt. dans la société4. Demeurèrent donc en place pendant encore une quinzaine d’années, Jacques III, Antoine I et Étienne I devenus beaux-frères puisqu’ils épousèrent trois filles d’un marchand-drapier parisien Barthélemy Le Brest.

  • 5 A.D. Paris. Fichier des baptêmes, mariages et sépultures des paroissiens de Saint-Eustache.

3À la fin du xviie siècle, on assista à un renouvellement de la direction de Le Couteulx et Cie. En 1697, Jacques III alors âgé de soixante et onze ans décida de se retirer des affaires et de se faire remplacer par deux de ses fils Jacques VI et Jean-Étienne I parti depuis quelques années à Rouen pour y aider Étienne I tandis que deux fils d’Antoine I, Barthélemy II et Jean X entraient aussi dans la société. L’année suivante, une catastrophe se produisit : Antoine I et son frère Étienne I venus à Paris pour assister au mariage de Jean-Étienne I avec Marie-Françoise Duru fille d’un marchand-drapier de Paris moururent le 13 novembre 16985. Le rajeunissement de la société dut donc se faire de façon précipitée. Étienne I ne laissait qu’un fils, lequel préféra acheter en 1702 une charge de conseiller-secrétaire du roi plutôt que de demeurer dans la compagnie tout en y laissant pendant quelques années des fonds importants. Les deux décédés furent donc remplacés par deux autres fils de Jacques III et d’Antoine I, Barthélemy I dit le Jeune et Antoine III, lesquels partirent pour Rouen.

  • 6 A.N.M.C. Et. XVI/410. 22 décembre 1654. Ils ont dû cependant payer cette rente annuelle pendant plu (...)
  • 7 A.D.S.M. 2 E 12/19. 13 novembre 1686. Accord Geneviève Dufour – Le Couteulx et Cie.

4Lorsqu’au début des années 1650 les fils de Jean IV et de Marie Barbot prirent la direction de Le Couteulx et Cie, ils bénéficiaient de nombreux atouts. Bien qu’aucun d’entre eux n’ait atteint la trentaine, le plus vieux, Jean VIII, était né en 1623, ils possédaient une expérience des affaires longue de plusieurs années, ils disposaient de fonds importants. En dehors de ce qui leur revenait de leurs héritages, ils avaient obtenu de leur oncle Jacques I un prêt de 41 000 lt. que sa veuve porta à 50000 lt. en le constituant en rente au denier 25 soit 2000 lt. par an6. On l’a vu, le décès de Jean VIII n’entraîne pas une diminution des fonds de la compagnie puisque sa veuve succéda à son mari jusqu’en 1681 et qu’ensuite elle accepta que les fonds qui lui étaient encore dus, soit 40 000 lt. demeurent dans les caisses « de la société de commerce et de marchandises qui estaient entre eux et la dite dame »7. La société disposait toujours de neuf loges à la Foire de Saint-Germain et de vingt dans celle du Lendit, ce qui en principe devait leur permettre de débiter des quantités importantes de draperies.

  • 8 Sur l’existence de la crise on peut s’appuyer sur deux ouvrages récents : ceux de G. Lemarchand, La (...)

5Toutefois, Le Couteulx et Cie dut faire face à une conjoncture rien moins que favorable. En effet, la seconde moitié du xviie siècle et les deux premières décennies du xviiie siècle sont marquées par une série de difficultés économiques aiguës de sorte qu’on a pu mettre en avant l’idée d’une crise séculaire de longue durée. Les symptômes de cette dépression dans une grande partie de l’Europe et tout particulièrement en France sont nombreux8. Tous les secteurs de l’économie ont été touchés quoique de façon inégale. Pour R. Romano, c’est de l’agriculture dont dépend l’ensemble de l’économie. Or, elle a connu une série de graves crises tout au long de la période.

  • 9 A.D.S.M.. 2 E 1/2343. 9 juin 1653.
  • 10 C’est ce qu’affirme Pierre Goubert. « Il faut être aveugle ou de mauvaise foi pour ne pas reconnaît (...)
  • 11 G. Lemarchand, op. cit., p. 123.
  • 12 Notes du premier président Pellot sur la Normandie (G.A. Prévost ed.), Rouen, 1915, p. 134.
  • 13 J.P. Bardet, « Mourir à Rouen au temps de Boisguilbert » dans Boisguilbert parmi nous. Colloque int (...)
  • 14 J.M. Goger, « Années noires du grand règne 1670-1715 » dans Révolution et mouvements révolutionnair (...)

6Pour la France, il en existe au moins quatre. La première au cours des années 1648-1652 laquelle coïncide avec la Fronde, la seconde a eu lieu au début du règne personnel de Louis XIV en 1661-1662, la troisième, la plus dramatique est celle de 1693-1694 et enfin la dernière liée au grand hiver est celle de 1709. Si après chacune d’entre elles, il a existé une certaine reprise, il est difficile d’admettre que l’agriculture française a connu une croissance vraie. Ce blocage a eu des effets dommageables sur l’artisanat, les manufactures et le commerce d’autant plus que la stagnation de la population n’a pu que contribuer à la limitation de la consommation, notamment de celle des masses populaires et à peser sur les prélèvements seigneuriaux, donc sur les facultés à consommer des privilégiés. Mais d’autres facteurs sont intervenus contribuant à freiner l’expansion commerciale. D’abord et avant tout les conflits dans lesquels se sont engagées la plupart des puissances européennes. Les Provinces-Unies et l’Angleterre se sont opposées à trois reprises, de 1652 à 1654, de 1665 à 1667 et de 1672 à 1673 dans des conflits marqués par de nombreuses batailles navales qui ont rendu difficiles, entre autres, les liaisons entre Rouen et les grands ports anglais ou hollandais. Les Le Couteulx en ont été parfois victimes. Ainsi des produits textiles qu’ils avaient achetés en Angleterre ont été pris par un navire hollandais9. La France a peut-être encore plus souffert que les autres puissances des conflits. La guerre de Hollande (1672-1678) puis celle de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697), enfin celle de la Succession d’Espagne (1702-1713) ont gravement affecté les échanges internationaux des marchands français, à quelques exceptions près. Les guerres ont également augmenté la pression fiscale sur une très grande partie de la population en affectant sa consommation, elles ont également contribué à une pénurie monétaire car les espèces métalliques devaient être utilisées pour payer les soldes des troupes ainsi qu’une partie de fournitures de guerre. Cela aboutissait à rendre très difficile le paiement des travailleurs des manufactures dont beaucoup furent réduits au chômage et donc à entraîner une baisse de la production « industrielle ». La réalité de cette dépression ne saurait être mise en doute10, mais on peut se demander si elle n’a pas connu de répit notamment lors du ministériat de Colbert encore que pour des Lyonnais, Colbert aurait ruiné la France, tandis que Boisguilbert, adversaire du colbertisme et partisan d’un certain libéralisme, estimait en 1694 que la France était en crise depuis quarante ans et donc que le Rémois ne l’avait pas arrêtée. De même, on peut s’interroger sur l’étendue géographique de la dépression. Dans la mesure où il n’existe pas dans la France de l’Ancien Régime un véritable marché national, il n’est pas certain que toutes les provinces en aient été victimes. La Provence et la Bretagne, cette dernière jusque vers 1675 semblent avoir été, pour l’essentiel, épargnées. Mais il n’en est pas de même pour la Normandie. D’après Guy Lemarchand, la crise a commencé à se manifester au cours de la décennie 1630-1640, puis une certaine reprise aurait eu lieu entre 1663 et 1689 et à nouveau la Normandie fut affectée par une nouvelle crise à partir de la dernière décennie du xviie siècle et il semble bien qu’au bout du compte les niveaux d’avant 1630 et 1640 n’ont pas été dépassés11. Certaines activités ont été durement touchées. C’est ainsi que le président du Parlement de Rouen, Pellot, écrit au début de la décennie 1680 que la draperie rouennaise n’a pas eu de débit « à cause du manque d’argent dans le plat pays », ce qui avait des conséquences désastreuses pour le « grand nombre des pauvres ouvriers » employés dans les manufactures drapières. L’industrie du cuir serait également, à cette époque, dans une situation difficile à cause de la concurrence étrangère que l’on n’entendait pas mettre en difficulté. Le monde du commerce est également affecté. Les commissionnaires « dont les principaux appartiennent à la nation hollandaise font bien moins d’affaires que cy-devant »12. La situation de Rouen est déjà donc difficile à la fin du ministériat de Colbert, mais ce n’est encore rien si on compare son état lors des grandes catastrophes qui surviennent en 1693-1694 et en 1709-1710. Dans son Factum sur la France publié en 1695, Boisguilbert, par ailleurs lieutenant général du bailliage de Rouen, évoque les « horreurs » que la Normandie vient d’éprouver. La crise démographique de 1693-1694 est responsable du décès d’environ 13 000 personnes alors que la population de la ville atteint environ 65000 habitants13. Puis, la Normandie connaît en 1709 une grave crise agricole à laquelle s’ajoute une chute de l’activité manufacturière due pour l’essentiel à un étranglement du crédit. La hausse des taux d’intérêt, l’impossibilité de négocier les lettres de change faute d’espèces aboutirent à ce que les marchands furent dans l’incapacité d’acheter des tissus de laine, ce qui conduisit à la chute de la production et au licenciement des ouvriers dont le nombre à cette date était d’environ cinquante mille14.

  • 15 F. Lebrun, La puissance et la guerre 1661-1715. Nouvelle histoire de la France moderne, Paris, 1997 (...)
  • 16 O. Ranum, op. cit., p. 220, G. Dethan, Paris au temps de Louis XIV, Paris, 1990, p. 113- 114.
  • 17 A.N. G/7/1692.

7On connaît beaucoup moins bien la conjoncture économique de la capitale du royaume. Il semble que dans les premières années du règne personnel de Louis XIV, elle n’ait pas été mauvaise, à l’exception des années 1661- 1662, notamment à cause de la politique de construction voulue par la monarchie15. Les Tuileries furent aménagées, des travaux importants eurent lieu dans la Cour Carrée du Louvre tandis que la colonnade était édifiée. On construisit également la Manufacture des Gobelins et l’Observatoire et on aménagea des boulevards à la place des murailles protégeant la ville qui furent détruites en 1672. Nul doute que les artisans du bâtiment en profitèrent et qu’ils purent embaucher de nombreux ouvriers. Pourtant, à partir du moment où Louis XIV quitta Paris pour Saint-Germain-en-Laye ou Versailles, où il s’établit définitivement à partir de 1682, les chantiers se raréfièrent. Par ailleurs, l’installation de la noblesse de Cour à Versailles pesa sur le commerce de luxe parisien sans qu’on puisse en chiffrer la baisse. Paris est sans doute victime de son abandon en tant que capitale par la monarchie mais encore davantage des grands conflits de la fin du règne de Louis XIV ainsi que des crises démographiques dues aux chutes des productions agricoles. À partir des années 1680, selon O. Ranum, on assiste à un déclin du commerce parisien tandis que pour G. Dethan, historien du Paris de Louis XIV, les années 1690 du xviie siècle furent marquées par un appauvrissement16. Et le grand hiver de 1709 qui entraîna la mort de plusieurs milliers de Parisiens n’a pu que renforcer la paupérisation d’une grande partie des habitants de Paris et la baisse de leur consommation. Le volume des affaires de deux grandes foires de l’Île-de-France, celle de Saint-Germain-des-Prés et du Lendit à Saint-Denis en a subi les conséquences. Les ventes en 1709 ont été très médiocres. À cause du grand froid, il n’avait pas été possible de travailler aux apprêts. De nombreux marchands dont le bail de location des loges était achevé avaient décidé de ne pas revenir. Pourtant, la baisse des ventes apparaît malgré tout limitée. En 1708, 1097 balles de draperies avaient trouvé preneur contre 1003 en 1709, soit une baisse de 8,5 %. Mais la chute avait été plus forte à la foire du Lendit. 411 balles avaient été vendues en 1709 et seulement 171 balles l’année suivante. Les Halles de Paris ont été également sévèrement victimes de la crise de 1709, 98 244 pièces auraient été écoulées en 1708 et seulement 49 609 en 1709, soit une baisse de près de moitié17.

  • 18 G. Hurpin (ed.), L’intendance de Rouen en 1698, Paris, 1984, p. 102.
  • 19 R. Romano, op. cit., p. 185.

8Mais même une crise globale n’a pour conséquence une chute de toutes les activités marchandes et manufacturières. Des croissances sectorielles ou régionales peuvent se produire. C’est ainsi qu’à partir des années 1660 une industrie drapière dynamique se met en place à Elbeuf18. Tous les groupes sociaux, toutes les classes sociales, toutes les villes ne sont pas victimes de la crise. Pour certains, celle-ci peut être l’occasion d’enrichissements. Mais comme l’écrit R. Romano « Voir un commerce ou une banque grandir et en tirer des conclusions d’un changement réel est une grave erreur »19. On pourrait effectivement donner l’exemple de Le Couteulx et Cie qui en dépit de toutes les difficultés qu’elle a dû affronter est sortie beaucoup plus puissante à la fin de la « crise » qu’à son début.

  • 20 A.D.S.M. 2 E 1/2343. 9 juin 1653.
  • 21 A.D.S.M. 2 E 1/2316. 27 septembre 1660.

9 Pendant une vingtaine d’années, à partir des années 1650, les dirigeants de la maison se livrent à des opérations comparables à celles de leurs prédécesseurs. Toujours marchands-drapiers et disposant de nombreuses loges dans les Foires de Saint-Germain-des-Prés et du Lendit à Saint-Denis, ils continuent à vendre des draperies dont un certain nombre provient de l’Angleterre. C’est ainsi que Jean VIII a acheté pour le compte de sa société à Christophe Brody, un marchand d’Exeter, ville située au Sud-Ouest de l’Angleterre et qui est la capitale de la nouvelle draperie anglaise « vingt petits ballots contenant cent pièces de serges d’Angleterre » auxquels s’ajoutent dix pièces de serges destinées à un marchand hollandais de Dordrecht, qui à cause de la guerre anglo-hollandaise ne pouvait s’adresser, la commande datant de 1653, directement à des fournisseurs anglais. Malheureusement pour Jean VIII Le Couteulx, le navire qui emportait les marchandises depuis Londres fut capturé par des bâtiments des États de Hollande20. Les importations de tissus anglais ne sont pas le propre de Le Couteulx et Cie. En 1660, elle s’est associée avec plusieurs marchands rouennais dont plusieurs étrangers comme Antoine Vanderhylst, Egbert Caspre ou Humphrey Lavermote qui en ont fait venir d’Angleterre sur un navire dirigé par un capitaine havrais21.

10Le commerce du blé constitue toujours une des activités de Le Couteulx et Cie. En 1652, elle achète à plusieurs marchands d’Elbeuf, ville qui avec Duclair, Caudebec et les Andelys est un des grands marchés céréaliers de la Normandie, 100 muids de blé d’une valeur de 6600 lt. en les chargeant de les faire remonter vers Paris via la Seine.

  • 22 A.N.M.C. Et. L XI/216. 3 octobre 1651.
  • 23 A.N.M.C. Et. L XI/230. 23 et 31 juillet 1658.

11La société comme beaucoup d’autres continue à pratiquer le négoce des lettres de change. En octobre 1651, par exemple, Jacques III Le Couteulx fait dresser un protêt contre Catherine Cossart, veuve d’un marchand-bourgeois de Paris, qui a refusé de payer une lettre de change, tirée par son fils établi à Rouen, d’un montant de 3 406 lt. au profit de Robert Dugard, un autre marchand de Rouen qui l’a endossée au profit de Le Couteulx et Cie de Paris22. Un autre protêt établi sept années plus tard permet de constater la permanence des liens entre Le Couteulx et Cie et l’Angleterre. La société bénéficie de deux lettres de change tirées de Londres, la première d’un certain Jacques Gilbert d’un montant de 500 écus de 60 sols chacun, sur Bertrand Arson, un banquier parisien qui cesse ses paiements en 1658, la seconde d’un dénommé Williams sur « Jacques » Cooper un marchand anglais résidant à Paris et d’une valeur de 700 écus de 60 sols23.

12On dispose de nombreux protêts établis devant les tabellions de Rouen par Étienne I Le Couteulx, qui à partir de 1660, à la suite de la mort de son frère Jean VIII est devenu le principal dirigeant de la branche rouennaise de la société Le Couteulx et Cie. En 1670 et 1671, il fait établir devant le même tabellion quarante-trois protêts de lettres de change dont il est le dernier endossataire. Il les a conservés jusqu’à leur présentation à l’échéance, mais un grand nombre de tirés ont refusé de s’exécuter.

  • 24 A.D.S.M. 2 E 1/2506 et 2508 , 1670 et 1671.

13Ces quarante-trois lettres de change ont été tirées de seize villes, onze françaises (Lyon, La Rochelle, Paris, Sainte-Anne d’Auray, Morlaix, Thiers, Saint-Malo, Caen, Saint-Étienne, Lille et Vannes) et cinq étrangères (Harlingen, Amsterdam, Rotterdam et Flessingue dans les Provinces-Unies et Londres)24.

14En ce qui concerne la France, Paris est la ville qui avec douze tireurs en compte le plus tandis qu’un quart des lettres protestées sont émises de Bretagne, soit sept de Morlaix, deux de Saint-Malo et une pour les autres villes. Quant aux lettres de change venant de l’étranger, sept d’entre elles ont eu pour tireur un habitant d’Amsterdam. On ne peut savoir si les tireurs qui sont forcément en rapport avec les marchands de Rouen ont des liens avec Le Couteulx et Cie qui n’est qu’un endosseur, mais on peut penser qu’il en va autrement avec les bénéficiaires des lettres de change qui les ont endossées à Le Couteulx et Cie. Des sociétés comme celles de Ferret et Michault ou Guillaume Le Bart de Rennes qui ont bénéficié de lettres de change tirées depuis Morlaix ou Saint-Malo ou celle de Gérard Geremdinck d’Amsterdam en délivrent de nombreuses à Le Couteulx et Cie et sans aucun doute sont en étroites relations d’affaires avec cette dernière.

  • 25 A.N.M.C. et XV/231. 7 avril 1671.
  • 26 J. Toubeau, Institutes du droit consulaire, Paris, 1682, cité par J. Bouvier « La finance et l’État (...)
  • 27 Evrard Jabach écrit le 10 mars 1671 « Considérez au nom de Dieu que je me trouve entre le marteau e (...)

15Ce maniement important de lettres de change est une des raisons qui expliquent qu’au début de la décennie 1670 de marchands-drapiers qu’ils étaient, les Le Couteulx deviennent marchands-banquiers. Le 7 avril 1671, René Le Meneust, seigneur de Bréquigny reconnaît devant notaire « avoir reçu de Messieurs Le Couteulx et Cie banquiers à Paris » 1 000 1t. qui lui sont adressés par Guy Le Meneust ancien président du Parlement de Bretagne25. Une autre motivation de cette orientation nouvelle nous est donnée par Toubeau, l’auteur des Institutes du droit consulaire. « Le gain que font les banquiers est si considérable, si doux, si avantageux et si attirant que plusieurs quittent la marchandise pour embrasser leur emploi »26. Enfin, il n’est pas impossible de penser que les difficultés d’un des plus grands banquiers parisiens Evrard Jabach, d’origine allemande, demeurant rue Saint-Denis et qui au début de l’année 1671 est dans une situation si difficile qu’il part pour Cologne afin de trouver des fonds qui lui permettront de rembourser une partie des sommes qu’il doit à ses créanciers27, ont peut-être fait penser aux Le Couteulx qu’ils pouvaient profiter des difficultés de ce banquier et qu’il y avait une place à prendre dans le milieu bancaire parisien.

  • 28 A.N.M.C. Et. L XI/253. 2 octobre 1671. Bail de Jacques III et Antoine I Le Couteulx. Ils s’engagent (...)

16Ce changement de milieu les conduit à changer de domicile. En octobre 1671, ils louent à une certaine Nicole Gallée « une maison sise rue de la Grande-Truanderie consistant en deux corps de logis, l’un sur le devant et l’autre sur le derrière et cour au milieu » auquel corps de logis il y a une petite porte. Jacques III et Antoine I déclarent qu’ils connaissent bien la maison « pour l’avoir vu et visiter » et s’engagent à payer un loyer annuel de 1 300 lt. soit plus du double de ce qu’avait versé leur oncle Jacques, une quarantaine d’années auparavant quand avec Robert II Le Vavasseur, il avait loué le siège de Le Couteulx et Cie dans la même rue28.

  • 29 Sur Joachim Boisfranc de la Seiglière. Cf. Primi Visconti J.B., Mémoires sur la Cour de Louis XIV, (...)

17Quelques années plus tard, ils procéderont à un nouveau déménagement toujours dans la même rue. Joachim Boisfranc de la Seiglière, intendant du frère de Louis XIV, avait investi une partie de sa fortune dans des constructions d’immeubles, notamment rue de la Grande-Truanderie29. Moyennant un loyer de 2 000 lt., les Le Couteulx devinrent locataires d’une grande maison avec porte cochère pour neuf années.

18Quand les Le Couteulx deviennent banquiers sans abandonner le négoce des marchandes, il n’est pas certain que Paris soit déjà devenue la capitale bancaire du royaume en détrônant Lyon.

  • 30 A. du Pradel, Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, Paris, 1978 (réédition), pp. 117-11 (...)

19D’après Abraham du Pradel alias Nicolas de Blegny qui fait paraître au début des années 1690 un livre intitulé Le livre commode des adresses de Paris, il n’existe encore que vingt-trois maisons de banque chargées « des remises de place en place ». Une dizaine d’années plus tard, leur nombre n’a pas augmenté puisque l’Almanach royal qui, à partir de 1703, publie une liste des noms et des demeures des banquiers n’en recense que vingt et un30.

  • 31 Notes du président Pellot, op. cit., pp. 131-132.

20Le nombre de ceux qui à Rouen « font la banque » est encore plus restreint. D’après le premier président Pellot du Parlement de Rouen dans les années 1670-1683 avec la société Le Couteulx et Cie qui « fait banque » il n’existe qu’un autre homme d’affaires, un certain Dufour, marchand-drapier et secrétaire du roi qui « se mesle de banque »31.

  • 32 Almanachs royaux de 1703 – 1711 – 1720.

21Dans ce monde étroit, la maison de banque Le Couteulx et Cie occupe une des premières places et parfois même la première. Ainsi, dans la liste indiquée par Abraham du Pradel et qui n’est pas alphabétique arrive au premier rang « Messieux Le Couteux rue de la Tixanderie (en fait il s’agit d’une coquille, c’est en réalité rue de la Truanderie) ». En 1703, ils n’occupent que le sixième rang, le premier appartenant à « Mr de Bernard » mais après la quasi-faillite de Samuel Bernard en 1709, ils retrouvent la première place tandis qu’en 1720 après le rétablissement financier du grand financier de Louis XIV ils sont au second rang derrière lui32. Et l’on sait que Boisguilbert dès 1704 qualifiait les Le Couteulx de « banque la plus fameuse de France ».

  • 33 A.N. G/7/1312. État général de toutes les actions de la Compagnie des Indes occidentales. Archives (...)
  • 34 D. Dessert, Argent, pouvoir et société au Grand siècle, Paris, 1984, pp. 504 et suivantes.
  • 35 Sur sa prise de participation à une expédition malouine vers la Mer du Sud. Cf. A. Lespagnol, Messi (...)
  • 36 Cf. AN 2 1/D/73 et Z 1/D/85.

22Le rang occupé par les Le Couteulx n’est pas sans poser problème. En l’état actuel de la documentation, il ne semble pas que Le Couteulx et Cie ait participé au financement des guerres de Louis XIV à l’instar de Samuel Bernard. Elle ne s’est pas non plus intéressée aux activités des grandes compagnies de commerce promues par la monarchie. Son nom ne figure pas parmi les actionnaires de la Compagnie des Indes orientales fondée en 1664 contrairement à un certain nombre de membres des Six-Corps parisiens et dont Evrard Jabach fut un des directeurs. Contrairement à plusieurs marchands rouennais comme Rozée, Bulteau ou Téré, elle n’est pas entrée dans la Compagnie des Indes occidentales33. Elle n’a montré aucun intérêt pour les Compagnies de commerce qui se sont créées après la prise de Ryswick en 1697. Son nom n’apparaît dans aucune liste d’actionnaires des Compagnies de la Mer du Sud, de Guinée ou de l’Asiento alors que dans plusieurs d’entre elles se sont impliqués Samuel Bernard ou Antoine Crozat34. Elle s’est certes engagée dans le financement d’expéditions en direction de la Mer du Sud dirigée par les Malouins pendant la guerre de Succession d’Espagne, mais elle a refusé en 1711 contrairement à des marchands rouennais, les frères Planterose ou la Veuve Martin, de participer à la reprise de la Compagnie au Sénégal. Les mêmes frères Planterose ont armé des navires qui ont gagné la Mer du Sud pour y pratiquer l’interlope et l’un d’entre eux le Fidèle fut capturé en 1717 par l’escadre espagnole commandée par l’amiral Martinet avec une cargaison d’une valeur de 479 858 piastres, il ne semble pas que Lecouteulx y ait été intéressé35. Une exception, pourtant. Le Couteulx et Cie est entrée dans la Chambre des Assurances et grosses aventures créée par un arrêt au Conseil le 5 juin 1668. Les membres de la Chambre des Assurances et grosses aventures présidée par Bellinzani et dont le siège social était situé rue Quincampoix s’engageaient à couvrir une partie des risques encourus par les navires moyennant une prime. Les Le Couteulx ne sont entrés dans cette compagnie qu’après être devenus banquiers. C’est à la fin de l’année 1671 qu’ils participent pour la première fois au financement des polices d’assurance mais leurs interventions demeurent limitées contrairement à Henri de Santeul ou à Nicolas et Pierre Formont. Ils vont également devenir membres de la Compagnie générale des assurances et grosses aventures qui voit le jour en 1686. Ils participeront en 1691 directement ou indirectement à l’émission de polices d’assurance concernant vingt-quatre navires. Mais après les défaites de la marine de guerre française pendant la guerre de la Ligue d’Augsbourg, cette compagnie cessera de fonctionner36.

  • 37 H. Lüthy, op. cit., t. I, pp. 244 et 254.

23Comment alors expliquer que leurs contemporains aient estimé qu’ils occupaient une position éminente dans la hiérarchie bancaire ? C’est probablement lié à l’importance de leur capital. En effet, la plupart des maisons de banque et des maisons de commerce à la fin du xviie siècle ou au début du xviiie siècle possédaient des fonds propres qui se limitaient le plus souvent à quelques dizaines de milliers de livres. C’est le cas de la société Butini constituée en 1710 avec un capital de 30 000 lt. ou de Jean-Louis Rieu qui débute ses activités en 1714 avec un fonds de 50 000 lt.37.

  • 38 A.D. Eure E/4195. Traité de société et de commerce entre Pierre, Thomas et François Planterose (169 (...)

24Quand à la société des frères Planterose lesquels font partie de l’élite du monde marchand rouennais, son capital est fixé en 1691 à 65 000 lt.38.

  • 39 A.N.M.C. Et. XV/363. 26 novembre 1698. Inventaire après décès d’Antoine I Le Couteulx.
  • 40 A.N.M.C. Et. XCVIII/524. 29 novembre 1753. A.N.M.C. Et. XLIV/200. 18 mai 1711. Mariage Jean X – Cat (...)

25Or, celui de Le Couteulx et Cie atteint 900000 lt. lors de la signature du traité de société daté du 1er mai 169739. Commençant par une formule recommandée par Jacques Savary dans son Parfait Négociant de 1675 « Au nom de Dieu et de la Sainte Vierge », la société établie pour une durée de trois années et qui comprend six associés, tous frères et cousins de la famille Le Couteulx et qui a pour vocation de négocier « toutes sortes de marchandises et de charges dans le royaume et pays étrangers » dispose d’un fond de 900 000 lt., chacun des associés apportant 150000 lt. « en argent comptant et marchandises ». La mort, l’année suivante d’Antoine I et Étienne I, doit faire baisser le capital à 600000 lt. mais on peut présumer que l’entrée dans la société au cours de la première décennie du xviiie siècle d’Antoine II et de Barthélemy I le Jeune le fera remonter aux 900000 lt. de 1697. En tout cas lorsque Jean X Le Couteulx, le fils d’Antoine I, associé depuis plusieurs années dans Le Couteulx et Cie signe son contrat de mariage avec Catherine Brochant en 1711, il annonce que ses apports au mariage qui dépassent les 390 000 lt. comprennent son fond dans sa société fixé à 150000 lt.40.

  • 41 Une des plus grandes banques du règne de Louis XIII, celle de Tallemant qui s’était mise au service (...)

26Le capital de Le Couteulx et Cie est donc d’une ampleur exceptionnelle et on peut penser que les sociétés de personnes qui disposent dans les premiers siècles de l’Ancien Régime d’un capital avoisinant le million de livres ne doivent pas être légion. Au xviie comme au début du xviiie siècle, Le Couteulx et Cie bénéficiait de dépôts alors que quelques décennies plus tard il n’en aurait été pas de même puisqu’elle affirmait à un correspondant marseillais « Nous n’avons jamais pris d’argent de personne pour en faire intérêt »41.

  • 42 A.C.C.M., LIX/480. 7 juin 1754 Le Couteulx et Cie. Paris à Roux frères. A.D. G/7/721. Boisguilbert (...)

27C’est ainsi que la branche rouennaise de Rouen avait reçu de plusieurs particuliers de leur ville 200000 lt. dont 20000 lt. placées par Boisguilbert42.

  • 43 A.N.M.C. Et. XV/405. 15 avril 1706.

28On peut penser que ces mêmes pratiques étaient utilisées par les Le Couteulx de Paris jusqu’en 1706. Jacques VI le chef de la maison de la capitale remboursait à un perruquier et à sa femme 1500 1t. qu’il avait reçu du père de cette dernière43.

  • 44 A.N.M.C. Et. XV/303. 31 décembre 1685.

29La maison Le Couteulx pouvait également bénéficier des placements de membres de leur famille. On a vu que cela avait été le cas de Catherine Lustin la veuve de Jacques I Le Couteulx, de Geneviève Dufour, qui après son départ de la société avait laissé 40 000 lt. Les beaux-parents de Jacques III, Antoine I et Étienne I, Barthélemy le Brest et Marguerite Launay son épouse, leur fournirent 20000 lt. qu’ils constituèrent en une rente de 1 000 1t. et qu’ils s’engagèrent à payer chaque année en quatre quartiers à partir du 31 mars 168644.

  • 45 A.N.M.C. Et. XV/270. 30 avril 1679. L’abaissement de la valeur des pièces de 4 sols s’explique par (...)

30Comment la société Le Couteulx et Cie a-t-elle utilisé l’ensemble de ses fonds ? De tous ces emplois il est probable que c’est la négociation des lettres de change qui l’emporte. Faute de pouvoir disposer des archives d’entreprise aujourd’hui disparues, on est contraint de se rabattre sur leurs minutes notariales. Or, à trois reprises au moins, en 1679, en 1692 et en 1700, les dirigeants de la maison Le Couteulx et Cie ont déposé chez leurs notaires habituels d’abord Adrien Devin, puis ensuite Mathieu Gaillardie une liste de leurs effets de commerce qu’ils devaient régler, ainsi que leur équivalent en espèces. Ces mises en dépôt expliquent-ils, sont dues à des décisions de la monarchie qui a décidé des manipulations monétaires, dont ils seraient victimes. C’est ainsi qu’en 1679, Antoine I et Jacques III déclarent qu’« ils sont débiteurs de plusieurs sommes considérables tant par billets par eux faicts que par lettres de change tirés sur eux par différentes personnes ci-après énoncées et que nonobstant l’échéance des billets ou lettres de change il n’est venu encore personne leur en demander le paiement » et ils ajoutent que c’est dû au fait que l’arrêt du Conseil d’État du 7 mars 1679 a diminué la valeur des pièces de 4 sols à 3 sols 9 deniers. Cette modification d’après Antoine I et Jacques III aboutirait à une perte qui tomberait sur eux. En conséquence, ils décident de déposer, pour l’éviter, les espèces métalliques, en l’occurrence louis d’or et pistoles d’Espagne chez le notaire en faisant faire à celui-ci une copie de leurs billets et lettres de change45.

  • 46 A. du Pradel, op. cit., t. I, p. 117.

31Le nombre des lettres de change inscrites chez le notaire est au nombre de quatre-vingt-dix-huit d’un montant global de 93439 lt. auxquelles s’ajoutent deux billets d’une valeur de 24870 1t. soit en tout 114309 lt. Il est possible que ces effets de commerce ne constituent pas la totalité de ce qui était entre les mains de Le Couteulx et Cie, mais, en tout état de cause, ils apportent des informations d’importance sur les liaisons entre la maison de banque parisienne et ses correspondants de province ou de l’étranger. La plus grande partie des lettres de change tirées sur Le Couteulx et Cie dont la valeur moyenne atteint 1 192 lt. l’ont été par des maisons bretonnes et normandes. Vingt-cinq sont tirées de Rouen, deux de Caen, quinze de Rennes, treize de Vannes, dix de Morlaix, sept de Lannion, six de Quimper, deux de Nantes et deux de Saint-Malo. Très peu d’entre elles ont été tirées d’autres villes du royaume et proviennent de Troyes, Limoges, Bayonne et Marseille à raison d’une seule par ville. Enfin, Le Couteulx et Cie continue d’être en relations avec les deux grands centres commerciaux et financiers que sont Londres et Amsterdam d’où viennent trois lettres de change. Cette énumération confirme ce qu’indiquait dans son ouvrage publié en 1692 Abraham du Pradel pour qui Messieurs Le Couteulx de Paris négociaient des lettres de change « pour Normandie-Bretagne et pays étrangers »46.

  • 47 B.N. Coll. Thoisy 84. Facture pour Jacques Le Couteulx et Cie (1677 ?).

32Parmi les principaux partenaires de Le Couteulx et Cie de Paris figurait, et ce n’est pas pour nous étonner, sa branche rouennaise dirigée par Étienne I Le Couteulx qui arrivait au premier rang des tireurs avec des traites d’un montant de 38761 lt. soit 32 % de la valeur des traites présentées chez le notaire Adrien Devin suivi par Ferret et Michault de Rennes, Champripault de Quimper, Thomé de Lannion, Landais de Saint-Brieuc, Mazurier et Rigaud de Morlaix, Julien Arthur de Saint-Malo qui était leur commissionnaire dans le grand port breton47. Quant à Amsterdam, c’était toujours Gérard Geremdinck qui était leur partenaire. Les bénéficiaires des lettres de change tirées sur Le Couteulx et Cie ne semblent pas appartenir au monde des affaires parisien. Parmi eux, en effet, on trouve plusieurs prêtres ainsi que la duchesse de Chaulnes, l’épouse du gouverneur de Bretagne qui, quelques années plus tôt, avait réprimé l’insurrection bretonne du papier timbré, et à qui Ferret et Michault de Rennes font remettre deux lettres de change d’un montant total de 3 310 lt. Enfin les deux billets d’un montant de 24 170 lt. doivent être payés à un certain « Sieur Chevalier ».

  • 48 A.N.M.C. Et. XV/330. 30 juin 1692.

33En 1692, Jacques III et Antoine I déposent à nouveau la valeur des lettres de change et les billets « dont on ne vient pas leur en demander le paiement à cause de la diminution des espèces »48. Ces effets de commerce sont divisés en trois catégories : d’une part des lettres tirées sur eux, ensuite des billets qu’ils doivent payer et nouveauté par rapport à 1679, des lettres de change qui sont payables à leur domicile, ce qui semble constituer à la fin du xviie siècle une innovation opérée par une maison de banque parisienne. Ce sont pour l’essentiel des maisons de commerce de province qui en bénéficient comme par exemple une lettre tirée par Laborde de Bayonne sur François de Rouen et payable chez Le Couteulx et Cie. Le montant des paiements que doivent effectuer les Le Couteulx est moins élevé qu’en 1679 puisqu’il n’atteint que 87 551 lt. mais cela concerne un plus grand nombre de maisons de commerce. Celles de Bretagne sont beaucoup moins nombreuses, il n’en existe que trois dont deux, celles de Thomé de Lannion et de Champripault de Quimper, étaient déjà en rapport avec Le Couteulx et Cie en 1679 et auxquelles s’ajoute celle de Saint Jean Le Mezec d’Auray. Au contraire, le poids des maisons normandes s’est renforcé. En dehors de Le Couteulx et Cie de Rouen s’ajoutent deux maisons de Caen dont l’une Dumont de Rosel était présente en 1679, une au Havre, une à Dieppe, une à Honfleur. Le nombre des sociétés situées dans d’autres provinces a augmenté. Elles sont établies à Bordeaux, Angoulême, La Rochelle, Riom, Bourges, Blois, Limoges, Lille, Boulogne, Saumur, Béziers.

  • 49 A.N.M.C. Et. XV/371. 30 janvier 1700.

34Le 30 janvier 1700, Jacques VI Le Couteulx « tant pour lui que pour ses associés » déclare devant le notaire Mathieu Gaillardie « qu’il a plusieurs lettres de change à payer à différents particuliers... à savoir pour les lettres de change que les Sieurs Le Couteulx doivent à la somme de 11211 lt. 18 sols et pour les lettres à domicile à la somme de 26998 lt. 19 sols 9 deniers... et d’autant qu’il n’est pas juste que les sieurs Le Couteulx ayant leurs deniers prests portassent la diminution qui pouvait arriver sur les espèces » ils déposent « le montant de la valeur des effets de commerce en louis d’or a treize livres quinze sols la pièce et en écus blancs a trois livres onze sols »49.

35Ce sont onze maisons françaises qui ont tiré sur Le Couteulx et Cie. Celles de Bretagne sont encore présentes comme Thomé de Lannion auquel s’ajoutent des nouveaux venus comme Le Bart de Rennes, du Ry de Vannes ou de Cussy de Saint-Malo. Les bénéficiaires des lettres de change tirées sur Le Couteulx et Cie appartiennent à la noblesse comme le marquis de Cavillac, le duc de Castillon ou le comte de Lauvray ou au clergé comme l’abbé Courdelin ou l’abbé Taureau. Le nombre des lettres domiciliées a augmenté et ceux qui ont choisi d’être domiciliés à Paris sont le plus souvent originaires de Normandie. On a affaire à de grandes maisons rouennaises comme celles de Guimonneau, de Pierre Planterose ou de Nicolas Asselin. Quant aux tireurs, plusieurs sont établis à Londres, à Amsterdam ou à Rotterdam.

  • 50 A.N. G/7/498. M. de Courson intendant de Rouen à Michel Chamillart contrôleur général des Finances. (...)
  • 51 A.D.S.M. 2 E 1/2511 année 1674.

36Les lettres que doit payer Le Couteulx et Cie ne représentent qu’une partie de leur portefeuille de papier commercial. Bien entendu, ils ne sont pas seulement tirés mais aussi bénéficiaires directement ou grâce à l’endossement. C’est ainsi que les manufacturiers de Normandie à qui la branche rouennaise a prêté de l’argent leur fournissent « des billets ou des lettres de change sur les marchands de Paris dont ils avaient soin de se faire payer »50. Quant à Le Couteulx et Cie de Rouen, elle continue à bénéficier d’endossements de lettres de change tirées depuis Vannes, Rennes, Londres et Amsterdam51.

  • 52 A.N.M.C. Et. XV/384. 7 juillet 1703. Remboursement du prêt.
  • 53 A.N. G/7/498. M. de Courson à Chamillart, 7 août 1705.
  • 54 Idem.
  • 55 C. Pellot (ed. Le Prévost), op. cit., p. 135. Sur les purins de Rouen. CF. L. Andrieu, « Les purins (...)

37Le négoce des lettres de change ne constitue pas les seules opérations bancaires de Le Couteulx et Cie. Elle prête de l’argent à des compagnies, des manufacturiers ainsi qu’à des particuliers. Parmi les compagnies qui ont obtenu des avances figure la Compagnie des Indes orientales qui se voit octroyé en 1700 un prêt de 35 000 lt.52. Les principaux bénéficiaires sont cependant des manufacturiers normands. Ceux-ci emploient des milliers d’ouvriers et les paient chaque semaine en espèces. Or s’ils ne faisaient pas appel à des banquiers, ils seraient incapables d’y parvenir. Ils s’adressent donc à quelques maisons de Rouen qui « font banque » et surtout à la maison Le Couteulx « qui ne faisait pas difficulté de leur donner toutes les semaines de l’argent comptant dont ils payaient les ouvriers ». Ces sommes sont très importantes puisqu’elles s’élèveraient en moyenne par semaine à 30000 lt. et atteindraient parfois jusqu’à 40000 lt.53. Cette pratique n’avait pas été mise en œuvre seulement au début du xviiie siècle. En effet, Chamillart avait été, avant de devenir contrôleur général des Finances, intendant de la généralité de Rouen et son successeur lui rappelait qu’il devait se souvenir « d’avoir vu cet usage établi qui est absolument nécessaire aux manufactures »54. Il est possible que cela existait déjà dans les décennies 1670-1680 puisque Claude Pellot, le premier président du Parlement de Rouen, dans sa description de la généralité de Rouen entre 1670 et 1683 indiquait que les Le Couteulx qui faisaient banque avaient « du pouvoir sur les purins » c’est-à-dire sur les ouvriers employés dans la fabrication des tissus de laine et que l’on considérait comme la classe « la plus turbulente »55. Les ouvriers qui savaient que le versement de leurs salaires dépendait des prêts accordés à leurs employeurs ne pouvaient qu’avoir une certaine considération pour les Le Couteulx.

  • 56 A.D.S.M.D. 418.

38Des particuliers ont également bénéficié de prêts octroyés par Le Couteulx et Cie. C’est ainsi qu’à Rouen, Rodrigue de Chalon, d’origine espagnole, bénéficia d’un billet de 6 000 lt. qu’il tira sur la maison rouennaise pour permettre à une de ses filles d’entrer dans le couvent des Ursulines de Rouen56.

  • 57 Ch. Carrière, « Le marché de l’argent espagnol » dans L’Argent et la circulation des capitaux dans (...)

39Comme le font la plupart des marchands banquiers, la maison Le Couteulx s’engage dans le commerce des espèces métalliques, notamment celle des monnaies espagnoles entre 1697 et 1700 : la maison de Paris comme les frères Planterose de Rouen envoient au grand marchand marseillais Raymond Bruny des piastres espagnoles, il est vrai d’un faible montant puisqu’il s’agit seulement de 375 piastres57.

  • 58 A.N. G/7/498. Mémoire de Le Couteulx de Rouen adressé à De Courson, août 1705.

40Ce n’est pas cependant une exception. Quelques années plus tard, en 1705, ils déclarent à l’intendant de Rouen qu’ils sont capables de faire venir le plus grand nombre possible de pistoles, de piastres et « autres matières d’or et d’argent d’Espagne pour être portées à l’Hôtel des monnaies de la ville de Rouen » mais sans préciser s’ils les obtiendront directement depuis l’Espagne ou s’ils s’adresseront à des intermédiaires malouins, le port breton étant devenu pendant la guerre de Succession d’Espagne un des plus grands centres d’accumulation des espèces monétaires hispaniques58.

  • 59 A.N.M.C. Et. XV/490. 20 mai 1718.
  • 60 A.N.M.C. Et. XV/517. 7 janvier 1721.

41Le Couteulx et Cie entend assurer des services financiers à des particuliers. C’est ainsi qu’elle se charge de la perception et du transfert des arrérages des rentes pour le compte de Français de province ou pour celui d’étrangers qui ont sans doute par son intermédiaire acquis des rentes notamment celles de l’Hôtel de Ville de Paris. Ce sont pour l’essentiel des clients originaires de la Bretagne et de la Normandie, mais on en trouve d’autres qui sont établis en Angleterre, dans les Provinces Unies et même en Suisse. Ainsi, en 1718, Nicolas Servin « bourgeois de Paris » au service des Le Couteulx qui se sont fait « substituer » par lui dépose vingt et une procurations établies par des banquiers d’Amsterdam et de Londres comme Jean Baecker et Martin Harold, par Pierre Baut marchand à Anvers, par Paul de Robien président à mortier au parlement de Bretagne, par François de Varenne, commis de la marine à Vannes, par Agnès Bourget de Nantes, Thomas de Cussy de Saint-Malo, auxquels s’ajoutent Pierre Daguerre, ancien échevin de la ville de Bayonne et Pierre Laborde qui habite la même ville59. Quant à Philibert Perrachon, bourgeois de Genève, il s’adresse directement aux dirigeants de Le Couteulx et Cie de Paris pour obtenir le transfert de ses arrérages de rente60.

  • 61 A.D.S.M.2E 12/18. 7 mars 1696.
  • 62 A.N.M.C. Et. XV/490. 10 juin 1718.

42Parmi ceux qui sont établis à l’étranger, celui qui investit le plus dans les rentes françaises semble être Abraham Le Cordier, marchand à Amsterdam, mais qui avait auparavant exercé des activités marchandes à Rouen qu’il dût quitter parce qu’il était protestant après la révocation de l’Edit de Nantes en 1685. Il possédait dans la ville normande une grande maison située rue Saint-Étienne des Tonneliers qui lui fut confisquée par Louis XIV après sa fuite et cédée à Guillaume Morel, bourgeois de Paris et « secrétaire pour sa Majesté des biens du sieur Abraham Le Cordier »61. Cela n’empêcha pas un des dirigeants de Le Couteulx et Cie de Paris, Jacques VI de se mettre à son service et d’acquérir pour lui grâce à 57350 lt. qui lui avait été fournies par Abraham Le Cordier six rentes de 40 lt., six de 90 lt. seize de 120 lt., cinq de 100 1t. et une de 54 lt.62.

  • 63 Cf. M. Marion, Dictionnaire des institutions de la France au xviie et au xviiie siècle, Paris, 1923 (...)
  • 64 A.N.M.C. Et. XV/272 et 273. 11 août, 12 et 26 novembre 1679.

43Un autre service financier consistait à transférer des fonds à des officiers de province en raison de la décision de la monarchie de leur restituer des sommes qu’elle leur avait prélevées pendant les guerres en leur « imposant » une augmentation de leurs gages, ce qui les obligeait à verser au Trésor Royal le capital correspondant à cette augmentation63. Les officiers de province faisaient appel à Le Couteulx et Cie pour que la maison de banque parisienne, après avoir reçu les sommes des mains des gardes au Trésor Royal, les leur transfère. Ces officiers étaient surtout des Normands ou des Bretons. Ainsi en 1679, après la paix de Nimègue, Jean-Baptiste Bulteau, conseiller-maître de la Chambre des Comptes de Normandie, Alphonse Auber et Pierre Fauvel, conseillers du Parlement de Normandie et Jacques Turgot président à mortier du même Parlement se virent rembourser par Gedéon de Metz, garde au Trésor Royal, Le Couteulx et Cie servant d’intermédiaire, le capital correspondant aux augmentations de gages qu’ils avaient dû verser64.

  • 65 A.N.M.C. Et. XV/371, 372, 373. 15 février 1700, 1, 9, 13, 16, 18, 24 mars, 4 mai, 2 juin 1700.

44En 1700, ce sont de nombreux officiers de judicature bretons qui font appel à Le Couteulx et Cie pour récupérer les sommes qu’ils avaient été obligés de verser à la monarchie. Parmi eux figurent Paul de Robien, Président du parlement de Bretagne, plusieurs conseillers du Parlement comme René-François du Bru, Jacques Huart de la Bourbansais, François de Sarazin, Louis de Langle, Gabriel de Boisgelin, marquis de Cicé, le sieur du Vivier, conseiller du présidial de Rennes...65.

  • 66 P. Dardel, Commerce, industrie et navigation à Rouen et au Havre au xviiie siècle, Rouen, 1966, pp. (...)

45Prendre une participation dans les assurances maritimes était une activité relativement répandue chez les banquiers. Le Couteulx et Cie s’y engagea non sans hésitation cependant. En 1715, en compagnie de Planterose frères, de Morin et Cie, de Morlot et Cie, la branche rouennaise assura le navire Le Jupiter appartenant à un marchand de Bayonne dénommé Jean Larbourie. Le bâtiment à cette date se trouvait aux Canaries avant de partir pour les côtes au Chili et au Pérou pour y faire sa « traite » avant de gagner la Chine puis de revenir dans un port espagnol. Le Couteulx et Cie qui, pendant un temps, avait hésité à investir, accepta finalement d’assurer pour 8 000 lt. une partie des marchandises chargées à bord du bâtiment moyennant une prime de 18 %66.

46Devenus banquiers, les Le Couteulx n’ont pas abandonné les activités marchandes, ce qui n’a rien d’original. La plupart de leurs homologues adoptent les mêmes pratiques, ce qui explique qu’ils se fassent désigner comme marchands-banquiers. Cette dualité d’intérêts n’a rien d’étonnant pour Le Couteulx et Cie puisque la branche rouennaise continue de bénéficier d’être établie dans un port qui connaît certes un déclin réel, mais qui n’en occupe pas moins au cours de la seconde moitié du xviie siècle et des premières décennies du xviiie siècle un des premiers rangs dans la hiérarchie portuaire française dépassé toutefois par Saint-Malo et Nantes. Quant à la branche parisienne, elle n’abandonne pas ses orientations commerciales qui vont même être plus diversifiées dans la mesure où elle prend quelques distances avec le commerce des tissus de laine.

  • 67 A.N.M.C. Et. XV/266. 4 juin 1678.
  • 68 A.N.M.C. Et. XC VIII/507. 19 février 1750. Inventaire après décès de Jean X Le Couteulx. Papiers. C (...)
  • 69 A.N.M.C. Et. LX 1/258. 18 mai 1674.
  • 70 A.N.M.C. Et. XV/329. 20 mars 1692.
  • 71 A.N.M.C. Et. XV/326. 14 août 1691.
  • 72 A.N.M.C. Et. XV/330. 5 juillet 1692.

47La polyvalence des transactions constitue un des traits habituels de toute grande entreprise marchande. Dès le début du xviie siècle, les Le Couteulx de Rouen étaient devenus des marchands-bourgeois et en conséquence se livraient au commerce des denrées alimentaires, des matières premières et des produits manufacturés. Ceux de Paris se sont engagés dans les mêmes diversifications commerciales. Pour cela, un certain nombre des dirigeants ont abandonné le statut de marchands-drapiers. C’est le cas de Barthélemy II un des fils d’Antoine I et de Marguerite le Brest qui en 1678 entre en apprentissage chez Jean Gosseaulme « marchand de draps de soie »67. Son frère Jean X adopte une orientation comparable. En mai 1695, il a obtenu des lettres de maîtrise de marchand-mercier et deux années plus tard, alors qu’il réside comme tous les Le Couteulx, rue de la Grande-Truanderie, il engage un apprenti, Antoine Dupuis, âgé de vingt-cinq ans « pour lui montrer et enseigner sa dite marchandise de mercerie »68. En conséquence, Le Couteulx et Cie n’utilise guère plus les loges des foires de Saint-Germain et du Lendit dont Jacques III, le principal dirigeant de la société parisienne dans les années 1670 est devenu après le décès de Catherine Lustin, l’unique propriétaire. Avant même la mort de celle-ci, survenue en 1677, il avait commencé à louer les loges dont il avait la charge. En 1674, quinze des vingt loges de la Foire du Lendit furent données en location à Vincent Grossard, un marchand de Paris, pour six années moyennant un bail de 125 lt. par an69. En 1679, ce fut au tour des loges de la Foire de Saint-Germain qui furent en grande partie mises en location. Pierre Hilaire des Essarts, marchand parisien obtint une loge et demi pour 40 lt. par an tandis que Abraham Le Couturier « maître faiseur de pain d’épices » en obtint une autre pour 60 lt. par an70. Ces locations devinrent ensuite systématiques jusqu’au jour où Jacques III décida de se débarrasser de celles de la Foire du Lendit, cette dernière connaissant depuis longtemps un grand nombre de difficultés. En 1691, Charles Vaudrée, marchand parisien demeurant rue de la Grande-Truanderie achetait dix loges « réduites à une seule sans séparation » pour 550 lt.71. L’année suivante, Pierre Desnoyers, un marchand rouennais acquérait les dernières loges de la Foire du Lendit appartenant à Jacques III « réduites à une sous un même toit séparées par des cloisons et des planches » auxquelles s’ajoutait « une chambre au-dessus » pour 800 lt.72.

  • 73 A.N.M.C. Et. XV/479. 16 décembre 1716.

48Lorsqu’à sa mort en 1711, Jacques III demeure propriétaire des neuf loges de la Foire Saint-Germain qu’il louait la dernière fois à Pierre Tassin et Jacques Martin, marchands d’Orléans. Après sa mort et le partage de son héritage, ce fut un de ses fils, Antoine II, marchand à Rouen qui en fut le bénéficiaire, lequel décida en 1716 de les vendre à un marchand parisien Jean-Baptiste Baudouin et à deux marchands Orléanais, Joseph et Pierre Tassin pour le prix de 8 000 lt.73.

49C’était une bonne affaire quand on sait qu’un siècle plus tôt, Le Couteulx et Cie en avait acheté trois pour 800 lt., ce qui témoigne que la Foire de Saint-Germain connaissait encore, dans les années qui suivirent la mort de Louis XIV une importante activité et attirait de nombreux chalands.

  • 74 A.N.M.C. Et. XV. 26 août 1679.
  • 75 Environ 2300 hl de blé, la capacité d’un muid de blé est très variable.
  • 76 A.N. G/7/1750. De Courson à M. de Vieubourg, Rouen.
  • 77 Idem, le 12 avril 1709. Les Le Couteulx n’auraient pas souhaité qu’on fasse assurer les cargaisons (...)

50Comme au cours de la première moitié du xviie siècle, les Le Couteulx de Rouen et de Paris se livrent à des opérations sur les denrées alimentaires et parmi elles les céréales. Étienne I Le Couteulx fait appel à un marchand de Vannes, le sieur de la Coudrière, la ville étant un des grands centres d’exportation du blé de Bretagne, pour qu’il fasse charger sur un bâtiment du blé destiné à être vendu à Lisbonne74. C’est surtout pendant la grande crise de 1709 que les Le Couteulx se sont lancés dans de nombreuses opérations portant sur les blés visant à ravitailler les centres urbains. Disposant d’un stock évalué à 40 muids de blé75, Le Couteulx et Cie de Rouen accepte à la demande de l’intendant de Courson de le vendre au prix que celui-ci fixerait76. Les dirigeants de la maison rouennaise étaient même prêts à en importer des pays de l’Europe du Nord ou de Bretagne pour un volume de 350 muids « pour en vendre au prix qu’on en voudra », à condition qu’ils soient certains d’être remboursés. Cette quantité aurait représenté un peu plus de deux semaines de consommation de la ville de Rouen77.

  • 78 Cf. A. Lcspagnol, op. cit., t. Il, p. 845.
  • 79 A.N. G/7/1653. Le Couteulx et Cie de Paris à Desmarets, contrôleur général des Finances le 11 avril (...)

51La branche parisienne ne demeura pas à l’écart des achats de blé. Toujours en 1709, elle conclut un contrat avec François Baillon, sieur de Blancpignon, un des plus riches marchands de Saint-Malo78 afin que celui-ci leur expédie dix mille sacs de blé. Venus de Bretagne, ils remontèrent la Seine à bord d’un bâtiment à destination de Paris, mais la monarchie fit arrêter l’embarcation à la hauteur de Neuilly-sur-Seine, ce qui suscita une vive protestation de Le Couteulx et Cie79.

  • 80 A.N. G/7/497. L’assignation devant l’Amirauté à propos du droit de fret. Mai 1701.
  • 81 A.N. F/12/55. Placet de Barthélemy I Le Couteulx de Rouen, 5 septembre 1710. 11 demande au contrôle (...)
  • 82 A.N.M.C. Et. XV/346. 3 mars 1696.

52Les matières premières ont été l’objet d’un certain intérêt pour Le Couteulx et Cie. En 1700, la branche rouennaise a fait venir d’Angleterre 600 pièces de plomb équivalant à 92 925 livres-poids et 792 barils de charbon de terre à bord de deux navires anglais, le total étant considéré comme l’équivalent de 145 tonneaux80. Autre matière première que Le Couteulx et Cie comme d’autres marchands rouennais font venir de l’étranger, la soude. En mai 1710, Le Couteulx et Cie avait fait charger à Carthagène en Espagne à bord d’un navire 600 balles de soude d’un poids de 300 quintaux qui devaient être conduits au Havre puis de là à Rouen et à Paris « pour les besoins et services des manufactures de glaces, et de savons et pour le lessivage et blanchissage des toiles », navire qui fut pris par un corsaire de Flessingue et conduit à Middleburg81. De la soude, il en faisait également venir du Portugal en compagnie d’autres marchands rouennais, les sieurs Groute et Judde. Un navire gênois devait transporter de Lisbonne au Havre en 1694 204 balles de soude, auxquelles s’ajoutaient 95 balles de savon, mais le navire, comme la France était en guerre, fut arrêté en mer et conduit à Roscoff82. Cet envoi aurait été facturé 2973 lt. à Le Couteulx et Cie de Rouen.

  • 83 P. Dardel, op. cit., note 26, p. 117.

53Les matières premières destinées à l’industrie textile ne sont pas limitées pour les Le Couteulx à la soude et aux savons. En 1694, ils ont également importé de grandes quantités de coton qu’ils ont vendu à un sieur Delarue, lequel ne parvenant pas à les écouler, entreprit d’utiliser les fils de coton à la place des fils de lin dans la fabrication des toiles. Cela a donné lieu à des variétés nouvelles, les siamoises, qui furent tissées dans le Pays de Caux et qui connurent une forte expansion au cours du xviiie siècle83.

  • 84 A.C.C. Bayonne, G/39/8. Avis des marchands rouennais du 22 mars 1701.

54Mais c’est surtout à la laine que les Le Couteulx de Rouen se consacrèrent. Depuis le xvie siècle, le port normand était devenu un grand importateur de laines espagnoles. Au cours de cette période, c’était des Espagnols qui avaient le monopole de ce commerce. Une partie des laines venues à Rouen était travaillée sur place, une autre était dirigée vers l’intérieur du Royaume. À la suite de la guerre entre la France et l’Espagne qui débuta en 1635 et de la crise profonde que connut au xviie siècle l’Espagne des Habsbourg, les marchands espagnols abandonnèrent la cité normande et furent remplacés par d’autres étrangers, des Flamands ou des Hollandais mais aussi par des Français. Dès le début du xviiie siècle, les Le Couteulx faisaient partie des principaux importateurs de laine rouennais. On peut le constater lors d’une réunion de dix-sept marchands de Rouen qui entendaient mettre un terme aux « abus » du commerce des laines d’Espagne. Parmi les présents figuraient outre un Le Couteulx, Thomas Le Gendre, Boette, Forment, les frères Planterose et François Ango. Ils protestaient contre la trop longue durée, douze mois, accordée aux acheteurs de laine pour le paiement de leurs matières premières. Ils désiraient, en conséquence, que les drapiers-drapants de Beauvais, un des grands centres de production de draperies du Royaume soient tenus de fournir à un commissionnaire ou un marchand de Paris des lettres de change dont la durée de paiement ne dépassait pas les trois mois. De plus, ils souhaitaient que les marchands de Sedan, Reims et Caen n’achètent plus leurs laines par l’intermédiaire d’un courtier, mais qu’ils s’adressent directement à un marchand rouennais. L’exécution de cet « avis » fut confiée aux plus importants des marchands de la ville, à savoir Thomas Le Gendre, Forment, Boette et Le Couteulx, lequel en reçut copie84.

  • 85 A.N.G. 497. Lettre de l’inspecteur des manufactures Chrétien au contrôleur général Chamillart. 15 m (...)

55Rouen qui avait été pendant le Moyen-Âge et dans les premières décennies du xiiie siècle un des plus importants centres drapiers français avait ensuite connu une grave crise due à la concurrence des draperies hollandaises ou anglaises. Mais à partir des années 1660, sous l’impulsion de Colbert, une industrie drapière de qualité parvint à naître dans plusieurs villes de Normandie situées à l’Est de Rouen comme Louviers et Elbeuf. Les fabricants de ces villes réussirent à fabriquer des tissus de laine fins d’une qualité comparable à celles de leurs concurrents étrangers. Ils utilisaient pour cela la laine espagnole et s’adressaient donc aux marchands rouennais. Les Le Couteulx trouvèrent donc un important marché dans ces nouvelles villes drapantes vendant à crédit à leurs manufacturiers outre des laines, de l’huile, des savons et des ingrédients pour la teinture. Le montant de leurs ventes pouvait atteindre plusieurs dizaines de milliers de livres tournoi. Ainsi Thomas Couturier, manufacturier à Elbeuf, leur devait lors de sa mort ainsi qu’à Boette, un autre grand marchand de laines rouennais, plus de 25 000 lt. Or, comme c’était un protestant dont la conversion au catholicisme était mise en doute par les autorités monarchiques, ses biens furent confisqués ce qui conduisit Jean-Étienne I Le Couteulx à venir à Elbeuf pour réclamer son dû85.

  • 86 A.N. F/12/58. Mémoire de Mr Le Couteulx. 18 novembre 1712.
  • 87 A.D.I et V. 4 F.C. 3 mai 1705. Veuve des Ages à Lecouteulx et Cie de Rouen cité par A. Lespagnol, o (...)
  • 88 A.N.M.C. Et. XV/344. 27 août 1695. Déclaration de Jacques III, Antoine I et Étienne I Le Couteulx r (...)

56La maison parisienne est beaucoup plus centrée sur les opérations bancaires mais il lui arrive parfois de se livrer à des achats de marchandises. On a vu qu’elle s’adonnait à des transactions portant sur les céréales et il lui arrive de se livrer à des opérations portant sur la quincaillerie comme en 1712 où elle a acheté dans l’Est de la France plusieurs limes plates et rondes pour orfèvres86. En revanche, il ne semble pas qu’elle ait participé à des exportations de produits manufacturés français, contrairement à sa consœur rouennaise. Cette dernière se consacre à la vente des toiles fabriquées en Haute-Normandie dont le principal débouché se trouve dans la Péninsule ibérique. Il lui arrive d’être sollicitée par des marchands malouins qui contrôlent une bonne partie des toiles françaises qu’elles soient d’origine bretonne ou normande. C’est ainsi que la maison Veuve des Ages une des plus grandes firmes de Saint-Malo lui commande des toiles blancards et fleurets « aux meilleures conditions »87. Mais elle est tout à fait capable de s’adresser sans intermédiaires à des marchands français établis en Espagne, notamment à Cadix. C’est ce qui est arrivé en 1683 et 1684 quand elle a envoyé, à partir du Havre, plusieurs ballots de toiles et de dentelles à Legendre et Cie de Cadix animés par Jean-François Legendre, appartenant peut-être à la famille Le Gendre de Rouen, et Abraham Sadeler. Une partie des envois a été vendue sur place et une autre expédiée au Honduras, le tout représentant 36260 reales de plata. Or les associés se séparent en 1688, selon Jean-François Le Gendre alors que rien n’avait été réglé aux fournisseurs rouennais de la société, en raison du début de la guerre de la Ligue d’Augsbourg. Jean-François Legendre gagna Lisbonne tandis que la société dut mettre un terme à ses paiements et grâce à l’action d’Abraham Sadeler, le concordat qu’elle obtint lui accorda de ne payer que 20 % des sommes qu’elle devait à ses créanciers. En conséquence, Le Couteulx et Cie ne reçut que 7522 reales de plata88.

  • 89 A.N.M.C. Et. XV/427. 12 mars 1717. Procuration de François Sarsfield chargé de récupérer les créanc (...)

57Cette opération malheureuse ne dissuada pas la maison Le Couteulx de poursuivre ses activités à Cadix. Elle entra en relation avec la maison Louis Hays et Cie dont un des associés, Louis Hays, était d’origine normande et à qui elle devait lors de la disparition de celui-ci et de la suspension des paiements de sa firme 342 lt. 8 sols sans qu’on puisse savoir de quelle transaction il s’agissait89.

  • 90 A. Croix, L’âge d’or de la Bretagne 1532-1675, Rennes, 1993, p. 517.

58Les nombreuses activités de Le Couteulx et Cie ont été affectées par une série de difficultés qui se multiplièrent à partir des années 1670 alors qu’elle s’était orientée vers le monde bancaire, difficultés qui auraient pu l’emporter. La guerre menée contre la Hollande à partir de 1672 puis celles de la Ligue d’Augsbourg et de la Succession d’Espagne ont eu des conséquences négatives sur ses activités. À plusieurs reprises, on l’a constaté, des navires qui transportaient des marchandises qui lui appartenaient ont été pris lors des conflits. Mais, elle a été également victime des crises internes notamment celle de la Bretagne avec laquelle elle avait noué des liens commerciaux et financiers importants. À partir de 1675, la Bretagne traversa de sérieux problèmes que symbolisent à cette date les révoltes des Bonnets Rouges et du papier timbré. Jusqu’au milieu du xviie siècle, la Bretagne avait été une des provinces les plus dynamiques du royaume de France, ce qui fut parfois désigné comme son âge d’or90 même si quelques secteurs comme celui de la pêche ou du sel connaissaient quelques travers. Or, à partir des années 1660 ses horizons économiques s’obscurcissent et au début du xviiie siècle elle sera victime d’une sévère dépression économique même si Saint-Malo et Nantes situés tous deux à la périphérie de la province éprouvent une vive croissance, temporaire pour le premier port, plus durable pour le second sans que celle-ci rejaillisse sur le reste de la Bretagne.

  • 91 Journal de René Cormier, sieur de la Courneuve cité par Y. Garlan et C. Nieres, Les révoltes breton (...)
  • 92 A.N.M.C. Et. XV/263. 18 août 1676.

59Les révoltes de 1675 sont-elles à l’origine de ces difficultés ou bien ont-elles contribué à les accentuer ? On ne sait. En tout cas, les firmes du reste du royaume qui étaient en rapport avec leurs homologues bretons et c’était le cas de Le Couteulx et Cie en subirent le contrecoup. En juin 1675, la maison de banque de Jean Gardin peut-être « la plus riche et la plus assurée » des maisons de banque de Rennes ferma sa caisse, ce qui eut pour conséquence que ceux qui avaient déposé de l’argent chez Ferret et Michault le retirèrent91. Or, Jean Gardin comme Ferret et Michault étaient d’importants partenaires de Le Couteulx et Cie et le premier leur devait 21 000 lt. que la maison parisienne parvint à récupérer grâce au transport que Gardin leur assura d’une créance qui lui était due par Florin d’Argouges, maître des requêtes de l’Hôtel du roi et parent du premier président du Parlement de Rouen92. Ces mécomptes conduisirent sans doute les Le Couteulx à prendre quelques distances vis-à-vis de ses partenaires bretons mais sans rompre totalement ses relations avec eux.

60Un autre motif de désagrément pour Le Couteulx et Cie eut pour origine comme on l’a vu, les manipulations monétaires de la monarchie qui, a au moins trois reprises, les obligèrent à déposer chez leur notaire des espèces métalliques d’un montant de 114309 lt. en 1679, 87551 lt. en 1692 et 38 210 lt. en 1700, faute de voir les bénéficiaires des lettres de change venir chez eux pour les échanger contre de l’argent. Certes, au bout de quelques semaines, ils récupéraient les espèces mais cela ne pouvait que les affecter.

  • 93 A.N. G/7/721. Boisguilbert au contrôleur général Chamillart. 4 juillet 1704.
  • 94 La correspondance de Boisguilbert est datée de juillet 1704. Il indique que Etienne I Le Couteulx e (...)

61C’est cependant pendant les deux derniers grands conflits qui opposèrent la France de Louis XIV la plus grande partie de l’Europe que les Le Couteulx furent les plus en danger et faillirent disparaître. Pendant la guerre de la Ligue d’Ausbourg, c’est Boisguilbert alors lieutenant général du bailliage de Rouen qui nous l’apprend, la branche rouennaise s’est trouvée dans une situation très périlleuse. Pour l’économiste « libéral » qu’était Boisguilbert, la guerre et la hausse des impôts décidée par la monarchie entraînait une baisse de la consommation considérablement accentuée par la crise démographique et frumentaire de 1693-1694. Cette baisse de la consommation aurait eu pour conséquence, selon Boisguilbert, que les négociants ne parvenaient plus à placer leurs billets que « l’on préférait aux espèces lorsque la solvabilité des négociants était générale ». En période de prospérité, la monnaie métallique était utilisée presque exclusivement dans « le bas commerce », de sorte que la valeur des billets en circulation dépassait largement celle des espèces, au moment des crises, les grands marchands faute de pouvoir émettre des billets étaient contraints de se rabattre sur la monnaie métallique. Ceux qui avaient placé des dépôts chez les banquiers cherchaient à se faire rembourser. Plusieurs d’entre eux avaient déposé de l’argent chez Le Couteulx et Cie de Rouen soit au total, selon Boisguilbert, 200000 1t. Ils vinrent les récupérer, ce qui selon le lieutenant général les mit « à deux doigts de leur perte »93. Pour éviter leur suspension de paiements, un des dirigeants de Le Couteulx et Cie, sans doute Étienne I le frère de Jacques III et d’Antoine I vient trouver Boisguilbert « la larme à l’œil » affirmant qu’il était incapable de le rembourser, Boisguilbert étant un de ses déposants. Est-ce la bonté d’âme de l’économiste et de quelques autres déposants comme il l’affirme, est-ce le soutien de la branche parisienne qui permit aux Le Couteulx de Rouen de sortir de ce mauvais pas, on ne sait. De toute façon, elle parvint à se rétablir puisqu’à la mort d’Étienne I survenue en 1698, la maison Le Couteulx de Rouen aurait disposé d’après Boisguilbert de « deux millions vaillants », évaluation peut-être exagérée94.

  • 95 H. Lüthy, op. cit., t. I, P- 103.

62La paix de Ryswick en 1697 permit sans aucun doute aux entreprises françaises de se raffermir, mais cinq ans plus tard une nouvelle guerre se déclencha qui allait durer plus d’une décennie. Les « années noires » refirent surface non seulement pour les masses populaires, mais aussi pour le monde marchand du royaume. La consommation recommença à baisser puis s’effondra en 1709, l’année du grand hiver. La plus grande partie des espèces métalliques cessa de circuler et pour pallier cette quasi-disparition, le pouvoir louis-quatorzien décida d’accroître la quantité de billets de monnaie qu’il avait créée en 1701 et qui auraient dû être remboursés en 170495.

  • 96 J.M. Goger, op. cit., p. 213.

63La ville de Rouen fut profondément affectée par les pénuries de toute nature, le tour de vis fiscal et la raréfaction des pièces d’or et d’argent96.

  • 97 A.N. G/7/498. M. de Courson au contrôleur général Chamillart le 1er août 1705.
  • 98 A.N. G/7/498. Chamillart à de Courson, 17 août 1705.
  • 99 A.N. Idem.

64La maison Le Couteulx qui prêtait chaque semaine plusieurs dizaines de milliers de livres en espèces aux manufacturiers normands qui les utilisaient pour payer leurs ouvriers se vit bientôt dans l’impossibilité de continuer à le faire. En effet, les propriétaires des manufactures, en échange de ces espèces, leur remettaient des lettres de change ou des billets sur leurs clients parisiens. Or ceux-ci réglaient désormais ces effets commerciaux non plus en espèces mais en billets de monnaie97. La maison Le Couteulx était donc condamnée à ne plus récupérer des espèces et à terme d’interrompre ses activités de maison prêteuse. Pourtant, sous la pression de l’intendant de Courson, elle accepta en août 1705 de continuer ses prêts « pendant une semaine ». Un arrêt aurait constitué pour l’intendant une véritable catastrophe. Selon lui il n’y avait « rien de plus important pour ce pays-ci que de soutenir les manufactures ». Il préconisait donc que les traitants et les receveurs généraux fournissent à Le Couteulx et Cie de Rouen des espèces provenant des recettes fiscales en échange des billets de monnaie qui avaient été remis à la maison rouennaise par les clients des manufacturiers qui étaient leurs débiteurs. Le contrôleur général Chamillart lui répondit que lorsqu’il se rendrait à Paris il discuterait avec les dirigeants de la branche parisienne Le Couteulx et Cie et qu’« il ferait ce qu’il lui serait possible »98. Ce fut l’intendant de Courson qui prit l’initiative de procurer des espèces métalliques à Le Couteulx et Cie de Rouen en les obtenant des fermiers généraux de la généralité de Rouen, ce qui fut approuvé par le contrôleur général non sans quelques réserves, il l’invitait en effet à ce « qu’on ne tire pas davantage de la caisse de la ferme des aides »99.

65Ce premier soutien ne fut pas efficace. Quelques jours plus tard, les Le Couteulx, aux dires de l’intendant le 9 août 1705, étaient à nouveau en grand danger. Dans une lettre au contrôleur général Chamillart, il lui faisait savoir que :

  • 100 A.N. G/7/498. de Courson à Chamillart, 9 août 1705.

« les Sieurs Le Couteulx peuvent tenir encore, tout ce mois-ci, leur banque. Ils ont même des fonds pour cela, mais je croys devoir vous avertir que la crainte qu’on a qu’ils se trouvent obligés de se fermer et que tous les autres en fassent de même a fait icy beaucoup d’impression sur les esprits et je ne doute pas qu’il n’y ait un grand désordre si elles l’estaient seulement un jour »100.

66Pour l’intendant, la fermeture de la maison de banque Le Couteulx conduirait les marchands à ne plus acheter les toiles que les paysans portaient à la halle. Les décisions de la monarchie de faire venir à Paris le plus grand nombre des espèces métalliques circulant dans les provinces pour les remplacer par des billets de monnaie constituait une grave menace pour les paysans fabricants des toiles, pour les ouvriers des manufactures, pour les manufacturiers comme pour les marchands et les banquiers.

67 Intervient alors Le Couteulx et Cie pour obtenir un changement d’orientation de la part du contrôleur général des Finances. Dans un mémoire envoyé à l’intendant de la généralité de Rouen et que celui-ci approuvera en l’envoyant à Michel Chamillart, elle insista sur le fait que la pénurie d’argent qui règne en Normandie est due non seulement au fait qu’on en envoie une partie importante à Paris, mais que le restant soit destiné « à l’extraordinaire des guerres et à la marine » et qu’en conséquence, les manufacturiers sont obligés de cesser leur activité faute de pouvoir payer leurs « ouvriers journaliers » et sont conduits immanquablement à périr. La seule solution consisterait, selon eux, pour leur permettre de contribuer au maintien des manufactures de les autoriser à faire venir le plus grand nombre possible « des pistoles et piastres et autres matières d’or et d’argent d’Espagne » pour être portées à la monnaie de la ville de Rouen.

  • 101 A.N. G/7/498. Mémoire de Le Couteulx et Cie. Août 1705.

68La remontée de la quantité des espèces circulant dans la province autoriserait un redémarrage de la production manufacturière, ce qui permettrait à Le Couteulx et Cie de sortir de ses difficultés101.

  • 102 A.N. G/7/498. De Courson à Chamillart, 11 juin 1706.
  • 103 A.N. G/7/498. De Courson à Chamillart, 23 mai 1706.

69L’année suivante, en 1706, les Le Couteulx semblent être rétablis et acceptent de se mettre au service de l’intendant qui les apprécie beaucoup écrivant que « personne d’autre à Rouen à qui je puisse mieux me fier qu’eux »102. Ils décident de transférer à Paris les fonds qui sont entre les mains des receveurs généraux moitié en espèces, moitié en lettres de change, ce qui limiterait la diminution de la monnaie métallique. Toutefois, comme c’est avec des billets de monnaie qu’ils entendent acheter une partie des espèces, ils seraient obligés de verser des « indemnités » pour pallier la dépréciation importante des billets de monnaie et ils attendent, déclarent-ils, au contrôleur général qu’il lève cette difficulté, sans doute, espèrent-ils, que l’État leur versera la contre-valeur des « indemnités » qu’ils devraient payer103.

  • 104 Idem. De Courson à Chamillart, 11 juin 1706.

70Ainsi sont-ils devenus en quelque sorte les banquiers de l’intendant, lequel les charge de faire transférer vers la capitale 13 000 lt. résultant des gains obtenus grâce à la fusion de la Chambre de Comptes et de la Cour des Aides de la capitale de la généralité de Haute-Normandie, moitié en espèces, moitié en billets de monnaie104.

  • 105 H. Lüthy, op. cit., t. I, pp. 149-169.
  • 106 A.N. G/7/598. Déclaration des syndics de la Chambre de commerce de Normandie, 17 septembre 1705.
  • 107 A.N.M.C. Et. XL VIII/29. 9 janvier 1706. Concordat de Étienne Demeuves.
  • 108 C.F. Lévy, Capitalistes et pouvoirs au siècle des Lumières. Les fondateurs des origines à 1715, Par (...)

71La guerre de Succession d’Espagne dans ses premières années a également affaibli la branche parisienne de Le Couteulx et Cie impliquée dans ce qu’on a nommé l’affaire Huguetan105. Jean-Henri Huguetan, un financier correspondant de Samuel Bernard, était établi à Genève depuis 1703 chargé qu’il était de rassembler des fonds genevois destinés à participer au financement des armées françaises. Entré en conflit avec Samuel Bernard et le contrôleur général des Finances, Huguetan s’enfuit en 1705 à Amsterdam refusant d’acquitter les sommes qu’il devait à Samuel Bernard. La conduite de Huguetan eut de fâcheuses conséquences. De nombreux négociants rouennais étaient intéressés dans les affaires d’Huguetan pour une valeur de 500 à 600 000 lt.106. Mais les Parisiens n’étaient pas indemnes et plusieurs marchands-banquiers durent suspendre leurs paiements. Ce fut le cas d’Etienne Demeuves qui avait été caution de Huguetan et qui interrompit son activité en août 1705 faute de pouvoir rembourser ses propres créanciers. Or, il devait 47 786 lt. à Le Couteulx et Cie de Paris en onze lettres de change tirées par Huguetan et dont les bénéficiaires étaient Léonard et Isaac Dufour, banquiers à Paris et Locher Salicoffre et Cie, banquiers à Lyon qui les avaient endossées en faveur de Le Couteulx et Cie de Paris107. Le concordat conclu entre Étienne Demeuves et ses créanciers n’accordait que trente pour cent du montant de leurs créances aux débiteurs du failli. En conséquence, Le Couteulx et Cie dut se contenter de recevoir 14335 lt. soit une perte de 33 451 lt. Bien qu’elle ne fût pas trop grave, cela mécontenta fortement la maison parisienne et ils en rendirent responsables Huguetan. C’est sans doute pour cela que Le Couteulx et Cie semble avoir participé aux tentatives de Michel Chamillart de s’emparer de l’ancien partenaire de Samuel Bernard. Quatre banquiers français, Nicolas Goy, Louis Yon, Locher et un Le Couteulx auraient été chargés par le contrôleur général de se rendre à La Haye pour y rencontrer Jean-Henri Huguetan et l’attirer dans un guet-apens, un certain capitaine François se serait emparé de lui et l’aurait ramené en France mais cela ne s’effectua pas108.

  • 109 A.N. G/7/499. De Courson au contrôleur général Desmarets. 11 juin 1709.
  • 110 1. N. G/7/499. De Courson à Desmarets, 17 juin 1709.
  • 111 A.N. G/7/499. Le Couteulx et Cie de Paris à Desmarets. 18 juin 1709.
  • 112 Idem.

72En 1709, la situation des manufacturiers rouennais se dégrade fortement à nouveau. En juin 1709, deux cents ouvriers de Darnétal suivi par leurs homologues de Rouen viennent annoncer à l’intendant qu’ils sont menacés de licenciement. La cause en est toujours la même. Les fabricants sont incapables de leur verser leurs salaires parce que les billets qu’ils possèdent sur les marchands de Paris sont protestés et qu’ils ne peuvent donc pas recevoir de l’argent de la capitale109. L’intendant, pour éviter le déclenchement d’une émeute, se tourne vers les Le Couteulx car le chef de la maison Jean-Étienne I est « la seule personne qui aide à empêcher que les manufactures ne tombent pas en ne pressant point les fabricants de lui paier ce qu’ils lui doivent ou pour des marchandises livrées ou pour le remboursement des billets à protester qui reviennent de Paris » et il ajoute que ses ménagements sont « la seule cause que les manufactures ne soient pas tombées »110. Mais les Le Couteulx sont à nouveau dans une situation délicate et la maison de Paris écrit au contrôleur général pour lui demander à nouveau son aide. En effet, les Le Couteulx sont engagés pour vente de laines d’Espagne dont les paiements se font en billets sur les drapiers de Paris, mais ceux-ci obtiennent des arrêts de surséance. Or les Le Couteulx affirment qu’ils doivent payer les engagements qu’ils ont faits « pour les dites laines aux propriétaires français et espagnols »111. Ils ajoutent qu’ils sont dans un très grand embarras parce que, pour soutenir les manufacturiers, ils ont prêté de l’argent à presque tous les ouvriers et qu’ils sont à cette date désormais incapables de les soutenir parce qu’ils sont contraints de rembourser ce qu’ils doivent112.

  • 113 A l’exception des frères Planterose.
  • 114 A. Lespagnol, op. cit., t. II, p. 568.

73Cette aide réclamée leur fut vraisemblablement accordée par le contrôleur général et ils réussirent une nouvelle fois à sortir de leurs difficultés financières. Il est vrai que la guerre de Succession d’Espagne n’entraîne pas que des mécomptes pour la maison Le Couteulx et Cie. Elle participa, on l’a vu, dans une mesure difficile à préciser, dans les opérations des Malouins qui entre 1702 et 1713 jouèrent le rôle principal du monde des affaires françaises dans les relations économiques entre la France d’une part, et l’Espagne et son Empire d’autre part. Les Le Couteulx ne semblent pas avoir souhaité devenir des amateurs et envoyer des bâtiments dans la Mer du Sud comme le faisaient les négociants de Saint-Malo, sans doute parce que les ports de Rouen et du Havre étaient trop menacés par les flottes anglaises et hollandaises. Sur les 115 bâtiments qui gagnèrent la Mer du Sud entre 1700 et 1716 il n’y en eut que quatre armés par des négociants rouennais et on ignore une partie des noms de ces derniers113. Les Le Couteulx auraient cependant été intéressés dans les expéditions malouines avec d’autres négociants rouennais comme Nicolas Judde, Vincent Boette, Pierre Mouchard « pour des sommes considérables » et il est vraisemblable que les Le Couteulx ont été des partenaires de Baillon de Blancpignon qui avait monté avec les négociants rouennais ce que André Lespagnol désigne comme étant des joint-ventures114.

  • 115 Cf. H. Lüthy, op. cit., t. I, PP- 263-274.
  • 116 A.N.M.C. Et. XXIX/381.28 août 1725. Liste des souscripteurs hollandais de l’emprunt de 1705.

74Au cours de la guerre, Le Couteulx et Cie bénéficia également des affaires de Bavière. L’Électeur de Bavière, Max-Emmanuel, fut un des rares alliés de la France pendant le dernier conflit qui opposa Louis XIV à la plupart des puissances européennes. Le roi de France lui avait promis, pour que son alliance soit maintenue, de lui accorder un subside de 400000 lt. porté ensuite à 600000 lt. par an115. Ce fut Samuel Bernard qui fut chargé de verser ces sommes au trésorier de l’Électeur Jean-Paul Bombarda, d’origine italienne. Quand à la suite de plusieurs défaites, Max-Emmanuel dut abandonner ses états héréditaires et se réfugier dans les Pays-Bas espagnols, les envois d’argent de la monarchie française, souvent remis avec beaucoup de retard, se révélèrent insuffisants. Aussi, Jean-Paul Bombarda décida d’emprunter aux Provinces-Unies dont les États Généraux acceptèrent sa proposition bien qu’ils fussent en guerre contre la France. Il put donc lever un premier emprunt en mars 1705 d’un montant de 300000 florins. Pour assurer le paiement des intérêts de l’emprunt, il constitua des rentes au denier douze, sur la tête des particuliers hollandais, dans le cadre des contrats de rentes de l’Hôtel de ville de Paris. L’emprunt en Hollande fut un grand succès, deux cent cinquante et un hollandais y participèrent, parmi eux on trouvait Jean Tourton qui appartenait à la grande famille Tourton, Claude-Louis de Surmont, un huguenot réfugié en Hollande, Léon de Moracin et Archibald Hope, le dirigeant de la grande maison de banque d’Amsterdam Hope et Cie116.

  • 117 B.N. Pièces originales 918. Jacques Le Couteulx qui a reçu leur procuration confesse, le 25 juin 17 (...)

75Pour percevoir les intérêts de l’emprunt accordé à Jean-Paul Bombarda, les représentants des souscripteurs, Corneille Munster, Corneille Bors Van Waveren, Charles François Barbou et Corneille Blesen firent appel à Le Couteulx et Cie de Paris en rapport depuis de nombreuses années avec les négociants et les banquiers des Provinces-Unies117.

  • 118 A.N.M.C. Et. XV/423. Procurations de Claude-Louis de Surmont. 19 août 1710.

76Il en alla de même lorsqu’on janvier 1710, Jean-Paul Bombarda emprunta à nouveau, dans les mêmes conditions, 300000 florins en Hollande. Les représentants des prêteurs, Corneille Calkoeur, échevin d’Amsterdam, Corneille de Jong, gestionnaire de la ville de Rotterdam, César Sardy, chef d’une des plus grandes banques hollandaises du xviiie siècle et Claude-Louis de Surmont firent appel à Le Couteulx et Cie pour recevoir les arrérages des rentes de l’Hôtel de Ville de Paris118.

  • 119 A.N.M.C. Et. XV/629. 8 janvier 1743. Procurations de Jean-Baptiste de Surmont et autres à Barthélem (...)

77Après la mort de Jean-Paul Bombarda, le 6 décembre 1712, à la suite des contestations de plusieurs de ses créanciers, les paiements furent provisoirement interrompus, mais ils reprirent, toujours par l’intermédiaire de Le Couteulx et Cie et ils se poursuivent pendant plusieurs décennies. Encore en 1743, les descendants des souscripteurs des deux emprunts continuaient à donner leurs procurations pour percevoir leurs arrérages à un dirigeant de Le Couteulx et Cie, Barthélemy III sans que soit précisé à cette date comme auparavant qu’elle était la commission que percevait la banque parisienne119.

  • 120 P.N. Berryer, Souvenirs, Paris, 1839, t. II, p. 321.

78 Après la fin de la guerre de Succession d’Espagne et la mort de Louis XIV, la maison Le Couteulx dut affronter une dernière grande épreuve, l’établissement du système Law : création d’une banque pouvant émettre des billets, d’une compagnie de commerce d’abord, intitulée Compagnie d’Occident puis ensuite Compagnie des Indes, réduction des émissions de monnaie métallique avec pour objectif la suppression de ces dernières tels étaient les principaux éléments du système mis en place de l’Écossais John Law. Or, dès le début, Le Couteulx et Cie avec d’autres maisons de banque essentiellement parisiennes s’y opposa. L’un des chefs de la maison Le Couteulx, il s’agit sans doute de Jacques VI, aurait écrit à la fin de son Grand-Livre de 1720 qu’« il n’avait pas voulu entrer ni faire entrer ses correspondants dans les opérations de cette banque (celle de Law) qu’il avait mieux aimé liquider avec eux et leur remettre leurs fonds qui avaient été ainsi sauvés ». Et il aurait conclu par un avertissement à ses successeurs les engageant à « ne jamais s’intéresser dans des spéculations sur les papiers d’État ou d’autres effets de crédit rattachés à des entreprises gigantesques et aventureuses »120.

  • 121 E. Faure, La banqueroute de Law, Paris, 1977, p. 100.

79Avant même la disparition de Louis XIV, John Law avait proposé au contrôleur général Desmarets la création d’une banque d’État émettant des billets de banque destinés à remplacer progressivement les espèces métalliques. Au début de la Régence, le projet fut repris et le duc d’Orléans chargea le Conseil des Finances présidé par le duc de Noailles d’examiner ce projet. Avant de se prononcer, le Conseil des Finances décida de consulter, lors d’une réunion du 26 octobre 1715, treize membres importants au nom du négoce et de la banque parisienne. Furent invités entre autres à se prononcer, Samuel Bernard, Jean-Baptiste Helissant, Antoine de Mouras, d’origine portugaise et Jacques VI Le Couteulx121. Or une majorité de huit présents, dont faisait partie Jacques VI, contre cinq se prononça contre le projet de Law ce qui amena le Conseil des Finances à refuser la création d’une Banque d’État, ce qui conduisit John Law à fonder une banque privée.

  • 122 Mémoires d’Isaac Théllusson cités par H. Lüthy, op. cit., t. I, p. 394.
  • 123 Idem.

80Une seconde fois, la maison Le Couteulx eut l’occasion de s’opposer à de nouvelles mesures proposées par John Law et approuvées par le Régent. En mai 1718, un édit promulgua une réformation monétaire en augmentant la valeur des espèces mais le Parlement de Paris s’y montra hostile et décida de convoquer pour justifier un éventuel non enregistrement, cinq négociants parisiens : Antoine de Mouras, Jean-Claude Guiguer, Philippe Masson, Isaac Thellusson et Jacques VI Le Couteulx122. Si tous les cinq se prononcèrent à l’unanimité contre l’édit de mai 1718, seuls d’après Isaac Thellusson, lui même et Jacques VI Le Couteulx le firent de façon précise même si l’argumentation de l’homme de la rue de la Grande-Truanderie lui paraissait limitée : il aurait déclaré que l’augmentation proposée n’était mauvaise que parce que dans la suite il y aurait des diminutions123.

  • 124 H. Lüthy, op. cit., t. I, p. 302. Pour lui, rien ne permet de l’affirmer vraiment mais rien ne le c (...)
  • 125 J.F. Labourdette, La nation française à Lisbonne de 1669 à 1790, Paris, 1988, note 71 p. 525.
  • 126 H. Lüthy, op. cit., t. I, pp. 316-325.
  • 127 E. Faure, op. cit. Article 14 de l’arrêt du 15 septembre 1720, pp. 652-653.

81Peut-on envisager à la suite de H. Lüthy, qui, il est vrai, précise qu’il n’existe pas d’informations suffisantes, que les opposants au système de Law sont pour l’essentiel des intéressés au commerce avec l’Espagne et le Portugal donc au trafic des espèces alors que les partisans de l’Écossais possèdent des relations étroites avec l’Angleterre et la Hollande, que le parti « espagnol » s’opposerait à Law tandis que le parti « anglais » en constituerait le principal appui ?124. Or si la maison Lecouteulx a noué des liens avec l’Espagne et surtout avec le Portugal125, elle l’est bien davantage avec l’Angleterre et surtout la Hollande. Et on peut émettre l’hypothèse que si elle est hostile au système de Law, c’est parce qu’elle ne veut pas voir se créer des billets de banque qui ne pourraient avoir que les mêmes conséquences sur l’économie française que les billets de monnaie qui avaient vu le jour au début du xviiie siècle faisant disparaître, selon elle, les espèces métalliques et contribuant à l’effondrement des manufactures. Pourtant, malgré son opposition résolue et continue à l’expérience de Law, Le Couteulx et Cie ne parvint pas à y échapper totalement. Certes, il est peu vraisemblable qu’elle ait acquis la moindre action de la Banque générale fondée par Law en 1716 ou de la compagnie d’Occident ou du Mississippi née en 1717 et qui prit le nom en 1719 de Compagnie des Indes. Mais elle fut touchée sérieusement par la politique monétaire de John Law qui à cause de ses manipulations sur les espèces tantôt orientées vers la hausse, tantôt vers la baisse de la valeur de la livre tournois pesa, sur le change entre la France et les autres pays européens, ce qui nuisit aux opérations habituelles des banquiers français. D’autres mesures comme l’interdiction d’utiliser des espèces métalliques pour le paiement des lettres de change décidée en décembre 1719, le cours forcé des billets de la Banque royale obtenu par Law en janvier 1720, l’interdiction pour les banquiers comme pour les notaires de détenir plus de cinq cents livres en espèces, la démonétarisation des espèces métalliques annoncée en mars 1720, l’obligation imposée aux banquiers en juillet 1720 d’apporter à la Banque royale toutes leurs lettres de change et effets de commerce dans le cadre de l’établissement des comptes en banque pour régler par des jeux d’écriture les transactions des négociants et des banquiers ne pouvaient qu’aboutir à une dérogation totale de leurs activités126. Dernier coup de grâce, l’arrêt du 15 septembre 1720 qui réduisait les comptes en banque que les banquiers avaient dû accepter d’ouvrir, au quart de leur valeur primitive qu’on désigna comme de « nouvelles écritures »127.

  • 128 A.D.S.M. 2 E 13/34. Contrat de mariage Marie-Louise Le Couteulx – Jacques Romain Rolland, 11 mai 17 (...)
  • 129 A.N.M.C. Et. XV/517. 29 novembre 1720.

82Dans ce maelström, les Le Couteulx furent bien obligés d’utiliser les billets de la Banque de Law. C’est ainsi que lors du mariage de Marie-Louise Le Couteulx, la fille de Jean Étienne I, le chef de la branche rouennaise, avec un négociant de Rouen, Jacques Romain Rolland en mai 1720, la dot de l’épouse d’un montant de 60000 1t. fut versée en « billets ayant cours »128. En novembre 1720 alors que le système de Law n’avait pas encore été totalement liquidé, la maison de Paris reçut de la part de Pierre Gouthon au profit de leur correspondant d’Amsterdam David Rutgers junior 8900 lt. en billets de la Banque royale en paiement de lettres de change endossées au profit de Rutgers junior. Le représentant de Pierre Gouthon leur apporta neuf billets de banque d’un montant de 1 000 It. chacun et Jacques VI lui rendit un billet de banque de 100 lt.129. Surtout, ce fut la question des comptes en banque et la perte possible des trois quarts qui affecta fortement Le Couteulx et Cie.

  • 130 A.N. V/7/49. Mémoire de Le Couteulx et Cie. 10 mars 1721.

83En effet, lorsqu’après la chute et l’exil de Law à la fin de 1720, le Régent décida de créer un nouveau visa en janvier 1721, chargé de vérifier l’état des comptes en banque et de procéder à des réductions, la branche parisienne de Le Couteulx et Cie dans un mémoire adressé aux directeurs généraux des comptes en banque à Paris, Crozat le jeune, Durand et Saint-André et qui fut rédigé en mai 1721 déclara qu’elle devait à ses correspondants français et étrangers, en vertu des remises que ces derniers lui avaient envoyé, avant comme après l’arrêt du 15 septembre 1720, la somme de 523 033 lt. 12 s. 9 d.130.

  • 131 A.N. V/7/49. Décision des directeurs généraux des comptes en banque. 6 mai 1721.

84Après avoir consulté ce mémoire, les directeurs généraux des comptes en banque acceptèrent qu’il soit délivré à Le Couteulx et Cie des certificats de comptes en banque aux noms des personnes dénommés au dit état pour les sommes qui leur reviennent à chacun en particulier131. Cela signifiait-il que, en vertu de cette décision, il n’y eut aucune réduction des sommes dues par Le Couteulx et Cie de Paris à l’ensemble de ses partenaires ? On ne parvient pas à le déterminer. Dans le cas contraire, ses relations avec eux auraient été profondément affectées.

  • 132 A.N. V/7/49. Déclaration de Le Couteulx et Cie de Rouen. 26 mai 1721.

85On est un peu mieux informé sur les comptes en banque de la branche rouennaise de Le Couteulx et Cie. Le montant de ses comptes en banque représentant les sommes que la maison devait à ses correspondants s’élevait selon les anciennes écritures avant l’édit du 15 septembre 1720 à 87 302 lt. 4 s. 8 d. La réduction des trois-quarts porte sur le registre des comptes en banque de Rouen abaissa les sommes dues à leurs correspondants à 21 825 lt. 11 s. 2 d. Le Couteulx réclamera des certificats de compte en banque d’un montant de 17035 1t. 13 s. 11 d. « nouvelles écritures » sommes qui appartenaient à leurs correspondants étrangers. Ils l’obtiendront non sans difficultés et pourront les apporter au Visa132.

86Ainsi, contrairement à ce que déclarait Jacques VI Le Couteulx, les partenaires de sa maison ont bien été victimes de l’expérience de Law. Quant à elle, on ignore si en dépit de son opposition au système, elle n’a pas subi des pertes. Toutefois, elles n’ont pas dû être d’une trop grande ampleur.

  • 133 F. Hincker, Expériences bancaires sous l’Ancien Régime, Paris, 1974, p. 10.

87En effet, après comme avant l’effondrement du système Law, Le Couteulx et Cie demeure toujours une des premières banques françaises, peut être même la première. Certes, au cours des décennies précédentes d’autres firmes à commencer par celle de Samuel Bernard l’ont dépassé au sein de la hiérarchie bancaire. Les fonds de ce dernier, engagés dans le financement des opérations militaires de la monarchie française, dépassent de beaucoup ceux de Le Couteulx et Cie et les profits qu’il a engrangés en dépit de sa quasi faillite de 1709 lui ont permis de bâtir une fortune qu’on évalue au minimum à 33 millions de 1t. et peut être à 100 M 1t. voire à 150 M lt.133 alors que Boisguilbert estimait celle d’Étienne Le Couteulx à deux millions. Toutefois en 1722, l’Almanach royal place à nouveau au premier rang des banquiers Le Couteulx et Cie, demeurant à cette date rue Mauconseil, précédant la maison Thellusson position qu’elle disputera à cette dernière dans les décennies qui suivront...

88Par ailleurs, on peut constater qu’elle est une des rares maisons qui a survécu aux graves crises qui ont affecté l’économie et les finances françaises depuis la décennie 1690. Sur la vingtaine de banques recensées par Abraham du Pradel en 1692, il n’en demeurait plus que dix en activité en 1703 et seulement cinq en 1722 à savoir celles de Heusch, de Jean-Baptiste Helissant, de Thellusson (qui avait succédé à celle de Tourton), de Philippe Masson et de Le Couteulx.

  • 134 A.N.M.C. Et. XV/518. 10 mars 1721. État des sommes que les sieurs Le Couteulx doivent à leurs corre (...)

89Non seulement Le Couteulx et Cie était une des rares rescapées de la crise, mais cette maison de banque avait tout au long de la période diversifié et accru ses activités comme le montre le montant des sommes provenant des remises qu’elle devait payer à ses correspondants et qui s’élevaient à 523 033 lt. 12 s 9 d. Il est cependant difficile d’esquisser une comparaison avec les sommes dues en 1679 (114309 lt.) en raison des mutations monétaires qui sont intervenues entre ces deux dates. On ne peut donc affirmer que le volume des opérations sur les lettres de change de Le Couteulx et Cie ait été multiplié par quatre en une quarantaine d’années. Cependant, la comparaison entre ces deux états prouve que la maison de banque parisienne, après le système de Law est beaucoup plus internationalisée que pendant le ministériat de Colbert. En 1679, la majorité des lettres de change avaient été tirées par des maisons bretonnes ou normandes. En 1721 les partenaires de Le Couteulx et Cie sont le plus souvent d’origine étrangère, anglaise ou hollandaise. Sur les 43 lettres de change présentées au notaire Gaillardie, 22 ont été émises depuis les Provinces-Unies (seize d’Amsterdam, trois de Haarlem, deux de Rotterdam, une d’Utrecht), huit d’Angleterre (toutes de Londres), une de Liège et une de Madrid. Parmi les correspondants étrangers de la maison de banque catholique, on compte de nombreux juifs marranes comme Philippe et Jacob Mendes Dacosta, Joseph Rodriguez, Fernando da Costa et fils de Londres, David Peixotto d’Amsterdam. Les partenaires français eux sont devenus minoritaires. Il n’existe plus qu’une maison malouine, celle de la Veuve Grigny (?) alors que les maisons au Sud-Ouest (Pierre Laborde de Bayonne, Jean Castel de Toulouse, Jean Laussat d’Oloron en Béarn) et au Nord (Veuve del Dicq et le Mahieu de Calais, Pierre Baul d’Amiens) sont bien représentées134.

  • 135 A.N.M.C. Et. XV/520. 19 août 1721. Inventaire après décès de Barthélemy II Le Couteulx. Papiers.

90Enfin, le dernier signe de la puissance de la maison Le Couteulx est constitué par son capital. En juin 1720, le contrat de la société a été renouvelé. Chacun des six associés, en l’occurrence Jacques VI, Barthélemy II et Jean X établis à Paris, Jean-Étienne I, Antoine III et Barthélemy I qui dirigent la maison de Rouen a apporté 400000 lt., ce qui représente un capital total de 2400000 lt.135. Par rapport à celui de 1697, le capital a été multiplié par plus de deux mais on ne peut comparer de manière rigoureuse ces deux chiffres car en 1720 il existe des dérèglements monétaires provoqués par l’expérience de Law. Par ailleurs ce capital n’est pas seulement établi en espèces. Il comprend des marchandises et même des biens immobiliers.

  • 136 A.D.S.M. 2 E 1/2750. 5 août 1680.
  • 137 A.D.S.M. 2 E 12/25. 11 décembre 1699.

91À Paris jusqu’au début des années 1730, la société était locataire de ses sièges sociaux, mais n’en avait fait aucune acquisition. En revanche elle avait adopté un autre comportement à Rouen suivant ainsi l’exemple de ses ascendants. En 1680, trois des associés, Étienne I qui demeurait toujours rue Malpalu, Jacques III et Antoine I locataires rue de la Grande-Truanderie à Paris avaient acheté en commun un immeuble rue de l’Épicerie, paroisse Saint-Denis pour la somme de 19000 lt. mais en 1682 les deux Parisiens revendront leur part au Rouennais136. Mais en 1699 une autre conduite sera adoptée. Jean Étienne I achètera une grande maison composée de quatre corps de logis située rue aux Ours appartenant à Henri Henriquez, conseiller au Parlement de Normandie pour 39000 lt.137. Mais il ne l’avait pas acheté pour lui mais pour la société. En effet, ses associés parisiens Barthélemy II, Jacques III et Jean X en ratifiant le contrat d’achat déclarèrent que l’intention des quatre associés était « pour le bien de la société que la maison de la rue aux Ours » demeure et appartienne toujours « aux associés des deux maisons de Rouen et de Paris ».

  • 138 A.N.M.C. Et. XV/465. 29 décembre 1714.

92La maison de la rue aux Ours fera donc partie pendant de nombreuses années du capital de Le Couteulx et Cie. C’est ainsi qu’en 1715 deux nouveaux associés Antoine III et Barthélemy I le Jeune se voient accorder chacun un sixième de cette partie du capital, ce qui par ricochet diminuera leur participation aux fonds de la société étant entendu qu’en cas de décès ou de départ d’un des associés, ses héritiers ou lui-même ne pourront prétendre à aucun droit sur la maison « tant que la société subsisterait il n’y aurait que ceux qui la représenteraient qui auraient droit de propriété dans ladite maison de Rouen »138.

  • 139 H. Lüthy, op. cit., t. I, pp. 380 et 404.

93Quelques que soient les limitations au début de la décennie 1720 des fonds propres de Le Couteulx et Cie, on peut affirmer qu’ils l’emportent de beaucoup sur ceux d’autres sociétés qui naissent à ce moment. La société Jean Rieu et Saur frères d’origine genevoise et protestante disposait en 1719 d’un capital de 1 400000 lt., montant jugé « exorbitant » par H. Lüthy. La société Tourton et Burrish fondée en 1722 avec pour associés-commanditaires Jean-Claude Tourton et Isaac Thellusson rassemblait un fonds capital de 160000 lt. dont 80000 lt. et 40000 florins de banque d’Amsterdam jugé « considérable pour l’époque » par l’historien suisse139. Que dire alors de celui de Le Couteulx et Cie ?

  • 140 A.N. G/7/1119. Projet de banque publique (s. d. 1709 ?).

94En 1709 en pleine crise financière et économique du royaume de France, Samuel Bernard en accord avec le contrôleur général des finances Desmarets avait proposé de fonder une banque publique et parmi ceux qui devraient en occuper la direction il inscrivait le nom des Le Couteulx140.

95Cela témoignait de la confiance qu’on portait envers elle alors qu’elle était dans une situation difficile. Une douzaine d’années plus tard ayant réussi à surmonter de multiples épreuves, bénéficiant d’atouts qu’elle avait patiemment rassemblés, Le Couteulx et Cie était bien avancée pour aborder la période de prospérité qu’allait connaître pendant plusieurs décennies la France des Lumières.

Notes

1 Archives Le Couteulx. Généalogie de 1786.

2 A.N.M.C. et L XI/216. 28 septembre 1651. Contrat d’apprentissage de Antoine I Le Couteulx avec Jacques III Le Couteulx.

3 En 1687 il participe en compagnie d’Étienne I à une assemblée de marchands rouennais. A.D.S.M. 1. B 5472.

4 A.D.S.M. 2 E 12/19. 12 novembre 1686. Accord Geneviève Dufour – Le Couteulx et Cie.

5 A.D. Paris. Fichier des baptêmes, mariages et sépultures des paroissiens de Saint-Eustache.

6 A.N.M.C. Et. XVI/410. 22 décembre 1654. Ils ont dû cependant payer cette rente annuelle pendant plus de 20 ans jusqu’à la mort de Catherine Lustin en 1677.

7 A.D.S.M. 2 E 12/19. 13 novembre 1686. Accord Geneviève Dufour – Le Couteulx et Cie.

8 Sur l’existence de la crise on peut s’appuyer sur deux ouvrages récents : ceux de G. Lemarchand, La fin du féodalisme dans le Pays de Caux. Conjoncture économique et structures sociales dans une région de grande culture. De la crise au xviie siècle à la stabilisation de la Révolution. 1640-1745, Paris, 1989, pp. 85-95 , R. Romano, Conjonctures opposées. La « crise » au xviie siècle en Europe et en Amérique latine, Paris, 1992.

9 A.D.S.M.. 2 E 1/2343. 9 juin 1653.

10 C’est ce qu’affirme Pierre Goubert. « Il faut être aveugle ou de mauvaise foi pour ne pas reconnaître que la plus grande partie du règne personnel de Louis XIV s’est placée sous le signe de la stagnation et de la récession ». Cf. P. Goubert, Le siècle de Louis XIV, Paris, 1996, p. 211.

11 G. Lemarchand, op. cit., p. 123.

12 Notes du premier président Pellot sur la Normandie (G.A. Prévost ed.), Rouen, 1915, p. 134.

13 J.P. Bardet, « Mourir à Rouen au temps de Boisguilbert » dans Boisguilbert parmi nous. Colloque international de Rouen (22-23 mai 1975), Paris, 1989, p. 204.

14 J.M. Goger, « Années noires du grand règne 1670-1715 » dans Révolution et mouvements révolutionnaires en Normandie. Actes du XXXIVe Congrès des Sciences Historiques et Archéologiques – Le Havre – 24-29 octobre 1989. Le Havre, C.H.R.H., 1990, p. 206.

15 F. Lebrun, La puissance et la guerre 1661-1715. Nouvelle histoire de la France moderne, Paris, 1997, p. 160.

16 O. Ranum, op. cit., p. 220, G. Dethan, Paris au temps de Louis XIV, Paris, 1990, p. 113- 114.

17 A.N. G/7/1692.

18 G. Hurpin (ed.), L’intendance de Rouen en 1698, Paris, 1984, p. 102.

19 R. Romano, op. cit., p. 185.

20 A.D.S.M. 2 E 1/2343. 9 juin 1653.

21 A.D.S.M. 2 E 1/2316. 27 septembre 1660.

22 A.N.M.C. Et. L XI/216. 3 octobre 1651.

23 A.N.M.C. Et. L XI/230. 23 et 31 juillet 1658.

24 A.D.S.M. 2 E 1/2506 et 2508 , 1670 et 1671.

25 A.N.M.C. et XV/231. 7 avril 1671.

26 J. Toubeau, Institutes du droit consulaire, Paris, 1682, cité par J. Bouvier « La finance et l’État jusqu’au système de Law (1660-1726) » dans Histoire économique et sociale de la France, (dir. E Braudel et E. Labrousse), Paris, 1970, t. 2, p. 302.

27 Evrard Jabach écrit le 10 mars 1671 « Considérez au nom de Dieu que je me trouve entre le marteau et l’enclume et que j’ay affaire avec des gens avec qui il n’y aucun quartier ». B.N. MF 869 cité par A. Schnapper, op. cit., p. 275.

28 A.N.M.C. Et. L XI/253. 2 octobre 1671. Bail de Jacques III et Antoine I Le Couteulx. Ils s’engagent en outre à garnir la maison, à l’entretenir et à ne jeter aucun « immondice ou ordure du côté des petits cabinets ».

29 Sur Joachim Boisfranc de la Seiglière. Cf. Primi Visconti J.B., Mémoires sur la Cour de Louis XIV, Paris, 1988, pp. 91-92. Sur la location de la maison neuve, A.N.M.C. Et. XV/267. 14 septembre 1678.

30 A. du Pradel, Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, Paris, 1978 (réédition), pp. 117-118. Almanach royal de 1703. « Noms et demeures de Messieurs les Banquiers pour les remises de place en place ». Il est possible cependant que cette liste soit incomplète.

31 Notes du président Pellot, op. cit., pp. 131-132.

32 Almanachs royaux de 1703 – 1711 – 1720.

33 A.N. G/7/1312. État général de toutes les actions de la Compagnie des Indes occidentales. Archives d’Outremer (Aix en Provence). C/2/2/ Liste des actionnaires de la Compagnie des Indes Orientales – 1664.

34 D. Dessert, Argent, pouvoir et société au Grand siècle, Paris, 1984, pp. 504 et suivantes.

35 Sur sa prise de participation à une expédition malouine vers la Mer du Sud. Cf. A. Lespagnol, Messieurs de Saint Malo. Une élite négociante au temps de Louis XIV, 2ème édition, Rennes, 1997, t. II, p. 568. Sur la prise du navire appartenant aux frères Planterose. Cf. A Lespagnol, op. cit., t. II, p. 641.

36 Cf. AN 2 1/D/73 et Z 1/D/85.

37 H. Lüthy, op. cit., t. I, pp. 244 et 254.

38 A.D. Eure E/4195. Traité de société et de commerce entre Pierre, Thomas et François Planterose (1691).

39 A.N.M.C. Et. XV/363. 26 novembre 1698. Inventaire après décès d’Antoine I Le Couteulx.

40 A.N.M.C. Et. XCVIII/524. 29 novembre 1753. A.N.M.C. Et. XLIV/200. 18 mai 1711. Mariage Jean X – Catherine Brochant. Rappel des décisions de 1699 et 1700.

41 Une des plus grandes banques du règne de Louis XIII, celle de Tallemant qui s’était mise au service de Richelieu disposait en 1645 d’un fonds de 600 000 lt. tandis qu’une société de marchands-drapiers Bachelier animée par trois frères qui plaçaient chacun 120 000 lt. et annonçait un capital de 360 000 lt. A.N.M.C. et XX/353. 1er avril 1679. Contrat de société Bachelier.

42 A.C.C.M., LIX/480. 7 juin 1754 Le Couteulx et Cie. Paris à Roux frères. A.D. G/7/721. Boisguilbert à Desmarets. 4 juillet 1704.

43 A.N.M.C. Et. XV/405. 15 avril 1706.

44 A.N.M.C. Et. XV/303. 31 décembre 1685.

45 A.N.M.C. Et. XV/270. 30 avril 1679. L’abaissement de la valeur des pièces de 4 sols s’explique par l’accusation portée contre Nicolas Desmarets, un neveu de Colbert et futur contrôleur général des Finances, d’avoir quelques années plus tôt en faisant fabriquer ces pièces de 4 sols obtenu des profits frauduleux. Cf. A. Richardt, Colbert et le colbertisme, Paris, 1997, p. 228.

46 A. du Pradel, op. cit., t. I, p. 117.

47 B.N. Coll. Thoisy 84. Facture pour Jacques Le Couteulx et Cie (1677 ?).

48 A.N.M.C. Et. XV/330. 30 juin 1692.

49 A.N.M.C. Et. XV/371. 30 janvier 1700.

50 A.N. G/7/498. M. de Courson intendant de Rouen à Michel Chamillart contrôleur général des Finances. 1er août 1705.

51 A.D.S.M. 2 E 1/2511 année 1674.

52 A.N.M.C. Et. XV/384. 7 juillet 1703. Remboursement du prêt.

53 A.N. G/7/498. M. de Courson à Chamillart, 7 août 1705.

54 Idem.

55 C. Pellot (ed. Le Prévost), op. cit., p. 135. Sur les purins de Rouen. CF. L. Andrieu, « Les purins de Rouen » dans Le textile de Normandie, Rouen, 1959, p. 26.

56 A.D.S.M.D. 418.

57 Ch. Carrière, « Le marché de l’argent espagnol » dans L’Argent et la circulation des capitaux dans les pays méditerranéens (xviie-xxe siècles). Actes des journées d’études de Bendor, 1979, Cahiers de la Méditerranée, Nice, 1981, p. 4L

58 A.N. G/7/498. Mémoire de Le Couteulx de Rouen adressé à De Courson, août 1705.

59 A.N.M.C. Et. XV/490. 20 mai 1718.

60 A.N.M.C. Et. XV/517. 7 janvier 1721.

61 A.D.S.M.2E 12/18. 7 mars 1696.

62 A.N.M.C. Et. XV/490. 10 juin 1718.

63 Cf. M. Marion, Dictionnaire des institutions de la France au xviie et au xviiie siècle, Paris, 1923. Article Augmentation de gages.

64 A.N.M.C. Et. XV/272 et 273. 11 août, 12 et 26 novembre 1679.

65 A.N.M.C. Et. XV/371, 372, 373. 15 février 1700, 1, 9, 13, 16, 18, 24 mars, 4 mai, 2 juin 1700.

66 P. Dardel, Commerce, industrie et navigation à Rouen et au Havre au xviiie siècle, Rouen, 1966, pp. 363-365.

67 A.N.M.C. Et. XV/266. 4 juin 1678.

68 A.N.M.C. Et. XC VIII/507. 19 février 1750. Inventaire après décès de Jean X Le Couteulx. Papiers. C’est le 7 mai 1695 qu’il a obtenu la maîtrise de marchand-mercier, A.N.M.C. et XV/354. 9 juillet 1697. Contrat d’apprentissage d’Antoine Dupuis.

69 A.N.M.C. Et. LX 1/258. 18 mai 1674.

70 A.N.M.C. Et. XV/329. 20 mars 1692.

71 A.N.M.C. Et. XV/326. 14 août 1691.

72 A.N.M.C. Et. XV/330. 5 juillet 1692.

73 A.N.M.C. Et. XV/479. 16 décembre 1716.

74 A.N.M.C. Et. XV. 26 août 1679.

75 Environ 2300 hl de blé, la capacité d’un muid de blé est très variable.

76 A.N. G/7/1750. De Courson à M. de Vieubourg, Rouen.

77 Idem, le 12 avril 1709. Les Le Couteulx n’auraient pas souhaité qu’on fasse assurer les cargaisons malgré les risques dus à la guerre parce que cela aura contribué à la hausse du blé qui se vendait déjà à un prix très élevé.

78 Cf. A. Lcspagnol, op. cit., t. Il, p. 845.

79 A.N. G/7/1653. Le Couteulx et Cie de Paris à Desmarets, contrôleur général des Finances le 11 avril 1709.

80 A.N. G/7/497. L’assignation devant l’Amirauté à propos du droit de fret. Mai 1701.

81 A.N. F/12/55. Placet de Barthélemy I Le Couteulx de Rouen, 5 septembre 1710. 11 demande au contrôleur général des Finances de pouvoir racheter ses 600 balles de soude car les manufactures en ont besoin.

82 A.N.M.C. Et. XV/346. 3 mars 1696.

83 P. Dardel, op. cit., note 26, p. 117.

84 A.C.C. Bayonne, G/39/8. Avis des marchands rouennais du 22 mars 1701.

85 A.N.G. 497. Lettre de l’inspecteur des manufactures Chrétien au contrôleur général Chamillart. 15 mars 1701.

86 A.N. F/12/58. Mémoire de Mr Le Couteulx. 18 novembre 1712.

87 A.D.I et V. 4 F.C. 3 mai 1705. Veuve des Ages à Lecouteulx et Cie de Rouen cité par A. Lespagnol, op. cit., t. I, p. 435.

88 A.N.M.C. Et. XV/344. 27 août 1695. Déclaration de Jacques III, Antoine I et Étienne I Le Couteulx réclamant que Sadeler ne soit pas le seul à payer.

89 A.N.M.C. Et. XV/427. 12 mars 1717. Procuration de François Sarsfield chargé de récupérer les créances en cours de Hays.

90 A. Croix, L’âge d’or de la Bretagne 1532-1675, Rennes, 1993, p. 517.

91 Journal de René Cormier, sieur de la Courneuve cité par Y. Garlan et C. Nieres, Les révoltes bretonnes de 1675, Paris, 1975, p. 75.

92 A.N.M.C. Et. XV/263. 18 août 1676.

93 A.N. G/7/721. Boisguilbert au contrôleur général Chamillart. 4 juillet 1704.

94 La correspondance de Boisguilbert est datée de juillet 1704. Il indique que Etienne I Le Couteulx est décédé trois ou quatre ans plus tôt. En réalité, il passe de vie à trépas en novembre 1698.

95 H. Lüthy, op. cit., t. I, P- 103.

96 J.M. Goger, op. cit., p. 213.

97 A.N. G/7/498. M. de Courson au contrôleur général Chamillart le 1er août 1705.

98 A.N. G/7/498. Chamillart à de Courson, 17 août 1705.

99 A.N. Idem.

100 A.N. G/7/498. de Courson à Chamillart, 9 août 1705.

101 A.N. G/7/498. Mémoire de Le Couteulx et Cie. Août 1705.

102 A.N. G/7/498. De Courson à Chamillart, 11 juin 1706.

103 A.N. G/7/498. De Courson à Chamillart, 23 mai 1706.

104 Idem. De Courson à Chamillart, 11 juin 1706.

105 H. Lüthy, op. cit., t. I, pp. 149-169.

106 A.N. G/7/598. Déclaration des syndics de la Chambre de commerce de Normandie, 17 septembre 1705.

107 A.N.M.C. Et. XL VIII/29. 9 janvier 1706. Concordat de Étienne Demeuves.

108 C.F. Lévy, Capitalistes et pouvoirs au siècle des Lumières. Les fondateurs des origines à 1715, Paris – La Haye, 1969., p. 235 , H. Lüthy, op. cit., t. I, note 29, p. 168.

109 A.N. G/7/499. De Courson au contrôleur général Desmarets. 11 juin 1709.

110 1. N. G/7/499. De Courson à Desmarets, 17 juin 1709.

111 A.N. G/7/499. Le Couteulx et Cie de Paris à Desmarets. 18 juin 1709.

112 Idem.

113 A l’exception des frères Planterose.

114 A. Lespagnol, op. cit., t. II, p. 568.

115 Cf. H. Lüthy, op. cit., t. I, PP- 263-274.

116 A.N.M.C. Et. XXIX/381.28 août 1725. Liste des souscripteurs hollandais de l’emprunt de 1705.

117 B.N. Pièces originales 918. Jacques Le Couteulx qui a reçu leur procuration confesse, le 25 juin 1707, avoir obtenu pour leur compte 1 000 lt. sur laquelle somme un dixième a été retenu selon la décision du pouvoir.

118 A.N.M.C. Et. XV/423. Procurations de Claude-Louis de Surmont. 19 août 1710.

119 A.N.M.C. Et. XV/629. 8 janvier 1743. Procurations de Jean-Baptiste de Surmont et autres à Barthélemy III Le Couteulx.

120 P.N. Berryer, Souvenirs, Paris, 1839, t. II, p. 321.

121 E. Faure, La banqueroute de Law, Paris, 1977, p. 100.

122 Mémoires d’Isaac Théllusson cités par H. Lüthy, op. cit., t. I, p. 394.

123 Idem.

124 H. Lüthy, op. cit., t. I, p. 302. Pour lui, rien ne permet de l’affirmer vraiment mais rien ne le contredit.

125 J.F. Labourdette, La nation française à Lisbonne de 1669 à 1790, Paris, 1988, note 71 p. 525.

126 H. Lüthy, op. cit., t. I, pp. 316-325.

127 E. Faure, op. cit. Article 14 de l’arrêt du 15 septembre 1720, pp. 652-653.

128 A.D.S.M. 2 E 13/34. Contrat de mariage Marie-Louise Le Couteulx – Jacques Romain Rolland, 11 mai 1720.

129 A.N.M.C. Et. XV/517. 29 novembre 1720.

130 A.N. V/7/49. Mémoire de Le Couteulx et Cie. 10 mars 1721.

131 A.N. V/7/49. Décision des directeurs généraux des comptes en banque. 6 mai 1721.

132 A.N. V/7/49. Déclaration de Le Couteulx et Cie de Rouen. 26 mai 1721.

133 F. Hincker, Expériences bancaires sous l’Ancien Régime, Paris, 1974, p. 10.

134 A.N.M.C. Et. XV/518. 10 mars 1721. État des sommes que les sieurs Le Couteulx doivent à leurs correspondants en comptes en banque en nouvelle écritures.

135 A.N.M.C. Et. XV/520. 19 août 1721. Inventaire après décès de Barthélemy II Le Couteulx. Papiers.

136 A.D.S.M. 2 E 1/2750. 5 août 1680.

137 A.D.S.M. 2 E 12/25. 11 décembre 1699.

138 A.N.M.C. Et. XV/465. 29 décembre 1714.

139 H. Lüthy, op. cit., t. I, pp. 380 et 404.

140 A.N. G/7/1119. Projet de banque publique (s. d. 1709 ?).

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