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Capitalisme et catholicisme dans la France moderne

 | 
Michel Zylberberg

Chapitre II. S’établir à Paris

Texte intégral

Cliton
Connaissez mieux Paris puisque vous en parlez, Paris est un grand lieu plein de marchands mêlés.
Pierre Corneille, Le Menteur, 1644.

  • 1 R. Gourmelon, L’industrie et le commerce des draps à Paris du xiiie au xvie siècles, Thèse, École d (...)
  • 2 P. Goubert, Beauvais et le Beauvaisis de 1600 à 1730. Contribution à l’histoire sociale e la France (...)

1Un des facteurs du dynamisme économique de Rouen avait pour origine les liens qui existaient entre la ville normande et Paris dont, grâce à la Seine, elle constituait déjà à l’époque moderne son avant-port. Une partie des marchandises débarquées dans le port normand gagnait ensuite la capitale du royaume. Il en allait de même d’une fraction importante de la production manufacturière de la Haute-Normandie qui s’écoulait sur le marché de consommation parisien. C’est ainsi que les marchands-drapiers parisiens trouvaient dans la région rouennaise une de leurs principales sources d’approvisionnement en draps de laine en raison de la quasi-disparition de la fabrication de ce type de produits dans la capitale1. Ces biens ont suscité une intense coopération, parfois obligée, entre les marchands des deux cités. On le sait, les hommes d’affaires de Rouen qui livraient leurs articles en utilisant la voie d’eau constituée par la Seine furent contraints de s’associer, jusqu’à la fin du xvie siècle, avec leurs homologues parisiens, en partageant leurs profits avec eux. Pourtant, les marchands-drapiers rouennais disposaient d’une certaine autonomie. Comme ceux de Beauvais, ils étaient nombreux à pouvoir vendre en toute liberté leurs lainages dans les grandes foires de l’Île-de-France comme celles du Lendit à Saint-Denis ou de Saint-Germain-des-Prés2. Ils pouvaient également envoyer leurs lainages à la Halle aux draps de Paris ou les vendre directement à des marchands-drapiers parisiens d’autant plus que la capitale avait cessé, à partir du xvie siècle, d’être un centre de production drapière. Les principales artères des marchands-drapiers parisiens étaient situées sur la rive droite, rue Saint-Honoré et rue Saint-Denis, mais il existait également des boutiques de cette catégorie dans la partie ouest du quartier de l’Université sur la rive gauche d’autant plus que les couches aisées commençaient après la fin des guerres de religion à s’y faire construire de nombreuses demeures.

2Pour augmenter leurs ventes, les marchands provinciaux qu’ils soient établis à Lyon, à Beauvais ou à Rouen regardaient comme indispensable d’avoir un représentant ou un facteur, voire de fonder une filiale, dans la capitale. C’était être assuré de bénéficier d’un débouché régulier et sans doute croissant que n’assuraient pas avec certitude une présence aux grandes foires parisiennes ou des contrats avec des marchands parisiens.

3On a vu que les Le Couteulx sous l’impulsion de David I s’étaient engagés dans cette voie en s’appuyant sur Jacques I, mais il semble qu’une première tentative avait eu lieu, au début du xviie siècle dont le protagoniste avait été un autre frère, Daniel, un peu plus âgé que Jacques, mais qui ne réussit que médiocrement alors que Jacques devint un homme très riche.

Daniel où l’essai non transformé

  • 3 A.N.M.C. Et. L VIII/13. 13 avril 1606. Contrat d’apprentissage de Daniel Le Couteulx.
  • 4 A.N.M.C. Et. L VIII/13. 18 juin 1606. Contrat de mariage Daniel Le Couteulx – Marie Lustin.

4Le 18 avril 1606, sous la houlette de Pierre Martel, son beau-frère, époux de Lucrèce Le Couteulx, marchand de Rouen, Daniel I Le Couteulx entra en apprentissage chez un marchand-drapier-chaussetier nommé Jacques Lustin demeurant au bout du Pont Saint-Michel qui unissait l’île de la Cité à la rive gauche de la capitale dans la paroisse Saint-Séverin3. Pendant deux ans et moyennant le versement d’une somme de 120 lt., Jacques Lustin s’engageait à apprendre à Daniel I le « traffic, industrie de la marchandise de drap perie et chaussetterie » et lui fournir des « aliments corporels » et de le traiter « humainement ». En échange, Daniel I promettait de bien apprendre « traffic et industrie », de lui obéir « à son commandement » et de lui demeurer « fidèle ». Baptisé le 21 septembre 1579 dans la paroisse Saint-Maclou de Rouen, Daniel I avait donc lors de la signature du contrat près de vingt-sept ans, ce qui paraît être un âge très élevé pour devenir un apprenti, alors qu’il était auparavant le facteur à Paris, c’est-à-dire le représentant de Guillaume I et de David I. La véritable raison de cette mise en apprentissage nous est fournie deux mois plus tard, en juin 1606, Daniel I, devant les mêmes notaires, signe son contrat de mariage, en présence de son père Guillaume I, de son frère David I, de son beau-frère Pierre Martel tous marchands de Rouen avec Marie Lustin, la fille aînée de Jacques Lustin. La dot de Marie s’élève à 3 600 lt. tandis que Guillaume I accorde à son fils 2400 lt. qui sont payés comptant et déclare qu’il renonce à ce que son fils continue à être son facteur4.

  • 5 R. Descimon, Qui étaient les Seize, Paris, 1983, p. 76.

5Les deux contrats signés à quelques semaines d’intervalle ont comme objectif majeur d’unir les Le Couteulx aux Lustin. Sans doute, Guillaume I et David I prévoyaient-ils qu’après la retraite ou la disparition de Jacques Lustin, son gendre prendrait la direction de la boutique et que cela leur permettrait de renforcer considérablement leur présence sur le marché parisien d’autant plus que Jacques Lustin était un marchand important. C’est du moins ce qu’on peut déduire des affirmations de Pierre de L’Estoile, chroniqueur des événements de la fin du xvie siècle et du début du xviie siècle, et par ailleurs excellent connaisseur de ce qui se déroulait sur la rive gauche de Paris5. Voilà ce qu’il écrivait dans son journal :

« Ce jeudi 19e de mars 1609. Ce jour fut mis en terre le sire de Lustin marchand-drapier tenant sa boutique sur le Pont-Saint-Michel. Il m’avait servi longtemps et estoit en réputation d’homme de bien et des moins trompeurs de cet état »

6et il ajoutait :

  • 6 Pierre de L’Estoile, Mémoires-journaux, Paris, 1881, t. IX, pp. 232 et 419.

« Maistre Jacques Lustin fut inhumé en l’Église des Augustins, il était fort riche, aussi ses parents ont-ils mis une épitaphe sur son tombeau »6.

  • 7 R. de Lespinasse, « Les métiers et les corporations de la ville de Paris » dans Histoire générale d (...)

7Originaire du village d’Orgerus dans le bailliage de Montfort-l’Amaury, Jacques Lustin était installé à Paris au moins depuis 1585, année où il épousa Anne du Crocq, peut-être d’origine normande. Devenu marchand-drapier-chaussetier, il était propriétaire d’une boutique et d’un logement au bout du Pont Saint-Michel près de la rue Saint-André-des-Arts. Les marchands-drapiers-chaussetiers appartenaient à la puissante corporation des marchands-drapiers, la première des Six-Corps parisiens, mais en vertu d’une ordonnance de 1581, ils étaient inscrits à la fin du rôle de cette corporation, situation qui dura jusqu’en 1633, date à laquelle les deux corps fusionnèrent entièrement. Il existait entre eux un certain nombre de différences. En vertu de leurs statuts en 1572, les marchands-drapiers-chaussetiers n’étaient pas seulement autorisés à vendre des tissus de laines mais à la différence de leurs confrères, ils pouvaient utiliser leurs draperies pour confectionner des chausses couvrant la partie inférieure du corps des individus de sexe masculin ou féminin. Pour devenir marchand-drapier-chaussetier, il fallait avoir réalisé un chef-d’œuvre, ce dont étaient dispensés les marchands-drapiers. Sur la rive droite, une Halle spéciale dite de la chausseterie leur était réservée, laquelle constituait un grand centre de rassemblement des gens de métier. Enfin les conditions de mise en apprentissage dans cette profession différaient de celle existant chez les marchands-drapiers, elle était d’abord plus brève, deux ans au lieu de trois et la somme à verser au marchand se montait à 120 1t. alors que les Le Coutculx auraient dû payer 300 1t. à un marchand-drapier7.

  • 8 A.N.M.C. Et. L V111/18. 22 mars 1609 et jours suivants. Les premières pages ont été détériorées par (...)

8Ce n’est pas la raison principale même si cela a pu jouer qui ont conduit Guillaume I et David I à s’allier avec Jacques Lustin. C’est sa richesse et l’importance de ses affaires que l’on perçoit en analysant son inventaire après décès dressé à partir du 22 mars 16098. La chambre du deuxième étage où est décédé Jacques Lustin fait partie d’un corps de logis « appliqué à boutique ». Celle-ci recèle un très important stock de marchandises, soit plusieurs dizaines de milliers d’aunes de tissus (1 aune = 1,20 m environ) dont la valeur globale dépasse la dizaine de milliers de livres. Les pièces de draps sont de différentes qualités et de différentes provenances. Nombreuses sont les pièces de drap noir, bleu, vert, écarlate, cramoisi, gris, brun, et certaines sont tannées. Quant à leur origine, on relève de nombreuses venant du Berry, d’autres de Sedan, enfin certaines d’Angleterre. On ne relève pas de drap du sceau de Rouen, ce qui peut indiquer que la crise de la production manufacturière rouennaise est toujours aiguë. Deux gros volumes contenant plusieurs cahiers permettent d’identifier les clients de Jacques Lustin dont certains n’ont pas encore réglé le montant de leurs achats. Parmi eux, figurent plusieurs maîtres-tailleurs dont certains sont au service des membres de la noblesse comme le sieur Bourgeois « maître-tailleur de Monsieur le Comte de Chaulnes ». Parmi les autres débiteurs on trouve des drapiers comme « Monsieur Begouin » ou des teinturiers comme François Gobelin. Si la grande majorité des acheteurs sont domiciliés à Paris, quelques-uns habitent le bailliage de Montfort l’Amaury. C’est le cas d’un tabellion d’Orgerus ou de Jehan Barbier demeurant à Corbeville.

9Tous les clients de Jacques Lustin ne figuraient pas sur les deux livres. En effet, un certain nombre commandaient directement des tissus sans passer par la boutique. Ils appartenaient en général à la noblesse, parfois même à la grande aristocratie. Ainsi la comtesse de Paule, débitrice de 4469 It. 5 sols, du comte de la Porte, du chevalier de Saussay, de Claude de Monceaux, chevalier de la Houssaye dans la Brie et y demeurant, du baron de Montberon. Deux d’entre eux méritent qu’on s’y attarde, il s’agit du comte de Soissons et de Marguerite de Valois, l’ancienne épouse de Henri IV.

  • 9 M. Trudel, Histoire de la Nouvelle France, Montréal, 1963, p. 187.
  • 10 A.N.M.C. Et. L VIII/13. 18 mai 1606.

10Charles de Bourbon, comte de Soissons, oncle du prince de Condé, appartient à une des plus grandes familles de la noblesse française. Il deviendra en 1613 lieutenant général de la Nouvelle France9. Or le 19 mai 1601 et le 31 mai 1605, Jacques Lustin a fourni à « Monseigneur le Comte de Soissons et à Madame la Comtesse » pour 1 617 lt. 13 sols de marchandises qu’il aura d’ailleurs du mal à récupérer, ce qui le contraindra à faire appel au prévôt de Paris pour qu’il oblige le comte de Soissons à rembourser ses créances. Cela ne mettra pas fin à leurs relations10.

  • 11 A.N.M.C. Et. XXII/115. 18 septembre 1607.

11Encore plus prestigieuse la « très haute et très puissante et très vertueuse princesse Marguerite, reine, duchesse de Valois et autres lieux » et qui demeure dans son hôtel situé Faubourg Saint-Germain proche du Pont Saint-Michel et où commencent à s’établir quelques aristocrates. En 1607, elle remet à Jacques Lustin, 250 lt. pour fourniture de marchandises11. Somme modeste certes mais qui ne peut qu’honorer Lustin et en faire un des plus prestigieux marchands-drapiers-chaussetiers de la capitale.

12Jacques Lustin n’est pas seulement un marchand, c’est également un prêteur d’argent. À sa mort, on recueille dans ses papiers des dizaines de cédules sur lesquelles sont inscrites les noms de ses débiteurs, ainsi que les sommes qui lui sont dues, lesquelles le plus souvent ne dépassent pas quelques dizaines de livres. Nombreux parmi eux sont les habitants d’Orgerus et des villages environnants. C’est le cas de Jehan Gallais, marchand-boucher à Orgerus ou de plusieurs paysans de la paroisse. Quand les sommes prêtées sont plus importantes, elles sont souvent transformées en constitution de rente. Il en va ainsi de la veuve d’un drapier de Neauphle, d’un « laboureur » de Bazainville, d’un marchand-drapier de Paris.

  • 12 A.N.M.C. Et. L VIII/69. 9 décembre 1639.
  • 13 A.N.M.C. Et. L VIII/18. 7 janvier 1609.
  • 14 L’arpent de Paris représente 1/3 d’hectare.

13Comment Jacques Lustin utilise-t-il les gains obtenus ? Il ne semble pas thésauriser. On a retrouvé après son décès quelques pièces de monnaie d’or et d’argent françaises ou étrangères, 44 pistoles qui à raison de 7 1t. chacune représentent 308 lt., deux écus soleil, soit à raison du cours du jour, estimés à 7 1 4 sols, 169 pièces de 16 sols, 5 testons, 5 pièces de 10 sols, 2 pièces de 8 sols, 180 pièces d’argent, mais le total n’atteint pas le millier de livres tournois. L’essentiel des placements de Jacques Lustin réside dans des biens immobiliers et fonciers. Outre sa maison du Pont Saint-Michel que ses héritiers loueront à partir de 1639 à raison de 900 lt. par an12, il a acquis une maison avec un pavillon couvert de tuiles et un jardin clos et deux arpents de terres labourables que lui a vendus Guillaume Imbert, laboureur à Orgerus13. Quant aux biens fonciers, Jacques Lustin, d’après l’inventaire après décès, aurait réalisé cent vingt-cinq achats, essentiellement dans le bailliage de Montfort l’Amaury, la première acquisition remonterait à l’année 1584, mais c’est surtout à partir de 1598 date du retour à la paix civile qu’il accélère ses prises de possession. Les surfaces des terres qu’il s’approprie atteignent le plus souvent deux arpents mais il arrive qu’elles dépassent une vingtaine d’arpents14.

14Ce sont les terres d’Orgerus qui l’attirent le plus mais il procède également à des achats à Montchauvet, Fresnay, Osmoy, la ferme de Saint-Hilaire dans le fief de Tremblay, Senneville...

15La grande majorité de ceux qui lui vendent des terres sont des paysans et l’on peut penser qu’ils font partie de ceux à qui il a prêté de l’argent et qui ont été incapables de le rembourser. Cela n’a rien d’étonnant car c’est une pratique courante dans la France de l’Ancien Régime.

  • 15 A.N.M.C. Et. V/103. 26 février 1647.

16Il est difficile d’évaluer le montant exact de la fortune de Jacques Lustin au moment de sa mort, l’inventaire après décès contenant un certain nombre de lacunes. Néanmoins on peut s’en approcher en s’appuyant sur le partage de ses biens et ceux de son épouse décédée en 1631 qui a été réalisé en 1647. Chacun de leurs six héritiers encore vivants reçoit 15 325 lt. soit au total 91 950 lt.15. Mais on n’y a pas inclut les meubles de la maison d’Orgerus, ni une ferme près de Feranville, ni la maison du Pont Saint-Michel restée indivis. On peut donc penser que la fortune de Jacques Lustin avoisine les 100000 lt., ce qui ferait du marchand-drapier-chaussetier un des plus riches bourgeois de la capitale.

  • 16 A.N.M.C. Et. L VIII/18. 17 mars 1609. Sur les messagers de l’Université, cf. A. Franklin, Dictionna (...)

17Jacques Lustin possède également des titres honorifiques. Il était messager-juré de l’Université de Paris, chargé en conséquence de faire adresser en province ou à l’étranger la correspondance des étudiants et d’en faire venir des vêtements et de l’argent. Cette fonction qu’il résigna en faveur de son gendre Daniel I Le Couteulx à la veille de sa mort ne pouvait que favoriser ses activités de marchand-drapier-chaussetier16.

  • 17 A.J.V. Le Roux de Lincy, Histoire de l’Hôtel de Ville, Paris, 1848, p. 195.

18Comme la plupart des notables, Jacques Lustin avait recherché une fonction municipale. Il avait réussi à obtenir celui de cinquantenier. La capitale divisée en seize quartiers en comptait deux par quartier et ils participaient aux élections, jusqu’en 1633, des quarteniers, ce qui leur donnait une certaine influence même s’ils n’occupaient pas le premier rang dans l’édilité parisienne17.

  • 18 A.N.M.C. Et. L VIII/18. 17 mars 1609. Testament de Jacques Lustin.
  • 19 Jacques Lustin ne faisait pas partie des Seize. Cf. R. Descimon, op. cit., p. 230.

19Une seule chose manquait à Jacques Lustin pour être un homme comblé. Si sa femme Anne du Crocq lui avait donné sept filles, le couple n’avait pas un seul fils, du moins aucun n’avait atteint l’âge adulte. Seul un gendre acceptant de devenir marchand-drapier-chaussetier pouvait perpétuer l’entreprise de Jacques Lustin. D’où le recours à Daniel I. Toutefois, un obstacle aurait pu empêcher l’union entre les deux familles. Jacques Lustin était un catholique fervent comme le montre son testament daté à son notaire alors qu’il était à l’article de la mort. Après avoir exprimé ses dernières volontés « au nom du Père, du Fils, du Saint-Esprit », il faisait appel à l’intercession de « la Vierge Marie, de saint Michel l’Archange, de saint Paul, de saint Jacques dont il porte le nom et de tous les saints triomphants »18. Mais s’il est catholique, Jacques Lustin ne semble pas avoir été un Ligueur. À aucun moment son nom n’apparaît parmi ceux des principaux dirigeants parisiens et pour bénéficier de la sympathie de Pierre de l’Estoile dont l’appartenance au courant dit Politique est bien connue, il ne fallait pas s’être engagé dans le camp des Guisards19. Et comme les Le Couteulx avaient abandonné dans les premières années au xviie siècle leur attachement à la Réforme protestante, il pouvait accepter sans difficulté que sa fille Marie épousa Daniel I.

  • 20 Sur les conditions d’acquisition du droit de bourgeoisie à Paris, cf. R. Pillorget, Les premiers Bo (...)
  • 21 A.N.M.C. Et. L VIII/18. 22 mars 1609. Inventaire après décès de Jacques Lustin. Copie du contrat de (...)

20Ce dernier, quand son beau-père mourut moins de trois ans après son mariage, était en mesure de prendre sa succession à la tête de l’entreprise. Il avait achevé son apprentissage (il est heureux pour lui que celui-ci ait été fixé à deux années et non à trois), résidant de manière continue dans la capitale depuis plus d’un an, il était devenu bourgeois de Paris20. Aucun concurrent familial ne se présentait. En effet, si Anne, une autre fille de Jacques Lustin et de Anne du Crocq s’était mariée en 1607, elle avait épousé Gilles Mahias, procureur du bailliage de Montfort-L’Amaury, lequel n’avait aucune envie de commencer une carrière commerciale21. Quant aux cinq autres sœurs, elles étaient encore célibataires.

  • 22 A.N.M.C. Et. LVIII/20. 10 juin 1610.

21Dans un premier temps, Daniel I se contenta d’assister sa belle-mère Anne du Crocq qui devint la dirigeante de l’entreprise en possédant seule la signature. Sa tâche éventuelle consista à récupérer une partie des créances que les débiteurs de Jacques Lustin tardaient à rembourser. À plusieurs reprises, il lui fallu entamer des poursuites devant plusieurs instances judiciaires comme celles du prévôt de Paris, de la Cour du Châtelet ou du bailliage d’Orléans22.

  • 23 A.N.M.C. Et. L VIII/28. 9 août 1616. Procuration Anne du Crocq à Daniel I Le Couteulx.

22Ce n’est qu’en 1615, année où il obtint de son frère David la cession de trois loges sises rue de Paris à la Foire Saint-Germain qu’il devint l’associé en bonne et due forme d’Anne du Crocq. Par un contrat en seing privé daté du 1er décembre 1615 fut fondée une société destinée au « trafic de marchandises et draperies » au capital de 18000 lt. dont 12000 1t. pour Anne du Crocq dont elle versa immédiatement 10615 lt. 17 sols et 6000 1t. pour Daniel I. Ce dernier occupera seul très rapidement la direction de la compagnie. En effet, par un acte du 9 août 1616, Anne du Crocq, par une procuration donnée à son gendre et associé, le chargeait de recevoir toutes les sommes dues à la société ainsi que les loyers des maisons, les arrérages des rentes, « de vendre et débiter marchandises de draperies au prix qu’il lui plaira moyennant argent comptant ou crédit, de signer les lettres de change et d’en faire dresser le cas échéant les protêts, de faire cédule... »23.

  • 24 A.N.M.C. Et. L VIII/38. 4 juillet 1625. Inventaire après décès de Marie Lustin.
  • 25 S. Melchior Bonnet, Histoire du miroir, Paris, 1994, p. 37. Dans 248 inventaires échelonnés entre 1 (...)

23Cette société va durer près de neuf années pendant lesquelles très régulièrement Daniel I Le Couteulx présente un bilan annuel à sa belle-mère jusqu’à ce que le 7 février 1624, les deux associés décident de la dissoudre sans qu’on en connaisse les motifs, Daniel I Le Couteulx étant chargé pendant une durée de six mois de la liquidation des comptes. Si Anne du Crocq semble abandonner les affaires, il n’en va pas de même pour Daniel I qui n’a pas encore atteint la cinquantaine. Toujours marchand-drapier, il va dans un premier temps tenir une boutique à l’enseigne des Trois Croissants rue Saint-André-des-Arts24. C’est dans ce domicile que survient, en 1625, le décès de son épouse Marie née Lustin. Comme quelques années auparavant les deux époux ont conclu un contrat de don mutuel, un notaire procède à un inventaire des biens de la communauté matrimoniale. La comparaison entre les avoirs de Daniel et de son épouse et ceux de la famille Jacques Lustin permet de se rendre compte que si Daniel est un marchand relativement aisé, sa fortune est loin d’atteindre celle de son beau-père. Son logement consiste en une cuisine, une grande chambre et une garde-robe située au second étage. Il possède plusieurs armoires en bois de chêne ou de noyer, un buffet, des tabourets. Il possède également deux miroirs dont l’un est désigné comme commun alors que le second est intitulé « miroir de Venise », possession alors très rare pour un bourgeois parisien. Avant les années 1630, seuls les très riches Parisiens en sont acquéreurs25. Le couple Le Couteulx ne possède pas de vaisselle d’argent mais d’étain dont il est vrai le poids total atteint 134 livres. La défunte possédait une garde-robe fournie composée de plusieurs manteaux dont trois en soie, un en velours d’Angleterre, un autre de tissus de Bergame doublé de taffetas. Les trois enfants du couple, Daniel, Jacques et Anne, âgés respectivement de six, quatre et trois ans « ou environ » ont chacun un manteau « d’usage d’enfant », l’un de camelot et les deux autres de futaine. Le stock de marchandises entreposé dans la boutique située au rez-de-chaussée et qui est prisée par le marchand-drapier Louis Imbert n’est pas considérable. Il consiste en cinq pièces de damas de couleur rouge de 187 lt., la plus élevée de toutes les pièces possédées. À cela s’ajoutent une dizaine de pièces de drap d’Angleterre essentiellement des serges, quarante-six toiles d’estamine, quinze nappes de toiles de gros chanvre à une livre tournois l’unité, trois douzaines de serviettes de toiles de lin à 9 lt. la douzaine, 3 douzaines et demi de serviettes de toiles de chanvre à 4 lt. la douzaine, une douzaine de chemises de toiles de chanvre prisées 15 lt., deux douzaines de mouchoirs, une douzaine de coiffes de nuit ainsi que cinq collets qui entourent le cou, l’ensemble étant estimée à 471 lt.

  • 26 A.N.M.C. Et. L VIII/38. 4 juillet 1625. Inventaire après décès de Marie Lustin.

24Comme son beau-père, Daniel I Le Couteulx était détenteur de cédules et de promesses, mais en nombre beaucoup plus limité. La plus importante lui est due par le sieur de Genche à qui il a fourni des marchandises d’un montant de 503 lt. 14 sols. Il a également investi une partie de ses gains dans des titres de rentes ainsi que dans des biens fonciers : quatre arpents de terres labourables à Orgerus et une maison à Guyancourt près de Versailles comprenant un corps de logis avec plusieurs chambres, une étable, une grange, deux jardins et des terres labourables, bien qu’il revendra en 1649 moyennant un bail à rente. Cela en fin de compte ne représente que peu de chose si on le compare aux maisons et aux centaines d’arpents dont Jacques Lustin avait été détenteur26.

  • 27 R. Descimon, « Paris on the eve of Saint Bartholomeu. Taxation privilège and social geography » dan (...)
  • 28 A.N.M.C. Et. XXXV/132. 27 février 1633.
  • 29 A.N.M.C. Et. L VIII/55. 18 septembre 1632, et LX I/187. 21 janvier 1636.
  • 30 A.N.M. C. LVIII/56. 10 mai 1633.

25Son patrimoine ne permet donc pas à Daniel I Le Couteulx d’abandonner dans l’immédiat ses activités de marchand-drapier. On le retrouve quelques années plus tard, vers 1630, sur la rive droite, rue de la Tonnellerie qu’on appelle parfois la rue sous les piliers des Halles, car elle donne sur la Halle aux Draps. Cette rue est certes moins prestigieuse pour un marchand-drapier que les rues Saint-Denis et surtout Saint-Honoré car on y trouve de nombreux fripiers, même si quelques marchands-drapiers y demeurent27. Dans sa maison ayant pour enseigne la Nef d’Argent, Daniel I va travailler quelques années mais il est probable qu’il songe assez vite à abandonner sa profession pour vivre de ses rentes. En effet, en 1633, il loue à Gilbert Plumet, un marchand de Valenciennes, deux de ses trois loges de la Foire Saint-Germain pour une duree de six années à partir de 1635 moyennant un loyer annuel de 60 lt.28. Il renouvellera cette location en 1641 au profit d’un marchand-mercier privilégié suivant la Cour et demeurant rue Saint-Denis. Il procède au cours de la décennie 1630 à plusieurs achats de rentes. Ainsi en 1632, acquiert-il 32 livres de rente que lui vend Charlotte Flamand, la veuve d’un juré-crieur du corps des épiciers et 200 lt. de rentes sur l’Hôtel de Ville de Paris pour lequel il a déboursé 3 600 lt.29. Il lui arrive de nouer des opérations sur des titres de rente en servant de prête-nom ou de partenaire de nobles de province comme Madame Hurault de l’Hospital, veuve de Paul d’Orthe, domiciliée à Sainte-Menehould en Champagne30.

  • 31 Il a rédigé un testament le 10 octobre 1656 suivi d’un codicille le 15 novembre de la même année qu (...)

26Désormais, il peut vivre de ses rentes et il cesse d’être un marchand-drapier pour devenir un bourgeois de Paris. Il quittera la rue de la Tonnellerie dans les dernières années de son existence pour l’enclos des Filles Pénitentes, rue Saint-Denis, où demeure son fils. C’est là qu’il mourra, sans doute, à la fin de 165731.

27Lors de la mort de son épouse, il avait trois enfants mais sa fille, Anne disparut avant sa grand-mère Anne du Crocq, décédée en 1631. Il lui restait deux fils, mais l’aîné, Daniel II, n’avait qu’une envie : devenir prêtre, témoignage supplémentaire du retour au catholicisme de la plupart des Le Couteulx. Désormais avec les succès de la Réforme catholique, rien n’était plus gratifiant pour une famille de voir un de ses membres d’entrer dans l’ordre ecclésiastique.

  • 32 A.N.M.C. Et. L VIII/72. 17 novembre 1640.

28C’est ainsi qu’en 1640, Daniel I ayant constaté « l’inclination... de son fils aisné de se faire ecclésiastique » et lui ayant « demandé permission d’entrer dans les ordres, ne le voulant détourner d’une sy bonne et sainte résolution » y avait consenti. Afin de satisfaire les constitutions ecclésiastiques, le fils avait besoin d’argent et son père n’hésita pas à lui octroyer pour cela deux titres de rentes, l’un d’un montant de 200 lt. et l’autre de 110 lt.32.

29Entré dans les ordres, Daniel II Le Couteulx « aumônier ordinaire du roi » devint curé de Guyancourt puis vicaire de la paroisse Saint Leu – Saint-Gilles, rue Saint-Denis à Paris, alors qu’une partie de ses parents habitaient tout près de son église.

  • 33 A.N.M.C. Et. X/91. 11 septembre 1644. François Bourlon et sa femme vont aller vivre chez Anthoine A (...)
  • 34 AN. M.C. Et. L XI/217. 9 février 1652. Son père lui remet 2450 lt.
  • 35 A.N.M.C. Et. L XI/212. 9 août 1649. Contrat d’apprentissage de Charles Deschamps.

30Le deuxième fils de Daniel I Le Couteulx, prénommé Jacques, devint comme son père marchand-drapier. En 1644, au moment où il signait son contrat de mariage, il habitait chez son père, rue de la Tonnellerie. Âgé de 24 ans, il épousa Madeleine Bourlon, fille de François Bourlon, également marchand-drapier et de Madeleine Androuas. La dot apportée par sa future épouse s’élevait à 6 000 lt. répartie en 2000 lt. de marchandises et en une rente annuelle de 200 lt. Pour permettre à leur gendre de parvenir à une réussite professionnelle, ses beaux-parents acceptèrent de lui louer leur maison et leur boutique située rue Saint-Honoré près de la Croix du Trahoir ayant pour enseigne le Dauphin, pour neuf ans, à raison de 700 lt. de loyer annuel33. Bien qu’établi dans une des plus grandes rues commerçantes de Paris, il ne sembla pas que Jacques II soit devenu une des grandes figures de la draperie parisienne en dépit de l’aide financière que lui procura son père Daniel 134. La modestie de ses affaires semble être démontrée lorsqu’on constate que lorsqu’il prend pour apprenti Charles Deschamps, le père de ce dernier ne doit lui verser que 150 lt. alors que les grands marchands-drapiers réclament à ceux qu’ils engagent au minimum 300 1t. et parfois 400 lt.35.

  • 36 A.N.M.C. Et. L XI/228. 28 novembre 1657. Délivrance de legs.
  • 37 A.N.M.C. Et. L X./228. 20 décembre 1657. Vente de rentes.
  • 38 A.N.M.C. Et. XC VIII/49. 3 juin 1688. Sur la famille Desplasses. Cf. A. Pardailhé-Galabrun, Naissan (...)
  • 39 En 1672 il est qualifié de conseiller du roi cy-devant contrôleur des rentes de la ville de Paris. (...)

31Lorsque leur père meurt, Jacques II et son frère Daniel II se partagent son héritage constitué pour l’essentiel par des constitutions de rentes auxquelles s’ajoute la maison de Guyancourt. Daniel II, outre la maison dans laquelle il avait vécu quand il était curé de la paroisse en obtient cinq d’un montant de 524 lt. et 9 sols, le reste étant acquis par Jacques 1136. Mais un mois après le partage de la succession de son père, en décembre 1657, Jacques II Le Couteulx vend à son cousin Antoine I Le Couteulx 1406 lt. 18 sols 4 deniers de rentes sur le clergé et l’Hôtel de Ville qui sont rachetées pour 15 000 lt.37. Grâce à cette somme, Jacques II Le Couteulx peut abandonner le commerce de la draperie. Au début de l’année 1658, il vend son fonds de marchandises ainsi que ses tables et ses armoires à Nicolas de Villiers également marchand-drapier pour 5 800 lt., somme très modeste si on la compare aux sommes reçues par un autre marchand-drapier François Baudequin demeurant également rue Saint-Honoré qui vend en 1688 ses marchandises à un grand marchand-drapier parisien François Desplasses contre 56 111 lt.38. Ces différentes rentrées d’argent lui permettent d’acheter une charge de contrôleur des rentes de la ville de Paris tandis qu’il abandonne la rue Saint-Honoré pour la rue Saint-Denis39.

32De son mariage avec Madeleine Bourlon, il n’eut qu’une fille qui atteint l’âge adulte, Madeleine, laquelle épousa François Mauger, avocat au Parlement de Paris. Les activités marchandes des descendants de Daniel I Le Couteulx ont donc définitivement tourné court. Mais on peut penser que c’est la mort prématurée de Jacques Lustin qui en interdisant une association en bonne et due forme entre le gendre et son beau-père qui a empêché Daniel I de devenir un des grands marchands-drapiers parisiens contrairement à l’un de ses frères, Jacques I Le Couteulx.

Jacques, Catherine et leurs neveux

  • 40 A.N.M.C. Et. L VIII/13. 18 juin 1606.

33Lors de la signature du contrat de mariage en 1606 de Daniel I Le Couteulx et Marie Lustin, Guillaume I Le Couteulx et son fils aîné David I s’étaient engagés à décharger Daniel de « toutes affaires et négociations qu’il avait eues pour eux comme leur facteur »40. Ce fut Jacques I, le plus jeune des fils de Guillaume I, né le 3 octobre 1585, qui fut appelé à le remplacer.

  • 41 Le contrat de mariage a été signé devant le notaire Herbin dont les minutes (XLVIII) ont disparu. M (...)
  • 42 M. Vimont, La rue Saint-Denis, Paris, 1936, t. I, p. 248.
  • 43 A.N.M.C. Et. XXXV/75. 23 mars 1617. Jérôme Lefebvre est également débiteur d’autres marchands-drapi (...)
  • 44 A.D.S.M. 2 E1/2159. 14 janvier 1627.

34On l’a vu, en 1612, il fut chargé de représenter Le Couteulx et Cie auprès du tireur d’or Philippe Le Bœuf, de recevoir ses fils d’or et d’argent et de les faire parvenir à Rouen. L’année suivante, le 28 octobre 1613, il signait son contrat de mariage avec Catherine Lustin, une sœur de Marie Lustin. Il devenait ainsi le beau-frère de son frère Daniel I ce qui avait l’intérêt de resserrer les liens non seulement entre deux familles mais également entre deux sociétés41. Avant même son mariage, Jacques I demeurait rue Saint-Denis paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois dans une maison ayant pour enseigne l’Echiquier d’Or où ses parents rouennais descendaient quand ils venaient à Paris. Comme la rue Saint-Honoré, la rue Saint-Denis était une des plus grandes artères commerçantes de la capitale au xviie siècle où les membres des Six-Corps marchands-drapiers et surtout marchands-merciers grossiers étaient fort nombreux42. L’Echiquier d’Or fut pendant plusieurs années le siège de la branche parisienne de Le Couteulx et Cie que dirigeait Jacques I. C’est à ce titre qu’il signa le 23 mars 1617 un accord avec un marchand-drapier parisien Jérôme Lefebvre qui avait suspendu ses paiements, lui permettant de rééchelonner sa dette43. En 1620, toujours au nom de Le Couteulx et Cie il achète à Isaac Lefebvre, receveur des domaines de la Princesse de Conti qui dispose d’une partie des biens de l’abbaye de Saint-Germain des Prés, trois loges de la Foire Saint-Germain situées rue de Normandie pour la somme de 800 1t. lesquelles s’ajoutent aux six loges dont David Le Couteulx est déjà propriétaire. La mort de David I semble porter un coup sévère à la maison Le Couteulx et Cie désormais dirigée par Jean et Jacques. Il lui faudra plusieurs années avant de pouvoir remettre la main sur les loges qui appartenaient à David I et qu’acceptent de les vendre les héritiers de l’ancien chef de la société. C’est en 1627 que Louis Le Carpentier et sa femme Élisabeth Le Couteulx cèdent le tiers des loges leur appartenant moyennant la somme de 100 lt.44.

  • 45 A.N.M.C. Et. L VIII/50. 28 juillet 1630. Deux autres filles de Jacques Lustin et d’Anne du Crocq on (...)
  • 46 R. Mousnier, Recherches sur la stratification sociale à Paris. L’échantillon de 1634-1635- 1636, Pa (...)
  • 47 A.N.M.C. Et. L XI/216. 1er juillet 1651. Reconnaissance de dette par Jacques I Le Couteulx.

35Au début de la décennie 1630, Le Couteulx et Cie recrute un troisième associé en la personne de Robert II Le Vavasseur déjà marchand-drapier à Paris mais qui est d’origine rouennaise puisqu’il est le fils du défunt Robert I Le Vavasseur marchand-bourgeois de Rouen et de Anne Le Couteulx, la sœur de Jean IV et de Jacques I. Neveu des deux dirigeants, Robert II Le Vavasseur bénéficie d’un lien supplémentaire avec les membres de sa famille puisqu’il a épousé en 1630, Michèle Lustin, la dernière des filles de Jacques Lustin45. Bien qu’Anne du Crocq ait abandonné toute activité marchande et que son état de santé fut chancelant, elle déclara être incapable de signer le contrat de mariage de sa fille Michèle « à cause d’une paralysie qui lui est survenue au bras », les Le Couteulx persistaient à vouloir renforcer les liens entre les deux familles à cause de la fortune encore importante d’Anne du Crocq. La dot versée à Michèle Lustin s’élevait à 7000 lt. soit près du double de ce qu’avait reçu Marie Lustin un quart de siècle plus tôt et c’était une somme très élevée puisque dans les années 1634-1635-1636 la grande majorité des dots était inférieure à 5 000 lt.46. Par ailleurs, Anne du Crocq n’hésitait pas à prêter de l’argent à ses gendres. C’est ainsi que Jacques I Le Couteulx reçut en 1626 un prêt de 3 356 lt. versé par sa belle-mère47.

  • 48 A.N.M.C. Et. L XI/186. 3 décembre 1635. Inventaire après décès de Michèle Lustin.

36La dot reçue par Michèle Lustin fut utilisée par Robert II Le Vavasseur pour entrer dans la société Le Couteulx. Sa part du capital aurait été de 2 833 lt. 6 sols I denier mais on ne sait si cela correspondait à un tiers des fonds de Le Couteulx et Cie48. Dans l’affirmative, le capital de Le Couteulx à cette date, était bien plus modeste que celui d’Anne du Crocq et de Daniel I Le Couteulx.

  • 49 Procès-verbal d’une visite de Anne de Beaulieu sieur de Saint Germain cité par A. Franklin, Les rue (...)
  • 50 A. N. KK 1025. Taxe sur les boues de Paris. 1637.
  • 51 A.N.M.C. Et. LX1/205. 29 mars 1645. L’ancien échevin l’accuse d’avoir dégradé son mur pour y avoir (...)
  • 52 A.N.M.C. Et. XXXV/128. 14 février 1632.

37Les années 1630 sont également marquées par le déménagement de Le Couteulx et Cie qui quitte la rue Saint-Denis pour s’établir rue de la Grande-Truandcrie, paroisse Saint Eustache, près du Puits d’Amour où elle va demeurer pendant près de neuf décennies. Pourquoi avoir quitté la brillante rue Saint-Denis pour une « rue boueuse avec plusieurs taz d’immondices ? »49. Peut-être est-ce dû au fait qu’il existait dans cette rue la maison des Messageries de Rouen ayant pour enseigne l’image Saint-Jacques et tenue par Jehan Mesnage « messager de Rouen »50. Pour une société qui reçoit de nombreuses pièces de draps en provenance de sa branche rouennaise, quoi de plus avantageux que de s’établir le plus près possible du lieu d’arrivée des correspondances et des marchandises venues de la Normandie. On peut également estimer que la maison située en face du Puits d’Amour (une jeune fille s’y était jetée au Moyen Age) était plus grande et plus confortable que celle habitée précédemment par Jacques I Le Couteulx. Elle comportait en effet deux corps de logis l’un devant et l’autre derrière, une cour au milieu de laquelle se trouvaient un puits et un jardin où Jacques I planta des arbres fruitiers ce qui aura pour résultat d’avoir dégradé le mur qui le séparait de la propriété de l’ancien échevin de Paris Jacques de Montheurs51. Jacques I Le Couteulx qui habitait déjà dans la maison avant même la signature du bail n’hésita pas à payer un loyer élevé de 600 1t. par an à son propriétaire Louis de Creil, bourgeois de Paris. Il en avait sans aucun doute les moyens52.

  • 53 A.N.M.C. Et. LXI/200. 27 décembre 1643. La location d’une loge lui coûte à cette date 38 1 par an.
  • 54 A.N.M.C. Et. LXI/202. 29 janvier 1645.

38Pendant encore une vingtaine d’années, Jacques I Le Couteulx continua à diriger la branche parisienne. Il est difficile de cerner l’ensemble des activités de cette société mais on peut être certain qu’elle continue à vendre ses draperies dans les foires du Lendit où elle finira par posséder une vingtaine de loges et dans celle de Saint-Germain où les neuf loges lui sont parfois insuffisantes en nombre, ce qui la conduit à en louer d’autres53. La société vend également ses draperies à des marchands-drapiers parisiens comme Louis Béguin qui demeure rue du Petit-Pont et qui, incapable de rembourser 1394 1t. 10 sols montant des marchandises qui lui sont cédées par Le Couteulx et Cie, acceptera que la société perçoive les loyers d’une maison appartenant à son épouse, maison qui, en l’occurrence, a pour enseigne l’Image Saint Jacques rue de la Grande-Truanderie, c’est donc la maison des Messageries de Rouen54.

  • 55 Sur les créances des acheteurs, cf. A.N.M.C. Et. LX1/191 12 et 19 avril 1639 , Et. LXI/212. 19 déce (...)

39Le Couteulx et Cie possède également une clientèle provinciale : Martin Boulon, marchand, demeurant à Clermont en Auvergne, le sieur Vaperaud de Bordeaux, Nicolas Maillet, marchand à Troyes, Bernard Bassouel, marchand de Dijon, le sieur Boize établi à Calais, Simon Bonnefoy, marchand à Poissy, ont procédé à des achats auprès de la société parisienne en ayant souvent du mal à les payer55.

  • 56 A.N.M.C. et LXI/192. 12 juin 1640.
  • 57 M. Lachiver, Vin, vigne et vignerons en région parisienne du xviie au xixe siècle, Pontoise, 1982, (...)
  • 58 Un muid = 269 litres.

40Le commerce des draperies ne constitue pas les seules activités marchandes de Le Couteulx et Cie. Il est très vraisemblable qu’elle ait participé au commerce du vin. En juin 1640, Jacques I Le Couteulx avait acquis de Nicolas Duboys, receveur des rentes de la ville de Paris, contre une rente de 400 lt. plus une soulte de 600 1t. « payée en pistoles d’Espagne » une maison avec clos et plusieurs arpents de vigne situés à Courbevoie56. Or Courbevoie est avec Argenteuil un des principaux centres du vignoble de l’Île-de-France57. À la fin du xviie siècle, les surfaces plantées en vigne dans le village de Courbevoie s’élevaient à plus de 3000 arpents avec une production certes inférieure à celle d’Argenteuil mais qui en 1788 atteignait encore 1429 muids de vin58.

  • 59 A.N.M.C. Et. LXI/219. 21 avril 1653. Inventaire après décès de Jacques Le Couteulx.

41Dans le cellier de la maison de Courbevoie, étaient installés un pressoir à vergus avec son pilier qui permettait de fabriquer le vin, et plusieurs entonnoirs en cuivre. Qu’une partie du vin produit dans sa propriété de Courbevoie ait été utilisée pour la consommation personnelle de Jacques I Le Couteulx est tout à fait évident, mais il est difficile d’admettre que les dix-neuf muids de vin de Courbevoie trouvés dans sa cave après son décès d’une valeur de 1003 lt. et d’un volume de 5111 litres n’aient pas été vendus à des clients parisiens59.

  • 60 J.P. Babelon, Demeures parisiennes sous Henri IV et Louis XIII, Paris, 1991, p. 114.

42Parmi les autres sources de revenus de Jacques I Le Couteulx figurait la sous-location de la maison de la rue de la Grande-Truanderie. Cette pratique était très courante à Paris pendant l’Ancien Régime60.

  • 61 A.N.M.C. Et. LXI/205. 23 mai 1646.

43Jacques Le Couteulx étant locataire principal d’un logement extrêmement vaste il lui était loisible d’en sous-louer une partie. C’est ce qu’il fit en 1646 en installant comme sous-locataire rue de la Grande-Truanderie, Pierre Matot chirurgien du roi moyennant le versement de 466 1t. par an, ce qui représentait les deux tiers de la somme qu’il réglait à son propriétaire61.

  • 62 A.N.M.C. Et. LXI/200. 30 octobre 1641.
  • 63 A.N.M.C. Et. LXI/184. 24 juillet 1634.

44Une autre source des revenus de Jacques I Le Couteulx provenait des sommes versées pour la mise en apprentissage d’adolescents voulant devenir marchands-drapiers même lorsqu’il s’agissait de membres de la famille Le Couteulx. Ainsi Jacques III Le Couteulx, le fils de Jean IV, l’associé de Jacques I qui entra en apprentissage chez son oncle à l’âge de dix-sept ans et demi lui remit 300 lt.62. Mais les apprentis n’appartenaient pas toujours à la famille Le Couteulx à l’instar de Mathieu Ravillon qui déposa également 300 lt.63.

  • 64 O. Ranum, Les Parisiens du xviie siècle, Paris, 1973, p. 119.
  • 65 A.N.M.C. Et. XX/272. 15 mars 1650.

45En 1650, Jacques I Le Couteulx alors âgé de 65 ans et son épouse quittèrent la rue de la Grande-Truanderie pour celle de la rue Neuve-Saint-Honoré, paroisse Saint-Roch. Depuis l’arrivée au pouvoir de Richelieu, les constructions nouvelles se multipliaient dans cet Ouest de Paris où venaient vivre les catégories sociales les plus aisées de la capitale64. La maison louée 900 lt. par an à Christophe Maillet, receveur général des dîmes de l’ordre de Saint-Sépulcre, est magnifique. Elle comporte un corps de logis comprenant deux grandes salles avec vue sur le jardin, trois cabinets, des dépendances dont « une escurie pour six chevaux, un hangar à mettre carosse avec écusson d’or fin », plusieurs caves65.

  • 66 A.N.M.C. Et. LXI/219. 21 avril 1653. Inventaire après décès de Jacques I Le Couteulx.

46Si par ce déménagement, Jacques I Le Couteulx semble prendre une semi-retraite, cela ne signifie pas forcément qu’il abandonne totalement son rôle dans la branche parisienne de Le Couteulx et Cie. Il en demeure membre toujours avec Jean IV Le Couteulx et Robert II Le Vavasseur puisqu’il a participé au renouvellement, le 6 octobre 1649, de la société, sa part comme celle de son frère se montant aux 3/8° tandis que leur neveu doit se contenter des 2/8° restants66.

  • 67 A.N.M.C. Et. L XI/218. 15 septembre 1652. Testament de Jacques I Le Couteulx.
  • 68 A.N.M.C. Et. L XI/219. 21 avril 1653. Sur la dynastie notariale des Moufle, cf. M.F. Limon, Les not (...)
  • 69 Les papiers de Louis de Barry sont conservés aux Archives nationales sous la côte Y-l 1111 année 16 (...)

47C’est dans sa maison de la rue Neuve-Saint-Honoré que la mort le surprit en septembre 1652 alors qu’il était âgé de 67 ans. Bien que déjà gravement malade, il avait eu la possibilité de dicter son testament, le 15 septembre 165267. Un inventaire après décès fut dressé à partir du 24 septembre quelques jours après sa mort et il aurait dû fournir un grand nombre de données sur ses actifs et son patrimoine ainsi que son style de vie, mais un curieux incident se produisit. Alors que le notaire Simon II Moufle, celui qui avait dressé l’inventaire, assistait à une messe le 13 octobre 1652, quelqu’un s’introduisit dans sa maison, brisa un carreau d’une fenêtre du dernier étage, força une caisse d’osier où se trouvait la minute de l’inventaire et s’empara de celui-ci68. Qui avait intérêt à ce vol ? Une enquête fut confiée à un commissaire-exécuteur du Châtelet de Paris, Louis de Barry mais on ignore si celui-ci a découvert le ou les coupables69.

48Le notaire Simon II Moufle fut donc obligé de dresser un nouvel inventaire quelques mois plus tard à partir du 21 avril 1653, mais on ne sait s’il a pu utiliser une copie du premier ou s’il a été contraint de reprendre son travail à zéro. En tout état de cause, comme pour la plupart des inventaires de l’époque, il semble que le montant des biens soit sous-évalué tandis que tous les biens fonciers comme les immeubles appartenant au défunt n’ont pas été mentionnés. De plus, comme il semble qu’un de ses fils soit décédé dans la même période que son père, il est possible qu’une partie des objets inventoriés notamment les livres et les tableaux ne faisait pas partie des biens du vieux marchand-drapier sans qu’on en soit certain.

  • 70 A.N.M.C. Et. XX/351. 19 mars 1678. Partage de la succession de Jacques I Le Couteulx.

49Jacques I Le Couteulx, selon les membres de sa famille était un homme très riche, réputation non usurpée si on analyse son inventaire après décès et surtout le partage de sa succession qui n’aura lieu qu’en 1678 quelques mois après la mort de son épouse Catherine Lustin avec qui il avait signé en 1617 un contrat de don mutuel. Chacun de ses six héritiers reçut 9 911 lt. 6 s. 3 d. soit un total de 59 467 lt. 7 s. 6 d.70. Mais ce chiffre ne correspond qu’imparfaitement à la valeur de son patrimoine au moment de son décès en septembre 1652.

  • 71 A.N.M.C. Et. L XI/218. 15 septembre 1652. Testament de Jacques I Le Couteulx.

50En premier lieu, il faut tenir compte des nombreux legs que Jacques I avait octroyé dans son testament71. De nombreuses institutions ecclésiastiques en bénéficièrent comme l’Hôtel-Dieu de Paris qui reçut 50 1t. Cette somme fut également attribuée aux quatre ordres mendiants, à un couvent de Rouen, à celui des Capucins, rue Saint-Honoré, la confrérie du Rosaire obtint 100 1t. tandis que la fabrique de la paroisse Saint-Roch dut se contenter de 18 lt. Jacques I comme il l’écrivait dans son testament tenait à « assurer le repos de son âme ». C’est pourquoi il s’engageait à ce que, après sa mort, une messe mensuelle pendant une durée de vingt ans lui soit consacrée et que ses héritiers soient chargés de les rémunérer. En vertu d’une longue tradition, à l’article de leur mort, les riches entendaient assister les pauvres. Ceux de la paroisse Saint-Eustache dans laquelle il avait longtemps habité se virent accorder 100 1t. tandis que les « pauvres honteux » de celle de Saint-Roch bénéficièrent de 2 000 lt. tandis que 1 000 1t. étaient versés à la fabrique Saint-Roch pour entretenir un prêtre qui devait recevoir les confessions des pauvres malades.

51Les membres de sa famille n’étaient pas oubliés. Les enfants de David I son frère qu’il aimait tant se virent accorder 50 1t. de rente chacun, il donna un legs de 300 1t. aux enfants de Robert II Le Vavasseur, son neveu et associé. Son petit-neveu, Nicolas II Le Couteulx, âgé de quelques mois et dont le père était mort l’année précédente reçut 1 000 1t. Les filleuls de Jacques I furent moins bien lotis, l’une reçut 100 1t. et l’autre, un garçon, 50 1t. Cette somme fut également léguée à Gaspard Damiens, le filleul de l’un de ses fils déjà décédé. Une belle-sœur, madame Aubert née Lustin, reçut 100 1t.

52Ses domestiques et ceux de sa femme furent récompensés de leurs services : une servante de cuisine, une fille de chambre, un serviteur reçurent chacun 30 lt.

53Il faut également tenir compte de la dernière maladie de Jacques I Le Couteulx. On paya les gardes-malades, les apothicaires et les médecins. Le coût des obsèques fut retiré de l’actif de la succession de Jacques I Le Couteulx. Son cercueil de plomb coûta 95 lt., le prêtre qui veilla le cadavre du défunt obtint 7 1. 13 sols tandis que le curé de Saint-Roch bénéficia de 493 lt. « pour les droits et frais funéraires tant pour lui que pour son clergé ». Quant aux fossoyeurs qui creusèrent la fosse dans l’enclos du couvent des Grands-Augustins sur la rive gauche de la Seine, ils reçurent 8 lt.

  • 72 A.N.M.C. Et. XX/351. 19 mars 1678. Partage de la succession de Jacques I Le Couteulx.
  • 73 A.N.M.C. Et. XVI/410. 19 décembre 1654 et 22 décembre 1654. En réalité d’après son inventaire après (...)

54En tenant compte de toutes ces dépenses, l’actif brut de Jacques I Le Couteulx devait être porté selon le notaire qui organisa le partage de la succession à 71 117 1t. 17 sols 6 d dont 3 653 lt. 4 s d’arrérages de rentes72. Mais cette réévaluation notariale est encore éloignée du montant de la véritable fortune de Jacques I Le Couteulx. En effet, sa veuve avait transformé en constitution de rentes certains des prêts qu’il avait accordés à quelques-uns de ses proches. C’est ainsi qu’une obligation souscrite par Robert II Le Vavasseur d’un montant de 8500 1t. devenait une rente de 425 lt. tandis que 50000 1t. prêtés à trois de ses neveux qui avaient pris la direction de Le Couteulx et Cie, Jacques, Antoine demeurant à Paris et Jean VIII habitant Rouen, furent transformés en une rente du denier vingt soit 2500 lt.73.

  • 74 A.N.M.C. Et. L VIII/29. 14 février 1617.

55Dernier élément qui entre en ligne de compte, la communauté de biens existant entre Jacques I et Catherine Lustin en vertu du contrat de don mutuel conclu en 161774. D’après la coutume de Paris, tous les biens meubles ainsi que les acquisitions de biens-fonds devaient revenir par moitié à chacun des deux époux. La succession de Catherine Lustin veuve Le Couteulx bénéficie donc d’une partie du patrimoine de son époux.

56On peut donc conclure, au vu de tous ces éléments que la fortune de Jacques I est plus importante que celle de son frère Jean IV décédé une année avant lui et qu’elle dépasse largement la centaine de milliers de lt., ce qui n’a rien d’étonnant puisque le corps des marchands-drapiers auquel appartenait Jacques I était le premier des Six-Corps parisiens et qu’un grand nombre d’entre eux appartenait à la couche la plus fortunée de la population parisienne.

57La composition de la fortune du couple, Jacques I Le Couteulx – Catherine Lustin est très diversifiée. Meubles meublants, vaisselle d’argent, tableaux, livres, monnaies, fermes à Orgerus et à Courbevoie représentent une partie importante de leur patrimoine, mais il faut y ajouter la part du marchand-drapier dans le fonds de la société Le Couteulx et Cie, ses créances et ses constitutions de rente. Seul semble-t-il lui manque des biens immobiliers dans la capitale, il n’a été que locataire mais dans des maisons de plus en plus somptueuses.

58Les conditions de vie des deux époux auraient sans doute fait pâlir d’envie Daniel I qui rue Saint-André-des-Arts ne disposait que de deux pièces. Dans leur habitation de la rue Neuve-Saint-Honoré, ils bénéficient d’un grand confort comme on avait pu se rendre compte partiellement en lisant le contrat de location date de 1650. L’inventaire après décès la décrit de façon plus précise : elle comporte une grande cuisine avec vue sur une cour, deux chambres dont une très vaste, plusieurs cabinets et un grand grenier et plusieurs caves. La valeur des meubles (armoires, chaises, fauteuils, lits) s’élève à 4014 lt. 16 sols tandis que l’argenterie qui comprend un bassin, une petite aiguière, quatre flambeaux, dix-sept fourchettes, vingt cuillers et quatre tasses, tout d’un poids global de 68 marcs, est prisée 2 142 lt.

59Le couple Le Couteulx possède également un anneau d’or d’une valeur de 1 500 1t. et des petits diamants.

60Parmi les autres composantes du patrimoine de Jacques I Le Couteulx figurent des biens immobiliers, à savoir une maison achetée à Orgerus en 1644 pour 6 000 lt. et une autre acquise comme on l’a vu à Courbevoie grâce à un échange d’une rente de 400 lt. plus une soulte de 600 1t. et il est indiqué que la valeur rachetable pouvait atteindre 6400 lt.

  • 75 A.N. Et. XX/351. 1er janvier 1678.

61La liquidation de deux sociétés Le Couteulx et Cie fournit une part non négligeable des actifs de la succession de Jacques I Le Couteulx. La première intitulée la vieille compagnie a pris fin en 1649. Jacques était créancier pour 3 888 lt. tandis que la nouvelle compagnie qui fut renouvelée pour neuf années à partir du mois d’octobre 1649 laissait un actif de 14125 lt. dont les 3/8 appartenant à Jacques Le Couteulx se montaient à 5 659 It., les héritiers de son frère Jean IV disposant du même pourcentage alors que Robert II Le Vavasseur ne bénéficiait que de 2/8. Mais il fallait ajouter les valeurs des neuf loges de la foire Saint-Germain et de vingt loges de la foire du Lendit à Saint-Denis dont l’état de délabrement était tel en 1678 qu’on estimait qu’elles n’avaient plus aucune valeur75.

62Les créances dont disposait Jacques I Le Couteulx étaient très élevées. La plus importante est celle, on l’a vu, dont étaient redevables trois de ses neveux et qui s’élevait à 41 000 lt. mais il avait également prêté 1450 1t. à deux libraires de Paris, Mathurin et Jean Henault, 1 100 lt. à la comtesse de Flaix (?).

  • 76 A.N.M.C. Et. XX/351. 1er janvier 1678.
  • 77 Sur les conditions de rédaction des testaments devant notaire ainsi que sur l’attitude du testament (...)

63Enfin la dernière partie de la fortune de Jacques Le Couteulx provenait de sa part de l’héritage de son père Guillaume I et celle d’un autre de ses frères Pierre, marchand de Rouen, décédé sans enfant, laquelle se montait à 2223 lt.76. Riche marchand, Jacques I Le Couteulx était aussi un homme de culture, une culture dont un des éléments structurants était la religion. Que Jacques I, comme la plupart des membres de sa famille appartenait désormais au catholicisme, religion majoritaire du royaume et ait rompu avec le protestantisme, son testament permet de s’en convaincre. Il recommandait son âme à Dieu « comme véritable chrétien et fidèle catholique ». Il implorait « l’intercession de la glorieuse Vierge Marie et de tous les saints », il faisait appel à de nombreux intercesseurs terrestres en premier lieu les ordres religieux et il demandait à être inhumé dans le couvent des Grands-Augustins où avaient été enterrés les parents de son épouse77. Ses legs nombreux à différentes institutions catholiques prouvaient si besoin était qu’il était désormais profondément marqué par la Réforme catholique.

64Pourtant, si on compare son testament avec celui de son beau-père ou de sa femme Catherine Lustin qui le rédigera en 1677, on s’aperçoit qu’il existe quelques différences. Jacques I se contente de demander l’intercession de tous les saints alors que Jacques Lustin réclamait celle de l’Archange saint Michel et de son patron saint Jacques. Quant à Catherine, dans son testament de 1677 (elle en avait déjà rédigé un autre en 1623 où elle se définissait comme « bonne catholique » elle écrivait :

  • 78 A.N.M.C. Et. XXIV/310. 27 mars 1623. Premier testament de Catherine Lustin, A.N.M.C. Et. LXI/264. 2 (...)

« après avoir demandé pardon à notre Seigneur et l’avoir supplié de me faire miséricorde... et avoir la glorieuse Vierge, Saint Joseph et Sainte Catherine ma patronne, les Saints Anges et toute la Court (sic) la Cour céleste de m’obtenir cette dernière grâce remettant tant mon esprit et mon âme à l’imitation de mon Sauveur entre les mains de son père éternel et laissant mon corps à la disposition de la Sainte Église dans la foy apostolique et romaine »78.

65La brève invocation au culte des Saints que prononce Jacques I Le Couteulx pourrait faire penser que, sur ce point au moins, son catholicisme manque de force.

66La culture de marchand-drapier n’est pas seulement tirée de la religion. En effet, Jacques I Le Couteulx possède une riche bibliothèque et une collection de tableaux d’un grand intérêt, ce qui pourrait permettre d’affirmer qu’un marchand-bourgeois parisien du xviie siècle ne saurait se désintéresser du patrimoine culturel et ne se préoccuperait pas uniquement des affaires.

  • 79 Sur cette pratique, cf. H.J. Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au xviie siècle (1598- 1701 (...)
  • 80 HJ. Martin, op. cit., t. II, p. 567.
  • 81 H.J. Martin, op. cit., t. I, p. 492.

67L’inventaire de la bibliothèque de Jacques I pose un certain nombre de problèmes. Tous les livres qui sont recensés lui appartiennent-ils ? Par ailleurs tous les titres de ses ouvrages ne sont pas indiqués. En effet, il arrive fréquemment que les livres de peu de valeur qui sont souvent des ouvrages récents sont regroupés dans des paquets dont aucune description n’est donnée79. Or c’est le cas de la bibliothèque de Jacques I Le Couteulx dont la prisée a été effectuée par deux libraires, les frères Mathurin et Jean Henault, qui travaillent souvent au service des Jésuites80. Ils ont confectionné 22 paquets qui comprenaient chacun plusieurs volumes avec un total de 279 ouvrages tandis qu’un autre paquet contient un grand nombre de cartes, le tout étant évalué à 263 lt. Les libraires se sont contentés, à la demande du notaire, d’indiquer le titre, le plus souvent le nom de l’auteur et la valeur de chacun d’entre eux de 119 ouvrages. Même si on ne tient compte que de ces ouvrages, la bibliothèque de Jacques I Le Couteulx est en 1652 une des plus importantes parmi celles que possèdent les artisans et les marchands à la même époque puisque parmi l’échantillonnage des inventaires établis entre 1642 et 1670, H.J. Martin n’a trouvé qu’un seul marchand (qui n’est pas Jacques I Le Couteulx) possédant une bibliothèque dont le nombre d’ouvrages était compris entre 101 et 50081.

68Sur les 119 ouvrages dont on possède le titre un nombre non négligeable est consacré à des thèmes religieux comme une Biblio Sacra, les Épîtres de saint Paul, les Sentences de Lombard, la Somme de saint Thomas d’Aquin, l’Histoire du Concile de Trente. Le plus récent a été écrit par Saint-Cyran : il s’agit de ses Lettres et on peut s’interroger sur l’intérêt ou non de Jacques I Le Couteulx pour le jansénisme naissant.

69Le fonds de la bibliothèque comprend également un grand nombre d’ouvrages d’auteurs de l’Antiquité, parmi eux figurent les Fables d’Esope, les Commentaires de César, deux volumes de Tite-Live, des œuvres de Sénèque et de Plutarque, l’Histoire de Paul-Emile et celle d’Héliodore. Si Jacques I Le Couteulx ne possède pas d’ouvrages d’humanistes au xvie siècle il s’est intéressé à l’histoire et aux ouvrages de science politique, ce qui pourrait en faire si l’on suit H.J. Martin un membre de la tendance moderniste orientée vers l’actualité. Parmi ses livres d’histoire on peut mentionner les Chroniques de Montrelet consacrées au Moyen-Age, les Mémoires de Commines, l’Histoire de Louis XI par Pierre Mathieu, les Recherches sur l’Histoire de France d’Étienne Pasquier. Les livres consacrés à l’histoire de France du xvie siècle sont très nombreux. Citons l’Histoire de France du protestant La Popelinière, les Commentaires du catholique Montluc, les Lettres du cardinal d’Ossat, les Mémoires du Tillet d’un caractère très gallican, les Œuvres de Du Bartas, huguenot convaincu, celles de Martin du Bellay sur le Règne de François I. D’autres ouvrages sont consacrés aux règnes des premiers rois Bourbons comme ces Décades de Henri IV, les Décades de Louis XIII et l’Histoire du connétable de Lesdiguière, ancien chef militaire protestant converti au catholicisme sous le règne de Louis XIII. À ces ouvrages ayant pour thème principal l’histoire de France s’ajoutent des livres portant sur la capitale comme les Annales de Paris et les Antiquités de Paris et d’autres traitant de l’histoire de nombreux pays européens comme l’Histoire des Pays-Bas de Guichardin, une Histoire de Naples, une Histoire de la Turquie par Chalcocondyle alors très en vogue. Jacques I Le Couteulx est également détenteur de deux éditions des Six livres de la République de Jean Bodin, le défenseur de l’absolutisme, l’un en latin et l’autre en français, les Œuvres de Guillaume de Vair qui appartient au « parti » des Politiques hostiles aux Ligueurs, avant de se rallier à Henri IV en publiant son Discours pour le maintien de la loi salique.

70La bibliothèque du marchand-drapier contient des œuvres littéraires françaises ou étrangères comme les Œuvres de Ronsard et les Essais de Montaigne, la Jérusalem délivrée du Tasse et surtout l’Orlando Furioso de L’Arioste dont l’édition date de 1584 et est prisée 30 lt. soit l’ouvrage dont le prix est le plus élevé de tous ceux que possède Jacques I, la valeur totale de sa bibliothèque se montant au total à 860 lt. 11 sols.

71D’autres types d’ouvrages ont intéressé Jacques I Le Couteulx, ce qui démontre sa grande curiosité d’esprit et le grand nombre de ses centres d’intérêt. On recense le Traité d’Algèbre de Viète, mathématicien actif pendant la seconde moitié du xvie siècle, un Atlas en trois volumes prisés 60 lt., des ouvrages de géographie, une Cosmographie, les Côtes de France de Tassin, des ouvrages d’architecture comme le Traité d’Architecture de Palladio et un des premiers Dictionnaires publiés en Europe, celui de Calepin...

  • 82 A.N.M.C. Et. L XI/217. 11 avril 1652. Inventaire après décès de Nicolas I Le Couteulx.
  • 83 A. Schnapper, Curieux du grand siècle. Oeuvres d’art, Paris, 1994.
  • 84 N. Heinich, De l’artisan à l’artiste. Artisans et académiciens à l’âge classique, Paris, 1993, p. 5 (...)
  • 85 F. Bayard, Le monde des financiers au xviie siècle, Paris, 1988, p. 425.

72Dans le monde des marchands parisiens du xviie siècle l’ampleur des ouvrages appartenant à Jacques I et leur variété constituent-elles une exception ? Faute de pouvoir se livrer à une étude globale des bibliothèques des milliers de marchands parisiens actifs au début du règne de Louis XIV, il est difficile de se prononcer. Ajoutons pourtant qu’un des neveux de Jacques I, Nicolas I Le Couteulx marchand-drapier comme lui qui mourut en 1651 à l’âge de trente ans possédait déjà au moment de son décès une cinquantaine de livres d’histoire82. Amateur de livres, Jacques I est également un collectionneur de tableaux et on pourrait le désigner comme un curieux83. Sa collection est inférieure en nombre à celle du marchand-mercier Evrard Jabach d’origine étrangère qui possédait plusieurs milliers de tableaux et de dessins84 ou de certains financiers parisiens qui en avaient rassemblé plusieurs centaines dont des œuvres de Léonard de Vinci, Véronèse ou le Titien85. Dans la maison de Jacques I, rue Neuve-Saint-Honoré, les peintres chargés de la prisée des tableaux, Isaac Henriet et Augustin Quesnel ont trouvé 17 tableaux et une caisse d’estampes, le tout évalué à 935 lt. mais ce sont des œuvres d’une grande qualité qui montre le goût de leur détenteur pour l’art contemporain. Voilà ce que rédigent Henriet et Quesnel, deux bons peintres de la première moitié du XVIIe siècle.

Un tableau long de cinq pieds avec sa bordure représentant
l’histoire romaine de Horace Codes qui fait rompre le pont pendant le combat prise 250 lt.
Un tableau et paysage de Claude Le Lorrain de quatre pieds ou environ prisé 200 lt.
Un tableau de cinq pieds ou environ avec sa bordure du Maltais
qui représente un tapis prisé
60 lt.
Deux paysages de Philippe Napolitain
longs d’un pied et demi de large, prisés ensemble
120 lt.
Un tableau de (illisible) représentant le Silène
à demi-corps grand comme la nature prisé
25 lt.
Deux paysages d’un peintre nommé Gaspard Gasprc :
Un tableau de Tourmente et mer fait par un peintre nommé Montagne
50 lt.
20 It.
Un tableau copie du Guide Bolonais représentant l’Aurore prisé 40 lt.
Cinq petits tableaux copie de Raphaël d’Urbain prisés ensemble 30 it.
Un petit tableau paysage copie de Philippe Napolitain prisé 10 lt.
Un tableau de Vierge et Repos d’Égypte d’après Cullibage (Caravage ?) prisé 100 1t.
Une caisse de plusieurs sortes d’estampes prisée 30 lt.
  • 86 Claude Nivelon, Vie de Charles Le Brun, Paris, 1700, cité par H. Jouin, Charles le Brun et les Arts (...)

73Cette énumération appelle plusieurs remarques. Le premier tableau celui représentant Horace Codes qui fait rompre le pont dont l’auteur n’est pas désigné est celui qui aux yeux de Isaac Henriet et de Augustin Quesnel a le plus de valeur. C’est sans doute parce qu’ils pensaient que l’artiste qui en était l’auteur n’était autre que Nicolas Poussin, le peintre le plus en vogue au milieu du xviie siècle, dans les milieux des collectionneurs parisiens. Or, ce tableau est une œuvre de Charles Le Brun dont le prestige est, même s’il fait partie des fondateurs de l’Académie des Peintres et des Sculpteurs créée en 1648 est encore loin d’atteindre celui de son aîné. Mais on peut comprendre la méprise des deux priseurs. En effet, Charles Le Brun qui avait rejoint Nicolas Poussin à Rome en 1642 avait peint avec une telle habilité la scène fameuse où Horatius Cocles défendait Rome en rompant un pont que lorsque le tableau fut exposé à Rome tout le monde crut qu’il était de Nicolas Poussin jusqu’à ce que Charles le Brun dévoila à son illustre confrère « qu’il s’était appliqué à lui emprunter quelque chose de sa grande manière » mais il le fit confidentiellement de sorte que ce tableau actuellement conservé au Dulwich College Muséum près de Londres fut longtemps considéré comme étant l’œuvre de Poussin86.

  • 87 Sur la célébrité de Claude Le Lorrain au milieu du xviie siècle, cf. J. Thuillier, La peinture fran (...)

74Vers 1650, Claude Le Lorrain est un maître très apprécié qui dispose d’une nombreuse clientèle tant en Italie qu’en France alors que Gaspard Dughet dit le Guaspre, beau-frère de Nicolas Poussin qui en Italie, tout du moins, jouit d’une bonne réputation et gagne bien sa vie semble être mal connu par Isaac Henriet et Augustin Quesnel et il est possible que ses deux Paysages soient ses deux premiers tableaux introduits en France87.

75Quant aux autres tableaux, ils ont été peints par des artistes étrangers, italiens ou qui ont vécu en Italie comme d’ailleurs Nicolas Poussin, Charles Le Brun, Claude Le Lorrain et Gaspard Dughet. Italien est le Maltais alias Filippo Fieravino qui vivait à Rome vers 1640 et dont un tableau intitulé Tapis et armes est conservé au musée de Nancy. Italien aussi, Filippo Angelo dit Filippo Napolitano, peintre qui a travaillé au cours de la première moitié du xviie siècle à Naples et à Rome. Quand à Montagne que les peintres priseurs ne semblent guère connaître, il est probable qu’il s’agit de Renaud de la Montagne d’origine hollandaise qui a vécu la plus grande partie de sa vie en Italie.

76Quant aux copies possédées par Jacques I il s’agit de reproductions de tableaux de très grands peintres italiens tels que Raphael, Guido Reni, l’auteur de l’Aurore ou Le Caravage auteur d’un tableau intitulé Repos de la Sainte Famille en Egypte, ce qui explique qu’une copie est parfois évaluée à un prix plus élevé que celui d’un tableau original d’un peintre moins connu.

  • 88 G. Wildenstein, « Le goût pour la peinture de la bourgeoisie parisienne entre 1550 et 1610 » dans G (...)
  • 89 A.N.M.C. Et. L VIII/52. 15 avril 1631. Inventaire après décès d’Anne du Crocq.

77Jacques I Le Coutculx n’a pas acquis le moindre tableau flamand à l’exception peut-être du Silène dont le nom de l’auteur est indéchiffrable (mais il est possible que celui-ci soit un disciple de Ribera, peintre espagnol établi à Naples et auteur d’un Silène). Cela marque une rupture avec les goûts de la bourgeoisie parisienne qui à la fin du xvie siècle et au début du xviie siècle appréciait fortement la peinture flamande notamment les paysages88. Ce qui marque aussi l’originalité du curieux qu’est Jacques I Le Couteulx, c’est l’absence de tableaux religieux à l’exception de la copie de Caravage alors que ce type d’œuvres était très répandu dans de nombreux foyers parisiens de la première moitié du xviie siècle. C’était notamment le cas d’Anne du Crocq qui dans sa collection inventoriée lors de son décès en 1631 possédait Notre Seigneur sur la Croix, Notre Seigneur au jardin des Oliviers, une Vierge, une Madeleine, un Saint François, un Saint Bernard89.

  • 90 Charles Le Brun au Chancelier Séguier, Lyon, 18 janvier 1646, cité par H. Jouin, op. cit., p. 59.
  • 91 M. Röthlisberger, Tout l’oeuvre peint de Claude Lorrain, Paris, 1977, p. 164.
  • 92 H. Jouin, op. cit., p. 43-47.
  • 93 A.N.M.C. et L XI/264. 24 mai 1677. Testament de Catherine Lustin.
  • 94 A. Pardailhé-Galabrun, op. cit., p. 379.
  • 95 P. Francastel, Histoire de la peinture française, Paris, 1967, t. I, p. 119.

78Comment ces tableaux étaient-ils parvenus à Jacques I ? On peut estimer que plusieurs d’entre eux ont été vendus par Charles Le Brun. En effet, celui-ci après son retour de Rome en 1646 et malgré l’aide financière que lui accordait le chancelier Séguier, était à court d’argent. N’écrivait-il pas à son mécène alors qu’il arrivait à Lyon qu’il avait besoin de ses libéralités pour lui permettre de s’acquitter des sommes qu’il avait empruntées avant son départ de Rome pour couvrir les frais de son voyage de Rome à Lyon et de celles dont il avait besoin pour arriver à Paris90. Charles Le Brun était bien entendu propriétaire de « Horace Codes » dont il était l’auteur mais également d’un paysage de Claude Le Lorrain puisque dans le livre de vente de ce dernier sur l’ébauche du tableau représentant « Un paysage romain avec l’arc de Titus » était inscrit comme acquéreur Charles Le Brun avec la date de 164491. Par ailleurs, Charles Le Brun lors de son séjour à Rome avait collaboré avec Gaspard Dughet pour peindre plusieurs paysages tandis qu’il exécutait de nombreux copies d’après Raphaël ainsi que celles de « l’Aurore » de Guido Reni92. Est-ce Jacques Le Couteulx, le fils du marchand-drapier qui en aurait été acquéreur puisque Catherine Lustin écrivait dans son testament qu’il avait rapporté de Rome où il avait séjourné, cinq tableaux93 ? Il est plus vraisemblable que l’achat ait eu lieu à la foire Saint-Germain qui était au cours de la première moitié du xviie siècle un centre de vente d’objets de première importance à cause de la présence dans de nombreuses loges de marchands de tableaux et d’estampes94. Ainsi, Jacques I Le Couteulx, grâce à sa fortune et ses goûts faisait incontestablement partie de la société considérée comme polie et qui avait vu le jour dans les années 1630 à cause de l’enrichissement d’une fraction de la population parisienne résultant de la croissance de la capitale du royaume au cours de la première moitié du xviie siècle95.

  • 96 Ch. Le Couteulx, Remarques généalogiques... Jacques Le Couteulx semble être décédé quelques jours a (...)

79Cet homme hors du commun n’eut pas de successeur direct. Il avait eu au moins deux enfants, Gaspard et Jacques IV. Le premier était mort avant lui. Quant au second, on lui aurait proposé d’être conseiller au Parlement ce qu’il aurait refusé et après un voyage à Rome, il se serait retiré chez les Pères de l’Oratoire96.

  • 97 A.N.M.C. et LX 1/284. 24 mai 1677. Testament de Catherine Lustin datant en fait de 1673.
  • 98 A.N.M.C. et L XI/264. 24 mai 1677. Testament de Catherine Lustin, Jacques Blanchard a peint deux Sa (...)

80Catherine Lustin, veuve de Jacques I Le Couteulx, contrairement à sa mère n’essaya pas de continuer les activités marchandes de son époux. Disposant d’un patrimoine important, elle s’efforça d’aider ses neveux, Robert II Le Vavasseur, Jacques III et Antoine I Le Couteulx en leur prêtant de l’argent et dans son testament elle écrivit que « pour la bonne amitié » que ces derniers avaient rendue à son défunt mari et à elle-même, elle les déchargeait des arrérages de rente qu’ils lui devaient97 et cédait à Antoine I Le Couteulx à des conditions avantageuses sa maison de Courbevoie. Sa fortune fut utilisée pour acheter la maison de la rue Neuve Saint-Honoré où elle demeurait et plusieurs tableaux le plus souvent à sujets religieux comme Saint Joseph et la Vierge, la Sainte Famille, Saint Jerosme et Sainte Catherine dont l’auteur est Jacques Blanchard et qu’elle lègue dans son testament à « Monsieur Aubourg un petit tableau une Sainte Catherine faite par Blanchard »98.

  • 99 Charles Le Couteulx, Remarques généalogiques...
  • 100 Sur la création d’écoles dans l’île-de-France au xviie siècle, cf. J. Ferté, La vie religieuse dans (...)
  • 101 A.N.M.C. Et. L XI/252. 1erjuin 1671.

81Ce qui comptait le plus pour Catherine Lustin, c’était d’agir en bonne catholique. C’est ainsi qu’elle parvint à convertir, pendant un temps, au catholicisme, un membre de la branche protestante de la famille Le Couteulx, un fils de Jean Le Couteulx et de Françoise Duhamel99. Elle fonda une chapelle à Courbevoie ainsi qu’une fondation de messe basse. Ce qui apparaît comme le plus remarquable et qui s’inscrit dans les œuvres de la Réforme catholique, c’est la fondation à Orgerus où elle possède encore plusieurs biens et où son aïeul paternel a été inhumé, d’une école charitable. Cette école « doit instruire gratuitement les filles et leur apprendre la doctrine chrétienne ». Pour cela, elle constitua une rente annuelle de 150 lt. qui sera versée à la maîtresse d’école et que le curé d’Orgerus installera dans un lieu commode. Outre l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, la maîtresse d’école enseignera la doctrine chrétienne selon le catéchisme approuvé par l’évêque de Chartres, la paroisse d’Orgerus faisant partie de son diocèse. Cette maîtresse pourra être destituée par le curé si elle ne mène pas « une vie exemplaire et honnête » et elle ne pourra être une femme mariée. Elle est tenue de faire ses leçons pendant deux heures le matin et deux heures après dîner100. Après sa mort, Catherine souhaitait que les nominations soient effectuées d’abord par Daniel II Le Couteulx, le prêtre de Saint-Leu – Saint-Gilles, puis après lui par Jacques et Antoine I Le Couteulx marchands bourgeois demeurant à Paris et après eux par « le chef du nom de famille de Le Couteulx demeurant à Paris, à perpétuité »101.

  • 102 R. Hérard, Histoire de la rue Saint-Honoré, Paris, 1908, t. 1, note 2, p. 334.

82Six années après cette fondation, Catherine Lustin disparaissait après avoir fait de nombreux legs, à l’instar de son mari, à l’Hôtel-Dieu de Paris, à l’Hôpital général, aux couvents des Jacobins et des Feuillants à Paris, à la confrérie du Rosaire d’Orgerus, aux pauvres de cette paroisse... et en demandant à être inhumée avec son fds Jacques dans l’église Saint-Roch où pendant de nombreuses années on conservera une inscription funéraire rappelant les très nombreuses œuvres charitables dues à Catherine Lustin102.

  • 103 A.N.M.C. Et. L XI/260. 10 juin 1675. Inventaire après décès de Renée Duchesne veuve de Robert II Le (...)
  • 104 A.N.M.C. Et. XX/281. 13 février 1654. Contrat d’apprentissage de François Le Muet.
  • 105 A.N.M.C. Et. L XI/260. 10 juin 1675.

83Depuis l’établissement de Jacques I Le Couteulx dans le commerce parisien, plusieurs de ses neveux avaient abandonné Rouen pour gagner la capitale. Le premier, on l’a vu, fut Robert II Le Vavasseur, il fut suivi par Jean VII Le Couteulx, un des enfants de Guillaume II Le Couteulx et de Madeleine Besnières, puis de quatre fils de Jean IV Le Couteulx et de Marie Barbot, Nicolas I, Jacques III, Antoine I et Louis. Tous à l’exception de Louis qui pendant un temps s’employa chez un marchand de soieries de Paris puis revint à Rouen, devinrent des marchands-drapiers parisiens. Nicolas I et Jacques III vécurent dans l’orbite de leur oncle, habitant avec lui rue de la Grande-Truanderie. Tous n’eurent pas ensuite le même itinéraire. Robert II Le Vavasseur, après la mort de ses deux associés Jean et Jacques I Le Couteulx se mit à son compte. Il demeurait toujours rue de la Grande-Truanderie, mais dans une maison ayant pour enseigne l’Image Notre Dame qu’il avait racheté en 1653 à Louis Béguin, un débiteur de Le Couteulx et Cie et avait également acquis du même Louis Béguin une loge et demie située rue de la Lingerie à la Foire Saint-Germain, le tout pour 8000 lt. Il mourut quelques années plus tard vers 1656 sans avoir d’héritiers mâles. Après la mort de sa première épouse, Michèle Lustin, en 1635, il avait épousé Renée Duchesne, la fille d’un marchand-bourgeois de Paris, qui lui avait apporté une dot de 10000 lt. Le couple n’avait eu que des filles dont l’une Marie-Agnès épousa en 1665 un avocat du Parlement de Paris, François Commeau, avec une dot de 30000 lt. tandis que quatre autres sœurs entraient en religion dont l’une dans le couvent de Port-Royal des Champs103. Catholique comme Catherine Lustin, Renée Levesque n’abandonna pas le monde de la marchandise. Elle prit comme facteur François Le Muet, fils d’un marchand-drapier de Troyes et qui avait effectué son apprentissage auprès de Robert II Le Vavasseur104. Vivant dans la même maison que Renée Levesque, François Le Muet dirigeait la société qui écoulait une partie de ses draperies en province comme le montrent des extraits du livre-journal de Renée Duchesne commencé le 22 mars 1669 et interrompu le 29 mai 1675. La liste des clients débiteurs comprend les Sieurs Bernard de Marseille (334 lt.), Thorel de Rouen (2958 lt.), Collet de Coutances (217 lt.), Chaudu de Tours (151 lt.), Fournier de Château-Thierry (138 lt.), Dorigny de Reims (150 lt.), Gaudran de Lyon (1 167 lt.), la créance de ce dernier étant considérée comme mauvaise105. Ainsi, le rôle de redistribution des marchands-drapiers parisiens dans les provinces s’était donc maintenu dans le troisième quart du xviie siècle.

  • 106 A.N.M.C. Et. L XI/203. 23 mai 1645. Contrat d’apprentissage d’Alexandre Poupart. Nicolas I Le Coute (...)
  • 107 A.N. Et. L XI/211. 10 mars 1649. Protêt contre le sieur Frize interprète du roi.
  • 108 A.N.M.C. Et. LXI/216. 1er juillet 1651. Mariage Nicolas Le Couteulx – Jeanne Géhénault.
  • 109 A.N.M.C. Et. L XI/217. 11 avril 1652. Inventaire après décès de Nicolas I Le Couteulx.

84En 1650, Jean IV Le Couteulx de Rouen, on le sait, avait décidé de créer une nouvelle compagnie toujours intitulée Le Couteulx et Cie avec ses enfants Nicolas I, Jean VIII, Jacques III et Antoine I. Or, coup du sort, Jean, le père devait mourir une année après la constitution de la société suivi quelques semaines plus tard par Nicolas I, son fils aîné. Né en 1621 à Rouen, Nicolas I était venu très tôt à Paris puisqu’on 1645 il était déjà marchand-drapier bourgeois de Paris106. Il travailla un temps auprès de son oncle faisant dresser lorsque c’était nécessaire des protêts de lettres de change devant notaire107, ce qui lui permit sans doute de constituer un actif non négligeable. Lors de son mariage avec Jeanne Géhénault la fille d’un receveur de l’abbaye de Chelles qui disposait d’une dot de 20000 lt., il indiquait que son apport personnel s’élevait à 22000 lt. dont la moitié allait dans la communauté108. Mais il mourut moins de trois mois après son mariage, le 21 septembre 1651, laissant sa femme enceinte sans qu’on s’en aperçut à ce moment-là, ce qui explique sans doute que son inventaire après décès ne fut établi que sept mois après sa disparition, le 11 avril 1652109. Ce dernier nous permet de saisir ce qu’était le genre de vie d’un jeune marchand parisien. Son logement qu’il partageait avec son frère Jacques III, toujours situé rue de la Grande-Truanderie comprenait une chambre, un cabinet, une salle, une autre chambre en galetas. Sa femme et lui possédaient de nombreux vêtements. Jeanne disposait entre autres de deux déshabillés dont l’un de satin blanc, de nombreuses jupes dont plusieurs en soie et de plusieurs coiffes. Quant à lui, il jouissait de plusieurs habits en drap de Hollande et d’Angleterre, plusieurs pourpoints doublés de taffetas, cinq chapeaux de castor, plusieurs paires de gants. Il avait des meubles de qualité dont un cabinet d’Allemagne prisé 160 lt. Des rideaux de soie ornaient les fenêtres tandis que sur les murs figuraient des tapisseries de Rouen et de Flandre et un miroir d’une grande valeur puisqu’il était évalué à 60 lt. Dans une armoire, il avait placé des diamants et une croix d’or et il disposait de 324 1t. d’argent liquide. Comme de nombreux bourgeois parisiens, la Fronde n’étant pas terminée, il possédait des armes en l’occurrence un mousquet et deux pistolets...

85Ce qui était cependant le plus frappant c’était les nombreux objets culturels qu’il avait rassemblés : d’abord une épinette, un instrument de musique proche du clavecin, 28 tableaux grands et petits peints sur bois et sur toile représentant des Saints, une cinquantaine de volumes « de plusieurs histoires reliées tant en veau qu’en parchemin » prisés 10 lt. et neuf pièces d’albâtre.

86À ces biens meubles, il faut ajouter son actif, dans la société Le Couteulx et Cie qui fut évalué dans un premier temps à 10929 lt. et 10 sols 10 deniers. On peut penser que s’il avait vécu plus longtemps Nicolas I aurait été le digne successeur de son oncle Jacques I. Mais son décès prématuré risquait de déstabiliser la société Le Couteulx et Cie. La continuation de celle-ci dépendait désormais des neveux survivants de celui qui avait fait de sa société une des plus opulentes de la place de Paris.

Notes

1 R. Gourmelon, L’industrie et le commerce des draps à Paris du xiiie au xvie siècles, Thèse, École des Chartes, Paris, 1950, p. 200.

2 P. Goubert, Beauvais et le Beauvaisis de 1600 à 1730. Contribution à l’histoire sociale e la France du xviie, Paris, t. I., p. 310.

3 A.N.M.C. Et. L VIII/13. 13 avril 1606. Contrat d’apprentissage de Daniel Le Couteulx.

4 A.N.M.C. Et. L VIII/13. 18 juin 1606. Contrat de mariage Daniel Le Couteulx – Marie Lustin.

5 R. Descimon, Qui étaient les Seize, Paris, 1983, p. 76.

6 Pierre de L’Estoile, Mémoires-journaux, Paris, 1881, t. IX, pp. 232 et 419.

7 R. de Lespinasse, « Les métiers et les corporations de la ville de Paris » dans Histoire générale de Paris, Paris, 1879, t. III, p. 217.

8 A.N.M.C. Et. L V111/18. 22 mars 1609 et jours suivants. Les premières pages ont été détériorées par l’humidité.

9 M. Trudel, Histoire de la Nouvelle France, Montréal, 1963, p. 187.

10 A.N.M.C. Et. L VIII/13. 18 mai 1606.

11 A.N.M.C. Et. XXII/115. 18 septembre 1607.

12 A.N.M.C. Et. L VIII/69. 9 décembre 1639.

13 A.N.M.C. Et. L VIII/18. 7 janvier 1609.

14 L’arpent de Paris représente 1/3 d’hectare.

15 A.N.M.C. Et. V/103. 26 février 1647.

16 A.N.M.C. Et. L VIII/18. 17 mars 1609. Sur les messagers de l’Université, cf. A. Franklin, Dictionnaire historique des Arts et Métiers exercés dans Paris depuis le xiiie siècle, Paris, 1906, p. 112.

17 A.J.V. Le Roux de Lincy, Histoire de l’Hôtel de Ville, Paris, 1848, p. 195.

18 A.N.M.C. Et. L VIII/18. 17 mars 1609. Testament de Jacques Lustin.

19 Jacques Lustin ne faisait pas partie des Seize. Cf. R. Descimon, op. cit., p. 230.

20 Sur les conditions d’acquisition du droit de bourgeoisie à Paris, cf. R. Pillorget, Les premiers Bourbons 1589-1661. Nouvelle Histoire de Paris, Paris, 1988, p. 116.

21 A.N.M.C. Et. L VIII/18. 22 mars 1609. Inventaire après décès de Jacques Lustin. Copie du contrat de mariage Anne Lustin – Gilles Mahias. La dot d’Anne, 3 600 lt., est identique à celle de Marie.

22 A.N.M.C. Et. LVIII/20. 10 juin 1610.

23 A.N.M.C. Et. L VIII/28. 9 août 1616. Procuration Anne du Crocq à Daniel I Le Couteulx.

24 A.N.M.C. Et. L VIII/38. 4 juillet 1625. Inventaire après décès de Marie Lustin.

25 S. Melchior Bonnet, Histoire du miroir, Paris, 1994, p. 37. Dans 248 inventaires échelonnés entre 1581 et 1622, il n’est fait mention que de trente sept miroirs dont seulement neuf en glace de Venise. Seuls cinq foyers sur deux cent cinquante huit possèdent deux miroirs.

26 A.N.M.C. Et. L VIII/38. 4 juillet 1625. Inventaire après décès de Marie Lustin.

27 R. Descimon, « Paris on the eve of Saint Bartholomeu. Taxation privilège and social geography » dans Cities and social change in early modem France (R. Bénédict ed), London, 1989, p. 98.

28 A.N.M.C. Et. XXXV/132. 27 février 1633.

29 A.N.M.C. Et. L VIII/55. 18 septembre 1632, et LX I/187. 21 janvier 1636.

30 A.N.M. C. LVIII/56. 10 mai 1633.

31 Il a rédigé un testament le 10 octobre 1656 suivi d’un codicille le 15 novembre de la même année qui seront déposés chez le notaire Rallu mais les minutes de l’étude de celui-ci ont brûlé pendant la Commune de Paris.

32 A.N.M.C. Et. L VIII/72. 17 novembre 1640.

33 A.N.M.C. Et. X/91. 11 septembre 1644. François Bourlon et sa femme vont aller vivre chez Anthoine Amaury, un autre de leurs gendres.

34 AN. M.C. Et. L XI/217. 9 février 1652. Son père lui remet 2450 lt.

35 A.N.M.C. Et. L XI/212. 9 août 1649. Contrat d’apprentissage de Charles Deschamps.

36 A.N.M.C. Et. L XI/228. 28 novembre 1657. Délivrance de legs.

37 A.N.M.C. Et. L X./228. 20 décembre 1657. Vente de rentes.

38 A.N.M.C. Et. XC VIII/49. 3 juin 1688. Sur la famille Desplasses. Cf. A. Pardailhé-Galabrun, Naissance de l’intime. 3000foyers parisiens xviie-xviiie siècles, Paris, 1988, p. 185.

39 En 1672 il est qualifié de conseiller du roi cy-devant contrôleur des rentes de la ville de Paris. Cf. A.N.M.C. Et. IX/444. 27 mai 1672.

40 A.N.M.C. Et. L VIII/13. 18 juin 1606.

41 Le contrat de mariage a été signé devant le notaire Herbin dont les minutes (XLVIII) ont disparu. Mais le résumé en est inscrit dans l’inventaire après décès de Jacques I Le Couteulx. A.N.M.C. Et. LXI/219. 21 avril 1653. La dot de Catherine Lustin s’élève à 5400 lt.

42 M. Vimont, La rue Saint-Denis, Paris, 1936, t. I, p. 248.

43 A.N.M.C. Et. XXXV/75. 23 mars 1617. Jérôme Lefebvre est également débiteur d’autres marchands-drapiers de province comme Jehan Le Gay de Beauvais et Robert Bourquelot et Pierre Martel, beau-frère de Jacques I, marchands de Rouen.

44 A.D.S.M. 2 E1/2159. 14 janvier 1627.

45 A.N.M.C. Et. L VIII/50. 28 juillet 1630. Deux autres filles de Jacques Lustin et d’Anne du Crocq ont épousé des marchands mais qui n’ont pas de lien avec Le Couteulx et Cie. Cf. A.N. M.C. Et. V/103. 26 avril 1647. Partage de la succession d’Anne du Crocq.

46 R. Mousnier, Recherches sur la stratification sociale à Paris. L’échantillon de 1634-1635- 1636, Paris, 1976. 92,16 % des dots d’un échantillon portant sur 1073 contrats de mariage sont inférieurs à 5 000 lt. Cf. p. 68.

47 A.N.M.C. Et. L XI/216. 1er juillet 1651. Reconnaissance de dette par Jacques I Le Couteulx.

48 A.N.M.C. Et. L XI/186. 3 décembre 1635. Inventaire après décès de Michèle Lustin.

49 Procès-verbal d’une visite de Anne de Beaulieu sieur de Saint Germain cité par A. Franklin, Les rues de Paris sous Louis XIII, Paris, 1988, p. 94.

50 A. N. KK 1025. Taxe sur les boues de Paris. 1637.

51 A.N.M.C. Et. LX1/205. 29 mars 1645. L’ancien échevin l’accuse d’avoir dégradé son mur pour y avoir planté plusieurs arbres à proximité.

52 A.N.M.C. Et. XXXV/128. 14 février 1632.

53 A.N.M.C. Et. LXI/200. 27 décembre 1643. La location d’une loge lui coûte à cette date 38 1 par an.

54 A.N.M.C. Et. LXI/202. 29 janvier 1645.

55 Sur les créances des acheteurs, cf. A.N.M.C. Et. LX1/191 12 et 19 avril 1639 , Et. LXI/212. 19 décembre 1649.

56 A.N.M.C. et LXI/192. 12 juin 1640.

57 M. Lachiver, Vin, vigne et vignerons en région parisienne du xviie au xixe siècle, Pontoise, 1982, p. 847.

58 Un muid = 269 litres.

59 A.N.M.C. Et. LXI/219. 21 avril 1653. Inventaire après décès de Jacques Le Couteulx.

60 J.P. Babelon, Demeures parisiennes sous Henri IV et Louis XIII, Paris, 1991, p. 114.

61 A.N.M.C. Et. LXI/205. 23 mai 1646.

62 A.N.M.C. Et. LXI/200. 30 octobre 1641.

63 A.N.M.C. Et. LXI/184. 24 juillet 1634.

64 O. Ranum, Les Parisiens du xviie siècle, Paris, 1973, p. 119.

65 A.N.M.C. Et. XX/272. 15 mars 1650.

66 A.N.M.C. Et. LXI/219. 21 avril 1653. Inventaire après décès de Jacques I Le Couteulx.

67 A.N.M.C. Et. L XI/218. 15 septembre 1652. Testament de Jacques I Le Couteulx.

68 A.N.M.C. Et. L XI/219. 21 avril 1653. Sur la dynastie notariale des Moufle, cf. M.F. Limon, Les notaires au Châtelet de Paris sous le règne de Louis XIV, Toulouse, 1992, pp. 243- 256.

69 Les papiers de Louis de Barry sont conservés aux Archives nationales sous la côte Y-l 1111 année 1639-1664, mais ils ne comportent aucune pièce sur cette affaire.

70 A.N.M.C. Et. XX/351. 19 mars 1678. Partage de la succession de Jacques I Le Couteulx.

71 A.N.M.C. Et. L XI/218. 15 septembre 1652. Testament de Jacques I Le Couteulx.

72 A.N.M.C. Et. XX/351. 19 mars 1678. Partage de la succession de Jacques I Le Couteulx.

73 A.N.M.C. Et. XVI/410. 19 décembre 1654 et 22 décembre 1654. En réalité d’après son inventaire après décès, Jacques 1 Le Couteulx aurait prêté 41000 lt. à ses trois neveux. Catherine Lustin sa veuve a sans doute ajouté un prêt de 9000 lt.

74 A.N.M.C. Et. L VIII/29. 14 février 1617.

75 A.N. Et. XX/351. 1er janvier 1678.

76 A.N.M.C. Et. XX/351. 1er janvier 1678.

77 Sur les conditions de rédaction des testaments devant notaire ainsi que sur l’attitude du testamentaire devant les intercesseurs célestes, terrestres et sa volonté à assumer des œuvres de miséricorde. Cf. M. Voyelle, Piété baroque et déchristianisation en Provence au xviie siècle, Paris, Seuil, édition abrégée, 1978, pp. 55, 147 et 183.

78 A.N.M.C. Et. XXIV/310. 27 mars 1623. Premier testament de Catherine Lustin, A.N.M.C. Et. LXI/264. 24 mai 1677. C’est à la veille de sa mort, son texte comprend de nombreux répétitions et des fautes d’orthographe.

79 Sur cette pratique, cf. H.J. Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au xviie siècle (1598- 1701), Genève, 1960, t. I, p. 493.

80 HJ. Martin, op. cit., t. II, p. 567.

81 H.J. Martin, op. cit., t. I, p. 492.

82 A.N.M.C. Et. L XI/217. 11 avril 1652. Inventaire après décès de Nicolas I Le Couteulx.

83 A. Schnapper, Curieux du grand siècle. Oeuvres d’art, Paris, 1994.

84 N. Heinich, De l’artisan à l’artiste. Artisans et académiciens à l’âge classique, Paris, 1993, p. 59.

85 F. Bayard, Le monde des financiers au xviie siècle, Paris, 1988, p. 425.

86 Claude Nivelon, Vie de Charles Le Brun, Paris, 1700, cité par H. Jouin, Charles le Brun et les Arts sous Louis XIV, Paris, 1889, pp. 52-53.

87 Sur la célébrité de Claude Le Lorrain au milieu du xviie siècle, cf. J. Thuillier, La peinture française au xviie siècle, Genève, 1993, t. II, p. 50. Sur Gaspard Dughet, Cf. M.N. Boisclair, Gaspard Dughet, Paris, 1986.

88 G. Wildenstein, « Le goût pour la peinture de la bourgeoisie parisienne entre 1550 et 1610 » dans Gazette de Beaux-Arts, Paris, 1962.

89 A.N.M.C. Et. L VIII/52. 15 avril 1631. Inventaire après décès d’Anne du Crocq.

90 Charles Le Brun au Chancelier Séguier, Lyon, 18 janvier 1646, cité par H. Jouin, op. cit., p. 59.

91 M. Röthlisberger, Tout l’oeuvre peint de Claude Lorrain, Paris, 1977, p. 164.

92 H. Jouin, op. cit., p. 43-47.

93 A.N.M.C. et L XI/264. 24 mai 1677. Testament de Catherine Lustin.

94 A. Pardailhé-Galabrun, op. cit., p. 379.

95 P. Francastel, Histoire de la peinture française, Paris, 1967, t. I, p. 119.

96 Ch. Le Couteulx, Remarques généalogiques... Jacques Le Couteulx semble être décédé quelques jours après son père puisque dans un inventaire-après-décès de 1653 de ce dernier, on énumère les frais médicaux et ceux de sépulture de « feu son fils ». Cf. AN. M.C. Et. L XI/219. 21 avril 1653.

97 A.N.M.C. et LX 1/284. 24 mai 1677. Testament de Catherine Lustin datant en fait de 1673.

98 A.N.M.C. et L XI/264. 24 mai 1677. Testament de Catherine Lustin, Jacques Blanchard a peint deux Sainte Catherine vers 1630-1681. Ils ont disparu. Cf. Ch. Sterling, « Les peintres Jean et Jacques Blanchard » Arts de France, 1961, n° 1, p. 85.

99 Charles Le Couteulx, Remarques généalogiques...

100 Sur la création d’écoles dans l’île-de-France au xviie siècle, cf. J. Ferté, La vie religieuse dans les campagnes parisiennes (1622-1695), Paris, 1962. La création d’écoles charitables se développe en Île-de-France dans la seconde moitié du xviie siècle.

101 A.N.M.C. Et. L XI/252. 1erjuin 1671.

102 R. Hérard, Histoire de la rue Saint-Honoré, Paris, 1908, t. 1, note 2, p. 334.

103 A.N.M.C. Et. L XI/260. 10 juin 1675. Inventaire après décès de Renée Duchesne veuve de Robert II Le Vavasseur.

104 A.N.M.C. Et. XX/281. 13 février 1654. Contrat d’apprentissage de François Le Muet.

105 A.N.M.C. Et. L XI/260. 10 juin 1675.

106 A.N.M.C. Et. L XI/203. 23 mai 1645. Contrat d’apprentissage d’Alexandre Poupart. Nicolas I Le Couteulx représente le père de ce dernier qui verse 400 lt.

107 A.N. Et. L XI/211. 10 mars 1649. Protêt contre le sieur Frize interprète du roi.

108 A.N.M.C. Et. LXI/216. 1er juillet 1651. Mariage Nicolas Le Couteulx – Jeanne Géhénault.

109 A.N.M.C. Et. L XI/217. 11 avril 1652. Inventaire après décès de Nicolas I Le Couteulx.

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