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Chapitre I. Premiers itinéraires normands
p. 19-40
Texte intégral
« Je suis plein de despit quand les femmes fragiles interprètent en vain le sens des Évangiles qui devraient mesnager et garder leur maison ».
Pierre de Ronsard, Remonstrance au peuple de France, 1562.
1Aujourd’hui comme à la fin du Moyen-Âge, Sainte-Marguerite-sur-Duclair, village situé à la limite méridionale du Pays de Caux, proche à la fois de l’abbaye de Saint-Wandrille et de la vallée de la Seine est divisé en plusieurs hameaux : Ronceray, la Fondance, Calibours, la Corderie... C’est probablement de ce dernier lieu-dit que sont originaires les Le Couteulx encore que les généalogistes anciens ou contemporains de cette famille laissent planer quelques doutes1. Pour B. Begouen-Demeaux, ils viendraient d’Angleterre et se seraient installés à Yvetot à la fin du xive siècle. Pour certains Le Couteulx, ils seraient originaires de cette ville du pays de Caux et l’auraient quitté pour gagner le petit village cauchois. La version donnée vers 1740 par un membre du Parlement de Rouen paraît plus vraisemblable : ce serait un « laboureur » c’est-à-dire un paysan aisé vivant à La Corderie qui serait à l’origine de la dynastie Le Couteulx2. Effectivement, on constate qu’à la fin du xviie siècle et pendant le xviiie siècle de nombreux Le Couteulx continuent à vivre à Sainte-Marguerite-sur-Duclair. Ainsi, en 1693, un Jacques Le Couteulx est propriétaire de terres labourables et de prés situés non loin des biens fonciers appartenant au trésor du village, qu’entre 1699 et 1717, les registres paroissiaux de Sainte-Marguerite-sur-Duclair enregistrent plusieurs mariages concernant des Le Couteulx, qu’un certain Charles Le Couteulx occupe quelques décennies plus tard la charge de trésorier de la paroisse tandis qu’à la veille de la Révolution parmi les principaux exploitants agricoles figurent Romain, Vincent et Étienne-François Le Couteulx3. Mais ces données n’ont que peu d’importance. On peut en effet adopter le point de vue de Denis Richet pour qui le problème des origines d’une famille est toujours un faux problème puisqu’on ne parviendra jamais à découvrir quel a été le premier ancêtre4.
2Pendant la guerre de Cent Ans, le pays de Caux a été victime d’une catastrophe démographique et économique qu’on a pu comparer à celle d’Hiroshima5. Il a fallu attendre la défaite des Anglais et la reconquête de la Haute-Normandie par la monarchie française pour que cette région connaisse une véritable renaissance. Les « laboureurs » c’est-à-dire ceux qui disposaient d’un attelage, en ont bénéficié et certains d’entre eux désireux de connaître une ascension sociale ont pu souhaiter que leurs enfants s’établissent dans une ville et s’adonnent au commerce.
3Un jeune Le Couteulx a donc dû partir pour la bourgade d’Yvetot, située à une quinzaine de kilomètres de Sainte-Marguerite-sur-Duclair, capitale au Moyen-Age d’une « principauté » ou d’une « royauté », et qui avait été grâce à l’exemption de taxes et d’impositions dont elle bénéficiait, un centre commercial actif depuis le xive siècle, au moins. Elle était en relation avec Harfleur, à cette époque un des ports les plus dynamiques de la France septentrionale. Des navires venus du Portugal ou de l’Espagne y apportaient des marchandises que réceptionnaient des marchands étrangers nombreux dans la ville et qui les expédiaient ensuite à Yvetot où elles étaient vendues dans ses foires et ses marchés à des commerçants locaux qui bénéficiaient de l’absence de droits. Ensuite, les marchandises, en particulier les cires et les cuirs étaient envoyées à Rouen ou à Paris6.
4La guerre de Cent Ans mit fin pour une longue période à la prospérité d’Yvetot surtout quand Henri V entreprit de conquérir la Normandie. En 1418, la capitale de la « principauté » fut presque totalement incendiée par les troupes anglaises. Sa population s’effondra, elle qui comptait environ quatre-vingts ménages, soit environ 400 habitants à la fin du xiiie siècle et qui avait connu ensuite une forte croissance démographique n’en avait plus que cinquante en 14667. Ce fut sans doute son étiage le plus bas car Yvetot comme l’ensemble de la Normandie profita de la reprise économique qui débuta dans les années 1460. De plus, elle parvint à maintenir ses privilèges fiscaux en vertu d’une charte que Louis XI accorda en 1464 aux Yvetotais après que le souverain ait fait procéder à une enquête sur la validité de leurs droits en faisant consulter trente-sept témoins habitant la bourgade depuis longtemps parmi lesquels ne figurait d’ailleurs aucun Le Couteulx8. Les marchés et les foires reprirent leurs activités et c’est sans doute dans les années qui suivirent la décision royale que Jean I Le Couteulx s’établit à Yvetot.
5À la fin du xve siècle, ce Jean I était donc devenu marchand mais on ignore quelles furent ses activités. Il aurait eu deux fils, Jean II et Laurent I qui lui auraient succédé. Jean II, d’après certains historiens de la famille, aurait connu une ascension économique et sociale fulgurante grâce à des opérations commerciales de haut niveau. Devenu banquier, il aurait financé plusieurs expéditions maritimes. Ainsi, en 1508, ce serait grâce à son aide que Thomas Aubert aurait pu réussir un voyage en direction de Terre-Neuve ou de l’Afrique. Le grand armateur dieppois Jean Ango aurait également fait appel à lui pour financer une expédition composée de deux bâtiments sous la direction des frères Parmentier en direction des Indes orientales9. Afin de le récompenser, Louis XII l’aurait anobli en 1505 et Jean II serait devenu seigneur de Bois-l’Évêque, Obville et Genouville, des fiefs situés dans le Pays de Caux. Ces assertions sont à prendre avec précaution. En effet, Dom Charles Le Couteulx, un chartreux appartenant à la famille et qui fut le premier à en écrire l’histoire n’y fait, dans ses Remarques généalogiques rédigées à la fin du xviie siècle ou au début du xviiie siècle, aucune allusion et il faut attendre 1756, année où deux membres de la dynastie sont anoblis pour qu’on en fasse mention. Par ailleurs, aucune lettre patente de Louis XII faisant de Jean II un noble n’a pu être retrouvée. Il est fort vraisemblable qu’il s’agit d’une invention tardive. En effet, pourquoi serait-il devenu noble en 1505 alors que les grandes expéditions qu’il aurait soit disant financées auraient eu lieu après cette date. En outre, s’il existe bien un lieu-dit nommé Bois-l’Évêque près de Béautot dans le Pays de Caux, ni Obville ni Genouville, fiefs ou paroisses n’apparaissent dans la région10.
6Il existe une autre version de la carrière de Jean II présentée par un lointain descendant de la famille Le Couteulx. Il s’agit de celle de Nicolas Marye, curé de Bouville en Normandie, qui a réalisé une histoire de ses ancêtres à la fin du xviiie siècle. Selon lui, Jean II était devenu le procureur ou « attoume » de la « principauté » d’Yvetot, ce qui semble être plus proche de la réalité11. On peut en effet estimer qu’au moment où ils ont obtenu leur anoblissement en 1756, les Le Couteulx ont voulu démontrer l’ancienneté de leur noblesse, une pratique courante que, par exemple, les Séguier avaient déjà mis en œuvre au siècle précédent12.
7D’une façon ou d’une autre, Jean II aurait donc abandonné les activités marchandes, ce qui n’aurait pas été le cas de Laurent I, son frère cadet. Celui-ci aurait décidé dans les premières décennies du xvie siècle qu’un de ses enfants, Laurent II, quitte Yvetot pour gagner Rouen, en bénéficiant de son aide. Plusieurs motifs semblent avoir été à l’origine de cette décision. La première est due au fait que le port d’Harfleur était victime d’un envasement malgré de grands travaux qui furent exécutés de 1469 à 1478 et que cela ne permettait plus aux grands navires de pouvoir y entrer13. En conséquence, en 1517, François I décida de fonder le port du Havre pour compenser le déclin d’Harfleur. Yvetot subit le contrecoup de cette création car la petite ville était plus éloignée du Havre que de son rival malheureux. En conséquence, les marchés d’Yvetot ressentirent les effets de cette nouvelle orientation et le volume de leurs affaires en fut affecté, au moins partiellement.
8Ce n’était pas le cas de Rouen bien au contraire et ce fut certainement la seconde raison qui poussa Laurent II à y envoyer son fds. Reprise aux Anglais en 1449 par Charles VII, la ville connut au cours de la seconde moitié du xve siècle et de la première moitié du xvie siècle une forte expansion tant commerciale que manufacturière14. Deuxième ville du royaume par sa population, elle était devenue son premier port et son premier centre de production textile. Des quantités considérables de laines venues d’Espagne, de produits tinctoriaux et de sucre en provenance de l’Europe du Sud ou des Nouveaux Mondes y arrivaient tandis que des tissus de laines et des toiles de lin gagnaient l’Europe méridionale avant d’être réexportés à partir des premières décennies du xvie siècle vers l’Amérique. Dès le dernier tiers du xve siècle, l’essor de la grande ville normande y avait attiré de nombreux commerçants étrangers et des colonies marchandes italiennes, espagnoles, portugaises, anglaises et flamandes y jouèrent un rôle considérable avant même la crise que connut Anvers à la suite de la révolte des Gueux en 1566. Toutefois, les hommes d’affaires autochtones y étaient nombreux et capables de supporter la concurrence des étrangers, ce qui a sans doute incité des provinciaux normands à venir les rejoindre.
9Les renseignements dont on dispose sur les activités de Laurent II sont très lacunaires. D’après Dom Charles Le Couteulx, il serait venu d’Yvetot à Rouen dans les années 1520. Grâce à l’aide financière de son père, il aurait ouvert une boutique de soieries rue de l’ Épicerie, dans la paroisse Saint-Denis15. Vers 1528, il aurait épousé Michèle Fayel. Il mourut le 25 octobre 1557 laissant six enfants : trois fils, Guillaume I l’aîné alors âgé de « dix-neuf ans ou environ », Laurent III et Jean III, et trois filles, Catherine, Michèle et Marie. Il laissait à ses héritiers des biens meubles dont les « plus précieux » consistaient en marchandises, la prisée en fut faite mais quand Michèle Fayel et Guillaume I conclurent un accord en décembre 1576 sur la gestion qu’en avait effectuée sa veuve et tutrice de ses enfants, ils n’en précisèrent pas le montant16.
10Guillaume I ne lui succéda pas comme marchand de soieries mais devint marchand-drapier, en juillet 1564, il convola avec Lucrèce Auberon, une fille de Jean Auberon, un marchand-drapier, originaire de Bermonville, non loin d’Yvetot. La dot de la mariée versée par son frère Pierre Auberon et un cousin, le père de Lucrèce étant décédé, s’élevait à 1 100 1t. auxquelles s’ajoutaient « plusieurs habits et hardes » dont « une robe noire à point de satin »17. Cette dot était relativement modeste si on la compare à celles obtenues à la même époque par des membres de la noblesse. En moyenne, entre 1568 et 1614, la femme d’un simple écuyer apportait 2625 1t., celle d’un membre de la haute aristocratie normande 55 000 lt.18.
11Au début de sa carrière, Guillaume I n’appartenait pas, comme la plupart des marchands-drapiers de la ville, aux élites marchandes. C’est ce que prouve le rôle de la taxe due par tous les marchands de Rouen en 1565 pour édifier un bâtiment destiné à abriter la juridiction consulaire qui venait d’être créée quelques années auparavant. Sur les 1172 marchands imposés dont de nombreux étrangers, 101 devaient verser au moins 50 1t. et parfois encore davantage. Or, Guillaume I qui demeurait à cette date rue de Derrière les Moulins dans la paroisse Saint-Maclou, l’une des paroisses les plus peuplées, mais aussi les plus pauvres de Rouen, ne devait payer que 10 lt. Pourtant, il ne faisait déjà pas partie des marchands les plus modestes. Dans sa rue, deux confrères ne payaient que 4 ou 6 1t. tandis que son beau-frère Pierre Auberon qui demeurait rue Malpalu la principale artère de la paroisse Saint-Maclou où logeaient comme lui de nombreux marchands-drapiers ne devait débourser que 7 1t. 10 sols et nombreux étaient les petits marchands du même endroit qui n’étaient imposés que pour 50 sols19.
12Quels étaient les activités de Guillaume I ? Probablement achetait-il des tissus de laine fabriqués par ce qu’on appelait les drapiers-drapants, en particulier le drap du sceau qui jouissait d’une excellente réputation à cette époque et qui se vendait sur les marchés intérieurs et à l’étranger. Dès la fin du xiie siècle, la draperie normande était présente dans les foires de Champagne mais le Midi de la France, l’Espagne et l’Italie à la fin du Moyen-Âge constituaient des débouchés non négligeables. Il en était de même de la région parisienne. Les foires du Lendit à Saint-Denis abritaient un grand nombre de marchands normands lesquels bénéficiaient d’une franchise qui leur permettait de ne pas former une compagnie avec leurs homologues parisiens et donc de n’être pas contraints de partager leurs profits avec ceux-ci. À la fin du xve siècle, on comptait à la foire du Lendit dans une Halle intitulée de Rouen 257 marchands normands dont un cinquième provenait de la capitale de la province, et parmi eux les Le Pelletier et les Legendre qui appartenaient à la frange la plus puissante du monde des affaires rouennaises. Or, en 1571, il n’y avait plus que 66 marchands normands présents dans cette même foire, ce qui pour Michel Mollat était dû au fait que la draperie normande s’écoulait par d’autres voies du moins en ce qui concerne celle qui était entre les mains des plus riches marchands20. Seuls les plus modestes auraient continué à fréquenter cette foire et parmi eux figurait Guillaume I installé dans « le quatrième côté de la Halle dite de Rouen »21.
13Pourtant Guillaume I, peut-être à cause du déclin relatif de la foire du Lendit, avait trouvé un autre endroit pour vendre ses tissus. En effet, lorsqu’il mourut en 1611, il était locataire de trois loges dans une autre foire, celle de Saint-Germain-des-Prés à Paris qui bénéficiait d’une clientèle plus nombreuse et plus huppée22.
14Guillaume avait-il mené une existence paisible pendant le quasi demi-siècle où il vendit ses tissus ? Certainement pas car comme une grande majorité de Français, il dut affronter au cours de sa carrière des difficultés dues essentiellement aux troubles politico-religieux dont la France fut l’objet à cause des conflits entre protestants et catholiques et qui mirent gravement en cause la prospérité de Rouen et de ses marchands pendant une bonne partie du xvie siècle.
15La Réforme protestante est apparue relativement tôt en Normandie23. En 1532, le Parlement de Rouen avait ordonné que les écrits composés sous le nom de Luther soient brûlés et en 1540 deux calvinistes furent pendus. Au début des années 1550, les « religionnaires » chantaient la nuit dans les rues de Rouen les psaumes de Clément Marot et de Théodore de Bèze tandis que leurs placards fleurissaient sur les murs de la ville. Pourtant, ce n’est qu’en 1557, année de la mort de Laurent II, qu’arriva à Rouen un pasteur, La Jonchée, venu de Genève, qui dressa une église protestante. À partir de ce moment, les affrontements entre protestants et catholiques de la cité devinrent encore plus violents. En 1560, les adversaires des calvinistes après que ceux-ci aient abattu une croix devant l’église de Sainte-Marie-la-Ronde tentèrent de détruire plusieurs maisons appartenant aux protestants. La même année, dix-huit réformés dont treize originaires de Dieppe furent exécutés. En 1562, les protestants rouennais prirent momentanément leur revanche. Ils s’emparèrent de la ville, désignèrent une nouvelle municipalité et après avoir détruit un grand nombre d’édifices religieux interdire le culte catholique. Leur domination ne fut que temporaire. En octobre de la même année, l’armée royale commandée par le duc de Guise reprit la ville et se livra pendant plusieurs jours au pillage dont la plupart des victimes furent des protestants. Cela n’empêcha pas Rouen de connaître de nouvelles tensions religieuses dès 1563. Elles furent suivies d’un calme trompeur jusqu’en 1571. Cette année-là, des religionnaires qui revenaient d’un faubourg de la ville où depuis l’Édit de Saint-Germain promulgué en 1570 ils pouvaient pratiquer leur religion furent attaqués par des catholiques alors qu’ils rentraient dans Rouen et plusieurs dizaines d’entre eux furent tués. Pourtant, la violence catholique n’empêcha pas la croissance du nombre des réformés et dans les années qui précédèrent la saison des Saint-Barthélemy, on estimait leur nombre à environ 20 % de la population rouennaise soit 13 000 à 14 000 personnes24.
16 Comment se comportèrent les Le Couteulx qui, au xviiie siècle, symbolisaient le catholicisme bancaire opposé aux banquiers protestants du royaume venus pour la plupart de Genève, la capitale du protestantisme25 ? Il semble bien qu’ils furent plus que tentés par le protestantisme même si en 1756, au moment de leur anoblissement, Charles de Poilvilain, curé de la paroisse de Saint-Pierre du Châtel dans laquelle ils résidaient à cette date, déclarait que « cette famille a toujours fait profession de foi catholique apostolique et romaine »26.
17On ne sait quel fut le comportement de Laurent II décédé l’année où le pasteur La Jonchée arriva à Rouen. Ses enfants portaient des prénoms Guillaume, Laurent, Jean, Catherine, Michèle et Marie qui ne correspondaient pas à ceux que les calvinistes avaient l’habitude de donner à leurs rejetons, mais il est vrai qu’il n’existait pas lors de leur naissance aucun temple et donc aucun baptême protestant. On est mieux éclairé sur le comportement de sa veuve Michèle FayeL Son descendant Dom Charles Le Couteulx écrit dans ses Remarques généalogiques que « sa bisaïeule se laissa éblouir » par la religion réformée même si elle fréquenta toujours l’église Saint-Maclou où elle fut inhumée. Il est vraisemblable qu’après la mort de son mari elle exerça une forte influence sur ses enfants dont le plus âgé Guillaume I n’avait que 19 ans en 1557 et qui purent être convertis à la Réforme par leur mère. Quant à la première belle-fille de Michèle Fayel, Lucrèce Auberon, elle « était enfarinée dans la nouvelle doctrine » nous apprend Dom Charles Le Couteulx et dès « qu’elle était relevée de ses couches, elle portait son enfant au temple ou au prêche pour le faire bénir par le ministre et assurait de plus qu’elle le ferait rebaptiser ».
18Que des femmes jouent un rôle important dans le passage au protestantisme des membres de leur famille n’a rien d’exceptionnel27. Au xvie siècle, nombreuses ont été celles qui se sont laissées séduire par « l’hérésie » et plus aisément que les hommes parce que la Réforme représentait pour elles l’espoir d’une libération et leur permettait de lire et de commenter de manière individuelle la Bible, ce qui pouvait peut-être en faire les égales de leurs époux. Toutefois, Michèle Fayel et Lucrèce Auberon ont-elles été les seules membres de la famille Le Couteulx à s’engager dans la religion de Calvin ? Les fds de Michèle Fayel embrassèrent également le protestantisme et contrairement à ce que laissait entendre Dom Charles Le Couteulx, ils ne furent pas seulement des nicodémites, terme utilisé par Calvin pour qualifier ceux qui dissimulaient leur foi et leur adhésion à l’Église réformée. En effet, au moins un fils de Guillaume I et de Lucrèce Auberon fut baptisé par un pasteur protestant. Il s’agit de leur premier enfant, Pierre, qui fut conduit, le 30 août 1565 au temple de Quevilly et dont Pierre Auberon fut choisi comme parrain28. Pierre mourut en bas âge mais plusieurs de ses frères et sœurs reçurent des prénoms tirés de l’Ancien Testament selon la coutume des Réformés. Il s’agit de Sarah, née en juillet 1566, de David qui vit le jour en juillet 1567 et de Judith, née en 1568, lesquels étaient les second, troisième et quatrième enfants de Guillaume I et de Lucrèce. Or, les prénoms de Sarah ou de David n’étaient jamais donné aux enfants des familles catholiques rouennais et on ne trouve en 1578-1579 que deux Judith sur les 318 prénoms féminins dans les registres paroissiaux de l’Église catholique de Saint-Maclou où abondent les Guillaume, prénom par lequel les parents entendent rendre hommage aux premiers ducs de Normandie convertis au christianisme et les Catherine29.
19Pourtant, en 1571, quand un nouvel enfant Le Couteulx voit le jour, ses parents lui donnent le prénom de Guillaume. Doit-on conclure qu’ils ont abandonné le calvinisme ? Leur comportement pendant la saison des Saint-Barthélemy montrera qu’il n’en était rien et qu’il s’agit d’une coutume traditionnelle, un enfant portant fréquemment le prénom de son père.
20Déjà les Le Couteulx avaient été victimes du pillage accompli par les soldats du duc de Guise après la reprise de Rouen sur les protestants en 1562. Leurs marchandises dont ils avaient espéré continuer le trafic avaient été lors de « la prise et sac de Rouen » saccagées et peu d’entre elles avaient pu être sauvées30. Peut-être ce pillage avait-il obligé Guillaume I et sa mère à abandonner la paroisse Saint-Denis pour celle de Saint-Maclou, beaucoup plus modeste. Mais les massacres dont Rouen fut l’objet, en septembre 1572, quelques semaines après la Saint-Barthélemy parisienne constituèrent un danger bien plus grave pour les protestants rouennais que le sac de 1562. En quatre jours, il y aurait eu plus de six cents protestants assassinés dont une cinquantaine de femmes. Parmi ceux dont on connaît le nom et la profession figurent plusieurs marchands-drapiers comme Jehan Caumont ou Adam Baudouin31. Toutefois, la partie la plus aisée de la société protestante rouennaise, consciente après le 24 août 1572 de la menace mortelle qui planait sur elle, quitta la ville avant les journées de septembre. C’est la version d’un contemporain, Simon Goulard, qui dans un ouvrage publié en 1577 écrit que :
« les plus sages d’entre les dits de la Religion et mieux prévoyant le prochain danger qui menaçait et eux et leurs compagnes se retirèrent incontinent hors de la ville les uns en leurs maisons des champs et les autres droits en Angleterre »32.
21Les trois frères Le Couteulx agirent de cette façon. D’après Dom Charles Le Couteulx, Guillaume I, Laurent III et Jean III « soupçonnés d’être hérétiques se retirèrent à Yvetot et se cachèrent dans la maison de leur père ». Ils échappèrent ainsi à la mort.
22Après les saisons de la Saint-Barthélemy, de nombreux protestants rouennais se convertirent au catholicisme, ce qui entraîna une chute brutale du nombre des baptêmes de leurs enfants. En 1564-1565, il y en avait eu 665. On en compta seulement 115 en 158533. Désormais la Réforme à Rouen était affaiblie durablement. Les Le Couteulx adoptèrent-ils ce comportement ? Il ne le semble pas. Certes, désormais tous leurs enfants furent baptisés à l’église Saint-Maclou et non plus au temple de Quevilly. Mais ils ne renoncèrent pas immédiatement à la forme protestante des prénoms de leurs enfants. Ainsi un fils de Guillaume I et de Lucrève, baptisé à Saint-Maclou le 21 septembre 1579, fut prénommé Daniel, ce qui était très en faveur chez les protestants et pratiquement pas chez les catholiques. Cette année-là, il n’y eut que deux enfants dont le fils Le Couteulx sur les 334 baptisés à Saint-Maclou à qui on donna ce prénom34.
23Il est donc vraisemblable que les Le Couteulx ont pendant plusieurs années continué à manifester de la sympathie pour la Réforme même s’ils ont du faire preuve de prudence et apparaître comme étant revenus au catholicisme. On en a pour preuve l’obtention par Lucrèce Auberon de l’occupation moyennant finances d’un banc à l’église Saint-Maclou que Guillaume I racheta après la mort de son épouse pour 30 sols pour y « seoir ses enfants »35. Mais les conditions dans lesquelles David I, le fils aîné de Guillaume I se maria en juillet 1598, quelques mois après la promulgation de l’Édit de Nantes, démontrent qu’à cette date les Le Couteulx ne sont pas encore de vrais catholiques. En effet, David I épousa Élisabeth Haillet, la fille de feu Pierre Haillet, marchand de Rouen, et de Marie Chouquet qui s’était remariée avec Jean III Le Couteulx qui était demeuré protestant si l’on en croit Dom Charles Le Couteulx. Quant à Élisabeth, elle avait été baptisée dans le temple de Quevilly le 1er janvier 1577 soit plusieurs années après la Saint-Barthélemy36. Certes, rien ne permet d’affirmer que Élisabeth Haillet était demeurée une adepte du protestantisme et que c’est pour cette raison que David I l’avait épousé. Mais le contenu du contrat de mariage signé le 4 juin 1598 permet de supposer que David n’est pas encore tout à fait proche du catholicisme. Établi par des tabellions rouennais, il débute par les termes suivants « pour parvenir au traité de mariage qu’au plaisir de Dieu sera fait et célébré en face de Sainte Église »37. Cette formule était habituelle avant la naissance de la Réforme. Ensuite les protestants adoptèrent d’autres énoncés tels que « ainsi est commandé » ou « à la façon de l’Église réformée »38 tandis que les catholiques répondaient par un nouveau libellé : le mariage devait avoir lieu « en face de notre mère Sainte Église catholique, apostolique et romaine ». C’est cette formulation que l’on trouve dans le contrat de mariage de Guillaume Engren, fils de Loys Engren, marchand rouennais daté du 30 juillet 159839. Certes, on peut penser que ce sont les tabellions qui imposent leurs intitulés mais il est difficile de croire que des protestants ou même des nicodémites, ce qu’on peut présumer que sont désormais les Le Couteulx accepteraient de rendre hommage à l’église catholique.
24À quelle date les Le Couteulx se sont-ils définitivement éloignés du protestantisme pour revenir dans le giron du catholicisme ? Il est difficile de le préciser, mais il est probable que cela est survenu dans les premières décennies du xviie siècle.
25Le premier enfant de David et de son épouse née en juillet 1603 se prénommait Élisabeth comme sa mère. Or, les catholiques rouennais bien qu’il existait une sainte Élisabeth ne donnaient jamais ce prénom préférant celui d’Isabeau40. Peut-être que, en choisissant Élisabeth les époux Le Couteulx ont-ils voulu rendre hommage à Élisabeth 1ére d’Angleterre disparue en mars 1603. Mais lorsque la même Élisabeth Le Couteulx se maria en 1621 avec le marchand Louis Le Carpentier, la formule utilisée par les tabellions dans le contrat fut la suivante « le traité de mariage qui au plaisir de Dieu sera fait et célébré en face de notre Sainte Église catholique, apostolique et romaine »41. En acceptant cet énoncé, David I montrait qu’il faisait enfin partie de manière définitive de la communauté catholique. On ne sait pas quelles ont été les motivations de David. A-t-il pensé que demeurer protestant dans une ville où la prépondérance catholique était désormais écrasante lui interdirait de s’élever dans la hiérarchie sociale et d’occuper des postes dans la juridiction consulaire ou dans le conseil de ville ? A-t-il subi l’influence des Jésuites qui après avoir été chassés de Rouen après une tentative d’assassinat contre Henri IV dont on les rendit responsables y revinrent en 1604 et jouèrent un rôle déterminant dans le réveil catholique, non seulement grâce à leur enseignement dans leur collège, mais aussi à cause du rôle de leurs prédicateurs et de leurs confesseurs qui favorisèrent les conversions42 ?
26Tous les Le Couteulx n’abandonnèrent pas cependant à ce moment la Réforme. Un des frères de Guillaume I, Jean III, y demeura fidèle. Ce fut également le cas de son fils aîné, Jean, qui épousa en 1615 à cause de sa « beauté et de son bel esprit » Françoise Duhamel « qui était fort instruite dans sa fausse religion ». Mais, peu à peu, les membres de cette branche revinrent eux aussi au catholicisme. Le fils cadet de Jean III prénommé Guillaume III épousa la fille d’un marchand de Rouen originaire des Flandres et « très catholique ». Ils eurent deux enfants : une fille qui devint religieuse et un garçon prénommé Nicolas et qui devint Charles quand il entra dans la Chartreuse de Gaillon après avoir prononcé ses vœux en 1661. Dans ses Remarques généalogiques, ce chartreux laissait entendre qu’avant même la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685, il n’y avait plus aucun Le Couteulx appartenant encore au calvinisme.
27La rentrée des Le Couteulx dans la communauté catholique leur a-t-elle fait perdre « l’esprit du capitalisme » ? On peut répondre sans la moindre hésitation par la négative. Il est vrai qu’ils ont bénéficié de la poursuite de l’essor économique de Rouen.
28Déjà, à partir de 1573 les affrontements entre les protestants considérablement affaiblis et les catholiques s’apaisèrent. Jusqu’en 1588, la capitale de la Normandie sera une cité paisible qui profita des modifications de la conjoncture internationale. La révolte des Pays-Bas espagnols contre Philippe II contribuera au déclin d’Anvers qui était auparavant le plus grand port de l’Europe du Nord-Ouest et auquel le pillage perpétré par les troupes espagnoles en 1576 donnera le coup de grâce. De nombreux marchands flamands mais aussi espagnols s’enfuirent du port de l’Escaut et nombreux furent parmi eux ceux qui se réfugièrent à Rouen qui devint ou redevint une grande métropole internationale. Par ailleurs, les marchands anglais qui l’avaient quittée au moment de la Saint-Barthélemy y revinrent assez rapidement rejoignant les Lucquois toujours présents en Normandie et dont la puissance commerciale était considérable. Mais cette présence étrangère n’empêchait pas, encore une fois, leurs homologues français à participer aux activités commerciales rouennaises43. Certes, les draps légers anglais en provenance pour la plupart d’Exeter concurrençaient victorieusement le drap du sceau local beaucoup plus lourd qui semble avoir été en crise à la fin du xvie siècle. Des marchands anglais parcouraient les campagnes normandes pour acheter d’importantes quantités de toiles et de canevas. Les Espagnols monopolisaient le commerce de la laine tandis que les Italiens effectuaient des transactions portant sur les épices et le sucre sans négliger les draperies anglaises et les toiles normandes. Mais, à côté d’eux, de grandes dynasties normandes comme les Asselin, les Legendre ou les Fermanel leur tenaient la dragée haute et parvenaient à résister à la concurrence commerciale étrangère.
29La grande vague de prospérité rouennaise fut interrompue temporairement au moment de la Ligue. Les Ligueurs prirent en 1588 le contrôle de Rouen. Le siège de Paris mené par Henri III puis par Henri IV, les opérations militaires en Normandie du premier roi Bourbon eurent des conséquences néfastes sur l’activité économique de la capitale de la Normandie. Mais cela ne dura que quelques années. À partir de 1594, quand Paris et Rouen se rallièrent à Henri IV redevenu catholique, la ville normande retrouva une conjoncture favorable laquelle se maintint pendant les premières décennies du xviie siècle.
30Les Le Couteulx en ont-ils bénéficié ? Il est certain que demeurant marchands-drapiers, ils ne font toujours pas partie de l’aristocratie marchande et qu’ils ne participent pas aux importantes opérations commerciales menées par les grands marchands non spécialisés français ou étrangers. Il est vrai qu’on ne dispose pas de sources permettant de rendre compte des activités de Guillaume I. Néanmoins, il est incontestable que ce dernier a connu une certaine montée sociale peut-être due au fait qu’il s’est engagé dans la commercialisation des draperies anglaises qu’il revendait aux tailleurs de la ville44. Lors du mariage en 1598 de son fils David I, il s’engageait à verser 500 écus sols soit l’équivalent de 1 500 1t. aux futurs époux en leur promettant de les loger et de les nourrir chez lui pendant deux années45. Il avait quitté la rue de Derrière les Moulins en achetant une maison rue Malpalu laquelle était estimée après sa mort à au moins 6000 lt.46. Il était également devenu propriétaire de biens fonciers. Après son décès survenu en octobre 1611 alors qu’il était âgé de soixante-treize ans, ses six fils, David I l’aîné, Guillaume II, Daniel I, Pierre II, Jean IV et Jacques I, ses fils puînés, se partagèrent ses biens-fonds situés dans la paroisse du Saint-Jean-du-Cardonnay, au nord de Rouen47. Ils furent divisés en trois lots. Le premier situé sur « le chemin du Roy de Rouen à Caudebec » comprenait un bois d’une superficie de deux acres et demi (une acre = environ 0,5 hectare), plusieurs pièces de terres d’une dizaine d’acres. Le second ressemblait au premier avec un bois planté de hêtres d’une surface d’une acre et sept perches (un arpent = 100 perches) et de plusieurs pièces de labour. Enfin, le troisième lot était constitué par une maison, plusieurs étables, une grange, un four et un ensemble de terres labourables d’une dizaine d’acres. Il ne s’agissait certes pas d’un grand domaine mais cela n’en représentait pas moins une valeur non négligeable. Enfin, Guillaume I était locataire de seize loges à la foire du Lendit Saint-Denis et de trois autres à celle de Saint-Germain.
31Après sa disparition, ce fut David I qui travaillait sans doute avec lui depuis son mariage en 1598 qui prit la direction de la maison. Il allait en assurer la croissance jusqu’à sa mort prématurée en 1622 et il en fera sinon une très grande entreprise, du moins, une de celles qui à cause de la création d’une branche parisienne, se différenciait de la majorité des sociétés normandes.
32L’activité essentielle de David I demeurait toujours la vente des tissus de laines même s’il ne s’y limitait pas. Pour cela, au moment du partage de l’héritage de Guillaume I, outre la maison de la rue Malpalu qu’il racheta en versant 1 200 l. à chacun de ses cinq frères, il obtint d’eux qu’ils renoncent en 1615 aux loges des deux grandes foires de Saint-Lendit et de Saint-Germain. Elles s’ajoutèrent à trois autres loges de la foire parisienne « situées rue de Paris » dont il était l’unique locataire48. Enfin, en 1620, alors que les loges étaient désormais mises en vente et non plus louées, il en acheta trois avec deux de ses frères Jean IV qui habitait Rouen et Jacques I demeurant à Paris avec qui il était « en compagnie » moyennant la somme de 800 1t. remises à Isaac Lefebvre receveur de l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés et contrôleur ordinaire de la princesse de Conti, cette dernière étant la propriétaire des bâtiments49.
33Ces acquisitions s’expliquent par l’importance croissante de la Foire Saint-Germain. Créée en 1482 à la fin du règne de Louis XI, elle abritait à la fin du xvie siècle 340 loges dont chacune était composée d’une boutique surmontée d’une chambre. Jusqu’en 1614, elles étaient louées à différents marchands, mais à partir de cette date la Princesse de Conti qui possédait l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés obtint du Conseil d’État qu’elle soit autorisée à les vendre50. Dans ses deux halles, composées de vingt-deux travées, les marchands drapiers fort nombreux et qui vendaient des draps en provenance de Rouen, de Darnétal, d’Amiens, de Beauvais ou d’Abbeville y étaient côtoyés par des merciers, des marchands de toile, des orfèvres, des vendeurs de faïence et de porcelaine, des marchands de tableaux... Depuis l’entrée de Henri IV à Paris en 1594, elle avait retrouvé une intense activité et elle « attirait la plupart des gens riches et de qualité » comme la famille royale, des nobles et des notables parisiens mais également une partie des masses populaires51. Ouvrant le 3 février, elle ne désemplissait pas pendant trois semaines y compris la nuit, un Hollandais qui la visita en 1657 fut émerveillé par « la grande diversité des marchandises bien estalées et arrangées »52. Pour un marchand de province, acquérir une loge représentait donc une excellente opération qui lui permettait sans aucun doute grâce à un important chiffre d’affaires de rentabiliser ses investissements.
34Bien entendu, la Foire de Saint-Germain n’était pas le seul point de vente de David I, il écoulait également ses draperies chez des marchands-drapiers parisiens comme Jérosme Lefebvre habitant rue Saint-André-des-Arts qui, incapable de payer à la date convenue ce qu’il devait au Rouennais, obtint de Le Couteulx et Cie un rééchelonnement de sa dette53.
35David I ne se contentait pas de vendre des tissus de laine dont on peut présumer qu’une grande partie provenait d’Angleterre. Cette domination des tissus anglais avait d’ailleurs fait l’objet d’une réunion des États provinciaux de Normandie qui réclamèrent un alourdissement des taxes douanières sur les produits en provenance d’outre-Manche, revendication appuyée par Antoine de Montchrestien dans son Traité d’Économie politique publié en 1615. S’il reconnaissait qu’il se fabriquait toujours « grand nombre de draperies en France », il affirmait « qu’elles étaient réduites à la moitié de ce qui se faisait dans le passé » à cause de la concurrence des marchandises étrangères surtout anglaises. La conséquence en était selon lui « qu’on entendait bruire et plaindre le peuple en tous les lieux où cette manufacture est à domicile qu’il est réduit à chommer et à mourir de faim »54.
36Ce genre d’argumentation ne pouvait guère émouvoir David qui entendait au contraire renforcer ses liens avec les hommes d’affaires anglais non seulement en leur achetant des produits, mais également en leur vendant et il y est parvenu au moins une fois.
37En novembre 1612, il signa un contrat avec deux marchands anglais, Thomas Horney, résidant à Londres, et son frère Michel, présent à Rouen55. Il s’engageait à leur livrer des fils d’argent à raison de 27 lt. 10 sols le marc. Ces fils d’argent, David devait se les procurer auprès de Philippe Le Bœuf « marchand-maître tireur d’argent bourgeois de Paris demeurant rue Saint-Denis, paroisse Saint-Sauveur ». Ce n’était pas une opération originale car les tireurs d’or et d’argent concentrés rue Saint-Denis fournissaient pendant tout le xviie siècle des fils à des artisans appartenant à des métiers extrêmement variés, brodeurs, boutonniers, passementiers, rubaniers, tapissiers, fourbisseurs ainsi qu’aux fabricants de dentelle rurale56. Le prix des fils d’argent moins élevé que ceux des fils d’or valait à la fin du xviie siècle de 24 It. à 31 lt. Ces fils d’argent fabriqués à partir de lingots chauffés au rouge « par les gens et ouvriers accoutumés » de Philippe Le Bœuf devaient être identiques à l’échantillon qui avait été délivré à Jacques I. L’originalité de la transaction provenait du fait que les frères Horney se voyaient promettre l’exclusivité de la production de Philippe Le Bœuf en dehors de la capitale puisque ce dernier s’engageait à ne pas vendre ses fils d’argent destinés à être entremêlées dans des tissus « à aucuns marchands forains demeurant hors de la ville de Paris », sans qu’il soit indiqué le pourquoi de cette clause. Conclu pour une durée d’un an, le contrat pouvait être renouvelé à moins que Michel Horney ne décide d’y renoncer en l’annonçant trois mois avant la fin de la première année.
38David I n’était pas le seul Le Coutculx à s’impliquer dans ce contrat avec les frères Horney. En effet, il s’engageait à le respecter tant en son nom qu’en celui de ses frères, Jean IV résidant à Rouen et Jacques I établi à Paris, ce qui permet de conclure qu’après le décès de Guillaume I l’année précédente la société Le Couteulx et Cie avait donc vu le jour et qu’elle était composée de deux branches mais que celle de Paris dépendait de celle de la ville de la Basse-Seine.
39Le contrat avec les frères Horney a-t-il été reconduit et dans ce cas serait-il à l’origine de l’enrichissement et de la montée sociale de David I ? Faute d’autres documents, on ne saurait l’affirmer. Mais toujours est-il qu’en 1619 il est élu second consul de la juridiction consulaire de Rouen et c’est le premier Le Couteulx à l’être57. Cette élection à laquelle plusieurs centaines de marchands rouennais participaient confirme qu’à cette date David I avait atteint le sommet du monde des affaires de la capitale de la Normandie alors qu’en 1600 son père n’avait été qu’un simple électeur sans obtenir la moindre voix. Confirmation de cette ascension, l’année suivante, David I fut élu quartenier d’un des quatre quartiers de Rouen, celui de Martainville où se trouvait la rue Malpalu58. Trois ans plus tard, il serait devenu automatiquement échevin s’il avait encore été vivant. Enfin, en 1621, quand sa fille Élisabeth épousa Louis Le Carpentier, il annonça qu’il lui accorderait une dot de 8 000 lt. à laquelle il ajoutait « trois robes, trois cottes, du linge, un lit fourny de ciel » c’est-à-dire un lit à baldaquin59. Sa fortune devait s’élever fort vraisemblablement au début de la décennie 1620 à au moins plusieurs dizaines de milliers de livres.
40La mort de David I intervenue en 1622 alors qu’il était âgé de cinquante-cinq ans interrompit provisoirement l’élévation sociale de la dynastie Le Couteulx. Sur les circonstances de sa disparition, on dispose de quelques indications données par son frère Jacques I et par une de ses filles, Marie qui épousa un avocat rouennais Arthur Tesson lesquelles sont rapportées par Dom Charles Le Couteulx dans ses Remarques généalogiques. Jacques I qui « aimait et estimait » beaucoup son frère écrivit dans son livre de raison « Le frère David est décédé avec mon neveu David âgé de huit ans et demi le 16 août 1622 le jour de la Saint-Roch ». Marie Tesson est plus explicite : elle aurait affirmé que son père « était d’un naturel très affectif, qu’il aimait passionnément son jeune fils David et que son enfant étant tombé périlleusement malade, une parente lui annonça son décès, il demeura la bouche ouverte de douleur et mourut quelques heures avant son fils ». L’attitude de David I confirme les relations nouvelles entre parents et enfants apparus sans doute à la fin du Moyen-Age et renforcées pendant les premiers siècles de la France moderne. Un père ne peut plus accepter sans résistance la mort prématurée de son enfant60. Mais ne peut-on prétendre que David appartenant à la bourgeoisie marchande rouennaise témoignait en outre d’un amour et d’une affectivité pour son fils avant même que celui-ci fut en grand danger ?
41Ni Jacques I ni Marie Tesson ne communiquaient les causes de la disparition de David I et de David II, mais il est probable que ce soit la peste qui les ait emportés. En effet, cette épidémie accablait la Normandie depuis 1619 et elle frappa à coups redoublés non seulement la province mais le royaume pendant des décennies61. Un témoin de l’hécatombe, le prêtre Philippe Josse, écrivit que la peste « en l’an 1622 aux mois de juillet et d’août 1622 fut fort véhémente... en la paroisse Saint-Maclou où il mourut un peuple sans nombre et moi tesmoing oculaire j’ay vu le chariot par plusieurs fois aller par la ville et porter chaque fois quinze à seize corps »62.
42Le 16 août, comme l’avait indiqué Jacques I, c’était le jour de la Saint-Roch, le saint intercesseur de la peste lequel n’avait pu empêcher cette catastrophe. Il est possible que Jacques I qui avait été comme David I marqué par la Réforme mettait encore en doute les pouvoirs des saints...
43Comme David I était quartenier, la municipalité de Rouen aurait dû assister aux obsèques de celui qui représentait le quartier Martainville en ornant sa dépouille d’un drap de velours cramoisi enrichi d’or et d’argent avec des « fleurs de lys d’or et les armoyries de la ville ». Il n’en fut rien. Le conseil de ville craignant sans doute d’être également victime de la peste déclara que « attendu la mauvaise qualité du temps, la ville n’assisterait pas aux funérailles de Monsieur Le Couteulx et se dispensera pour les mêmes raisons d’envoyer le drap de corps de la ville »63. Ce comportement des élus municipaux de Rouen (en août le temps est-il mauvais ?) dut mécontenter les habitants de la paroisse Saint-Maclou puisque d’après Marie Tesson le peuple accourut en foule à l’enterrement et qu’il « sanglotait » alors que le « lugubre convoi » précédé par un grand nombre de prêtres et de religieux mendiants emportait le corps de son père. Pour le clergé de la ville, le retour de David I au catholicisme était pour le moins d’un mérite insigne.
44Au lendemain de son décès, David I n’avait que des filles comme héritières. Il s’agissait d’Élisabeth qui avait épousé du vivant de son père un marchand, Anne, qui se maria en 1624 avec Nicolas Aubourg premier huissier du Parlement de Normandie et lui apporta 9 500 lt. tant en biens meubles qu’immeubles et Marie qui s’unit en 1626 avec Arthur Tesson « avocat en la Cour du Parlement de Rouen » et dont les apports qui lui furent délivrés par son oncle et tuteur Guillaume II Le Couteulx s’élevaient à 14500 lt.64 . Aucune de ces femmes ne s’engagea dans les affaires, peut-être en raison des dispositions de la coutume de Normandie. Ce fut donc Jean IV déjà associé de David I qui le remplaça comme dirigeant à Rouen de la société Le Couteulx et Cie tandis que Jacques I demeurait celui de Paris. Vers 1630, un autre membre de la famille, Robert II Le Vavasseur venu de Rouen et neveu des deux premiers nommés, sa mère Anne étant l’une de leurs sœurs, se joignit à Jacques I. Né en février 1583, Jean IV épousa en 1614 Marie Barbot qui appartenait à une famille de marchands. Un Louis Barbot était un marchand rouennais important de la seconde moitié du xvie siècle et le père de Marie prénommé Nicolas était aulneur de toiles65.
45Pendant la trentaine d’années où Jean IV fut à la tête de Le Couteulx et Cie, il continua à bénéficier d’une conjoncture favorable. Mais doit-on admettre que Rouen dont le nombre des marchands augmenta considérablement pendant la première moitié du xviie siècle a vraiment connu un formidable essor toujours lié au déclin d’Anvers ?66. Il semble au contraire qu’à partir de la deuxième décennie du siècle des difficultés apparaissent. En premier lieu, le port normand doit affronter la concurrence d’Amsterdam et dans une moindre mesure celle de Londres. Surtout, ce sont des problèmes intérieurs qui l’affaiblissent, au moins partiellement. La peste continue à la frapper ainsi que le royaume. Par ailleurs, la politique de Richelieu aboutit à un alourdissement du poids de la fiscalité, ce qui provoquera la grande révolte normande de 1639 qui sera durement réprimée. Une dizaine d’années plus tard, la Fronde contribuera à entraver les liaisons commerciales entre Rouen et la capitale. Enfin, la poursuite des arrivées massives des draps anglais et hollandais a pour conséquence une crise profonde des activités manufacturières. La chute de la production du drap du sceau a pour résultat la mise au chômage d’un grand nombre de salariés. Un certain nombre d’entre eux, rendant responsables de leurs malheurs les Anglais, n’hésiteront pas à s’en prendre aux navires venus d’outre-Manche qui transportaient des quantités considérables de draperies. Ceci explique qu’en 1630 une foule d’hommes et de femmes prirent d’assaut un bâtiment anglais ancré dans le port de Rouen, s’emparèrent de ballots de draps et les déversèrent dans la Seine67. Mais cette chute de la production intérieure n’a guère d’effets sur les marchands rouennais qui se tournent vers les étrangers et qui bénéficient du meilleur rapport qualité-prix des lainages importés.
46Continuant à écouler leurs produits textiles dans la capitale, Jean IV et Jacques I « étant de compagnie » rachetèrent en 1627 à leur nièce Élisabeth épouse Le Carpentier trois loges de la Foire Saint-Germain moyennant 100 1t. lesquelles s’ajoutèrent aux six autres dont ils étaient déjà propriétaires68. Mais le marché parisien n’était pas le seul dont ils disposaient. En effet, en 1630, un marchand lyonnais Jacques Garlon s’engageait à leur verser dans un délai de huit mois 5 500 1t. en échange de la remise de draperies69.
47 Mais Lecouteulx et Cie devenue une maison de commerce non spécialisée ne se limitait plus à la vente des lainages. À ce type de commerce, Jean IV ajouta celui de la vente des céréales. Depuis plusieurs décennies, Rouen était devenu un centre important des transactions sur des grains provenant de la France et de l’étranger70. Rien d’étonnant donc à ce que le dirigeant rouennais de Le Coutculx et Cie ait conclu un contrat en 1650 avec Alexandre Bigot sieur de Villiers marchand demeurant à Vannes en Basse Bretagne, grand port exportateur de céréales à l’époque moderne. Bigot était représenté par un certain Legendre originaire de Rouen mais séjournant à Paris qui s’engagea à fournir 200 muids de « blé seigle » et 100 muids de « blé froment » à raison de 105 lt. le muid de seigle et 135 lt. le muid de froment, ce qui représentait la coquette somme de 34200 lt. dont 28 000 lt. devaient être payés par Jean IV lors de la livraison et le surplus trois mois plus tard71. La maison Le Couteulx se fournissait également en Angleterre. Par l’intermédiaire d’un marchand anglais établi à Rouen, Richard Bamborne, elle acheta trente quintaux de « pain d’Angleterre » pour un montant de 1 600 lt. qu’elle régla par une lettre de change72.
48Le commerce des traites et des remises n’était pas inconnu à la maison Le Couteulx comme à de très nombreux marchands de la France de l’Ancien Régime. Les protêts enregistrés devant les tabellions rouennais nous permettent de saisir quelques caractéristiques des activités de la maison rouennaise, même si les motifs de la création des traites dont ils sont bénéficiaires n’apparaissent pas clairement. Au cours de la décennie 1640-1650, au moins huit lettres de change ont fait l’objet d’un protêt à la demande de Le Couteulx et Cie. Trois avaient été tirées depuis Saint-Malo, deux de Morlaix, une de Dieppe, une de Rouen, une de Londres et leurs premiers bénéficiaires les avaient tous endossées aux maisons Le Couteulx de Rouen ou de Paris, une pratique fort ancienne apparue probablement au xvie siècle. Ainsi, en 1640, Crespin Hupert de Saint-Malo tira une traite d’un montant de 4500 lt. sur Henri Cook, marchand anglais de Rouen, au profit de Guillaume Le Cœur au dos de laquelle ce dernier l’endossa au profit de Jean Le Couteulx et Cie73. Cette pratique démontre que cela n’a pas de rapport avec des ventes de marchandises qu’aurait effectué la maison rouennaise, mais qu’elle se livrait donc à des opérations portant sur les lettres de change.
49 La poursuite de la montée en puissance de la maison Le Couteulx a permis à Jean IV à l’instar de son frère David I d’occuper de hautes fonctions tant dans la communauté marchande que dans la notabilité urbaine. En 1630, Jean IV était élu deuxième consul de la juridiction consulaire. Quelques années plus tard, en 1638, les notables du quartier Martainville le choisissaient comme quartenier et enfin en 1644 il devint échevin moderne du conseil de ville de Rouen. D’honorable homme, il était qualifié désormais de noble homme sans pourtant accéder à la noblesse74.
50À sa mort survenue en 1651, il était devenu un homme fort riche et il est vraisemblable que fort peu d’autres marchands de sa ville égalaient ou dépassaient sa fortune. S’il demeurait comme locataire dans une maison de la rue Damiette de la paroisse Saint-Maclou où se trouvaient de nombreux marchands aisés, il possédait plusieurs maisons dans la ville : une, rue Malpalu au coin de la rue des Avirons avec une porte cochère achetée moyennant 2500 1t. le 4 janvier 1651 , un groupe de sept demeures près de la Cour Ribault dans la même paroisse, une masure dans le quartier Saint-Hilaire, dans l’Est de la ville, deux maisons paroisse Saint-Vivien. Son épouse Marie Barbot lui avait apporté par ailleurs une masure avec maison et pressoir dans les paroisses Saint-Just et Saint-Marcel près de Vernon. Il possédait plusieurs rentes évaluées à 83 lt., 50 lt., 100 1t. et 150 lt., cette dernière provenant de la vente d’une maison située rue Malpalu achetée par lui en 1642 comprenant une boutique, un ouvroir et une chambre et revendue en février 1651 à Pierre Bézuquet marchand-drapier pour 2 500 lt.75.
51Sa succession comportait également la moitié des loges des Foires du Lendit et de Saint-Germain dont il était détenteur avec son frère Jacques I ainsi que ses participations dans deux sociétés. La première appelée « la vieille » avait toujours pour associés Jacques I et Robert II Le Vavasseur et avait été renouvelée pour neuf années, le 7 octobre 1649. Mais l’année suivante, il avait été à l’origine d’une « nouvelle » en s’associant avec plusieurs de ses fils vivant à Paris et à Rouen, à savoir Nicolas I, Jean VI, Jacques III et Antoine I, mise sur pied le 24 avril 1650 pour une durée de trois années. Dans la « vieille » dont il était intéressé pour trois-huitièmes, il lui demeurait 6047 lt. 15 sols I denier mais il semble qu’il en avait déjà retiré auparavant une partie. Quant à la « nouvelle », le bilan en fut effectué quelques mois après sa mort et celle de son fils aîné Nicolas 176. La valeur des marchandises et des meubles meublants situés rue de la Grande-Truanderie fut évaluée à 43 975 lt. 17 s. 10 d. En ajoutant le montant des créances parmi lesquelles les sommes qu’il avait avancées pour que ses enfants participent au capital de la société, on parvenait à un actif net de 89 307 lt. 18 s. 7 d.
52 Une partie du patrimoine de Jean IV fut partagée en 1653 entre cinq de ses fils et Nicolas II le fils de Nicolas I, ses filles n’y ayant pas droit, étant entendu que Jean VI, Jacques II, Antoine I et Étienne I qui venaient d’entrer dans une société Lecouteulx et Cie créée après le mois de mars 1652 étaient chargés de tous les effets et des biens de la société dont leur père avait été le principal dirigeant. Chacun en principe devait recevoir un sixième d’un montant évalué désormais à 90528 1t. 5 s. 5 d. soit 15 088 lt. 1 s. 4 d. Mais cette somme ne correspondait qu’à une partie de la fortune de Jean IV et de Marie Barbot. La valeur des immeubles, celles des loges des foires, celles des rentes n’y étaient pas comprises. En 1658, quand un autre fils de Jean IV, Louis reçut enfin son sixième de l’héritage, il perçut 18053 lt. 7 s. 2 d. et il était indiqué que les immeubles en faisaient partie77. On peut donc avancer que le montant de la fortune de Jean IV dépassait largement la centaine de milliers de lt., ce qui en faisait un des plus riches marchands de la capitale de la Normandie. Il était cependant encore inférieur à celui des marchands de Beauvais ou d’Amiens qui atteignait ou dépassait les 150000 lt. ou encore celle des grands hommes d’affaires parisiens comme les Tallemant qui, vers le milieu du xviie siècle détenaient au moins 600000 lt.78. Toutefois, on peut penser que la création de la branche parisienne au début du xviie siècle avait joué un rôle déterminant dans la montée en puissance de la dynastie Le Couteulx et qu’elle allait continuer à le faire.
Notes de bas de page
1 La première généalogie de la dynastie Le Couteulx fut rédigée à la fin du xviie ou au début du xviiie siècle par Dom Charles Le Couteulx. Cf. Archives Le Couteulx. Dom Charles Le Couteulx, Remarques généalogiques. Au xxe siècle, on peut s’appuyer entre autres sur celles de P. Le Verdier, Histoire de la famille Piperay, Rouen, 1929 , R. Szramkiewicz, Régents et censeurs de la banque de France nommés sous le Consulat et l’Empire, Paris, 1974, sur les Le Couteulx, pp. 213-224 , B. Bégouen-Demeaux, Répertoire généalogique des familles Bégouen-Demeaux, Foache. Le Picard. Le Couteulx de Verclives, Paris, 1994.
2 B.N.M.F. 32318. Mémoire sur les parlementaires de Normandie (1740 ?).
3 A.D.S.M.G. 6806. Comptes du trésor de Sainte-Marguerite-sur-Duclair, J. Cordier, Actes civils, baptêmes, mariages, décès de 1699 à 1717 de Sainte-Marguerite-sur-Duclair, Rouen, 1984.
4 Denis Richet, « Une famille de robe. Les Séguier avant le chancelier » dans De la Réforme à la Révolution. Études sur la France moderne, Paris, 1991, p. 157.
5 G. Bois, Crise du féodalisme. Economie rurale et démographique en Normandie orientale du début du xive siècle au milieu du xvie siècle, Paris, 1976.
6 A. Fromentin, Yvetot et ses environs, Paris, 1992 (1ère édition 1844).
7 G. Bois, op. cit., p. 379.
8 A. Beaucousin, Histoire de la principauté d’Yvetot, ses rois, ses seigneurs, Rouen, 1884, p. 297.
9 E. Guénin, Ango et ses pilotes, Paris, 1901, p. 3.
10 A. Beaucousin, Registre des fiefs et arrières fiefs du bailliage de Caux en 1503, Rouen, 1891 , P-F. abbé Lebeurier, État des anoblis en Normandie de 1545 à 1661 avec un supplément de 1398 à 1687, Evreux, 1866.
11 P. Le Verdier, op. cit., p. 218.
12 D. Richet, op. cit., p. 161.
13 E. Dumont, A. Léger, Histoire de la ville d’Harfleur, Rouen, 1868, p. 42.
14 M. Mollat (dir.), Histoire de Rouen, Toulouse, 1979 , M. Mollat, Le commerce de la Haute-Normandie du xive siècle au début du xvie siècle, Paris, 1952.
15 Archives Le Couteulx, Dom Charles Le Couteulx, Remarques généalogiques.
16 A.D.S.M. 2 1/353, 2 décembre 1576. Accord entre Michèle Fayel et Guillaume Le Couteulx.
17 Archives Le Couteulx, Dom Charles Le Couteulx, Remarques généalogiques.
18 J. Dewald, The formation of a provincial nobility. The magistrales of the Parliament of Rouen, Princeton, 1980, p. 128.
19 A.D.S.M.C. 216. État de la cotisation faite sur les marchands de Rouen.
20 M. Mollat, « La draperie normande » dans Produzione, comercio e consuma dei parnni de lana neisecoli XII-XVII. Atti della seconda settimana di studio 10-16 aprile 1970, Istituto internazionale di storia economica F. Datini, Firenze, 1976, p. 411.
21 A.N.K. 932. Comptes des loges occupées par les marchands rouennais à la foire du Lendit (1571).
22 A.N.M.C. Et. L VIII, 27, 28 octobre 1615. Échange de loges entre les héritiers de Guillaume Le Couteulx.
23 Sur le protestantisme normand au xvie siècle, cf. G. Le Hardy, Histoire du protestantisme en Normandie depuis son origine jusqu ’à la publication de l’Édit de Nantes, Caen, 1869.
24 Ph. Bénédict, Rouen during the wars of religion, Cambridge, 1981.
25 H. Lüthy, La banque protestante en France de la Révocation de l’Édit de Nantes à la Révolution, Paris, 1959.
26 A.D.S.M. 7 B 7115. Information sur les lettres de noblesse accordées aux sieurs Le Couteulx (1756).
27 N.Z. Davies, « Les huguenotes » dans Les cultures du peuple, Paris, 1979, pp. 112-158.
28 A.D.S.M. 4 E 3398. Livre des baptêmes protestants de Quevilly. Les noms des mères et des marraines sont omis comme c’était le cas dans les plus anciens registres paroissiaux catholiques. Cf. A. Osselin, Les protestants de Rouen dans la seconde moitié du xvie siècle d’après les registres du baptême du temple de Quevilly de 1564 à 1604, Rouen, 1997, p. 4.
29 Ph. Bénédict, op. cit., p. 150.
30 A.D.S.M. 2 El/353, 2 décembre 1576. Accord entre Michèle Fayel et Guillaume Le Couteulx.
31 S. Goulard, Mémoires de l’état de la France sous Charles 9, Magdebourg, 1577.
32 S. Goulard, op. cit., p. 541.
33 Ph. Bénédict, op. cit., p. 134.
34 Ph. Bénédict, op. cit., p. 134.
35 A.D.S.M.G 6904. Comptes de la paroisse Saint-Maclou 1596-1601.
36 A.D.S.M. 4 E 3394 cité par A. Osselin, op. cit., p. 37.
37 A.D.S.M. 2 1/968 4 juin 1598. Traité de mariage entre David Le Couteulx et Élisabeth Haillet.
38 G. Audisio, Les Français d’hier. Les Croyants (xve-xviie siècles), Paris, 1996, p. 343.
39 A.D.S.M. 2 E 1/968 30 juillet 1598. Traité de mariage entre Loys Engren et Anne de Bauquemare.
40 Ph. Bénédict, op. cit., p. 257. Entre 1595 et 1602, 33 filles de protestants sont prénommées Élisabeth, aucune fille de catholiques ne l’est dans la paroisse Saint-Maclou. En revanche, il y a 14 Isabeau.
41 A.D.S.M. 2 E 1/2135 16 janvier 1621. Traité de mariage entre Louis Le Carpentier et Élisabeth Le Couteulx.
42 M. Vénard, « Rouen au temps de Corneille » dans Études Normandes, n° 1, 1984, p. 20.
43 Sur l’essor économique de Rouen et les participations étrangères au xvie siècle et dans le premières décennies du xviie siècle, cf. Ph. Bénédict, « Rouen’s strade during the era of reli gion wars » dans Journal of European Economie History, n° 1, 1984, pp. 22-74 , J. Bottin « Structures et mutations d’un espace proto-industriel (Rouen et sa région) à la fin du xvie siècle » dans Annales E.S.C., 1988, n° 4, pp. 975-995 , P. Jeannin, J. Bottin, « La place de Rouen et les réseaux d’affaires lucquois en Europe (fin du xvie siècle – début du xviie siècle) » dans Lucca e l’Europa degli affari scoli xv-xviie siècles, Lucques, 1990, pp. 149-191 , Ch. Demeulenaere-Douyère, « Le commerce espagnol à Rouen au xvf siècle », Etudes Normandes, n° 2, 1981, pp. 43-54.
44 A.D.S.M. 201 BP 691, 17 avril 1598.
45 A.D.S.M. 2 El/968, 4 juin 1598. La mère d’Élisabeth lui apporte en dot 1000 écus sol soit 3000 lt. et promet de lui fournir des « vêtements, hardes et autres choses » ainsi que d’assurer les frais du mariage.
46 A.D.S.M. 2 E 1/2103, 3 janvier 1613. Achat de la maison rue Malpalu par David Le Couteulx.
47 A.D.S.M 2 E 1/2111, 16 janvier 1615. Partage des biens fonciers de Guillaume Le Couteulx.
48 A.N.M.C. Et. LVIII/27, 28 octobre 1615. Accord entre David Le Couteulx et ses frères.
49 A.N.M.C. Et. XIV/26. 20 décembre 1620. Vente de loges par Isaac Lefebvre à David, Jean et Jacques Le Couteulx.
50 A.N.S. 2780. Titres de la Foire Saint-Germain 1500-xviiie siècle.
51 H. Sauvai, Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, Paris, 1724,1.1, p. 615.
52 Ph. de Villers, Journal d’un voyage à Paris en 1657-1658 (A.P. Faugère ed.), Paris, 1862, p. 67.
53 A.N.M.C., Et. XXXV/75, 23 mars 1617. Accord Jérosme Lefebvre – David Le Couteulx.
54 Ch. de Robillard de Beaurepaire (ed.), Cahiers des États de Normandie sous le règne de Henri IV, Rouen, 1880, t. I, p. 183, octobre 1607. A. de Montchrestien, Traité de l’Économie politique (s.l.), 1615, p. 72.
55 A.D.S.M. 2 E 1/2102. 22 novembre 1612. Contrat David Le Couteulx et Michel Horney.
56 B. de Buffévent, L’économie dentellière en région parisienne au xviie siècle, Pontoise, 1984, pp. 221-222.
57 H. Lafosse, La juridiction consulaire de Rouen 1556-1791, Rouen, 1922 , sur les élections des quarteniers et des échevins, cf. Ju. Félix, Comptes-rendus des échevins de Rouen avec des documents relatifs à leur élection (1409-1709), Rouen, 1890, 2 vol.
58 David est élu quartenier en 1620. Cf. Ju. Félix, op. cit., t. 2, p. 10.
59 A.D.S.M. 2 E 1/2135. 21 janvier 1621. Traité de mariage entre Louis Le Carpentier et Élisabeth Le Couteulx.
60 J. Gélis, « L’individualisation de l’enfant » dans Histoire de la vie privée, t. 3 (R. Chartier dir.), Paris, 1986, p. 315.
61 M. Foisil, La révolte des nu-pieds et les révoltes normandes de 1639, Paris, 1970, p. 121.
62 A. Sarrazin, Abrégé du journal historique écrit par un prêtre de Rouen, Paris, 1872, pp. 38- 39.
63 B.M.R.A. 25. Délibération du 17 août 1622.
64 A.D.S.M. 2 E 1/2147. 24 janvier 1624. Traité de mariage entre Nicolas Aubourg et Anne Le Couteulx, A.D.S.M. 2 E 1/2155. 25 janvier 1626. Traité de mariage entre Arthur Tesson et Marie Le Couteulx.
65 Archives Le Couteulx. Dom Charles Le Couteulx, Remarques généalogiques.
66 J.P. Bardet, Rouen au xviie et xviiie siècles. Les mutations d un espace social, Paris, 1983, t. I, p. 189.
67 A.P. Floquet, Histoire du Parlement de Normandie, Rouen, t. IV, p. 542.
68 A.D.S.M. 2 E 1/2159. 14 janvier 1627. Vente de Louis Le Carpentier à Jean Le Couteulx.
69 A.D.S.M. 2 E 1/1094. 5 juin 1630. Accord entre Jacques Garlon et Jean Le Couteulx.
70 J. Bottin, « Négoce et crise frumentaire. Rouen et ses marchands dans le commerce international des blés (milieu xvie siècle, début xviie siècle) », R.H.M.C., juillet-septembre 1998, pp. 558-588.
71 A.N.M.C. Et. X/101. 17 septembre 1650. Jean Le Couteulx de passage à Paris était logé chez ses fils rue de la Grande-Truanderie. 1 muid = environ 34,56 hl.
72 A.D.S.M. 2 E 1/1168. 28 février 1644, Vente de Richard Bamborne à Jean Le Couteulx.
73 A.D.S.M. 2 E 1/1153. 19 avril 1640. Protêt Jean Le Couteulx contre Henri Cooke.
74 Ju. Félix, op. cit., t. II, p. 108.
75 A.D.S.M., 2 E 1/2644. 14 octobre 1653. Partage des biens de Jean Le Couteulx.
76 A.N.M.C. Et. LXI/219. 21 avril 1653. Succession Jean Le Couteulx.
77 A.D.S.M. 2 E 1/2314. 31 janvier 1658. Héritage de Louis Le Couteulx.
78 Sur les fortunes de Beauvais au milieu du xviie siècle, cf. P. Goubert, Les Danse et les Motte, Paris, 1959. La fortune de Lucien Motte, d’après son inventaire de 1650, se monte à 174 588 1t. Cf. P. Goubert, op. cit., p. 25. Sur celle des Amiénois dans les premières décennies du même siècle, cf. P. Goubert, « La fortune des marchands. L’exemple d’Amiens au début du xviie siècle » dans Le siècle de Louis XIV, Paris, 1998, pp. 124-139. Les Tallemant sont de très riches hommes d’affaires parisiens. Un Pierre Tallemant place 600000 lt. en janvier 1643 dans une société dont le capital s’élève à 800000 It. Cf. E. Magne, Bourgeois et financiers. La jeunesse de Tallemant, Paris, 1921, p. 156.
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Capitalisme et catholicisme dans la France moderne
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