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La plume et le sabre

 | 
Michel Biard
, 
Annie Crépin
, 
Bernard Gainot

Deuxième partie. Le sabre. Études sur l’armée Textes réunis par Annie Crépin

Guerre et culture, « Lumières » et Romantisme dans la pensée militaire

John Lynn

Texte intégral

1Sous l’Ancien Régime, la devise Ultima ratio regis, le dernier argument du roi, était frappée sur les canons, proclamant ainsi que, dans le combat, la force l’emporte sur le discours. La guerre est le champ clos de l’action où triomphe la violence.

2Toutefois, l’histoire militaire, celle des institutions et des tactiques, inclut aussi celle des mentalités et depuis le dix-huitième siècle au moins, les écrivains-soldats ont constitué un imposant corpus de doctrine militaire. En dépit du canon qui tonne, il y a bien un esprit de la guerre.

  • 1 Cet article n’est pas le premier qui tente de replacer la pensée militaire dans le contexte culture (...)

3Cette communication examine la relation entre la pensée militaire et les mouvements culturels majeurs des dix-huit et dix-neuvième siècles en Europe. La démonstration valorise ici davantage les modes les plus achevés d’expression des idées qu’elle ne prend pour centre les genres populaires qui font l’objet aujourd’hui de « la nouvelle histoire culturelle ». Les pages qui suivent établissent que la pensée des Lumières en premier lieu, puis le Romantisme ont agi sur la représentation mentale de la guerre avec une force telle qu’il existe bien une doctrine militaire « des Lumières » et un « Romantisme militaire »1.

4Ces deux visions radicalement différentes de la guerre, pour dire ce qu’elle est et ce qu’elle doit être, ont reflété et influencé la conduite de la guerre.

5Pour confronter la culture à la doctrine et à la pratique militaires, il est primordial de reconnaître que s’il peut exister un art de la guerre, la guerre n’est pas un art. Peintre, poète et dramaturge se mesurent à un univers intellectuel où l’expression n’est pas circonscrite par la réalité. Les artistes peuvent ainsi mener jusqu’à son aboutissement une recherche formelle. Les soldats n’ont pas le bénéfice d’une liberté comparable : leur monde est rude, la mort et la destruction y sanctionnent l’échec, les paramètres de leur action sont imposés par l’état des techniques, par la société et par le pouvoir politique. Il serait toutefois déraisonnable d’affirmer sans examen que le monde de la pensée – concepts, valeurs, canons esthétiques, etc. – n’a pas d’influence sur la conduite de la guerre. L’empreinte et l’étendue de cette influence intellectuelle ne sont, à coup sur, pas visibles d’emblée. C’est à travers l’expérience, au double miroir de la réalité militaire et du climat intellectuel, que cette influence a pu être perçue, puis érigée en théorie, qui à son tour a influencé la conception et la conduite de la guerre. Ce n’était pas une relation simple, de cause à effet, mais tout un cycle d’interactions : reflet, réaction, et compréhension.

Guerre et Lumières

6La pratique militaire de l’Ancien Régime a reflété les principes et les goûts du mouvement des Lumières. Au cours du dix-huitième siècle, c’est à Paris, devant tous les autres foyers européens que ce mouvement s’épanouit et prend racine. A cette époque, différents thèmes militaires figuraient parmi les centres d’intérêt de l’élite sociale. Il n’est donc pas très étonnant que ce mouvement de lumières ait généré un débat entre spécialistes, débat désigné ici par « guerre et lumières ».

  • 2 A. GAT, op. cit., p. 67-68, expose le rôle déterminant de Lloyd pour placer les opérations au cœur (...)

7Dans la masse des publications, nettement accrue au milieu du siècle, les questions les plus couramment débattues incluaient les tactiques sur le champ de bataille, l’organisation militaire et la constitution de la troupe. C’est Henri Lloyd qui, dans ses ouvrages, publiés à la fin des années 1760, a le premier, privilégié les opérations sur la tactique : cela devint le débat central de la pensée militaire « éclairée » dans les dix dernières années du siècle2.

8Il faut rappeler au lecteur que le terme de « tactique » désigne la conduite des batailles, le déploiement des troupes et le combat lui même ; la conduite des campagnes, jusqu’aux détails des lignes de progression et l’accompagnement logistique. La « stratégie » quant à elle renvoie à la direction de la guerre dans sa globalité et comprend jusqu’à l’identification de l’ennemi et à celle des enjeux.

  • 3 E. A. LUND, War for the Every Day : Générais, Knowledge and Warfare in Early Modern Europe, 1680-17 (...)
  • 4 LE BLOND, « Guerre » dans Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métie (...)

9Comme pour le mouvement des Lumières dans son ensemble, les sciences naturelles sont pour la pensée militaire le modèle d’étude et de savoir qu’il lui faut démarquer. Au bout de l’entreprise, il y a l’espoir d’aboutir, y compris dans le domaine de la psychologie des hommes et de la conduite de la guerre, à des vérités simples et empiriques. L’historien Erik Lund souligne qu’« une éducation scientifique et un penchant pour l’expérimentation faisaient partie d’un faisceau d’activités dont la globalité, dessinait pour l’opinion l’image du soldat-gentilhomme »3. Selon les dires de Guillaume Le Blond, le rédacteur principal de l’Encyclopédie pour les sujets militaires : « avant que d’entrer dans quelques détails sur ce sujet, observons d’abord que la guerre est un art qui a ses règles et ses principes » et il disait, en bon scientifique, que ces règles « ne sont autre chose que le fruit des observations »4. Il n’est pas fortuit que l’un des ouvrages les plus connus sur l’armée soit, au milieu du dix-huitième siècle, celui de Jacques-François de Chastenet de Puiségur intitulé Art de la guerre par principes et par règles.

10La confiance dans les règles et les principes, manifestée par les écrivains militaires du siècle des Lumières n’était pas naïve : ils étaient en quête d’une connaissance scientifique, mais ils admettaient que le champ de bataille confronte le chef de guerre à une réalité complexe, exigeant des capacités de jugement et d’adaptation.

11Les auteurs militaires n’étaient pas, au dix-huitième siècle, des théoriciens en chambre ; tous ou presque revendiquent avec fierté, l’expérience acquise en campagne. Il existe selon eux des lois, mais elles ne sont pas exactement comme les lois physiques. Pour interpréter et appliquer les principes, commander exige un don qui peut être efficace sans être extraordinaire.

  • 5 TURPIN DE CRISSE, Essai sur l’art de la guerre, Paris. 1754, vol. 1, p. 2 ; A.G AT a signalé Turpin (...)
  • 6 L’ouvrage de GAT sur ce sujet est le plus achevé : pour le rôle du génie dans la théorie des Lumièr (...)

12Turpin de Crissé avertit qu’« il est si rare qu’on puisse appliquer l’expérience aux principes qu’il n’y a qu’une étude assidue qui puisse donner des lumières pour appliquer avec justesse les principes aux circonstances »5. Le génie militaire n’était donc opératoire que s’il agissait avec, ensemble, les lois et les principes6.

  • 7 Maurice DE SAXE, Les rêveries ou mémoires sur l’art de la guerre, La Haye, 1756, p. 215.
  • 8 Maizeroy dans A. GRASSET, Préceptes et jugements du Maréchal Foch, Paris, 1919, p. 122-123.
  • 9 Puységur dans LE BLOND, « Bataille », Encyclopédie, vol. 2, p. 134.

13L’engouement scientifique de l’époque évitait le hasard, recherchait le prévisible et méprisait le chaos. L’esprit français des Lumières considérait avec inquiétude le hasard en estimant que la bataille ouvrait des possibilités trop nombreuses à l’imprévu et à l’incontrôlable. De Saxe affirmait avec force : « On peut faire la guerre sans rien donner au hasard, et c’est le plus haut point de perfection et de l’habileté d’un général »7. Joly de Maizeroy renchérissait, « la science de la guerre ne consiste pas seulement à savoir combattre, mais encore plus à éviter le combat... on ne se détermine à livrer bataille que quand on le juge indispensable »8. Dans un passage particulièrement révélateur, un autre expert influent de cette époque, Puységur soutenait : « Les généraux qui n’ont pas grande ressource dans leur savoir préfèrent-ils toujours les batailles aux autres actions de la guerre qui donnent moins au hasard et qui demandent plus d’habileté »9.

  • 10 SAXE, Les rêveries, p. 214-15.
  • 11 Bûlow dans GAT, Les origines de la pensée militaire, p. 85.

14La pensée militaire « éclairée » allait jusqu’au refus de la bataille, jugée trop imprévisible et coûteuse et jusqu’à suggérer à l’authentique général de l’éviter. À l’examen de cette idée, de Saxe déclarait : « Je ne suis cependant point pour les batailles, surtout au commencement d’une guerre et je suis persuadé qu’un général habile pourrait la faire toute sa vie sans s’y voir obligé »10. Bulow lui fait écho : « Il est toujours possible d’éviter le combat »11 .

15Pour être juste il faut observer que ces mêmes experts ont souvent fait suivre leurs critiques de la bataille par un désaveu, et affirmé le caractère parfois avantageux de la bataille. Quoi qu’il en soit, le fait dominant c’est que les meilleurs chefs de guerre n’ont, à l’époque des Lumières pas regardé la bataille comme désirable, mais, la plupart du temps, comme un moyen d’action inférieur, le dernier à mettre en œuvre.

16De préférence à la bataille, l’Ancien Régime valorise la guerre de siège, de loin plus prévisible. La recherche d’une science de la guerre, renforcée par l’attirance préétablie du siècle des Lumières dans le domaine de l’ esthétique pour le bon ordre, tout cela se retrouve dans le tracé des forteresses, éléments essentiels de l’art militaire sous l’Ancien Régime.

17L’art des fortifications qui domine cette période est né au seizième siècle, pendant les guerres d’Italie. Aux murailles légères et élevées des châteaux-forts du Moyen-Âge il substitue des murs bas et massifs construits pour résister aux tirs d’artillerie, et destinés à fournir une plate-forme commode à l’artillerie défensive. Architectes et ingénieurs tracent les angles de ces murs, disposent des bastions et des avancées pour permettre le balayage des douves par le feu des canons, qui assurent ainsi la défense de la place-forte, davantage et mieux que les soldats. Les plans ainsi conçus furent des chefs d’œuvre de géométrie. Pour assiéger ces forteresses, il fallut en retour concevoir des schémas, géométriques eux aussi, de tranchées parallèles et de chicanes, à l’exemple de l’œuvre de Vauban.

  • 12 J. A. LYNN, « The treatment of military subjects in Didcrot’s Encyclopédie », Journal of Military H (...)
  • 13 DIDEROT, Encyclopédie, vol. 1, après page LIII. La comparaison des éditions de l’ Encyclopédie révè (...)

18La guerre de fortifications et de siège révèle, dans sa forme la plus pure, la relation entre la science et la guerre mais l’étude de cette relation est largement postérieure à la construction et à la prise de ces remparts, ainsi que le démontre l’Encyclopédie de Diderot, la plus vaste entreprise intellectuelle du siècle des Lumières12. En introduction de cette ambitieuse compilation la question est posée d’un progrès de l’intelligence et du savoir. Comme élément de réponse, le « Système figuré des connaissances humaines » un classement graphique des efforts de l’esprit des hommes, fournit un exemple visuel frappant de l’esprit de l’époque. Dans ce Système, l’architecture militaire et la tactiques figurent toutes deux dans les « sciences de la nature » comme expression de la « Géométrie élémentaire »13.

  • 14 TURPIN DE CRISSE, Essai sur l’art de la guerre, vol. 2, p. 142.
  • 15 LE BLOND, « Tactique », dans l’Encyclopédie, vol. 15, p. 825.
  • 16 FRÉDÉRIC II, Œuvres de Frédéric le Grand. Berlin, 1856, t. 29, p. 21.
  • 17 DIDEROT, « Salon de 1761 », dans Les Salons de Diderot, J. SEZNEC et J. ADHEMAR éd, Oxford, vol. 1, (...)

19Les plans géométriques des fortifications et les techniques méthodiques pour les assiéger ont exercé en retour leur influence sur l’art militaire en lui fournissant le modèle pour l’ordre idéal des troupes dans la bataille. Turpin de Crissé affirmait « que les principes qui servent à la conduite d’un siège, peuvent servir de règle à celui qui forme le projet d’une ou plusieurs campagnes »14, et Le Blond commentait « Nous nous contenterons d’observer qu’il en doit être des principes de la tactique comme de ceux de la fortification »15. Tout aussi compétent et célèbre dans l’art militaire, Frédéric de Prusse s’exprimait dans des termes semblables : « Nous devons puiser nos dispositions pour les batailles dans les règles d’assiéger les places »16. De fait les armées se déployaient sur le terrain en ordre de bataille selon des tracés, comme sur une page. La tactique linéaire mise en oeuvre dans le combat de cette époque avait quelque chose de formel, presque comme l’étiquette des cours. Quand il fait, pour le Salon de 1761 la critique de tableaux « militaires », Diderot évoque « ces corps de troupe oblongs ou carrés, et la symétrie de notre tactique »17.

20Sans doute serait-ce aller trop loin dans l’affirmation que d’attribuer la fascination manifeste de l’Ancien Régime pour une tactique en ligne, formalisée à l’extrême, au seul désir de reproduire le schéma rationnel des fortifications et l’esthétique des Lumières. L’armement a, c’est certain, joué un rôle absolument déterminant dans la configuration du combat. Et il est vrai, aussi, que les formations en ordre de bataille découlaient de surcroît des préjugés des officiers aristocrates qui tenaient les hommes du rang pour des individus dépourvus d’honneur et de responsabilité, si bien qu’ils devaient être maintenus le plus possible sous surveillance et sous contrôle. Quoi qu’il en soit, les mentalités acquises ont exercé sur la pratique militaire une influence qu’il faut prendre en compte.

Le Soldat-Citoyen

21Le concept de soldat-citoyen fournit un autre exemple frappant de l’introduction d’une construction intellectuelle dans la réalité du monde de la guerre et d’un concept non fondé sur la science. Comme l’indique le titre de l’ouvrage majeur de Jean-Paul Bertaud, l’apport déterminant de la Révolution française à l’art militaire ne se situe ni dans la tactique, ni dans les opérations militaires, il est dans la création du soldat citoyen. Cette création essentielle n’est pas née spontanément, des seules circonstances de la Révolution et le soldat-citoyen était déjà en débat entre les philosophes et les soldats-philosophes « éclairés ».

  • 18 Voir, par exemple, dans l’Encyclopédie, les articles « Économie » par J. J. ROUSSEAU et « déserteur (...)

22Cette idée neuve est née de la grande admiration vouée par le dix-huitième siècle à l’autorité des classiques. Les auteurs grecs et plus encore les auteurs romains abondent en exemples de vigoureux paysans-soldats. Dans les Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains (1734), Montesquieu exalte les vertus du soldat-citoyen romain, tout en limitant de tels exemples de sacrifice au bien public aux seules républiques de l’Antiquité. Au milieu du siècle, les collaborateurs de l’Encyclopédie de Denis Diderot reprennent le panégyrique du soldat-citoyen romain18.

  • 19 J. J. ROUSSEAU, Considérations sur le gouvernement de Pologne, dans Œuvres complètes, GAGNEBION et (...)
  • 20 GUIBERT, Essai général de tactique (1772) dans Écrits militaires, Ménard éd., Paris, 1977, p. 57.

23En 1772 dans les Considérations sur le gouvernement de Pologne, Rousseau condamne les armées de professionnels qui existaient en Europe en ces termes : « [elles] ne sont bonnes qu’à deux fins ou pour attaquer et conquérir les voisins ou pour enchaîner et asservir les Citoyens ». Aux Polonais il proposait cette alternative : « Tout citoyen doit être soldat par devoir, nul ne doit l’être par métier »19. Les philosophes rêvaient aussi d’un futur radicalement différent dans le domaine militaire. L’exposé le meilleur vient de Jacques-Antoine-Hypolite de Guibert qui publie son Essai général de tactique – ouvrage bien accueilli – l’année même de la sortie des Considérations de Rousseau. Après avoir déploré l’enlisement des États modernes dans des guerres d’usure, Guibert envisage à l’opposé total : « Mais supposons qu’il s’élevât en Europe, un peuple, qui joignît à des vertus austères et à une milice nationale, un plan fixe d’agrandissement, qui ne perdît pas de vue ce système, qui, sachant faire la guerre à peu de frais et subsister par ses victoires, ne fût pas réduit à déposer les armes, par des calculs de finance. On verrait ce peuple subjuguer ses voisins, et renverser nos faibles constitutions, comme l’aquilon plie de frôles roseaux »20.

  • 21 Ibid.

24Après ces rêveries bien connues sur une « milice nationale » il reconnaissait « ce peuple ne s’élèvera pas, parce qu’il ne reste en Europe aucune nation à la fois puissante et neuve »21.

25La Révolution, seule, pouvait faire naître une nation à la fois « puissante et neuve », mais, en 1772, il ne pouvait l’imaginer.

26Le débat se poursuivit sur le soldat-citoyen. En 1780, Joseph Servan publia Le soldat-citoyen, programme détaillé pour une réforme de l’armée comportant un appel en faveur de la conscription générale. Plus tard, Servan deviendra dans le gouvernement révolutionnaire de 1792, un éphémère ministre de la guerre. Aussi, l’exposition au Salon de Paris, en 1785, de l’impressionnant tableau de Jacques-Louis David (1748-1825) Le serment des Horaces, suscita des analyses semblables. Cette œuvre exalte la volonté du citoyen de mourir pour son pays en guerre, pour le salut du peuple et de l’État.

27Les partisans du soldat-citoyen pouvaient aussi faire appel à d’autres éléments qu’au passé de l’Antiquité et à leur vision du futur. Il y avait le présent immédiat de la Révolution nord-Américaine. Selon quelques observateurs, les deux se mêlent.

  • 22 Coup d’ œil sur la Grande-Bretagne, Londres, 1776, p. 86-87.

28« Déjà le cri de la Patrie s’est fait entendre, déjà le citoyen a pris pour devise Dudce et decorum est pro patria mori, déjà son sang est prêt à couler pour l’utilité ou le salut de la Patrie.... Chaque colon est un autre Curtius, prêt à sauter dans le gouffre pour sauver la patrie. c’est à elle qu’il doit tout son sang »22.

  • 23 C. DESMOULINS, La France libre, p. 66-67, Œuvres de Camille Desmoulins, Paris, 1836.

29L’idéal du soldat-citoyen démontre comment les analystes ont dessiné les contours de l’avenir nouveau qu’ils désiraient, bien avant son avènement. Plus tard, quand la Révolution mit en place un contexte favorable, les acteurs de l’histoire purent imprimer sur la réalité le schéma préexistant. Dès que déferle sur la France la vague de la Révolution, des hommes de premier plan affirment que le soldat est un citoyen. C’est en juillet 1789 que Camille Desmoulins harangue les troupes en ces termes : « Braves soldats, venez, vous mêler parmi vos frères, recevoir leurs embrassements... maintenant vous n’êtes plus les satellites du despote, les geôliers de vos frères ; vous êtes nos amis, nos concitoyens, les soldats de la patrie »23. La guerre une fois déclarée, la première levée de volontaires donnait une réalité tangible à l’idée de soldat-citoyen et, plus tard, la levée en masse établissait la milice nationale préconisée par Guibert.

30Si la levée est une réponse à la crise de l’été 1793, cet appel aux armes est directement issu du modèle idéal qui s’était déjà imposé. Il est bien sûr que, sans disposer des ouvrages antérieurs sur le soldat-citoyen, les institutions militaires auraient subi pendant la Révolution, les critiques et les mutations imposées par la sécurité intérieure et la défense nationale, dans le contexte de profonds changements de la société et de la vie politique. Parmi ces sujets figurent aussi la définition d’un nouveau lien entre la citoyenneté et le service militaire. Quoi qu’il en soit, le débat des Lumières sur le soldat-citoyen avait fourni une définition précise de cette relation et la rendit immédiatement applicable.

Le Romantisme militaire

31Il y eut une nette rupture entre les pratiques militaires de l’Ancien Régime et celles mises en œuvre par Napoléon, et cette transformation de la conduite de la guerre a également accéléré le changement intervenu dans sa conception même. Les auteurs militaires ont bâti une théorie à partir de la réalité napoléonienne, mais cette théorie découlait aussi des nouveaux courants d’idées apportés par le Romantisme. Il était inévitable que les auteurs de la première décennie du dix-neuvième siècle cherchent à proposer des explications des campagnes victorieuses de Napoléon mais que ces explications soient émises dans les termes d’une pensée militaire « romantique », voilà qui constitue un phénomène culturel.

  • 24 Sur Berenhorst, voir A. GAT, op. cit., p. 150-55, et P. PARET, op. cit., p. 202-203.
  • 25 Cité dans JÄHNS, Geschichte der Kriegswissenschaften, p. 2118, dans A. GAT.op. cit., p. 152.

32Le lecteur pourrait alléguer que ce qui est ici présenté comme un mouvement, le Romantisme « militaire », est l’œuvre d’un auteur unique et déterminant, Carl von Clausewitz ; il ne fut pourtant pas un auteur isolé. Certes, sa réflexion est différente de celle présentée par l’autre éminent commentateur de Napoléon, Henri Jomini, qui a maintenu l’essentiel de la tradition des Lumières. De plus, Azar Gat, dont les travaux ont nourri de façon importante mon étude du Romantisme militaire, apporte la preuve qu’il y eut des écrivains notables antérieurs ou contemporains de Clausewitz. Georg Heinrich von Berenhorst, dont les Considérations sur l’art de la guerre furent publiées en trois volumes de 1796 à 1799, fut le premier romantique militaire d’importance24. Il eut presque immédiatement des disciples ; un contemporain a porté témoignage : « aucun ouvrage n’a été lu aussi largement que les Considérations »25 .

  • 26 A. GAT, op. cit., p. 185.
  • 27 MITCHELL, Thoughts on Tacties and Military Organization, Londres, 1838, p. 12 dans GAT, Development (...)
  • 28 C. VON CLAUSEWITZ, De la guerre, trad. Denise Naville, Paris, 1955, Livre VIII, Chapitre 3B, p. 687

33Frederich Constanin von Lossau, disciple de Scharnhorst et comme lui réformateur, a publié son ouvrage La Guerre en 1815. Lossau a bâti son œuvre sur l’ouvrage de Berenhorst et développé des thèmes auxquels Clausewitz devait plus tard donner davantage d’extension, comme par exemple l’influence de la psychologie et du hasard26. John Mitchell, auteur des Pensées sur l’organisation militaire, publié à Londres en 1838, se présentait lui-même comme un modeste disciple de Berenhorst, qu’il fit connaître au public britannique27. C’est l’essence même de la guerre que veut atteindre le Romantisme militaire. Ce courant traite en même temps de la tactique et des opérations. Mais le centre vital du débat s’est déplacé vers la stratégie. Il y eut par conséquent un mouvement de bas en haut pour l’étude des enjeux, des éléments de la guerre liés aux circonstances particulières de la technique et de l’organisation militaires à ceux qu’ils pouvaient plus facilement généraliser. Le Romantisme militaire a fait état de la venue d’un monde nouveau, celui de la guerre du peuple, du soldat-citoyen et du nationalisme. Le rêve de Guibert devenait réalité, pas dans les formes où il l’avait souhaité, . Clausewitz en fait cette description : « La guerre était soudain redevenue l’affaire du peuple et d’un peuple de 30 millions d’habitants qui se considéraient tous comme citoyens de l’État... La participation du peuple à la guerre, à la place d’un Cabinet ou d’une armée faisait entrer une nation entière dans le jeu avec son poids naturel. Dès lors, les moyens disponibles – les efforts qui pouvaient les mettre en œuvre n’avaient plus de limites définies ; l’énergie avec laquelle la guerre elle même pouvait être conduite, n’avait plus de contre poids, et par conséquent le danger pour l’adversaire était parvenu à un extrême »28.

  • 29 NAPOLÉON, Notes sur « L’Art de la guerre », Correspondance de Napoléon, Paris, 1858- 70, vol. 31, p (...)
  • 30 CLAUSEWITZ, De la guerre, Livre II, Chapitre II, p. 126

34Comme il le fait pour l’Art et la Philosophie, le Romantisme conteste, dans la pensée militaire, l’inlassable volonté, qui caractérise le dix-huitième siècle, d’établir des règles et des principes clairs et universels. Napoléon lui-même reconnaissait : « Il n’y a point de règles précises et déterminées »29. À l’origine, Napoléon fut un contestataire de la doctrine militaire formulée par les Lumières et si de temps à autre il en approuve les principes c’est avec le génie, le hasard et la chance qu’il poursuit son propos. Clausewitz a rejeté l’efficacité de lois scientifiques qui seraient appliquées à la direction de la guerre. C’est en ce sens qu’il écrivit : « On s’efforça donc d’établir des principes, des règles et même des systèmes relatifs à la conduite de la guerre. On se fixait ainsi un but positif en perdant de vue les difficultés infinies que la conduite de la guerre présente à cet égard »30.

35Les Romantiques ont ainsi embrassé les conclusions d’Emmanuel Kant : si le monde physique obéit à des lois scientifiques, les sentiments comme les actions des hommes ne relèvent pas de schémas aussi précis. Parce que la guerre est une activité humaine complexe, aucune conclusion scientifique n’est promise à son étude. À la place de règles mécaniques, c’est le rôle de la psychologie humaine et de la personnalité que veulent explorer les théoriciens militaires de la période romantique. L’une des proclamations les plus célèbres de Napoléon :

  • 31 NAPOLÉON, Correspondance, vol. 17, p. 472, n° 14 276.

« À la guerre les trois quarts sont des affaires morales, la balance des forces réelles n’est que pour un autre quart »31.

  • 32 CLAUSEWITZ, De la guerre, Livre I, Chapitre I, Article 2, p. 51.
  • 33 Sur l’influence des idées de Kant en matière artistique sur la pensée de Clausewitz, voir A. GAT, o (...)
  • 34 Emmanuel KANT, Immanuel Kant Werke, E. CASSIRER éd., Berlin, 1922, vol. 5, p. 382.
  • 35 NAPOLÉON, Military Maxims, dans PHILLIPS, Roots of Strategy, p. 440.

36Berenhorst avait déjà souligné le rôle de la personnalité et Clausewitz insisté sur celui de la volonté et du génie. « La guerre, disait Clausewitz, est donc un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté »32. Dans cet affrontement des volontés, la fermeté était tout. Pour les auteurs romantiques, le génie humain devait être l’acteur décisif dans la guerre, combat interactif à l’issue incertaine. Azar Gat établit que la vision artistique de Kant a fortement influencé Clausewitz33 ; pour Kant, le génie se situe au dessus et en dehors des règles : « Le génie est le talent [...] qui donne la règle à l’art », il le définit comme « le talent de faire quelque chose pour qu’il n’existe aucune règle définitive »34. Napoléon affirmait avec force que l’art de la guerre est un art de génie et d’inspiration35.

  • 36 CLAUSEWITZ, De la guerre, Livre I, Chapitre III, p. 86.

37Selon Clausewitz, le génie seul peut surmonter le caractère confus de la réalité de la guerre : « Plus qu’en n’importe quel domaine, il faut qu’une intelligence subtile et pénétrante sache y discerner et apprécier d’instinct la vérité »36. La littérature romantique ne se contente pas de rendre un culte au génie, elle crée le culte du génie, un être d’exception par son talent, souvent en conflit avec les conventions. Quelque peu influencé par cette tendance, Clausewitz n’a pourtant pas assimilé le génie à un homme hors du commun.

38L’intérêt primordial des romantiques pour ce qui est particulier, les conduisit à se préoccuper du caractère national et du nationalisme. Le Patriotisme, éclos pendant la Révolution Française avait des racines politiques et sociales, mais en se diffusant dans les autres pays, le nationalisme s’établit davantage sur des fondements culturels. Les penseurs militaires ont très vite admis le pouvoir et l’importance du nationalisme. Pour le Prussien Scharnhorst, la finalité des réformes sociales était d’engager le peuple à s’identifier à l’État. Clausewitz aurait bien vu le sentiment patriotique comme un démon puissant, libéré par la Révolution et difficile à enfermer de nouveau. À ses yeux, les guerres qui impliquent les nations ne se contentent pas de faire naître la dévotion à la patrie, mais génèrent aussi des passions destructrices.

  • 37 E. LAS CASES, Mémorial de Sainte-Hélène, Paris, 1961, vol. 2, p. 581.
  • 38 CLAUSEWITZ, De la guerre, Livre I, Chapitre III, p. 86.

39Rejeter l’esprit des Lumières dans sa conviction de tout pouvoir prévoir, c’était ouvrir la porte au hasard. Dans le domaine militaire, le hasard est un terme complexe à définir : il peut renvoyer à l’idée d’un projet mal préparé, comme si, faute de concentration et d’application, on abandonnait sa conduite au hasard. Toutefois les romantiques l’ont employé dans une acception différente, plus élevée, celle de la réalité imprévisible de la guerre. Napoléon a souligné l’importance et la nature éphémère du hasard en même temps que le caractère crucial du lien entre hasard et génie : « [L]a guerre ne se composait que d’accidents et que bien que tenu à se plier à des principes généraux, un chef ne devait jamais perdre de vue tout ce qui pouvait le mettre à même de profiter de ces accidents. Le vulgaire appellerait cela bonheur et ce ne serait pourtant que la propriété du génie »37 . Berenhorst a disserté sur le hasard et Clausewitz fait du débat sur le hasard l’un de ses thèmes centraux. Pour lui c’est la nature de la guerre d’être imprévisible, elle l’est à cause de l’interaction entre les adversaires malgré l’excellence du projet et de la préparation : « La guerre est le domaine du hasard. Aucune autre sphère de l’activité humaine ne laisse autant de marge à cet étranger »38.

  • 39 Napoléon, cité par Sir J. SEELEY, A short History of Napoléon, Boston, 1886, p. 193.
  • 40 NAPOLÉON, Maximes de guerre de Napoléon, Bruxelles, 1837, p. 9-10.
  • 41 CLAUSEWITZ, De la guerre, Livre I, Chapitre 1, Article 3, p. 52.

40L’un des objectifs des Lumières, à vouloir éviter le hasard, était de limiter les pertes humaines et matérielles. Le Romantisme militaire était davantage enclin à considérer les pertes comme inévitables et donc à les accepter. Napoléon a parlé sur la vie de ses hommes en des termes très durs ; de fait, aux dires de Metternich, Napoléon s’est vanté auprès des Autrichiens de ne pas être atteint par la mort d’un million de soldats39. Il pouvait aussi proposer une justification mieux élaborée : « La gloire et l’honneur des armes est le premier devoir qu’un général qui livre bataille doit considérer ; le salut et la conservation des hommes n’est que secondaire »40. Clausewitz répétait à l’envi que se dérober devant le carnage, c’était se désarmer soi-même : « Celui qui use sans pitié de cette force et ne recule devant aucune effusion de sang prendra l’avantage sur son adversaire si celui-ci n’agit pas de même »41.

41L’expérience napoléonienne et la bonne volonté mise à admettre que le hasard ne pouvait être prévu, ni les pertes évitées, conduisirent les penseurs romantiques de l’art militaire à valoriser la bataille décisive, jusqu’à en faire l’essence même de la guerre.

42Napoléon a fait la démonstration de l’efficacité d’une bataille décisive pour briser la volonté de l’ennemi et le vaincre.

  • 42 Napoléon cité dans GRASSET, Préceptes et jugements, p. 92.
  • 43 Napoléon, cité par D. G. CHANDLER, Campains of Napoleon, New-York, 1966, p. 142 ; Napoléon, cité da (...)
  • 44 CLAUSEWITZ, De la guerre. Livre I, Chapitre II, p. 79
  • 45 Ibid.
  • 46 CLAUSEWITZ, « Bemerkungen über die reine und angewandte Strategie des Herm von Bülow », Neue Bellon (...)

43La bataille devint son moyen préféré et presque le seul pour remporter la victoire : au lieu de l’éviter avec adresse, c’est avec âpreté qu’il fallait la rechercher : « Il y a beaucoup de bons généraux en Europe mais ils voient trop de choses ; moi je n’en vois qu’une, ce sont les masses [des troupes]. Je tâche de les détruire, bien sûr que les accessoires tomberont ensuite d’eux-mêmes »42. Il disait avec insistance que le sort des places-fortes et celui des empires s’était joué sur les champs de bataille et déclara en 1806, avant d’entrer en campagne : « Je ne désire rien tant qu’une grande bataille »43. Pour Clausewitz, la bataille est l’essence de la guerre : « En guerre, on ne dispose que d’un seul moyen : l’engagement »44. Même si une vraie bataille n’intervient que rarement dans la guerre, c’est elle qui est fondamentale, qui la définit. En une formule qui attira l’œil d’un autre personnage important dans l’élaboration des idéologies au dix-neuvième siècle, Friedrich Engels, Clausewitz proclamait : « La décision par les armes représente pour toute opération de guerre, grande et petite, ce que le paiement en espèces représente dans les transactions financières »45. La conduite majeure de la guerre, la stratégie, doit englober le combat : « la stratégie n’est rien sans la bataille, la bataille est la matière brute avec laquelle elle travaille, elle est son moyen d’action »46 .

Clausewitz et la guerre absolue

  • 47 CLAUSEWITZ, De la guerre. Livre I, Chapitre 1, Article 28, p. 69.

44Clausewitz fit partie d’une école de pensée mais la formulation particulière de son analyse, dans son ouvrage classique, De la guerre, allait bien au delà de ce qu’il avait en commun avec les autres. Un essai aussi bref que celui-ci ne peut épuiser la richesse analytique de Clausewitz. L’espace est trop restreint pour développer ce qui est aujourd’hui en débat dans la vision de la guerre chez Clausewitz, [cette] « étonnante trinité où l’on retrouve d’abord la violence originelle de son élément, la haine et l’animosité, qu’il faut considérer comme une impulsion naturelle aveugle, puis le jeu des probabilités et du hasard qui font d’elle une libre activité de l’âme et sa nature subordonnée d’instrument de sa politique par laquelle elle appartient à l’entendement pur »47.

  • 48 CLAUSEWITZ, De la guerre, Livre I, Chapitre VII, p. 111.

45Ces pages ne peuvent pas explorer le concept pivot de friction « ce qui rend difficile tout ce qui paraît facile » dans la guerre48. Ni traiter comme il le mérite celui de centre de gravité. Ici le propos doit par nécessité être centré sur la notion de guerre absolue.

  • 49 CLAUSEWITZ, De la guerre. Livre IV, Chapitre III, p. 244.

46La toute première et la plus importante motivation de Clausewitz a été de comprendre, sans s’imposer de limites, la nature de la guerre. La violence et la destruction de la guerre déchaînée sous la Révolution et l’Empire l’ont conforté dans cet intérêt : « C’est cette importance prédominante du principe de destruction, et rien d’autre, que nous nous efforçons de mettre en évidence »49. Ce fut la fureur de la guerre totale qui révéla la vraie nature de la guerre, c’est vers cette fureur qu’elle était nécessairement conduite, elle qui rendait nuls et non avenus les vieux principes étriqués du dix-huitième siècle.

  • 50 R. ARON, Clausewitz, Philosopher of War, trans. C. BOOKER et N. STONE, Londres, 1983, p. 84-87.

47Bien que son intérêt premier ait été pour la guerre totale, Clausewitz, en 1827, se rendit à l’évidence : s’il voulait que sa théorie approche une compréhension globale de la guerre, il lui fallait analyser de la même façon que les dynamiques de la guerre totale, celle de la guerre limitée. Ce fut, dans sa pensée, une vraie rupture, et aurait requis une révision profonde de son ouvrage De la guerre. Raymond Aron décrit cela comme le passage d’une conception moniste à une conception dualiste de la guerre, et selon lui, la mort de Clausewitz en 1831, alors qu’il s’engageait à peine dans la voie de la révision, explique le caractère imparfait de De la guerre50. L’argumentation de Gat est plus forte et convainc davantage : le propos dominant de Clausewitz, celui d’une guerre conduisant à une destruction effrénée était inconciliable avec celui de guerre limitée menée par des politiques rationnelles. S’il voulait y parvenir, il lui fallait poser la dualité de la guerre absolue et de la guerre réelle, puis, cette dualité établie, décliner la guerre réelle en guerre limitée ou guerre totale. Il affirmait que les schémas politiques bridaient en des conflits limités la force naturelle et l’intensité destructrice de la guerre. Si bien qu’en établissant ces dualités, Clausewitz se trouvait en difficulté pour adapter son affirmation selon laquelle la guerre tend, par sa nature même, vers les extrêmes. Il ne pouvait échapper ainsi à une contradiction qui rend compte de la complexité et de la confusion apparente dans De la guerre.

48De la guerre accorde au conflit une identité et une dynamique propres Il postulait que dans le monde sans limites de la théorie, la guerre pouvait atteindre la perfection d’un absolu, c’est à dire la guerre sans contrainte dans laquelle chacun des adversaires met en œuvre tous les moyens dont il dispose avec toute sa volonté.

  • 51 CLAUSEWITZ. De la guerre. Livre I, Chapitre I, Article 3, p. 52.
  • 52 Ibid., p. 53.

49Si puissantes sont les forces qui agissent pour mettre en charpie toutes les limitations que « introduire un principe modérateur dans la philosophie de la guerre elle-même serait commettre une absurdité »51. « Chacun des adversaires fait la loi de l’autre, d’où résulte une action réciproque qui, en tant que concept, doit aller aux extrêmes »52. Quoi qu’il en soit, l’état de guerre absolue n’est en fait jamais atteint, parce que le monde réel y met obstacle et souffre de défauts.

  • 53 Ibid., Livre VIII, Chapitre III, B, p. 688.

50Mais s’il distingue avec insistance la guerre absolue de la guerre réelle, il reconnaît à la guerre réelle, en d’autres passages, une intensité voisine de la guerre absolue. De fait, Clausewitz met à jour que la forme de guerre pratiquée par la France révolutionnaire, a conduit la réalité au plus près de ce qui était possible dans la théorie : « Depuis l’époque de Bonaparte, la guerre, après être redevenue, d’abord d’un côté puis de l’autre, une affaire de la nation entière, avait révélé une toute nouvelle nature, ou plutôt s’était approchée plus près de sa vraie nature, de son absolue perfection... La violence primitive de la guerre, libérée de toute restriction conventionnelle, explosait ainsi dans toute sa force naturelle »53.

51Dans ce passage, les notions de guerre absolue et de guerre réelle ne peuvent pas être considérées comme des figures entièrement distinctes : il devient dès lors raisonnable de transposer dans la réalité une bonne part des analyses qu’il consacre à la guerre absolue.

  • 54 Ibid., Article 27, p. 68.
  • 55 Note du 10 Juillet 1827, CLAUSEWITZ, De la guerre, p. 42.
  • 56 Ibid.

52La guerre réelle est « en toute circonstances [...] un instrument politique »54. Clausewitz a fait la distinction entre deux types de base de guerre réelle qu’il considère avec insistance comme « entièrement différents » et séparés par des « éléments inconciliables »55. Le premier type de guerre s’efforce « d’abattre l’adversaire, soit pour l’anéantir, soit pour le désarmer seulement en l’obligeant à accepter la paix à tout prix. C’est là la guerre totale. Le second type de guerre a des visées bien moindres par exemple, « il suffit de quelques conquêtes aux frontières du pays, soit qu’on veuille les annexer, soit qu’on veuille s’en servir comme monnaie d’échange, au moment de la paix »56.

  • 57 Ibid., Article 3, p. 52.

53C’est la guerre limitée, menée avec les moyens appropriés, pour une victoire elle aussi limitée. Les formules abruptes de Clausewitz sur le sang et le combat sont dans le prolongement logique de son adhésion au « principe destructeur » et de la conception qu’il a de la guerre comme une force sans entraves conduisant à la mort et à la dévastation : elles ne cadrent pas avec les approches d’une guerre limitée : « les âmes philanthropes pourraient alors aisément s’imaginer qu’il y a une façon artificielle de désarmer et de battre l’adversaire sans trop verser de sang, et que c’est à cela que tend l’art de la guerre ; si souhaitable que cela paraisse, c’est une erreur qu’il faut éliminer. Dans une affaire aussi dangereuse que la guerre, les erreurs dues à la bonté d’âme sont précisément la pire des choses »57.

Lectures de De la guerre

  • 58 G. RITTER, The Sword and the Scepter, 4 vol., Coral Gables, Floride, 1969-73, 1 : 189 ; dans ROTHEN (...)

54Cinquante années durant après la publication de De la guerre, l’Histoire a confirmé le Romantisme militaire, car les guerres nationales ont atteint leur sommet en des batailles dont l’issue rapide était payée d’une tuerie aussi sanglante que celles de Napoléon. Alors que les victoires remportées de 1864 à 1871 par la Prusse donnent encore raison aux thèses militaires du Romantisme, de nouveaux facteurs apparaissent, que Clausewitz n’avait pu prévoir. D’un côté la Révolution Industrielle a créé de nouveaux moyens de transport et des armes nouvelles qui ont profondément modifié la guerre, d’un autre, une population accrue, mobilisée par le développement politique de l’Europe a formé des armées d’une ampleur jamais atteinte. À la fin du dix-neuvième siècle, les armées régulières s’étaient transformées en structures de formation des recrues, en général pendant les deux ou trois années que durait le service militaire, puis les reversaient dans des unités de réserve qui s’ajoutaient en surnombre à l’armée permanente. À la mobilisation, les réservistes multipliaient ainsi les effectifs à engager par vagues successives dans le combat. A l’origine, cette armée de masse, adaptée aux chemins de fer (qui manœuvrait en chemin de fer) pouvait être utilisée selon les principes de De la guerre ; Helmut von Moltke, l’illustre chef d’État-Major de l’armée prussienne, puis allemande, de 1857 à 1887, se présentait lui-même comme un disciple de Clausewitz58. Moltke est l’expression achevée du Romantisme militaire parce qu’il en a épousé les principes et qu’il les a scrupuleusement mis en pratique dans les opérations militaires.

  • 59 Moltke in HOLBORN, « The Prusso-German School », dans E. MEADE EARLE éd., Makers of Modem Strategy, (...)
  • 60 Plan Moltke de 1868 dans ROTHENBERG, « Moltke, Schlieffen, and the Doctrine of Strategic Envelopmen (...)

55Il partage la valorisation de la bataille : « Nous pouvons affaiblir le moral de l’ennemi si nous sommes prêts et décidés à prendre l’initiative, mais nous ne pouvons le vaincre par aucun autre moyen que la bataille »59. Il a clairement tranché en faveur du choc frontal, comme le souligne son projet de dispositif de 1868 : « Le plan des opérations contre la France consiste seulement à repérer la position du corps principal de l’armée adverse, et à l’attaquer, où qu’il soit »60.

  • 61 Moltke dans HOLBORN, « The Prusso-German School », p. 289.
  • 62 Moltke dans HOLBORN, « The Prusso-German School », p. 288.
  • 63 Voir la critique de Schlieffen pour On War, dans son introduction à la 5e édition des oeuvres, publ (...)
  • 64 W. HAHLWEG, Clausewitz, Göttingen, 1657, p. 95, dans ROTHENBERG, Moltke, Schlieffen. and the Doctri (...)

56Tout autant que Clausewitz, Moltke a été conscient de la part d’imprévisible que comporte la guerre : « Notre volonté rencontre vite la volonté distincte de l’ennemi... Les conséquences matérielles et morales de toute rencontre plus vaste sont de toutes façons hors d’atteinte si bien que la situation qu’elles créent devient la base de mesures nouvelles. Aucun plan d’action ne peut envisager rien d’autre au-delà de la première rencontre avec le gros des troupes adverses »61. Moltke a insisté sur le rôle du hasard : pour lui la victoire ne dépend « pas seulement des facteurs calculables » mais « de tout ce qui, dans la vie humaine s’appelle chance ou hasard »62. Alfred von Schlieffen, qui a dirigé l’État-Major de 1891 à 1905, a été en net recul par rapport à Clausewitz, dont il fait pourtant un vif éloge public à propos de De la guerre63. Le célèbre plan Schlieffen décrit en détail l’offensive qui ouvre la campagne de la première guerre mondiale ; il envoie à travers la Belgique avec la majorité de ses hommes, par une manœuvre tournante de vaste envergure, pour achever la guerre en une seule campagne. Schlieffen avait la conviction de pouvoir, par une offensive minutieusement orchestrée, dicter à l’ennemi sa manœuvre défensive, abolissant ainsi le hasard. Cette attitude celle d’un joueur d’échecs, a été justement qualifiée « d’antithèse de Clausewitz »64.

57Mais sans doute, le choix de Schlieffen était-il limité. Les complications qui en auraient découlé rendaient impossible la prévision de stratégies alternatives : la mobilisation, l’équipement, l’acheminement d’armées toujours plus nombreuses, de plusieurs millions d’hommes par le chemin de fer confrontaient l’État-Major à des tâches d’organisation et de coordination encore dissuasives à notre époque, celle de l’informatique. Or, le travail s’effectuait à l’époque de la plume et du papier. Aux alentours de 1900, la flexibilité devint un luxe, au-dessus des moyens de l’état-major.

  • 65 F. FOCH, Des principes de la guerre : Conférences faites en 1900 à l’école supérieure de la guerre, (...)

58D’autres aspects de la pensée de Clausewitz ont toutefois perduré, particulièrement ceux qui traitent du caractère absolu de la guerre. Dans son ouvrage, Des principes de la guerre, Ferdinand Foch soulignait : « C’est parce que l’Europe entière est revenue à cette ère de thèses nationales et par suite de nations armées, que nous sommes obligés aujourd’hui de reprendre le concept absolu65 de la guerre, tel qu’il résulte de l’histoire ».

  • 66 CLAUSEWITZ, De la guerre. Livre IV, Chapitre XI, p. 182.
  • 67 F. N. MAUDE, The Evolution of Infantry Tactics, Londres, 1905, p. 146 dans M. HOWARD, « Men against (...)
  • 68 F. von BERNARDI, On War Today. Londres, 1912, 2 (53), dans HOWARD, « Men against Fire », p. 510-11.

59Dans le débat militaire, juste avant la première guerre mondiale, un courant critique mettait l’accent sur les vues sanglantes exposées par De la guerre, et l’insistance mise à souligner l’inéluctabilité des pertes humaines. La littérature militaire du début du vingtième siècle rappelait sans relâche à ses lecteurs la maxime de Clausewitz : « Qu’on ne vienne pas nous parler de généraux qui remportent des victoire sans effusion de sang. La tuerie est un spectacle horrible ; raison de plus pour attacher plus de prix aux guerres, mais non pour laisser s’émousser par humanité l’épée que l’on porte jusqu’au moment où, un autre, armé d’un sabre bien tranchant, vient nous décapiter »66. Le colonel Maude, un intellectuel-soldat qui a rédigé en 1908 l’introduction et les notes d’une édition anglaise de De la guerre, y déclarait : « La victoire dans l’attaque est toute dans le choix que vous avez fait pour entraîner vos hommes à savoir mourir ou à éviter la mort ; dans le second, plus rien ne peut vous venir en aide et il aurait été plus sage de ne pas accepter de faire la guerre »67. Il n’était pas le seul d’un verdict si brutal. Le théoricien allemand Friedrich von Bernardi déclarait : « Redouter les pertes humaines c’est toujours aller à la défaite : on peut dès lors affirmer la supériorité écrasante et constante, sur les troupes économes de leur sang, des armées qui n’ont pas peur de la mort »68.

***

60En août 1914, la rapide exécution du plan Schlieffen est d’abord une réussite et une menace ; mais sur la Marne, la forces françaises et leurs alliés britanniques bloquent l’offensive allemande et refoulent cette marée grise. En novembre la ligne de front est stabilisée et s’enterre de la mer du Nord aux Alpes. Les premières offensives n’ont apporté ni à l’un ni à l’autre la victoire décisive à l’Ouest. mais à Noël les pertes recensées pour les deux armées dépassent le million. La bataille n’a pas tenu ses promesses, mais elle en a exigé le prix. Pendant les années qui suivent, les deux camps ont démontré que leurs hommes savaient mourir et que leurs officiers savaient les faire mourir.

  • 69 M. JÄHNS, Geschichte der Kriegswissenschaften, Liepzig, 1891, vol. 3, p. 2852-53 ; dans P. PARET, « (...)

61Dans quelle mesure le cataclysme de 1914-1918 est-il imputable aux analyses présentées par le romantisme militaire et par De la guerre ? La question est de celles qui demeurent sans réponse. L’influence de la pensée de Clausewitz semble s’être exercée au-delà de ses vrais lecteurs. Max Jähns fit en 1891 ce commentaire : « Il y a de l’étrange dans l’influence de Clausewitz : si son œuvre « quasi mystique » n’a pas eu le nombre de lecteurs qu’on lui a supposé, les idées qu’elle contient se sont diffusées dans l’armée tout entière et y ont fructifié au-delà du mesurable »69.

62Dès la fin de la guerre, les penseurs militaires, en quête des coupables de la débâcle, virent Clausewitz tapi dans l’ombre ; B.H. Liddell Hart le fustigea comme le « Mahdi de la masse » et le blâma pour avoir dévoyé la conduite de la guerre en une saignée inutile. Les critiques de Liddell Hart sont longtemps restées marginales, mais pouvait-on les ignorer si aisément ? La pensée militaire fournit un discours et des concepts qui ne peuvent certes pas faire naître une réalité, mais qui, comme des lunettes mentales, peuvent servir à orienter, à susciter ou à légitimer la guerre

63Un esprit de la guerre existe bien ; nous avons mieux pris la mesure de son existence.

Notes

1 Cet article n’est pas le premier qui tente de replacer la pensée militaire dans le contexte culturel et des Lumières et du Romantisme. L’ouvrage essentiel est celui d’A. GAT, Origins of military thought : from the enlightenment to Clausewitz, Oxford, 1989, voir aussi son autre ouvrage The development of Military Thought the nineteenth Century, Oxford, 1992. P. PARET, Clausewitz et l’État, Princeton, 1976, examine les liens entre la théorie militaire et la culture pendant cette même période.

2 A. GAT, op. cit., p. 67-68, expose le rôle déterminant de Lloyd pour placer les opérations au cœur du débat.

3 E. A. LUND, War for the Every Day : Générais, Knowledge and Warfare in Early Modern Europe, 1680-1740, Westport, Conn., 1999, p. 13.

4 LE BLOND, « Guerre » dans Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Denis DIDEROT éd., Paris, 1751-1765, vol. 7, p. 985.

5 TURPIN DE CRISSE, Essai sur l’art de la guerre, Paris. 1754, vol. 1, p. 2 ; A.G AT a signalé Turpin de Crissé à mon attention.

6 L’ouvrage de GAT sur ce sujet est le plus achevé : pour le rôle du génie dans la théorie des Lumières, voir par exemple, Origins of the Military thought, op. cit, p. 29.

7 Maurice DE SAXE, Les rêveries ou mémoires sur l’art de la guerre, La Haye, 1756, p. 215.

8 Maizeroy dans A. GRASSET, Préceptes et jugements du Maréchal Foch, Paris, 1919, p. 122-123.

9 Puységur dans LE BLOND, « Bataille », Encyclopédie, vol. 2, p. 134.

10 SAXE, Les rêveries, p. 214-15.

11 Bûlow dans GAT, Les origines de la pensée militaire, p. 85.

12 J. A. LYNN, « The treatment of military subjects in Didcrot’s Encyclopédie », Journal of Military History, 65, 1 (2001).

13 DIDEROT, Encyclopédie, vol. 1, après page LIII. La comparaison des éditions de l’ Encyclopédie révèle que l’exemplaire de l’Université de l’Illinois est différent des autres : le « Système figuré » y est un peu modifié pour placer l’art militaire et la tactique parmi les « Sciences de l’homme »« Morale » et « Science des lois » : classement qui aurait fait plaisir aux Romantiques. Dans ce schéma modifié la note qui accompagne art militaire indique : « On peut renvoyer, si l’on veut, ces parties, à la branche des mathématiques qui traite de leurs principes ».

14 TURPIN DE CRISSE, Essai sur l’art de la guerre, vol. 2, p. 142.

15 LE BLOND, « Tactique », dans l’Encyclopédie, vol. 15, p. 825.

16 FRÉDÉRIC II, Œuvres de Frédéric le Grand. Berlin, 1856, t. 29, p. 21.

17 DIDEROT, « Salon de 1761 », dans Les Salons de Diderot, J. SEZNEC et J. ADHEMAR éd, Oxford, vol. 1, p. 126-27, dans le manuscrit de David O’Brien.

18 Voir, par exemple, dans l’Encyclopédie, les articles « Économie » par J. J. ROUSSEAU et « déserteur », « Lacédémone », et « Suisse » par L. DE JAUCOURT.

19 J. J. ROUSSEAU, Considérations sur le gouvernement de Pologne, dans Œuvres complètes, GAGNEBION et RAYOND éd, Paris, 1964, vol. 3, p. 1013-1014.

20 GUIBERT, Essai général de tactique (1772) dans Écrits militaires, Ménard éd., Paris, 1977, p. 57.

21 Ibid.

22 Coup d’ œil sur la Grande-Bretagne, Londres, 1776, p. 86-87.

23 C. DESMOULINS, La France libre, p. 66-67, Œuvres de Camille Desmoulins, Paris, 1836.

24 Sur Berenhorst, voir A. GAT, op. cit., p. 150-55, et P. PARET, op. cit., p. 202-203.

25 Cité dans JÄHNS, Geschichte der Kriegswissenschaften, p. 2118, dans A. GAT.op. cit., p. 152.

26 A. GAT, op. cit., p. 185.

27 MITCHELL, Thoughts on Tacties and Military Organization, Londres, 1838, p. 12 dans GAT, Development of Military Thought, p. 12.

28 C. VON CLAUSEWITZ, De la guerre, trad. Denise Naville, Paris, 1955, Livre VIII, Chapitre 3B, p. 687.

29 NAPOLÉON, Notes sur « L’Art de la guerre », Correspondance de Napoléon, Paris, 1858- 70, vol. 31, p. 365.

30 CLAUSEWITZ, De la guerre, Livre II, Chapitre II, p. 126

31 NAPOLÉON, Correspondance, vol. 17, p. 472, n° 14 276.

32 CLAUSEWITZ, De la guerre, Livre I, Chapitre I, Article 2, p. 51.

33 Sur l’influence des idées de Kant en matière artistique sur la pensée de Clausewitz, voir A. GAT, op. cit., p. 174-176.

34 Emmanuel KANT, Immanuel Kant Werke, E. CASSIRER éd., Berlin, 1922, vol. 5, p. 382.

35 NAPOLÉON, Military Maxims, dans PHILLIPS, Roots of Strategy, p. 440.

36 CLAUSEWITZ, De la guerre, Livre I, Chapitre III, p. 86.

37 E. LAS CASES, Mémorial de Sainte-Hélène, Paris, 1961, vol. 2, p. 581.

38 CLAUSEWITZ, De la guerre, Livre I, Chapitre III, p. 86.

39 Napoléon, cité par Sir J. SEELEY, A short History of Napoléon, Boston, 1886, p. 193.

40 NAPOLÉON, Maximes de guerre de Napoléon, Bruxelles, 1837, p. 9-10.

41 CLAUSEWITZ, De la guerre, Livre I, Chapitre 1, Article 3, p. 52.

42 Napoléon cité dans GRASSET, Préceptes et jugements, p. 92.

43 Napoléon, cité par D. G. CHANDLER, Campains of Napoleon, New-York, 1966, p. 142 ; Napoléon, cité dans GRASSET, Préceptes et Jugements, p. 123.

44 CLAUSEWITZ, De la guerre. Livre I, Chapitre II, p. 79

45 Ibid.

46 CLAUSEWITZ, « Bemerkungen über die reine und angewandte Strategie des Herm von Bülow », Neue Bellona 9, 3 (1805), p. 271, dans P. PARET, « Clausewitz », Makers of Modem Strategy, p. 190.

47 CLAUSEWITZ, De la guerre. Livre I, Chapitre 1, Article 28, p. 69.

48 CLAUSEWITZ, De la guerre, Livre I, Chapitre VII, p. 111.

49 CLAUSEWITZ, De la guerre. Livre IV, Chapitre III, p. 244.

50 R. ARON, Clausewitz, Philosopher of War, trans. C. BOOKER et N. STONE, Londres, 1983, p. 84-87.

51 CLAUSEWITZ. De la guerre. Livre I, Chapitre I, Article 3, p. 52.

52 Ibid., p. 53.

53 Ibid., Livre VIII, Chapitre III, B, p. 688.

54 Ibid., Article 27, p. 68.

55 Note du 10 Juillet 1827, CLAUSEWITZ, De la guerre, p. 42.

56 Ibid.

57 Ibid., Article 3, p. 52.

58 G. RITTER, The Sword and the Scepter, 4 vol., Coral Gables, Floride, 1969-73, 1 : 189 ; dans ROTHENBERG, « Moltke, Schlieffen, and the Doctrine of Strategic Envelopment », P. PARET, Makers of Modern Strategy, p. 297.

59 Moltke in HOLBORN, « The Prusso-German School », dans E. MEADE EARLE éd., Makers of Modem Strategy, Princeton, 1941, p. 289.

60 Plan Moltke de 1868 dans ROTHENBERG, « Moltke, Schlieffen, and the Doctrine of Strategic Envelopment », p. 303.

61 Moltke dans HOLBORN, « The Prusso-German School », p. 289.

62 Moltke dans HOLBORN, « The Prusso-German School », p. 288.

63 Voir la critique de Schlieffen pour On War, dans son introduction à la 5e édition des oeuvres, publiées à Berlin en 1905. P. PARET, « Clausewitz and the Nineteenth Century », p. 39, fn. 3.

64 W. HAHLWEG, Clausewitz, Göttingen, 1657, p. 95, dans ROTHENBERG, Moltke, Schlieffen. and the Doctrine of Strategic Envelopment, p. 312.

65 F. FOCH, Des principes de la guerre : Conférences faites en 1900 à l’école supérieure de la guerre, Paris, 1911, p. 24.

66 CLAUSEWITZ, De la guerre. Livre IV, Chapitre XI, p. 182.

67 F. N. MAUDE, The Evolution of Infantry Tactics, Londres, 1905, p. 146 dans M. HOWARD, « Men against Fire : The Doctrine of the Offensive in 1914 », dans PARET, op. cit., p. 511.

68 F. von BERNARDI, On War Today. Londres, 1912, 2 (53), dans HOWARD, « Men against Fire », p. 510-11.

69 M. JÄHNS, Geschichte der Kriegswissenschaften, Liepzig, 1891, vol. 3, p. 2852-53 ; dans P. PARET, « Clausewitz and the Nineteenth Century », p. 24.

Auteur

Université de l’Illinois.

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