Ecclésiastiques et question successorale au sein de l’oustal béarnais (xviiie-xixe siècle)
p. 47-59
Texte intégral
1Si le for de Béarn consacre l’aîné en tant que garant de la pérennité de la maison, il se désintéresse du sort des clercs d’un point de vue successoral1. La pratique, dans le meilleur des cas, semble les assimiler aux cadets quittant la maison : ils recevaient leurs droits de légitime, consacrés au financement de leurs études ou de leur noviciat. Bien souvent, après leur décès, leur patrimoine personnel revenait à leur maison d’origine2. Que devient ce schéma à partir de la promulgation du Code Napoléon, qui consacre l’égalité entre héritiers, tout en permettant au père de famille d’avantager l’enfant de son choix au moyen de la quotité disponible (article 913) ? Désormais, les enfants se destinant à la prêtrise ou à la vie religieuse sont appelés à la succession de leurs auteurs, au même titre que les autres et peuvent même provoquer le partage à tout moment, (articles 747/750 et 858).
2Véronique Castagnet, par une étude minutieuse du clergé béarnais, a pu établir la place évolutive de la maison dans les choix successoraux des clercs sous le règne de la coutume, donnant ainsi un nouvel éclairage de l’état de la pratique du droit coutumier au xviiie siècle3. Christine Lacanette-Pommel, quant à elle, a mis en évidence dans une étude consacrée à la réception du Code civil dans les vallées béarnaises qu’il a existé une vaste palette de réactions de ces populations montagnardes vis-à-vis de la norme nationale, comprise entre le refus de cette dernière, finalement peu fréquent, et l’adaptation aux lois nouvelles qui se traduit bien souvent par une négociation polymorphe de l’héritage à chaque génération4.
3 Le regard croisé porté par Christine Lacanette-Pommel, historienne du droit, et Véronique Castagnet, historienne, a pour ambition de tester ces mêmes hypothèses appliquées à un groupe social défini constitué par les prêtres et religieux dans le cadre d’un diocèse montagnard.
4Deux démarches complémentaires ont été menées pour les xviiie et xixe siècles. Pour l’étude de ce thème sous l’Ancien Régime, Véronique Castagnet a procédé au dépouillement de testaments d’ecclésiastiques : une centaine d’actes signés dans les diocèses de Lescar et d’Oloron. La démarche de Christine Lacanette-Pommel a consisté à dépouiller les tables des déclarations de successions et absences du bureau de Bedous, qui concerne l’ensemble de la vallée d’Aspe, terrain de son étude5 : ont été relevées dans cette série toutes les successions de prêtres et de religieux (ses) ouvertes entre 1866 et 1892, soit une quarantaine d’actes. Puis, il a été tenté des reconstitutions familiales pour ces clercs et obtenu des résultats significatifs pour une douzaine d’entre eux6.
5Les matériaux ainsi rassemblés ont conduit à nous demander si les ecclésiastiques, extérieurs à la maison dès leur entrée au service de Dieu, se sont révélé acteurs du maintien des maisons ou ont, au contraire, joué leur carte personnelle, tant sous le règne de la coutume que du Code. Il convient en premier lieu d’analyser l’attitude du clerc face à la maison dans la pratique coutumière, pour envisager par la suite les comportements nouveaux. Enfin nous tenterons de définir le rôle de ces clercs dans la perpétuation de l’oustal.
Clerc et oustal dans la pratique coutumière
6Le Béarn, pays de la montagne pyrénéenne, admet le système de l’aînesse intégrale dont la finalité est la préservation de la maison, entité familiale et patrimoniale. Dans ce cadre, cadets et cadettes deviennent l’esklabau, l’esclave, quand ils ne servent pas les intérêts de la maison par leur mariage. Or, l’ecclésiastique ou la religieuse peuvent renforcer la domination de la maison sur la communauté, tout en l’auréolant d’un certain prestige dans le domaine spirituel.
Titre clérical et aumône dotale : la part de légitime ?
7Si la coutume reste silencieuse sur l’apportionnement des cadets (et sa quotité), la pratique admet le versement d’une part prise sur la succession des parents. Cependant, ce versement n’est pas effectué systématiquement par l’héritier de l’oustal. Or, les impétrants à l’état ecclésiastique, homme ou femme, ont besoin d’un titre clérical pour les séculiers (d’un montant de 100 livres7) ou d’une aumône dotale pour les religieuses (dont le montant classique en Béarn oscille entre 2 000 et 2500 livres8).
8L’étude de 84 actes notariés de constitution d’un titre clérical confirme la forte incitation exercée par la maison : 47 % de ces actes mettent en évidence le rôle important du père de l’ordinand. Frères aînés ou frères cadets, tous héritiers, prolongent l’action paternelle dans 11 % des cas. Ce versement de légitime, sous la forme du titre clérical, place éventuellement cet héritier dans une situation délicate. Par exemple, Jean-Baptiste Medalon, avocat à la cour du Parlement de Navarre contracte un emprunt de 600 livres le 10 décembre 1724 : il précise que cette somme (estimée en réalité à 552 livres) doit servir à Barthélemy, son frère cadet, pour entrer au séminaire9.
9Néanmoins, dans les faits, de grands contrastes sont à relever. Tous les ecclésiastiques ne bénéficient pas d’un apport financier accordé par l’héritier. Beaucoup ne doivent compter que sur leurs propres entreprises. Car dans 25 % des titres étudiés, c’est le clerc qui se constitue un revenu provenant de chapellenies ou de prébendes. Deux explications sont possibles, selon le contexte familial : soit la maison, disposant d’un modeste patrimoine, ne peut accorder une légitime sans mettre en danger sa survie, soit l’entrée en religion rompt les desseins voulus par l’héritier qui refuse alors d’aider le futur séculier, la future religieuse.
10Le premier schéma explicatif s’applique en particulier dans le cas des religieuses anciennes domestiques du couvent finalement devenues converses. Entrée à l’âge de vingt ans au couvent des Ursulines de Pau, sœur Cécile de Saint-Dominique (1661-4 septembre 1709) connaît cette ascension10, de même que sa sœur Marie, devenue sœur Marie de Saint-Gabriel (1669-29 août 1717). Les lacunes documentaires (très préjudiciables en particulier pour les séries G et H) ne permettent pas d’apporter un plus grand éclairage sur le contexte familial. Pourtant il semble que les parents, François de Bourbon et Marie Darence n’ont pas pu doter leurs deux filles. En ce cas un point est à noter : originaire de Saint-Palais (diocèse de Dax), le père s’installe dans la paroisse natale de sa femme. Il peut dès lors être un cadet basque ayant migré et s’étant marié avec une jeune femme héritière d’une modeste maison ou elle-même cadette. Ces éléments pourraient expliquer le manque de soutien financier dont bénéficient leurs filles, aucune dot n’étant évoquée dans le registre des vêtures11.
11Toutefois, toutes les religieuses ne sont pas dans ce cas. En général, ces sœurs domestiques fournissent une aumône dotale qui paraît dérisoire aux yeux de la communauté mais qui concrétise de gros efforts personnels (la somme a pu être amassée grâce au travail rémunéré de la jeune femme) ou familiaux. Il en est ainsi pour les 130 livres versées lors de l’entrée en religion, chez les Ursulines paloises, de Susanne de Foucaut (1654-18 avril 1728) en 1683 devenue Susanne de Saint-Philippe. Le contexte familial est identique au précédent, à ce détail important près que cette jeune fille ne souhaitait pas entrer en religion : elle devient novice à vingt-neuf ans seulement. Une autre hypothèse est dès lors aussi plausible : elle voulait se marier mais les parents n’ont pas constitué une dot suffisante, alors elle entre au couvent avec une très petite légitime comme aumône dotale12.
12Le second schéma explicatif pose la question de la fragilisation de l’oustal lorsque le projet de mariage conçu par les parents se heurte à la vocation religieuse de l’enfant13. Ce cas se produit dans la famille de Brat lorsque la fille, Marguerite, exprime sa volonté d’entrer en religion. Ses parents, François de Brat et Jeanne de Lassalle, s’opposent à son entrée dans l’ordre des Ursulines au couvent de Pau. Seule une intervention divine sous la forme d’une vision miraculeuse encourage la mère à soutenir son enfant.
13Des différences importantes sont introduites en réalité par le statut de séculier ou de religieuse. Car si cette dernière rompt avec le monde en prononçant ses vœux, le curé continue à exercer des fonctions temporelles au bénéfice de la famille si besoin.
Préserver le patrimoine de la maison grâce à un héritier ecclésiastique
14Anne Zink, après avoir croisé les données contenues dans les contrats de mariage et dans les testaments, souligne avec vigueur que la maison ne recherche pas un héritier ecclésiastique14. Or le fait d’être héritier de l’oustal, en attendant que son neveu, orphelin, devienne héritier, permet de sauver la maison. La détention et la gestion du patrimoine de la maison ne sont que des compétences temporaires attribuées par l’héritier (ou l’héritière) défunt(e) de l’oustal en vue de sa survie jusqu’à la génération suivante. Pourtant, en Béarn, ce rôle est reconnu dans les actes notariés à de nombreux ecclésiastiques dans des circonstances exceptionnelles15. C’est en raison de ces dernières que noble16 Pierre de Pinsun (27 décembre 1663-17 février 1726) figure comme héritier. En effet, sur trois frères, deux (Pierre17 et Simon son cadet18) sont ecclésiastiques, un est resté laïc (Raymond). Mais Raymond étant décédé sans qu’un de ses enfants puisse être dès ce moment héritier, c’est son frère Pierre qui se voit échoir, momentanément, la gestion de l’oustal.
15Ces cas sont en pratique plus nombreux que ne le note Anne Zink pour la Gascogne. Cependant la règle la plus communément appliquée est le renoncement des ordinands et des novices à leur droit d’aînesse19. Ainsi Jeanne de Pée refuse de demeurer dans le siècle bien qu’étant devenue héritière de sa maison à la suite du décès de son frère20. Pour assurer le maintien de la maison, noble Pierre de Bordères, fils aîné de noble Pierre de Bordères, abbé d’Auga, et de Dlle Catherine Constance Bardou, a dû renoncer à son droit d’aînesse en faveur d’un cadet21.
16Toutes ces décisions supposent l’entretien d’un fort lien entre les membres de l’oustal au service de l’intérêt de cette entité patrimoniale, ce qu’expriment aussi les dispositions testamentaires des clercs.
Les dernières dispositions des clercs
17La fidélité et l’attachement à l’oustal natal par les clercs béarnais se manifestent dans les clauses testamentaires : par les legs accordés à leurs frères, leurs sœurs, à leurs neveux et leurs nièces, la légitime – si elle a été accordée sous la forme du titre clérical – revient à la maison, sous des formes variées.
18Sur 170 testaments, neveux et nièces jouissent de la préférence des testateurs, pour les legs particuliers, à hauteur de 26 % contre 20 % pour les frères et sœurs, au détriment des ascendants (1 %) ce qui se comprend naturellement. Ces statistiques sont corroborées par le pourcentage des neveux et nièces (42 %), des frères et des sœurs (36 %) parmi les héritiers universels. Les faveurs accordées à titre posthume par les clercs béarnais se généralisent à l’ensemble du piémont pyrénéen22. Deux types d’aide envers les neveux et les nièces doivent être distingués, car relevant de deux logiques différentes. D’une part, cette affection est à rapprocher de la volonté des testateurs de soutenir des parents dans l’accomplissement d’une carrière ecclésiastique. Dans cette perspective, Étienne de Corbères, chanoine et vicaire général, souhaite que son neveu Anthonin de Mesplez Aren reçoive les bréviaires, sermons et sa soutane23. D’autre part, les clercs béarnais se préoccupent fortement de venir au secours des neveux et nièces restés laïcs. Les clauses de quelques testaments évoquent leur mariage. Jean de Tabouret, curé de Bosdarros, fait bénéficier, à cette fin, sa nièce, fille de son frère Jean Jacques de Tabouret, de quelques biens le 2 février 170224. L’interprétation de ce legs appelle toutefois à quelque prudence, faute de plus de précision : en effet, le clerc peut se présenter comme un relais de la maison en vue de faciliter un meilleur mariage, comme il peut aussi signifier l’absence de soutien porté par la maison à une cadette.
19Parallèlement, les faveurs coutumières accordées par les clercs à l’héritier de la maison ne sont pas exclusives de gestes charitables envers des parents en difficulté, à l’instar des dernières volontés de François Durègne. Ce dernier choisit d’apporter son secours à sa sœur, dans la mesure où son frère aîné, Pierre, est bien l’unique héritier universel, et que la maison connaît quelque aisance. Dans son testament olographe du 16 avril 1722, il souligne que « [son frère] scait que le peu que je puis avoir appartiendroit aux pauvres et qu’il a pleu à Dieu de le favoriser des biens de la fortune à lui et à la famille et qu’il en faut beaucoup qu’il nen soit ainsy de notre sœur de Bordes et de sa famille ». L’estimation totale des biens du clerc s’élève à 1400 livres qu’il affecte à sa sœur et à sa gouvernante Peironne25.
20Néanmoins, certaines pratiques testamentaires s’éloignent du modèle coutumier dominant en Béarn. Cette évolution se lit en particulier à la place grandissante accordée à la domesticité dans les dernières dispositions des clercs. Car, de fait, l’ordinand se trouve placé entre deux familles, sa famille de naissance et la commensalité qu’il a su créer au quotidien pour l’accomplissement des tâches les plus matérielles. Même si la servante, la gouvernante ou le domestique ne sont pas de la parenté de ces clercs béarnais26, ils reçoivent un signe posthume de leur reconnaissance, de leur affection. En effet, 20 % des héritiers universels sont des domestiques27 et 30 % des légataires28.
21Deux cas de figure se dégagent de ces testaments. Tout d’abord, très simplement, le testament est l’acte par lequel les clercs testateurs règlent les gages dus à leurs domestiques, profitant de la vente de quelques biens ou du recouvrement de créances. Ce moyen est employé par Pierre de Fortaner le 13 décembre 168829 et par Jean de Saint-Cricq le 18 août 177430. Ce dernier, curé d’Argagnon, verse mille livres à sa servante.
22Plus émouvant et plus révélateur, plus rare aussi, est le fait que le testateur souhaite que servante ou gouvernante portent l’habit complet de deuil, et que la tenue soit achetée grâce à un legs laissé à cette fin. Selon Pierre de Quinta31, curé de Portet, la gouvernante doit bénéficier, d’après son testament du 12 juillet 1742, de tout le linge et les vêtements, des ustensiles de cuisine, de la jouissance du pré et de la vigne, et d’une étoffe noire de la tête aux pieds pour porter le deuil pendant un an. À la lueur de cet acte notarié se lisent les liens d’affection tissés entre l’ecclésiastique et ses aides du quotidien. Julien Guichamens, curé de Vauzé, agit de même envers Anne Damerot, à son service depuis six ans et deux mois, précise-t-il, en lui léguant les meubles et l’armoire : peut-être est-ce là, dans son esprit, un encouragement en vue du mariage de sa servante32.
Les comportements nouveaux au xixe siècle
23Nous avons mis en évidence que, dès la fin du xviiie siècle, certaines pratiques testamentaires s’éloignaient du modèle coutumier dominant en Béarn en mettant en œuvre des aspirations individuelles. Ces modèles nouveaux ont été, en quelque sorte, confirmés par la législation napoléonienne. Néanmoins, en ce siècle, les conditions ont profondément évolué dans la mesure où les clercs peuvent provoquer le partage à tout moment, revendiquer des suppléments de droits ou contester en justice une répartition lésionnaire.
Martin Manaudas : une carrière au prix du partage de la maison
24Le 15 octobre 1821, Martin et sa sœur Marie se rendent chez maître Pourrilhon, notaire à Bedous, pour procéder au partage de la succession de leur père « décédé depuis quelque temps », sans doute ab intestat33. Ils partagent donc l’hoirie paternelle par égalité et forment deux lots avec les immeubles en question. Martin laisse le choix à sa sœur et déclare qu’il est sur le point d’entrer dans les fonctions ecclésiastiques. C’est la raison pour laquelle il constitue lui-même son titre clérical, grâce aux biens dont il vient de recevoir la propriété et qui lui assureront une rente de cent francs. Nous sommes, dans ce cas, bien éloignés des schémas de conservation de la maison : l’héritage égalitaire est utilisé pour servir la réalisation de la vocation de Martin.
25Nous le retrouvons en 1874, année de son décès, à l’issue d’une carrière bien menée, supérieur du grand séminaire de Bayonne34. Dans son testament, il institue pour légataire particulier son neveu. Les biens déclarés lors de l’ouverture de sa propre succession sont ceux hérités de son père : le clerc a conservé un patrimoine stable qu’il transmet à la génération suivante, en ligne collatérale. Cette stabilité semble indiquer un certain détachement de Martin vis-à-vis du devenir des biens de sa maison d’origine et révèle en fait un état transitoire. En effet, le partage de l’hoirie paternelle avec sa sœur lui a donné les moyens matériels pour réaliser sa carrière ecclésiastique puis, à la fin de sa vie, ce patrimoine a fait retour au groupe familial avec la volonté exprimée d’en transmettre une part à la génération suivante. On peut alors penser que la recomposition des biens familiaux initialement partagés est désormais possible pour cette dernière.
Bernard Lautecaze, une gestion moderne du patrimoine
26Tout débute par un procès qui se déroule devant le tribunal civil d’Oloron entre 1813 et 1817, intenté par Bernard Lautecaze, prêtre à Borce, et sa sœur Simphorose, épouse Salanou, contre leur frère aîné, pour obtenir le partage égal des hoiries paternelle et maternelle35. Ces jugements, souvent avares de détails, évoquent cependant le titre clérical du prêtre qui avait été financé par le père des parties et qui est, par conséquent, soumis à rapport : nous sommes en présence d’un cadet qui ne se contente pas du financement de ses études et de sa situation de prêtre. Il semble évident qu’il a rejeté toute négociation de l’héritage et qu’il entend faire appliquer, strictement, les dispositions du Code. L’aîné chicane et tente de se défendre en l’accusant d’avoir dérobé des papiers de famille pour faire disparaître les articles de mariage de leurs parents, contenant une institution d’héritier en sa faveur36. Mais ce point est réglé par les magistrats du tribunal civil d’Oloron au moyen d’un serment prêté par Bernard affirmant le contraire. Au terme de l’instance les juges tranchent en faveur d’un partage égal des successions des père et mère des demandeurs. La détermination de Bernard et de sa sœur ont eu raison des tentatives de sauvegarde du patrimoine familial menées par l’aîné, qui demeure dans son rôle d’héritier coutumier. Les deux cadets avaient quitté la maison en recevant leur dot, conformément à la tradition et auraient dû s’en contenter afin de préserver l’unité et l’avenir de la maison, mais la contestation a fait éclater le fragile consensus familial.
27En 1834, Bernard Lautecaze teste et ce document permet de prendre la mesure de la consistance du patrimoine en jeu37. Ce prêtre entend en premier lieu constituer des legs en faveur des paroisses dans lesquelles il a exercé ses fonctions (Sarres, Hastingues, Borce). Puis il déclare laisser la maison dans laquelle il vit, dite « d’arros », ainsi que « la borde et bordas appelée de Lautecaze, située à Borce », à sa nièce, Marianne Salanou demeurant avec lui. Le disposant complète ce legs par une somme en numéraire d’un montant de 3 000 francs. Ceci permet de constater qu’à la suite du partage judiciaire, Bernard a hérité de la borde familiale, qu’il choisit de transmettre à la nièce qui lui est attachée. L’énoncé de ses dernières volontés se poursuit par une disposition en faveur de son frère aîné, auquel il lègue une pièce de terre (dont ni la surface ni la valeur ne figurent dans l’acte) accompagnée d’une somme de 3 000 francs. Ce legs est surprenant compte tenu de l’histoire familiale, et l’on ne peut que supposer que le disposant entend, par cet acte, mettre un terme au conflit qui l’a opposé à son aîné, les archives notariales ne nous permettent malheureusement pas de sonder l’affect de leurs auteurs.
28Bernard procède ensuite à des legs de valeur identique (5 000 francs) en faveur de ses neveux Salanou. Le disposant poursuit méthodiquement la division de ses biens en faveur de cousins et de proches.
29L’itinéraire de ce prêtre, ses choix, ses combats illustrent avec éclat son détachement par rapport aux exigences de perpétuation de la maison et sa parfaite assimilation des règles successorales du Code civil. Néanmoins, Bernard Lautecaze n’est sans doute pas très représentatif des clercs aspois, voire Béarnais, qui ont plutôt œuvré en faveur de la perpétuation de l’oustal.
Les clercs dans la perpétuation de l’oustal
30Tout au long du xixe siècle, cette coutume, profondément intériorisée, qui excluait l’enfant destiné à la vie religieuse du destin patrimonial de la maison, semble avoir laissé des traces dans les comportements de certains clercs et de leur famille38. Ainsi, dans la grande majorité des cas étudiés pour ce siècle en vallée d’Aspe (huit sur onze), lors de la déclaration de succession du clerc on ne relève pas de mention de droits perçus en avancement d’hoirie ou qui soient soumis à rapport. L’interprétation stricte de ces déclarations laisse supposer l’exclusion pure et simple des clercs des successions de leurs ascendants. Cependant, nous savons que l’engagement dans la vie religieuse nécessite un apport, même minime. Dès lors, n’y aurait-il pas dans ces éléments les termes d’une négociation en faveur de la maison et contre les droits légaux du cadet : le financement du titre clérical ou de l’aumône dotale continuant à former les droits perçus sur la maison une fois pour toute ? Un tel accord n’était-il pas favorisé par l’éloignement en tous points du cadet engagé dans la vie religieuse ? Nous serions alors bien en présence d’une survivance du système coutumier.
31C’est ce qu’illustre l’itinéraire d’Antoine Salefranque, un prêtre natif de Lées – Athas, décédé à Hasparen lors d’un déplacement39. Issu d’une famille aisée, il est premier cadet selon la déclaration de succession du père, dans une famille de cinq enfants, et sa plus jeune sœur est religieuse40. Au décès d’Antoine, en 1886, la succession paternelle est toujours dans l’indivision : il n’a perçu aucun de ses droits et son frère aîné, qui déclare son patrimoine, ne mentionne aucun bien soumis à rapport. Le patrimoine familial est stable depuis une génération ce qui confirme le sentiment qu’il s’agit d’une maison qui tente de se perpétuer selon le schéma coutumier et fait tout pour éviter partage et dispersion des biens. Elle est cependant assez aisée pour désintéresser les cadets et leur procurer une situation, et deux enfants sont entrés en religion. On peut avancer l’hypothèse qu’Antoine a reçu son titre clérical et que la maison a négocié avec lui l’absence de toute revendication future. Il a vécu ensuite grâce à ses traitements : son frère aîné déclare que sa succession est constituée de quelques meubles corporels et d’économies (901 francs) provenant de ses traitements et indemnités. En l’absence de toute disposition testamentaire la succession revient à ses frères et sœurs.
32Le sort des filles était-il différent lorsqu’elles entraient en religion ? Françoise Laplace, sœur Marie en religion, décède le 26 avril 186741. Elle est issue d’une famille aisée de cinq enfants, au sein de laquelle deux filles sont religieuses. Lors de l’entrée de Françoise dans la communauté, Jean Laplace père remet à la supérieure, sœur Stanislaz Kostka, le 10 septembre 1861, une dot religieuse42. La mère de Françoise et son frère aîné Félix déclarent, après le décès de Françoise en 1867, que cette dot s’élevait à 2 200 francs et qu’il s’agissait d’une somme versée en avancement d’hoirie et qu’elle était donc soumise à rapport. Le détail de cette aumône dotale est instructif : elle est en fait composée d’une somme de 1400 francs, d’un trousseau, non évalué lors du versement, mais estimé par le frère aîné de Françoise lors de la déclaration de succession de sa sœur à 500 francs. Il est question d’un second versement d’une somme de 300 francs dont on ne sait s’il a eu lieu ou pas43. Ces précisions mettent en doute l’exactitude de la déclaration de l’aîné.
33À la date du décès de Françoise, la succession de son père, ouverte depuis 1864, est indivise, mais nous disposons de valeurs de calcul, permettant d’établir que sa part s’élevait à 2 756 francs44. On ne peut pas se prononcer sur ce que Françoise a exactement perçu, mais on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il s’agit d’un partage lésionnaire de plus du quart (art. 887 du Code) et que l’aîné tente de dissimuler la faiblesse des droits versés à sa sœur religieuse. Cette histoire familiale serait incomplète si l’on passait sous silence la demande de réversion de la dot de Françoise faite par sa mère et son frère à la communauté d’Igon... Celle-ci n’a pas reçu leur requête en arguant que la dot était consommée : le noviciat était fini depuis longtemps. Cette famille illustre la volonté de conservation des vieux schémas. La maison a financé l’aumône dotale de Françoise, mais cela constitue, dans le même temps, un moyen d’exclusion, partielle, de la succession des parents.
34Les clercs pouvaient également participer plus activement et cette fois-ci volontairement au maintien de leur maison natale. En effet, le code permet aux clercs sans héritiers à réserve de disposer librement de leurs avoirs et de choisir de les délaisser en faveur de la maison. Ainsi Jean de Morlanne, desservant à Serres-Castet, délaisse à son neveu premier né, Jean Bellocq, marié dans la maison de son père à Pau, la totalité de ses biens45. Ces actes s’inscrivent dans une démarche ancienne. Déjà sous l’Ancien Régime de telles clauses se trouvaient dans les testaments, à l’instar des dispositions prises par le curé de Doumy, Jean de Batcave46, le 19 février 1787, qui choisit comme héritier universel son frère Jean – également curé – mais garde la propriété d’une maison pour un autre frère, Matthias, chirurgien, qui, lui, reste dans le monde et peut donc faire fructifier les biens de la maison.
35La majeure partie des clercs béarnais semble se soumettre aux exigences de la perpétuation de l’oustal tant à la fin de l’Ancien Régime, dans le cadre du système coutumier, qu’au xixe siècle, sous le règne du Code Napoléon. Qu’ils soient aînés ou cadets, tous sont maintenus en marge du patrimoine familial. Dans le meilleur des cas, ils recevaient une légitime renommée titre clérical ou aumône dotale. Exceptionnellement, ce schéma pouvait se trouver bouleversé : si aucun membre laïc de l’oustal ne pouvait exercer son rôle d’héritier, alors le clerc assumait cette tâche, quelques années durant, avant que ce pouvoir ne soit désormais dévolu à une branche collatérale. Néanmoins, l’étude détaillée des actes de la pratique révèle que le Code n’a pas agi comme le seul élément déclencheur du refus du modèle ancien : un certain détachement par rapport à la coutume est perceptible dans les testaments ecclésiastiques de la seconde moitié du xviiie siècle. À cet égard, la place de la domesticité dans les legs est révélatrice : la norme coutumière était susceptible d’être remise en question par des choix strictement personnels faits par les testateurs en faveur de leur servante. C’est donc tout naturellement qu’au siècle suivant, quelques clercs ont été capables de mettre en pratique les règles du Code civil dans toute leur rigueur égalitariste.
Notes de bas de page
1 Voir l’ouvrage de Christian Desplat, Le For de Béarn d’Henri II d’Albret, qui présente la coutume réformée en application de 1551 à la Révolution française.
2 Définition matérielle de la maison : il s’agit de l’ensemble du domaine foncier possédé par une famille, complété par les droits réels attachés à ces biens. Par extension, la maison, oustal en béarnais, désigne également le groupe familial, auquel elle donne son nom.
3 Véronique Castagnet, Étude prosopographique d’une société en reconstruction : le clergé des diocèses béarnais de Lescar et d’Oloron, de l’édit de Fontainebleau à la Révolution, thèse de doctorat, université de Pau et des Pays de l’Adour, 2002.
4 Christine Lacanette-Pommel, Les Béarnais et le Code civil, Étude des pratiques successorales et matrimoniales dans les Pyrénées (1789-1840), thèse de droit, université Toulouse I, 1998 (édition en cours chez Pyrégraph).
5 Ce fond présente malheureusement de graves lacunes : la série débute en 1815 et s’interrompt en 1824 pour reprendre ensuite de façon continue de 1866 à 1892. Ce sont ces trente dernières années qui ont été retenues.
6 Ces résultats ont été obtenus à partir de l’exploitation d’actes notariés relevés chez les praticiens aspois : il s’agit aussi bien de testaments que de partages successoraux ou de ventes de droits dans les hoiries paternelle et maternelle, que de procédures judiciaires. Pour ce groupe nous avons poursuivi les recherches pour obtenir les déclarations elles-mêmes, ainsi que tous documents mentionnés dans ces actes et utiles pour comprendre l’itinéraire d’un point de vue foncier de ces personnes (testament et déclaration de la succession du père, constitution d’un titre clérical).
7 Ce montant est retenu pour les diocèses béarnais de Lescar et d’Oloron. Il peut néanmoins varier d’un diocèse à l’autre, entre 60 et 100 livres au début du xviiie siècle, selon Jean Quéniart, Les hommes, l’Église et Dieu dans la France du xviiie siècle, Paris, 1978, p. 22.
8 Ces chiffres sont déduits de l’étude des couvents de Clarisses d’Oloron, d’Ursulines de Sainte-Marie et de Pau. Voir V. Castagnet, « Une société religieuse d’esprit post-tridentin au sein d’une terre béarnaise creuset protestant juin 1675-juin 1792 », Annales du Midi, 2003, sous presse.
9 Barthélemy Medalon parvient à la cure de Bugnein qu’il détient de 1740 à sa mort le 15 novembre 1752.
10 Arch. dép. Pyr.-Atl., 1 Mi 194, bobine 1, A 102.
11 Le fait que deux filles issues d’une même fratrie entrent en religion semble invalider l’hypothèse d’une rupture avec la maison, synonyme d’absence de légitime versée sous forme d’aumône dotale.
12 La validité de ces hypothèses pourrait résulter de l’analyse du contrat de mariage des parents. Mais la quête de ce document reste fastidieuse et souvent infructueuse.
13 Même la survie de la maison assurée par un mariage et la naissance d’un héritier n’assure pas l’approbation de l’oustal pour une entrée en religion suite à un veuvage. Noble Bernard de Labarthe, devenu veuf, répond à l’appel de Dieu. Mais sa fille, Marie de Labarthe, abbesse de Lombia, répudie l’héritage de son père, curé de cette même paroisse, dont elle est pourtant l’unique héritière. Cette décision est révélatrice de tensions existantes au sein de la maison, en raison de la vocation du père, qui se trouve ainsi rejeté de l’oustal à la fin de sa vie de deux manières : symboliquement, par la répudiation d’héritage voulue par Marie, sa fille, matériellement, parce que ses biens ne viendront renforcer le patrimoine de la maison. Arch. dép. Pyr.-Atl., G 286, III E 2616.
14 Elle conclut : « Sur 560 contrats de mariage et 470 testaments analysés dans les Pyrénées coutumières, je n’ai trouvé qu’un seul prêtre héritier ». Anne Zink, Pays et paysans sous l’Ancien Régime, thèse doctorat d’état dir. de P. Goubert, université Paris I, 1985, t. 1 « La famille : famille et maison pyrénéennes », p. 115.
15 Voir V. Castagnet, op. cit.
16 En Béarn, la noblesse est réelle. Attachée à la possession d’une terre dite noble, elle permet de siéger aux États de Béarn dans le Grand Corps.
17 Il est prébendier de Denguin, d’Orthez (diocèse de Dax), de Maslacq ; curé de Loubieng (mention en 1698) puis de Denguin (jusqu’à sa mort). Arch. dép. Pyr.-Atl., C 756, fol. 16.
18 Né à Denguin le 28 octobre 1672, il est cité comme prébendier de Maslacq (après 1699), d’Orthez (jusqu’en 1699). Arch. dép. Pyr.-Atl., G 289.
19 S’ils sont dits « prim » (à savoir héritiers présomptifs de la maison, selon la définition établie par A. Zink), la coutume ne prévoit pas expressément la perte de ses droits sur la maison, à la différence de celle de Barèges qui l’envisage implicitement dans son article 2. Cependant, A. Zink remarque que, « si cette exclusion n’est pas inscrite dans les autres coutumes, elle fonctionne très fréquemment dans toute l’aire pyrénéenne ». Anne Zink, L’héritier de la maison. Géographie coutumière du Sud-Ouest de la France, Paris, 1993, p. 138.
20 Fille de Pierre de Pée et de Marie d’Abadie de la paroisse de Sus (diocèse d’Oloron), elle devient religieuse ursuline de Pau (sœur de l’Assomption). Après une entrée en noviciat le 30 novembre 1707, elle prononce ses vœux le 20 mai 1708, et est reçue en qualité de sœur converse. Arch. dép. Pyr.-Atl., 1 Mi 194, bobine 1, A 102.
21 Même si la pratique est majoritairement d’exclure l’aîné devenu ecclésiastique, C. Desplat relève un contre-exemple : un fils aîné, entré tardivement au séminaire, refuse d’abandonner ses droits. Christian Desplat, Pau et le Béarn au xviiie siècle, Biarritz, 1992, t. 1, p. 546.
22 En effet, S. Brunet, étudiant les prêtres des montagnes commingeoises et aranaises, conclut : « Sans qu’aucune règle écrite ne l’impose officiellement, on constate que, systématiquement, le “capellan de casa” fait l’héritier universel l’“hereu de casa”, qui est le plus souvent son neveu, fils de son frère aîné, mais qui peut être également son frère, voire sont arrière-neveu » (Serge Brunet, Les prêtres des montagnes. La vie, la mort, la foi dans les Pyrénées centrales sous l’Ancien Régime, Aspet, 2001, p. 441).
23 Testament de septembre 1693. Arch. dép. Pyr.-Atl., B 3, arch. Hôpital de Pau.
24 Arch. dép. Pyr.-Atl., E 1762.
25 Arch. dép. Pyr.-Atl., E 1851 fol 310v. Testament olographe daté du 16 avril 1722, ouvert le 9 mai soit huit jours après le décès.
26 Il semblerait toutefois que certains domestiques soient issus de la famille de naissance du clerc. S. Brunet note que « [les nièces] jouent le rôle de domestiques à bon marché [...]. Ces placements déchargent les familles de bouches à nourrir » (S. Brunet, op. cit., p. 462). Ce cas de figure se rencontre très rarement : dans les 170 testaments étudiés, un seul illustre ce point. Jacques de Casamajor, curé d’Arette, signale parmi ses légataires Birgite de Sarlangue « sa nièce germaine qui est en sa compagnie et à son service depuis dix ou douze années » (Arch. dép. Pyr.-Atl., E 1185 fol 392). Il lui lègue 400 F, une pièce de toile tissée et des meubles (un lit complet, huit étagères de cœur de chêne, quatre chaises de paille et un coffre de sapin). Ce testament du 18 juin 1726 est atypique dans la mesure où son frère aîné noble Pierre de Casamajor, abbé d’Arette, n’est qu’exécuteur testamentaire, alors que ce sont les pauvres d’Arette qui sont faits héritiers universels : la maison, hormis la nièce, n’est pas favorisée par ce clerc. Mais il convient de nuancer ces propos car le terme de « nièce » peut également cacher le concubinage des clercs, comme le souligne S. Brunet (op. cit., p. 444). Ainsi, Dominique d’Amade, chanoine et conseiller au parlement de Navarre, lègue, par son testament olographe du 2 juin 1692 à sa « filleule », fille de Guillaume son cocher la somme de 300 livres pour son mariage ; si elle venait à mourir sans enfants, cette somme reviendrait à sa mère Jeanne de Lagoaillart, de Jurançon. Sa véritable nièce, au sens familial du terme, est toutefois nommée héritière universelle (Arch. dép. Pyr.-Atl., III E 2072 fol. 230).
27 La maison garde une place prédominante avec 75 % des héritiers universels qui en sont membres. Cinq pour cent de ces héritiers sont des confrères ecclésiastiques.
28 Quarante-trois pour cent des légataires appartiennent tout de même à l’oustal ; les 27 % restants sont des ecclésiastiques (hors et de la famille).
29 Arch. dép. Pyr.-Atl., E 1397 fol. 40v.
30 Arch. dép. Pyr.-Atl., III E 6821.
31 Son nom s’écrit soit Quinta, soit Suinta. Né le 12 juin 1665 à Cadillon, Pierre est vicaire de Portet et Castetpugnon (mentionné comme tel le 8 janvier 1705), puis curé de Portet (1707-1740). Il est fils de Jean de Quinta et de Françoise de Ribère, nièce de Ramon de Ribère, curé d’Aurions.
32 Arch. dép. Pyr.-Atl., III E 2683.
33 Arch. dép. Pyr.-Atl., III E 11 111, Me Pourrilhon, acte du 15 octobre 1821.
34 Arch. dép. Pyr.-Atl., 63 Q 30, déclaration de succession numéro 521. Martin Manaudas, décédé le 9 mars 1874. La succession est composée des biens issus du partage de l’hoirie paternelle.
35 Arch. dép. Pyr.-Atl., 3 U 239, instance du 30 octobre 1813 ; 3 U 240, instance du 18 octobre 1814 ; 3 U 248, instance du 22 avril 1817. Entre-temps, Simphorose est décédée et c’est son mari, Thomas Salanou, qui poursuit l’instance en tant que tuteur de leurs enfants mineurs Jean et Pierre. Marianne, Marthe et Catherine agissent en leur nom, étant majeures et héritières de leur mère.
36 Les articles de mariage désignaient des conventions matrimoniales consenties sous seings privés et produisant les mêmes effets qu’un acte authentique dans la pratique coutumière béarnaise. Les successions ouvertes sous l’empire du Code, et pour lesquelles il existait une institution contractuelle en faveur de l’aîné, antérieure à 1789, constituent des cas particuliers qui méritent analyse. Bien évidemment de telles situations n’ont concerné que la première génération qui a suivi la promulgation du Code. Le problème juridique posé par ces actes est assez simple à énoncer, mais la solution, qui concernait aussi d’autres provinces a suscité de longs débats et de vives controverses chez les auteurs. Il s’agissait au fond de déterminer quelle était la loi qu’il convenait d’appliquer pour opérer la réduction de ces donations : celle en vigueur au moment de la passation du contrat, ou celle de l’ouverture de la succession ? Chabot de l’Allier, l’un des commentateurs du Code nous livre sa solution : ces institutions doivent suivre la norme en vigueur au moment de leur passation. D’un point de vue pratique cette solution doctrinale a été capitale pour de nombreux aînés béarnais qui ont pu ainsi conserver l’institution contractuelle dont ils bénéficiaient, simplement réduite du montant des droits de légitime des puînés. Mais au cœur des familles concernées et, plus largement, dans les villages, voire même à l’échelle des vallées, cette théorie a eu pour conséquence de permettre la cohabitation concrète des deux normes pendant une génération, donnant lieu à des règlements successoraux contradictoires, qui n’ont sans doute pas favorisé la réception sereine du Code.
37 Arch. dép. Pyr.-Atl., III E 11125 ; Me Pourrilhon ; acte du 27 septembre 1834.
38 Voir la synthèse réalisée par J. Goy, « Contribution à l’histoire de la coutume : maison, système d’alliance et système successoral en Béarn et Bigorre au xixe siècle », dans Objets et méthodes en histoire de la culture, Paris, 1982, p. 229-241.
39 Arch. dép. Pyr.-Atl., 63 Q 35, Mutations par décès, déclaration du 23 juillet 1886. Maison Salefranque : 12 hectares de terre, moulin, scierie, pour un capital déclaré de plus de 3 100 francs.
40 Arch. dép. Pyr.-Atl., 63 Q 4, Mutations par décès, déclaration du 16 juillet 1860.
41 Elle fait partie de l’ordre de Saint-André, communauté d’Igon.
42 Quittance signée de la main de la supérieure de la communauté, déposée chez Me Lassale, notaire à Osse en Aspe, le 24 juin 1867. Arch. dép. Pyr.-Atl., III E 13661.
43 Arch. dép. Pyr.-Atl., 63 Q 25, Mutations par décès.
44 Les calculs sont réalisés sur la foi de la déclaration de succession du père, faite par son fils aîné, le 8 juillet 1864, à Bedous. Arch. dép. Pyr.-Atl., 63 Q 25. Ce document a été complété par le testament de Jean Laplace père, établi par Me Lassalle, le 26 novembre 1855, dans lequel il avantage son fils aîné du quart des biens. Arch. dép. Pyr.-Atl., III E 13649.
45 Arch. dép. Pyr.-Atl., III E 2784.
46 Il est curé de Doumy à partir de sa mise en possession, le 27 août 1761, jusqu’à sa mort, après avoir été vicaire d’Espoey (mention en 1758) et d’Uzein (mention entre 1761 et 1764). Arch. dép. Pyr.-Atl., G 312, 314, 325.
Auteur
Université de Pau et des Pays de l’Adour Christine Lacanette-Pommel – Université Paris XII
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