Préface
p. 7-8
Texte intégral
1Lorsque Nicole Lemaitre et Serge Brunet m’ont demandé de bien vouloir organiser, dans le cadre de mon séminaire à l’École des hautes études en sciences sociales, une table ronde sur « Clergé et famille » en préparation d’un colloque à venir sur « Religion et montagnes », je ne me doutais pas que le chantier prendrait une telle importance. Cette rencontre de travail du 10 mai 2001 fut suivie en novembre d’une table ronde sur « Dissidences religieuses et sorcellerie : une spécificité montagnarde ? ». La fin du processus fut le colloque international qui fait l’objet de cette publication : le 30 mai et le 31 mai, les 1er et 2 juin 2002, plus de soixante chercheurs français et étrangers ont travaillé sur « Religion et montagne en Europe de l’Antiquité à nos jours ». Serge Brunet, Dominique Julia et Nicole Lemaitre diront beaucoup mieux que moi quelle fut la qualité des communications, l’intensité des débats, les principales hypothèses soulevées et les conclusions proposées. Pour ma part, depuis un certain nombre d’années et dans le cadre des recherches de mon groupe sur les structures familiales et la transmission des patrimoines dans les populations paysannes ou rurales en Europe entre les xive et xixe siècles, j’avais eu bien souvent l’occasion de vérifier que le clergé séculier comme le clergé régulier fournissaient la possibilité, notamment dans les systèmes successoraux inégalitaires ou préférentiels, de placer des cadets ou des cadettes, ce qui rendait beaucoup plus simples certaines successions. Mais j’étais loin de me douter, alors, que certaines montagnes pouvaient être considérées comme de véritables fabriques de prêtres dont bénéficiaient, à l’évidence, les plaines et les plateaux beaucoup moins prolifiques. En étudiant l’ensemble des rapports entre clergés et familles et en les replaçant dans le cadre économique, social, mental collectif, les chercheurs réunis à Tarbes ont incontestablement fait avancer nos connaissances et favorisé les débats en les inscrivant dans le temps long. Lors de la réunion de Paris, Dominique Julia avait demandé que l’on prête une grande attention à la chronologie et aux évolutions compte tenu, notamment, des réformes postérieures au concile de Trente, de l’évolution du marché des bénéfices, des étapes obligatoires désormais de la carrière ecclésiastique, de la création de séminaires voués à l’enseignement et du contrôle de plus en plus efficace des évêques. Il recommandait également de s’intéresser à la valeur et à la circulation des titres patrimoniaux et à ces structures, souvent considérées comme très développées dans les zones montagnardes, les sociétés de prêtres. Il réclamait une analyse fine de la façon dont on y entrait, de la durée de séjour et du calendrier, et de la façon d’en sortir. Souhaitant que l’on se penche sur les modifications introduites par la Réforme catholique dans l’accès au sacerdoce, il proposait de voir comment les familles s’y étaient adaptées. L’allongement des études cléricales, et donc l’augmentation de leur coût pouvaient poser de graves difficultés aux familles. Surtout, il plaidait pour la constitution de généalogies familiales qui permettraient de préciser quels enfants, et à quel rang, entraient donc la cléricature et dans les ordres religieux. Je pense que bien des réponses à ces questions ont été fournies et que les organisateurs du colloque international ont toutes les raisons de se féliciter de la qualité des participations, de la couverture géographique et des nombreuses réponses aux questions posées. Ce colloque, incontestablement, marque une étape importante de l’histoire du clergé, de la nature de la religion des montagnes et de la place qu’elle a tenue dans nos sociétés notamment rurales.
Auteur
Directeur d’études à l’EHESS
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