1Le comte Ladislas Valentin Esterhazy (1740-1805) n’est pas un inconnu des historiens de la fin de l’Ancien Régime et de la période révolutionnaire. Ce militaire, familier de la cour de Louis XVI et de Marie-Antoinette et figure marquante de l’émigration, a laissé des mémoires et une correspondance qui furent publiés entre 1905 et 19092. Ferenc Tóth, historien de l’émigration hongroise en France et des régiments de hussards au service du roi de France, a retracé dans plusieurs pages la destinée exceptionnelle et aventureuse de ce militaire-diplomate qui commença sa carrière dans le régiment de Berchény pour la terminer en Russie3. Né en 1740, fils d’un officier de la grande famille des Esterhazy, émigré en France en 1721 à la suite de la guerre d’Indépendance hongroise, Bálint József Esterhazy (✝ 1743)4, et d’une demoiselle noble cévenole Philippine Nougarède de La Garde, le jeune orphelin Ladislas Valentin bénéficia de la protection du comte László Berchény dans le régiment de hussards duquel il entra en 1752 et où il commença sa carrière pendant la guerre de Sept Ans. Lieutenant-colonel en 1761, il leva son propre régiment de hussards à Phalsbourg en 17645. Son entregent lui procura plusieurs missions diplomatiques et plus encore lui gagna la confiance de Marie-Antoinette. Lors de la guerre des Farines (1775), il réprima efficacement les troubles populaires en Brie. Général en 1780, il devint gouverneur de Rocroy l’année suivante. En 1784, il épousa la fille unique du riche comte d’Hallwyl6 et en octobre 1787, le nouveau secrétaire d’État à la guerre, Athanase-Louis-Marie Loménie de Brienne, frère du Cardinal, le nomma un des huit membres du conseil de Guerre qu’il venait de créer. L’éclatement de la Révolution imprima un tout autre cours au destin du comte Esterhazy. Résolument hostile au nouveau régime qui s’annonçait, il fut dès les premières heures impliqué dans le processus de l’émigration. En 1789 il était gouverneur de Valenciennes et le 18 juillet au petit matin il vit arriver dans la ville les premiers émigrés, le comte d’Artois qui se dissimulait sous le nom du prince de Chimay7, puis une heure plus tard, les trois Condés, le prince Louis-Joseph, son fils le duc de Bourbon et son petit-fils le duc d’Enghien8 ; le lendemain passèrent les fils du comte d’Artois, les ducs d’Angoulême et de Berry. Le gouverneur s’employa à faciliter la fuite des princes du sang en les aidant à sortir de la ville – leur arrivée n’était pas passée inaperçue – et en leur fournissant un peloton de cavalerie jusqu’à la frontière des Pays-Bas autrichiens. Dès 1790, Esterhazy dut quitter son commandement militaire sous la pression populaire et rentra à Paris pour protéger les siens qu’il fit bientôt émigrer en Angleterre. Il demeurait en relation avec la famille royale et il fit partie d’une sorte de ministère secret que Louis XVI, alors aux Tuileries, réunissait dans l’appartement de sa fille et qui comprenait, hormis le comte, l’évêque de Laon, Louis-Hector-Honoré-Maxime de Sabran, second pair de France et grand aumônier de Marie-Antoinette, celui de Blois, Alexandre-Amédée de Lauzières-Thémines et le marquis Jean-Baptiste de Laqueuille, baron de Châteauguay, maréchal de camp et député de la noblesse de Riom aux États généraux9. Dès l’été 1789, Esterhazy fut mêlé aux projets de fuite du roi et de la famille royale, car la place de Valenciennes qu’il tenait alors, était une étape stratégique sur la route de la frontière du nord-est. Louis XVI avait un moment pensé quitter Versailles, comme son frère Artois, le 17 juillet 1789, pour se porter « sur Valenciennes où le comte Esterhazy commandait une garnison encore bonne »10. Par la suite, Esterhazy demeura au cœur des tractations, soit qu’il s’agît d’une action par surprise en profitant d’un déplacement de Louis XVI entre les Tuileries et Saint-Cloud11, ou d’une action concertée par lui et Calonne si l’on en croit les informations reçues en novembre 1790 du marquis de Laqueuille par le marquis de Bombelles, ambassadeur à Venise : Louis XVI, Marie-Antoinette, les deux enfants royaux et Madame Élisabeth respireraient dans peu de temps un air plus libre à Valenciennes où commandait le comte12. Mais à cette date, Esterhazy n’était plus maître de la place, ce que Bombelles devait ignorer, et l’ambassadeur dut bien admettre qu’il n’y avait pas grand-chose de sérieux et de concerté dans ces projets, ce qui le désolait13. Le comte avait d’ailleurs émigré dès le mois de septembre pour se mettre à la suite du comte d’Artois qu’il accompagna lors du voyage à travers l’Allemagne que le frère de Louis XVI entreprit en août 1791 pour rencontrer l’empereur Léopold II et qui conduisit ce petit groupe de chefs de l’émigration, qui comprenait aussi Calonne et le comte Louis-François d’Escars, ancien premier maître d’hôtel du roi, à Ratisbonne et à Pillnitz. C’est à la suite de cette fameuse entrevue entre Léopold II et le roi de Prusse Frédéric-Guillaume II (27 août 1791) que les princes Bourbons décidèrent une grande offensive auprès des souverains européens et envoyèrent Esterhazy en ambassade auprès de Catherine 1114.

2Il y fut rejoint quelques mois après par le marquis de Bombelles qui arriva à Saint-Pétersbourg le 25 janvier 1792, envoyé par le marquis Louis-Charles-Auguste Le Tonnelier de Breteuil qui, avant d’être pendant cinq ans secrétaire d’État de la Maison du roi (1783-1788) avait tenu les ambassades de Russie (1760-1763), de Suède (1763-1770), des Provinces-Unies (1767), des Deux-Siciles (1770-1775) et d’Autriche (1775-1783). Cet habile et expérimenté diplomate que Louis XVI avait nommé le 11 juillet 1789 pour remplacer Necker (le ministère des cent heures) était un grand ami du roi qui lui conserva toute sa confiance. Il fut avec le marquis de Bouillé et Axel de Fersen l’un des organisateurs de la fuite de Varennes. Après l’échec de cette malheureuse équipée, réfugié à Soleure en Suisse puis à Bruxelles, il fut chargé par Louis XVI de négocier secrètement avec les puissances étrangères. Breteuil, qui avait fait la carrière diplomatique de Bombelles en se l’attachant comme secrétaire à La Haye, puis comme conseiller d’ambassade à Naples, et avait toujours suivi la carrière de son élève nommé successivement à Ratisbonne (1775-1785), à Lisbonne (1785- 1788) et enfin à Venise (1789-1791), en fit son agent auprès de l’impératrice de Russie. Bombelles était libre de toute attache, puisqu’il avait refusé le serment à la constitution et avait démissionné de son poste auprès de la Sérénissime en décembre 1790. Esterhazy et Bombelles à Saint-Pétersbourg, la rivalité des deux hommes pour gagner les faveurs de Catherine II à leurs clans respectifs, illustrent une facette du combat fratricide que se livrèrent dans les mois qui précédèrent l’exécution de Louis XVI le parti des princes, mené par le comte d’Artois et Calonne et le parti du roi dirigé de l’étranger par le baron de Breteuil.

3L’animosité entre le couple royal et les frères du roi ne datait pas de 1789. Monsieur, comte de Provence et plus encore Artois méprisaient leur aîné et haïssaient Marie-Antoinette, qu’ils accusaient de dominer son époux et de faire prévaloir l’option autrichienne en politique étrangère, que Vergennes s’était évertué à contenir dans de justes limites. Dans l’émigration, les princes pouvaient user d’une totale liberté de parole, à la différence de Louis XVI guetté dans ses moindres faits et gestes par une opinion parisienne de plus en plus hostile, méfiante et menaçante. À Londres, à Turin puis à Coblence, le parti des princes devint de plus en plus ultra, plus royaliste que le roi, adversaire déclaré de la moindre concession ou réforme dans le domaine des privilèges et de la constitutionnalisation du royaume. Il convenait de lutter sans équivoque contre les révolutionnaires, de refuser ce qui était envisagé, dans le meilleur des cas, comme un double jeu de la part de Louis XVI et de la reine, dans le pire des cas comme une lâcheté insigne des souverains. À Turin, où Artois s’était réfugié chez son beau-père Victor-Amédée III, le comité du prince était composé de jusqu’au-boutistes, le prince de Condé et son fils le duc de Bourbon, le marquis Armand-Louis de Sérent, gouverneur des ducs d’Angoulême et de Berry et l’abbé Marie, leur précepteur, le comte Antoine-Joseph de Beaumont d’Autichamp, le marquis François-Louis Bégon de La Rouzière, député de la noblesse de Riom, au Piémont depuis septembre 1789, et un peu plus tard, l’évêque d’Arras, Louis-François-Marc-Hilaire de Conzié et Calonne, revenu de Londres et arrivé à Turin le 10 novembre 1790, promu véritable ministre de l’émigration. En janvier 1791, les émigrés, devenus indésirables à la cour de Piémont, quittèrent l’Italie pour l’Allemagne rhénane. Le conseil des princes, toujours aussi ultra et très mal informé de la situation intérieure française, s’installa à Coblence au château de Schönbornlust mis à sa disposition par l’archevêque-électeur de Trêves, Clément-Venceslas de Saxe, oncle des comtes de Provence et d’Artois ; autour d’eux siègeaient le prince de Condé, Calonne, âme du conseil, Conzié, chancelier, le prince Karl-Heinrich-Otto de Nassau-Siegen, le comte Joseph-Hyacinthe-François de Paule de Rigaud de Vaudreuil, ami intime du comte d’Artois, chargé de la guerre, le duc Victor-François de Broglie, maréchal de France, organisateur de l’armée, le marquis Arnail-François de Jaucourt, colonel des Dragons de Condé. Tout ce monde s’illusionnait beaucoup sur les appuis qu’il pensait trouver en France dès que leur troupe y aurait pénétré et sur l’aide armée inconditionnelle que les souverains étrangers apporteraient à leur cause, comme si la lutte contre la Révolution avait fait taire comme par magie les vieux antagonismes du temps de l’Ancien Régime, la rivalité franco-anglaise sur les mers et outre-mer ou l’antique animosité des Habsbourg envers le royaume de France. Il prônait la méthode dure, le refus par Louis XVI de toute concession, sans grande considération pour les dangers quotidiens auxquels était exposée une famille royale qui aurait dû fuir depuis longtemps. Les atermoiements de Louis XVI et la politique de Marie-Antoinette étaient rendus responsables du peu d’enthousiasme que les souverains étrangers, l’empereur Léopold en tête, mettaient à secourir la cause royale15. Ce parti considérait les monarchiens comme aussi dangereux que les jacobins16. Le comte d’Artois, arguant du fait que son frère était mis dans l’impossibilité d’exercer une volonté libre, prétendit parler en son nom en s’attribuant des pouvoirs qui furent immédiatement contestés ; il se proclama à Turin chef du gouvernement de la France extérieure, multiplia les déclarations incendiaires, faisant bon marché des périls auxquels il exposait le roi et la reine. Était-il pour autant prêt à les sacrifier, comme on l’a prétendu ? L’entourage du prince s’exprimait avec plus de sévérité encore. Le comte de Vaudreuil écrivait à Artois que « le roi a[vait] toujours l’air d’être de moitié dans tout ce qu’on fai[sai]t contre lui »17. L’affaire Favras, menée de bout en bout par Monsieur, avait déjà démontré la légèreté de certaines initiatives. Louis XVI dut prier le roi de Piémont-Sardaigne et l’empereur de calmer les exaltés de Turin et de Coblence. Lors de la rencontre à Mantoue, Léopold II obtint du comte d’Artois l’abandon d’une invasion de la France qui aurait immanquablement déclenché une guerre civile et mis la vie des souverains en danger.

4Il n’est pas question ici de trancher en ce qui concerne la politique de Louis XVI, en particulier ce qui ressortit aux mesures contre les émigrés. Le roi les prit-il de lui-même ou sous la contrainte des radicaux de l’Assemblée nationale puis de la Législative ? Quoi qu’il en soit, les souverains étaient très conscients du danger que la politique belliqueuse et souvent irresponsable des princes, non dépourvus d’ambitions personnelles, leur faisait courir. Après Varennes, les triumvirs, Barnave, Alexandre de Lameth et Duport eurent l’oreille des souverains et surtout de la reine : le roi devait se déclarer pour la constitution, faire rentrer les princes et les émigrés, obtenir de l’empereur Léopold II une reconnaissance de la constitution. Ce fut le temps, au second semestre 1791, où Marie-Antoinette, que son animosité pour Artois poussait à considérer que l’émigration était le plus grand ennemi du trône et qui ne voulait pas devoir son salut à ces gens-là, entretint avec Barnave une relation politique ambiguë, doublant sa correspondance avec Mercy-Argenteau, retiré à Bruxelles et avec son frère l’empereur, toute inspirée des recommandations de Barnave, de missives encore plus secrètes où elle avouait que là n’était pas son style, qu’elle cédait aux triumvirs parce qu’elle n’avait personne d’autre sur qui s’appuyer, et que l’essentiel était de gagner du temps jusqu’à la convocation d’un congrès des puissances unies, appuyé à l’arrière par des concentrations armées et chargé de remettre de l’ordre dans le royaume de France18. La prudence de la cour des Tuileries était partagée par quelques émigrés comme Bouillé, héros malheureux de la fuite de Varennes, qui ne prirent pas pour argent comptant la déclaration de Pillnitz, cette « comédie auguste » (Mallet du Pan), dont ils considéraient les menaces comme des rotomontades et qui ne laissaient pas de dénoncer la propagande des émigrés quand ils se targuaient du mauvais état de l’armée française et de la victoire facile que remporteraient des troupes régulières sur les cohortes révolutionnaires. Breteuil, honoré de la confiance indéfectible de Louis XVI, partageait des vues semblables. Même si ces quelques figures étaient très isolées dans le milieu de l’émigration, on ne laissait pas de craindre à Coblence l’influence des agents de Breteuil, dont on soupçonnait que ses arguments de prudence n’entraient que trop bien dans les vues de Léopold 1119.

5Tel était donc le contexte de la présence simultanée du comte Esterhazy et du marquis de Bombelles à Pétersbourg pendant le premier semestre de 1792, chacun tenant pour un parti, adversaires déclarés, alors qu’auparavant ils avaient été liés par l’estime et même l’amitié. Les relations entre les deux hommes étaient anciennes. Bombelles avait commencé sa carrière militaire dans le régiment de Berchény, autre Hongrois, et il retrouvait parfois dans la propriété du comte à Luzancy20 le comte Esterhazy ; c’est même dans la berline de ce dernier qu’il se rendit le 27 novembre 1785 dans cette campagne, saisissant « cette occasion de causer à [s]on aise avec un bon, un estimable et un bien ancien ami »21. Le 30 décembre 1786, le marquis fit entrer l’aîné de ses fils, Louis, dans le régiment d’Esterhazy pour faire « ses premières armes sous la conduite d’un des meilleurs généraux qu’ait le Roi »22. Bombelles, solliciteur né, n’hésita pas à utiliser le crédit dont Esterhazy disposait auprès de Marie-Antoinette pour tâcher d’obtenir en 1782 l’ambassade de Constantinople23, deux ans plus tard celle de Lisbonne24 et en janvier 1789 une gratification de 20000 livres du secrétaire d’État aux Affaires étrangères, le comte de Montmorin Saint-Hérem25. Bombelles n’en gardait pas moins ses opinions, surtout dans le domaine de la politique extérieure. Esterhazy, moins parce que ses origines le faisaient pencher pour la cour de Vienne26 que par attachement à Marie-Antoinette, semblait gagné par le lobby autrichien hostile à Vergennes ; Bombelles, qui n’avait pas de raison particulière de s’intéresser personnellement au ministre, considérait néanmoins que Vergennes avait bien défendu les intérêts de la France contre les ambitions de Joseph II lors du projet d’échange des Pays-Bas contre la Bavière et les tentatives d’ouverture de l’Escaut, et que lui ôter son portefeuille ne manquerait pas d’être porté au démérite de la reine27.

6La rupture entre les deux hommes fut graduelle. Si Esterhazy fut dès son émigration rallié au parti du comte d’Artois, tout en conservant dans sa correspondance privée une liberté de ton28, Bombelles fut plus lent à rompre avec celui qui, que cela plaise ou non, était le chef de l’émigration. Il reprochait principalement au comte d’Artois d’être entouré de gens incapables, insouciants et mauvais conseillers29, à l’exception peut-être du marquis de Sérent30 qui faisait néanmoins trop confiance à l’abbé Marie31. « En tout, ce Conseil de Turin est beaucoup trop faible pour la besogne dont il est chargé » notait Bombelles à la date du 18 mai 179032. Le secret des décisions n’était pas conservé et là était la cause de nombreux échecs33. Il se méfiait du chevalier Marc-Antoine Le Méré de Fontbrune, agent secret de liaison entre les Tuileries et le comte d’Artois qui avait réussi à capter la confiance des souverains et du frère du roi, et qui parcourait l’Europe à la recherche de subsides pour la cause de la contre-révolution34. Alors que le comte d’Artois jouait au va-t-en guerre depuis son exil de Turin, Bombelles tâchait de se mettre à la place de Louis XVI, tout en ayant de temps à autre des accès de découragement devant les défauts de caractère du souverain. S’il partageait les vues du cardinal de Bernis, ambassadeur à Rome, sur le fait que « le séjour forcé du Roi à Paris exige[ait] les plus grands ménagements »35, il incriminait, tout en souffrant d’en faire l’aveu36, la faiblesse de Louis XVI qui l’avait amené à la captivité des Tuileries37. Ce catholique fervent fut particulièrement outré de la sanction que le roi donna au décret imposant le serment civique au clergé, décision par laquelle « le Roi s’alièn[ait] le cœur de ses plus zélés serviteurs par l’accès qu’il donn[ait] aux plus funestes conseils »38. Pour lever toute ambiguïté, il conseillait au printemps de 1790 dans une lettre au comte d’Artois la fuite du roi dans les délais les plus brefs39. Cela dit, Bombelles était, dans le fond de son caractère, un royaliste légaliste au service de son maître et il suffit qu’il reçût quelques lignes bien anodines de Louis XVI pour que son zèle, qui n’avait jamais faibli, fût encore stimulé et s’exprimât dans des accents naïvement émouvants40. Aussi tout en continuant à servir le comte d’Artois dans sa collecte de fonds en Italie, en rencontrant l’empereur Léopold II à Adelsberg en Carniole les 26 et 27 juin 1790, en rédigeant les instructions du marquis de La Rouzière que le comte d’Artois envoyait à la Diète de Ratisbonne41, en s’entremettant pour ménager une entrevue entre Léopold II très réticent d’une part, le comte d’Artois et Calonne de l’autre42, il prit immédiatement ses distances dès que le bruit courut qu’on « voudrait interdire le souverain pour le mettre sous la régence de M. le comte d’Artois »43 et il écrivit de la façon la plus catégorique à ce dernier, en septembre 1790, pour l’inciter à « repousser toute insinuation, toute adroite ou spécieuse qu’elle fût, relativement à lui confier dans le royaume une autorité prise aux dépens de celle du Roi »44. Un moment, sous le coup de la sanction donnée par Louis XVI au serment du clergé, ce pieux diplomate pensa que le comte d’Artois devait prendre acte du fait que son frère n’était plus libre et protester publiquement contre les décrets qui menaçaient la religion d’une ruine entière et livraient la France à la plus terrible anarchie45. Dans une lettre au baron de Breteuil qui avait fait parvenir au comte d’Artois une missive fort dure où il lui intimait de se rapprocher de la reine, de cesser toute démarche aventureuse tendant à une contre-révolution et de se séparer de Calonne, Bombelles prit même la défense du prince, s’étonnant « que la Reine conserve des inquiétudes sur l’ambition de M. le comte d’Artois » et insinuant que la contre-révolution eût pu être « couronnée de succès si Leurs Majestés, rendant une entière justice à M. le comte d’Artois, lui donnaient les moyens de leur être utile »46. Bombelles en retour se fit tancer vertement par le baron de Breteuil, très opposé aux manœuvres d’Artois et de Calonne et il fut alors convaincu que la source unique de la volonté monarchique était ledit baron lorsqu’il reçut, le 29 mars 1791, notification d’un document majeur et confidentiel, les pleins pouvoirs conférés par Louis XVI au baron de Breteuil le 20 novembre 1790, pour traiter avec les différentes puissances pour le rétablissement de l’autorité royale et le bonheur des peuples47. Dès lors, Bombelles se rangea catégoriquement dans le parti de la cour et l’entrevue qu’il eut avec le comte d’Artois le 20 avril 1791 à Venise fut orageuse, le prince, plus fâché que cela ne lui était encore arrivé, accusant Bombelles de « soumission servile aux volontés du Roi » et le marquis répliquant « que des soumissions... conditionnelles ressemblaient fort à la désobéissance »48. Et même si le comte d’Artois continua à utiliser Bombelles pour les relations avec l’empereur, la confiance n’existait plus. Ce qui provoqua une rupture définitive, ce fut une lettre que Bombelles, rendu à Florence pour y rencontrer Léopold II (avril 1791), adressa à ce dernier, où il déclarait que la fidélité à Louis XVI passerait toujours avant le service du comte d’Artois49. Le contenu de la missive finit par être connu du prince qui en fut particulièrement irrité50 et l’entrevue qui eut lieu à Vicence au début de mai entre les deux protagonistes fut orageuse, le prince allant même jusqu’à dire à Bombelles que dans les circonstances présentes, le roi, c’était lui51. Calonne, présent lors de la confrontation, accusa Breteuil de traîtrise de ne pas avoir fait connaître au comte d’Artois les pleins pouvoirs qu’il avait reçus de Louis XV152. À partir de ce moment, Bombelles qui avait voulu un temps réconcilier les deux partis, redevint le fidèle exécutant de la diplomatie du baron de Breteuil auprès duquel il se rendit à Soleure au mois de mai 1791 et dont il fut l’ambassadeur itinérant auprès de Léopold II à Crémone et à Padoue les 22 et 23 mai, tout comme il fut le messager de Marie-Antoinette auprès de son frère en lui faisant tenir à Milan le 4 juin une lettre où elle l’informait du projet de fuite préparé par Breteuil, Bouillé et X... (il s’agissait de Fersen, et ce sera Varennes). L’empereur, auquel sa sœur avait intimé l’ordre de ne mettre sa confiance qu’en Breteuil et Bombelles, se servit également du marquis pour correspondre avec les Tuileries. La correspondance de Madame de Bombelles se fit l’écho de la dégradation des relations de son époux avec le comte d’Artois et énonça des jugements de plus en plus sévères sur le prince, esprit léger et chimérique livré à de néfastes conseillers : « La droiture de ses intentions, la justesse même de ses idées sont parfaites ; mais n’ayant pas la capacité extraordinaire et sublime qu’il lui faudrait pour diriger à lui seul tous les ressorts qui sont à employer, il serait de la plus urgente nécessité qu’il fût mieux conseillé53 » ; « Il n’a pas le génie qui serait nécessaire à sa position et il se laisse conseiller par M. de V [Vaudreuil] et M. de C. [Calonne], qui sont des cerveaux brûlés54. »

7Le fiasco de Varennes ouvrit une nouvelle phase dans l’histoire de l’émigration. Un nouvel acteur se mit sur les rangs, Monsieur, comte de Provence, qui, lui, avait réussi sa fuite et notifia le 2 juillet 1791 au baron de Breteuil qu’il détenait des pouvoirs de Louis XVI qui rendaient caducs ceux de l’ancien ministre. Bombelles, très désemparé par l’échec de Varennes, par l’acceptation de Louis XVI de devenir un roi constitutionnel, par la crise politique au sein des milieux dirigeants de l’émigration, doutait de tout. Il n’avait aucune confiance dans la « pospolite de Coblence », et ne savait « de quelle manière on p[ouvai]t et on d[eva]it servir le Roi, sur la politique à suivre »55. Il ne plaçait ses espoirs ni dans l’Angleterre, toute à sa revanche sur la France, ni dans le roi de Prusse, ni dans les souverains Bourbons d’Espagne et d’Italie, encore moins dans l’empereur qui, selon lui, n’agirait que poussé par Catherine II, car on savait, depuis Joseph II, « combien le cabinet de Petersbourg a conservé d’ascendant sur celui de Vienne au milieu de toutes les vicissitudes de la politique... L’Empereur a moins de caractère qu’on ne lui en suppose... L’Impératrice est très propre à lui faire cette violence »56. Aussi ne dut-il pas être réticent lorsque, convoqué à Bruxelles par Breteuil à la fin de décembre 1791, le baron lui confia une mission secrète à Pétersbourg auprès de Catherine II. Bombelles avait déjà été en relation épistolaire avec la souveraine pour la remercier des bontés qu’elle avait eues pour son frère Alexandre-Fortuné, dit Basile, enrôlé dans l’armée russe en 1787 et qui s’était signalé au siège d’Otchakov. Parti de Bruxelles le 31 décembre, le marquis de Bombelles arriva dans la capitale russe le 25 janvier 1792.

8Il y avait été précédé par Esterhazy, dépêché par les Princes. Arrivé le 15 septembre 1791, le comte hongrois avait eu le temps et l’habileté de s’attirer les grâces de l’impératrice dont on sait, par ailleurs, le profond mépris qu’elle avait pour Louis XVI, tout en n’étant pas une inconditionnelle des gens de Coblence jugés souvent futiles et dépensiers. Ce n’est guère qu’après sa visite à Pétersbourg en mars-avril 1793 qu’elle changera d’avis sur le comte d’Artois, « un excellent cœur, une intelligence rapide, du bon sens »57. Au tout début de son séjour, Esterhazy entra aussi dans la familiarité du grand-duc Paul58. L’émissaire des princes avait donc une bonne longueur d’avance sur Bombelles. Il s’agissait pour ce dernier de rattrapper le temps perdu et de combattre les préventions des milieux de la cour qu’Esterhazy entretenait. Le comte hongrois n’avait aucune indulgence pour Louis XVI et à l’automne 1791, stigmatisait son comportement dans une lettre à Axel de Fersen, qui était de l’autre camp : « Expliquez-nous le peut-être du roi : s’il est de bonne foi, il se voue à l’avilissement aux yeux de son siècle et de la postérité et, s’il se trompe, il en fait trop pour pouvoir être justifié par la nécessité ou le danger... Je voudrais, du moins, qu’il prouvât, par une apparence de résistance, qu’il est forcé à toutes les démarches humiliantes que l’on exige de lui. Cela donnerait des armes à ceux qui veulent le servir, même malgré lui, et n’autoriserait pas l’inaction des faibles qui ne demandent qu’un prétexte59. » L’animosité réciproque des deux envoyés fut immédiate, en dépit de leur ancienne amitié. Dès le 27 janvier, prévenu par l’ambassadeur de Suède, le baron de Stedingk, de l’humeur qu’il causait à Esterhazy, Bombelles alla voir ce dernier qui le reçut « avec la politesse qu’on aurait pour un homme qu’on verrait pour la première fois de sa vie » ; le marquis rappela au comte tout ce qu’il devait à Marie-Antoinette et que si les souverains à Paris « ne concertaient pas toutes leurs démarches avec les Princes, ceux-ci ne devaient s’en prendre qu’à l’incurable indiscrétion de leurs entours »60. Le 6 février, Bombelles fut favorisé d’une audience de deux heures à l’Ermitage et tâcha de désarmer les préventions de l’impératrice contre tous ceux qui, selon elle, par « de timides réflexions et des menées malignes [avaient] enchaîné la valeur des Princes et de la noblesse rassemblée autour d’eux » et empêché le retour triomphal de Louis XVI à Versailles. Le résultat de l’entretien fut modeste, Bombelles se flattant « d’être moins éconduit qu’[il] ne devai[t] le craindre en combattant pour la première fois des préventions anciennes, et fortifiées depuis six mois par tous les contes habillés de la façon du trop éloquent M. de Calonne »61. La partie s’annonçait rude, d’autant plus que les faveurs s’accumulaient sur Esterhazy dont le fils venait d’obtenir une place de cornette assortie de 1 000 ducats pour s’équiper62. Bombelles fit sa cour aux divers ministres, au vice-chancelier Ostermann qui l’assura que l’impératrice ne séparerait jamais la cause du roi de celle des princes dont Esterhazy était le ministre63, et auquel il fit tenir des notes sur les causes du différend entre Louis XVI et ses frères64, et surtout à l’ultime et très médiocre favori de Catherine II, Platon Zoubov, malgré toute la répugnance qu’il en avait65. Il dut aussi lutter contre le crédit dont disposait l’ambassadeur de Vienne, le comte Louis de Cobenzl, en poste en Russie depuis 1779, et qui répandait à l’envi que l’inaction de l’empereur n’était due qu’aux réticences de sa sœur à le voir intervenir66. Alors qu’Esterhazy quittait Pétersbourg pour Moscou le 19 février (il fut de retour dès le 4 mars), un nouvel adversaire surgit en la personne du prince de Nassau-Siegen, aventurier des mers – il avait fait le tour du monde avec Bougainville –, officier au service de la France puis de l’Espagne avant de devenir amiral de la flotte russe et émissaire des princes, appelé en renfort ; il était passé précédemment par Vienne et Berlin et était porteur d’un mémoire de Calonne pour l’impératrice où le ministre présentait les frères du roi comme les seuls pouvant le sauver de sa faiblesse67. Bombelles eut de nombreux entretiens avec lui pour lui enlever ses préjugés contre la politique du baron de Breteuil ; mais le prince était très versatile et l’on n’était jamais sûr de rien68. Bombelles eut sa seconde et dernière entrevue avec Catherine II le 17 mars 1792 et en retira une impression très négative. Elle, l’impératrice, avait facilement triomphé de Pougatchev et en huit jours, elle serait venue à bout des troubles de France ; la politique contradictoire des Tuileries avait empêché feu l’empereur d’agir (Léopold était mort le 1^er mars) et il fallait attendre les volontés de son successeur ; porter des troupes russes jusqu’au Rhin n’était pas une entreprise facile et la France ruinée n’était pas en mesure de satisfaire aux frais des puissances qui viendraient à son aide... Bref il n’y avait rien à tenter dans les cinq mois à venir. Bombelles s’interrogeait in fine sur ce délai : s’agissait-il d’attendre que le nouvel empereur François II donnât sa mesure ou bien plutôt se flattait-on « qu’en cinq mois on aura[it] donné de nouvelles lois à la Pologne »69 ? Catherine II, on le sait, se targuait d’être à la pointe du combat contre-révolutionnaire en réduisant d’abord la « jacobinière varsovienne »... Le marquis de Bombelles estima alors qu’il n’avait plus aucune chance d’obtenir quoi que ce soit et il demanda son rappel au baron de Breteuil en recommandant pour son successeur François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest, qui avait tenu les ambassades de Lisbonne, de Constantinople et de La Haye, avait été « avant l’arrivée d’Esterhazy de la société intime de l’Impératrice » et saurait très bien se débrouiller dans un milieu déconcertant où tout marchait par l’intrigue : « Je connais les inconvénients du comte de St-Priest, mais ils ne peuvent pas nuire à Pétersbourg. Plus il trigaudera, mieux ce sera dans un pays où tout va par commérages, où rien ne suit une marche réglée, où tout dépend du caprice de la souveraine70. » De Bruxelles, le baron de Breteuil qui se doutait des difficultés de Bombelles, expédia à Pétersbourg un nouvel émissaire en la personne du chevalier Jean-Antoine de Belsunce, que Grimm avait recommandé à Catherine II et dont le massacre à Caen le 14 août 1789 de son frère Henri, le fiancé de Charlotte Corday, était bien propre à disposer en sa faveur la souveraine. Cette nouvelle tentative n’eut pas grand résultat. Le 26 avril, Bombelles annonçait qu’il avait reçu l’autorisation de se retirer lorsqu’il le croirait à propos ; il avouait que sa mission n’avait pas été assez calculée « et que de cette première faute étaient dérivés les inconvénients qu’[il avait] rencontrés à chaque pas »71. Il se résignait à quitter la Russie avec le sentiment de l’échec, atténué néanmoins par la conviction que, quoiqu’il arrivât, Catherine II n’était guère disposée à intervenir dans le conflit qui venait de s’ouvrir par la déclaration de guerre de la France au roi de Bohême et de Hongrie. Le favori Zoubov la renforçait dans l’idée qu’il y avait tout à perdre en s’aventurant sur le Rhin alors qu’il y avait tout à gagner sur la Vistule72. En tout état de cause, le contingent russe ne rejoindrait les troupes autrichiennes « qu’à mesure que la Pologne se rangera au devoir prescrit par l’Impératrice », laquelle aurait confié au prince de Nassau-Siegen « que la peau était plus près que la chemise ; la peau est celle des Polonais qu’on se propose d’écorcher le plus que l’on pourra, la chemise est cette pauvre France qu’on laissera lessiver à la manière autrichienne et prussienne »73. Au même moment, en dépit du changement de monarque et de la guerre déclarée, le gouvernement de Vienne demeurait fort tiède, plus préoccupé, semblait-il, des « bons nantissements des dettes qu’il allait contracter pour remettre le roi de France sur son trône » que d’élaborer des plans de guerre74. Bombelles eut son audience de congé à Tsarkoié-Selo le 13 juin ; il fut reçu par Catherine II « avec l’air de quelqu’un qui, en vous saluant poliment, vous avertit de ne pas rester trop longtemps »75 et il quitta la Russie le 27 juin pour la Suède puis Bruxelles où il arriva le 20 août 1792. Dans une lettre à Grimm du 17 août, l’impératrice exprima son soulagement d’être débarrassée « de l’intrigant et petit méchant Bombelles... présentement employé du baron de Breteuil... tout comme plusieurs autres pâtissiers d’intrigues, de façon que Sa Majesté et la Reine son épouse sont parfaitement discrédités par l’emploi des doubles, triples et quadruples employés de leur vouloir ou non vouloir »76. Esterhazy demeurait maître du terrain. Il accueillit le comte d’Artois en mars 1793 et eut le rôle d’un ambassadeur occulte de Monsieur qui s’était déclaré régent pendant la minorité de Louis XVII. Il fit partie avec quelques autres émigrés, de la cabale qui voulut et réussit en 1795 à éloigner du grand-duc Alexandre et de ses frères leur précepteur le Suisse Frédéric-César de La Harpe, considéré comme un dangereux jacobin77. Il fut question qu’il supervise les travaux d’installation des soldats de l’armée des princes licenciée, que Catherine II voulait caser sur les bords orientaux de la mer d’Azov à l’extrémité du Kouban ; le projet avorta78. Doté par la souveraine de domaines en Volhynie, il eut quelque peine à en prendre possession79. Jusqu’à la fin du règne, il fut un courtisan attitré que Bombelles se faisait un plaisir d’épingler80. Sa faveur passa avec l’avènement de Paul I^er et il s’éloigna alors de la capitale.

9Ni Esterhazy, ni Bombelles n’avaient réussi à amener Catherine II à une action décisive en faveur de la contre-révolution. La rivalité des deux protagonistes n’avait pas fait avancer, à Pétersbourg, la cause des émigrés, comme le craignait Madame de Bombelles81. Mais la raison principale n’était pas là. L’impératrice profitait de la situation en France et de la mollesse du cabinet de Vienne pour pousser ses pions en Pologne ; le sauvetage de la monarchie française viendrait après... En revanche, l’épisode péterbourgeois est révélateur des tensions extrêmes qui existèrent à l’intérieur des milieux de l’émigration. Derrière Esterhazy et Bombelles se dressaient Calonne et Breteuil. Les choix du premier par le comte d’Artois et du second par Louis XVI furent malheureux. Le passage de Calonne au contrôle général des finances avait suscité des haines profondes et durables dans les milieux de robe et le clergé ; Marie-Antoinette lui gardait rancune de son attitude lors de l’affaire du collier82. Le personnage, à côté d’indéniables qualités d’intelligence, de finesse, de rapidité dans la conception, de sagacité dans l’invention des moyens, était un brouillon plus brillant que solide, négligent et inexact dans l’exécution, trop sûr de lui, intrigant, avide d’argent83. Le baron de Breteuil avait été un habile diplomate et on ne peut lui enlever l’indéfectible fidélité qu’il voua à son roi. Mais il était peu susceptible de compromis, jaloux des pouvoirs exclusifs qu’il tenait de son maître et il était totalement brûlé auprès de Catherine II, car, au moment du coup d’État contre Pierre III, il s’était tenu en dehors du complot et avait refusé un prêt aux frères Orlov. Quel qu’ait pu être son émissaire à la cour de Saint-Pétersbourg, il était à l’avance voué à l’échec. In fine, on peut se demander si l’abondance d’émissaires issus de l’émigration à Saint-Pétersbourg, car en sus d’Esterhazy et du marquis de Bombelles, séjournèrent aussi plus ou moins durablement Saint-Priest, le baron de Bombelles, frère du marquis, le comte de Sombreuil, le duc d’Artois en personne en 1793, un peu plus tard Calonne, ne servit pas à brouiller les pistes, l’impératrice payant tout ce monde de bonnes paroles et s’abritant derrière les profondes et cruelles divisions de l’émigration pour ne rien faire, comme le pronostiquait Madame de Bombelles. Quelques subsides en roubles, quelques domaines éloignés, des pelisses de martre et de zibeline, des épées d’honneur, voilà qui ne coûtait pas trop cher en regard des bénéfices territoriaux considérables qui étaient attendus en Pologne.